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Cour de justice de l’Union européenne
COMMUNIQUE DE PRESSE n° 142/11
Luxembourg, le 21 décembre 2011
Presse et Information
Arrêt dans l'affaire C-495/10
Centre hospitalier universitaire de Besançon / Thomas Dutrueux, Caisse
primaire d'assurance maladie du Jura
La responsabilité d’un établissement public de santé, en tant que prestataire de
services, ne relève pas du champ d’application de la directive sur la responsabilité
du fait des produits défectueux
Dès lors, la directive n’empêche pas les États membres d’instituer un régime selon lequel un tel
établissement doit réparer, en l’absence même de sa faute, le dommage subi par son patient du
fait de la défaillance d’un produit utilisé lors de la prestation des soins
La directive relative à la responsabilité du fait des produits défectueux1 établit un principe de
responsabilité sans faute, selon lequel le producteur est responsable du dommage causé par un
défaut de son produit. Si le producteur ne peut être identifié, chaque fournisseur du produit en est
considéré comme producteur, à moins qu’il n’indique à la victime, dans un délai raisonnable,
l’identité du producteur ou de celui qui lui a fourni le produit. En ce qui concerne les produits
importés dans l’Union, l’importateur est responsable au même titre que le producteur.
Le régime de responsabilité civile institué par la directive répond à l’objectif d’assurer une
concurrence non faussée entre les opérateurs économiques, de faciliter la libre circulation des
marchandises et d’éviter des différences dans le niveau de protection des consommateurs.
Par ailleurs, la directive ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se
prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un
régime spécial de responsabilité existant au moment de la notification de la directive2.
En droit français, la responsabilité des établissements publics de santé à l'égard de leurs patients
est gouvernée notamment par un principe jurisprudentiel, dégagé par le Conseil d’État (France),
selon lequel un établissement public hospitalier doit réparer, en l'absence même de faute de sa
part, le dommage subi par un patient du fait de la défaillance d'un appareil ou d'un produit utilisé
dans le cadre des soins dispensés.
En l'espèce, M. Dutrueux, alors âgé de 13 ans, a été victime de brûlures au cours d'une
intervention chirurgicale pratiquée en 2000 au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Besançon
(France). Ces brûlures ont été causées par un matelas chauffant sur lequel il avait été installé et
dont le système de régulation de température était défectueux. Le CHU de Besançon a été
condamné à réparer le dommage ainsi occasionné et à verser à la victime 9 000 euros et près de
5 970 euros à la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Jura. Le CHU s’est pourvu
devant le Conseil d’État en arguant qu’il résulte de la directive, telle que transposée en droit
français, que le producteur du matelas doit être tenu pour seul responsable dès lors qu’il était
dûment identifié.
Le Conseil d'État, saisi en dernier lieu de ce litige, interroge la Cour de justice sur l’interprétation
de la directive, à savoir si le régime français de responsabilité sans faute des établissements
1
Directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives,
réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (JO L
210, p. 29).
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publics hospitaliers peut coexister avec le régime de responsabilité du producteur que cette
directive met en place.
Par son arrêt de ce jour, la Cour rappelle que la directive ne couvre que la responsabilité
du producteur ou, le cas échéant, celle de l’importateur ou du fournisseur du produit défectueux.
La directive n’a pas vocation à harmoniser de manière exhaustive le domaine de la responsabilité
du fait des produits défectueux au-delà de son champ d’application.
Dès lors, la responsabilité susceptible d’incomber à un utilisateur qui, tel le CHU de Besançon, fait
usage, dans le cadre d’une prestation de soins prodiguée à un patient, d’un produit ou d’un
appareil qu’il a préalablement acquis, – tel qu’un matelas chauffant –, ne relève pas du champ
d’application de la directive. En effet, un tel utilisateur ne peut être considéré comme un participant
à la chaîne de fabrication et de commercialisation du produit en cause, ni être qualifié de
fournisseur de ce produit.
Par ailleurs, la simple coexistence du régime de responsabilité du producteur institué par la
directive avec un régime national qui prévoit la responsabilité sans faute du prestataire de
services, n’est de nature à porter atteinte ni à l’effectivité du régime de responsabilité du
producteur ni aux objectifs poursuivis par le législateur de l’Union au moyen de ce régime.
À cet égard, la Cour précise toutefois que la responsabilité du prestataire de services ne doit pas
porter préjudice au régime mis en place par la directive. En effet, l’application de règles nationales
ne saurait porter atteinte à l’effet utile de la directive. Ainsi, la possibilité de mettre en cause la
responsabilité du producteur, lorsque les conditions d’une telle responsabilité se trouvent remplies,
doit être préservée. Dès lors, le prestataire de services doit disposer d’un mécanisme juridique –
tel que celui du recours en garantie prévu par la législation française – permettant de mettre en
cause la responsabilité du producteur.
Enfin, poursuit la Cour, l’éventuelle responsabilité sans faute du prestataire de services,
susceptible de s’ajouter à la responsabilité du producteur telle qu’elle découle de la directive, est
de nature à contribuer à un renforcement de la protection du consommateur.
Par conséquent, la Cour répond que la responsabilité d’un prestataire de services qui utilise, dans
le cadre d’une prestation de services telle que des soins dispensés en milieu hospitalier, des
appareils ou des produits défectueux dont il n’est pas le producteur et cause, de ce fait, des
dommages au bénéficiaire de la prestation, ne relève pas du champ d’application de la directive.
Dès lors, la directive ne s’oppose pas à ce qu’un État membre institue un régime prévoyant la
responsabilité d’un tel prestataire à l’égard des dommages ainsi occasionnés, même en l’absence
de sa faute, à condition que soit préservée la faculté pour la victime et/ou ce prestataire de mettre
en cause la responsabilité du producteur sur le fondement de la directive.
RAPPEL: Le renvoi préjudiciel permet aux juridictions des États membres, dans le cadre d'un litige dont
elles sont saisies, d'interroger la Cour sur l'interprétation du droit de l’Union ou sur la validité d'un acte de
l’Union. La Cour ne tranche pas le litige national. Il appartient à la juridiction nationale de résoudre l'affaire
conformément à la décision de la Cour. Cette décision lie, de la même manière, les autres juridictions
nationales qui seraient saisies d’un problème similaire.
Document non officiel à l’usage des médias, qui n’engage pas la Cour de justice.
Le texte intégral de l’arrêt est publié sur le site CURIA le jour du prononcé.
Contact presse: Marie-Christine Lecerf (+352) 4303 3205
Des images du prononcé de l'arrêt sont disponibles sur "Europe by Satellite" (+32) 2 2964106
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