Banque centrale et stabilité
financière
1.#Stratégie#passive#........................................................................................................................#2!
1.1#Stabilité#des#prix!.........................................................................................................................................!2!
a)!pourquoi!............................................................................................................................................................................!2!
b)!objectifs!de!la!BC!............................................................................................................................................................!4!
1.2#Instruments#et#résultats!...........................................................................................................................!6!
a)!stratégie!monétaire!.......................................................................................................................................................!6!
b)!les!mécanismes!de!transmission!de!la!politique!monétaire!.......................................................................!8!
2.#Stratégie#active#........................................................................................................................#11!
2.1#Les#BC#dans#la#crise!.................................................................................................................................!12!
a)!réponses!de!la!politique!monétaire!:!EtatsAUnis!et!zone!euro!................................................................!13!
b)!réponses!de!la!politique!monétaire!:!Suisse!....................................................................................................!15!
c)!revenir!à!la!normalité!?!.............................................................................................................................................!19!
2.2#Les#BC#post#crise!.......................................................................................................................................!22!
a)!politique!monétaire!et!stabilité!financière!:!a#more#complicated#game!!.............................................!22!
b)!plus!de!mal!que!de!bien!?!........................................................................................................................................!25!
c)!un!nouveau!cadre!de!politique!monétaire!?!....................................................................................................!27!
La régulation, aussi nécessaire soit-elle, ne peut, ni empêcher les crises, ni garantir que le
système financier leur survivra. De même, la prévention des incendies, l'élaboration et
l'affichage des règles de curité, les exercices d'évacuation et l'intervention des pompiers ne
suffisent pas toujours à empêcher les incendies et les drames. En outre, la régulation, conçue
en bas de cycle, sera toujours oubliée ou ignorée en haut de cycle 1.
Mais, en définitive, le système financier repose sur la monnaie. Sa fonction (rendre liquides
des financements fixes) passe par plusieurs couches d'instruments emboités. Quelle que soit
l'image que l'on ait du système financier, son ressort est la liquidité. Et la liquidité c'est la
monnaie. Et la monnaie, c'est la banque centrale. Elle seule a le pouvoir de "créer" de la
monnaie sans la demander ni la prendre à personne. Dans le régime actuel de banques
centrales "indépendantes" et de monnaie purement fiduciaire (post Bretton Woods), ce pouvoir
est presque illimité en monnaie nationale.
Aussi, qu'elle en soit responsable ou non, qu'elle le veuille ou non, la banque centrale
conditionne-t-elle l'équilibre financier.
Avant la crise, le Federal Reserve System américain était déjà très engagé dans
l'intervention directe : le krach de 1987 avait conduit Greenspan à relâcher la politique
monétaire pour approvisionner massivement les marchés en liquidité ; depuis, cette stratégie
était devenue systématique au point qu'on qualifiait de Greenspan put l'assurance implicite que,
en cas de besoin, la banque centrale rachèterait le marché. Une telle stratégie est-elle
souhaitable ? Si oui, ne doit-elle pas aller dans les deux sens ? s'opposer à l'effondrement des
prix d'actifs (bust), et aussi combattre leur surchauffe (boom) ? La doctrine continentale
soutenait que la banque centrale n'avait ni le pouvoir ni le devoir de limiter les fluctuations des
marchés : sa contribution fondamentale à l'équilibre financier consiste à garantir un cadre
1 Rajan, 2009, FRBStLouis Review 91/5,"The credit crisis and cycle proof regulation" http://research.stlouisfed.org/publications/review/article/7694
Les marchés veulent plus de capital en bas de cycle et ne s'en soucient pas en haut de cycle: il n'y aura donc pas d'incitation et au contraire
indulgence. Les Cocos sont ce qu'il faut: ils seront souscrits à bas prix en haut de cycle et transformés en capital quand nécessaire.
Dans le même numéro, un "primer" utile: Bullard et al, Systemic risk and the financial crisis.
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monétaire stable 1.
Nous verrons d'abord en quoi consiste et comment opérait cette stratégie de stabilité des
prix (section 1).
Quand la crise est devenue brûlante (automne 2008), toutes les banques centrales ont élargi
et assoupli leurs apports de liquidité. Leur implication décisive dans la gestion de la crise les a
fait entrer dans des eaux inconnues (unchartered waters) : un le explicite et direct dans la
prévention des crises financières n'est pas sans problèmes (section 2).
1. Stratégie passive
Après le keynésianisme simpliste des années 1960, la "grande inflation" a rallié les banques
centrales aux politiques de stabilité des prix, conduites en pilotant le taux de refinancement
bancaire. La stabilité des prix apporte des taux d'intérêt appropriés et stabilise les anticipations,
ce qui contribue à la stabilité financière, sans même que la BC ait une responsabilité définie à
cet égard. En effet, elle ne doit ni ne peut piloter les marchés et réguler les prix d'actifs.
Nous précisons d'abord l'objectif de stabilité des prix (§1.1) et examinons ensuite les
instruments utilisés pour l'atteindre (§1.2).
1.1 Stabilité des prix
a) pourquoi
Il s'est formé un consensus sur l'importance de la stabilité des prix et la responsabilité de la
banque centrale à cet égard. Il est d'autant plus important de le comprendre que, aujourd'hui, le
niveau du chômage et la faiblesse des taux d'inflation et de l'activité dans les grandes
économies matures conduisent certains à le remettre en cause.
La stabilité des prix n'est pas la stabilité de tous les prix mais celle du niveau général des
prix, c'est-à-dire du prix moyen auquel se font les transactions. Idéalement, une économie de
marché étant dirigée par les prix, la variation du prix d'un bien/service traduit un déséquilibre
offre/demande et contribue à le réduire : la hausse (baisse) de prix augmente (diminue) l'offre et
diminue (augmente) la demande jusqu'à ce que l'équilibre soit rétabli. Il n'est donc pas question
d'empêcher les prix de varier : certains haussent, d'autres baissent ; la moyenne, le "niveau
général des prix", peut rester stable, monter ou descendre.
L'inflation consiste en une hausse générale des prix qui, très vite, devient auto-entretenue :
si, à la suite d'un choc exogène, les prix augmentent, les agents économiques s'adaptent et
absorbent l'augmentation. Ce n'est pas encore de l'inflation. L'inflation naît des effets de second
tour, lorsque, au lieu d'absorber la hausse des prix, les agents économiques la répercutent : la
première vague provoque une seconde qui engendre une troisième etc. En effet, lorsque les
agents économiques dont les prix d'inputs augmentent, incorporent cette surcharge dans leurs
prix d'outputs, ils apprennent très vite à devancer l'inflation : pour ne pas perdre, ils alignent
leurs prix, non pas sur la hausse des prix passée de leurs inputs (ils seraient toujours en retard)
mais sur la hausse future qu'ils anticipent. Alors, l'inflation anticipée commande la fixation des
prix et devient l'inflation présente.
Un tel enchaînement de hausses des prix des biens/services les uns par rapport aux autres
(et en particulier des biens de consommation et des salaires) devient vite difficile et coûteux à
arrêter : des comportements rationnels sur le plan micro ont une résultante macro
catastrophique. Nul ne peut cesser d'augmenter ses prix sans être certain que les autres le
feront aussi. Il faut, alors, taper très fort pour casser les anticipations d'inflation. La banque
centrale peut le faire si elle en a la détermination, il suffit de "fermer le robinet" et de ne plus
1 Cf Bull. BCE, 2005/04, "Les bulles des prix d'actifs et la politique monétaire".
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approvisionner l'économie en monnaie. La stabilisation des prix s'accompagne d'un
effondrement général (l'Angleterre mourra guérie disait-on lorsque, dans les années 1980,
Thatcher engagea l'Angleterre dans la désinflation).
L'arbitrage la Phillips" entre inflation et chômage (davantage d'inflation = moins de
chômage) s'est révélé illusoire : au cours de la période 1960/70, les économies ont connu à la
fois l'inflation et le chômage ("stagflation"). Les prix monétaires des biens/services définissent la
valeur elle de la monnaie (si une tablette de chocolat vaut 5 fr, la valeur du fr en chocolat
est 1/5). La hausse générale des prix traduit la perte de valeur de la monnaie. A cette époque,
les monnaies des pays les plus inflationnistes (en Europe : lire italienne, franc français etc.) se
dépréciaient par rapport aux monnaies les moins inflationnistes (franc suisse, deutsche mark),
sans qu'aucune force de rappel ne s'exerce puisque, depuis la fin du régime de change de
Bretton Woods (cf. Introduction, §1.3), les monnaies avaient rompu leur ancrage à l'or ou au
dollar.
Pour rétablir la confiance dans la monnaie, il fallut donc remplacer l'ancien ancrage nominal
(parité officielle) de la monnaie par un "ancrage el" : la stabilité de la valeur de la monnaie
s'exprime en termes de biens et services. La monnaie est stable quand, en moyenne, elle
achète la même quantité de biens et services (le même "panier" de B&S 1) d'une année sur
l'autre. Cela signifie dans l'autre sens que le prix moyen du "panier" est stable (ou, de manière
plus réaliste, faiblement croissant). C'est la "stabilité des prix".
Celle-ci est essentielle pour que la monnaie remplisse sa fonction de bien public et que les
prix informent correctement les décisions. En effet, quand le prix d'un bien ou d'un actif ne
traduit plus que les anticipations du vendeur à propos des prix futurs des produits qu'il achète
lui-même, il n'a plus aucun sens par rapport à l'équilibre du marché de ce bien. Les prix d'actifs
ne varient plus selon leurs caractéristiques propres mais selon leur sensibilité à l'inflation. Les
actifs réels (actions, immobilier, etc.) sont préférés car ils suivent mieux l'inflation que les actifs
financiers dont la valeur réelle (le "pouvoir d'achat") devient indéterminée puisque les contrats
financiers portent sur des flux futurs de revenu. Aucun calcul financier n'est plus possible. Les
intérêts fixes stipulés par les anciens contrats ont une valeur réelle décroissante, voire négative
(5% d'intérêt nominal - 10% d'inflation = -5% réel) : ce cadeau forcé des créanciers aux
débiteurs constitue un transfert indu. Certes, les taux d'intérêt courants augmentent pour
incorporer une "prime d'inflation" mais, si l'on anticipe des taux d'inflation supérieurs dans
l'avenir, à la fin, l'endettement ne coûte rien : cela stimule exagérément la demande de crédits
sans considération de rentabilité et entraîne une mauvaise allocation des capitaux. L'inflation
bénéficie aux débiteurs et, dans la plupart des pays, le principal débiteur est l'Etat. Les
gouvernements sont d'autant plus complaisants (au mieux, négligents) à l'égard de l'inflation
que la dette publique est plus élevée. En outre, l'inflation provoque une illusion de prospérité
(les revenus nominaux augmentent) qui crée un climat électoral favorable. Comme un ivrogne
qui boit "un dernier verre", les gouvernements croient qu'ils pourront s'arrêter à temps.
Au bout d'un moment, tout le système économique et tout le système financier connaissent
des distorsions et, à la limite (hyperinflation), explosent.
Il n'est pas possible ici de détailler les efforts et les coûts macro-économiques (en termes de
croissance et d'emploi) de la désinflation (épisode Volcker de 1979 à 1982 ; épisode Thatcher
1979/1981; ancrage du franc français au mark 1983/1998...). Les banquiers centraux n'ont pas
facilement compris leur responsabilité et leur devoir de reprendre le contrôle de la croissance de
la masse monétaire. Ensuite, dans la plupart des pays, il leur a fallu imposer leur objectif au
gouvernement : l'indépendance des banques centrales dont nous reparlerons n'est pas
1 Celui-ci est habituellement appréhendé à travers la consommation des ménages. Les quantités moyennes consommées des différents biens et
services sont utilisées pour pondérer les prix. C'est l'indice des prix à la consommation (IPC). D'autres indices sont utilisables (prix à la
production, écart PIB en valeur/PIB en volume) mais l'IPC est pertinent pour le consommateur/citoyen moyen qui est le référent du bien public
"monnaie".
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absolue, elle institue un dispositif légal et opérationnel qui interdit au gouvernement de dicter ou
d'influencer la politique monétaire.
L'objectif, initialement asymétrique (éviter l'inflation), devient symétrique au début des
années 2000 (éviter l'inflation et la flation). Ce n'est pas la hausse (baisse) des prix qui pose
problème mais l'enclenchement d'un processus inflationniste (hausse auto-entretenue des prix)
ou déflationniste (baisse auto-entretenue). Les prix étant à la fois des prix de vente et des prix
d'achat, la hausse des prix paraît favorable aux vendeurs mais les vendeurs sont aussi
acheteurs. De même la baisse des prix paraît favorable aux acheteurs mais, les acheteurs étant
aussi vendeurs (notamment de travail), il s'ensuit une contraction cumulative de l'offre et de la
demande, qui se traduit par du chômage et une baisse des rémunérations. Cette diminution des
revenus augmente la charge relative des dettes : le taux d'intérêt réel (r-p) dépasse le taux
nominal quand p<0 : 5% nominal - (-5% P) = 5+5=10%. Les ménages, entreprises, Etats
endettés sont étranglés par leur dette et font défaut, les créanciers et notamment les institutions
financières subissent des pertes qui les poussent aussi au défaut. C'est le mécanisme de la
Debt Deflation analysé par Fisher dans la crise de 1929.
Si la banque centrale peut toujours bloquer l'inflation en asphyxiant l'économie, dans l'autre
sens, elle ne peut pas la faire respirer de force pour arrêter la déflation : retirer de la monnaie
est une décision de la banque centrale, injecter de la monnaie n'a d'effet que si les agents
économiques la dépensent. Ben Bernanke, président du Fed de 2006 à 2013, a été surnommé
Helicopter Ben parce qu'il disait que, face à une menace de déflation, il faut inonder l'économie
de monnaie, quitte à jeter des billets sur la foule par hélicoptère. Mais cela ne suffit pas pour
faire redémarrer l'économie, il faut encore que la foule dépense ces billets. Tout laisse redouter
(cf. le cas japonais) qu'un climat déflationniste conduise les bénéficiaires à ne pas consommer
mais, au contraire, à épargner la manne tombée du ciel pour se protéger de leurs pertes de
revenus futures. Au début des 2000, la crainte que les tendances déflationnistes japonaises se
diffusent à l'économie mondiale, a entrainé des politiques monétaires expansionnistes.
Aujourd'hui, la crise ayant réanimé le spectre de 1929, la stabilité des prix vise l'inflation
comme la déflation. Quoiqu'intellectuellement satisfaisante, cette symétrie présente un danger
d'incohérence temporelle (time inconsistency) : les mesures antidéflationnistes de grande
ampleur (injections massives de liquidité et taux d'intérêt nuls) accumulent des pressions
inflationnistes qu'il sera difficile de combattre plus tard et perturbent la sphère financière ; dans
l'autre sens, une lutte trop précoce contre ces pressions (durcissement de la politique
monétaire) aggraverait les tendances déflationnistes. Car le temps importe et, dans le temps
concret, les politiques ont des effets durables. C'est la raison pour laquelle, de nombreuses
banques centrales (comme la BCE et la BNS) ne conçoivent pas la stabilité des prix de manière
instantanée (la stabilité tout le temps) mais de façon tendancielle en se donnant un horizon de
moyen terme. Ces banques centrales refusent l'activisme à court terme (générateur
d'incohérence temporelle) et définissent des politiques structurelles visant à stabiliser les
anticipations.
b) objectifs de la BC
La mission de stabilité des prix conditionne l' "indépendance" des banques centrales (par
rapport au gouvernement) 1 : elles n'ont pas la liberté de faire ce qu'elles veulent, mais celle de
faire ce qu'il faut pour assurer la stabilité des prix, sans interférences du gouvernement dont les
préférences, surtout à l'approche des élections, peuvent être contradictoires. Même les
gouvernements les plus responsables accordent, dans leur fonction de réaction, un poids élevé
à la croissance et à l'emploi qui sont des composantes du bien-être social (et des résultats
électoraux). Or, dans certaines circonstances (choc d'offre), la lutte contre l'inflation aura des
1 "L'indépendance de la Banque nationale", Philipp Hildebrand, président de la Direction générale de la Banque nationale suisse, Avenir Suisse,
Zurich, 21.06.2011 : http://www.snb.ch/fr/mmr/speeches/id/ref_20110621_pmh
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effets négatifs sur la croissance. D'où la notion de "banquier central conservateur" (Rogoff 1)
qui, à l'inverse du gouvernement, pondère davantage la stabilité des prix que la croissance, de
sorte que leur fonction jointe (politique macro-économique) se rapproche de l'optimum. Cela
n'implique pas que ce banquier central reste indifférent à la croissance et à l'emploi : sa charte
(loi instituant la banque centrale et définissant ses missions) hiérarchise les objectifs et met la
stabilité des prix en premier. A condition de ne pas nuire à celle-ci, la banque centrale doit
soutenir la croissance et les autres politiques du gouvernement.
Cette indépendance n'est donc pas synonyme d'irresponsabilité. La banque centrale est
soumise à sa charte. C'est une agence de l'Etat qui doit rendre des comptes aux citoyens
(généralement par un rapport périodique 2), formellement à travers leurs représentants
(Parlement), et informellement par sa communication et ses explications. Jadis, les banques
centrales ne communiquaient pas. Elles considéraient même que l'opacité était nécessaire à la
réussite de leur action 3. Aujourd'hui, la stabilité des prix passant par les anticipations, elles ont
compris que leur crédibilité est un instrument psychologique aussi important que les outils
techniques dont elles disposent. Pour cela, elles doivent définir et expliquer leur cadre d'action
et leur mode d'intervention afin que la politique monétaire soit prévisible pour les acteurs
professionnels et 'intuitable" pour le public.
La banque centrale américaine (Federal Reserve System) présente une particulari : sa
charte lui assigne plusieurs objectifs non hiérarchisés. Outre la stabilité des prix, le Fed doit
viser un objectif de production (plus haut niveau d'emploi possible) et un objectif financier (taux
d'intérêt à long terme bas). Cette pluralité d'objectifs suscite un danger de conflit ou
d'incohérence (par exemple en 2007 : choisir entre l'inflation élevée et les perturbations
financières). Pour les autres banques centrales, la politique monétaire est asservie à la stabilité
des prix, leur indépendance concerne les moyens et non le but. Le Fed choisit son objectif 4
selon les circonstances de la période et l'analyse qu'il en fait, ce qui lui assure une
indépendance stratégique. Ainsi, en 2007, a-t-il décidé que la hausse des prix était accidentelle
(non inflationniste) et qu'il fallait stabiliser la finance et l'économie. En contrepartie de cette
liberté, le Fed rend compte au Congrès (hearings périodiques) qui peut modifier ses objectifs ou
leur importance relative par une simple loi 5.
De son côté, la BCE a reçu d'un traité international, Traité sur l'Union européenne (TUE) dit
"Traité de Maastricht", l'objectif prioritaire de la stabilité des prix. Dans la mesure cet objectif
est atteint, et à condition de ne pas lui porter préjudice, la BCE soutient les politiques
communautaires (objectif de production). Il y a donc une stricte hiérarchie que la BCE est
légalement obligée de respecter. A l'inverse du Fed, la dépendance stratégique a pour corollaire
l'indépendance juridique. Cela ne la dispense pas de justifier son action (rapport annuel), de
l'expliquer ("dialogue monétaire" avec la Commission des affaires monétaires et financières du
Parlement européen), de communiquer et de convaincre, à la fois à cause de sa responsabilité
à l'égard des citoyens et pour que son action soit efficace. Dès le début, elle a accompagné la
séance mensuelle du Conseil des gouverneurs consacrée à la politique monétaire d'une
conférence de presse suivie de questions ouvertes.
1 K. Rogoff, 1985, "The Optimal Degree of Commitment to an Intermediate Monetary Target", Quarterly Journal of Economics ;
Rogoff, 1987, "Reputational Constraint on Monetary Policy", Carnegie-Rochester Conference series on public policy, 26.
2 Par son compte rendu d'activité, la Banque nationale présente à l’Assemblée fédérale de la Confédération suisse un rapport rendant compte de
l’accomplissement de ses tâches. Le rapport annuel, avec les comptes annuels détaillés, est soumis à l'approbation du Conseil fédéral et de
l'assemblée générale des actionnaires.
3 Symbolisée par le never explain, never apologize atrribué à Norman Montagu, gouverneur de la Banque d'Angleterre de 1920 à 1944. Cf. aussi
le fameux Greenspan grumbling : "si vous m'avez compris, c'est que je me suis mal exprimé" !.
4 Sans entrer dans les détails, ce n'est pas le "Board" du Federal System qui prend les décisions de politique monétaire, c'est un organe spécial,
le Federal Open Market Committee FOMC dont les 12 membres votants sont les 7 gouverneurs (board) + 5 présidents des Federal Reserve
Banks (FRBNY + 4 désignés par rotation parmi les 11 présidents des FRB).
5 Néanmoins, les tentatives du Congrès de modifier les conditions d'activité de la banque centrale se heurtent à de fortes réactions de celle-ci. Elle
dispose d'un pouvoir d'expertise, d'argumentation et de communication considérable qu'elle n'hésite pas à mobiliser.
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