PARAPHRASE ET LEXIQUE
:
LA THÉORIE SENS-TEXTE ET LE
DICTIONNAIRE EXPLICATIF ET COMBINATOIRE
argotique, officiel, familier,
.
.
.;
exposé explicatif, ironique, cie!). Beaucoup de distinctions sémantiques qui existent dans
humoristique,
.
.
.).
la langue sont ignorées par les locuteurs dans le discours
:
le
contexte réel «éteint» certaines oppositions virtuelles.
À
notre
(Ces trois types de sens sont reflétés dans les trois structures avis, en sémantique il est très important de ne pas aller trop
qui constituent la représentation sémantique adoptée dans le loin sans nécessité, en cherchant des distinctions qui ne sont
MST
:
structure sémantique, structure communicative et struc- pas nécessairement observées dans la réalité langagière. Tout
ture rhétorique
:
voir pp. 27-28.) en admettant la relativité de 1' identification de sens, nous fon-
Or, pour les paraphrases prises dans notre optique, seul le
sens situationnel est pertinent. Les paraphrases peuvent diffé-
rer du point de vue communicatif et rhétorique; en effet, très
souvent cette différenciation est même le but de la paraphrase.
Dans ce qui suit, nos exigences quant aux paraphrases se limi-
tent
à
l'identité ou
à
la proximité suffisante du sens situation-
nel; les deux autres types de sens peuvent varier.
dons notre modèle linguistique sur la notion primitive de
«même sens».
PARAPHRASES ET CHANGEMENT DE SENS
En règle générale, nous n'exigeons même pas que la pa-
raphrase ne modifie pas le sens situationnel de l'expression de
départ. Une paraphrase particulière peut modifier le sens, mais
de façon complètement contrôlée (le chercheur sait ce qu'elle
CARACTÈRE
RELATIF
DE
TOUTE
modifie et comment) et sans que la transformation ne soit trop
IDENTITÉ
DE
MESURE
grande (le degré tolérable est établi intuitivement, en fonction
Beaucoup de linguistes n'admettent pas la «vraie» syno-
nymie
:
selon eux, les expressions linguistiques
X
et
Y
quel-
conques peuvent être considérées synonymes seulement parce
que l'analyse sémantique utilisée pour
X
et
Y
n'est pas suf-
fisamment raffinée; en principe, disent-ils, on peut toujours
trouver des différences sémantiques entre n'importe quelles ex-
pressions linguistiques, pourvu qu'on s'y applique. Nous aime-
rions cependant
y
opposer la considération suivante. On ne
peut trouver deux tiges métalliques qui aient, strictement par-
lant, la même longueur
:
en utilisant des dispositifs de mesure
de plus en plus précis, on peut toujours trouver des différences
de longueur entre deux tiges quelconques
-
jusqu'au point où
l'erreur inévitable de mesure dépasse la résolution du dispositif
utilisé, après quoi c'est l'indétermination qui règne. La même
chose est vraie
à
propos du poids, de la vitesse, du temps écou-
lé, etc., bref,
à
propos de toute mesure. Pourtant, cela ne gêne
personne
(à
part, peut-être, les philosophes)
:
pour chaque tâche
pratique, on établit un degré raisonnable de précision. En effet,
on ne prend pas une balance trop précise pour peser des légu-
mes dans une épicerie; on se contente de poids relativement
identiques
à
1 kg
à
une approximation raisonnable près, et on
se met d'accord pour ne pas tenir compte de cette approxima-
tion. (Pour peser les ingrédients d'un médicament, une balance
beaucoup plus précise est nécessaire; et ainsi de suite pour cha-
que tâche.)
Le sens d'une expression linguistique ne se distingue pas,
de façon substantielle, des paramètres physiques mesurables,
sauf que l'instrument de «mesure» est ici l'intuition linguisti-
que du locuteur. Le réglage de cet instrument, c'est-à-dire le
degré de précision ou de résolution exigé, doit être approprié
à
la tâche; cela veut dire, entre autres, que le chercheur ne doit
pas être trop précis dans sa quête des nuances sémantiques (on
ne pèse pas des pommes de terre avec une balance de pharma-
de la tâche). Les paraphrases approximatives ne contredisent
pas notre conception de la paraphrase, puisque nous considé-
rons aussi,
à
côté de la synonymie exacte, la quasi-synonymie
(les synonymes plus larges, plus étroits et
à
intersection, voir
la liste des fonctions lexicales, pp. 127
ssq.).
3.4.
Neutralisation sémantique contextuelle
Pour notre approche de la paraphrase, le fait suivant est
crucial
:
souvent, on peut construire des paraphrases (presque)
exactes, c'est-à-dire sémantiquement équivalentes,
à
partir
d'unités linguistiques
-
lexèmes, phrasèmes, constructions
syntaxiques, etc. -qui ne sont pas du tout équivalentes (mais
qui partagent, bien entendu, une partie sémantique impor-
tante). Cela est dû
à
la
NEUTRALISATION
SÉMANTIQUE
CONTEX-
TUELLE. Dans un contexte particulier, qu'il soit linguistique
(=le choix d'unités lexicales, de constructions syntaxiques
spécifiques, etc.) ou extralinguistique
(=
une situation concrète
dont il est question), deux lexies ou deux constructions qui,
comme telles, s'opposent sémantiquement, perdent leur carac-
tère oppositif et
-
sans devenir équivalentes!
-
apportent
à
l'énoncé en question
(à
peu près) le même «morceau» de sens.
(Nous avons fait allusion
à
cet état de choses ci-dessus, en par-
lant du contexte, qui peut «éteindre» certaines distinctions.)
Le phénomène de neutralisation sémantique a été étudié en
profondeur par Ju. Apresjan (1974
:
156-163, 239-242, 281-
283), et nous nous limiterons ici
à
trois exemples que nous lui
avons empruntés.
-
Les verbes
s'arrêter
et
cesser
(dans les acceptions cor-
respondantes) ne sont pas synonymes
:
cf.
Ses visites se sont
arrêtées durant le mois de mai
[plutôt temporairement] vs
Ses
visites ont cessé durant le mois de mai
[plutôt de façon perma-
nente]; cependant, dans le contexte du nom
pluie,
ils ne s'op-
posent plus
:
'La pluie s'est arrêtée'
=
'La pluie a cessé'.