LA CRISE FINANCIÈRE ET LA FAIBLESSE DES POLITIQUES FACE AUX FORCES DU MARCHÉ / PHILIPPE HUGON - SEPTEMBRE 2011
LES NOTES DE L’IRIS
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facteurs de la crise le surendeement de l’État dé‐
pensier, l’échec des poliques de relance et l’injec‐
on de liquidités, avec, depuis 2008, une croissance
de la dee publique de 30% du PIB dans les pays
de l’OCDE. Elle préconise que le retour aux équili‐
bres s’opère en baissant les dépenses publiques, en
laissant jouer les lois et les sancons du marché, en
évitant le hasard moral, en acceptant les faillites
bancaires et en ajustant les économies, au risque
de casser la croissance et de provoquer des
émeutes sociales. Elle met en avant une relance de
l’offre, selon la célèbre théorie de Schmidt qui veut
que « Les profits d’aujourd’hui font les invessse‐
ments de demain, qui feront les emplois d’après‐
demain ». Elle se réfère au monétarisme selon
lequel la relance par le déficit public génère un en‐
deement qui conduit à une hausse du taux d’in‐
térêt et à un effet d’évicon de l’épargne privée. La
nouvelle économie classique (NEC) a complété
cee analyse crique du Keynésianisme en préco‐
nisant une stabilité des prix et un ancrage des an‐
cipaons d’inflaon. La créaon de l’euro et le rôle
de la Banque centrale européenne, ayant pour ob‐
jecf la lue contre l’inflaon, a été un laboratoire
d’applicaon de la théorie NEC.
Les différentes approches
Selon la nouvelle orthodoxie, les banques ont un
statut spécifique, qui implique, en cas de choc exo‐
gène et de risque élevé, l’intervenon des banques
centrales et du Trésor afin d’éviter les effets domino
et les faillites en cascades, au risque de provoquer
un certain « aléa moral ». Il faut, dès lors, renforcer
les règles micro‐prudenelles (Bâle 1, Bâle 2, Bâle
32). Lorsque les risques d’effets domino sont évités,
il s’agit de revenir à une concurrence porteuse d’in‐
novaons et d’accroître la transparence et les rè‐
glementaons minimales. La queson des risques
bancaires et des règles prudenelles est déconnec‐
tée de la queson monétaire, supposée être du res‐
sort des poliques.
Selon le Keynésianisme, en situaon de sous‐em‐
ploi, la polique macroéconomique budgétaire et
l’injecon de liquidités par les banques centrales,
permeent de relancer l’économie, de financer des
invesssements collecfs et de soutenir la consom‐
maon tout en maintenant des taux d’intérêt bas
qui favorisent le crédit et l’invesssement. Ce key‐
nésianisme qui a fondé les poliques de relance en
2008 a été approfondi par d’autres apports de
Keynes raisonnant en incertude radicale. La fi‐
nance fonconne en asymétrie d’informaon avec
bulle spéculave, exubérance irraonnelle des
marchés, aaques spéculaves pouvant être auto‐
réalisatrices. Les phases ascendantes d’un cycle
conduit généralement à un surendeement entraî‐
nant une crise. Du fait de l’irraonalité des acteurs,
du rôle des rumeurs et des comportements mimé‐
ques, la maîtrise du risque est impossible et l’Etat
doit être le principal réducteur d’incertude. Face
au manque de régulaon des marchés, aux trappes
à liquidité et à la spéculaon, facteur d’instabilité
et d’économie de casino, les poliques monétaires
sont insuffisantes. Il est nécessaire de mere en
place des poliques fiscales et de relance de la de‐
mande via des poliques de dépenses publiques.
En économie ouverte, il importe évidemment de
prendre en compte les interdépendances entre
économies, ainsi que le fait que la relance par les
dépenses publiques peut s’exercer hors des fron‐
ères naonales, et que se pose donc la queson
de la coordinaon des poliques budgétaires. La lo‐
gique spéculave doit ainsi céder la place à une vi‐
sion à long terme de la part des invessseurs.
Les régulaonnistes privilégient une approche de
long terme dotée d’une plus grande épaisseur, à la
fois instuonnelle et polique. Leur analyse est
fondée sur les États‐naons et la pluralité des ca‐
pitalismes naonaux, et considère que la crise ac‐
tuelle, annoncée par des crises secondaires, traduit
l’épuisement d’un régime d’accumulaon et d’un
mode de développement, et que la financiarisaon
du capitalisme peut détruire le capitalisme.
(2) Il s’agit de normes successives rédigées par le Comité de Bale sous l’égide de la Banque des règlements internaonaux pour que les banques disposent de fonds propres
suffisants ou que soient limités les risques hors bilans que représentent les produits dérivés.