sain, leur activité de base est augmentée. Après un délai variable
suivant l’espèce étudiée, il a été mis en évidence une restaura-
tion de l’activité de ces neurones du côté atteint. Plusieurs théo-
ries sont avancées pour expliquer cette reprise d’activité au niveau
des neurones déafférentés.
Ainsi, les travaux de Gacek et de Lacour (2)ont montré des chan-
gements ultrastructuraux au niveau des synapses, au fur et à
mesure de l’installation de la compensation. Le rôle exact de cette
plasticité synaptique reste à préciser.
Par ailleurs, les neuromédiateurs impliqués au niveau des noyaux
vestibulaires ont été identifiés, tout comme les effets de leurs ago-
nistes et antagonistes sur la compensation. Ainsi, les modalités
d’action du glutamate, de neuropeptides ainsi que de l’histamine
et de ses agonistes ont été montrées (3, 4). Des modifications des
propriétés neuropharmacologiques des neurones vestibulaires ont
été évoquées pour expliquer la compensation, et l’effet favorisant
de différentes molécules sur celle-ci est utilisé en thérapeutique.
Cependant, pour expliquer la compensation tant dans ses aspects
statiques que dynamiques, il apparaît que des mécanismes plus
complexes, faisant intervenir d’autres structures que les seuls
noyaux vestibulaires, sont sollicités. Ce sont alors de nouvelles
stratégies qui sont développées par l’organisme. Les deux
modèles évoqués, en particulier par M. Lacour, sont la substitu-
tion comportementale et la substitution fonctionnelle. La notion
de substitution comportementale fait appel à des stratégies pré-
existantes ou nouvelles, qui viennent remplacer les informations
manquantes du fait de l’atteinte vestibulaire. Par exemple, cer-
tains travaux de A. Berthoz ont montré que le système saccadique
pouvait être mis en jeu à la place du système vestibulo-oculaire
défaillant pour assurer la stabilisation du regard. La substitution
fonctionnelle, et sensorielle, fait appel à l’utilisation des affé-
rences visuelles ou proprioceptives, selon les individus, pour res-
taurer la fonction d’équilibration. En pratique, le début précoce
d’une rééducation adaptée permet à ces mécanismes de substi-
tution de se mettre en place au plus vite.
La compensation vestibulaire est un modèle de plasticité du sys-
tème nerveux central. Elle met en jeu non seulement des phéno-
mènes locaux au niveau des noyaux vestibulaires, mais aussi des
stratégies comportementales ou sensorielles faisant intervenir
d’autres structures, comme le cortex. Grâce à la qualité de son
action, la plupart des patients présentant une atteinte vestibulaire
périphérique peuvent la compenser rapidement et devenir asymp-
tomatiques.
DIAGNOSTIC DE L’ATTEINTE VESTIBULAIRE
ET DE SON NIVEAU DE COMPENSATION
Face à un patient qui consulte pour des troubles de l’équilibre,
nous devons répondre à trois questions principales :
– Quel est le siège de l’atteinte ?
– Quelle est l’étiologie ?
– Quel est le niveau de compensation ?
Si l’étape clinique est essentielle, notamment en ce qui concerne
les deux premiers points, un minimum d’explorations est requis,
avec un bilan auditif et des épreuves vestibulaires.
Siège de l’atteinte et étiologie
Plusieurs études cliniques ont montré que le diagnostic étiolo-
gique des vertiges était bien avancé, sinon confirmé, dès l’étape
clinique (5). Celle-ci précise, bien entendu, les antécédents du
patient (otite chronique, traumatisme crânien, suivi d’un traite-
ment potentiellement ototoxique...) et les signes associés aux
troubles de l’équilibre (acouphènes, plénitude de l’oreille, fluc-
tuation auditive). Le déroulement des épisodes vertigineux oriente
lui aussi vers la pathologie en cause. Le bilan minimal comporte
une audiométrie, qui recherche une atteinte infraclinique, com-
plétée, au moindre doute sur une atteinte rétrocochléaire, par
l’étude des potentiels évoqués auditifs précoces du tronc céré-
bral (PEA). Les épreuves rotatoires et caloriques objectivent
l’atteinte périphérique et sa sévérité : hyporéflexie ou aréflexie.
Nous verrons qu’elles fournissent des renseignements sur le
niveau de compensation.
Trois groupes étiologiques principaux de troubles de l’équilibre
périphérique peuvent alors être individualisés :
– vertiges paroxystiques positionnels bénins (VPPB) : ils méri-
tent d’être individualisés d’emblée du fait de leur fréquence en
pratique quotidienne. Le diagnostic étant posé, le traitement
repose sur la manœuvre libératoire. La guérison est la règle et la
question de la compensation ne se pose pas, sauf en cas de patho-
logie associée, ce qui sera évoqué de principe si les troubles per-
sistent malgré un traitement bien conduit ;
– vertiges par atteinte périphérique “destructrice” : fracture du
rocher, névrite vestibulaire, ou tumeur. La compensation est la
règle. Elle est plus ou moins longue à s’établir, et des décom-
pensations secondaires sont possibles ;
– vertiges par atteinte périphérique “fluctuante”, dont le type est
la maladie de Ménière. La compensation est difficile à obtenir
car la réflectivité du labyrinthe atteint fluctue dans le temps, pou-
vant être strictement normale en dehors des crises. Quand un défi-
cit s’installe, le niveau de compensation est influencé par l’évo-
lution de la maladie et l’effet des traitements instaurés.
Appréciation du niveau de compensation
Elle repose tout d’abord sur des données d’interrogatoire. Au
mieux, le patient parfaitement compensé est totalement asymp-
tomatique. Il n’est pas rare que des patients “aréflexiques unila-
téraux”, par exemple après ablation chirurgicale d’un neurinome
de l’acoustique, ne soient gênés par aucun trouble de l’équilibre,
y compris lors des activités sportives sollicitant la fonction d’équi-
libration (ski par exemple). Quand le patient rapporte des troubles,
ceux-ci sont de niveau variable. Il peut s’agir d’épisodes d’insta-
bilité brève, en particulier dans les situations où les autres infor-
mations sensorielles font défaut, par exemple dans l’obscurité.
Dans d’autres cas, les symptômes sont permanents et leur reten-
tissement devient notable. La maladie de Ménière est une situa-
tion qui expose à des atteintes vestibulaires périphériques de sévé-
rité variable et dont l’évolution est imprévisible. La répétition
des crises et la sévérité de l’instabilité intercritique seront alors
précisées. Pour quantifier l’intensité des symptômes rapportés
par les patients, des échelles d’évaluation sont utilisées.
DOSSIER
18
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale - n° 250 - février 2000