La conjecture de Langlands locale pour GL(n, F) - IMJ-PRG

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La conjecture de Langlands locale pour GL(n, F ) modulo ` quand ` 6= p, ` > n
Marie-France Vignéras
6 septembre 1999- revised january 2000 -revised july 2000
The local Langlands conjecture for GL(n, F ) modulo `, when ` 6= p, ` > n
Abstract Let F be a p-adic field. We will prove that the local Langlands conjecture between the
supercuspidal irreducible Q` -representations of GL(n, F ) and the irreducible Q` -representations of dimension
n of the Weil group WF is compatible with the reduction modulo ` when ` 6= p, ` > n.
Résumé Soit F un corps p-adique. Nous allons démontrer que la conjecture de Langlands locale entre
les Q` -représentations irréductibles supercuspidales de GL(n, F ) et les Q` -représentations irréductibles de
dimension n du groupe de Weil WF est compatible avec la réduction modulo ` quand ` 6= p, ` > n.
Soient p un nombre premier, F un corps local non archimédien de corps résiduel Fq de caractéristique p,
ayant q éléments, F une clôture algébrique séparable de F , WF le groupe de Weil de F /F , et WFab le plus grand
quotient abélien séparé de WF . La loi de réciprocité de la théorie du corps de classes est un isomorphisme
topologique F ∗ ' WFab ; on la normalise, de sorte que l’inverse Fr−1 d’un Frobenius arithmétique corresponde
à une uniformisante pF de F ∗ . La conjecture de Langlands locale est une généralisation de la loi de réciprocité.
Soient ` un nombre premier distinct de p, 1 ≤ n un entier, Q` une clôture algébrique du corps des
nombres `-adiques, Z` l’anneau de ses entiers, F` le corps résiduel de Z` : une clôture algébrique du corps
fini à ` éléments. Posons R = Q` ou R = F` ; notons ScuspR (G) l’ensemble des classes d’isomorphisme
des R-représentations irréductibles supercuspidales (à ne pas confondre avec cuspidales si R = F` ) de G :=
GL(n, F ), et IrrR (W )(n) l’ensemble des classes d’isomorphisme des R-représentations irréductibles du groupe
de Weil WF , de dimension n.
La conjecture de Langlands locale concerne des représentations complexes; on se ramène à des Q` ∗
représentations, en fixant une racine carrée α de q dans Q` , et un isomorphisme entre C et Q` , envoyant
√
q sur α. Par la conjecture de Langlands locale (démontrée par Laumon-Rapoport-Stuhler (appendice 2
[LRS]) si F est de caractéristique > 0 et par Harris-Taylor [HT] et Henniart [He] si F est de caractéristique
0), il existe une bijection entre ScuspQ (G) et IrrQ (W )(n), invariante par les automorphismes de Q` fixant
`
`
α, respectant les fonctions L et les facteurs ε de paires; on l’appelle la bijection de Langlands sur Q` .
Si ` > n et F de caractéristique 0, on montrera que la bijection de Langlands sur Q` est compatible
avec la réduction modulo `, et que sa réduction modulo ` donne une bijection (unique) entre IrrF` (W )(n) et
ScuspF` (G); on l’appellera la bijection de Langlands sur F` .
On obtiendra les résultats nouveaux suivants pour ` > n et F de caractéristique 0 :
- Les restrictions aux éléments elliptiques des caractères de ScuspF` (G) sont linéairement indépendantes,
- Le changement de base [AC] et l’induction automorphe [H] pour les représentations supercuspidales
sont compatibles à la réduction modulo `.
Il y a quelques années, j’avais étudié les correspondances de Langlands sur F` dans le cas n = 2 [Vig0]
[Vig1], et conjecturé la correspondance locale de Langlands sur F` [Vig2], en pensant que sa démonstration
serait une conséquence de la description de la correspondance de Langlands avec les types (c’est certainement
vrai, Bushnell et Henniart ont déja beaucoup de résultats), et de la classification des F` -représentations
irréductibles de GL(n, F ). La démonstration est née de la conviction de Michael Harris que l’on avait assez
d’informations pour démontrer la correspondance locale de Langlands sur F` . L’induction automorphe de
Henniart-Herb et les calculs de germes et de transformées de Fourier d’intégrales orbitales qui impliquent
1
que ` > n est le “cas régulier de l’analyse harmonique modulo `” pour un groupe réductif p-adique de type
An−1 [VW], jouent un rôle essentiel.
Addendum Ce texte est une version améliorée de la prépublication 207 (mars 1999) de l’Institut de
Mathématiques de Jussieu. On peut en fait supprimer la restriction ` > n, en évitant l’analyse harmonique
modulaire (modulo `), et en utilisant une méthode de Khare qui permet de globaliser des congruences locales
ainsi que la correspondance de Langlands globale de Harris-Taylor. On peut aussi supprimer la restriction
F de caractéristique 0 si l’on admet la correspondance de Langlands globale de Lafforgue [Vig7].
1 Le théorème principal
Une Q` -représentation de longueur finie π de G d’espace V , est dite entière si V contient un Z` -sousmodule libre L, contenant une base de V , stable par G, de type fini comme Z` G-module. On dit que L est
une structure entière de π.
La représentation L ⊗ F` de G sur F` est de longueur finie, et sa semisimplifiée ne dépend pas du choix
de L [Vig3 II.5.11]. On l’appelle la réduction modulo ` de π, et on la note r` π.
Si π et π 0 sont deux Q` -représentations de G, de longueur finie, entières, de réductions modulo `
isomorphes, on note π ≡ π 0 .
On utilise les mêmes notations pour WF (le cas galoisien).
Pour simplifier, on supprime l’indice R lorsque R = Q` , on identifie π à son espace V ou à sa classe
d’isomorphie. Si π ∈ Scusp(G), σ ∈ Irr(W )(n) se correspondent par la bijection de Langlands locale, on note
π ↔ σ ou σ ↔ π.
Une Q` -représentation (dans le cas galoisien ou non) entière π est dite `-irréductible si r` π est irréductible.
Dans le cas non galoisien, elle est dite `-supercuspidale si r` π est irréductible et supercuspidale (n’est pas un
sous-quotient d’une représentation induite parabolique propre). Une représentation entière π ∈ Scusp(G) est
toujours `-irréductible, mais n’est pas toujours `-supercuspidale [Vig3 III.1.1 et III.5.10]. Une représentation
entière σ ∈ Irr(W )(n) n’est pas toujours `-irréductible.
1.1 Théorème principal Soient π, π 0 ∈ Scusp(G), correspondant à σ, σ 0 ∈ Irr(W )(n) par la bijection
de Langlands locale sur Q` , π ↔ σ, π 0 ↔ σ 0 .
(1) σ est entière si et seulement si π est entière.
Supposons les représentations entières, ` > n, et F de caractéristique 0, alors
(2) σ est `-irréductible si et seulement si π est `-supercuspidale,
(3) σ ≡ σ 0 si et seulement si π ≡ π 0 .
La propriété (1) est facile (2.1). Le théorème permet de définir une correspondance entre ScuspF` (G)
et IrrF` (W )(n) par réduction modulo `, car les représentations de ScuspF` (G) et de IrrF` (W )(n) se relèvent
à Q` . On dit que π ∈ ScuspF` (G) et σ ∈ IrrF` (W )(n) sont en correspondance de Langlands, s’il existe
π 0 ∈ Scusp(G) et σ 0 ∈ Irr(W )(n) se correspondant par la bijection de Langlands sur Q` , telles que r` (π 0 ) =
π, r` (σ 0 ) = σ.
1.2 Théorème
La correspondance de Langlands sur F` définie par réduction modulo ` est une
bijection entre ScuspF` (G) et σ ∈ IrrF` (W )(n).
La bijection de Langlands sur F` se prolonge en une bijection de l’ensemble des classes d’isomorphisme
des F` -représentations semi-simples de dimension n de WF , sur l’ensemble des classes d’isomorphisme des
F` -représentations irréductibles supercuspidales des sous-groupes de Levi de G, modulo conjugaison par G.
La partie (2) du théorème principal admet la généralisation suivante.
Soit π ∈ IrrF` (G). Il existe
Q
une représentation ρ ∈ ScuspF` (L) d’un sous-groupe de Levi L '
GL(n
i , F ) de G tel que π est un
i
P
sous-quotient de l’induite parabolique de ρ = ⊗i ρi . La somme
i ρi (dans le Z-module libre de base
∪m≥1 ScuspF` (GL(m, F )) ne dépend que de π et s’appelle le support supercuspidal de π [Vig5 5.4].
2
1.3 Théorème Supposons ` > n et F de caractéristique 0. Soient π ∈ Scusp(G), σ ∈ Irr(W )(n)
entières, et en correspondance de Langlands π ↔ σ. Alors r` (σ) et le support supercuspidal de r` (π) se
correspondent par la bijection de Langlands locale sur F` .
La démonstration de cette généralisation a été rajoutée au texte original, à la demande du referee, en
(6.2).
Le théorème 1.3 implique la conjecture de Langlands pour toutes les représentations irréductibles de
GL(n, F ) sur F` (appelée la conjecture de Deligne-Langlands dans [Vig4]).
On sait que les bijections de Langlands sur Q` sont caractérisées par la conservation des facteurs L et ε
de paires. Ce n’est probablement plus vrai pour les bijections de Langlands sur F` , à cause des congruences
vérifiées par les facteurs L et ε de paires. Il est possible que cela reste vrai, en modifiant la définition des
L, ε. C’est le cas pour n = 2 [Vig8].
Ces deux questions intéressantes demandent des techniques très différentes de celles considérées ici, et
ne seront pas développées dans cet article.
1.4 Le théorème principal est valable pour toute bijection j = jn,F : Scusp(G) → Irr(W )(n), faisant
partie d’un système de bijections jm,E : Scusp(GL(m, E)) → Irr(WE )(m), pour tout entier 1 ≤ m, et pour
toute extension E/F contenue dans F , non ramifiée, tels que [E : F ]m divise n, vérifiant :
(a) Pour n = 1, la bijection j1,E est donnée par l’isomorphisme de réciprocité du corps de classes.
(b) Le déterminant de σ = jm,E (π) ∈ Irr(WE )(m) correspond au caractère central de π, par j1,E .
(c) Les bijections jm,E commutent avec la torsion par un caractère.
(d) Les bijections commutent avec l’induction (dite automorphe dans le cas non galoisien) ([HH] Corollary 5 page 154).
(e) Les bijections jm,E sont Gal(E/F )-équivariantes ([H] Proposition 6, page 111).
Toutes ces propriétés sont vérifiées par la correspondance locale de Langlands [BHK 3.1]; on connaissait
l’existence de telles bijections depuis l’article de Harris [H].
Les paragraphes 2 à 5 seront consacrés à la démonstration du théorème principal. Le corollaire 1.2 et
le théorème 1.3 seront démontrés dans le paragraphe 6.
On note OF l’anneau des entiers de F , PF l’idéal maximal de OF , pF ∈ PF une uniformisante (donc
PF = OF pF ), Fr = FrF ∈ WF un Frobenius tel que l’image de Fr−1 dans WFab corresponde à pF par
l’isomorphisme de réciprocité.
2 Représentations
Le but de ce paragraphe est de montrer le (1) du théorème principal (facile), que le (3) du théorème
principal implique le (2), et de montrer (3) lorsqu’aucun caractère non ramifié non trivial ne fixe σ, π. On
peut supposer dans le chapitre 2 que la caractéristique de F est quelconque, la condition (`, n) = 1 n’apparait
que dans (2.8).
2.1 Représentation entière Une Q` -représentation irréductible π de G est entière, si et seulement
si le caractère central de toute représentation irréductible dans le support supercuspidal de π est entier [Vig3,
III.4.11].
∗
Un caractère (lisse) ω : F ∗ → Q` s’identifie à un caractère de WF (par l’isomorphisme de réciprocité)
ou de G (par le déterminant). On indique par l’indice ω que l’on considère des représentations de G de
caractère central ω, ou de WF de déterminant ω. La bijection de Langlands induit une bijection Scuspω (G) →
3
Irrω (W )(n) par la propriété 1.4.b); ces représentations sont entières, si et seulement si ω est entier, si et
∗
seulement si ω(pF ) ∈ Z` . Ceci démontre le (1) du théorème principal 1.1.
Un caractère entier dont la réduction modulo ` est triviale, sera appelé un `-caractère.
2.2 Torsion par un caractère non ramifié
Soit R un corps algébriquement clos et χ : F ∗ → R∗ un caractère de F ∗ . On dit que χ est non ramifié
si χ est trivial sur OF∗ , et que χ est modérément ramifié si χ est trivial sur 1 + PF . Pour r ∈ R∗ , on note νr
le caractère non ramifié de F ∗ tel que
νr (upF ) = r.
pour toute unité u ∈ OF∗ , i.e. pour toute uniformisante upF ∈ F ∗ .
Soient π ∈ Scusp(G) (resp. σ ∈ Irr(W )(n)). Le groupe X(π) (resp. X(σ)) des Q` -caractères non
ramifiés χ de F ∗ tels que π ⊗ χ ' π (resp. σ ⊗ χ ' σ) est contenu dans le groupe cyclique d’ordre n formé
des χ tels que χn = 1; il est caractérisé par son ordre f (π) (resp. f(σ)).
Si π, σ sont en correspondance de Langlands π ↔ σ, alors
f (σ) = f(π)
car la correspondance de Langlands est une bijection compatible avec la torsion par un caractère (la propriété
(c)).
2.3 Critère numérique
Soient π ∈ Scusp(G) et σ ∈ Irr(W )(n) entières. On va donner un critère numérique permettant de
reconnaitre si la réduction modulo ` de π est supercuspidale (resp. σ est irréductible). Ce critère dépend de
f (π), m(π) (resp. f(σ), m(σ)), où m(π) (resp. m(σ)) est le nombre d’éléments de l’ensemble fini
- B(π) des π 0 ∈ Scusp(G) telles que π 0 ≡ π et de même caractère central sur l’uniformisante pF
- resp. B(σ) des σ 0 ∈ Irr(W )(n), telles que σ 0 ≡ σ de même déterminant sur le Frobenius arithmétique
Fr (ou son inverse).
Le (3) du théorème principal implique que
m(π) = m(σ)
si π, σ sont en correspondance de Langlands π ↔ σ. Notons v` (m) la valuation `-adique d’un entier non nul
m.
Proposition On a
1) m(π) ≤ `a où a = v` (n/f(π)) + v` (q f (π) − 1) avec égalité si et seulement si π est `-supercuspidale.
2) m(σ) ≤ `b où b = v` (n/f (σ)) + v` (q f(σ) − 1) avec égalité si et seulement si σ est `-irréductible.
La démonstration est donnée en (2.7) pour π. Un énoncé un peu plus faible pour σ est démontré en
(2.7). Il suffit pour montrer que dans le théorème principal, (3) implique (2). Il est clair que (2), (3), et la
proposition pour π impliquent la proposition pour tout σ.
2.4 Types de Bushnell-Kutzko
Soient π, π 0 ∈ Scusp(G), entières, telles que π ≡ π 0 . Alors, par
[Vig3, III.4.26], il existe une donnée de Bushnell-Kutzko (E, J, Jp , Λ, κ, ρ) définissant π, et une donnée de
Bushnell-Kutzko (E, J, Jp , Λ0 , κ, ρ0 ) définissant π 0 , telles que
π 0 = indG,E ∗ J Λ0 ,
π = indG,E ∗ J Λ,
(induites à support compact). Par définition,
E/F est une extension de corps commutatifs, contenue dans F , d’indice de ramification e, de degré
résiduel f , de degré ef divisant n = ef d. On note e = eπ , f = fπ , d = dπ .
4
J est un sous-groupe de G, ouvert, compact, normalisé par E ∗ ⊂ G, de radical pro-p-nilpotent Jp , et
(2.4.1)
J/Jp ' GL(d, Fq f ).
κ est une Q` -représentation de J , dont la restriction à Jp est irréductible.
ρ ≡ ρ0 sont deux Q` -représentations irréductibles cuspidales de GL(d, Fq f ), de même réduction modulo
`, identifiées à des représentations irréductibles de J triviales sur Jp .
Λ ≡ Λ0 sont des Q` -représentations entières de E ∗ J (des types étendus), de restrictions à J irréductibles
(des types) :
Λ|J = κ ⊗ ρ,
Λ0 |J = κ ⊗ ρ0 .
Le groupe F ∗ agit sur Λ par le caractère central ω = ωπ de π. On sait que :
π est `-supercuspidale, si et seulement si ρ est `-supercuspidale, si et seulement si r` π a une enveloppe
projective de longueur finie dans Modr` ω (G) [Vig3, III.5.16].
r` π est irréductible et cuspidale; toute F` -représentation irréductible cuspidale de G s’obtient par le
procédé précédent [Vig3, III.5.10].
eπ , fπ , dπ ne dépendent que de la réduction de π modulo ` [Vig3, III.4.29]. On a [Vig3, III.5.11]
(2.4.2)
f (π) = fπ dπ = n/eπ .
Cette égalité montre avec (2.4.1) que les trois propriétés (a), (b), (c) suivantes sont équivalentes :
(a) f (π) = 1,
(b) l’extension E/F est totalement ramifiée de degré n,
(c) J/Jp ' F∗q .
Lorsqu’elles sont vérifiées, ρ est un Q` -caractère de F∗q ; un caractère est `-supercuspidal par définition.
On a donc :
Lemme
Si f (π) = 1, alors π est `-supercuspidale.
2.5 Dimensions La représentation π ∈ Scusp(G) est le produit d’un caractère non ramifié et d’une
représentation sur laquelle pF agit trivialement. Supposons que pF agit trivialement sur π. Un sous-groupe
d’indice fini H de 1 + PF agit trivialement sur π donc aussi sur le type étendu Λ. On note
Z = pZ
F H.
Ainsi Λ s’identifie à une représentation d’un groupe fini E ∗ J/Z. Le lemme suivant sera utile en (3.2) et
(3.5).
2.5.1 Lemme
Les valuations `-adiques de e(q n/e − 1) et de |E ∗ J/Z| dim Λ−1 sont égales.
Preuve [Vig3 III.4.28] Comme (p, `) = 1 on peut négliger p dans les calculs. Si a, b sont deux nombres
supernaturels non nuls, on écrira
a∼b
si le quotient a/b appartient à pZ∪{±∞} . Le choix du sous-groupe H n’intervient pas car |(1+PF )/H| ∼ 1. On
a dim Λ = dim κ dim ρ; la dimension de κ est une puissance de p donc dim Λ ∼ dim ρ; la dimension d’une Q` représentation irréductible supercuspidale de GL(n, Fq ) est la partie première à p dans |GL(n, Fq )|(q n −1)−1 .
Avec (2.4.1)
dim Λ ∼ |GL(d, Fqf )|(q fd − 1)−1 = |GL(d, Fq f )|(q n/e − 1)−1 ,
|F ∗ J/Z| ∼ |GL(d, Fqf )|.
5
∗
Le groupe F ∗ J est distingué dans le groupe E ∗ J , de quotient, isomorphe à E ∗ /F ∗ OE
, cyclique d’ordre e; et
|E ∗ J/Z| ∼ e|GL(d, Fq f )|.
¦
En particulier, si π est `-supercuspidale, on déduit de la proposition (2.3) que
m(π)|E ∗ J/Z|−1 dim Λ−1 ∈ Z∗`
(2.5.2)
est une unité `-adique.
2.6 Représentations irréductibles de WF Soit R un corps algébriquement clos de caractéristique
6= p. La théorie de Clifford (voir le chapitre 4) permet de décrire une représentation σ ∈ IrrR (WF )(n) de
différentes façons (formules (2.6.1), (2.6.3), (2.6.4)).
On choisit, dans la restriction de σ au groupe de ramification sauvage P , une représentation irréductible
ν ⊂ σ|P ; on note E/F l’extension modérément ramifiée telle que WE est le stabilisateur de ν. Comme P est
normal dans WF et que σ est irréductible, la dimension de ν, l’indice de ramification et le degré résiduel de
E/F ne dépendent que de σ; on les note δ = δσ , e = eσ , f = fσ . On note indF,E l’induction de WE à WF .
On choisit un prolongement ρ de ν à WE [Vig4 1.19]. Soit σmr une représentation irréductible modérément
ramifiée de WE telle que
(2.6.1)
σ = indF,E ρ ⊗ σmr .
Une fois que ρ est choisie, σmr est unique; sa dimension ne dépend que de σ, on la note d = dσ . On dit que
δσ , dσ , eσ , fσ sont les invariants de σ.
Si ε : WF → {±1} est le signe de la permutation de WF sur WF /WE , et si t : WFab → WEab est le
transfert, alors [G]:
(2.6.2)
det σ(x) = ε(x)dδ det(ρ ⊗ σmr )(t(x)).
La représentation σmr = indE,Ed χ est induite d’un caractère modérément ramifié régulier χ de l’extension
non ramifiée Ed /E de degré d [Vig4 1.11], et le caractère χ est unique modulo Gal(Ed /E). On a
(2.6.3)
σ = indF,Ed ρd ⊗ χ
où ρd est la restriction de ρ à WEd .
Il est clair sur cette description (2.6.3) que tout σ ∈ IrrF` W (n) est la réduction modulo ` d’une Q` représentation de WF (nécessairement irréductible). La description (2.6.3) implique aussi facilement :
Lemme
Soit r ∈ R∗ . On a σ ' σ ⊗ νr si et seulement si rf d = 1.
Preuve La restriction à WE du caractère non ramifié νr = νrF de WF est le caractère νsE où s = rfd ,
car fd est le degré résiduel de l’extension Ed /F . On a donc
(indF,Ed ρd ⊗ χ) ⊗ νrF ' indF,Ed (ρd ⊗ χνsE )
On en déduit que σ ' σ ⊗ νr si et seulement si χνsE est Gal(Ed /E)-conjugué à χ. Ceci équivaut à s = 1. ¦
Supposons R = Q` . Le lemme implique que le nombre f (σ) de caractères non ramifiés χ de WF tels
que σ ⊗ χ ' σ est
(2.6.4)
f (σ) = fσ dσ = n/(δσ eσ ).
6
Notons que eσ ∼ n/f(σ) (égalité modulo pZ ). La représentation semi-simple r` (σ) est décrite en (6.2). Elle
est réductible, si et seulement si la représentation r` (σmr ) est réductible, si et seulement si le caractère r` (χ)
n’est pas régulier pour l’extension Ed /E.
Lemme
Preuve
Si f (σ) = 1, alors σ est `-irréductible.
σmr est un caractère par (2.6.4); évidemment σmr est `-irréductible. ¦.
Supposons R = Q` , et soient σ, σ 0 ∈ Irr(WF )(n) entières. Il est utile pour (2.7) de décrire la congruence
σ ≡ σ 0 plus en détail.
Si σ ≡ σ 0 on peut choisir le même E et le même ρ pour σ et pour σ 0 , et les représentations σ et σ 0 ont
les mêmes invariants.
0
Supposons que σ et σ 0 ont le même E et le même ρ. L’unicité de σmr , σmr
montre que les congruences
0
0
0
σ ≡ σ et σmr ≡ σmr sont équivalentes. Soient χ, χ les Q` -caractères modérément ramifiés de Ed∗ réguliers
0
sur E induisant σmr , σmr
. On choisit une uniformisante pEd de Ed qui correspond par l’isomorphisme de
réciprocité à l’inverse d’un Frobenius arithmétique FrEd . Le caractère χ est le produit d’un caractère non
ramifié νsEd où
∗
s = χ(pEd ) ∈ Z` ,
∗
et d’un caractère modérément ramifié de Ed∗ trivial sur pEd . Comme Ed∗ = pZ
Ed × OEd , le dernier caractère
s’identifie à un caractère de (OEd /PEd )∗ ' F∗q f d . Par dualité le Q` -caractère de F∗qf d s’identifie à un élément
x ∈ F∗q f d . Cette identification n’est pas canonique mais elle est équivariante pour l’action des groupes de
Galois et x est de degré d sur F∗qf . Modulo `, x s’identifie à sa partie `-régulière z ∈ F∗qf d , i.e. l’ordre de z
est premier à ` et l’ordre de x/z est une puissance de `. On note
(2.6.5)
χ = χ(s, x)
avec s ∈ R∗ , x ∈ F∗q f d de degré d sur F∗qf unique modulo Gal(F∗q f d /F∗q f ). Si χ0 = χ(s0 , x0 ) alors les propriétés
suivantes sont équivalentes
(a) σ ≡ σ 0
0
(b) σmr ≡ σmr
0
(c) s ≡ s et les parties `-régulières z, z 0 de x, x0 sont conjuguées sur F∗qf .
∗ est d’ordre fini, divisant la puissance de ` divisant
Ainsi la restriction de χ0 χ−1 au groupe des unités OE
d
f
d
q − 1.
Le transfert t : WFab → WEabd correspond à l’inclusion F ∗ ⊂ Ed∗ par l’isomorphisme de réciprocité. On a
∗ . Le déterminant vérifie (2.6.2)
pF = peEd u pour une unité u ∈ OE
d
(2.6.6)
det σ(FrF ) = ²δ se χ(u)
avec le même signe ² pour σ, σ 0 .
Terminons ce paragraphe en donnant une autre forme de σ utile en (2.9). Notons Ffd /F l’extension
non ramifiée de degré f(σ) = f d contenue dans Ed , et
(2.6.7)
τ = indFf d ,Ed (ρd ⊗ χ)
l’induite de ρd ⊗ χ à WFf d . L’extension Ed /Ffd est totalement ramifiée, donc f (τ ) = 1 par (2.6.4). On a
(2.6.8)
σ = indF,Ff d τ.
2.7 Preuve de (2.3) Le cas non galoisien. Soit π ∈ Scusp(G) entière. On va compter le nombre
m(π) de π 0 ∈ Scusp(G) entières, tels que π 0 ≡ π, et ωπ (pF ) = ωπ 0 (pF ).
7
On décrit π avec la théorie des types de Bushnell-Kutzko, comme en (2.4). Alors m(π) est le nombre de
types étendus Λ0 de E ∗ J tels que Λ0 ≡ Λ, et l’uniformisante pF agit sur Λ et Λ0 , par ωπ (pF ). L’unicité du type
Λ|J , et la description de Λ à partir de Λ|J [Vig3, III.4.27], montrent que m(π) est le nombre de `-caractères
du groupe E ∗ J/F ∗ J cyclique d’ordre e = n/f (π), multiplié par le nombre m(ρ) de ρ0 ∈ Scusp GL(d, Fq f )
telles que ρ0 ≡ ρ. Donc m(π) est le produit de m(ρ) et de la puissance de ` divisant n/f (π).
Le nombre m(ρ) se calcule en utilisant la construction de Green des représentations irréductibles supercuspidales.
2.7.1 Lemme Soit ρ ∈ Scusp GL(n, Fq ); le nombre m(ρ) de ρ0 ∈ Scusp GL(n, Fq ) tels que ρ0 ≡ ρ
est inférieur ou égal nombre de `-éléments de F∗qn ; il lui est égal si et seulement si ρ est `-supercuspidal.
Preuve Le résultat se déduit de [Vig3, III.2].
Notons Σ := Gal(Fqn /Fq ), et Σd := Gal(Fq n /Fq d ) pour tout entier d ≥ 1 divisant n. On utilise que :
∗
1) Les Σ-orbites Σ.t des éléments t ∈ Fq de degré n sur Fq classifient les représentations ρ(t) ∈
Scusp GL(n, Fq ).
∗
∗
Soient t ∈ Fq de degré n sur Fq de partie `-régulière s de degré d sur Fq , et t0 ∈ Fq de degré n sur Fq
de partie `-régulière s0 de degré d0 sur Fq . Les entiers d, d0 divisent n car s, s0 ∈ Fq n .
2) On a ρ(t) ≡ ρ(t0 ) si et seulement si Σ.s = Σ.s0 , et ρ(t) est `-supercuspidale si et seulement si le degré
de s ne chute pas: d = n.
On voit que m(ρ(t)) est le nombre de Σd -orbites parmi les `-éléments y ∈ F∗qn tels que sy est de degré
n sur Fq .
Si d = n, alors sy est de degré n sur Fq pour tout `-élément y ∈ F∗qn , et Σn est trivial; donc m(ρ(t)) est
le nombre de `-éléments de F∗q n (la plus grande puissance de ` divisant (q n − 1)).
Si d < n, alors l’action de Σd sur les `-éléments de F∗q n n’est pas triviale (ts−1 est un `-élément de F∗qn
de degré n/d sur Fq d ). A fortiori, m(ρ(t)) est strictement inférieur au nombre de `-éléments de F∗qn . ¦
En appliquant le lemme à ρ ∈ Scusp GL(d, Fq f ) et en utilisant que f d = f (π) on obtient
m(π) ≤ la ,
a ≤ v` (n/f (π)) + v` (q f(π) − 1)
avec égalité si et seulement si r` π est supercuspidale. La proposition (2.3) est démontrée dans le cas non
galoisien.
Le cas galoisien est similaire. On va montrer une propriété un peu plus faible que la proposition 2.3
car on ne sait pas si l’on peut choisir les uniformisantes telles que χ(u) = 1 et pF = peEd u, dans la formule
du déterminant (2.6.6). Soit σ ∈ Irr(W )(n) entière d’invariants e, f, d, δ comme en (2.6). On a f (σ) = f d
(2.6.4). Soit N un entier de valuation `-adique v` (N ) ≥ v` (q f (σ) − 1). On va montrer que le nombre mN (σ)
de σ 0 ∈ Irr(W )(n) entières telles que
σ 0 ≡ σ,
det σ(Fr)N = det σ 0 (Fr)N
vérifie :
2.7.2 Lemme On a mN (σ) ≤ lc où c = v` (N ) + v` (n/f (σ)) + v` (q f (σ) − 1) avec égalité si et seulement
si σ est `-irréductible.
Preuve Comme σ 0 ≡ σ, on décrit σ, σ 0 comme en (2.6.3), (2.6.5) avec le même ρ, E, les mêmes
invariants, s0 ≡ s et les orbites de z, z 0 par le groupe Gal(Fqf d /Fqf ) sont égales.
Le nombre m(z) d’orbites possibles de z 0 est majoré par le nombre d’éléments de F∗qf d d’ordre une
puissance de ` avec égalité si et seulement si z est de degré d sur Fq f (i.e. si σ est `-irréductible) comme
dans le lemme (2.7.1).
On a det σ 0 (Fr) = det σ(Fr)(s0 /s)e χ0 (u)/χ(u). Comme χ0 (u)/χ(u) est d’ordre une puissance de ` divisant
f
(σ)
q
− 1, on a
det σ 0 (Fr)N = det σ(Fr)N (s0 /s)eN
8
car v` (N ) ≥ v` (q f (σ) − 1). Le nombre m(s) de s0 est égal à la puissance de ` divisant eN. On a v` (e) =
v` (n/f (π)) car e ∼ n/f (σ) (2.6.4). On a mN (z) = m(z)m(s). ¦.
On peut définir mN (π) de façon analogue et démontrer (en utilisant l’unicité du type de Bushnell-Kutzko
contenu dans π):
mN (π) ≤ lt où t = v` (N )+v` (n/f (π))+v` (q f(π) −1) avec égalité si et seulement si π est `-supercuspidale.
Si π, σ sont en bijection de Langlands π ↔ σ, alors f (π) = f (σ) et le (3) du théorème principal implique
mN (π) = mN (σ). On en déduit que π est `-supercuspidale si et seulement si σ est `-irréductible. Donc dans
le théorème principal (3) implique (2).
2.8 Le cas f = 1 On démontre facilement la partie essentielle (3) du théorème principal, sans
restriction sur la caractéristique de F , mais en supposant (`, n) = 1, lorsque les représentations ne sont fixes
par aucun caractère non ramifié non trivial. Cela résulte du lemme suivant et de ce que la correspondance
de Langlands est compatible avec la torsion par un caractère (la propriété (c)).
Lemme On suppose (`, n) = 1. Soient des représentations entières σ, σ 0 ∈ Irr(W )(n), π, π 0 ∈ Scusp(G),
telles que f (π) = f (σ) = f (π 0 ) = f(σ 0 ) = 1. On a
σ ≡ σ 0 si et seulement si σ = σ 0 ⊗ µ pour un `-caractère µ de F ∗ ,
π ≡ π 0 si et seulement si π = π 0 ⊗ µ pour un `-caractère µ de F ∗ .
Preuve Le sens “si” est évident. Démontrons le sens “seulement si”.
a) Préliminaire. Notons H (resp. H 0 ) le sous-groupe des racines l’unité d’ordre une puissance de `
(resp. d’ordre premier à `p) contenues dans F ∗ ; on a
0
F ∗ = pZ
F × H × H × (1 + PF ),
F∗q ' H × H 0 .
0
Si E/F est une extension finie et totalement ramifiée, on a E ∗ = pZ
E × H × H × (1 + PE ), et un `-caractère
∗
0
de E est trivial sur H × (1 + PE ). Si le degré [E : F ] de l’extension E/F est premier à `, la norme NE/F
restreinte au `-groupe H (l’élévation à la puissance [E : F ]) est une permutation de H, et tout `-caractère
de E ∗ se factorise par la norme NE/F .
b) Le cas galoisien. Comme on l’a vu en (2.6), σ ≡ σ 0 est équivalent à σ = indF,E ρ⊗χ, σ 0 = indF,E ρ⊗χ0
où E/F est une extension totalement ramifiée, χ, χ0 sont des caractères modérément ramifiés de WE , tels
que χχ0−1 est un `-caractère. Le caractère χχ0−1 de WE s’identifie, par l’isomorphisme de réciprocité, à
un caractère de E ∗ . Comme [E : F ] divise n et (n, `) = 1, par a), il existe un `-caractère µ de F ∗ tel que
χχ0−1 = µNE/F ; comme indF,E (τ ⊗ µNE/F ) = (indF,E τ) ⊗ µ pour toute représentation τ de WE , on a donc
σ = σ 0 ⊗ µ.
c) Le cas non galoisien. Si π ≡ π 0 , avec les notations de (2.4) on a :
π 0 = indG,E ∗ J Λ0 ,
π = indG,E ∗ J Λ,
où Λ ≡ Λ0 , E/F est totalement ramifiée de degré n, et ρ, ρ0 sont des caractères de F∗q tels que ρρ0−1 est un
`-caractère. Il existe un `-caractère ν de F∗q tel que ρρ0−1 = ν n , car (`, n) = 1; on identifie ν à un `-caractère
de F ∗ trivial sur pF , et via le déterminant det : G → F ∗ à un caractère de G. La restriction à E ∗ J = E ∗ Jp
du caractère ν de G est triviale sur Jp puisque (p, `) = 1; le déterminant coincide avec la norme NE/F sur
E ∗ , qui est l’élévation à la puissance n sur H. Donc π 0 ⊗ ν a pour type étendu Λ0 ⊗ (ν det)|E∗ J , et pour type
κ ⊗ (ρ0 ν n ) = Λ|J .
En remplacant π 0 par π 0 ⊗ ν, on se ramène à Λ0 |J = Λ|J . Par [Vig3, III.4.27.2], cela signifie que
Λ = Λ0 ⊗ χ pour un caractère χ de E ∗ J/J , qui est un `-caractère car Λ ≡ Λ0 . On identifie χ à un `-caractère
de E ∗ . Comme dans le cas galoisien, comme (`, [E : F ]) = 1, on a χ = µNE/F pour un `-caractère µ de F ∗
et π 0 = π ⊗ µ. ¦
9
2.9 Réduction au cas f = 1
Pour tout entier f ≥ 1, on note Ff /F l’extension non ramifiée de degré f , Σf son groupe de Galois (la
notation est désormais différente de celle de (2.7.1)), indF,Ff l’induction de WFf à WF dans le cas galoisien
et l’induction automorphe [HH] de GL(n/f, Ff ) à GL(n, F ) dans le cas non galoisien. Nous devons supposer
F de caractéristique nulle pour la définition de l’induction automorphe.
Soient σ ∈ Irr(W )(n) et π ∈ Scusp(G) en bijection de Langlands σ ↔ π; posons pour l’enoncé du lemme
ci-dessous
f = f (σ) = f (π)
(à ne pas confondre avec fπ , fσ de (2.4) et (2.6)).
Lemme Il existe des représentations σf ∈ Irr WFf (n/f) dans le cas galoisien, πf ∈ Scusp GL(n/f, Ff )
dans le cas non galoisien, telles que
σ = indF,Ff σf , π = indF,Ff πf ,
σf ↔ πf ,
f(σf ) = f (πf ) = 1.
Preuve : Dans le cas galoisien, on prend σf = τ comme en (2.6.7). Par (2.6.8) σ = indF,Ff σf . Soit
πf ↔ σf en bijection de Langlands; on a alors f (πf ) = 1. La compatibilité de la bijection de Langlands avec
l’induction (propriété (d)) montre que π = indF,Ff πf . ¦
Les orbites Σf .σf , Σf .πf des représentations σf , πf pour Σf sont uniques et se correspondent par la
propriété (e) de la bijection de Langlands.
Continuons la démonstration de (3) du théorème principal. Soient σ, σ 0 ∈ Irr(W )(n), π, π 0 ∈ Scusp(G),
entières telles que π ↔ σ, π 0 ↔ σ 0 . Avec les notations ci-dessus, les trois congruences suivantes sont
équivalentes
a) σ ≡ σ 0
b) Σf .σf ≡ Σf .σf0
c) Σf .πf ≡ Σf .πf0
En effet, les représentations σf , σf0 sont `-irréductibles (2.6), et par la théorie de Clifford, σ ≡ σ 0 si et
seulement si r` σf est isomorphe à un conjugué de r` σf0 par Σf . La réduction modulo ` commute avec l’action
de Σf . Donc σ ≡ σ 0 si et seulement si Σf .σf ≡ Σf .σf0 . La bijection de Langlands sur Ff est compatible avec
l’action de Σf (propriété (e)), et le (3) du théorème principal a été montré dans le cas f = 1 en (2.8); donc
Σf .σf ≡ Σf .σf0 si et seulement si Σf .πf ≡ Σf .πf0 .
La démonstration du théorème principal sera achevée, si l’on démontre que
π ≡ π 0 si et seulement si Σf .πf ≡ Σf .πf0 .
C’est l’objet des paragraphes 3 à 5. Notre méthode, basée sur le travail de Herb et Henniart [HH], utilise
l’analyse harmonique modulaire, dans laquelle la restriction ` > n est, hélas, indispensable.
3 Indépendance linéaire des caractères sur les elliptiques
On suppose désormais F de caractéristique 0 et ` > n.
Un élément de G est régulier s’il est semisimple et son centralisateur dans G est un tore. On note Greg
l’ensemble des éléments réguliers de G. Un élément de Greg est elliptique si son centralisateur est un tore
compact modulo le centre. On note Ge l’ensemble des éléments elliptiques de G.
3.1 Théorème
Les caractères des F` -représentations irréductibles supercuspidales de G sur les
éléments elliptiques de G sont linéairement indépendants.
10
La démonstration de ce théorème occupe la suite du paragraphe 3.
Soit π ∈ Scusp(G). On supposera que l’uniformisante pF et qu’un sous-groupe H d’indice fini de 1 + PF
agissent trivialement sur π. Cela n’apporte aucune restriction, on s’y ramène en tordant par un caractère
non ramifié. Comme en (2.5) on note
Z := pZ
FH
(c’est un sous-groupe d’indice fini du centre F ∗ de G = GL(n, F ), et le centre de G/Z est fini). La
représentation π est entière. On définit m(π) comme en (2.3). L’action de Z sur les représentations de G
considérees dans le chapitre 3 est supposée triviale.
3.2 Congruence dans le cas fini
On choisit une donnée de Bushnell-Kutzko de π comme en (2.4). Le type étendu Λ ∈ Irr E ∗ J de
∗
π = indG
E ∗ J Λ s’identifie à une représentation du sous-groupe ouvert compact E J/Z de G/Z. Le bloc du
∗
type étendu Λ dans Irr E J/Z est l’ensemble
{ Λi }1≤i≤m(π)
des Q` -types étendus de E ∗ J sur lesquels pF agit trivialement, et tels que Λi ≡ Λ. Notons χΛi le caractère
du type étendu Λi pour tout i. Pour tout x ∈ E ∗ J ,
|E ∗ J/Z|−1 dim Λ
X
χΛi (x)
1≤i≤m(π)
appartient à Z` , par la théorie des représentations des groupes finis [Gold 7.4, 7.6].
Par (2.5.2), m(π)|E ∗ J/Z|−1 (dim Λ) ∈ Z∗` est une unité `-adique, donc
Lemme
P
1≤i≤m(π)
χΛi (x) ∈ m(π)Z` .
3.3 Caractère sur Ge Soit π ∈ Scusp G triviale sur Z. Le caractère χπ de π est une fonction entière
(à valeurs dans Z` ) localement constante sur Greg . Sa valeur sur Ge peut être calculée de deux façons.
1) Le caractère χπ sur Ge de la représentation induite à support compact π = indG,E ∗ J Λ est relié au
caractère χΛ de Λ (prolongé par 0 à tout G), par :
χπ (x) =
X
χΛ (g −1 xg)
gE ∗ J
(x ∈ Ge )
la somme est prise sur l’ensemble fini des classes gE ∗ J ⊂ G/E ∗ J telles que g−1 xg ∩ E ∗ J 6= ∅ [HC-VD lemma
19].
2) Pour x ∈ G, on note G.x la classe de conjugaison de x dans G, et
IG.x (f dg) :=
Z
f (g−1 xg)dg
G/Z
pour toute mesure de Haar dg sur G/Z et toute fonction localement constante f : G → Q` , lorsque cela a
un sens; on dit que IG.x (f dg) est l’intégrale orbitale de f sur x pour la mesure dg.
La représentation π de G/Z est compacte [Vig3 I.7.2]. Les coefficients de Λ sont des coefficients de π.
Le degré formel dgπ [Vig3 I.8.4] (une mesure de Haar sur G/Z) restreint à E ∗ J/Z est égal au degré formel
dgΛ de Λ. Le degré formel d’une Q` -représentation irréductible ρ d’un groupe profini X est la mesure de
Haar sur X telle que le volume de X est égal à dim ρ. On a donc
vol(E ∗ J/Z, dgπ ) = dim Λ.
11
Soit fπ : G → Z` un coefficient quelconque de π, entier (à valeurs dans Z` ) et tel que fπ (1) = 1 (on peut
prendre un coefficient de Λ avec cette propriété, ou utiliser [Vig9 paragraphe 7]).
Le caractère χπ sur Ge vérifie
χπ (x−1 ) = IG.x (fπ dgπ )
(x ∈ Ge ).
On sait que [DKV A.3.g, A.3.h, page 57-60] fπ annule les intégrales orbitales régulières non elliptiques, et
que
tr π 0 (fπ dgπ ) = δπ,π 0
pour tout π 0 ∈ Irr(G/Z), où δπ,π0 = 1 si π ' π 0 , et δπ,π 0 = 0 sinon.
3.4 Congruence pour les intégrales orbitales
représentations `-supercuspidales
πi = indG,E∗ J Λi ,
Le bloc B de π dans Irr(G/Z) est formé des
1 ≤ i ≤ m(π).
pour les types Λi de (3.2). Elles ont le même degré formel dgπ car les Λi ∈ Irr(E ∗ J/Z) ont la même dimension
(2.5.1). On note χπi le caractère de πi et l’on choisit un coefficient entier fπi de πi tel que fπi (1) = 1 pour
tout i. On note
X
X
χB :=
χπi ,
fB :=
fπi
1≤i≤m(π)
1≤i≤m(π)
leur somme. La fonction χB et les intégrales orbitales de fB ne dépendent que du bloc B. En utilisant (3.2)
et (3.3), on obtient :
Lemme Pour tout x ∈ Ge ,
χB (x−1 ) = IG.x (fB dgπ ) ∈ m(π)Z` .
La fonction fB annule les intégrales orbitales régulières non elliptiques, et
trπ 0 (fB dgπ ) = δr` (π0 ),r` (π)
pour tout π 0 ∈ Irr(G/Z).
3.5 Congruence pour les intégrales orbitales fondamentales
Soit x ∈ Ge elliptique. On va comparer l’intégrale orbitale IG.x (f dgπ ) définie en (3.3) et un générateur
DG.x (f dg/dt) du Z` -module libre formé par les Z` -mesures invariantes sur G.x [Vig6].
On choisit des Z[1/p]-mesures invariantes [Vig3, I.2.4] dg, dt, dg/dt sur X = G/Z, F (x)∗ /Z, G/F (x)∗ qui
sont admissibles, i.e. engendrent le Z[1/p]-module libre des Z[1/p]-distributions invariantes sur G/Z, F (x)∗ /Z, G
de support la classe de conjugaison G.x de x. Un Z[1/p]-mesure de Haar définit naturellement une R-mesure
pour tout anneau commutatif intègre R où p est inversible. L’application qui associe à f ∈ Cc∞ (G/Z; Z` ) la
valeur
Z
DG.x (f dg/dt) :=
f (gxg −1 )dg/dt,
G/F (x)∗
est une intégrale orbitale sur G.x. Elle est admissible, dans le sens où, par restriction, elle engendre le
Z` -module libre des Z` -distributions invariantes sur G de support la classe de conjugaison G.x de x. On a
évidemment
IG.x (f dg) = vol(F (x)∗ /Z, dt) DG.x (f dg/dt)
L’algèbre F (x) est un corps, de degré n sur F ; on note ex l’indice de ramification de F (x)/F . Avec la
notation (2.3), on a modulo pZ
vol(F (x)∗ /Z, dt) ∼ |F (x)∗ /Z| ∼ ex (q n/ex − 1).
12
On a évidemment
dg/ vol(E ∗ J/Z, dg) = dgπ / vol(E ∗ J/Z, dgπ ).
On définit le degré formel de π par rapport à dg comme le quotient
d(π) := dgπ /dg =
dim Λ
vol(E ∗ J/Z, dg)
On rappelle que m(π) = `a avec
a = v` (eπ (q n/eπ − 1)) = v` (
vol(E ∗ J/Z, dg)
)
dim Λ
par (2.3) car π est `-supercuspidale, et (2.5.1). On a donc
v` (d(π)) = −a
On déduit de ces calculs :
3.5.1 Lemme
∗
Soit x ∈ Ge . Il existe une constante d = d(x, π) ∈ Z` , telle que
IG.x (fdgπ ) = d
ex (q n/ex − 1)
DG.x (f dg/dt).
eπ (q n/eπ − 1)
L’intégrale orbitale IG.x (fdgπ ) est admissible, si et seulement si la valuation `-adique de ex (q n/ex − 1)
est égale à celle de eπ (q n/eπ − 1).
3.5.2 Lemme
Supposons ` > n. Alors DG.x (fB dg/dt) ∈ m(π) Z` pour tout x ∈ Ge .
Preuve Les valeurs de la fonction fB sont entières ainsi que la mesure de Haar dg/dt, donc DG.x (fB dg/dt) ∈
Z` . Le lemme est donc vrai si m(π) = 1. Sinon m(π) = `a avec a > 0. On a IG.x (fB dgπ ) ∈ m(π) Z` par
(3.4). La relation (3.5.1) montre qu’il suffit de montrer que
0 < a < v` (ex (q n/ex − 1))
est impossible. La condition ` > n implique que l’on peut oublier eπ , ex qui divisent n, et les inégalités
s’écrivent
0 < v` (q n/eπ − 1) < v` (q n/ex − 1).
Notons ε le plus petit entier ≥ 1 tel que
q ε ≡ 1 modulo `.
Pour tout entier a ≥ 1, la valuation `-adique de q a − 1 est [Vig3 III.0.4] :
- nulle si ε ne divise pas a,
- v` (q ε − 1) + v` (a/ε) si ε divise a, sauf dans le cas exceptionnel,
- v2 (q − 1) + v2(a) + v2(q + 1) − 1, dans le cas exceptionnel ε = 1, ` = 2, q ≡ 3 mod 4.
Comme ` > n, le cas exceptionnel où ` = 2 ne se présente pas, et pour a divisant n, la valuation `-adique de
q a − 1 est simplement
- nulle si ε ne divise pas a,
- v` (q ε − 1) si ε divise a
Il n’y a que deux valeurs possibles, donc l’inégalité précédente à trois termes est impossible. ¦
3.6 Congruence sur les coefficients
On utilise maintenant le théorème de densité des intégrales orbitales régulières [VW F.17]. Le groupe
G agit sur Cc∞ (G/Z, Q` ) par conjugaison.
13
Théorème Supposons ` > n et F de caractéristique 0. Soit f ∈ Cc∞ (G/Z, Q` ) telle que les intégrales
orbitales régulières
DG.x (f dg/dt) ∈ Z` (x ∈ Greg )
soient entières. Alors il existe φ ∈ Cc∞(G/Z, Z` ) entière telle que f, φ aient la même image dans le module
des G-coinvariants C ∞ (G/Z, Q` )G.
Le théorème de [VW F.17] concerne Cc∞ (G, C) au lieu de Cc∞ (G/Z, Q` ), mais la topologie de C
n’intervient pas et l’on peut remplacer C par le corps isomorphe Q` . On peut aussi remplacer G par
G/Z car Z est contenu dans le centre.
Par (3.5.2), m(π) = `a , a ≥ 0, divise toutes les intégrales orbitales régulières elliptiques de fB . Les
autres intégrales orbitales régulières de fB sont nulles. Comme ` > n et v` (d(π)) = −a, le théorème de densité
des intégrales orbitales régulières permet de choisir φB ∈ Cc∞(G/Z; Z` ) tel que fB − d(π)−1 φB annule toutes
les distributions invariantes sur G. Pour tout π 0 ∈ Irr(G/Z), on a alors :
tr π 0 (φB dg) = tr π 0 (fB dgπ ) = δr` (π0 ),r` (π) .
3.7 Démonstration du théorème 3.1.
On utilisera [VW F.21] :
Théorème Supposons ` > n et F de caractéristique 0. Alors les caractères des F` -représentations
irréductibles de G sur les éléments réguliers sont linéairement indépendants.
On démontre le théorème 3.1 par l’absurde. Supposons qu’il existe un entier r ≥ 1, des F` -représentations
∗
ρ1, . . . , ρr ∈ Scusp(G/Z; F` ) non isomorphes,
et des éléments a1 , . . . , ar ∈ F` tels que les traces χρi des
P
représentations ρi sur Ge vérifient
ai χρi = 0. On choisit π1 , . . . , πr dans ScuspQ (G/Z) qui relèvent
`
∗
ρ1, . . . , ρr (2.4), et b1 , . . . , br dans Z` qui relèvent a1 , . . . , ar . Sur Ge , on a
X
bi χπi ≡ 0,
P
i.e. l’image canonique de
bi χπi (x) dans F` est nulle, pour tout x ∈ Ge . Comme ` > n, le théorème
d’indépendance des caractères des F` -représentations irréductibles de G sur les éléments réguliers implique
que
X
bi trπi (f dg) ≡ 0
pour tout f ∈ Cc∞ (G/Z; Z` ) d’intégrale orbitale nulle sur Greg − Ge . Si f est la fonction notée φB en (3.6)
relative à π = π1 , on a
X
bi trπi (f1 dg) = b1 .
On aboutit à une contradiction. ¦
4 Théorie de Clifford
Soient R un corps algébriquement clos de caractéristique quelconque, H ⊂ G deux groupes profinis,
avec H distingué dans G à quotient fini. La théorie de Clifford relie les R-représentations de G avec celles
de H [CR §11].
Soit τ ∈ IrrR (H). On définit son normalisateur dans G
N := {g ∈ G |g.τ ' τ }
14
(pour g ∈ G, h ∈ H, on note (g.τ )(ghg −1 ) = τ (h)), et son algèbre de Hecke dans G
H(G, τ ) := EndG indG
H τ.
4.1 Proposition
Les R-représentations irréductibles π de G qui contiennent τ s’identifient aux
modules simples à droite de H(G, τ ) par l’application
π → HomG (indG
H τ, π),
et les algèbres de Hecke de τ dans G et dans N sont isomorphes
H(G, τ ) ' H(N, τ )
par l’inclusion canonique H(N, τ ) ⊂ H(G, τ ).
Dans les deux cas suivants, τ se prolonge à son normalisateur .
a) G/H est un groupe cyclique. C’est un résultat classique [CR 11.46]
b) G = Gal(E/F ) et H est le groupe de ramification sauvage d’une extension galoisienne finie E/F de
corps locaux non archimédiens. En introduisant le groupe d’inertie H ⊂ I ⊂ G on se ramène par dévissage
au cas cyclique [Vig4 1.19].
On dit qu’une R-représentation V de G est engendrée par sa partie τ -isotypique lorsqu’elle est quotient
d’une somme directe ⊕I indG
H τ (pour un ensemble I). On note ModR (G, τ ) la catégorie des R-représentations
de G engendrées par leur parties τ -isotypiques.
4.2 Proposition Lorsque τ ∈ IrrR H se prolonge à son normalisateur N , l’algèbre de Hecke de τ
dans G est isomorphe à l’algèbre du groupe quotient N/H
H(G, τ ) ' R[N/H],
et la catégorie des R-représentations V de G engendrées par leur parties τ -isotypiques est équivalente à la
catégorie des R-représentations de N/H
ModR (G, τ ) ' ModR (N/H ).
On suppose maintenant que G/H est cyclique. On choisit un générateur κ de Hom(G/H, R∗ ) et un
prolongement τ 0 de τ à son normalisateur N . On note
0
π := indG
N τ .
4.3 Corollaire
Lorsque G/H est cyclique, les représentations
τ 0 ⊗ χ ∈ IrrR N
(χ ∈ Hom(N/H, R∗ ))
ne sont pas isomorphes et sont les prolongements de τ à N .
Les représentations induites à G
0
indG
N (τ ⊗ χ)
(χ ∈ Hom(N/H, R∗ ))
sont irréductibles, non isomorphes et sont les représentations irréductibles de G qui contiennent τ .
L’induite à G de τ est semi-simple et les multiplicités de ses sous-quotients irréductibles sont 1 si
d = [N : H] n’est pas nul dans R. Sinon la caractéristique de R est ` > 0, ` divise d, la représentation indG
Hτ
15
n’est pas semi-simple, et sa multiplicité est la plus grande puissance de ` qui divise d. Dans tous les cas, la
semi-simplifiée est
d−1
[indG
).
H τ ] = π ⊕ (π ⊗ κ) ⊕ . . . ⊕ (π ⊗ κ
Nous allons maintenant donner les démonstrations.
4.4 Preuve de 4.1 1) La première assertion est certainement bien connue depuis les travaux de
Dipper. Il suffit de montrer que la représentation indG
H τ est “presque projective” [Vig5 1.4.1] ou plus
généralement est “quasi-projective” dans le sens de Arabia [Vig 5, A.3]). Le noyau de τ étant d’indice fini,
on se ramène au cas où le groupe G est fini. La théorie des représentations des groupes finis fournit une
couverture projective Pτ → τ de τ dans ModR H. L’image de cette application par l’induction de H à G
(qui est exacte, est adjointe à droite et à gauche de la restriction de G à H et respecte la projectivité) est
un homomorphisme surjectif (que nous notons f )
G
P := indG
H Pτ → indH τ,
et P est projectif dans ModR G. L’application naturelle qui s’en déduit
φ : H(G, τ ) → EndG (P, indG
H τ)
est injective car f est surjectif. Elle est surjective car
(4.4.1)
[N : H] = dimR H(G, τ ) = dimR EndG(P, indG
H τ ).
Ces égalités résultent de l’adjonction, de la formule de Mackey
(4.4.2)
(indG
H τ )|H ' ⊕g∈G/H g.τ,
du lemme de Schur EndH τ ' R, et de HomH (Pτ , g.τ ) ' HomH (τ, g.τ) Pτ étant une couverture projective
de τ . Comme φ est bijective, la représentation indG
H τ est presque projective [Vig5 1.3.1], et la première
assertion est démontrée.
2) On sait [Vig3 I.8.6] qu’il existe un isomorphisme canonique Φ de H(G, τ ) sur l’algèbre des fonctions
f : G → EndR τ vérifiant
(4.4.3)
f (hgh0 ) = τ (h)f(g)τ (h0 )
pour tout g ∈ G, h, h0 ∈ H munie du produit de convolution
(4.4.4)
f ∗ f 0 (g) =
X
f (gx−1 )f 0 (x).
x∈G/H
Pour w ∈ τ , on note ew ∈ indG
H τ la fonction de support H telle que ew (1) = w. L’isomorphisme Φ est défini
par
(4.4.5)
Φ(A)(g) : w → A(ew )(g)
(A ∈ H(G, τ ), g ∈ G).
Dans le cas particulier où τ est la représentation triviale id, on retrouve que H(G, id) est isomorphe à la
R-algèbre du groupe G/H, notée R[G/H].
Pour établir la seconde assertion H(G, τ ) ' H(N, τ ), il suffit de montrer que la relation (4.4.3) implique
que le support de f est contenu dans N . Comme H est distingué dans G, pour tout h ∈ H, g ∈ G on a
g−1 hg ∈ H et par (4.4.3),
f(g)(g.τ )(h) = τ (h)f (g).
16
Comme τ est irréductible, cette relation implique que f (g) = 0 ou que f (g) ∈ EndR τ est bijectif. Si f (g)
est bijectif, alors g ∈ N . Le support de f est contenu dans N , on en déduit la seconde assertion. ¦
4.5 Preuve de 4.2
(4.5.1)
1) La première assertion signifie qu’il existe un isomorphisme d’algèbres
H(N, τ ) ' H(N, id)
par (4.1) et sa preuve en (4.4). Cela résulte de l’isomorphisme canonique de R-représentations de N
(4.5.2)
N
0
indN
H τ ' τ ⊗R indH id
pour tout prolongement τ 0 de τ à N , et du lemme de Schur EndN τ 0 ' R. On construit facilement
N
l’isomorphisme de (4.5.2). Pour tout w ∈ τ, n ∈ N , on note fw,n ∈ indN
H τ (resp. φn ∈ indH id) la
fonction de support Hn telle que
fw,n (n) = w (resp. φn (n) = 1)
On a
fτ (h)w,hn = fw,n
pour tout w ∈ τ, h ∈ H, n ∈ N . On définit un élément de τ 0 ⊗ indN
H id:
φw,n := τ 0 (n−1)w ⊗ φn
pour tout w ∈ τ 0 , n ∈ N (l’espace de τ est celui de τ 0 ). Soit y ∈ N . L’image de fw,n par y est la fonction
x → fw,n (xy) égale à fw,ny−1 , celle de φw,n par y est τ (yn−1 )w⊗φny−1 = φw,ny −1 . L’application fw,n → φw,n
est l’isomorphisme de (4.5.2).
2) Pour la seconde assertion, on montre que les catégories ModR (G, τ ) et ModR (N/H ) sont toutes les
deux canoniquement équivalentes à ModR (N, τ ).
Les catégories ModR (N, τ ) et ModR N/H sont équivalentes via les foncteurs inverses
η → ρ := τ 0 ⊗R η,
ρ → η := HomH (τ, ρ|H )
pour η ∈ ModR (N/H), ρ ∈ ModR (N, τ ). En effet, tout ρ ∈ ModR (N, τ ) est égal à ρ = τ 0 ⊗R η pour
η = HomH (τ, ρ|H ) ∈ ModR N/H. Ceci peut se voir en utilisant (4.5.2) et l’équivalence évidente des catégories
ModR (N/H ) et ModR (N, id). D’autre part, on peut montrer
HomN (τ 0 ⊗ η, τ 0 ⊗ η) ' HomN (η 0 , η)
pour tout η, η 0 ∈ ModR (N/H), en restreignant à H et en utilisant le lemme de Schur EndR τ ' R.
Les catégories ModR (N, τ ) et ModR (G, τ ) sont équivalentes via l’induction de N à G d’inverse le foncteur
resN,τ : ModR (G, τ ) → ModR (N, τ )
ainsi défini: une représentation π de G est engendrée par sa partie τ -isotypique si et seulement si
(4.5.3)
π|N ' ⊕g∈G/N g.ρ
où ρ ∈ ModR (N, τ ). On définit resN,τ (π) := ρ. Il est clair que π = indG
N resN,τ (π). Soit ρ ∈ ModR (N, τ ).
Alors par la formule de Mackey
(indG
N ρ)|N = ⊕g∈G/N g.ρ
et ρ = resN,τ indG
N ρ. Par adjonction, (4.5.3), et le fait que les g.τ pour g ∈ G/N ne sont pas isomorphes, on
a
HomG (π, π 0 ) = ⊕g∈G/N HomG (g.ρ, ρ0 ) = HomN (ρ, ρ0 )
pour tout ρ, ρ0 ∈ ModR (N, τ ) d’induite π, π 0 ∈ ModR (G, τ ). Donc les catégories ModR (N, τ ), ModR (G, τ)
sont équivalentes.
17
4.6 Preuve de 4.3
(4.5.2) qui implique
Seule l’assertion sur la semi-simplifiée n’a pas été démontrée. Elle résulte de
G
indG
H τ = π ⊗ indH 1
0
avec π = indG
N τ , et de la forme de la semi-simplifiée
d−1
[indG
.
H 1] = 1 ⊕ κ ⊕ . . . ⊕ κ
4.7 Remarques On suppose que G/H est cyclique, et que la caractéristique de R est 0 ou ne divise
pas [G : H]. Le groupe (G/H)∗ := Hom(G/H, R∗ ) de générateur κ agit par produit tensoriel sur IrrR G et
le groupe G/H agit par conjugaison sur IrrR H. Les orbites de dimension maximale [G : H] sont appelées
régulières et leur éléments aussi. Alors on déduit de (4.3) :
1) L’induction et la restriction induisent des bijections, inverses l’une de l’autre, entre l’ensemble des
orbites régulières de G/H dans IrrR H et l’ensemble des points fixes de (G/H)∗ dans IrrR G :
π|H = ⊕g∈G/H g.τ,
π = indG,H τ
pour τ ∈ IrrR (H) de stabilisateur N = H et π ∈ IrrR (G) fixe par (G/H)∗ .
2) Soit (τ, π) comme ci-dessus. On choisit un R-isomorphisme A de l’espace de π, qui agit sur l’espace
de g.τ par multiplication par κ(g) pour tout g ∈ G. Alors
A ◦ π(g) = κ(g)π(g) ◦ A
pour tout g ∈ G.
5 Induction automorphe
On suppose F de caractéristique 0 et ` > n. Soit R = Q` ou R = F` . Pour simplifier, on supprime
souvent l’indice R lorsque R = Q` .
Soient n, m, r des entiers ≥ 1 avec n = mr et E/F une extension cyclique de degré m. On note
NE/F : E ∗ → F ∗ la norme de E/F , et
G := GL(n, F ),
H := GL(r, F ),
GE := GL(n, E),
HE := GL(r, E).
∗
Le groupe Ξ = Hom(F ∗ /NE/F E ∗ , Z` ) est cyclique d’ordre m < `, isomorphe canoniquement à Hom(F ∗ /NE/F E ∗ , R∗ );
on choisit un générateur κ de Ξ. Identifié via le déterminant à un groupe de caractères de G ou de H, Ξ
agit naturellement sur IrrR (G) et sur IrrR (H). Le groupe de Galois Σ = Gal(E/F ), cyclique d’ordre m, agit
naturellement sur IrrR (GE ), IrrR (HE ). L’action des deux groupes respecte la propriété d’être supercuspidale.
L’exposant reg indiquera que l’on considère des représentations régulières (d’orbite à m éléments); par
exemple, ScuspR (HE )reg est l’ensemble des classes d’isomorphie des R-représentations supercuspidales de
HE , dont les conjugués par le groupe de Galois Σ sont distincts.
L’exposant Ξ ou Σ indiquera que l’on considère les représentations fixes (d’orbite à 1 élément); par
exemple, ScuspR (G)Ξ est l’ensemble des classes d’isomorphie des R-représentations supercuspidales de G,
isomorphes à tous leurs produits tensoriels par un caractère dans Ξ.
5.1 L’induction automorphe de HE à G (le κ-lift [HH 3.7, 3.11]) que l’on note indF,E par analogie
au cas galoisien, est définie sur les Q` -représentations irréductibles génériques de HE , vérifiant une certaine
condition de régularité, et son image est l’ensemble des Q` -représentations irréductibles génériques de G
fixes par Ξ [HH th. 2.4 ]. L’induction automorphe induit une bijection [HH 5.5] (notée encore indF,E )
(5.1.1)
indF,E : Scusp(HE )reg /Σ → Scusp(G)Ξ .
18
0
0
Soient πE , πE
∈ Scusp(HE ) entières; les F` -représentations r` πE et r` πE
sont irréductibles et cuspidales;
0
0
on note Σ.πE ≡ Σ.πE si les orbites de r` πE et de r` πE par le groupe de Galois Σ, sont égales.
0
Théorème Soient πE , πE
∈ Scusp(HE )reg , d’induites automorphes π := indF,E πE ,
Ξ
dans Scusp(G) . Alors
1) πE est entière si et seulement si π est entière.
0 entières, et `-supercuspidales. Alors
2) Supposons πE , πE
0
Σ.πE ≡ Σ.πE
0
π 0 := indF,E πE
si et seulement si π ≡ π 0 .
Ce théorème implique avec (2.9), le théorème principal. La suite du paragraphe 5 est consacrée à sa
démonstration.
5.2 L’induite automorphe d’une Q` -représentation irréductible non régulière de HE peut-être définie
[HH 1.3], son image est irréductible par définition. Ce phénomène est surprenant si l’on fait le parallèle avec
la théorie de Clifford, de façon naive; il disparait si l’on remplace les représentations irréductibles par leur
support supercuspidal.
L’induction parabolique normalisée induit des injections
Scusp(HE )reg /Σ → Irr(GE )Σ ,
Scusp(H)reg /Ξ → Irr(G)Ξ ,
qui associent à une orbite régulière Y pour HE ou H, la représentation de GE ou G induite paraboliquement
par ⊗π∈Y π (c’est une représentation d’un sous-groupe de Levi de GE ou G). On sait que cette représentation
est irréductible [Z], fixe par le groupe de Galois Σ ou par le groupe Ξ des caractères, de support supercuspidal
contenant ⊗π∈Y π; le support supercuspidal s’identifie à la somme formelle ⊕π∈Y π, i.e. à Y .
Le changement de base de G à GE que l’on note resE,F par analogie au cas galoisien, est défini sur
tout Irr(G) et son image est Irr(GE )Σ [AC pp 59-60]. Restreint aux supercuspidales fixes par le groupe des
caractères dans Ξ, le support supercuspidal du changement de base fournit une bijection [BHK 2.6]
(5.2.1)
resE,F : Scusp(G)Ξ → Scusp(HE )reg /Σ,
inverse de l’induction automorphe (5.1.1).
Identifiant Scusp(H)reg /Ξ avec son image dans Irr(G)Ξ par l’induction parabolique normalisée, l’induction
automorphe de HE à G et le changement de base de H à HE donnent, par restriction, deux bijections inverses
l’une de l’autre [BHK 2.6]
indF,E : Scusp(HE )Σ → Scusp(H)reg /Ξ,
resE,F : Scusp(H)reg /Ξ → Scusp(HE )Σ.
5.3 Caractères centraux On sait calculer les caractères centraux dans l’induction automorphe et
dans le changement de base. Joint à la caractérisation des représentations entières par l’intégralité du caractère central de leur support supercuspidal (2.1), on démontre que l’induction automorphe et le changement
de base respectent l’intégralité (le (1) du théorème 5.1).
Soit πE ∈ Irr(HE ) générique de caractère central ωE , et π := indF,E πE . On sait [HH 4.7 a)] que le
caractère central de π est
ω = µ ◦ (ωE )|F ∗ .
où µ est un caractère d’ordre 2. Si ωE est entier, cette formule montre que ω est entier. La réciproque est
vraie car E ∗ /F ∗ est un groupe profini, et un caractère de E ∗ est entier si et seulement si sa restriction à F ∗
est entière.
Soit π ∈ Irr(G) de caractère central ω, et πE := resE,F π. On sait que le caractère central de πE est
[AC 6.2 page 51]
ωE = ω ◦ NE/F .
19
Comme F ∗ /NE/F E ∗ est fini, le même argument que ci-dessus montre que ω est entier si et seulement si ωE
est entier.
5.4 Transitivité L’induction automorphe est transitive [BHK A.11] comme dans le cas galoisien,
et comme le changement de base [BHK 2.3]. Si F ⊂ E 0 ⊂ E, alors si πE ∈ Scusp(HE )reg est régulier par
rapport à F , alors πE est régulière par rapport à E 0 , indE 0 ,E πE est supercuspidale, F -régulière, et
indF,E0 ◦ indE 0 ,E πE = indF,E πE .
5.5 Trace tordue
On considère le sous-groupe ouvert distingué
G0 := {g ∈ G | det g ∈ NE/F E ∗ }
de G, de quotient cyclique d’ordre m < `.
Soit π ∈ IrrR (G)Ξ . Par la théorie de Clifford (4.7),il existe τ ∈ IrrR (G0 )reg tel que
resG0 ,G π = ⊕g∈G/G0 g.τ,
π = indG,G0 τ.
On choisit un R-automorphisme A de l’espace de π comme en (4.7) relatif au caractère κ(det g) : G/G0 → R∗ .
On munit G d’une Z[1/p]-mesure de Haar admissible dg (3.5). La trace κ-tordue de π est la forme
linéaire sur Cc∞(G0 ; R) définie par
X
trκπ (f dg) := tr(π(f dg) ◦ A) =
κ(x) tr(x.τ)(f dg)
x∈G/G0
pour tout f ∈ Cc∞ (G0 ; R). Elle dépend des choix.
Lorsque R = Q` , π est entière si et seulement si τ est entière. Si Lτ est une structure entière de τ alors
L := ⊕g∈G/G0 g.Lτ
est une structure entière de π. Inversement si L0 est une structure entière de π, alors L0τ := L0 ∩ τ est
une structure entière de τ . Si π, τ sont entières, on choisit un Z` -automorphisme A de L comme ci-dessus
vérifiant (4.7). Par extension des scalaires à R = Q` , F` , A définit un R-automorphisme de l’espace de π
et de r` π, que l’on note toujours A. Alors la trace tordue correspondant à A commute avec la réduction
modulo `.
Théorème [VW E.4, G.14]
1) La trace de τ ∈ IrrR (G0 ) se restreint sur Greg ∩ G0 en une fonction localement constante (le caractère
χτ de τ ).
2) Si ` > n, les restrictions à Cc∞ (Greg ∩ G0 ; R) des traces R-représentations irréductibles de G0 sont
linéairement indépendantes.
On peut aussi déduire 1) de la théorie des types, comme l’avait fait Howe dans le cas complexe.
Corollaire Les traces κ-tordues des représentations π ∈ IrrR (G)Ξ restreintes à Greg ∩ G0 sont des
fonctions localement constantes et linéairement indépendantes (les caractères κ-tordus χκπ de π).
On a pour x ∈ G0 ∩ Greg ,
(5.5.1)
χκπ (x) = ⊕g∈G/G0 κ(g)χg.τ (x).
5.6
L’induction automorphe est définie par une identité entre caractères. Soit πE ∈ Irr(HE )reg
générique. On dit que π ∈ Irr(G) est l’induite automorphe indF,E πE si [HH 2.4, 3.11]
20
- χκπ (x) = 0 pour tout x ∈ Greg ∩ G0 non conjugué à un élément de HE ∩ Greg ,
- pour tout x ∈ HE ∩ Greg ,
χκπ (x) = c(π)
(5.6.1)
X
a(x0 )χπE (x0 ),
x0 ∈X(x)
où X(x) est l’ensemble fini des classes de conjugaison de HE qui rencontrent la G-classe de conjugaison de
∗
∗
x, a : X(x) → Z` est une fonction explicite qui dépend de x et de κ mais non de π, et c(π) ∈ Q` est une
constante non nulle.
e
La formule se simplifie pour x ∈ HE
∩ Greg elliptique dans HE ; elle devient [HH 3.11]
χκπ (x) = c(π) c0 (x)
(5.6.2)
X
χg.πE (x),
g∈Σ
∗
e
où c0 : HE
∩ Greg → Z` ne dépend pas de π.
∗
Lemme Supposons que πE ∈ Irr(HE )reg est entière et `-supercuspidale. Alors la constante c(π) ∈ Z`
est une unité.
Preuve : a) Les valeurs du caractère χπE localement constant sur (HE )reg appartiennent à Z` ; la trace
commute à la réduction modulo `
r` χπE = χr` πE .
L’action du groupe de Galois Σ commute avec la réduction modulo `, mais la réduction modulo ` ne respecte
pas la régularité. La représentation πE est régulière, mais r` πE peut ne pas l’être; l’ordre du fixateur de
r` πE dans Σ divise m, et m < `. Par hypothèse r` πE ∈ ScuspF` HE . L’indépendance linéaire des caractères
des F` -représentations irréductibles supercuspidales de HE sur les éléments elliptiques (3.1) implique qu’il
P
∗
e ∩ Greg tel que
existe x ∈ HE
g∈Σ χπE (g.x) ∈ Z` .
b) Par (5.5) les valeurs du caractère κ-tordu χκπ localement constant sur G0 ∩ Greg appartiennent à
Z` , car π est entière (5.3). On déduit de a) et de (5.6.2) que c(π) ∈ Z` . La F` -représentation r` (π) est
irréductible et cuspidale (2.4), fixe par Ξ. Par (5.5) la réduction modulo ` commute avec la trace tordue et
r` (χκπ ) = χκr` (π)
∗
∗
n’est pas nul. Il existe donc x ∈ HE ∩ Greg tel que χκπ (x) ∈ Z` ; avec (5.6.1), on obtient c(π) ∈ Z` . ¦
Pour πE comme dans le lemme, les images de c(π), a(x0 ), c0 (x) dans F` ne sont pas nulles; on les note
encore de la même façon. La réduction modulo ` commute avec les traces, et avec l’action du groupe de
Galois Σ. On obtient :
(5.6.3)
χκr` π (x) = c(π)
X
a(x0 )χr` πE (x0 )
(x ∈ HE ∩ Greg ),
x0 ∈X(x)
(5.6.4)
χκr` π (x) = c(π) c0 (x)
X
χg.r` πE (x)
g∈Σ
(x ∈ HEe ∩ Greg ).
0
5.7 On montre maintenant le 2) du théorème 5.1. Supposons Σ.πE ≡ Σ.πE
. On peut supposer
0
r` πE ' r` πE puisque la réduction modulo ` commute à l’action de Σ. On déduit de (5.6.3) que
χκr` π (x) = d χκr` π 0 (x)
21
∗
pour tout x ∈ Greg , pour une constante d ∈ F` (ces fonctions sont nulles hors de HE ∩ Greg ). Par (5.5),
r` π ' r` π 0 . Inversement, supposons r` π ' r` π 0 . Alors, on déduit de (5.6.4) que
X
χg.r` πE (x) = d
g∈Σ
X
χg.r` πE0 (x)
g∈Σ
∗
e
e
e
pour x ∈ HE
∩ Greg , pour une constante d ∈ F` . Comme HE
∩ Greg est dense dans HE
, et que les
e
caractères des F` -représentations irréductibles de HE sont localement constants sur HE , l’égalité est vraie
e . Les multiplicités des représentations irréductibles qui interviennent dans chaque terme
pour tout x ∈ HE
sont inférieures à m, et m < `. L’indépendance linéaire des traces des F` -représentations supercuspidales de
0
HE sur les elliptiques (3.1), implique que Σ.πE ≡ Σ.πE
. ¦
6 Démonstrations des théorèmes 1.2, 1.3
La démonstration du théorème principal est achevée. Nous démontrons le théorème 1.2 en (6.1), et le
théorème 1.3 en (6.2).
6.1 La correspondance définie en (1.2) est une bijection de ScuspF` (G) sur IrrF` (W )(n), car :
- Elle est définie sur tout ScuspF` (G), car toute π ∈ ScuspF` (G) est la réduction modulo ` d’une
représentation π 0 ∈ Scusp(G) (2.4).
- Elle est surjective, car toute σ ∈ IrrF` (W )(n) est la réduction modulo ` d’une représentation σ 0 ∈
Irr(W )(n) (2.6).
- Elle est injective, par le (3) du théorème principal. ¦
6.2 Nous montrons le théorème 1.3 : si la caractéristique de F est 0 et ` > n, le support supercuspidal
de r` π, pour π ∈ Scusp(G) entière, correspond à r` (σ) si σ correspond à π (par les bijections de Langlands).
Il est déjà démontré si r` σ est irréductible.
Avec les notations de (2.9), on écrit π = indF,Ff πf , σ = indF,Ff σf , avec πf ↔ σf , f (πf ) = f(σf ) = 1.
La représentation r` πf est irréductible et supercuspidale, et τf := r` σf est irréductible; les représentations
r` πf et r` σf se correspondent, par la bijection de Langlands sur F` .
6.2.1 On ne fait aucune restriction sur (F, `). On s’intéresse au cas où r` σ est réductible. On la décrit,
en utilisant que r` σ est la semi-simplifiée de indF,Ff τf .
Par la théorie de Clifford (4.1), le fixateur de τf dans le groupe de Galois Σf de Ff /F est d’ordre
d > 1; par la théorie de Galois, le fixateur est le groupe de Galois de Ff /Ff /d . Soit τf /d une représentation
irréductible de WFf /d qui prolonge τf . Son induite à WF
τ1 := indF,Ff /d τf/d
est irréductible. C’est un constituant de r` σ. Un générateur κ du groupe Ξ des Z` -caractères de WF /WFf
s’identifie à un Z` -caractère non ramifié de F ∗ d’ordre f par l’isomorphisme de réciprocité. On a
r` σ = τ1 ⊕ (τ1 ⊗ r` κ) ⊕ . . . ⊕ (τ1 ⊗ r` κd−1 ).
6.2.2
On ne fait aucune restriction sur (F, `). On choisit un relèvement σf0 /d de
0
τf /d = r` σf/d
.
On a la tour d’extensions F ⊂ Ff/d ⊂ Ff , qui correspond à des inclusions inverses pour les groupes de
Weil. On peut restreindre de Ff /d à Ff , et induire de Ff /d à F les représentations des groupes de Weil
22
correspondants. La convention, déja utilisée pour X = τ , est que la restriction de Xf /d à Ff est notée Xf ,
et son induite à F est notée X1 (sauf mention contraire).
La réduction modulo ` commute avec l’action de Galois, la restriction, l’induction, la multiplication par
κ. Donc l’induite σ10 := indF,Ff /d σf0 /d est `-irréductible car elle relève
τ1 = r` σ10 .
La restriction σf0 := resFf ,Ff /d σf0 /d est `-irréductible et comme σf , elle relève τf .
Le fixateur de σf0 dans le groupe de Galois Gal(Ff /F ) contient Gal(Ff /Ff /d ), il lui est même égal par
la théorie de Clifford, et la représentation induite
σ 0 := indF,Ff σf0 = σ10 ⊕ (σ10 ⊗ κ) ⊕ . . . ⊕ (σ10 ⊗ κd−1 )
relève r` σ. Les représentations r` σ et σ 0 ont la même longueur d.
0
Soit πf/d
correspondant à σf0 /d par la bijection de Langlands sur Q` , σf0 /d ↔ πf0 /d . L’induction automorphe à F et le changement de base à Ff correspondent à l’induction et à la restriction galoisiennes, par
les bijections de Langlands, lorsque les représentations galoisiennes concernées restent irréductibles. Comme
0
0
σ10 et σf0 sont irréductibles, on a π10 := indF,Ff /d πf/d
↔ σ10 et πf0 := resFf ,Ff /d πf/d
↔ σf0 . Comme σ10 est
0
`-irréductible, π1 est `-supercuspidale par la proposition (2.3).
Comme la bijection de Langlands est compatible avec l’action du groupe de Galois, le fixateur de πf0
dans Gal(Ff /F ) est Gal(Ff /Ff /d ). La description de l’induction automorphe [BHK] montre que
indF,Ff πf0 = π10 × (π10 ⊗ κ) × . . . × (π10 ⊗ κd−1 )
(avec la notation de Zelevinski [Z] pour l’induite parabolique normalisée). Cette Q` -représentation de G est
irréductible, entière, non cuspidale. On la note π 0 .
6.2.3 On suppose ` > n et que la caractéristique de F est 0. Nous allons montrer que la représentation
irréductible cuspidale r` π est un sous-quotient de r` π 0 . Tous les sous-quotients irréductibles de r` π 0 ont le
même support supercuspidal
r` π10 ⊕ r` (π10 ⊗ κ) ⊕ . . . ⊕ r` (π10 ⊗ κd−1).
puisque r` π10 est supercuspidale. Par la correspondance de Langlands sur F` , il correspond à la représentation
semi-simple
r` σ = r` σ10 ⊕ r` (σ10 ⊗ κ) ⊕ . . . ⊕ r` (σ10 ⊗ κd−1 ).
Le théorème 1.3 sera donc démontré.
Les représentations irréductibles π, π 0 sont fixes par Ξ. Les caractères κ-tordus de π et de π 0 sont donnés
∗
par la formule (5.6.1) pour E = Ff . La constante c(π) appartient à Z` par (5.6), car πf est entière et r` πf
est supercuspidale.
Lemme
∗
c(π 0 ) ∈ Z` et r` c(π 0 ) = r` c(π).
Preuve a) Préliminaires. En (6.2.2), la F` -représentation r` πf0 /d correspond à τf/d par la bijection de
Langlands sur F` ; on déduit du théorème 5.1 que
r` πf0 = r` πf .
La somme des caractères κ-tordus des sous-quotients irréductibles de r` π 0 , fixes par κ, est égale à
r` (χκπ0 ).
C’est valable pour toute représentation π 0 ∈ (Irr G)Ξ entière, i.e. induite d’une représentation entière
V du groupe
G0 := {g ∈ G | det g ∈ NFf /F Ff∗ }.
0
23
Vérifions-le. L’induction commute avec la réduction modulo ` et la formule (5.5.1) pour χκπ 0 montre que
r` (χκπ 0 ) =
X
κ(g)χg.W 0
W 0 ,g∈G/G0
W 0 parcourant tous les sous-quotients irréductibles de r` V 0 = ⊕W 0 . Si le fixateur de W 0 dans G/G0 n’est pas
trivial, alors la représentation
indG,G0 W 0 de G induite par W 0 est réductible, aucun de ses sous-quotients
P
n’est fixe par κ, et g∈G/G0 κ(g)χg.W 0 = 0. Si le fixateur est trivial, alors indG,G0 W 0 est un sous-quotient
irréductible de r` π 0 , fixe par κ.
∗
b) Montrons qu’il existe x ∈ GL(n/f, Ff )∩Greg tel que χκπ 0 (x) ∈ Z` . Il suffit, par densité, de montrer que
κ
r` χπ 0 = χκr`π 0 6= 0. La représentation r` π 0 a un unique sous-quotient irréductible générique; l’unicité montre
qu’il est fixe par κ. On utilise alors a) et l’indépendance linéaire des caractères κ-tordus des représentations
irréductibles fixes par κ (5.5).
c) Par b) et la formule (5.6.1), l’inverse de c(π 0 ) appartient à Z` . L’égalité r` πf0 = r` πf implique que
r` (χκπ 0 (x)c(π 0 )−1 ) = r` (χκπ (x)c(π)−1 )
pour tout x ∈ GL(n/f, Ff ) ∩ Greg . Les propriétés des caractères tordus montrent que le second membre est
∗
non identiquement nul, car nous savons que c(π) ∈ Z` et que r` π est irréductible, fixe par κ. On en déduit
∗
c(π 0 ) ∈ Z` .
d) Par c), on a r` χκπ 0 = r` (c(π 0 )c(π)−1 ) χκr` π . L’indépendance linéaire des κ-caractères tordus implique
que r` (c(π 0 )c(π)−1 ) = 1 et que r` π est le sous-quotient générique de r` π 0 . Le lemme et le théorème 1.3 sont
démontrés. ¦
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Marie-France Vignéras
Institut de Mathématiques de Jussieu
Université Denis Diderot - Paris 7
Case 7012
2, place Jussieu,
75251 Paris Cedex 05, France
[email protected]
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