Une conversation
pas tout à fait
ordinaire : la langue
de Lagarce
Élisabeth
et Claire
Les relations complexes entre le théâtre et l’oralité posent la double
question de l’imitation, par le texte théâtral, de la « naturalité » des
échanges spontanés, et de la construction par le même texte d’un
référentiel communicable aux spectateurs et dont les personnages,
pour lesquels il est censément partagé, se font néanmoins les porte-
parole. Cette double contrainte du texte de théâtre, magistralement
analysée par Larthomas dans son étude fondatrice sur le langage
dramatique (Larthomas, 1972), conduit à envisager le texte comme
en tension entre deux pôles, celui de la cohérence narrative et celui
de l’oralité représentée. Entre ces pôles, la dramaturgie classique et
le théâtre de situation (farce, comédies de mœurs etc.) semblent
privilégier la cohérence : chez les « grands classiques » de la tragédie
et de la comédie, mais aussi chez des auteurs comme Feydeau,
Anouilh ou plus récemment Obaldia, on a affaire à des conversa-
tions orales très écrites, avec ces morceaux spécifiques au théâtre
que sont les monologues destinés à construire, pour le public, des
ensembles d’informations manquantes, avec le système des apartés
qui manifestent cette recherche de cohérence et le souci d’assurer
la compréhension de l’intrigue. Chez Brecht, malgré les différents
procédés destinés à assurer la distanciation du spectateur par rap-
port au référent construit sur la scène, la recherche de cohérence
est première : s’il importe d’éviter aux spectateurs les pièges de la
Présentation