L’article 5 du Traité consacre en son alinéa 2, cette volonté d’institutionnalisation d’un droit
pénal des affaires dans l’espace OHADA, lorsqu’il dispose que « Les actes uniformes peuvent
inclure des dispositions d’incrimination pénale ; les Etats parties s’engagent à déterminer les
sanctions pénales encourues ». Quelques actes uniformes ont effectivement emboîté le pas au
Traité, en définissant les incriminations pénales.
Deux pays – le Sénégal et le Cameroun – ont élaboré et publié des lois portant répression des
infractions contenues dans certains actes uniformes. Quatorze Etats traînent encore le pas
quant à la fixation des peines applicables aux incriminations définies par le législateur
OHADA. Ces hésitation ou retards jettent un doute sur les sources et l’effectivité du droit
pénal OHADA. Certains fondamentaux du droit pénal tel que le principe de la légalité
connaissent ici un effritement perceptible.
Après une décennie d’application des actes uniformes, peut-on affirmer de manière
péremptoire qu’il existe un droit pénal des affaires spécifique à la communauté OHADA ?
Le droit pénal des affaires OHADA est-il fondamentalement différent du droit pénal des
affaires classiques ?
Ni un mythe illusoire, ni une réalité pleine, le droit pénal des affaires OHADA s’enracine au
fur et a mesure que le droit harmonisé lui-même prends corps, en dépit de nombreuses
fissures législatives et de moult difficultés rencontrées dans son application.
Cette « rencontre difficile mais inévitable » entre le droit OHADA et le droit pénal est source
d’ambiguïté. Elle est surtout la résultante d’un compromis entre le besoin d’assainir
l’environnement économique et la sauvegarde de la souveraineté des Etats.
Le poids de la souveraineté des Etats
Le droit pénal OHADA devait en principe, avoir ses sources dans les actes uniformes
OHADA. Or, les pères fondateurs de l’OHADA n’ont pas expressément mentionné la matière
pénale dans le champ d’harmonisation. Conséquence : on n’a pas consacré clairement un Acte
uniforme au droit pénal. On comprend que le droit de punir étant un attribut régalien relevant
de la souveraineté des Etats, il a semblé difficile de laisser au législateur OHADA, le soin de
fixer les incriminations et les sanctions. Il y avait un souci de protection de la souveraineté des
Etats parties au Traité.
Il faut rappeler que les Etats signataires de l’OHADA ont sans nul doute, consenti
d’abandonner une partie de leur souveraineté pour donner une chance à l’intégration
juridique. Cela n’a pas posé de difficultés majeures quand il s’est agit d’harmoniser le droit
des sociétés, le droit commercial... La délicate question portant sur le pénal semble avoir été
réglée par la formule laconique de l’art. 5 du Traité : « Les actes uniformes peuvent inclure
des dispositions d’incrimination pénale ».
L’histoire retiendra que le problème d’abandon de la souveraineté s’est posé dans toute son
ampleur, lors de la signature du Traité OHADA par le Sénégal en 1993 ; à l’époque, le
Conseil Constitutionnel avait été saisi pour se prononcer sur « l’inconstitutionnalité » du
Traité de Port-Louis. Les Hauts magistrats sénégalais avaient estimé que la signature du
Traité OHADA par le Sénégal n’emporte pas perte ou renoncement à la souveraineté, mais
une limitation de compétence qu’implique tout engagement international.
Visiblement, les Etats n’ont pas entendu immoler la totalité de leur souveraineté sur l’autel de
l’OHADA. Ils entendaient garder la main sur cet attribut essentiel de la souveraineté qu’est
l’exercice du DROIT
DE
PUNIR.