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JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°6 – SEPTEMBRE-OCTOBRE-NOVEMBRE 2006
Une nouvelle présidence pour l’EORTC:
de nouveaux défis à relever
Martine J.Piccart-Gebhart, MD, PhD
Présidente de l’EORTC depuis le 16 juin 2006
Martine Piccart vient d’être nommée pré-
sidente de l’EORTC. Elle nous livre son pro-
jet de reorganisation
L’EORTC!* En tant que jeune médecin en
formation en cancérologie,je n’avais que
quelques pas à faire pour m’y plonger, et
vivre cette atmosphère fébrile de combat
contre la maladie rassemblant des cancé-
rologues de différents horizons et de dif-
férentes disciplines, des statisticiens bril-
lants et à l’écoute des problèmes,des data
managers passionné(e)s par leur travail !
Je mesure mieux encore ce jour la chance
qu’a représenté pour moi une participa-
tion très précoce aux études de l’EORTC,
dont les locaux, à l’époque, étaient situés
dans l’enceinte de l’Institut Jules Bordet.
Encouragée par des maîtres à penser remar-
quables,qui ont grandement contribué à la
fondation et au développement de l’EORTC,
Henri Tagnon (co-fondateur de l’EORTC avec
le professeur Georges Mathé), Jean-Claude
Heuson (Président du groupe EORTC cancer
du sein de 1972 à 1975) et Marcel Rozencweig
(Fondateur de l’Early Clinical Trials Group),
j’ai pu apprécier la richesse de l’approche
pluridisciplinaire du cancer et le potentiel de
progrès considérable que représentent des
études cliniques randomisées bien condui-
tes c’est-à-dire multidisciplinaires et inter-
nationales.
Au travers de mes fonctions successives de
secrétaire du groupe des cancers gynécolo-
giques, présidente du groupe «cancer du
sein», présidente de la division thérapeuti-
que de l’EORTC et vice-présidente de l’EORTC,
j’ai appris mon métier d’investigateur et de
coordinateur de vastes recherches inter-
nationales.
Je voue donc à cette organisation une re-
connaissance et une affection toutes par-
ticulières…
Que pourra être ma modeste contribution
à l’essor de l’EORTC de 2006 à 2009 ?
L’organisation est sortie rapidement d’une
crise financière grâce au leadership admi-
rable d’Alexander Eggermont et du Direc-
teur Général de l’EORTC (Françoise Meunier)
avec la collaboration exemplaire du staff
du Data Center.Vue avec un peu de recul,
cette crise fut probablement bénéfique:elle
a incité à une remise en question,au besoin
de redéfinir des objectifs clairs ainsi que les
moyens de les atteindre.
Le Board de l’EORTC a donc été amené à
établir une nouvelle stratégie et sa liste de
priorités. Il a demandé à ses groupes thé-
rapeutiques,centrés sur les cancers parti-
culiers,de faire de même.
L’organisation a aussi pris conscience du
«vieillissement» de ses cadres: plusieurs
actions ont été entreprises pour motiver
de jeunes talents à s’impliquer d’avantage
dans la recherche de l’EORTC.
J’aimerais,avec l’aide enthousiaste du comité
exécutif (A. Eggermont,T.Tursz,C. Sternberg,
P. Schöffski, R. Stupp, I Stratford, F. Meunier),
aider l’organisation à relever d’autres défis
de taille,liés aux mutations importantes du
paysage politique européen,de la recherche
cancérologique en général et des progrès
impressionnants de la biologie moléculaire.
1. La carte des centres d’excellence de l’EORTC
s’est peu modifiée en 20 ans et le noyau de
l’organisation reste le Benelux! L’Europe,
quant à elle, s’est considérablement élar-
gie.J’aimerais encourager une ouverture
de l’EORTC vers la Scandinavie,l’Espagne,
le Portugal,l’Italie,et les pays de l’Est.
2.Pionnière en matière de recherche clini-
que il y a 30 ans, elle doit aussi faire face,
comme tout autre réseau de recherche
clinique européen,à une bureaucratie ren-
forcée imposée par les législations qui
représente un frein à l’activation d’essais
cliniques transfrontaliers et donc une
menace réelle pour la collaboration inter-
nationale. J’aimerais aider l’EORTC à
développer de nouveaux modes de colla-
boration à grande échelle, qui existent
déjà pour des cancers solides comme le
cancer du sein, tout en renforçant les
performances de l’organisation dans les
tumeurs rares, telles les sarcomes,méla-
nomes et tumeurs cérébrales, où elle
rencontre peu de «compétition».
3. L’EORTC se doit de jouer aujourd’hui un
rôle pionnier et visionnaire dans la tran-
sition de l’oncologie empirique vers l’on-
cologie moléculaire. Ceci suppose un
changement radical de structure, car
cette transition ne peut s’opérer qu’au
travers d’un dialogue étroit entre cher-
cheurs de laboratoire et chercheurs cli-
niciens. La création récente du réseau
«NOCI» (Network of the Core Institutions)
est une première réponse à ce «défi».xx
Ce réseau d’excellence repose sur les
Institutions de l’EORTC qui remplissent
les 3 critères suivants:
1) longue fidélité à l’EORTC avec recrute-
ment important de patientes dans les
essais cliniques, 2) expertise internatio-
nalement reconnue en recherche clini-
que,3) infrastructure adéquate pour la
recherche translationnelle.XXXXXXXX
XXXXXXXXXXXXX
De part sa plus petite taille, ce réseau-
devrait être à même de mettre sur pied,
en des temps courts, des études trans-
lationnelles innovatrices permettant 1)
de définir rapidement où se situe le poten-
tiel d’un nouveau médicament ciblé, 2)
de piloter des concepts thérapeutiques
«personnalisés» nouveaux.
Je compte consacrer beaucoup d’énergie au
développement de NOCI car son succès
dépendra des facteurs suivants:
1.Implication de jeunes cancérologues et
chercheurs dans ses activités.
2.Mise en place d’un soutien logistique
performant au sein du Data Center (acti-
vation rapide des protocoles et des contrats,
souplesse dans la distribution du travail
de data management).
3. Établissement d’un contrat de collabo-
ration entre les institutions «NOCI» qui
évitera des conflits relatifs à la propriété
intellectuelle.
4.Rédaction,en collaboration avec l’indus-
trie pharmaceutique,de contrats «types»
susceptibles d’apporter des solutions
acceptables de part et d’autre en matière
de propriété intellectuelle liée aux résul-
tats de la recherche translationnelle.
5. Maintien d’un cordon ombilical fort entre
NOCI et les groupes de l’EORTC: ceux-ci
gardent un rôle fondamental dans l’étude
de l’interaction optimale entre les diffé-
rentes disciplines du cancer (chirurgie,
radiothérapie,oncologie médicale),repré-
sentent un potentiel précieux de recrute-
COMMUNICATION
ment pour les études de phase III et consti-
tuent un réservoir de talents intellectuels.
Il sera donc important de veiller à une com-
munication de qualité entre les centres
«NOCI», les institutions ou départements
affiliés à l’EORTC et les groupes centrés sur
des cancers particuliers ainsi que le groupe
radiothérapie. NOCI devra également pou-
voir compter sur l’expertise de la «Research
Division» de l’EORTC qui regroupe des labo-
ratoires d’expertise pointue en pathologie,
imagerie fonctionnelle, biologie molécu-
laire,pharmacocinétique…
Nul doute qu’il faudra beaucoup d’énergie et
d’enthousiasme pour accomplir cet agenda
chargé, mais je suis confiante et optimiste:
l’EORTC est dirigé par Françoise Meunier,qui
lui voue une énergie sans limite, le Data
Center est animé par un personnel jeune et
enthousiaste et le nouveau Board est animé
d’une volonté de changement. ■
* European Organisation for Research
and Treatment of Cancer.
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Le Professeur Martine Piccart et le Professeur Françoise Meunier dans les locaux de l’EORTC,
avenue E.Mounier à Bruxelles.
Le programme de soins oncologiques multisites
(PSOM) IRIS-BORDET
Professeur Jean Klastersky
Dans le réseau IRIS,seul l’Institut Bordet
remplit les critères requis pour le pro-
gramme des soins oncologiques; moyen-
nant des accords portant sur des activités
spécifiques propres à l’Institut, comme,
notamment,la radiothérapie,le programme
de soins peut être également exploité au
CHU St Pierre,au CHU Brugmann et dans
l’entité HIS-Etterbeek/Ixelles. Les hôpitaux
HIS Molière (St Gilles), HIS Bracops (Ander-
lecht) et Paul Brien (Schaerbeek) sont dotés
d’un programme de base et affiliés aux pro-
grammes de soins oncologiques décrits ci-
dessus et dont la coordination a été confiée
à l’Institut Bordet.
De ce fait,il a été possible de constituer un
vaste programme de soins pour prendre en
charge des patients cancéreux par l’ensem-
ble des hôpitaux publics de Bruxelles;ce pro-
gramme repose sur un total de 2.331 lits hos-
pitaliers.Il est étroitement associé,sur le plan
académique,à l’Université Libre de Bruxelles.
Le PSOM IRIS-BORDET utilise un manuel mul-
tidisciplinaire d’oncologie commun comme
guidance pour les décisions thérapeutiques.
Il est piloté par un bureau au sein duquel
toutes les institutions participant au pro-
gramme sont représentées. Récemment,
le PSOM IRIS-BORDET a mis sur pied plusieurs
protocoles d’investigation clinique, dont le
but est d’accroître et d’intensifier les contacts
et les échanges entre tous les participants
au programme.
Le prochain défi du PSOM IRIS-BORDET sera
la réalisation d’un seul programme de soins
oncologiques selon la convention-cadre 2005
signée par l’ULB,IRIS,Erasme et le CPAS de
Bruxelles. Celle-ci postule la reconstruction
de l’Institut Jules Bordet (qui reste un hôpital
public) sur le campus de l’hôpital académi-
que de l’ULB,Erasme.Ce dernier a,pour l’ins-
tant,son propre programme de soins onco-
logiques et est affilié à d’autres programmes
semblables (Tivoli,Vésale et RHMS) ainsi
qu’avec divers programmes de soins de base.
Il faudra donc faire travailler ce vaste ensem-
ble selon les mêmes règles et critères médico-
scientifiques, la coordination se faisant par
le «New» Bordet,associé de manière étroite,
géographiquement et fonctionnellement,
avec l’Hôpital Erasme,sur le campus médical
de l’ULB.
Ce projet a une portée stratégique considé-
rable pour l’ULB;s’il réussit,il aboutira à la
création de l’ensemble oncologique le plus
important dans ce pays,avec les possibilités
majeures en matière de recherche clinique
qui y seront nécessairement liées. La réu-
nion d’un hôpital académique de pointe
(Erasme),d’un centre de cancérologie réputé
et expérimenté (Bordet) et d’un réseau d’hô-
pitaux généraux publics (IRIS) représente
une occasion extraordinaire pour une can-
cérologie d’excellence ouverte à tous. ■
Le PSOM IRIS-BORDET a été mis sur pied en novembre 2003, suite aux dispositions légales
exigeant que dans tout hôpital belge soit créé un «programme de soins de base en oncolo-
gie» ou un «programme de soins d’oncologie». Ce dernier représente une structure sus-
ceptible d’assurer la prise en charge complète de tout patient cancéreux et doit néces-
sairement travailler en collaboration effective avec un ou plusieurs programmes de base.