Quatre déclarations sur la question raciale - UNESDOC

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Quatre
déclarations
sur la question raciale
Unesco
Publié en 1969 par l’Organisation
des Nations Unies pour l’éducation, la science
et la culture, place de Fontenoy, Paris-‘le
Imprimé
@ Unesco
par Obertlmr,
1969
Rennes
COM.69/II.27/F
L’Unesco
et son programme
Dans cette collection
:
Des maîtres pour l’école
par Jean Thomas
Le droit à l’éducation.
par Louis François
de demain
Du principe
aux réalisations,
Pour les enfants du monde. Exemples de la coopération
par Richard Greenough
Pour et avec le.3 jeunes
Quatre déclarations sur la question raciale
1948-1968
Unesco-FISE
(Unicef)
Avant-propos
La présente
brochure
reproduit
les quatre déclarations
sur la
question raciale qui ont été rédigées en 1950, 1951, 1964 et 1967
par des groupes dexperts
réunis par 1’Unesco dans le cadre de
son programme
d’information
scientifique
sur la race et de lutte
contre le préjugé
racial. A la fin de chacune des déclarations
figurent
les noms et les titres des experts qui ont participé
à
son élaboration.
Ces textes sont précédés de deux études l’une par le
professeur
Hiernaux,
biologiste,
de l’Université
de Bruxelles;
2’autre par le professeur
Banton,
sociologue,
de I>Université
de
Bristol
sur les quatre
déclarations
considérées
dans leur
ensemble.
Les opinions
exprimées
dans ces études sont celles
des auteurs et ne reflètent pas nécessairement
celles de PUnesco.
--.
Table des matières
Les aspects biologiques
de la question
Aspects sociaux de la question
Déclaration
raciale,
par Jean Hiernaux
raciale, par Michael
sur la race. Paris, juillet
Banton
9
17
1950
30
II
Déclaration
eur la race et les différences raciales.
Paris, juin
1951
37
III
Propositions
sur les aspects biologiques
de la question
Moscou, août 1964
raciale.
46
IV
Déclaration
sur la race et les préjugés raciaux.
Paris, septembre 1967
52
Les aspects biologiques
de la question raciale
par
Jean Hiernaux
Comme le souligne
la Déclaration
sur la race et les préjugés
raciaux
de 1967, les causes fondamentales
du racisme
sont
économiques
et sociales.
Cependant,
ceux qui le pratiquent
justifient
leur comportement
par des croyances
et des images
du domaine
de la biologie : d’une part, la conviction
qu’il y a
des différences
innées de valeur
entre les groupes
humains,
d’autre
part, la représentation
stéréotypée
des caractéristiques
héréditaires
des membres
de ces groupes. Dans la pensée des
racistes,
non seulement
tel groupe
(le leur)
est par nature
supérieur
à tel autre, mais tout membre du premier est supérieur
à tout membre
du second. Cette conviction
s’accompagne
de
répulsion
envers l’intrusion
de sang « inférieur
» dans le
patrimoine
génétique
du groupe auquel ils s’identifient.
Celui-ci
est le plus souvent désigné en termes de race; il peut aussi
constituer
une caste, voire
une classe sociale.
La hiérarchie
qu’établit
la pensée raciste est conçue surtout dans le domaine
de l’intelligence
et du comportement,
où elle attribue
à chacun
des caractéristiques
non seulement
innées, mais
des groupes
immuables.
Que pensent, sur tous ces points, ceux qui vouent leur vie
à l’étude rationnelle
des différences
biologiques
entre les êtres
et les groupes humains : les chercheurs
en biologie
humaine,
? Les déclarations
de l’Unesco reproduites
ou anthropobiologie
ci-après répondent
à cette question,
particulièrement
celles de
1951 et de 1964, qui émanent de réunions de biologistes.
Ceux-ci
étaient insuffisamment
représentés
à la réunion
de 1950, ce qui
de 1967, elle
a provoqué
celle de 1951. Q uant à la Déclaration
réaffirme
les propositions
adoptées en 1964, tout en soulignant
les points de cette dernière
qu’elle estime essentiels. C’est à la
lumière
de ces textes
que seront
présentés
ici les aspects
9
- _... .-- .._. .
.
_._-_
Jean Hiernaux
biologiques
de la question
raciale,
dans une tentative
de faire
le point
des connaissances
scientifiques
actuelles
et de leur
évolution
récente.
Dans son développement
physique
et mental, l’être humain
résulte de l’interaction
de l’hérédité
et du milieu.
Mis à part
l’aspect
qualitatif
de caractères
comme les groupes
sanguins,
qui semble échapper
à toute influence
du milieu,
l’hérédité
ne
détermine
qu’un potentiel
ou une tendance. Par exemple,
selon
les conditions
dans lesquelles
s’est déroulée
sa croissance,
un
individu
atteindra
à l’âge adulte
une stature
dont l’hérédité
n’aura
déterminé
que la « fourchette
> ; selon leur régime
alimentaire,
deux individus
qui ont hérité la même tendance
au diabète peuvent l’un présenter une forme grave de l’affection,
l’autre ne pas en souffrir.
Le concept de race concerne la part
héréditaire
des différences
que manifestent
les êtres humains :
il ne viendrait
à l’esprit de personne d’appeler
différence
raciale
l’effet
de conditions
de vie différenciant
l’expression
d’un
potentiel
génétique
démontré
identique
pour
un caractère
donné.
’
’
Sur le plan d u patrwome
héréditaire
total (l’ensemble
des
gènes, longues molécules
d’acide désoxyribonucléique
ou ADN
composant
les chromosomes
dans le noyau cellulaire),
comme
sur celui de l’ensemble
des caractères tels qu’ils sont exprimés
(les phénotypes),
il n’est pas deux êtres humains
identiques
(à I’exception,
sur le plan génétique,
des jumeaux
monozygotiques,
issus d’un seul ûeuf fécondé dont les deux cellules
filles se sont séparées pour donner naissance chacune à un être
complet).
Dans l’esprit
de l’homme
de la rue comme
dans
celui de l’anthropologue,
le concept de race inclut la notion de
stabilité du patrimoine
héréditaire
d’une génération
à la suivante,
ou du moins de tendance
à une telle stabilité.
Il en découle
que l’individu
ne saurait
être l’unité
d’une étude des races :
aucun de ses enfants, qui hérite autant de l’autre parent, n’est
semblable
à lui. Manifestement,
le concept de race a pour unité
un groupe d’individus
tel que son patrimoine
génétique
collectif
(la somme des patrimoines
héréditaires
de ses membres)
tend
à rester stable au long des générations.
C’est le cas d’une
population
dont les membres
se marient
habituellement
entre
eux, dans la mesure où cet isolement
génétique
est prononcé
et
où interviennent
peu les forces et événements évolutifs énumérés
10
Les aspects biologiques
de la question
raciale
plus loin. Pour les questions
abordées ici, les unités d’étude
sont les pièces du découpage
de l’humanité
qui se rapproche
le plus d’un ensemble
de telles populations.
Leur nombre
est
élevé : rien que pour l’Afrique
au sud du Sahara, on en compte
un bon millier.
Ainsi définies, il n’est pas deux populations
humaines
dont
les patrimoines
héréditaires
soient identiques
: pour le moins,
ils vont différer par la fréquence
de certains gènes. Les classifications raciales réduisent
la multitude
de ces populations-unités
à un nombre plus modeste de groupements
(les races) ; éventuellement, elles créent plusieurs
échelons classificatoires
(la grandrace, la race et la sous-race, par exemple).
La Déclaration
de
1951 affirme l’unanimité
des anthropologues
à considérer
la race
comme
un concept
classificatoire.
Celle
de 1964 aifirme
le
caractère
classificatoire
de la grand-race
mais, selon elle, sont
appelés races soit des groupements
d’ordre
inférieur,
soit les
populations-unités
elles-mêmes.
C’était
déjà, moins clairement
exprimé,
ce qu’en disait la Déclaration
de 1950. En fait, un
grand nombre
d’anthropologues
définissent
aujourd’hui
la race
comme une population
différant
des autres par la fréquence
de certains
gènes; chaque
population
constitue
d& lors une
race, et ce dernier
terme n’est pas classificatoire.
Il est regrettable que le même mot désigne tantôt
les unités énumérées,
tantôt les groupements
de leur classification.
Beaucoup
désormais
veillent
à réserver le terme de population
aux premières
et celui
de race aux seconds.
L’ambiguïté
de la signification
du mot B: race > dans la
littérature
anthropologique
récente provient
d’une évolution
des
idées, durant
les dernières
décennies,
quant
à la justification
et à l’intérêt
d’une classification
des populations
humaines.
Les
signataires
de la Déclaration
de 1951 voient la diversification
des
groupes humains essentiellement
sous la forme d’un arbre généalogique; la classification
raciale, qui en nomme les branches et les
rameaux,
résume l’évolution
et, dit la déclaration,
en facilite
l’étude.
La diversification
des populations
humaines
est plus
souvent vue aujourd’hui
sous la forme d’un réseau que tissent
les facteurs de particularisation
et les multiples
mélanges génétiques. L’unité
évoluante
est la population;
celles que groupent
les classifications
en une grand-race
peuvent
avoir des histoires
11
Jean Hiemaux
évolutives
très différentes.
Certains
doutent
qu’il soit possible
d’établir
une classification
des populations
humaines
d’usage
général : selon eux, il convient d’élaborer
la classification
appropriée au problème
étudié. La plupart
reconnaissent
qu’il y a une
large part d’arbitraire
dans toute classification
raciale. Un nombre
croissant
d’anthropobiologistes
abandonnent
toute classification,
dont l’intérêt
leur paraît limité au regard du risque d’inciter
à
des généralisations
abusives.
Cette évolution
de la biologie
humaine
moderne
quant aux classifications
raciales
a marqué
le texte de 1964 et a frappé les experts réunis en 1967, dont la
déclaration
attire l’attention
sur elle. Vis-à-vis des idées reçues,
il était capital de relever que, pour l’anthropologue
contemporain,
l’humanité
ne se divise pas naturellement
en Blancs, Jaunes et
Noirs ou toute autre subdivision,
mais qu’elle est composée d’une
multitude
de populations
ayant chacune son histoire
évolutive
propre. Leur ensemble forme un continuum
tel que toute tentative de groupement
autour de combinaisons
de caractères choisies
aboutit
à la constatation
que de nombreuses
populations
sont
inclassables
(ce que reconnaissait
d’ailleurs
déjà la Déclaration
de 1951).
Pour la biologie humaine moderne, ce qui importe est d’établir la nature, l’ampleur,
les modalités
et la genèse des différences que présentent
les populations
humaines,
dont la part
génétique
est habituellement
qualifiée
de différence
raciale.
Entre les populations
d’une même espèce, comme le sont
les populations
humaines,
les différences
ne peuvent
être que
mineures
en regard
de ce qu’elles
ont en commun.
Pour la
grande majorité
des caractères
héréditaires
qui varient
entre
elles, chacune présente une large diversité
(ou polymorphisme).
Pour les caractères
mesurables,
les membres
d’une population
se répartissent
autour d’une valeur moyenne;
dans presque tous
les cas, les distributions
des valeurs individuelles
de deux populations
se chevauchent.
Par exemple,
si l’une a une stature
moyenne
inférieure
de dix centimètres
à celle de l’autre,
il y
aura une proportion
notable
d’individus
de la première
plus
grands que certains membres de la seconde. Dans le domaine des
traits qualitatifs
déterminés
par un seul facteur génétique,
dont
les groupes sanguins sont un exemple,
il n’est pas deux populations qui s’opposent
par la possession générale d’allèles diffé-
12
Les aspects biologiques
de la question
raciale
rents l. Ou bien les mêmes allèles sont présents dans toutes les
populations,
ou bien toutes les populatiom
ont en commun
au
moins un allèle et un génotype.
L’image
stéréotypée,
qui voit
semblables
tous les membres
d’une race, est déjà en contradiction
avec la réalité
quand
il s’agit d’une population,
ia
moins variée soit-elle.
Face à une différence
de moyenne
ou de fréquence
d’un
caractère entre deux populations,
départager
ce qui relève d’une
différence de patrimoine
héréditaire
et ce qui relève de l’influence
du milieu sur l’expression
de ces patrimoines
est souvent malaisé.
on sait qu’une
carence
alimentaire,
particulièPar exemple,
rement
en calcium
et en protéines,
déprime
la croissance
et
entraîne une stature adulte plus basse. Si une population
a une
à celle d’une autre tout en étant
stature moyenne
supérieure
mieux nourrie,
nous ne pouvons affirmer
qu’elle a un potentiel
héréditaire
de stature supérieure
que si nous constatons
que la
différence
persiste lorsque
des groupes représentatifs
des deux
populations
sont placés depuis la conception
(qui est la naissance
véritable)
dans les mêmes conditions
de milieu.
Bien des différences
restent à élucider
de cette façon, mais
il est certain
que beaucoup
de populations
diffèrent
dans leur
patrimoine
héréditaire
pour un grand nombre de caractères qui
manifestent
une diversité
génétique
en chacune d’elles (en laissant de côté les variantes
que ne maintiennent,
à taux très bas,
que les mutations
récurrentes).
Le tableau
que présente,
à
chaque époque, cette diversité des patrimoines
héréditaires
résulte
du jeu incessant d’une série de facteurs d’évolution
qu’énumèrent
les déclarations
de 1951 et de 1964 : les mutations,
qui peuvent
faire apparaître
des variantes
différentes
d’un même gène en des
points éloignés de la terre;
la dérive génétique,
fluctuation
au
hasard des fréquences
des gènes dans les petites populations;
la sélection et le métissage.
La sélection
naturelle
tend à adapter
génétiquement
la
population
à son environnement.
Suivant
que deux populations
1. Les allèles sont les variantes du gène. Chaque individu
en possède une
l’un provient
de son père, l’autre de sa mère;
paire dans ses cellules;
ils constituent
son génotype pour le caractère ainsi déterminé. II est dit
homozygote
si les deux allèles sont semblables, hétérozygote
s’ils sont
différents.
13
Jean Hiemaux
vivent
dans le même milieu
ou un milieu
différent,
elle va
constituer
une force de convergence
ou de différenciation.
Dans
une de ses modalités,
celle qui favorise
les hétérozygotes,
elle
maintient
les polymorphismes
et détermine
dans chaque population les fréquences
des allèles qui correspondent
à l’équilibre
adaptatif.
Que celui-ci représente
un état d’uniformité
génétique
ou de polymorphisme,
il ne peut être atteint par une population
qui a changé de milieu qu’en un certain nombre de générations,
souvent élevé. Or, et c’est un aspect que souligne la Déclaration
de 1964, l’ubiquité
de l’homme à la surface de la terre, la mobilité
de ses populations,
les épisodes d’expansion
et de rétraction
territoriales,
la multiplicité
des métissages donnent
à l’histoire
naturelle
de l’espèce humaine
une de ses particularités
: loin de
se scinder en sous-espèces qui s’adapteraient
de façon prononcée
à l’habitat
particulier
où elles se seraient fixées et qui se différencieraient
d’autant
plus qu’elles sont isolées génétiquement
les
unes des autres, processus très fréquent dans les espèces animales,
elle se compose de populations
dont le patrimoine
héréditaire,
sans cesse remanié
par les échanges de gènes, évolue vers des
équilibres
adaptatifs
eux-mêmes changeants. La réalité est à l’op
posé de l’image de races tranchées et immuables.
Il en résulte, dit la Déclaration
de 1964, qu’une adaptabilité
générale aux milieux
les plus variés l’emporte
chez l’homme
sur
les adaptations
à des milieux
particuliers.
De plus, l’homme
dispose de moyens culturels
de plus en plus efficaces pour se
prémunir
des effets nocifs du milieu
(par culture, il est entendu
l’ensemble
des connaissances
et des comportements
acquis au
contact des autres hommes).
Bien des différenciations
génétiques
représentent
la résultante
de forces sélectives que l’homme
peut
aujourd’hui
atténuer
ou annuler.
Si, comme le pense l’anthropobiologie
moderne,
un enfant à peau foncée court un risque
plus élevé de rachitisme
en climat peu ensoleillé
qu’un enfant à
peau claire (parce que la mélanine
qui colore sa peau filtre les
rares rayons ultraviolets,
nécessaires à la synthèse de vitamine
D
dans les couches profondes
de l’épiderme),
la prise de quelques
capsules de cette vitamine
chaque hiver va annuler son handicap.
L’invention
de moyens culturels
appropriés
est d’ailleurs
souvent
le préalable
à l’occupation
d’habitats
extrêmes. Si les Esquimaux
présentent
certains signes d’adaptation
biologique
au grand froid,
ils n’auraient
pu migrer
en région polaire
sans vêtements
de
14
Les aspects biologiques
de lu question
raciale
fourrure,
et c’est surtout
par une adaptation
poussée de leur
mode de vie qu’ils ont pu s’y maintenir.
Toujours
dans le domaine
de l’interaction
du génétique
et
du culturel,
où se situe la contribution
originale
majeure
de la
Déclaration
de 1964, celle-ci pose deux points fondamentaux
:
d’une part, la capacité
génétique
d’épanouissement
intellectuel
relève de caractéristiques
biologiques
de valeur universelle,
en
raison de son importance
pour la survie de l’espèce dans n’importe quel environnement
naturel
et culturel;
d’autre part, les
progrès accomplis
par l’homme,
sur quelque
plan que ce soit,
semblent se poursuivre,
depuis de nombreux
millénaires,
principalement - sinon uniquement
- sur le plan des acquis culturels,
et non sur celui des patrimoines
génétiques.
A la lumière
des
connaissances
actuelles, les différences
de réalisations
culturelles
semblent
s’expliquer
entièrement
par l’histoire
culturelle
des
peuples. Cela est en opposition
radicale
avec la pensée raciste,
qui situe ses convictions
de supériorité
raciale surtout
dans le
domaine
de l’intelligence
et du comportement,
et qui attribue
à une infériorité
génétique le retard culturel
de certains peuples.
Or on n’a jamais mis en évidence de différence
génétique
entre
eux en ce domaine. Certes, les recherches
sur ce point sont très
difhciles.
Il n’existe
pas de test psychologique
qui mesure la
seule part innée des capacités mentales ou des tendances affectives.
Mais chaque fois que les conditions
de développement
mental
de deux populations
se rapprochent,
les différences
de moyenne
entre les résultats des tests s’amenuisent
ou s’annulent;
elles tendent à s’inverser
quand s’inversent
les inégalités
de milieu.
La
biologie
actuelle ne saurait nier l’éventualité
que soient démontrées un jour des différences
de patrimoine
héréditaire
entre
populations
humaines pour des caractères mentaux, qui dépendent
chez l’individu
de l’interaction
de l’hérédité
et du milieu
et
dont la composante
héréditaire
varie entre membres d’une même
population.
Elle peut dire cependant
que, s’il en est, elles sont
telles que les courbes de distribution
des aptitudes
innées dans
les populations
se recouvrent
très largement,
ce qui interdit
toute généralisation,
tout stéréotype.
L’état que dresse la Déclaration de 1951 sur cette question
reste rigoureusement
valable
aujourd’hui.
Ce qu’y ajoutent
les points de la Déclaration
de
1964 cités plus haut, c’est la base d’une explication,
en termes
d’évolution,
de 1 apparente
égalité
des populations
humaines
15
Jean Hiernuux
pour un caractère
partiellement
déterminé
par l’hérédité
alors
qu’elles diffèrent
pour tant d’autres : pour lui, de par sa valeur
fondamentale
pour l’espèce, celle-ci a progressé génétiquement
en bloc, jusqu’à un palier semblable
partout.
11 est un dernier
préjugé
dont les déclarations
de l’unesco
montrent
I’inanité
: la conviction
que le mélange des races est
néfaste. Rappelons-le,
il n’est pas chez l’homme
de race pure,
au sens que donnent
les biologistes
à ce terme, une population génétiquement
homogène;
au contraire,
chaque population
humaine
présente une large diversité.
Aucune
d’elles n’a vécu
longtemps
dans l’isolement
génétique;
l’histoire
naturelle
de
l’humanité
est tissée de mélanges.
Comme celle de 1951, la
Déclaration
de 1964 constate l’absence d’inconvénient
biologique
du métissage pour l’humanité
(les incompatibilités,
comme celles
qui se présentent
pour les groupes sanguins Rh, dépendent
du
génotype des conjoints
pour le système en cause, et non de leur
race), mais, en plus, elle souligne son côté bénéfique : il contribue
largement
au maintien
des liens biologiques
entre les groupes
humains,
donc de l’unité de l’espèce humaine
dans sa diversité.
Vis-à-vis des questions
fondamentales
que pose la diversité
humaine,
les déclarations
successives des biologistes
réunis par
l’unesco constituent
des bornes jalonnant
l’évolution
de l’anthropobiologie.
Les conclusions
qu’atteint
celle-ci réfutent
de plus
en plus totalement
la pensée raciste et refusent toute justification
biologique
aux pratiques de discrimination
entre groupes humains.
16
Aspects sociaux
de la question raciale
par Michael
Banton
Le concept
de race est relativement
nouveau
: il date du
XIX~ siècle, de l’époque
où la théorie
de l’évolution
commença
à s’imposer.
Auparavant,
on admettait
généralement
en Europe
que la Genèse offrait un compte rendu exact de la création
de
l’homme et du peuplement
du monde. Le nouveau concept venait
à son heure. Les savants crurent
y trouver
la clé de l’histoire
humaine,
l’explication
des grandes différences
de développement
culturel
et technique
qui existaient
entre les peuples. Ils avaient
tort, mais leur erreur ne fut reconnue
que bien plus tard. Sur
le moment, cette idée fausse fut acclamée, portée aux nues, diffusée, car elle était de nature à servir les intérêts des détenteurs
du
pouvoir en Europe. Les Européens étaient flattés de se dire supérieurs aux nations techniquement
moins évoluées, et l’explication
prétendument
biologique
de cette supériorité
fut accueillie
avec
un empressement
qui se passait volontiers
de preuves.
Les doctrines
de discrimination
et de supériorité
raciales
ont jeté un sombre voile sur l’histoire
du monde pendant
la
première
moitié
du XX~ siècle. Elles ont nourri
d’abord
l’arrogance impérialiste;
plus tard, elles furent utilisées à des fins de
politique
intérieure,
l’exemple
le plus tristement
célèbre à cet
égard étant celui de l’Allemagne
nazie. Six millions
de juifs ont
été sacrifiés à des croyances raciales sans fondement
scientifique.
Après la guerre de 1939-1945, 1’Unesco fut naturellement
amenée
à reconnaître
dans les théories
racistes l’une des principales
sources de tension dans le monde. Elle était l’institution
internationale
la mieux qualifiée
pour réunir
et diffuser
des informations scientifiques
sur la nature de la race et la signification
des différences
existant entre les groupes humains.
Un comité d’experts
fut donc chargé d’exposer
en termes
simples les conclusions
d’une enquête scientifique
sur la nature
17
Michael
Banton
des différences
raciales et d’en dégager des enseignements
applicables aux relations
sociales. Les experts déclarèrent
que le pro.
blème crucial
est celui de l’égalité.
La notion
de race a aidé
à bâtir un mythe social dont on s’est servi pour dénier l’égalité
à des groupes ethniques
différents.
Les faits scientifiques
contredisent ce mythe, mais - ont tenu à souligner
les experts - il
faut « affirmer,
tout d’abord,
et de la manière
la plus catégorique, que l’égalité
en tant que principe
moral ne repose nullement sur la thèse que tous les êtres humains
sont également
doués ». Les hommes ne sont pas égaux en aptitudes.
C’est un
fait. Mais il est généralement
reconnu que les faibles ont droit
à notre sympathie
et que l’insensibilité
au malheur
des autres
est inhumaine.
C’est pourquoi,
proclame
la sagesse des nations,
tous les hommes doivent être traités avec respect et sont égaux
en dignité et en droits. C’est là un précepte moral, indépendant
de toutes déclarations
particulières
d’égalité
ou d’inégalité,
et il
n’est pas moins valable pour être si souvent méconnu.
Aujourd’hui,
la Déclaration
de 1950 nous paraît présenter
deux points faibles. En premier
lieu, elle semble admettre
qu’il
suffit de dévoiler
le caractère
mensonger
des doctrines
racistes
pour que s’effondre
tout l’échafaudage
des discriminations
et
des préjugés
raciaux.
Les savants éminents
qui ont signé le
document
ne se faisaient sans doute pas d’illusions
sur ce sujet;
toujours
est-il qu’ils n’ont pas explicitement
considéré les autres
causes d’hostilité
raciale.
En second lieu, ce document
paraît
maintenant
plutôt
dépassé du fait que ses auteurs ont surtout
insisté sur l’égalité
effective
des divers groupes ethniques,
sans
aborder expressément
les problèmes
des contacts entre groupes.
Tout au plus relève-t-on
une référence au « métissage », l’affirmation que « les différences
biologiques
n’affectent
aucunement
l’organisation
sociale », et une allusion
quelque peu ambiguë
à
la nécessité pour l’homme
d’avoir
des échanges avec ses semblables. Aujourd’hui,
le vrai problème
racial n’est pas celui du
entre catédéveloppement
séparé, mais bien celui des relations
gories raciales différentes
à l’intérieur
d’un même Etat national.
Pourtant,
ce n’est pa,s pour ces raisons que la Déclaration
de 1950 fut critiquée
d’abord.
A l’époque,
les biologistes
trouvèrent que le langage utilisé ne reflétait
pas pleinement
la nouvelle conception
statistique
des caractéristiques
raciales.
Quelques-uns furent d’avis que ce n’était pas l’affaire
des savants de
18
Aspects sociaux
de la question
raciale
parler d’une Q; éthique
de la fraternité
universelle
». D’autres
s’émurent
de ce qu’ils considéraient
comme une tentative
de
« résoudre
les questions
scientifiques
par des manifestes
politiques ». En matière
de science, seuls les faits comptent.
Le
nazisme a montré
combien
il peut être dangereux
d’ériger
en
dogme une doctrine
quelconque.
L’Unesco
ne commettait-elle
pas la même erreur, en sens inverse ? Les avis de divers spécialistes sur ces problèmes
furent
réunis par l’Unesco
dans une
brochure
intitulée
Le concept de race; résultats d’une enquête,
qui complète
utilement
la Déclaration
de 1951.
On connaît la suite. L’Unesco s’occupa de diffuser ces documents et de favoriser
par d’autres méthodes une meilleure
compréhension
des questions
raciales.
Des campagnes
d’éducation
furent lancées. Surtout - événement
capital - la plupart
des
anciennes colonies accédèrent à l’indépendance
et furent admises
à l’Organisation
des Nations
Unies. Mais la discrimination
et
les préjugés raciaux
ont-ils vraiment
reculé ? Il est difficile
de
le dire. Les étudiants
africains
en Europe ressentent,
certes, une
fierté et une dignité nouvelles. Mais les pays d’Afrique,
de l’aveu
de leurs dirigeants,
n’en continuent
pas moins de dépendre
de
l’Europe
et de l’Amérique
du Nord pour le financement
de
leurs programmes
de développement.
De nouvelles
migrations
ont mis en contact des populations
jwqu’alors
séparées, multipliant les risques de réactions hostiles. Africains,
Antillais,
Indiens
et Pakistanais
s’en vont chercher du travail dans leurs anciennes
métropoles
: le Royaume-Uni
et la France.
Des Indonésiens,
citoyens néerlandais,
se sont embarqués
pour les Pays-Bas. Des
travailleurs
agricoles
noirs du sud des Etats-Unis
d’Amérique,
réduits au chômage par les tracteurs
et les moissonneuses
mécaniques, ont émigré avec leurs familles
vers des villes du nord.
En Afrique
du Sud, le gouvernement
redouble
d’efforts
pour
imposer la ségrégation.
Dans de nombreuses
régions du globe,
les tensions raciales deviennent
plus fréquentes
et plus graves.
En 1964, un nouveau groupe d’experts se réunit pour mettre
à jour la précédente
déclaration
des anthropologues
et des généticiens.
Il confirma
qu’on ne peut « en rien biologiquement
parler d’une supériorité
ou d’une infériorité
générales de telle
ou telle race » (point 6). Mais, chargés uniquement
d’examiner
les aspects biologiques
de la question,
les experts
ne purent
formuler
aucune opinion
précise sur l’évolution
de la situation
19
--
.---.-
Michael
Banton
mondiale,
se contentant
de noter en conclusion
que « les données biologiques...
sont en contradiction
flagrante
avec les thèses
racistes ». C’est la première
fois que le mot « racisme » apparaît
dans une déclaration
de l’Unesco.
Il s’agit d’un terme relativement nouveau,
qui est susceptible
d’acceptions
diverses. L’un
des premiers
auteurs à s’en servir couramment,
Ruth Benedict,
n’en donne qu’une définition
assez approximative
: « Le racisme
est la doctrine
selon laquelle
tel groupe ethnique
est voué par
nature à l’infériorité
congénitale,
tandis que tel autre est investi
d’une supériorité
congénitale
1 ». A sa suite, la plupart
des sociologues ont vu surtout dans le racisme une doctrine,
qui tiendrait
pour l’essentiel
en deux assertions : u) la culture et les caractéristiques
psychologiquee
d’un peuple
sont déterminées
génétiquement;
b) il est possible d’identifier
les races humaines
(au
sens ancien,
impliquant
Yexistence
de races pures)
par un
ensemble de déterminants
génétiques. En somme, on peut définir
le racisme comme la doctrine
selon laquelle
le comportement
individuel
est déterminé
par des caractéristiques
héréditaires
stables correspondant
à des souches raciales distinctes
qui possèdent des particularités
propres et sont d’ordinaire
considérées
comme supérieures
ou inférieures
les unes aux autres.
Le comité d’experts
réuni en 1967 comprenait
des sociologues, des juristes, un spécialiste
de la psychologie
sociale, un
ethnographe,
un historien
et deux généticiens.
Chargé de rédiger
une déclaration
sur les aspects sociaux,
ethniques
et philosophiques
du problème,
il avait une tâche bien plus ardue que
les précédents
comités. Adopter
une position
analogue
à celle
de 1950 aurait signifié, de sa part, esquiver l’essentiel.
Les événements avaient montré que les exposés de principes
et les considérations
biologiques
ne suffisaient
pas. Il y avait un autre
être sûrs que jamais aucune déclaécueil : les experts pouvaient
ration, quelle qu’elle fût, ne rallierait
l’unanimité
de leurs collègues spécialistes
des sciences sociales, du droit et des sciences
humaines.
Les spécialistes
des sciences sociales et en particulier les sociologues
- se partagent
en « apolitiques
» et en
« engagés ». Les uns estiment
qu’un scientifique
digne de ce
nom doit s’en tenir
aux faits. Les autres soutiennent
qu’à
1. Ruth
BENEDICT,Race: science ad
politics,
20
1940.
Aspects sociaux
de la question
raciale
l’exemple
des médecins,
il leur faut considérer
certaines
manifestations sociales - telles que le racisme - comme des maladies
à combattre.
L’attitude
du détachement
aurait placé les experts
devant
des problèmes
pratiquement
insolubles.
Comme l’écrivait
Ruth
Benedict
: « Pour comprendre
les conflits raciaux,
il faut comprendre
ce qu’est un conflit, non ce qu’est une race. » L’étude
des conflits raciaux
se confond
pratiquement
avec celle de la
société humaine,
car le « comportement
racial » est inséparable
des autres modes de comportement.
Pour comprendre
les relations raciales
à l’école ou à l’usine,
il faut d’abord
connaître
l’organisation
scolaire ou industrielle.
Un groupe d’experts aurait
pu rédiger un rapport
sur ce que l’on sait des causes psychologiques
des préjugés.
Mais ces questions
se prêtent
mal à une
présentation
simplifiée.
Un compte rendu des découvertes
faites
par les sociologues
et les politologues
dans ce domaine
devrait
être vraiment
très long et détaillé
pour donner une idée de la
complexité
des problèmes
et du sérieux des recherches.
Certains
faits semblent
se contredire,
et les avis diffèrent
quant à leur
signification
profonde.
La simplification
est sans doute plus dangereuse dans les sciences sociales que dans les sciences biologiques.
Le comité de 1967 choisit l’attitude
opposée. Sa déclaration
comprend
un diagnostic,
une mise en garde et une série de
recommandations.
Elle est formulée
en termes catégoriques
et
se distingue
des trois précédentes
par son ton passionnément
semblent
dire à leurs lecteurs :
« engagé ». Les signataires
« La discrimination
et les préjugés raciaux ne disparaîtront
pas
parce qu’on aura publié une déclaration
prudente
affirmant
que
la science n’a encore jamais découvert
de différence
raciale qui
soit importante
du point de vue des relations
sociales. Un exposé
des seuls faits incontestablement
établis en matière
de sciences
sociales serait tout aussi inutile.
Le temps presse. Il faut agir,
même sur la base de connaissances
incomplètes.
Il faut détruire
le virus avant qu’il ne provoque
de plus grandes souffrances.
>
Les expressions
utilisées
sonnent
comme un cri d’alarme : le
racisme
« sévit dans le monde d’aujourd’hui
», « entrave
le
développement
de ses victimes
et pervertit
ceux qui le mettent
en pratique
»; il « cherche à faire paraître
inviolables
les diffétoujours
nourences existantes
» ; il « trouve des stratagèmes
21
Michael
Banton
veaux pour justifier
l’inégalité
B. Aux sociologues
d’en dévoiler
les causes. Le racisme doit être combattu
par l’éducation,
par
une politique
du logement
et de l’emploi,
par l’information
et
par la législation.
Les signataires reconnaissent
que, pour modifier
la situation,
des mesures politiques
peuvent être nécessaires. En
donnant un aperçu des changements
qu’ils jugent souhaitables,
ils ont plusieurs fois recours à des considérations
éthiques, exprimant ce qu’ils considèrent
comme une exigence
morale.
Par
exemple,
c dans le cas où... certains
groupes ont un niveau
d’éducation
et de vie inférieur,
il appartient
à la société de
prendre des mesures en vue de remédier à cet état de choses 2 c’est-à-dire
de pratiquer
une discrimination
positive
(point 14).
Les sociologues peuvent être individuellement
convaincus du bienfondé d’une telle politique,
mais ils seraient
incapables
de le
prouver.
Une discrimination
positive
visant à aider un groupe
à combler son retard risque de susciter du ressentiment
dans les
autres groupes.
De telles mesures ne doivent
être appliquées
qu’avec
circonspection,
et les spécialistes
des sciences sociales
ne peuvent offrir aux hommes politiques
que des conseils frag
mentaires.
Pour combattre
la discrimination
raciale, il importe
d’abord
d’établir
un diagnostic
précis. On ne le comprend
pa,s toujours
parce que la discrimination
soulève une indignation
bien légitime et que les « activistes
» répugnent
à tout délai. Mais on
s’expose alors à commettre
des erreurs
qui rendent
les campagnes contre la discrimination
inefficaces, voire malencontreuses.
On a cru, par exemple,
qu’en procédant
à des enquêtes sur la
fréquence
des cas de discrimination
on susciterait
une prise de
conscience
qui faciliterait
l’application
de mesures correctives.
En réalité, c’est souvent le résultat contraire
qui a été obtenu.
Les partisans
de la discrimination,
se sachant nombreux,
ont
redoublé
d’audace.
Et les autorités
se sont reconnues
impuissantes à agir devant une opposition
si considérable.
Il arrive
aussi qu’une minorité
défavorisée
perde patience et accuse tous
les membres
de la majorité
d’être des racistes ou d’avoir
des
préjugés raciaux. Cette tactique
répond à une conception
dialectique de l’histoire,
selon laquelle
les oppositions
doivent
s’exacerber avant d’être éliminées,
mais on n’a guère de preuves
qu’elle aide à atténuer les discriminations.
Les diagnostics
portant
sur de petits groupes ou sur des
22
Aspects sociaux
de la question
raciale
cas précis sont les plus dignes de foi. Mais un diagnostic
de
la situation
mondiale
peut n’être pas inutile.
C’est en partie ce
qu’ont tenté de faire les auteurs de la Déclaration
de 1967. Il
convient
de noter que ces experts reconnaissent
d’un commun
accord que l’hostilité
raciale ne tient pas à une cause unique,
mais à des causes diverses, dont l’importance
relative varie selon
les circonstances.
Les causes économiques
et sociales des préjugés
raciaux, soulignent-ils,
apparaissent
évidentes dans certaines conditions, qu’ils énumèrent
brièvement.
Mais ils le font en des termes
très généraux.
Quant à la remarque
que « la structure
sociale
est toujours
un facteur important
B, elle frise le lieu commun.
Les données dont on dispose à ce sujet sont d’ailleurs
complexes
et incomplètes,
et les concepts actuellement
utilisés par les spécialistes des sciences sociales sont beaucoup moins précis et beaucoup plus controversés
que ceux qu’emploient
les biologistes.
Le
comité d’experts
aurait donc difficilement
pu présenter,
sur les
causes sociales des préjugés,
une déclaration
générale
qui fût
compréhensible
pour le grand public et qui eût la valeur scientifique de la Déclaration
de 1964 sur les aspects biologiques
de
la question raciale. Au même paragraphe
(point ll), le texte de
1967 mentionne
les « troubles
de la personnalité
B parmi
les
sources de préjugés.
C’est là encore un problème
délicat.
La
formule
selon laquelle
< les racines de ces préjugés
se situent
dans le système social et économique
propre
à la communauté
considérée B prête à des interprétations
divergentes
selon ce que
l’on entend par K racines B. 11 serait regrettable
d’en conclure
qu’il est inutile
de poursuivre
les recherches
sur les origines
psychologiques
des préjugés.
D’importantes
questions
restent à
élucider concernant
les rapports entre les facteurs psychologiques
d’une part et le système économique
et social de l’autre.
Certains travaux semblent indiquer
que toute distinction
qui permet
à l’individu
d’opposer,
dans sa pensée, K les gens comme moi »
aux « autres B acquiert
des résonances
affectives
et aboutit
à
l’expression
de préférences
que la nature
de la différence
ne
justifie
pas. Chaque fois qu’une minorité
se distingue
par un
signe extérieur
la couleur
de la peau par exemple
les
connotations
affectives
sont d’autant
plus fortes que la différence est plus marquée.
Ces facteurs psychologiques
jouent un
rôle considérable
dans l’apparition
des préjugés
et paraissent
indépendants
du système économique
et social.
23
Michael
Bancon
La Déclaration
de 1967 met l’accent sur les facteurs économiques et sociaux dont découle le refus d’admettre
l’égalité entre
les races, mais elle insiste davantage
encore sur le racisme. Elle
précise que « parmi les obstacles qui s’opposent
à la reconnaissance de l’égalité en dignité de tous les êtres humains, le racisme
apparaît comme particulièrement
redoutable
» (point 1). Compte
tenu de l’importance
que le comité attache à cette question,
il
est fâcheux qu’il n’ait pas donné une définition
plus claire de
ce qu’il entend par « racisme » : il s’agit apparemment,
selon
lui, « des croyances et des actes antisociaux
qui ont pour base
l’idée fallacieuse
que des relations
discriminatoires
entre groupes
sont justifiables
du point de vue biologique
» (point 4). Mais,
si cette phrase doit être regardée
comme une définition,
bien
des points appelleraient
un examen : l’emploi,
dans une définition, de termes qui impliquent
un jugement
de valeur - tels
qu’ « antisociaux
» et « fallacieuses
»; la mise ,sur le même plan
pour déterdes croyances et des actes; les critères à appliquer
miner si un acte a pour base une idée fallacieuse,
etc. Si les sociologues veulent vraiment
contribuer
à éclairer le public,
dans ce
domaine où règne une grande confusion d’idées et de sentiments,
il leur faut établir un diagnostic
précis et méthodique.
Il serait
regrettable
de donner l’impression
que, de l’avis général
des
spécialistes,
les tensions raciales sont dues essentiellement
à une
sorte de virus appelé racisme, qui « trouve des stratagèmes
toujours nouveaux
pour justifier
l’inégalité
des groupes », comme
s’il avait une existence
propre.
Le racisme n’est pas un orgaà désigner
certaines
doctrines
nisme : ce mot sert simplement
les croyances
et les actes qui en découlent.
et, par extension,
Il ne faudrait
pas concentrer
l’attention
sur le racisme au point
de faire oublier
les autres facteurs qui font obstacle à l’application du principe
de l’égalité
des droits.
En fait, l’évolution
que l’on observe depuis peu dans plusieurs pays donne à penser que les doctrines
racistes sont en
train
de perdre
de leur influence.
Il n’est pas question
ici
d’étudier
cette évolution
en détail. Trois exemples,
empruntés
à des pays que l’auteur
connaît particulièrement
bien, suffiront
à en donner une idée. Pendant
la campagne
présidentielle
de
1968 aux Etats-Unis
d’Amérique,
on a pu faire jouer les sentiments d’appartenance
et de fidélité
à un groupe ethnique
sans
utiliser
le mot « race ». Il suffisait à un orateur
d’évoquer
la
24
Aspects sociaux
de la question
raciale
nécessité du maintien
de l’ordre
légal pour faire comprendre
qu’il visait les Noirs. Les Américains
blancs n’ont nul besoin de
doctrine pour justifier
à leurs propres yeux leur attitude
vis-à-vis
des Noirs. Beaucoup
d’entre
eux se sentent menacés par les
revendications
de la population
noire, et l’hostilité
est chez eux
un moyen
de défendre
la situation
privilégiée
qu’ils se sont
assurée et qu’ils croient mériter.
Dans l’ensemble,
ils considèrent
qu’il s’agit d’une épreuve
de force entre groupes rivaux;
les
arguments
d’ordre biologique
suscitent peu d’intérêt.
Au Royaume-Uni,
la question
des relations
raciales
s’est
réduite depuis plusieurs années à celle de l’immigration
en provenance des pays du Commonwealth.
En 1968, une loi visant à
empêcher toute discrimination
à l’égard de groupes minoritaires
au Royaume-Uni
(Race Relations
Act) a été votée par le Parlement sans aucune opposition
de principe.
Les plus acharnés
adversaires
de l’immigration
de couleur
et de la nouvelle
loi
insistent de plus en plus sur les obstacles sociaux à l’assimilation
des immigrants
et sur leur action dissolvante
dans les collectivités
locales. Ils prennent
soin le plus souvent de répudier
toute idée
de supériorité
raciale et n’ont jamais invoqué de théories racistes.
De même, il semblerait
qu’en Afrique
du Sud on tende de plus
en plus à justifier
les mesures de discrimination
éthnique
par
des arguments
d’ordre
politique
et culturel
plutôt
que pseudobiologique.
C’est là une évolution
dont il importe
de tenir compte pour
bien comprendre
le problème
à résoudre. Il arrive que l’on qualifie de « racistes » des individus
qui n’expriment
jamais une
quelconque
doctrine
raciste.
On considère
qu’ils
ne sont pas
assez instruits
ou intelligents
pour ordonner
leurs idées en système, mais que, s’ils pouvaient
le faire, ils souscriraient
aux
théories eelon lesquelles
les différences
raciales déterminent
les
différences
culturelles
et doivent
par conséquent
servir de fondement à la politique
sociale. Ce n’est peut-être
déjà plus vrai.
Grâce, en partie,
aux travaux
des sociologues.
Les sociologues
ont montré notamment
dans leurs recherches
sur la pédagogie que la transmission
des inégalités
d’une génération
à
l’autre peut se faire par des mécanisme
sociaux. Un enfant qui
est soutenu par son milieu familial
dans son travail scolaire peut
arriver
à se classer avant un élève qui lui est supérieur
d’après
les tests d’intelligence
mais qui ne bénéficie
pas des mêmes
25
Michael
Banton
avantages
de milieu.
Dans les sociétés industrielles
modernes,
l’existence
d’inégalités
s’explique
de façon beaucoup plus convaiS
tante par les différences
économiques
et sociales que par les
différences
génétiques.
Ainsi,
l’homme
instruit
qui cherche
à
exclure
une minorité
des privilèges
de la majorité
peut avoir
recours à des arguments
d’ordre sociologique,
sans jamais prêter
le flanc à l’accusation
de racisme. La lutte contre le racisme ne
doit donc pas être conçue comme une entreprise
isolée, mais
s’intégrer
à une action d’ensemble
en faveur
de l’égalité
des
droits.
On peut constater
aussi que l’expression
d’un préjugé
traduit moins souvent l’hostilité
envers E( les autres » que la solidarité avec < les siens ,. Dans les villes industrielles
d’Europe
et d’Amérique
du Nord, la plupart
des gens n’ont guère de
contacts personnels
en dehors de leur milieu.
Les habitants
de
chaque quartier
ont tous à peu près le même revenu et la même
origine.
S’ils rencontrent
des membres
d’autres
groupes,
au
travail
ou en ville,
c’est en général
dans des situations
bien
définies. Ce n’est pas dans ces situations
que s’expriment
les préjugés, mais dans l’intimité.
Le comportement
effectif envers les
membres d’autres groupes n’est pas nécessairement
conforme aux
opinions
exprimées
en privé. En somme, l’idée qu’on ee fait de
la race dépend de la condition
sociale, et la manière
dont on
se comporte
est fonction
des circonstances.
La structure
des relations sociales se modifie
rapidement,
et la manière
dont les
préjugés se forment
et s’expriment
ne peut manquer
d’en être
affectée. Les gens se rendent
mieux compte de la façon dont
les pressions psychologiques
et sociales influencent
leur comportement.
La complexité
du préjugé,
en tant que phénomène
social, tient au fait que les croyances ne correspondent
pas aux
déclarations
publiques,
ni celles-ci au comportement
social.
Il existe une autre différence
entre la Déclaration
de 1967
et celle de 1950. Le premier
comité d’experts
avait estimé préférable d’appeler
« groupes ethniques
» (et non « races B) les
groupes humains
qui se distinguent
par des caractères
raciaux
(voir point 6). En fait, les spécialistes
des sciences sociales sont
profondément
divisés quant à l’application
du terme « race »
à des nationalités
ou à des minorités.
De l’avis de certains, cela
ne peut que perpétuer
la confusion
entre les catégories sociales
et biologiques.
L’expression
« races sociales >, qui est parfois
26
Aspects sociaux
de la question
raciale
utilisée,
ne paraît
guère ‘plus satisfaisante.
Les signataires
du
texte de 1967 ont préféré ne pas mentionner
cette divergence
d’opinions,
de crainte
sans doute d’affaiblir
la portée
de la
déclaration.
Mais, ce faisant, peut-être
ont-ils masqué à certains
lecteurs
les très importantes
similitudes
qui existent
entre la
situation
des minorités
raciales et celle d’autres minorités
: religieuses, linguistiques,
économiques.
Dans les sociétés industrielles,
beaucoup de handicapés
physiques
ou sociaux sont aussi irrémédiablement
défavorisés
que les membres
de minorités
raciales.
L’étude de l’origine
de ces situations
est extrêmement
révélatrice
de certains aspects plus ou moins occultes du fonctionnement
du
système économique
et social. Les mécanismes
qui jouent
au
détriment
des minorités
non raciales jouent
aussi au détriment
des minorités
raciales.
Il est nécessaire
de lea étudier,
car ils
peuvent, dans certains cas, avoir plus d’importance
que les incapacités liées à des caractéristiques
raciales définies.
Le plus souvent, là où la discrimination
existe, elle est grave
surtout par ses effets cumulatifs.
Comme le note la Déclaration
de 1967, la discrimination
prive
un groupe
de l’égalité
de
chances : ses membres
sont dès lors dans l’impossibilité
de
s’élever
au niveau
des autres;
ils s’exposent
par-là
même à
être méprisés et qualifiés
d’inférieurs,
et à devenir
les victimes
de préjugés. Ce processus cumulatif
peut prendre d’autres formes,
et produire
des conséquences
imprévues
et regrettables.
La catégorie dans laquelle
les étrangers
sont rangés à l’origine
joue
un rôle capital.
Les Européens
ou les Blancs des quartiers
où
commencent
à s’établir
des gens de couleur
jettent
les hauts
cris : « Il y aura bientôt plus de Noirs que de Blancs ici. > Ils
peuvent paraître
logiques
à leur point de vue, car ils associent
la couleur blanche
aux caractéristiques
culturelles
de la population locale, et la couleur noire à d’autres caractéristiques,
propres aux immigrants.
Mais dans un milieu neuf, les coutumes se
modifient
et les différences
culturelles
s’atténuent.
A tous égards,
ce qui importe
ce n’est pas qu’il y ait plus de Blancs que de
Noirs, mais qu’il y ait plus de bons citoyens
que de mauvais.
Partout
où la couleur
est un critère
de classification
plus
important
que le comportement
social, il en résulte des conséquences néfastes. Les différences
entre groupes raciaux sont exagérées et les différences
au sein de ces groupes sont négligées.,
Les enfants d’ascendance
mixte
sont classés dans la catégorie
27
--
Michael
Banton
inférieure
et considérés avec réprobation
parce que leur existence
même prouve que les barrières
entre groupes sont artificielles.
Dès qu’une société admet comme « naturelle
B une classification
d’ordre
racial, les autres aspects de l’organisation
sociale sont
Des deux côtés de la barrière,
des
modifiés
en conséquence.
gens ont intérêt à maintenir
l’état de choses existant. Tous ceux
qui souffrent
de la discrimination
se sentent solidaires
et se
défendent
les uns les autres par des procédés qui irritent
les
membres de la majorité.
La tension va croissant. Dans de nombreux pays, sur des continents
très éloignés les uns des autres,
les conflit,s raciaux
s’amplifient.
Les lignes de démarcation
se
figent. Les antagonismes
raciaux
débouchent
même sur le plan
international.
En toute logique,
pour éviter
l’extension
des conflits,
il
faudrait
attaquer
le mal à la racine. Faire admettre
la nécessité
de classer les individus
autrement
- en bons et mauvais citoyens,
par exemple. Mais dans bien des cas, il est trop tard. Les groupes
sociaux se définissent
déjà par des caractéristiques
raciales et la
structure
de la collectivité
reflète ces divisions.
Il faut donc
lutter
par tous les moyens contre les préjugés
et la discrimination.
Les principaux
de ces moyens sont énumérés
dans la
Déclaration
de 1967. Dans certains
cas, il faudra faire porter
l’effort sur le plan de l’éducation;
ailleurs,
sur celui de l’administration
locale ou de la législation
nationale.
Débattre
dans
l’abstrait
de la valeur relative
de telle ou telle méthode,
ou de
la possibilité
de parvenir
un jour à éliminer
complètement
les
préjugés, c’est perdre de vue l’essentiel.
Le problème
de l’égalité
est d’ordre éthnique
et politique.
L’apport
des sciences sociales
est indispensable
à l’établissement
d’un diagnostic
exact et à
l’évaluation
des avantages et des inconvénients
de diverses politiques;
mais il ne serait pas honnête
de faire assumer à ces
sciences la responsabilité
de décisions politiques
ou de vouloir
attendre, pour entreprendre
une action gouvernementale
sérieuse,
que les spécialistes aient acquis une pleine et entière compréhension des préjugés.
La confusion
qui régnait dans l’esprit du public instruit
au
sujet des aspects biologiques
de la question
raciale
s’est en
grande partie dissipée depuis quelques années, mais le racisme
pseudo-scientifique
n’est pas éliminé. Il subsiste beaucoup d’idées
fausses susceptibles
d’une dangereuse
exploitation.
Il est indis-
28
Aspects sociaux
de la question
raciale
pensable
d’améliorer
l’enseignement
de la biologie.
L’unique
recours contre ceux qui décortiquent
certaines
données scientifiques concernant
l’hérédité
pour s’en servir à des fins politiques
consiste à donner à l’ensemble
de la population
une meilleure
connaissance
des principes
de la biologie.
Ce recours vaut d’ailleurs aussi bien contre les doctrines
de supériorité
de classe que
contre celles de supériorité
raciale.
Les aspects sociaux de la question
raciale sont étroitement
liés au problème
général de l’inégalité
dans les sociétés humaines
et ne peuvent manquer
de rester préoccupants
longtemps
encore.
L e progrès
technologique
donnera
naissance
à de nouvelles
formes d’inégalité,
à de nouveaux
problèmes
qui appelleront
des solutions
neuves. L’expérience
montre
qu’il ne sert à rien
de fermer les yeux sur l’importance
Bociale attribuée
à la race,
dans l’espoir que les gens cesseront de penser en termes de race
et qu’ainsi le problème
se résoudra peu à peu de lui-même.
Elle
montre
aussi qu’une action gouvernementale
et institutionnelle
est indispensable
pour régler ce genre de conflits. Plus on tardera à entreprendre
une telle action,
plus la note à payer
sera lourde.
29
1.
Déclaration
Paris,
sur la race
juillet
1950
1. Les savants s’accordent
en général à reconnaître
que l’humanité est une et que tous les hommes appartiennent
à la même
espèce, Homo supiens. Il est, en outre, communément
admis
que tous les hommes sont issus vraisemblablement
d’une même
souche : les différences
qui existent
entre les divers groupes
humains
sont dues au jeu de facteurs
évolutifs
de différenciation, tels que la modification
dans la situation
respective
des
particules
matérielles
qui déterminent
l’hérédité
(gènes), le changement de structure
de ces mêmes particules,
l’hybridation
et
la sélection naturelle.
Des groupes plus ou moins stables et plus
ou moins différenciés
se sont ainsi constitués, qui ont été classés
de diverses manières, avec des intentions
différentes.
2. Du point de vue biologique,
l’espèce Homo sapiens se
compose d’un certain nombre de groupes, qui diffèrent
les uns
des autres par la fréquence d’un ou de plusieurs gènes particuliers.
auxquels
doivent
être imputées
les
Mais ces gènes eux-mêmes,
différences
héréditaires
qui existent
entre les hommes,
sont
toujours
en petit nombre
si l’on considère
l’ensemble
de la
constitution
génétique
de l’homme
et la grande
quantité
de
gènes communs à tous les êtres humains, quel que soit le groupe
auquel ils appartiennent.
Bref, les, ressemblances
entre les hommes
sont beaucoup
plus grandes que leurs différences.
3. Une race, biologiquement
parlant,
peut donc se définir
comme un groupe parmi
ceux qui constituent
l’espèce Homo
de croisements
les uns
sapiens. Ces groupes sont susceptibles
avec les autres. Mais, du fait des barrières
qui les ont plus
certaines
différences
ou moins isolés dans le passé, ils offrent
physiques
résultant des particularités
de leur histoire biologique.
Ils représentent
les variations
d’un même thème.
4. En résumé, le mot « race » désigne un groupe ou une
30
Déclaration
de 1950
population
caractérisée
par certaines
concentratiorrs,
relatives
quant
à la fréquence
et à la distribution,
de gènes ou de
caractères physiques qui, au cours des temps, apparaissent,
varient
et souvent
même
disparaissent
sous l’influence
de facteurs
d’isolement
géographiques
ou culturels.
Chaque groupe perçoit
différemment
les manifestations
variables
de ces caractères chez
des populations
différentes.
Nos observations
étant, dans une
très large mesure, affectées par nos préjugés, nous sommes enclins
à interpréter
arbitrairement
et inexactement
toute variabilité
qui se produit
dans un groupe donné comme une différence
fondamentale
qui le sépare des autres de manière
décisive.
5. Tels sont les faits scientifiques.
Malheureusement,
dans la
plupart
des ca,s, le terme « race 2) n’est pas employé
dans le
sens défini ci-dessus. Beaucoup
de gens appellent
« race » tout
groupe humain
arbitrairement
désigné comme tel. C’est ainsi
que beaucoup
de collectivités
nationales,
religieuses,
géographiques ou culturelles,
par suite de l’acception
très large donnée
à ce mot, ont été qualifiées
de < races >, alors que, de toute
évidence,
les Américains
ne constituent
pas une race, pas plus
d’ailleurs
que les Anglais,
les Français
ou toute autre nation :
de même, ni les catholiques,
ni les protestants,
ni les musulmans,
ni les juifs ne représentent
des races; on ne peut définir comme
groupes « raciaux
» les peuples qui parlent
l’anglais
ou toute
autre langue;
les habitants
de l’Islande,
de l’Angleterre
ou de
l’Inde
ne forment
pas une race; et l’on ne saurait
regarder
comme membres d’une race particulière
les individus
qui partichinoise,
ou à toute autre culture.
cipent à la culture
turque,
6. Les groupes nationaux,
religieux,
géographiques,
linguistiques ou culturels
ne coïncident
pas nécessairement
avec les
groupes raciaux
et les aspects culturels
de ces groupes n’ont
avec les caractères
propres
à la race aucun rapport
génétique
démontrable.
Les graves erreurs entraînées
par l’emploi
du mot
< race > dans le langage
courant
rendent
souhaitable
qu’on
renonce complètement
à ce terme lorsqu’on
rapplique
à l’espèce
humaine
et qu’on adopte l’expression
de « groupes ethniques
».
des savants au sujet des grands
7. Quelle
est l’opinion
groupes de l’espèce humaine que l’on reconnaît à l’heure actuelle ?
Les races humaines
ont été classées et le sont encore différemment
selon les anthropologues,
mais, en ce moment,
la
plupart
d’entre eux sont d’accord pour diviser la majeure
partie
31
Déclaration
de 1950
de l’espèce humaine en trois grands groupes, à savoir : le groupe
mongoloïde;
le groupe négroïde;
le groupe caucasoïde.
Or les phénomènes
biologiques
qui ont été en quelque sorte
cristallisés
dans cette classification
ont un caractère
dynamique
et non statique.
Ces groupes n’étaient
pas jadis ce qu’ils sont
aujourd’hui
et il y a tout lieu de croire qu’ils changeront
encore
à I’avenir.
8. On s’est souvent
efforcé d’introduire
des sous-groupes
ethniques
dans cette classification.
L’accord
est loin de régner
sur le nombre de ces subdivisions
et, de toute façon, la plupart
d’entre
elles n’ont pas été étudiées ni décrites.
9. Quelle
que soit la classification
qu’un
anthropologue
propose,
il n’y fait jamais
intervenir
les caractères
mentaux.
Il est maintenant
généralement
admis que les tests psychologiques
ne permettent
pas, par eux-mêmes, de faire la part des aptitudes
innées d’une part, et des influences
du milieu,
de l’éducation
et de l’enseignement
de l’autre. Toutes les fois qu’il a été possible
d’éliminer
les différences
dues aux conditions
de l’entourage
les tests ont démontré
la ressemblance
physique
et social,
fondamentale
des caractères
intellectuels
entre les différents
groupes humains. En d’autres termes, si le milieu culturel
donne
aux membres des différents
groupes ethniques
des chances égales
de faire valoir leurs aptitudes,
ils atteignent,
en moyenne,
des
résultats comparables.
Les recherches
scientifiques
des dernières
années confirment
donc les paroles
de Confucius
(551-478
ce sont leurs
av. J.-C.) : « La nature des hommes est identique;
coutumes
qui les séparent.
»
10. Les données scientifiques
dont on dispose à l’heure
actuelle ne corroborent
pas la théorie selon laquelle les différences
génétiques
héréditaires
constitueraient
un facteur
d’importance
primordiale
parmi les causes des différences
qui se manifestent
entre les cultures
et les ‘œuvres de la civilisation
des divers
peuples ou groupes ethniques.
Elles nous apprennent
à l’inverse
que ces différences s’expliquent
avant tout par l’histoire
culturelle
de chaque groupe. Les facteurs qui ont joué un rôle prépondérant
dans l’évolution
intellectuelle
de l’homme
sont sa faculté d’apprendre
et sa plasticité.
Cette double aptitude
est l’apanage
de
tous les êtres humains.
Elle constitue,
en fait, un des caractères
spécifiques
de 1’Homo sapiens.
11. On n’a jamais pu démontrer
de façon décisive l’existence
32
Déclaration
de 1950
de différences
innées de tempérament
entre groupes humains.
Il est certain
en revanche
que, quelle que soit la nature
des
différences
innées qu’il pourrait
y avoir entre groupes, celles-ci
sont en grande partie effacées par les différences
individuelles
et par celles qui proviennent
du milieu.
12. Ni la personnalité
ni le caractère ne relèvent de la race.
Dans tous les groupes humains,
on trouve des types très variés
. .
de personnahte
et de caractère,
et il n’y a aucune raison de
croire que certains groupes humains
soient à cet égard mieux
partagés
que d’autres.
13. Tous les faits qui ont pu être recueillis
concernant
les
croisements
de races attestent
qu’ils n’ont cessé de se produire
depuis les temps les plus reculés. A vrai dire, l’un des principaux
mécanismes
de la formation,
de l’extinction
ou de la fusion des
races est précisément
l’hybridation
entre « races B ou groupes
ethniques.
Qui plus est, il n’a jamais
pu être établi
que les
croisements
de races aient des effets biologiques
néfastes. La
théorie selon laquelle
des caractères physiques
et mentaux
défavorables
(dysharmonie
physique
et dégénérescence
mentale)
se
manifesteraient
chez les métis n’a jamais été prouvée
par des
faits. Il n’existe
donc pas de justification
Q: biologique
B pour
interdire
le mariage
entre des individus
appartenant
à des
groupes raciaux
différents.
14. Il convient de distinguer
entre la « race », fait biologique,
et le « mythe de la race ». En réalité, la « race B est moins
un phénomène
biologique
qu’un mythe social. Ce mythe a fait
un mal immense sur le plan social et moral;
récemment
encore,
il a coûté d’innombrables
vies et causé des souffrances
incalculables.
Il empêche
le développement
normal
de millions
d’êtres humains et prive la civilisation
de la collaboration
effective d’esprits créateurs. On ne saurait se prévaloir
de différences
biologiques
entre groupes ethniques
pour pratiquer
l’ostracisme
ou pour prendre
des mesures collectives.
L’essentiel
est l’unité
de l’humanité,
tant du point de vue biologique
que du point
de vue social. Reconnaître
ce fait et régler
sa conduite
en
tel est le premier
devoir
de l’homme
moderne.
conséquence,
Au surplus, c’est simplement
admettre ce qu’un célèbre biologiste
écrivait
en 1873 : « Au fur et à mesure que la civilisation
humaine
se développera
et que les petites tribus se rassembleront
en collectivités
plus vastes, le simple bon sens fera comprendre
33
Déclaration
de 1950
à chaque individu
que ses instincts
sociaux et sa bonne volonté
doivent
s’étendre
à tous les membres
de la nation, même s’ils
lui sont personnellement
inconnus. Une fois cette étape franchie,
seuls des obstacles artificiels
empêcheront
l’individu
d’accorder
sa bonne volonté aux hommes de toutes les nations et de toutes
les races. B Ainsi s’est exprimé Charles Darwin, dans The descent
of man
(2” édition,
1875, p. 187-188). En fait, toute l’histoire
de l’humanité
prouve
que l’instinct
de coopération
est non
seulement
une tendance
naturelle
chez l’homme,
mais qu’il a
des racines plus profondes
que n’importe
quelle tendance
égocentrique.
D’ailleurs,
s’il en était autrement,
siècles et millénaires
seraient-ils
témoins
de ce développement
des communautés
humaines
dans le sens d’une intégration
et d’une organisation
toujours
plus grandes ?
15. Examinons
maintenant
les incidences
de toutes
ces
considérations
sur le problème
de l’égalité
entre les hommes.
Il faut affirmer tout d’abord, et de la manière la plus catégorique,
que I’égalité
en tant que principe
moral ne repose nullement
sur la thèse que tous les êtres humains
sont également
doués.
Il est bien évident, en effet, qu’au sein de tout groupe ethnique
les individus
diffèrent
considérablement
entre eux par leurs
On a cependant
exagéré les caractères
différentiels
aptitudes.
entre groupes humains
et l’on s’en est servi pour contester
la
valeur
du principe
éthique
de l’égalité.
C’est pourquoi
nous
jugeons utile d’exposer
de façon formelle
ce qui a été scientifiquement
établi sur la question
des différences
entre individus
et entre groupes.
o) Les anthropologues
ne peuvent établir de classification
raciale
que sur des caractères purement
physiques
et physiologiques.
b) Dans l’état actuel de nos connaissances,
le bien-fondé
de la
thèse selon laquelle
les groupes humains
diffèrent
les uns
des autres par des traits
psychologiquement
innés, qu’il
s’agisse de l’intelligence
ou du tempérament,
n’a pas encore
été prouvé. Les recherches scientifiques
révèlent que le niveau
des aptitudes
mentales
est à peu près le même dans tous
les groupes ethniques.
c) Les études historiques
et sociologiques
corroborent
l’opinion
selon laquelle
les différences
génétiques
n’ont pas d’importance dans la détermination
des différences
sociales et culturelles existant
entre différents
groupes d’Homo
supiens, et
34
Déclaration de 1950
les changements
sociaux et culturels
au sein des différents
groupes ont été, dans l’ensemble,
indépendants
des modifications dans leur constitution
héréditaire.
On a vu se produire
des transformations
sociales considérables
qui ne coïncident
nullement
avec les altérations
du type racial.
d) Rien ne prouve que le métissage, par lui-même,
produise
de
mauvais résultats sur le plan biologique.
Sur le plan social,
les résultats, bons ou mauvais,
auxquels
il aboutit
sont dus
à des facteurs
d’ordre social.
e) Tout individu
normal
est capable de participer
à la vie en
commun,
de comprendre
la nature des devoirs réciproques
et de respecter
les obligations
et les engagements
mutuels.
Les différences
biologiques
qui existent
entre les membres
des divers groupes ethniques
n’affectent
aucunement
l’organisation
politique
ou sociale, la vie morale ou les rapports
sociaux.
les recherches
biologiques
viennent
étayer
l’éthique
Enfin,
de la fraternité
universelle;
car l’homme est, par tendance innée,
ne trouve
pas à se
porté à la coopération
et, si cet instinct
satisfaire,
individus
et nations en pâtissent également.
L’homme
est, de nature, un être social qui ne parvient
au plein développement
de sa ,personnalité
que par des échanges avec ses
semblables.
Tout refus de reconnaître
ce lien social entre les
hommes
est cause de désintégration.
C’est dans ce sens que
tout homme est le gardien
de son frère. Chaque être humain
n’est qu’une parcelle
de l’humanité,
à laquelle
il est indissolublement
lié.
Déclaration
rédigée à la Maison de lWn.esco, à Paris, par ks
experts dont ks noms suivent
:
Pr Ernest Beaglehole
(Nouvelle-Zélande)
;
P’ Juan Comas (Mexique);
Pr L. A. Costa Pinto (Brésil) ;
P’ E. Franklin
Frazier
(Etats-Unis);
Pr Morris Ginsberg
(Royaume-Uni);
Pr Humayun
Kabir (Inde);
Pr Claude Lévi-Strauss
(France) ;
Pr M. F. Ashley Montagu
(Etats-Unis),
rapporteur.
Texte
révisé pur k professeur
Ashley
Montagu,
d’après
des
suggestions
émanant
des personnalités
suivantes
: MM. Hadley
35
Déclaration
de 1950
Cantril, E. G. Conklin, Gunnar Dahlberg,
Theodosius Dobzhans,ky,
Huger,
Julian
Huxley,
Otto Klineberg,
L. C. Dunn, Donald
Wilbert
Moore, H. J. Muller,
Gunnar Myrdal,
Joseph Needham,
Curt Stern.
36
II.
Déclaration sur la race
et les différences raciales
Paris,
juin
1951
Cette réunion,
lu deuxième
qui ait été convoquée
pour étudier
le concept de race, Pu été surtout pour les raisons suivantes
:
si la question
raciale
intéresse
le grand public,
à plus forte
raison
intéresse-t-elle
les spécialistes
et, en premier
lieu, ks
sociologues,
les anthropologues,
les biologistes,
et parmi
ces
derniers
tout particulièrement
ceux qui s’occupent
de génétique
humaine.
Or, au cours de lu première
réunion,
ce sont surtout
les
sociologues
qui avaient exposé leurs vues et rédigé les grandes
lignes de la Déclaration
sur lu race; cette déclaration
devait
faire une forte impression,
mais elle n’avait pas I>autorité
que
seuls pouvaient
lui conférer
les spécialistes
d’anthropologie
physique
et de génétique
humaine,
particulièrement
compétents
en ce qui concerne l’aspect biologique
du problème
de la race.
De fuit, cette première
déclaration
n’a pas obtenu sur tous ks
points l’adhésion
des représentants
autorisés de ces disciplines.
D’une manière générale, nous avons maintenu
les principales
conclusions
de la première
déclaration,
mais en atténuant
certaines afirmations
et en procédant
à d’importuntes
suppressions.
Nous avons dès l’abord
et sans hésiter adopté à l’unanimité
la
conclusion
essentielle,
à savoir
que la théorie
de la pureté
raciale
et celle de la hiérarchie
des races, qui en est le
complément,
ne reposent
sur aucun fondement
scientifique.
Nous uvons reconnu
que toutes les races sont mélangées
et que lu variabilité
de la plupart
des caractères
biologiques
est aussi grande, sinon plus grande, à l’intérieur
d’une même
race que Zune race à l>uutre.
Nous avons été unanimes
à reconnaître
que les groupes
au stade actuel
de leur évolution,
sont caractérisés
raciaux,
par des proportions
différentes
d’éléments
héréditaires
semblables
37
Déclaration de 1951
(gènes). Nous considérons
tous que ces diflérences
doivent
être
attribuées,
dune
part, à des mutations
qui sont le fait du
hasard, d’autre part, à l’isolement
qui, en empêchant
les croisements entre groupes
affectés par des mutations
différentes,
détermine
les caractéristiques
raciales;
c’est surtout
l’isolement
géographique
qui explique
la formation
des grands groupes tels
que les groupes africain,
européen
et asiatique.
Nous avons reconnu
que les hommes se diférencient
les
uns des autres par leurs caractéristiques
culturelles
tout autant
que par leurs caractéristiques
biologiques,
et il nous est apparu
évident
que, parmi
les facteurs qui ont abouti à la formation
de races secondaires,
un grand nombre
sont bordre
culturel.
Tout ce qui tend à empêcher
le libre échange des gènes entre
groupes humains
peut contribuer
à la formation
de races, que
ces obstacles
soient dordre
religieux,
social, linguistique
ou
géographique.
Nous avons soigneusement
évité de donner
une définition
dogmatique
de la race, car, produit
de facteurs
évolutifs,
la
race correspond
à un concept dynamique
et non statique.
Nous
avons également
évité Ginvoquer
le fait que les races sont
sujettes à variations
et que beaucoup d’entre elles sont fortement
mélangées, pour en conclure
que les races n’existent
pas. L>anthropologue
comme l’homme
de la rue savent parfaitement
que
les races existent;
le premier,
parce qu’il peut classer les variétés
de l’espèce humaine
grâce à un ensemble
de caractéristiques
scientifiquement
reconnaissables
et mesurables;
le second, parce
qu’il
ne peut douter
du témoignage
de ses sens lorsqu’il
se
trouve en présence à la fois d’un Africain,
d’un Européen,
d’un
Asiatique
et d’un Indien
d’Amérique.
Nous avons tous admis sans dificulté
que l’existence
de
différences
intellectuelles
innées entre les divers groupes raciaux
n’a jamais été prouvée
et qu’ici encore les différences
existant
à Pintérieur
dune même race sont au moins aussi grandes que
celles qui peuvent
exister d’une race à l’autre. Nous avons été
d’accord
pour considérer
que les caractères
psychologiques
ne
peuvent
servir ni à classer les races, ni à les décrire.
Nous avions
la bonne fortune
de compter
parmi
nous
plusieurs
hommes de science qui avaient
spécialement
étudié
les résultats de croisements
entre races différentes.
Notre conclusion, à savoir que, d’une manière générale, le mélange des races
38
Déclaration de 1951
n’a pas de résultats
défavorables,
est donc fondée sur l’expérience autant
que sur la documentation
existante.
Beaucoup
d’entre
nous estiment
même fort probable
que l’hybridation
entre races diférentes
peut donner des résultats biologiquement
favorables,
bien que l’on manque
sur ce point
de preuves
décisives.
Le mot « race » étant marqué, pour avoir servi à désigner
des diflérences
nationales,
linguistiques
ou religieuses
et pour
avoir
été utilisé
dans un sens délibérément
abusif
par les
partisans
des doctrines
racistes, nous nous sommes efforcés de
trouver
un mot nouveau
pour exprimer
la notion
de groupe
biologiquement
caractérisé.
Nous n’y avons pas réussi, mais nous
considérons
que le mot « race » doit servir exclusivement
à la
classification
anthropologique
de groupes présentant
un ensemble
bien défîni de traits physiques
(y compris
les traits physiologiques)
combinés
dans des proportions
caractéristiques.
Nous nous sommes également
efforcés, sans plus de succès,
de nous prononcer
sur le caractère
instinctif
du comportement
de l’homme
à l’égard de ses semblables.
Il est évident
que les
membres
d’un même groupe font preuve les uns à l’égard des
autres
d’esprit
de coopération
ou d’association,
alors
qu’ils
peuvent manifester,
vis-à-vis des membres de groupes différents,
un esprit dagressiuité
ces deux tendances
pouvant
parfaitement coexister
en un même individu.
Nous considérons
que
l’origine
psychologique
des pré,jugés raciaux pose un important
problème
qui exige de nouvelles études.
Dans l’état
actuel
de nos connaissances,
nous sommes
unanimes
à considérer
que les différences
biologiques
constatées
entre les groupes
raciaux
humains
ne peuvent
en aucun cas
justifier
la thèse de l’inégalité
raciale, qui se fonde sur l’ignorance et le préjugé,
et que, sur le plan humain
et moral, les
diflérences
connues, quelles qu’elles
soient, apparaissent
négligeables.
L. C. Dunn,
39
rapporteur,
juin
1951
Déclaration de 1951
1
L
es savants reconnaissent
généralement
que tous les hommes
actuels appartiennent
à une même espèce, dite Homo sapiens,
et qu’ils sont issus d’une même souche. Quand et comment
les
différents
groupes humains
se sont détachés du tronc commun,
1a question
reste controversée.
Les anthropologues
sont tous d’accord
pour considérer
la
notion
de race comme
permettant
de classer les différents
groupes humains
dans un cadre zoologique
propre
à faciliter
l’étude
des phénomènes
d’évolution.
Au sens anthropologique,
le terme « race » ne doit être appliqué
qu’aux groupes humains
qui se distinguent
par des traits physiques nettement
caractérisés
et essentiellement
transmissibles.
On peut classer de cette façon
mais la complexité
de l’histoire
de nombreuses
populations,
humaine
est telle que beaucoup
d’autres se prêtent difhcilement
à une classification
raciale.
2
Les différences
physiques
entre les groupes humains
sont dues :
les unes à des différences
de constitution
héréditaire,
les autres
à des différences
de milieu,
la plupart
aux deux. La génétique
donne à penser que les différences
héréditaires
à l’intérieur
d’une même espèce tiennent
à deux ordres de causes : d’une
part, la composition
génétique
d’une population
isolée se modifie
continuellement,
mais progressivement,
sous l’effet de la sélection
naturelle,
de modifications
fortuites
(mutations)
des particules
matérielles
(gènes) qui commandent
l’hérédité,
de modifications
accidentelles
de la fréquence
des gènes, enfin des coutumes
relatives
au mariage;
d’autre part, les croisements
tendent sans
cesse à effacer les différenciations
ainsi créées. Les nouvelles
populations
issues de ces croisements,
lorsqu’elles
se trouvent
à leur tour isolées, subissent les mêmes influences,
qui peuvent
amener de nouvelles
transformations.
Les races actuelles ne sont
que le résultat,
envisagé à un moment
donné de l’histoire,
de
la somme
des actions
qui sont ainsi exercées
sur l’espèce
humaine.
Il est donc normal
que les caractères
héréditaires
employés
pour classer les groupes humains
diffèrent
selon le
but scientifique
qu’on se propose; il en est de même de l’étendue
40
Déclaration de 1951
des variations
- et par conséquent
admises à l’intérieur
d’un même
du nombre
groupe.
des subdivisions
-
3
Les groupes nationaux,
religieux,
géographiques,
linguistiques
et
culturels
ne coïncident
pas nécessairement
avec les groupes
raciaux,
et les aspects culturels
de ces groupes n’ont avec les
caractères
propres
à la race aucun rapport
démontrable.
Les
Américains
ne constituent
pas une race, pas plus d’ailleurs
que
les Françak
ou les Allemands.
Aucun
groupe
national
ne
constitue
une race ipso facto. Les musulmans
et les juifs ne
forment
pas de race, pas plus que les catholiques
ou les protestants, les habitants
de l’Islande,
de la Grande-Bretagne
ou
de l’Inde, les peuples qui parlent l’anglais ou toute autre langue,
les individus
qui appartiennent
à la culture
turque
ou chinoise, etc. L’emploi
du mot « race » pour désigner un de ces
groupes peut constituer
une grave erreur;
celle-ci est cependant
souvent commise.
4
Les races humaines
ont été classées et le sont encore différemment
selon les anthropologues.
La plupart
de ceux-ci
sont d’accord pour diviser la majeure partie de l’espèce humaine
en trois grands groupes
au moins (en anglais : major
racial
groups, en français : grand-races,
en allemand
: Hauptrassen).
Cette classification
ne repose pas sur un caractère
physique
de la peau, par exemple,
ne suilit
pas
unique : la couleur
nécessairement
à distinguer
une grand-race
d’une autre. Il s’y
où l’on a pu les analyser,
les
a joute
que, dans la mesure
différences
de structure
physique
qui distinguent
une grand-race
d’une autre’ n’apportent
aucun argument
en faveur
des idées
courantes d’une « supériorité
» ou d’une « infériorité
» générale
de l’un ou de l’autre
de ces groupes.
Dans l’ensemble,
les membres
de chaque
grand-race
se
distinguent
par certains caractères physiques;
mais les individus
- ou les petits groupes - appartenant
à plusieurs
subdivisions
d’une même grand-race
ne se différencient
pas aussi facilement
entre eux. Même d’une grand-race
à l’autre,
il existe des transitions insensibles
et certains caractères
physiques
propres à des
grand-races
ou à des races secondaires
différentes
peuvent
che-
41
Déclamation
de 1951
vaucher dans une large mesure. En ce qui concerne la plupart
- sinon la totalité
- des caractères mesurables,
les différences
observées à l’intérieur
d’une même race dépassent celles qu’on
observe entre les moyennes
de deux ou plusieurs
races faisant
partie
d’une même grand-race.
La plupart
des anthropologues
ne tiennent
pas compte
des
caractères
mentaux
dans leur classification
des races humaines.
Les expériences
faites sur les membres d’une même race montrent
que les résultats des tests d’intelligence
et des tests de personnalité dépendent
à la fois des aptitudes
innées et des conditions
de l’entourage
physique
et social, mais on n’est pas d’accord
sur l’importance
relative
de ces deux facteurs.
Les résultats d’un test psychologique
- même non verbal sont généralement
moins bons dans le cas d’illettrés
que dans
celui de sujets plus instruits.
Les tests de cet ordre peuvent
donner
des résultats
extrêmement
variables
dans le cas de
différents
groupes
d’une même race et d’un niveau
culturel
équivalent.
Mais si les deux groupes comparés ont vécu depuis
l’enfance
dans des milieux
analogues, les différences
sont d’ordinaire minimes.
Qui plus est, il y a lieu de croire que, pour des
groupes
placés dans des conditions
de milieu
identiques,
le
le résultat
considéré
comme repréniveau moyen (c’est-à-dire,
sentatif
parce qu’on constate autant de résultats meilleurs
que
de résultats moins bons) et les variations
au-dessus et au-dessous
de celui-ci
ne diffèrent
pas sensiblement
d’une race à l’autre.
Même les psychologues
qui déclarent
avoir trouvé les plus
grandes différences
d’intelligence
entre groupes d’origine
raciale
différente,
et qui soutiennent
que ces différences
sont héréditaires, ont toujours
constaté que certains membres
d’un groupe
inférieur
dépassent non seulement
le niveau le plus bas, mais
même le niveau moyen d’un groupe supérieur.
De toute manière,
on n’a jamais pu distinguer
deux groupes d’après les aptitudes
mentales,
alors qu’on
peut fréquemment
le faire
d’après
la
religion,
la langue,
la couleur
de la peau ou la nature
des
cheveux.
Il est possible mais nullement
démontré
que
certaines
catégories
d’aptitudes
innées, d’ordre
intellectuel
ou
affectif,
soient plus fréquentes
dans un groupe
que dans un
autre; il est certain en tout cas que ces aptitudes
varient autant,
42
Déchution
de 1951
sinon davantage,
à l’intérieur
d’un groupe
donné que d’un
groupe à l’autre.
L’étude de l’hérédité
des caractères psychologiques
présente
de multiples
diflicult&.
Nous savons que certaines
maladies
ou
déficiences mentales se transmettent
d’une génération
à l’autre;
mais nous connaissons
mal le rôle de l’hérédité
dans la vie
psychique
des individus
normaux.
L’individu
normal, quelle que
soit sa race, est foncièrement
éducable.
Sa vie intellectuelle
et
morale
est donc, pour une large part,
conditionnée
par sa
formation
et par son milieu
physique
et ,social.
Souvent,
un groupe
national
paraît
caractérisé
par des
particularités
psychologiques
spéciales. Pour l’observateur
superficiel, ces particularités
s’expliquent
par la race. Du point de
vue scientifique
cependant,
n’importe
laquelle
de ces particularités peut aussi bien être le résultat
d’influentes
historiques
et sociales subies en commun, et leur existence ne doit pas nous
faire oublier
qu’au sein de populations
différentes,
représentant
un grand nombre
de types humains,
on trouve à peu près la
même gamme de tempéraments
et le même registre intellectuel.
6
Les données scientifiques
dont on dispose à l’heure
actuelle
ne
corroborent
pas la théorie selon laquelle les différences génétiques
héréditaires
seraient un facteur primordial
pour déterminer
les
différences
entre les cultures et leurs réalisations
chez les divers
peuples
ou groupes
ethniques.
Elles
nous apprennent,
au
contraire,
que ces différences
s’expliquent
surtout par l’histoire
culturelle
de chaque groupe.
7
On ne possède aucune
preuve
de l’existence
de races dites
« pures ». Les squelettes
fossiles nous fournissent
l’essentiel
du
peu que nous savons des races disparues,
En ce qui concerne
les mélanges
de races, il y a lieu de penser que le processus
de l’hybridation
humaine
se poursuit
depuis un temps indéterminé,
mais considérable.
A vrai dire, l’un des mécanismes
de la formation,
de l’extinction
et de la fusion des races est
précisément
l’hybridation
entre celles-ci. Il n’a jamais été établi
à l’aide de preuves valables que cette hybridation
ait des effets
43
_..
Déclaration
de 1951
défavorables;
il n’existe donc aucune raison biologique
dire le mariage
entre individus
de races différentes.
d’inter-
8
Considérons
maintenant
l’application
de toutes ces données au
problème
de l’égalité
entre les hommes. Il convient
d’afhrmer
que l’égalité
des droits et l’égalité
devant la loi, en tant que
principes
moraux,
ne se fondent nullement
sur le postulat
que
tous les êtres humains
sont également
doués.
9
Nous jugeons utile d’exposer
de façon formelle
ce qui a été
scientifiquement
établi
sur les différences
entre individus
et
entre groupes :
a) Les seuls caractères
sur lesquels les anthropologues
ont pu
effectivement
fonder jusqu’à présent des classifications
raciales
sont des caractères physiques (anatomiques
et physiologiques).
b) Dans l’état actuel de la science, rien ne justifie
la croyance
que les groupes humains
diffèrent
par des aptitudes
innées
d’ordre
intellectuel
ou affectif.
c) Certaines différences biologiques
peuvent être aussi grandes ou
plus grandes à l’intérieur
d’une même race que d’une race à
l’autre.
d) On a vu se produire
des transformations
sociales considérables qui ne coïncidaient
nullement
avec des changements
du type racial. Les études historiques
et sociologiques
corroborent ainsi l’opinion
selon laquelle les différences
génétiques
n’interviennent
guère dans la détermination
des différences
sociales et culturellee
entre groupes humains.
e) Rien ne prouve que le mélange des races ait des effets défavorables
du point de vue biologique.
Les résultats, bons ou
mauvais, auxquels il aboutit s’expliquent
tout aussi bien par
des facteurs sociaux.
Déclaration
rédigée le 8 juin 1951 à la Maison
de IIUnesco,
à Paris, par :
P’ R.A.M.
Bergman,
de Plnstitut
royal tropical,
de la Société
néerlandaise
d’anthropologie
d’Amsterdam.
P’ Gunnar Dahlberg,
directeur
de I’lnstitut
d’Etut de génétique
humaine
et de biologie
des races, de l’université
d’Uppsala.
44
Déclaration
de 19.51
P’
L.C. Dunn, du Département
de zoologie
de Columbia
University,
New York.
P’ J.B.S. Haldane,
chef du Département
de biométrie,
University
College, Londres.
P’ M.F. Ashley Montagu,
chef du Département
d’anthropologie,
Rutgers
University,
New Brunswick,
N.J.
D’ A.E. Mourant,
directeur
du Blood Group Reference
Laboratory,
Lister Institute,
Londres.
P’ Hans Nachtsheim,
directeur
de l’Institut
de génétique,
Freie
Universitiit,
Berlin.
D’ Eugène Schreider,
directeur
adjoint
du laboratoire
d’anthropologie
physique
de PEcole des hautes études de Paris.
chef du département
d’anthropologie
de
P’ Harry
L. Shapiro,
of Natural
History,
New York.
I’American
Museum
Dr J.C. Trevor,
professeur
à la Faculté
d’archéologie
et d’anthropologie
de l’Université
de Cambridge.
D’ Henri
Y. Vallois, professeur
au Muséum d’histoire
naturelle,
directeur
du Musée de l’homme,
Paris.
P’ S. Zuckerman,
chef du Département
d’anatomie
de I’Ecole
de médecine
de l’Université
de Birmingham.
Le professeur
Th. Dobzhansky,
du Département
de zoologie de
et le D’ Julian
Huxley
ont participé
à
Columbia
University,
la rédaction
définitive.
45
III.
Propositions sur les
aspects biologiques
de la question raciale
Moscou,
août
1964
Les experts dont les noms figurent ci-dessous, réunis par l’Unesco
pour donner leur avis sur les aspects biologiques
de la question
raciale,
et en particulier
pour établir
les éléments biologiques
d’une déclaration
sur la race et les préjugés
raciaux
prévue
pour 1966 et destinée à mettre à jour et à compléter
la Déclaration
sur la race et les différences
raciales
rédigée en 1951,
ont marqué leur accord unanime sur les propositions
qui suivent :
1. Tous les hommes actuels appartiennent
à une même espèce,
dite Homo sapiens, et sont issw d’une même souche. Quand
et comment
les différents
groupes humains
se sont diversifiés,
1a question
reste controversée.
2. Des différences
de constitution
héréditaire
et l’action
du
milieu
sur le potentiel
génétique
déterminent
les différences
biologiques
entre les êtres humains.
La plupart
sont dues à
l’interaction
de ces deux ordres de facteurs.
3. Chaque population
humaine
présente une large diversité
génétique.
Il n’existe pas chez l’homme
de race pure, au sens
de population
génétiquement
homogène.
4. Sous leur aspect moyen, il y a des différences
physiques
manifestes
entre les populations
vivant
en divers
points
du
globe. Beaucoup de ces différences ont une composante génétique.
Ces dernières
consistent
le plus souvent en des différences
de fréquence
des mêmes caractères
héréditaires.
5. Sur la base de traits
physiques
héréditaires,
diverses
subdivisions
de l’humanité
en grand-races
et de celles-ci
en
catégories
plus restreintes
(les races, qui sont des groupes de
populations
ou, éventuellement,
des populations)
ont été proposées. Presque toutes reconnaissent
au moins trois grand-races.
La variation
géographique
des caractères
utilisée
dans les
classifications
raciales étant complexe
et ne présentant
pas de
46
Déclaration
de 1964
discontinuité
majeure,
ces classifications,
quelles qu’elles soient,
ne sauraient
prétendre
à découper
l’humanité
en catégories
rigoureusement
tranchées et, du fait de la complexité
de l’histoire
humaine,
la place de certains
groupes dans une classification
raciale
est difhcile
à établir,
notamment
celle de certaines
populations
qui occupent
une position
intermédiaire.
Beaucoup
d’anthropologues,
tout en insistant
sur l’importance de la variabilité
humaine, estiment que l’intérêt
scientifique
de ces classifications
est limité,
voire
qu’elles
présentent
le
danger d’inciter
à des généralisations
abusives.
Les différences
entre individus
d’une même race ou d’une
même population
sont souvent plus grandes que la différence
des moyennes
entre races ou entre populations.
Les traits distinctifs
variables
retenus pour caractériser
une
race ou bien sont hérités indépendamment
les uns des autres
ou bien présentent
un degré variable
d’association
à l’intérieur
de chaque population.
Aussi la combinaison
des caractères chez
1a plupart
des individus
ne correspond-elle
pas à la caractérisation
typologique
de la race.
6. Chez l’homme
comme
chez l’animal,
la composition
génétique
de chaque population
est soumise à l’action
modificatrice de divers facteurs : la sélection
naturelle,
tendant
vers
une adaptation
au milieu,
des mutations
fortuites
consistant
en
modifications
des molécules
d’acide
désoxyribonucléique
qui
déterminent
l’hérédité,
des modifications
aléatoires
de la fréquence
des caractères
héréditaires
qualitatifs,
la probabilité
desquelles dépend de l’effectif
de la population
et de la composition des unions au sein de cette population.
Certains
caractères
physiques
ont une valeur
biologique
universelle
et fondamentale
pour la survie
de l’homme,
en
quelque
milieu
que ce soit. Les différences
sur lesquelles
se
fondent
les classifications
raciales
ne concernent
pas de tels
caractères. Aussi, à leur égard, ne peut-on en rien biologiquement
parler
d’une supériorité
ou d’une infériorité
générales de telle
ou telle race.
7. L’évolution
humaine
présente des modalités,
d’une importance capitale,
qui lui sont particulières.
L e passé de l’espèce humaine,
aujourd’hui
répandue
à la
surface entière de la terre, est riche en migrations,
en expansions
et en rétractions
territoriales.
47
Déclaration
de 1964
En conséquence,
une adaptabilité
générale aux milieux
les
plus variés l’emporte
chez l’homme
sur les adaptations
à des
milieux
particuliers.
Les progrès accomplis
par l’homme,
sur quelque
plan que
ce soit, semblent se poursuivre,
depuis de nombreux
millénaires,
principalement
- sinon uniquement
- sur le plan des acquis
culturels,
et non sur celui des patrimoines
génétiques.
Cela
implique
une modification
du rôle de la sélection naturelle
chez
l’homme
actuel.
Du fait de la mobilité
des populations
humaines
et des
facteurs sociaux, les unions entre membres de groupes humains
différents,
qui tendent
à effacer les différenciations
acquises,
ont joué un rôle beaucoup
plus important
dans l’histoire
de
l’espèce humaine
que dans celle des espèces animales.
Le passé
de toute population,
de toute race humaine
compte de multiples
métissages, qui ont tendance
à s’intensifier.
Chez l’homme
les obstacles aux croisements
sont de nature
sociale et culturelle
tout autant que géographique.
les caractéristiques
héréditaires
des
8. A toute
époque,
populations
humaines représentent
un équilibre
instable résultant
des métissages et des mécanismes
de différenciation
déjà cités.
En tant qu’entités
définies par un ensemble de traits dktinctifs
propres,
les races humaines
sont en voie de formation
et de
dissolution.
Les races humaines
sont généralement
caractérisées
de façon
bien moins nette que beaucoup de races animales et ne peuvent
en rien être assimilées
aux races d’animaux
domestiques,
qui
résultent
d’une sélection poussée à des fins particulières.
9. Il n’a jamais
été établi
que le métissage
présente
un
inconvénient
biologique
pour l’humanité
en général.
Par contre, il contribue
largement
au maintien
des liens
biologiques
entre les groupes humains, donc de l’unité de l’espèce
humaine
dans sa diversité.
Sur le plan
biologique,
les implications
d’un
mariage
dépendent
de la constitution
génétique individuelle
des con joints
et non de leur race.
Il n’existe
donc aucune justification
biologique
à interdire
les mariages interraciaux,
ni à les déconseiller
en tant que tels.
10. L’homme,
depuis son origine, dispose de moyens culturels
sans cesse plus efficaces d’adaptation
non génétique.
48
Déclaration
de 1964
11. Les facteurs
culturels
qui rompent
les cloisonnements
sociaux et géographiques
élargissent
les cercles de mariage
et
agissent par conséquent
sur la structure
génétique
des populations en diminuant
les fluctuations
aléatoires (derive génétique).
12. En règle générale,
les grand-races
couvrent
de vastes
territoires
qui englobent
des peuples
divers
par la langue,
I’économie,
la culture,
etc.
Aucun groupe national,
religieux,
géographique,
linguistique
ou culturel
ne constitue une race ipso facto; le concept de race
ne met en jeu que des facteurs biologiques.
Cependant,
les êtres humains
qui parlent
la même langue
et partagent
la même culture
ont tendance
à se marier
entre
eux, ce qui peut faire apparaître
un certain degré de coïncidence
entre traits
physiques
d’une
part,
linguistiques
et culturels
d’autre part. Mais on ne connaît pas de relation
causale entre
ceux-ci et ceux-là et rien n’autorise
à attribuer
les particularités
culturelles
à des caractéristiques
du patrimoine
génétique.
13. La plupart
des classifications
raciales
de l’humanité
qui
ont été proposées n’incluent
pas de caractères
mentaux
parmi
leurs critères taxonomiques.
L’hérédité
peut intervenir
dans la variabilité
que montrent
les individus
d’une même population
dans leurs réponses
à
certains
tests psychologiques
actuellement
employés.
Cependant
on n’a jamais
prouvé
de différence
entre les
patrimoines
héréditaires
des groupes de population
en ce qui
concerne
ce que mesurent
ces tests, tandis que l’intervention
du milieu
physique,
culturel
et social dans les différences
des
réponses à ces tests a été abondamment
mise en lumière.
L’étude
de cette question
est entravée
par l’extrême
difhcuité d’isoler l’éventuelle
part de l’hérédité
dans les différences
moyennes observées entre les résultats des épreuves dites d’intelligence
globale
de populations
culturellement
diverses.
De même que certains
grands traits anatomiques
propres
à l’espèce
humaine,
la capacité
génétique
d’épanouissement
intellectuel
relève
de caractéristiques
biologiques
de valeur
universelle,
en raison
de son importance
pour la survie
de
l’espèce dans n’importe
quel environnement
naturel
et culturel.
Les peuples de la terre semblent
disposer
aujourd’hui
de
potentialités
biologiques
égales d’accéder à n’importe
quel niveau
de civilisation.
Les différences
entre les réalisations
des divers
49
Déclaration de 1964
peuples semblent devoir s’expliquer
entièrement
par leur histoire
culturelle.
Certaines
particularités
psychologiques
sont parfois
attribuées à tel ou tel peuple. Que de telles assertions soient ou non
fondées, ces particularités
ne sauraient être assignées à l’hérédité,
jusqu’à preuve du contraire.
Le domaine des potentialités
héréditaires
en ce qui concerne
l’intelligence
globale et les capacités de développement
culturel,
pas plus que celui des caractères physiques, ne permet de justifier
le concept de races E( supérieures
» et « inférieures
».
Les données biologiques
ci-dessus exposées sont en contradiction
flagrante
avec les thèses racistes. Celles-ci ne peuvent se prévaloir
en rien d’une justification
scientifique
et c’est un devoir pour
les anthropologues
de s’efforcer d’empêcher
que les résultats de
leurs recherches
ne soient déformés dans l’emploi
qui pourrait
en être fait à des fins non scientifiques.
Moscou, le 18 août 1964
Pr Nigel Barnicot,
département
d’anthropologie,
University
COL
lege, Londres.
P’ Jean Benoist, directeur
du département
d’anthropologie,
Université de Montréal.
P’ Tadeusz
Bielicki,
Institut
d’anthropologie,
Académie
des
sciences de Pologne,
Wroclazo.
D’ A.E. Boyo, directeur,
Federal Malaria
Institute,
département
de pathologie
et d’hématologie,
Ecole de médecine,
Université
de Lagos.
P’ V.V. Bunak, Institut
d’ethnographie,
Moscou.
P’ Carleton
S. Coon, conservateur
du Musée de l’Université
de
Pennsylvanie,
Philadelphie,
Pu.
P’ G.F. Debetz, Institut
d’ethnographie,
Moscou.
M”” Adelaida
G. de Diaz Ungria,
conservateur
du Musée des
sciences naturelles,
Caracas.
Pr Santiago Genovés, Institut
de recherches
historiques,
Faculté
des sciences, Université
de Mexico.
P’ Robert Gessain, directeur
du Centre de recherches
anthropologiques, Musée de l’homme,
Paris.
Pr Jean Hiernaux,
Laboratoire
d’anthropologie,
Faculté
des
de Paris;
Institut
de sociologie
Solvay,
sciences, Université
50
Déclaration de 1964
Bruxelles;
Université
libre de Bruxelles.
(Directeur
scientifique de la réunion.)
D’ Yaya Kane, directeur
du Centre national
de transfusion
sanguine du Sénégal, Dakar.
Pr Ramakhrishna
Mukherjee,
chef du département
de recherche
sociologique,
Institut
indien de statistique,
Calcutta.
P’ Bernard
Rensch, Institut
de zoologie,
Westfaliche
WilhelmsUniversitat,
Münster.
P’ Y.Y. Roguinski,
Institut
d’ethnographie,
Moscou.
P’ Francisco
M. Salzano, Institut
de sciences naturelles,
Porto
Alegre, Rio Grande do SU~, Brésil.
Pr Alf Sommerfelt,
recteur de PUniversité
d’Oslo.
P’ James N. Spuhler,
département
banthropologie,
Université
de Michigan,
Ann Arbor, Michigan.
Pr Hisashi
Suzuki,
département
d’anthropologie,
Faculté
des
sciences, Université
de Tokyo.
P’ J.A. Valsik,
département
d’anthropologie
et de génétique,
Université
J.A. Komensky,
Bratislava.
D’ Joseph S. Weiner, Ecole de médecine
tropicale
et d’hygiène,
Université
de Londres.
Pr V.P. Yakimov,
Institut
d’anthropologie,
Université
de Moscou.
51
IV.
Déclaration sur la race
et les préjugés raciaux
Paris,
septembre
1967
1. « Tous les êtres humains
naissent libres et égaux en dignité
et en droits. » Ce principe
démocratique
universellement
proclamé est en péril partout où les relations entre groupes humains
sont marquées par des inégalités
d’ordre politique,
économique,
social ou culturel.
Parmi les obstacles qui s’opposent à la reconnaissance de l’égalité
en dignité
de tous les êtres humains,
le
racisme apparaît comme particulièrement
redoutable.
Il continue
à sévir dans le monde d’aujourd’hui.
En tant que phénomène
il doit retenir l’attention
de tous
social de première
importance,
ceux qui étudient les sciences de l’homme.
2. Le racisme
entrave
le développement
de ses victimes,
pervertit
ceux qui le mettent
en pratique,
divise les nations au
sein d’elles-mêmes,
aggrave la tension internationale,
et menace
la paix mondiale.
3. Les experts réunis à Paris en septembre
1967 ont reconnu
que les doctrines racistes sont dénuées de toute base scientifique.
Ils ont réaffirmé
les propositions
adoptées lors de la réunion
internationale
tenue à Moscou en 1964 pour réexaminer
les aspects
biologiques
des déclarations
sur la race et les différences
raciales
faites en 1950 et 1951. Ils appellent
notamment
I’attention
sur
les points suivant.s :
a. Tous les hommes qui vivent de nos jours appartiennent
à la
même espèce et descendent
de la même souche.
b. La division
de l’espèce humaine
en « races » est en partie
conventionnelle
ou arbitraire,
et elle n’implique
aucune hiérarchie
de quelque
ordre que ce soit. De nombreux
anthropologues
soulignent
l’importance
de la variabilité
humaine
mais pensent que les divisions
« raciales
» ont un intérêt
scientifique
limité
et qu’elles
risquent
même de conduire
à
une généralisation
abusive.
52
Déclaration
de 1967
c. Dans l’état actuel des connaissances
biologiques,
on ne saurait
attribuer
les réalisations
culturelles
des peuples à des différences de potentiel
génétique.
Les différences
entre les réalisations des divers peuples s’expliquent
entièrement
par leur
histoire culturelle.
Les peuples du monde d’aujourd’hui
paraissent posséder des potentiels
biologiques
égaux leur permettant
d’atteindre
n’importe
quel niveau de civilisation.
Le racisme falsifie grossièrement
les connaissances
relatives
à la
biologie
humaine.
4. Les problèmes
humains
que soulèvent
les relations
dites
« raciales » ont donc une origine
plus sociale que biologique.
En particulier,
le racisme constitue
un problème
fondamental.
Il se manifeste
par des croyances
et des actes antisociaux
qui
ont pour base l’idée fallacieuse
que des relations
discriminatoires
entre groupes sont justifiables
du point de vue biologique.
5. Les groupes évaluent habituellement
leurs caractéristiques
en les comparant
$ celles d’autres
groupes. Le racisme affirme
à tort que la science fournit
la base d’une hiérarchisation
des
groupes en fonction
de caractéristiques
psychologiques
et culturelles qui sont immuables
et innées. Il cherche
ainsi à faire
paraître
inviolables
les différences
existantes
de manière
à perpétuer les relations
actuelles
entre groupes.
6. Le caractère
fallacieux
de ces doctrines
étant démasqué,
le racisme trouve des stratagèmes
toujours
nouveaux
pour justifier l’inégalité
des groupes. Il souligne qu’il n’y a pas de mariages entre groupes,
fait qui résulte
en partie
des divisions
qu’il a lui-même
créées, et il en tire argument
pour soutenir
que l’absence
de tels mariages
provient
de différences
d’ordre
biologique.
Quand il ne réussit pas à prouver
l’origine
biologique des différences
entre les groupes, il se rabat sur d’autres
divine,
différences
culturelles,
disparité
justifications
: intention
entre les niveaux
d’instruction
ou toute autre doctrine
qui peut
servir à masquer
la persistance
des croyances
racistes. Ainsi,
beaucoup
des problèmes
que pose le racisme
dans le monde
actuel résultent non pas seulement de ses manifestations
ouvertes
mais aussi de l’activité
de ceux qui pratiquent
la discrimination
raciale sans vouloir
le reconnaître.
7. Le racisme
a des racines historiques.
Ce n’est pas un
phénomène
universel.
Nombreuses
sont les sociétés et les cultures
contemporaines
qui en portent
peu de traces, et de longues
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Déclaration
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périodes
de l’histoire
mondiale
en ont été exemptes.
Bien des
formes de racisme ont eu pour origine les conditions
créées par
la conquête,
le désir de justifier
l’esclavage
des Noirs et l’inégalité raciale qui en est issue en Occident, ainsi que les rapports
coloniaux.
Parmi d’autres exemples figure l’antisémitisme,
qui a
joué un rôle particulier
là où les juifs
ont servi de boucs
émissaires,
sur lesquels on a rejeté la responsabilité
des problèmes et des crises que connaissent
de nombreuses
sociétés.
8. La révolution
anticoloniale
du XX~ siècle a créé de nouvelles possibilités
d’éliminer
le fléau du racisme. Dans certains
pays autrefois
dépendants,
des personnes
précédemment
considérées comme inférieures
ont pour la première
fois obtenu la
plénitude
de leurs droits politiques.
En outre, la participation
de pays précédemment
dépendants
aux activités
d’organisations
internationales,
sur un pied d’égalité, a fait beaucoup pour saper
le racisme à la base.
9. Il existe cependant,
dans certaines
sociétés, des cas où
des groupes victimes
de pratiques
racistes ont eux-mêmes
appliqué, dans leur lutte pour la liberté,
des doctrines
ayant des
aspects racistes. Cette attitude
est un phénomène
secondaire, une
réaction découlant
de la recherche
par l’homme
de son identité,
que la théorie et les pratiques
racistes lui refusaient
jusqu’alors.
Quoi qu’il en soit, les nouvelles
formes de l’idéologie
raciste,
résultant
de cette exploitation
antérieure,
n’ont aucune justification biologique.
Elles sont le produit
d’une lutte politique
et
n’ont pas de fondement
scientifique.
10. Pour saper les bases du racisme, il ne suffit pas que les
biologistes
dénoncent son caractère fallacieux.
Il faut encore que
les psychologues
et les sociologues
en montrent
les causes. La
structure
sociale est toujours
un facteur important.
Toutefois,
à
l’intérieur
de la même structure
sociale, il peut arriver
que le
degré de racisme qui caractérise
le comportement
des individus
varie beaucoup
selon leur personnalité
et leur situation
particulière.
11. Le comité d’experts
a adopté les conclusions
ci-après
concernant
les causes sociales des préjugés raciaux :
a. Les causes économiques
et sociales du racisme apparaissent
en particulier
dans les sociétés de colons où se rencontrent
des conditions
caractérisées
par une grande inégalité
de puissance et de propriété,
dans certaines
zones urbaines
où se
Déclaration
de 1967
sont créés des ghettos
dont les habitants
sont privés
de
l’égalité
d’accès à l’emploi,
au logement,
à la vie politique,
à l’éducation
et à l’administration
de la justice, ainsi que dans
de nombreuses
sociétés où des tâches économiques
et sociales
jugées contraires
à l’éthique
de leurs membres ou au-dessous
de leur dignité sont assignées à un groupe d’origine
différente
qui est tourné
en dérision,
blâmé et puni parce qu’il
se
charge de ces tâches.
b. Les individus
atteints de certains troubles
de la personnalité
peuvent
être particulièrement
enclins à adopter
et à manifester des préjugés
raciaux.
Les petits groupes,
associations
et mouvements
sociaux d’un certain type conservent
et transmettent
parfois les préjugés
raciaux.
Cependant,
les racines
de ces préjugés se situent dans le système social et économique
propre à la communauté
considérée.
c. Le racisme a souvent un effet cumulatif.
La discrimination
prive un groupe de l’égalité
des droits et l’érige en problème.
Fréquemment,
ce groupe se voit ensuite reprocher
sa condition, ce qui conduit à une nouvelle
élaboration
de la théorie
raciste.
12. Les principales
techniques
à employer
pour combattre
le racisme consistent
à modifier
la situation
sociale qui donne
naissance au préjugé, à empêcher
ceux qui sont nourris de préjugés d’agir conformément
à leurs croyances
et à lutter contre
les fausses croyances elles-mêmes.
13. On ne saurait nier que les modifications
essentielles
de
la structure sociale qui peuvent permettre
d’éliminer
les préjugés
raciaux
exigent parfois
des décisions d’ordre
politique.
Mais il
est clair également
que certains instruments
de progrès tels que
l’enseignement
et d’autres moyens de développement
économique
et social, les organes d’information
et le droit peuvent être mobilisés de façon immédiate
et efficace pour contribuer
à cette
élimination.
14. L’école et d’autres instruments
de progrès économique
et social peuvent
être au nombre
des agents les plus efficaces
d’une meilleure
compréhension
et de la réalisation
de toutes les
Ils peuvent
tout aussi bien être largepossibilités
de l’homme.
ment utilisés pour perpétuer
la discrimination
et l’inégalité.
Il
est donc essentiel que les ressources en matière
d’éducation
et
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de 1967
d’action économique
et sociale de tous les pays soient employées
des deux façons suivantes :
a. Les écoles doivent veiller
à ce que leurs programmes
fassent
une place à des notions
scientifiques
sur la race et l’unité
humaine,
et à ce qu’il ne soit pas fait de distinctions
désobligeantes à l’égard de tel ou tel peuple, ni dans les manuels,
ni dans les salles de classe.
b. i) Etant donné que les connaissances
que doit fournir
l’instruction
de type classique et l’enseignement
professionnel
revêtent une importance
croissante, parallèlement
au processus du développement
technologique,
les ressources des
écoles et les autres ressources doivent être mises intégralement à la disposition
de tous les groupes de la population sans restriction
ni discrimination.
ii) En outre, dans les cas où, pour des raisons historiques,
certains groupes ont un niveau d’éducation
et de vie inférieur, il appartient
à la société de prendre
des mesures
en vue de remédier
à cet état de choses. Ces mesures
devront tendre, autant que possible, à éviter que les limitations associées à un milieu pauvre soient transmises aux
enfants.
En raison du rôle important
des maîtres dans l’application
de
tout programme
d’enseignement,
il convient d’accorder une attention particulière
à la formation
des enseignants. Il faut apprendre
aux maîtres
à reconnaître
dans quelle mesure ils sont imbus
des préjugés qui peuvent être répandus dans leur société, et les
encourager
à rejeter ces préjugés.
15. Les services officiels et les autres organismes
intéressés
doivent
accorder une attention
particulière
à l’amélioration
des
logements
et des possibilités
de travail
offerts aux victimes
du
racisme. Non seulement
ces mesures contrebalanceront
les effets
du racisme, mais encore elles pourront
contribuer
d’une manière
positive à modifier
les attitudes et le comportement
racistes.
16. Si les moyens
d’information
revêtent
une importance
croissante
pour la promotion
des connaissances
et de la compréhension,
leur potentiel
n’est pas encore exactement
connu.
Des recherches
suivies sur l’utilisation
Bociale de ces moyens
sont nécessaires pour mesurer
leur influence
sur la formation
des attitudes et des comportements
en matière de préjugés raciaux
et de discrimination
raciale.
Du fait que les moyens d’infor-
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Déclaration
de 1967
mation touchent
un vaste public, très divers par le degré d’instruction
et le niveau social, ils peuvent
jouer un rôle capital
dans l’aggravation
ou l’élimination
des préjugés
raciaux.
Les
professionnels
de l’information
doivent
se préoccuper
d’encourager la compréhension
entre les groupes et entre les populations.
Ils doivent
éviter de donner des autres peuples une représentation stéréotypée
qui les tourne en ridicule.
Ils doivent
également se garder, en rédigeant
les nouvelles,
de mettre en relief
l’origine
raciale
des personnes
en cause lorsqu’elle
n’a pas de
rapport
direct avec les faits.
17. Le droit est l’un des principaux
moyens d’assurer l’égalité entre les individus
et l’un des instruments
les plus efhcaces
de lutte contre le racisme.
La Déclaration
universelle
des droits de l’homme,
adoptée
le 10 décembre
1948, ainsi que les accords et conventions
internationaux
qui sont entrés en vigueur depuis lors, peuvent contribuer efficacement
à la lutte
contre
toute injustice
d’origine
raciste, tant sur le plan national
qu’à l’échelon
international.
La législation
nationale
est un moyen
de mettre
effectivement hors la loi la propagande
raciste et les actes fondés sur
la discrimination
raciale. En outre, la politique
générale exprimée dans cette législation
doit lier non seulement
les tribunaux
et les juges chargés de la faire respecter,
mais aussi tous les
services officiels, quel que soit leur niveau ou leur caractère.
On ne saurait
prétendre
que la législation
peut éliminer
parce qu’elle
permet
immédiatement
les pré jugés; néanmoins,
de protéger les victimes d’actes fondés sur les préjugés et qu’elle
offre un exemple moral, étayé par la dignité des tribunaux,
elle
peut même parvenir,
à la longue, à modifier
les attitudes.
18. Les groupes ethniques
qui sont victimes
de la discrimination
sous une forme ou une autre sont parfois
acceptés et
tolérés par les groupes dominants
à condition
de renoncer
totalement
à leur identité
culturelle.
Il convient
de souligner
la
nécessité d’encourager
ces groupes ethniques
à préserver
leurs
valeurs culturelles.
Ils seront ainsi mieux en mesure de contribuer
à enrichir
la culture totale de l’humanité.
19. Dans le monde d’aujourd’hui,
les préjugés raciaux et la
discrimination
raciale
proviennent
de phénomènes
historiques
et sociaux et on cherche à les justifier
en invoquant
à tort l’autorité de la science. Il appartient
donc à tous les spécialistes
des
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Déclaration
de 1967
sciences biologiques
et sociales, aux philosophes
et aux chercheurs
travaillant
dans des disciplines
voisines de veiller
à ce que les
résultats de leurs recherches
ne soient pas utilisés abusivement
par ceux qui veulent
propager
les préjugés
raciaux
et encourager la discrimination.
Cette déclaration
a été élaborée par un comité d’experts
sur la
race et les préjugés raciaux qui s’est réuni au siège de l’unesco
à Paris, du 18 au 26 septembre
1967. Ont participé
aux travaux
du comité les personnalités
dont les noms suivent :
Muddathir
Abdel Rahim,
Université
de Khartoum,
Soudan.
Georges Balandier,
Université
de Paris.
Celio de Oliveira
Borja, Université
de Guanabara,
Brésil.
Lloyd Braithwaite,
University
of the West Ir&es,
Jamaïque.
Leonard Broom, Université
du Texas, Etats-Unis
d’Amérique.
G.F. Debetz, Institut
d’ethnographie,
Moscou.
J. Djordjevic,
Université
de Belgrade.
Clarence Clyde Ferguson, Howard
University,
Etats-Unis
dArnérique.
Dharam P. Ghai, University
College, Kenya.
Louis Guttman,
Université
hébraïque,
Israël.
Jean Hiernaux,
Université
libre de Bruxelles.
M”’ A. Kloskowska,
Université
de Lodz.
Kéba M’Baye,
premier
président
de la Cour suprême, Sénégal.
John Rex, Université
de Durham,
Royaume-Uni.
Mariano
R. Solveira,
Université
de La Havane.
Hisashi Suzuki, Université
de Tokyo.
M”’ Romila
Thapar,
Université
de Delhi.
C.H. Waddingdon,
Université
bEdimbourg,
Royaume-Uni.
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