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Vingt Fois Sur le Métier Remettre l’Ouvrage 
Lina Ben Rejeb 
Dates de l’exposition | 21.01 au 27.03.16 
 
« Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, 
Et les mots pour le dire arrivent aisément. 
 
Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage, 
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, 
Polissez-le sans cesse, et le repolissez, 
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. » 
 
(Boileau, Art poétique) 
 
 
Le titre « Vingt fois  sur le métier remettre l'ouvrage » que Lina Ben Rejeb a retenu 
pour  son  exposition  reprend  une  métaphore  de  l'Art  poétique  de  Boileau.  La 
métaphore renvoie d'abord au travail artisanal acharné pour donner forme à une idée 
bien  conçue.  On  est  là  dans  la  part  toute  manuelle  du  travail  artistique  – dont 
l'évocation  peut  ici  paraître  paradoxale  car  Boileau  est  poète.  Il  utilise  donc  une 
image  qui  fait  penser  au  travail  manuel  pour  parler  d'un  travail  essentiellement 
intellectuel, révélant ainsi sa part de « métier ». Lorsqu'on confronte la phrase et son 
contexte au travail de Lina Ben Rejeb, il prend un sens particulier. 
Il  s'agit,  pourrait-on  dire,  d'un  titre-tiroir.  Il  évoque  de  prime  abord  le  travail 
consciencieux,  qui  est  constitutif  du  travail  de  l'artiste,  mais  dans  le  contexte  du 
poème,  et  surtout  dans  la  dernière  ligne,  il  devient  comme  une  description  de  ses 
procédés de  travail.  «  Ajoutez quelquefois, et  souvent  effacez »,  dit  le  poète.  C'est 
précisément  ce  que fait  notre  artiste.  Mais  on  n'a  pas  besoin  d'être  historien  de  la 
littérature pour s'apercevoir que l'effacement tel que le  conçoit Boileau ne peut pas 
correspondre à la manière dont l'utilise Lina Ben Rejeb. 
 
Dans  l'esthétique  classique  de  Boileau,  qui  ne  pouvait  rêver  ni  de Kooning, ni de 
Rauschenberg  qui  effaça  son  dessin,  l'effacement  ne  fait  pas  encore  œuvre.  Il 
correspond à  une négation de  ce qui  était, à  un remplacement  ou, éventuellement, 
une réduction. Or, chez notre artiste, effacer c'est plus que de remplacer ou réduire. 
C'est le concept de recouvrement qui résume le mieux le paradoxe de l'effacement 
créateur tel qu'il apparaît dans  le travail de  Ben Rejeb. Le terme renvoie en effet à 
deux notions contradictoires et dont les étymologies sont indépendantes : recouvrir et 
recouvrer. La première vient de cooperire – « couvrir avec force » – la deuxième de 
recuperare qui donna à son tour le verbe récupérer et renvoie donc à la possibilité de