von Wolfingen, traduite et publiée en français en 18221, inspire même Hugo
dans la célèbre scène des portraits d’Hernani. Mais il est significatif que la
première adaptation de Wallenstein en français, celle que Constant propose
en 1809, sous le titre de Wallstein, ait finalement été un projet destiné à
l’édition, dont la création n’a pu aboutir. Plutôt que de faire jouer Wallen-
stein sur une scène française, Constant s’était en effet proposé de donner un
exemple du tragique propre à la dramaturgie allemande. En outre, l’idée
d’une réalisation scénique de la pièce a bien germé dans son esprit, mais fut
vite abandonnée. Le 25 février 1808 déjà, Constant écrit à Barante : « Ma
tragédie est fort ajournée, quant à la représentation au moins. [...] J’avais eu
tort de réunir à la fois Talma et d’autres. Talma n’a vu que son rôle, et les
autres ont reçu son impression. »2Cette rencontre avec Talma et sa troupe
a fait penser à Constant que la pièce de Schiller n’était pas propre à être
jouée sur une scène française : « Les morceaux les plus littéralement traduits
de l’allemand ont été les plus critiqués. »
La période classique de Schiller ne semble donc pas au premier abord
la plus aisée à transposer sur la scène française. En 1805, la polémique
autour de la Phädra de Schiller et la comparaison avec la pièce de Racine,
tenue pour emblématique de toute la dramaturgie française, ont alimenté
la critique. Ainsi dans son numéro du 8 mars 1806, le Journal de Paris
s’indigne que l’éditeur allemand de la traduction ait pu juger « la copie
supérieure à l’original ». La condamnation sévère de la pièce de Schiller,
jugée indigne de celle de Racine, témoigne sans doute d’une réticence du
goût français à l’égard d’une dramaturgie encore contestée. Mais surtout
s’opère ici un glissement par rapport à la fortune des Brigands : ce n’est en
effet plus l’auteur du Sturm und Drang qui sert de référence, mais celui du
classicisme de Weimar. Et ce caractère moins étranger est sans doute la
raison pour laquelle Schiller est l’objet de critiques plutôt que d’éloges. Il
pourrait paraître paradoxal de poser que le mélodrame, né en France
d’après les théories de Rousseau, tire son principal héritage du Sturm und
Drang et des Familien- et des historische Gemälde. Du reste, ces deux voies,
celle du Sturm und Drang et celle des Gemälde, étaient, en France, plus ou
moins mises sur le même plan. Mme de Staël, dans l’image monolithique
de l’Allemagne littéraire qu’elle s’était constituée, ne déclarait-elle pas,
avec une fierté narquoise, avoir logé Schlegel et Kotzebue dans la même
chambre de son château de Coppet3? Face à ces deux sources du mélo-
drame, la dramaturgie du classicisme de Weimar a pu former un modèle
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1. Dans la série des Chefs-d’Œuvre des Théâtres étrangers publiée chez Ladvocat.
2. Lettre citée par Carlo Cordié, « Il “Wallstein” di Benjamin Constant nelle testimonianze
dell’autore », in Studi in onore di Carlo Pellegrini, Biblioteca di « Studi Francesi », vol. II, Turin, 1963,
p. 421.
3. « J’ai mis dans la même chambre Schlegel et Kotzebue, comme il convient à une étran-
gère qui ignore les querelles. » Lettre de Mme de Staël à Wieland du 31 mars 1804, citée par la
Comtesse de Pange, Auguste-Guillaume Schlegel et Madame de Staël d’après des documents inédits, Paris,
Albert, 1938, p. 90.