Le cortège des corps brisés
Grand Corps Malade et Mehdi Idir racontent le quotidien de jeunes gens
hospitalisés après un traumatisme.
Dans la catégorie stars improbables du cinéma français, le système de santé s’est
tranquillement imposé ces derniers mois, de Médecin de campagne à Réparer les vivants, en
passant par La Fille de Brest. Comme son titre l’indique, Patients, premier film cosigné par
Grand Corps Malade et Mehdi Idir, offre un contrechamp bienvenu aux films précédents. Les
soignants, leur science et leurs technologies passent au second plan pour laisser la place à
ceux sans qui il n’y aurait pas de médecine : les malades.
Largement autobiographique (le film est tiré du récit du même titre, que Grand Corps Malade a
signé en 2015 chez Don Quichotte), Patients s’étire sur plusieurs saisons dans le confinement
d’un centre de rééducation. Très simplement, en égrenant les incidents, ces cinéastes
débutants parviennent à mettre en scène l’ennui, l’effort, le découragement, les victoires –
définitives ou éphémères – d’une poignée de jeunes gens gravement traumatisés. Sans
éprouver la patience du spectateur, ils évoquent la souffrance physique, l’inconfort, l’ennui, la
routine – la vie d’un patient hospitalisé.
Ben (Pablo Pauly), l’alter ego de Grand Corps Malade, arrive à peine conscient dans ce centre
de rééducation après qu’un plongeon imprudent dans une piscine à moitié pleine l’a laissé «
tétraplégique incomplet ». Pour dire la paralysie, la conscience incomplète, le film emprunte les
clignements de caméra à Julian Schnabel (Le Scaphandre et le Papillon), mais ce petit larcin
coule de source chez des cinéastes pétris de culture hip-hop et donc d’échantillonnage.
L’important est ailleurs, dans l’attention extrême accordée à l’agencement des personnages tel
que le génère la vie en hôpital.
Un sens aigu de la satire
Ces garçons n’auraient peut-être pas été amis. Ben l’athlète, Farid (Soufiane Guerrab),
hémiplégique dès son plus jeune âge, Toussaint (Moussa Mansaly), dont la vie s’est écroulée
au moment où il était enfin parvenu à la construire, Steve (Franck Falise), qui n’arrive pas à
l’âge adulte, ne sont réunis que par le sort – et le système de soins français. Ils tentent de