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11/02/2015 |
Industrialisation
L'industrialisation représente la phase du développement économique où l'industrie devient le principal
moteur de la croissance générale. Celle-ci traduit dès lors l'essor de nouvelles technologies et branches
d'activité, le déclin ou la transformation des secteurs traditionnels (Protoindustrialisation), suscitant ainsi une
redistribution des investissements et de l'emploi entre industries et régions. Résultat d'une amélioration
continue de la productivité du travail (Mécanisation) et du capital, rendue possible par la diffusion des progrès
techniques et organisationnels et par de nouvelles formes d'entreprise et de financement (Capitalisme), cette
modification des structures productives trouve son origine dans les impulsions venues des marchés, soit dans
les sollicitations de la demande, qui stimulent l'innovation, et dans la transformation des facteurs de l'offre
(accroissement de la population active, progrès de la science, de la technique et de la formation,
accumulation et renouvellement du capital).
Dans les statistiques nationales, ce changement structurel se lit dans l'expansion, absolue et relative, du
secteur secondaire ou, en d'autres termes, dans l'augmentation de la part de l'industrie au détriment de celle
de l'agriculture, du double point de vue de l'emploi et de la contribution au produit national. L'industrialisation
n'est au reste pas sans entraîner des progrès dans le secteur primaire, où la mécanisation permet
d'économiser le travail et l'utilisation d'engrais chimiques d'augmenter les rendements. Les activités
industrielles font également progresser le tertiaire qui est, en partie, "à leur service" (financement,
commercialisation, transports) et qui finira par devenir prépondérant (Services).
Une définition purement économique de l'industrialisation est incomplète. Elle doit aussi prendre en
considération les changements extra-économiques qui se sont produits. S'appuyant sur une prodigieuse
élévation du niveau de vie, toutefois contrebalancée durant la première moitié du XIXe s. par une extension
du paupérisme, l'avènement de la société industrielle représente en effet une mutation socioculturelle de
grande ampleur: acquisition de nouveaux savoirs, changement profond des organisations et du monde du
travail (Ouvriers, Employés), des rapports sociaux (Question sociale, Rôle des sexes), des genres de vie et des
mentalités, naissance de nouvelles classes et du mouvement ouvrier, dégradation de l'environnement.
1 - Des économies préindustrielles aux sociétés postindustrielles
1.1 - La Suisse dans l'industrialisation de l'Europe occidentale
La Suisse fait partie intégrante d'une économie atlantique en gestation dès le XVIe s., institutionnalisée après
la Deuxième Guerre mondiale dans l'OCDE, le club des pays les plus riches du monde. Les premières régions
à connaître les avancées d'une modernisation source de croissance depuis le XVIIIe s. (Croissance
économique) se situent dans la frange européenne très active dans le négoce international, notamment entre
pays riverains de l'Atlantique Nord. Aux côtés de quelques puissances navales et métropoles coloniales
(Hollande, Angleterre, France), la Suisse, présente dans les plus grands ports de la façade atlantique, occupe
sa place, tôt insérée dans la division internationale du travail (Division du travail), soit par la fourniture de
services (service étranger, commerce de commission, activités bancaires, placements de capitaux), soit par
l'importation de produits tropicaux et l'exportation de biens manufacturés (Commerce, Commerce extérieur).
Tout comme pour d'autres pays de cette Europe marchande, prospère avant même la révolution
technologique de la fin du XVIIIe s., l'industrialisation de la Suisse - alors le premier ou second producteur de
cotonnades en Europe -, plonge ses racines dans ces développements de l'échange, dans une longue phase
de croissance protoindustrielle et de diversification des productions, qu'accompagne un changement
structurel plus graduel que ne le suggère le terme de révolution industrielle. L'abandon du travail rural au
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profit d'occupations manufacturières, longtemps associés dans le système protoindustriel, fut lent et tardif,
comme ailleurs en Europe, l'Angleterre seule connaissant tôt un glissement des emplois de l'agriculture vers
ceux de l'industrie.
Auteur(e): Béatrice Veyrassat
1.2 - Périodisation du changement
En Suisse, un fait ressort clairement des reconstitutions statistiques faites pour le XIXe s. Dans le contexte de
croissance accélérée du produit intérieur brut (PIB) entre 1850 et 1914, l'agriculture reste jusque vers 1870 le
secteur dominant de l'économie helvétique par les bras occupés (encore 57% de la population active en
1850, 43% en 1870, mais plus que 37% en 1888, année où apparaissent les premières statistiques fiables),
contre respectivement 32, 38 puis 41% dans l'industrie. Jusqu'à la fin des années 1860 et malgré une
progression soutenue de la production industrielle, le monde rural, par sa masse, imprime encore son rythme
à l'économie nationale, entraînant (1851-1858) ou freinant (1859-1867) l'expansion du PIB. En valeur ajoutée,
c'est vers la fin des années 1860 que l'agriculture est définitivement rattrapée par l'industrie, qui devient un
secteur moteur. La transition, vue sous l'angle de la contribution respective des secteurs primaire et
secondaire à la croissance économique du pays, s'est donc opérée relativement tôt.
Auteur(e): Béatrice Veyrassat
2 - Les modalités suisses de la trajectoire de l'industrialisation
La Suisse a traversé, parallèlement à d'autres régions industrielles, des phases similaires de changement
technique, organisationnel et structurel, passant par l'apprentissage de la mécanisation, du travail en
fabrique et par la recomposition du secteur secondaire sous l'effet de la diffusion de nouvelles technologies.
En dehors des industries où sa créativité fut remarquable, comme l'horlogerie et la chimie (Industrie
chimique), la Suisse fut surtout bénéficiaire de mouvements de transfert technologique. Ainsi, dans le
domaine des techniques avancées - celles qui font une "révolution industrielle" (mécanisation textile,
technologies ferroviaires, électroniques) -, elle innova par imitation et appropriation de techniques et de
procédés développés par d'autres. Elle combla ainsi ses retards par rapport aux percées réalisées dans les
pays les plus inventifs. En mettant à profit les connaissances techniques et les informations scientifiques
disponibles sur le plan international, ses entrepreneurs et les cadres des grandes entreprises, parmi lesquels
certains venus de l'étranger, réussirent à s'assurer une relative indépendance technologique, plus ou moins
rapidement selon les secteurs.
Mais si les poussées successives de modernisation, où certains pays font figure de leaders, entraînent un
processus de convergence technologique par effet d'imitation ou d'adaptation, elles sont loin de suivre une
voie unique. Les divergences nationales peuvent être importantes: structures et taille du marché, disponibilité
et coûts relatifs des facteurs, compétences techniques, commerciales et financières façonnant différemment
les choix de production et les utilisations de la technologie. Le contexte historique et institutionnel explique
également les spécificités nationales: ainsi, dans le cas de la Suisse, la réalisation tardive de son unité
politique et économique.
Bien que le processus de changement technique et structurel se soit déroulé sans véritable discontinuité en
Suisse, des crises de modernisation majeures le ponctuèrent, qui furent à la fois politiques et économiques.
Auteur(e): Béatrice Veyrassat
2.1 - Des débuts de la mécanisation à la révolution ferroviaire (fin XVIIIe s.-1850)
Le demi-siècle qui suit l'effondrement de l'ancienne Confédération (1798) est marqué par une modernisation
progressive des structures politiques dans les cantons ayant adopté une constitution libérale (Régénération).
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Elle est portée par l'idéologie conquérante du libéralisme et par une bourgeoisie d'affaires répandant sa foi
dans le progrès technique et plaidant pour des réformes radicales, économiques (unification du marché
intérieur) et politiques (instauration d'un pouvoir central). En 1848, elle débouchera sur la création d'un Etat
fédéral d'abord peu centralisé, mettant fin à plusieurs décennies d'instabilité et de blocages institutionnels.
Cette période correspond à un premier essor industriel, ne touchant cependant que certaines régions du pays
et construit sur les industries légères d'exportation, cotonnades, soieries (principalement Suisse orientale,
région bâloise et Neuchâtel) et horlogerie (Genève, Arc jurassien). S'il ne fait que prolonger les structures
protoindustrielles héritées du XVIIIe s., il bénéficie néanmoins d'avancées techniques décisives dans les
secteurs situés en amont. Ainsi, la fabrication des ébauches de montres se mécanise dès la fin du XVIIIe s.
dans le Jura français, dont la production de masse d'ébauches standard inondera bientôt le marché horloger
suisse. Dans le textile coton (Industrie cotonnière), ce sont les savoirs et les organisations d'avant-garde
développés dans les filatures anglaises qui font prendre un tournant fondamental à cette branche en Suisse
(Industrie textile). Au début du XIXe s., elle voit s'effondrer le filage à la main, quelque cent mille personnes
étant touchées, principalement en Suisse orientale (Saint-Gall, Appenzell Rhodes-Extérieures, Glaris, Zurich,
Argovie). Progressant dans l'un et l'autre secteurs, la mécanisation au stade amont du processus de
fabrication va exercer une forte pression en aval, entraînant d'importants transferts de main-d'œuvre vers
des fabrications que l'état de la technique au XIXe s. ne permettait pas encore de mécaniser. Résorbant dans
un premier temps un fort chômage technologique, ces redistributions intrasectorielles contribuent par la suite
au développement, dans le cas des textiles, d'un large éventail d'activités de créneau (broderie, tissage de
couleurs, façonné, broché, impression à la planche de mouchoirs et châles, travail de la soie) et, dans celui
des montres, à une riche diversification de spécialités horlogères, fondées sur des technologies manuelles et
de nombreux microperfectionnements.
Ce redéploiement vers des activités intensives en savoir-faire grâce à une main-d'œuvre habile, abondante et
bon marché s'est réalisé dans le cadre traditionnel d'industries décentralisées et à domicile (Travail à
domicile), dont les effectifs n'ont guère varié entre 1800 et 1880 (plus ou moins 120 000 personnes). En
1850, les emplois de fabrique (42 000, contre 130 000 dans l'industrie à domicile) occupent tout juste 4% de
la population active; en 1880, ils ont progressé à 150 000, soit 11% des actifs. Même si ces industries
d'origine ancienne renouvellent par étapes leur base technique (mécanisation de la filature au début du XIXe,
du tissage au milieu du siècle et de la broderie dès la fin des années 1860; fabrication mécanique des
ébauches puis, après 1880, de la montre de série), l'industrialisation de la Suisse au XIXe s. s'attarde dans des
structures traditionnelles, ce que reflète le poids encore très important en 1900 et 1910 des branches textiles
et horlogères. Elles concentrent alors près de la moitié des travailleurs du secteur secondaire,
majoritairement dans les textiles. En outre, seul un cinquième de la population active a franchi le seuil de la
fabrique. C'est que le processus de mécanisation fut freiné par l'absence de charbon, cette source puissante
de chevaux-vapeur, et du fait aussi d'une offre importante de travail qui s'est traduite par un bas niveau des
salaires pendant au moins toute la première moitié du XIXe s.
Le succès des Suisses sur le marché international n'a pas peu contribué à orienter le modèle helvétique. Tout
d'abord en favorisant le maintien de structures traditionnelles: la consommation intérieure n'offrant pas un
point d'appui suffisant à l'expansion des ventes, c'est dans les efforts du commerce et l'élargissement
continuel des débouchés, notamment extra-européens, que ces industries trouvèrent les conditions non
seulement de leur croissance, mais encore de leur survie. Puis la polarisation sur les marchés extérieurs et les
contraintes de la concurrence internationale - surtout celle des cotonnades ordinaires anglaises, vendues à
bas prix dans le monde entier grâce au faible coût du charbon -, ont incité les fabricants suisses à concentrer
leurs productions sur des créneaux à forte valeur ajoutée et à privilégier les innovations de produit et de
qualité. Spécialisation et flexibilité seront un trait majeur de l'industrialisation helvétique.
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Il n'est pas certain que les industries d'exportation aient alors fourni une contribution majeure à la croissance
économique du pays. Il est sûr en revanche que les effets de spillover d'un secteur à l'autre auront des
conséquences importantes pour l'économie d'exportationcomme pour la croissance du revenu national. La
construction de machines (Industrie des machines) est née en effet, par un processus de désintégration
verticale, de l'entreprise textile, tandis que les besoins de celle-ci en produits de blanchiment, de teinture et
d'apprêt stimuleront dans la seconde moitié du XIXe s. les développements de la chimie organique (colorants)
qui, à leur tour, entraîneront une diversification vers l'industrie pharmaceutique. Dans l'horlogerie, une
industrie autonome de machines-outils verra également le jour. Ces industries jeunes ne joueront toutefois les
premiers rôles qu'au XXe s.
Auteur(e): Béatrice Veyrassat
2.2 - La deuxième industrialisation
Après 1850, le développement industriel de la Suisse prend place dans un contexte désormais national, se
substituant au compartimentage cantonal. La Constitution de 1848 jette les bases d'une nouvelle répartition
des compétences entre cantons et Confédération et définit les conditions-cadre de l'activité économique.
Celles-ci, un train de mesures combinant réforme fiscale (suppression des douanes intérieures au profit d'une
centralisation des revenus douaniers) et réforme économique (amorce de l'unification du marché intérieur,
adoption d'une politique monétaire unique, nationalisation des postes et télégraphes), créèrent des conditions
institutionnelles favorables à une modernisation de l'économie. De surcroît, la première Ecole polytechnique
fédérale, instrument au service de la science et de l'industrialisation, s'ouvre en 1855. Puis, en 1874, le
peuple suisse accepte une nouvelle constitution, qui permettra d'étendre les compétences du gouvernement
fédéral et son pouvoir d'intervention et de réglementation dans le champ industriel (lois sur les chemins de
fer, le travail en fabrique, les marques de fabrique et de commerce, les brevets d'invention, Code fédéral des
obligations, etc.). Cette tendance se renforcera avec les deux guerres, sans toutefois renoncer, sinon de
manière sélective, aux principes du libéralisme économique.
Immédiatement après 1848, un projet industriel de portée nationale va transformer un secteur d'importance
pour l'économie, celui des transports et communications. Alors qu'ailleurs la construction de chemins de fer a
représenté l'achèvement d'une première industrialisation, c'est avec près de vingt ans de retard sur certains
pays industriels, après la naissance de l'Etat fédéral, que la Suisse a lancé ses chantiers ferroviaires. Les
chemins de fer furent un facteur décisif de modernisation: distributeurs d'énergie (importation de charbon),
fer de lance de la croissance économique par leurs effets d'entraînement sur les industries de fournisseurs
(matériel ferroviaire et, plus tard, branches de l'électrotechnique avec la venue de la traction électrique,
électrification) et de stimulation de la demande intérieure; facteur d'ouverture vers les débouchés européens
par le raccordement au réseau international; facteur d'intégration du marché national par le transport de
produits alimentaires et de bétail vers les villes, qu'une urbanisation en progrès rapides dans la seconde
moitié du XIXe s. transformait en grands centres de consommation; étape importante, enfin, dans la
promotion d'une "industrie touristique" (Tourisme) comme d'une "industrie bancaire" (Banques) qui dut
réformer ses structures et ses stratégies en fonction d'investissements massifs et à long terme dans
l'édification des grands réseaux techniques (création des premières grandes banques d'affaires). En outre, la
révolution des transports (rail, navigation à vapeur) facilitait l'importation de céréales (Russie, continent
américain) et, en abaissant les prix, allait provoquer un transfert de main-d'œuvre de l'agriculture vers
l'industrie et les services (la population agricole chuta de 57% à 27% de la population active entre 1850 et
1910).
Dans le siècle s'écoulant entre 1850 et la Deuxième Guerre mondiale, l'industrie suisse perd son caractère
rural et tend à se concentrer dans les centres urbains où s'implantent aussi les nouvelles industries-clé
(Zurich, Winterthour, Baden, Bâle). Les composantes de la croissance industrielle se modifient en effet au
long d'une ample réallocation des ressources. Délaissant les secteurs de productivité déclinante, celles-ci
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s'orientent dès la fin du XIXe vers les industries mettant en œuvre les nouveaux développements techniques
et énergétiques. Tandis que se maintient jusqu'au début du XXe s. le modèle productif ancien, toujours
fortement lié aux savoir-faire traditionnels et au régime du travail à domicile, un renouvellement des
capacités innovatrices place la Suisse en position de force dans les secteurs de pointe de la deuxième
"révolution industrielle" (hydroélectricité, électrotechnique, construction de machines, chimie de synthèse). Il
s'agit là d'une percée technologique remarquable, comparable à celle de l'Allemagne et de la Suède, et que
révèlent les statistiques de brevets déposés par les Suisses à l'étranger, aux Etats-Unis notamment, entre
1880 et 1914.
A la fin du XIXe s. en effet, lorsque les technologies électriques arrivent à maturité, l'essor de l'électricité
industrielle offre à la Suisse la grande chance dont l'avait privée un sous-sol dépourvu de charbon. Contrainte
d'expérimenter les voies d'une mécanisation non liée à la vapeur, notamment dans le textile, la Suisse avait
cherché dans son potentiel hydraulique les moyens de compenser son handicap énergétique. La "houille
blanche" fut dès la fin du XIXe s. une source inépuisable d'innovations dans les techniques qui, utilisant l'eau à
des fins industrielles, menèrent des filières hydrotechniques (force motrice, régularisation des cours d'eau,
systèmes d'adduction) à l'hydroélectricité et à l'électrotechnique (électromécanique, électrométallurgie,
électrochimie), de même qu'à celles, inséparables, des grandes centrales et des barrages. La Suisse, avec
l'Allemagne et les Etats-Unis, a fourni une contribution majeure à la mise en place des nouvelles technologies
de la deuxième "révolution industrielle", notamment dans le transport à distance du courant et dans la
construction électromécanique, mais aussi dans le domaine de la chimie fine, où elle rattrapa rapidement son
retard sur l'Allemagne. Ces avancées ont fortement stimulé la croissance économique en Suisse, une des plus
vigoureuses des pays développés entre la fin du XIXe s. et 1914.
Dans l'entre-deux-guerres, période contrastée sur le plan conjoncturel et de faible croissance, traversée de
graves tensions sociales et politiques, le fait marquant réside dans le basculement structurel vécu par
l'industrie suisse, dont les retombées en termes de gains de productivité ne se feront sentir qu'après 1945.
Les branches de fournisseurs qui alimentaient le secteur si longtemps dominant des textiles, soit celles des
machines et des colorants, accèdent au premier rang des industries innovantes, alors que les branches
traditionnelles s'affaiblissent. Les cotonnades perdent leur avantage comparatif dans l'échange international
au profit des pays en voie de développement; les broderies et les soieries, fortement spécialisées dans la
mode et le luxe, subissent une modification radicale de la demande. L'horlogerie trouve, quant à elle, un répit
(provisoire) dans un corset cartellaire (Cartels) et l'aide financière de la Confédération (Asuag).
Les nouveaux piliers de l'industrialisation et de l'exportation sont désormais les machines, les produits
chimiques (colorants et spécialités pharmaceutiques) et alimentaires (Industrie alimentaire). Et c'est aussi
dans ces secteurs que progresse la taille des entreprises et que se modernisent leurs structures
organisationnelles; celles-ci vont notamment réserver une place grandissante à la recherche technique et
industrielle. Ce glissement vers la production et l'exportation de biens intensifs en technologie et en capital se
reflète de manière spectaculaire dans l'évolution à long terme du commerce extérieur. En 1899, alors que les
biens de consommation traditionnels (produits alimentaires, textiles et chaussures, industrie de l'habillement)
représentaient 70% de la valeur totale exportée, métaux, machines et chimie n'y occupaient qu'une part de
15%. En 1973, ces rapports sont inversés (14% pour le premier groupe, 70 % pour le second). Ceci illustre la
capacité de réaction du système productif aux mutations de la demande internationale. Celle-ci, dans les
pays industriels, principaux partenaires commerciaux de la Suisse, accorde une place accrue aux biens de
consommation durables et à leur corollaire, les biens d'équipement et les produits intermédiaires (y compris
ceux de l'horlogerie, ébauches et mouvements).
Quant aux moteurs du changement industriel du côté de l'offre et toujours dans une perspective longue, le
fait le plus significatif, tout particulièrment après la Deuxième Guerre mondiale, est la hausse accélérée de la
productivité grâce aux investissements dans le développement technique (recherche scientifique et
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