Plaies : intérêts et modalités du diagnostic bactériologique Janina Ferrand AHU Laboratoire de Bactériologie CHU Nancy 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Introduction Plaies : un terme à bannir !!! Plaie : effraction cutanée d’origines très variables ! Un mot trop généraliste ! Soyons plus précis ! 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Introduction Types de plaies : plaies « aigues » Pas de définition formelle ~ Cicatrisation < 6 semaines • Lésions traumatiques aigues : Abrasions, fractures ouvertes, coupures Morsures Brûlures Plaies chirurgicales … A différencier des infections cutanées primitives superficielles (≠ plaies) : Anthrax Furoncle Erysipèle Erythrasma Impétigo Ecthyma Folliculite Périonyxis Panaris … Introduction Types de plaies : plaies « chroniques » Pas de définition formelle ~ Cicatrisation > 6 semaines Escarres Ulcères Plaies du pied diabétique Plaies tumorales Fromantin I. Unité des plaies et cicatricastion, Institut Curie Introduction Prévalence et coûts Plaies aigues : 13 % d’admissions aux urgences SFMU 2005 Plaies chroniques : • • Escarres : prévalence de 8,9% (Collin et al. Escarre 2009) Plaie du pied diabétique : 15 % de patients avec au moins un épisode (HAS 2007) • 20 – 30 000 € : coût annuel / patient de prise en charge des complications de l’infection du pied diabétique (HAS 2007) 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Introduction Intérêts / difficultés de diagnostic bactériologique ??? Un prélèvement bactériologique bien réalisé : • Maîtrise des coûts • ↘ traitements abusifs • ↘ sélection des bactéries multirésistantes • ↘ effets secondaires des antibiotiques Difficultés de définition bactériologique de l’infection : • Toute plaie est colonisée • Pas d’espèces bactériennes constamment pathogènes • Un seuil quantitatif illusoire Quelles pistes pour un diagnostic bactériologique efficace ? Introduction Modalités du diagnostic bactériologique « Guide » du bon prélèvement Quelles plaies prélever ? Comment prélever ? Comment interpréter les résultats ? 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Guide du « bon » prélèvement Quelles plaies prélever ? Comment prélever ? Comment interpréter les résultats ? 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Quelles plaies prélever? Plaies aigues Coupures, abrasions, morsures… Pas d’indication de prélèvement en l’absence de signe infectieux SFMU 2005 « Prise en charge des plaies aux urgences » Plaies opératoires Pas d’indication de prélèvement en l’absence de signe infectieux Surveillance des infections du site opératoire, Protocole ISO-Raisin 2013 • Une série des prélèvements à l’admission Brûlures • Puis prélèvements si signes cliniques d’infection 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 American Burn Association 2007; Rémic 2010 Quelles plaies prélever? Infections cutanées primitives • Diagnostic clinique • Pas d’indications de prélèvement bactériologique sauf • Infections sévères • Douleur disproportionnée par rapport à l’état local • Bulles cutanées, décollement cutanée, crépitations, anesthésie cutanée • Evolution rapide de l’infection • Terrain fragilisé • Evolution défavorable Recommandations SPILF 2000 « Erysipèle et fasciite nécrosante : prise en charge » Recommandations IDSA 2005 « Practice guidelines for the management of skin and soft tissue infection », Stevens et al. CID 2005 Quelles plaies prélever? Plaies chroniques : indications de prélèvement Uniquement les plaies présentant des signes cliniques de l’infection !!! Au moins 2 de SIGNES CLASSIQUES • • • • • rougeur (rubor) – érythème périlésionnel chaleur (calor) locale œdème (tumor) – augmentation de volume, induration douleur (dolor) – sensibilité locale ou douleur Présence de 3 signes cliniques classiques : sécrétions purulentes Sensibilité 73,3% Spécificité 80,5% Etude sur 112 patients diabétiques Woo et al. Ostomy Wound Manage 2009 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 IDSA, CID 2012 SPILF MMI 2007 Quelles plaies prélever? Plaies chroniques : SIGNES ADDITIONNELS de l’infection SIGNES ADDITIONNELS (notamment patients diabétiques) • décollement profond • hyperglycémie non expliquée • retard de cicatrisation • tissu granuleux rouge, friable • odeur nauséabonde 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 • œdème des bords de la plaie IDSA CID 2012 SPILF MMI 2007 Guide du « bon » prélèvement Quelles plaies prélever ? Comment prélever ? Comment interpréter les résultats ? 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Comment prélever? Quelques principes INDISPENSABLES !!! Débrider, laver la plaie Utiliser la bonne méthode de prélèvement !!! Avant toute antibiothérapie !!! Renseigner les demandes (objectif(s), particularités, sites) 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Comment prélever? Avant tout prélèvement !!! Débrider, laver la plaie • Débridement de la plaie (curette ou scalpel) • Exciser les tissus dévitalisés et fibreux contaminés par la flore de colonisation 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Comment prélever? Avant tout prélèvement !!! Débrider, laver la plaie • Nettoyage : • gaze stérile + sérum physiologique • +/- antiseptique rincer avec sérum physiologique 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Comment prélever? Utiliser la bonne méthode de prélèvement • Biopsie tissulaire • Curetage - écouvillonnage profond de la plaie • Aspiration à l’aiguille fine • Hémocultures aérobies et anaérobies – si SRIS … Écouvillonnage superficiel de la plaie 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Comment prélever? Biopsie tissulaire superficielle • Biopsies ou « punch – biopsies » (carottes de tissu), aiguille « True cut » , ou lors d’un débridement chirurgical • 2 à 4 fragments de 4 – 6 mm • À partir de plusieurs zones de la plaie • Passer en peau saine désinfectée pour éviter les bactéries de colonisation • Déposer dans un flacon stérile • Addition de quelques gouttes de sérum physiologique pour éviter la dessiccation (Attention! Ne pas « noyer » la biopsie!) SPILF, MMI 2007 Rémic 2010 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Comment prélever? Si suspicion d’ostéite : biopsie osseuse • « Gold standard » pour le diagnostic d'ostéite : • bactériologie • anatomopathologie • Fenêtre d’arrêt d’antibiothérapie avant le plvt +++ (2 à 4 semaines) • Si impossible : le noter sur la demande ( biologie moléculaire) • Par chirurgie, ou ponction percutanée +/- radio-guidée • Passer par une zone saine préalablement désinfectée IDSA 2012 SPILF, MMI 2007 Rémic 2010 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Comment prélever? Curetage – écouvillonnage profond de la plaie • Grattage de la base de la plaie / ulcère • Avec une curette ou un scalpel stérile • Récupérer le produit de curetage avec un écouvillon stérile • Placer l’écouvillon dans un milieu de transport SPILF, MMI 2007 Rémic 2010 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Comment prélever? Aspiration à l’aguille fine • Surtout pour lésions collectées • Ponction puis aspiration en passant par une zone saine désinfectée • En l’absence de liquide • injecter 1 – 2 ml de sérum physiologique • aspirer à l’aide d’une seconde aiguille • Ôter l’aiguille • Purger la seringue d’air (préservation des bactéries anaérobies !!!) • Boucher hermétiquement et stérilement SPILF, MMI 2007 Rémic 2010 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Comment prélever? Bannir l’ écouvillonage superficiel !!! Pourquoi ? Comment prélever? Quid de l’ écouvillonnage superficiel Fréquemment contaminé par la flore commensale faux positifs de culture bactériologique réponses de laboratoire : « flore cutanée mixte » ou « absence de S. aureus » Ne permet pas de préserver la viabilité • des bactéries anaérobies • des certaines bactéries fragiles faux négatifs de culture bactériologique 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Comment prélever? Ecouvillonnage superficiel = jouer à « pile ou face » Chakraborti et al. J Hosp Med. 2010 Méta-analyse de 8 études : Sensibilité des cultures bactériologiques obtenues par écouvillonnage superficiel des plaies des membres inférieurs Sensibilité : 49 % (IC95% : 37 – 61 %) Spécificité : 62 % (IC95% : 51 – 74 %) Pas d’utilité d’ écouvillonnage superficiel dans le diagnostic des infections des plaies Comment prélever? Quid de l’ écouvillonnage superficiel • • • • • • • A PROSCRIRE MAIS … si les autres techniques ne peuvent être appliquées Préparation de la plaie +++, débridement, nettoyage Ecouvillon en coton Ecouvillonnage de 1 cm2 de la base de la plaie Mouvement de zigzag combiné à une rotation Utiliser un milieu de transport pour préserver les bactéries anaérobies • Ex. Portagerm® 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Comment prélever? Renseignements INDISPENSABLES Nature du prélèvement Localisation (ex. escarre sacrée rq de contamination par la flore fécale) Aspect local nécrose, plaie malodorante – anaérobies? notion de contact osseux Antibiothérapie préalable But : diagnostique ou épidémiologique Dialogue clinico-biologique est essentiel ! Comment prélever? Répétition, conservation et transport des prélèvements • Répéter les prélèvements en cas de : • évolution défavorable • état septique du patient +++ • Conservation des prélèvements à T° ambiante • Transport rapide au laboratoire • Utilisation des milieux de transport • Ne pas ensemencer directement des flacons d’hémoculture – risque de multiplication de la flore commensale 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Guide du « bon » prélèvement Quelles plaies prélever ? Comment prélever ? Comment interpréter les résultats ? 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Comment interpréter les résultats bactériologiques ? Connaître les flores cutanées Flore résidente • Permanente • +/- variable selon les sites cutanés • Composition : • Cocci à Gram + : staphylocoques, microcoques • Bacilles à Gram + : corynébactéries, propionibactéries • Champignons : Malassezia, … 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Comment interpréter les résultats bactériologiques ? Connaître les flores cutanées Flore transitoire • Ne fait que passer… • Composition : tout germe ! • Cocci + : • Staphylococcus aureus (staphylocoque doré) • Streptocoques β-hémolytiques (A, C, G) • Bacilles à Gram - : • Pseudomonas • Entérobactéries • Acinetobacter 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Comment interpréter les résultats bactériologiques ? Colonisation ou infection ? • Flore bactérienne résidente et transitoire normale / déséquilibrée • Espèces +/- virulentes • Etat général / immunité de l’hôte SPILF, MMI 2007 Infection déterminée par l’aspect clinique Comment interpréter les résultats bactériologiques ? Espèces virulentes pathogènes Les espèces pathogènes les plus fréquentes : • Staphylococcus aureus • Streptocoques β – hémolytiques Autres espèces : rôle pathogène +/- discutable, surtout si infections superficielles • Entérobactéries • Anaérobies (Finegoldia magna, Bacteroides spp.) 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 SPILF, MMI 2007 Comment interpréter les résultats bactériologiques ? Espèces peu virulentes Ne pas tenir compte en première intention des germes les moins virulents ou des commensaux • Staphylocoques à coagulase négative • Corynébactéries • Pseudomonas aeruginosa • Entérocoques En cas de doute : répéter les prélèvements Les espèces opportunistes seront prises en considération : • si elles sont isolées de manière répétée • si l’état septique du patient est inquiétant 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 SPILF, MMI 2007 Comment interpréter les résultats bactériologiques ? Bactéries multi – résistantes (BMR) • Pas de dépistage systématique (sauf +/- SARM selon politique du CLIN/GR) • Si retrouvées dans des prélèvements des plaies à visée diagnostique : nécessité d’appliquer les règles d’hygiène et d’alerte SFHH. Prévention de la transmission croisée : précautions complémentaires contact. 2009 HCSP. Recommandations relatives aux mesures à mettre en oeuvre pour prévenir l'émergence des entérobactéries BLSE et lutter contre leur dissémination. 2010. 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Conclusions Bien connaître les indications des prélèvements Utiliser les bonnes méthodes des prélèvements Traiter les « vrais » pathogènes 22èmes JRH, 26-27 juin 2014 Un peu de lecture… Recommandations • Recommandations IDSA 2012 : Diagnostic et traitement des infections du pied diabétique; Lipsky et al. CID 2012 • Recommandations SPILF 2006 : Prise en charge du pied diabétique infecté • Référentiel en microbiologie médicale (Rémic) 2010, SFM • Recommandations SFMU 2005 « Prise en charge des plaies aux urgences » • Recommandations SPILF 2000 « Erysipèle et fasciite nécrosante : prise en charge » • Surveillance des infections du site opératoire, Protocole ISO-Raisin 2013 • Recommandations IDSA 2005 « Practice guidelines for the management of skin and soft tissue infection », Stevens et al. CID 2005 22èmes JRH, 26-27 juin 2014