fiche professeur PARCOURS  DOC — page 1
Art poétique (extrait)
Vous donc qui, d'un beau feu pour le théâtre épris,
Venez en vers pompeux y disputer le prix,
Voulez-vous sur la scène étaler des ouvrages
Où tout Paris en foule apporte ses suffrages,
Et qui, toujours plus beaux, plus ils sont regardés,
Soient au bout de vingt ans encor redemandés ?
[…]
Le secret est d'abord de plaire et de toucher
Inventez des ressorts qui puissent m'attacher.
Que dès les premiers vers, l'action préparée
Sans peine du sujet aplanisse l'entrée.
Je me ris d'un acteur qui, lent à s'exprimer,
De ce qu'il veut, d'abord, ne sait pas m'informer,
Et qui, débrouillant mal une pénible intrigue,
D'un divertissement me fait une fatigue.
J'aimerais mieux encor qu'il déclinât son nom,
Et dît : « Je suis Oreste, ou bien Agamemnon »,
Que d'aller, par un tas de confuses merveilles,
Sans rien dire à l'esprit, étourdir les oreilles.
Le sujet n'est jamais assez tôt expliqué.
Que le lieu de la Scène y soit xe et marqué.
Un rimeur, sans péril, delà les Pyrénées,
Sur la scène en un jour renferme des années.
Là, souvent, le héros d'un spectacle grossier,
Enfant au premier acte, est barbon au dernier.
Mais nous, que la raison à ses règles engage,
Nous voulons qu'avec art l'action se ménage ;
Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu'à la n le théâtre rempli.
Jamais au spectateur n'offrez rien d'incroyable
Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable.
Une merveille absurde est pour moi sans appas :
L'esprit n'est point ému de ce qu'il ne croit pas.
Ce qu'on ne doit point voir, qu'un récit nous l'expose
Les yeux, en le voyant, saisiraient mieux la chose ;
Mais il est des objets que l'art judicieux
Doit offrir à l'oreille et reculer des yeux.
Nicolas Boileau, Art poétique (1 674), chant III (v9-46)
REPÉREZ, AVEC DES COULEURS, LES RÈGLES CLASSIQUES FORMULÉES PAR BOILEAU DANS CET ART POÉTIQUE.
La règle des trois unités : temps (en vert), lieu (en bleu), action (en gris).
La règle de vraisemblance (en rose).
La règle de bienséance (en orange).
On peut aussi noter que toutes ces règles sont justiées par la principale édictée en premier : plaire et
toucher, règle que tous les dramaturges du XVIIe siècle utilisent dans leurs préfaces pour se défendre
dès qu’on leur reproche un écart par rapport aux autres.
fiche professeur PARCOURS  DOC  — page 2
EN QUOI LES FORMES VERBALES EMPLOYÉES RÉVÈLENTELLES QUE BOILEAU VEUT IMPOSER CES RÈGLES AUX
ÉCRIVAINS  REPÉREZLES ET ANALYSEZLES.
Subjonctifs présents employés en indépendante à valeur jussive, ou en proposition subordonnée
conjonctive complétive derrière les verbes de désir (le subjonctif est justié parce que l‘action n’est pas
encore réalisée, mais envisagée et virtuelle).
Subjonctifs imparfaits (concordance des temps en proposition subordonnée complétive avec une prin-
cipale dont le verbe est au conditionnel présent).
Verbes à l’impératif par lesquels Boileau s’adresse directement aux écrivains.
Verbes de volonté.
Verbes de modalité qui expriment l’obligation.
PAR QUELS ARGUMENTS BOILEAU JUSTIFIETIL LES RÈGLES CLASSIQUES
« Le secret est d’abord de plaire et de toucher »
« nous que la raison à ses règles engage, »
« Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable. »
« L’esprit n’est point ému par ce qu’il ne croit pas. »
« il est des objets que l’art judicieux / Doit offrir à l’oreille et reculer des yeux. »
« Le sujet n’est jamais assez tôt expliqué. »
Ces arguments sont présentés comme des maximes, l’emploi du présent gnomique leur donne un
caractère universel. Boileau justie les règles par la raison et le bon sens (le XVIIe siècle est marqué par
la philosophie de Descartes). L’idéal de la beauté classique est rationnel et immuable (ce que suggère
par exemple l’adverbe « jamais »), dans l’héritage de la pensée platonicienne. On remarque aussi l’im-
portance de la vraisemblance qui justie la règle des trois unités : il s’agit de faire coïncider le plus pos-
sible la représentation avec les conditions matérielles dans lesquelles elle se déroule (le public ne
change pas de place, le spectacle dure environ trois heures) an de favoriser l’illusion, pour que le
public puisse être touché, condition nécessaire à la catharsis.
COMMENT BOILEAU DISCRÉDITETIL LES PIÈCES DE THÉÂTRE QUI NE SUIVENT PAS LES RÈGLES CLASSIQUES
Boileau emploie des termes à fortes connotations péjoratives (précédées de ). Il vise notamment les
pièces à intrigue complexe et baroques inspirées de l’Espagne (« un rimeur, sans péril, delà les
Pyrénées) : il les ridiculise (« je me ris de », antithèse « enfant au premier acte, est barbon au dernier »)
pour valoriser le modèle français classique voulu et promu par Louis XIV qui cherche à afrmer sa puis-
sance politique sur un plan culturel. Cela explique l’insistance sur le pronom personnel de la première
personne du pluriel « nous » derrière le connecteur logique « mais » qui montre l’opposition entre les
Espagnols et les Français (« Mais nous, que la raison à ses règles engage / Nous voulons… »).
PAR QUELS PROCÉDÉS BOILEAU CHERCHETIL AUSSI À PERSUADER SON LECTEUR DE LA PERTINENCE DES RÈGLES
CLASSIQUES 
Apostrophe (précédée de ) et question (précédée de ) aux écrivains et aux lecteurs pour les impli-
quer directement.
Présence de Boileau dans son texte avec l’emploi de la première personne du singulier (en italique) :
Boileau est célèbre et jouit d’une grande renommée au XVIIe siècle, il met cette autorité au service du
classicisme.
1 / 2 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !