Université Lumière Lyon 2 École Doctorale 484 3LA
Faculté des langues Laboratoire Triangle UMR 5206
Département d’études du monde anglophone
UNE HISTOIRE CRITIQUE DE L’« HIVER
DU MÉCONTENTEMENT » DE 1978-1979 :
LE MOUVEMENT SYNDICAL BRITANNIQUE
FACE À LA CRISE DU TRAVAILLISME,
L’EXTENSION DE LA CONFLICTUALITÉ SOCIALE ET
LA MONTÉE DE LA NOUVELLE DROITE
THATCHÉRIENNE
Volume 1
Par Marc Lenormand
Thèse de doctorat d’Études anglophones
Dirigée par Keith Dixon, Professeur à l’Université Lumière Lyon 2
Présentée et soutenue publiquement le 29 septembre 2012
Devant un jury composé de :
Agnès Alexandre-Collier, Professeur à l’Université de Bourgogne
Emmanuelle Avril, Professeur à l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3
Sophie Béroud, Maître de conférences à l’Université Lumière Lyon 2
Keith Dixon, Professeur à l’Université Lumière Lyon 2
1
Résumé
Ce travail s’emploie à comprendre la série de conflits sociaux dans les secteurs de l’automobile, du
transport routier et des services publics qui se sont déroulés en Grande-Bretagne lors de l’hiver 1978-
1979 et sont connus sous le nom d’« hiver du mécontentement » dans la mémoire collective.
L’hypothèse défendue est que ces conflits prennent sens et trouvent leur portée à condition d’être
analysés à la croisée de trois processus. Le premier est une crise du travaillisme, au sens de fortes
tensions politiques au sein du parti travailliste et plus généralement du mouvement ouvrier : les
orientations politiques et économiques qui s’étaient imposées depuis l’après-guerre sont minées par la
crise économique et la gestion sociale-démocrate de l’économie est contestée à la fois par un
conservatisme remobilisé par les théories néo-libérales, et par une gauche dont l’audience va
croissante. Le deuxième processus est une extension de la conflictualité sociale, non pas au sens le
portrait traditionnel des années 1970 comme décennie du militantisme triomphant devrait être accepté,
mais dans la mesure où la période est marquée par une syndicalisation croissante et son extension à de
nouveaux secteurs d’activi, par un renforcement des structures syndicales aussi bien au niveau
national qu’au niveau local dans une logique générale de déconcentration des processus de décision,
enfin par l’apprentissage de l’action collective par de nouveaux groupes de travailleurs. La troisième
logique, enfin, est la montée de la droite thatchérienne qui puise un arsenal intellectuel renouvelé dans
les travaux des think tanks néo-libéraux. Son discours est relayé par une presse gagnée par l’anti-
collectivisme de la nouvelle droite. Ces éléments permettent de comprendre ces conflits qui, à l’hiver
1978-1979, opposent, au gouvernement travailliste arc-bouté sur la défense d’une politique de contrôle
des revenus, des groupes de travailleurs et leurs organisations syndicales pourtant pro-travaillistes. Ces
conflits donnent à voir les luttes politiques et idéologiques au sein du mouvement travailliste qui sont
résolues dans les années 1980 en faveur de l’aile droite du parti, et le rôle que la constitution
immédiate des conflits de l’hiver 1978-1979 en un mythe politique de l’« hiver du mécontentement » a
joué dans la légitimation du projet thatchérien et dans le processus de recentrage du parti travailliste.
Abstract: British trade unions in a context of crisis of Labour, extension of industrial disputes and
rise of the New Right: a critical history of the 1978-1979 « Winter of Discontent »
This thesis examines the industrial disputes which took place in the winter of 1978-1979 in a series of
sectors car-making, road haulage and the public sector and are remembered in collective memory
as the « Winter of Discontent ». It argues that these industrial disputes can only be properly
understood in a threefold context: first, in the context of the crisis of Labour, that is to say the acute
political and ideological tensions and divisions which emerged in the Labour Party from the beginning
of the 1970s when the political and economic assumptions which had dominated the leadership of the
party since after the War were undermined by the context of economic crisis, the neo-liberal
awakening of the Conservative Right and the resurgence of the Labour Left; secondly, in a context of
extension of industrial unrest outside of traditional trade union strongholds in manufacturing, mining
and printing and into new areas such as the public sector, which experienced a rapid unionisation of its
growing workforce in the 1970s and whose workers were on a militant learning curve throughout
those years, when public sector trade unions encouraged stronger organisation and industrial action at
the local level while battling to gain a hearing from the rest of the trade union movement at the
national level; finally, in the context of the rise of the New Right, as a number of think tanks provided
rightwingers within the Conservative Party with new ideas and arguments to criticise the trade unions,
the welfare State and the Keynesian, tripartite policies pursued in the post-War period, and as these
neo-liberal ideas found an increasing number of advocates in the press. These various elements help us
to understand the disputes of the winter of 1978-1979 as primarily a conflict about economic policy
and priorities within the labour movement as low-paid public sector workers and traditionnally loyal
trade unions were pitted against a Labour government enforcing a reduction in real wages; they also
highlight the transformation of the disputes into the political myth of the « Winter of Discontent », and
the role which this myth played in the eighteen-year rule of the Conservative Party and the so-called
modernisation of the Labour Party from the middle of the 1980s.
2
Remerciements
Il n’est pas seulement de rigueur de faire état des dettes multiples accumulées au fil d’un
travail de recherche de plusieurs années, il est nécessaire de mentionner les personnes nombreuses qui
ont contribué à la production de ce travail et de les en remercier, et finalement de rendre compte
brièvement d’un itinéraire intellectuel et scientifique.
Aussi bien en raison des projets antérieurs auxquels il fait suite, des discussions au cours
desquels il a émergé et de la tournure qu’il a pris, ce projet doit énormément de choses à Keith Dixon.
Il m’est impossible de trop le remercier de son soutien continu, de son enthousiasme pour le sujet de
mon travail, de son regard critique et exigeant sur mes productions, et peut-être surtout de sa tolérance
pour ma naïveté scientifique et politique à l’égard de mon terrain.
Ce travail, son émergence progressive et les orientations qui le caractérisent aujourd’hui
doivent également beaucoup à des rencontres, nombreuses, faites au cours des années sur mon terrain
d’investigation. J’ai tout d’abord eu la chance de rencontrer des acteurs du mouvement ouvrier et du
monde syndical, qu’il me faut ici mentionner tant pour leur intérêt pour mes recherches que pour leur
disponibilité et pour la générosité avec laquelle ils ont partagé leurs souvenirs des luttes des années
1970 : Andy Anderson, Rodney Bickerstaffe, Campbell Christie, Jim Cornelius, Ian Ducat, Paul Dunn,
Eddie Jaggers, John Kay et Bob Thompson. Je suis particulièrement redevable à Steve Williams,
responsable de la formation au syndicat Unison, pour l’accès qu’il m’a donné à toute une génération
de militants syndicaux.
Ensuite, les archives constituant le matériau principal de ce travail, je me dois de rendre
hommage à la compétence et à la disponibilité des archivistes des différents centres que j’ai visités : le
Modern Records Centre à l’université de Warwick ; le Labour History Archive and Study Centre du
People’s History Museum de Manchester ; la bibliothèque du Trades Union Congress déposée à la
London Metropolitan University ; les journaux entreposés à l’annexe de la British Library à Colindale ;
les archives du Scottish Trades Union Congress à la Glasgow Caledonian University. Enfin, j’ai
également pu bénéficier d’une série de discussions avec des universitaires britanniques
remarquablement accueillants, et que je remercie pour leur patience et leurs conseils : Peter Ackers,
John Foster, John Grahl, Richard Hyman, John Kelly, Paul Smith et Charles Woolfson.
Au cours des années d’élaboration de ce travail, j’ai eu l’occasion de présenter des résultats
intermédiaires lors de manifestation scientifiques et sur différents supports. Mes remerciements vont
ici, dans l’ordre chronologique des manifestations et publications qui nous ont rassemblées, à Kevin
Pinault, Antoine Capet, Anne-Marie Motard, Richard Whiting, Thierry Guédé et Pascal Guégo, et
enfin aux équipes d’organisation des ateliers CRECIB et « Études sur les femmes, le sexe et le genre »
des congrès de la SAES, respectivement en 2009 et 2010. Plus généralement, les outils théoriques qui
sous-tendent ce travail ont pu être développés à la croisée de plusieurs activités de recherche, aux
3
acteurs desquelles je suis grandement redevable : les participants au colloque « Discours et dispositifs
anti-syndicaux : États-Unis, Grande-Bretagne, France » de novembre 2010 ; les doctorants rassemblés
au sein du séminaire « Usage des sciences humaines dans les langues vivantes » ; les collègues des
laboratoires juniors Prodics Production discursive des catégories sociales ») et Acae (« Actualité
des concepts d’aliénation et d’émancipation ») et les camarades du comité de rédaction de la revue
Tracés. Enfin, bien que nos échanges aient été d’une nature moins directe, je dois beaucoup à Colette
Bernas, dont les notes sur le parti travailliste ont été une source d’inspiration de ma réflexion sur le
travaillisme ainsi qu’une mine d’informations.
Pour finir, il faut dire un mot des différents contextes d’inscription de ce travail, qui a pu être
mené en premier lieu grâce au soutien matériel et scientifique du laboratoire Triangle UMR 5206. Ce
travail a été préparé alors que j’exerçais une activité d’enseignement dans deux lieux auxquels je suis
profondément attaché, le Département d’études du monde anglophone de lUniversité Lyon 2, et le
lycée Saint-Sernin de Toulouse. Je remercie les collègues de ces deux établissements pour leur amitié.
Ce travail a été relu par Chloé Le Meur, Jean Lenormand et Marine Trégan, que je remercie de
ce travail patient. Les coquilles restantes, tout comme les idiosyncrasies stylistiques et le
positionnement scientifique, doivent cependant être attribués à l’auteur. J’adresse des remerciements
infinis à Marine pour son soutien tout au long de ce travail, et tout particulièrement dans la phase de
finalisation.
4
Sommaire
Liste des abréviations employées .................................................................................. 12
Introduction. L’« hiver du mécontentement » comme mythe
politique et comme objet scientifique .............................................. 15
I. Cadres temporels d’analyse et axes d’étude ............................................ 17
II. Réhistoriciser l’« hiver du mécontentement » ....................................... 27
III. Organisation de la démonstration ......................................................... 33
1 Faire l’histoire de l’« hiver du mécontentement » ................... 37
1.1 Des outils pour une étude du mouvement syndical britannique ..... 39
1.1.1 Réinscrire dans des contextes : histoire politique et économique de la
Grande-Bretagne dans l’après-guerre ......................................................................... 39
1.1.1.1 Premier couple notionnel : consensus / keynésianisme ............................... 44
1.1.1.2 Deuxième couple notionnel : déclin / crise .................................................. 49
1.1.1.3 Troisième couple notionnel : monétarisme / néo-libéralisme ...................... 51
1.1.1.4 Travaux sur le parti conservateur et les gouvernements conservateurs ....... 54
1.1.2 Le mouvement ouvrier : histoire politique et intellectuelle des organisations
syndicales et des partis ................................................................................................... 61
1.1.2.1 Le parti travailliste ....................................................................................... 62
1.1.2.2 Les gouvernements travaillistes ................................................................... 66
1.1.2.3 La gauche radicale ........................................................................................ 72
1.1.2.4 Des histoires générales du mouvement syndical .......................................... 77
1.1.2.5 Des monographies sur des organisations ..................................................... 83
1.1.2.6 Une tradition majeure : l’« histoire par en bas » .......................................... 86
1.1.2.7 Le tournant linguistique en question ............................................................ 90
1.1.2.8 L’histoire intellectuelle du mouvement ouvrier ........................................... 93
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