CHICAGO, quatrième partie, samedi 21 avril, 11h00, dernière répétition à l’Entrepôt Comme à chaque répétition, on commence par un briefing où Stéphane souligne l’importance de cette dernière à l’Entrepôt, un endroit qui est devenu attachant et qui rappelle les hangars où les jeunes comédiens en herbe tenaient leurs séances autrefois. En partant de la droite, on aperçoit Stéphane, Sabrina Lessard, assistante à la mise en scène, Marie Vaillancourt, préposée à la régie et à l’administration du projet, Carole Bélanger, chorégraphe, préposée aux costumes, au maquillage et aux accessoires, Lise Filion, gestionnaire à l’administration du projet. Derrière l’ordinateur qu’on voit à l’extrême gauche de la table, se trouve Alexandre Bibeau, technicien au son. Les visages rayonnent d’enthousiasme et masquent aussi une certaine nostalgie au début de cette dernière à l’Entrepôt. À la droite de Stéphane, il y avait aussi Maryse Lafrance et François Ouellet, chorégraphes. François est aussi le technicien à l’éclairage. On les voit tous deux sur la prochaine photo. La répétition à proprement parler s’amorce après le court briefing. Le rythme s’accélère et devient même endiablé dans WE BOTH REACHED FOR THE GUN, puis se calme et s’adoucit quelques instants avec le duo de Billy et Mary. Ils dansent bien, ils chantent bien. Mary (Émilie Breault) a une voix angélique. Quand elle chante en dansant avec Billy, on pense à Julie Andrews. Oui, elle a une voix «si belle que çà » et elle chante surtout avec beaucoup de prestance. La répétition va bon train. On arrive au deuxième acte puis à la chanson Mr.Cellophane par Amos (Louis-Philippe Dallaire). Deux comédiennes Gabrielle Morissette et Agathe Poirier ajoutent au costume d’Amos. On n’a pas encore vu le costume d’Amos et surtout les accessoires que les deux comédiennes simulent ici d’ajouter. Puis la chorégraphe Carole enseigne ensuite à Louis-Philippe quelques pas de danse vers la sortie. Pour plusieurs, çà paraîtra simple comme bonjour au spectacle. On comprend ici que ce ne sera pas de l’improvisation. MISTER CELLOPHANE SHOULD HAVE BEEN MY NAME ‘cause you can walk right by me and never know I’m there. Le pas de danse illustre bien ici le sens des dernières paroles de la chanson. La chorégraphe ne sera pas à ses côtés au spectacle. Au mur, on voit des décors de l’étage du haut qui sont déjà prêts à prendre le chemin de la salle Albert-Rousseau. On enchaîne ensuite avec une petite diversion, la partie de poker qui regroupe Velma (Catherine St-Jean), Annie (Alexandra Hudon), June (Stéphanie Gingras) et Mama (Maude Barette-Déry). Les quatre trichent et c’est surtout le dénouement de la partie qui déride soulignant la complicité de Mama avec les prisonnières même dans une partie de poker. Un petit détail ici sur le décor. Les bancs sur lesquels sont assises les comédiennes me rappellent de vieux souvenirs. On avait fabriqué ces bancs pour meubler la salle de pastorale à notre arrivée dans le Bourg-Royal au début des années ’90. Dans le vieil Externat sur la 12è rue, il y avait une chapelle à l’étage du haut. En fait, Il y avait une chapelle dans tous les collèges classiques autrefois. Lorsqu’on a emménagé l’Externat au 2350 du Colisée, il y avait un local pour des réunions de pastorale. On a tenté de maintenir la tradition d’un lieu de pastorale à notre arrivée dans le Bourg-Royal en réservant un petit coin à l’étage supérieur, tout près de la nouvelle annexe et des deux locaux de classe de première secondaire. Le dernier directeur religieux et principal artisan de la Relance de l’Externat en 1970, le Père Henri-Georges Lachance, est même venu célébrer la messe dans ce local à une couple d’occasions et les quelques enseignants présents étaient assis sur ces bancs que nous voyons ici. Il y a quelques souvenirs de ce genre d’une époque pas si lointaine au sous-sol de l’école. Parfois, de tels objets inanimés prennent vie le temps de quelques instants dans le passé. Par pur hasard, quelques minutes après la partie de poker, Stéphane interrompt la répétition. On n’écoute pas toujours lors de mises au point. Çà compromet le jeu d’ensemble. Il faut redoubler d’efforts et de concentration. Un entraîneur tente toujours de sortir le meilleur d’un athlète surtout en sport collectif. Il sait fort bien qu’un bon athlète qui performe bien va rendre meilleur son voisin. C’est l’effet domino à l’inverse. C’est le secret de la réussite en sport collectif. Ainsi en est-il avec une troupe de théâtre, où le jeu et la concentration de chacun fait la différence entre un jeu ordinaire et une performance extraordinaire . Carole ajoute aux propos de Stéphane et demande un changement d’attitude immédiat. La répétition reprend et, avec la chanson RAZZLE DAZZLE, l’enthousiasme semble revenu. La majorité des jeunes entrent en scène dans cette chorégraphie qui me semble l’une des plus belles du spectacle. Il reste donc très peu de jeunes inactifs pour placoter et distraire. La mise au point semble avoir produit un effet immédiat. À la bonne heure ! Le rythme s’accélère et le mouvement de va et vient continuel dans les escaliers s’accentue, comme le montre la photo ci-dessous. Nous arrivons au procès de Roxie. Me Harrisson (Alyson Jalbert-Harvey) a quelques questions à poser à Amos, des questions qui semblent soulever l’indignation. Quelques instants plus tard, dans la chanson CLASS, question WHATEVER HAPPENED TO CLASS ? Velma et Mama se posent la Whatever happened to old values ? And fine morals ? And good breeding ? WHAT A SHAME ! WHAT A SHAME ! Sur le mur de la cellule d’Hunyak derrière elles, on peut lire PAS COUBABLE, les seuls mots que connaissait Hunyak et qui deviennent ici presqu’une réponse aux interrogations de la chanson. La dernière chanson NOWADAYS, réunit les deux vedettes Roxie et Velma au 9 centre, canne en main. Carole les rejoint pour finaliser la chorégraphie. YOU CAN LIKE THE LIFE YOU’RE LIVING YOU CAN LIVE THE LIFE YOU LIKE GOOD ! GRAND ! GREAT ! SWELL ! FUN ! NOWADAYS. Carole ajuste quelques détails à la chorégraphie. À cette hauteur, la prudence est de mise. Puis c’est la grande finale, une chorégraphie époustouflante. L’enthousiasme est à son comble et les jeunes montrent beaucoup de synchronisme comme le montre la photo. Carole réunit ensuite la troupe. Cet après-midi-là, une comédienne m’avait demandé s’il est vrai que le nom de l’école était bien Externat Classique Saint-Jean-Eudes au début. Que vient faire le mot classique dans le nom d’une école ? Le cours de huit ans d’alors se divisait en trois sections. On appelait les quatre premières années les classes de grammaire, les deux suivantes, les classes de lettres et les deux dernières les classes de philosophie. Les six premières sont devenues le secondaire d’aujourd’hui et les deux dernières le cegep moderne. Dans les classes de lettres, le théâtre prenait beaucoup d’importance. Selon une expression populaire, on disait alors que les jeunes «faisaient leurs humanités». Cette question singulièrement à point me permit d’expliquer à la jeune comédienne que la comédie musicale d’aujourd’hui donnait l’occasion d’initier les jeunes aux arts de la scène tout comme le théâtre classique d’autrefois. Les jeunes mémorisaient tous quelques vers de Boileau, l’un des auteurs classiques à l’étude, dont le célèbre Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage. Polissez-le sans cesse et le repolissez. J’ajoutai alors que les jeunes réunis ici étaient, d’une certaine manière, à faire leurs humanités comme les jeunes d’autrefois, car CHICAGO est un classique des comédies musicales. Carole expliqua en moins d’une minute qu’il ne restait plus grand temps aux jeunes pour polir leur art. Le visage des jeunes en dit long sur leur réception du message de Carole. À ce moment, je me prépare à prendre d’autres photos mais ma charmante petite-fille me demande de quitter la pièce avec le reste du personnel. Les jeunes ont demandé quelques minutes pour eux seuls. Çà me rappelle ce qui arrive souvent avec les équipes sportives à un moment donné lors d’une saison. Quand çà brasse et que çà ne roule pas comme prévu, les athlètes demandent alors une réunion pour joueurs seulement, portes closes. On dit alors «qu’on va laver son linge sale en famille». Je n’ai aucune idée de ce qu’on a pu dire pendant ces quelques minutes. Habituellement, dans le sport, ces réunions de famille apportent des résultats concrets. C’est dans ces moments qu’on chasse une nervosité devenue écrasante. La semaine prochaine, les metteurs en scène, chorégraphes, préposés au son et à l’éclairage cèderont la place devant la scène à des spectateurs. Les jeunes ont vendu les billets d’admission au spectacle et sont conscients que la salle sera pleine. Une singulière nervosité s’est installée. Après quelques minutes, on nous prévient que les «vieux» peuvent réintégrer la pièce. Stéphane réunit la troupe pour quelques dernières consignes. L’horaire de la semaine suivante sera infernal. Jean-Martin Hudon a commencé à dévisser les panneaux du haut. Je profite de la dernière chance de me hisser au niveau 9 centre pour prendre une photo de groupe, le dernière à l’Entrepôt. La trentaine de jeunes sont toutes oreilles pour les consignes de Stéphane. Je le regarde, confortablement assis sur les planches, face à tous ces jeunes, la plupart souriants. Je sais à quoi il pense. Je le revois, l’été dernier, travaillant sur la traduction du texte de CHICAGO. Les quatre-vingt quelques pages de texte de la comédie sont maintenant dans la tête de ces jeunes. Le grand et ravissant moment approche où l’enseignant écoute l’élève réciter parfaitement sa leçon. En voyant tous ces jeunes près des planches, je me rappelle cette affiche d’un coureur du 100 mètres aux jeux olympiques au moment où il s’approche des blocs de départ et surtout des paroles au bas de l’affiche Il s’est entraîné toute sa vie pour les dix prochaines secondes. Oui, l’intensité du moment approche et la joie rayonnant sur leur visage reflète leur confiance à l’approche des blocs de départ. Quand Stéphane termine, les jeunes reprennent leurs effets et quittent la pièce. Peu se retournent pour un dernier regard. Quelques jeunes s’attardent dont une couple de comédiens pour prêter main forte au démantèlement des décors. J’y reviendrai dans la prochaine chronique. Ce fut une longue journée pour les jeunes qui ont sans doute hâte de prendre un repos bien mérité, de retrouver le calme du foyer, de se soustraire aux mises au point, si constructives soient-elles, et de reprendre le collier lundi avec une force renouvelée. Pour les jeunes, prochain arrêt ALBERT-ROUSSEAU. Mais les décors ne s’y rendront pas seuls. Ce sera l’objet de la prochaine chronique. Mr.P.