Période pré-classique: développement de la science juridique et du ius gentium Le droit romain entre dans une véritable révolution entre 201, fin de la deuxième guerre punique contre Carthage, et 27 av. J.-C., début du règne d'Auguste, premier empereur romain. Celle-ci est marquée par l'assouplissement des normes issues du ius civile, fortement ritualisé: la procédure judiciaire de l'actio était en effet caractérisée par l'obligation, imposée à ceux qui figuraient dans l'instance, d'accomplir certains gestes et d'employer certaines paroles dont l'omission ou la plus petite altération emportait nullité (par exemple remplacer le mot « arbre » par « oliviers »). Au lege agere (it) traditionnel, les préteurs ajoutent ainsi la procédure dite de l'agere per formulas, qui permet de substituer au rite immuable du certa verba le verba concepta, parole par laquelle le préteur adapte la formulation de sa sentence au cas concret exposé devant lui. Cet assouplissement des règles s'effectue sous la double influence du ius honorarium (it), terme technique désignant le droit développé par les édits des préteurs, et du ius gentium, sorte de droit commercial appliqué aux litiges entre citoyens et pérégrins (« étrangers ») et développé à la suite de l'expansion de l'économie romaine. À la fin du IIe siècleav. J.-C., des jurisconsultes mettent par écrit ces règles issues de la iuris dictio (littéralement « juridiction », terme désignant ce qu'on appellera jurisprudence), signalant l'influence de la révolution de l'écriture sur le droit. Ainsi, lorsque débute l'empire romain, avec la prise de fonctions de l'empereur Auguste en -27, le droit romain est déjà fortement structuré sous forme écrite: c'est ce droit, dont la formation accompagna l'expansion de Rome, qui fournira le canon du « droit classique » romain pour les jurisconsultes postérieurs, qui s'efforceront d'en donner une lecture systématique. La figure du préteur et le développement du ius honorarium Dès le IIIe siècle av. J.-C., parallèlement au ius civile formel et très ritualisé, issu de l'interprétation, sous forme de responsa orales, du mos maiorum et des Douze Tables par les experts de la tradition issus de la nobilitas, se développe une autre forme de droit, le ius honorarium (it), « entièrement constitué d'actiones, chacune avec sa propre formule liée à un cas type. » On parle de ius honorarium (du latin honorarius), car les préteurs étaient au centre de la création de ce nouveau corps juridique et que la préture était une magistrature honorifique. De rang légèrement inférieurs aux consuls, les préteurs étaient chargés de la procédure civile (lege agere). Il n'est pas un législateur, et techniquement ne crée pas de nouvelles lois quand il publie un édit (magistratuum edicta). Le résultat de ces décisions jouit de la protection juridique (actionem dare) et sont de fait la source de nouvelles règles légales. Le successeur d'un préteur n'est pas tenu par les édits de son prédécesseur ; cependant, il prend souvent les actes des édits de son prédécesseur qui s'avèrent utiles. De cette manière, un fond constant est créé provenant de l'édit à l'édit (edictum traslatitium). C'est dans le cadre de ce ius honorarium que se développèrent les principes de l'aequitas (« équité »), qui permettait aux préteurs de s'écarter des règles rigides et ritualisées du ius civile au nom d'un principe d'équité entre les parties. On retrouve ce principe dans la locution summum ius, summa iniuria (it), présente par exemple chez Cicéron, et qui sert à stigmatiser une interprétation trop littérale des règles (verba legis), au détriment de l'équité ou allant contre l'« esprit de la loi » (sententia legis ; les Romains développeront l'idée de fraude à la loi, in fraudem legis). La notion de synallagma (« réciprocité ») et de bona fides (« bonne foi ») en sont aussi issues, de même que celle de consensus entre les parties (qui deviendra conventio, puis pactum). Le développement du ius gentium pour faire face à l'intensification du commerce Allant de pair avec l'expansion de Rome, le droit romain intègre ainsi des normes plus flexibles afin de correspondre aux exigences du commerce. Cette évolution est le fait des préteurs. En -242, fin de la première guerre punique, un loi votée établit la figure du praetor peregrinus, ou prêteur pour les « étrangers » (appelés pérégrins). Le ius, jusqu'à présent, ne s'appliquait en effet qu'aux litiges entre citoyens romains. Avec l'invention de cette figure, les préteurs vont développer un « droit commercial » applicable aux litiges entre citoyens et pérégrins, dit ius gentium parce qu'il pouvait s'appliquer à toutes les populations méditerranéennes. Parallèlement au ius honorarium, ce ius gentiuminfluencera très vite le ius civile et sera ainsi également appliqué aux litiges entre citoyens, la flexibilité de ses normes édictées par les préteurs, permettant d'adapter le ius traditionnel aux exigences de la modernité. Ainsi, avec le temps, parallèlement au droit civil, ajoutant et corrigeant celui-ci, un nouveau corps de lois, dit prétorien, émerge.