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La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 231 - mars 1998
e diagnostic de dysphagie “comportementale” est un
diagnostic d’exclusion. La présence d’un contexte
psychiatrique ne doit pas exclure la recherche de
causes organiques. Elle touche préférentiellement les femmes.
La gravité s’échelonne entre la “boule œsophagienne” ou “glo-
bus pharyngis” et la dysphagie totale. Le “globus” (sensation
persistante de la présence d’un corps étranger dans la gorge)
représente 4 % des motifs de consultation en ORL (1).
LA PSYCHOPATHOLOGIE
Dysphagie et trouble anxieux
La dysphagie et/ou le globus sont des expressions fréquentes
de l’anxiété. Les sujets parlent volontiers de “boule dans la
gorge” ou de “boule œsophagienne” qui accompagne les palpi-
tations, la sensation de “souffle coupé”, la gêne thoracique, les
vertiges et autres signes. Cette sensation étant liée à l’anxiété,
elle peut occasionnellement survenir en dehors de tout con-
texte psychopathologique avéré. Toutefois, il peut s’agir de
l’expression paroxystique de l’anxiété dans le cadre d’un
trouble panique (2) ou de l’expression d’une anxiété plus per-
manente dans le cadre d’un trouble anxieux généralisé.
La dysphagie peut se rencontrer également dans le trouble
obsessionnel-compulsif. Dans ce cas, ce symptôme se com-
prend comme une obsession idéative avec phobie de la dégluti-
tion. Le patient rapporte alors ses peurs sous-jacentes : peur
d’une contamination, d’une fausse-route, etc.
Dysphagie et somatisation (conversion hystérique)
La dysphagie et/ou le globus peuvent être le symptôme soma-
tique résultant de la conversion inconsciente d’un conflit intra-
psychique anxiogène : dans la littérature, le globus a souvent
été rapporté sous le terme de “globus hystericus” (3, 4). Dans
ce contexte, la dysphagie fonctionnelle se présente rarement
sous une forme isolée : il faut rechercher d’autres symptômes
de conversion et des éléments anamnestiques caractéristiques.
Il n’est pas rare de retrouver dans la dysphagie-conversion une
“épine irritative” sous-jacente : des arguments somatiques
actuels ou anciens peuvent contribuer à la symptomatologie.
Dysphagie et trouble dépressif
La dysphagie comme somatisation du mal-être psychique se
rencontre également dans le trouble dépressif (5, 6). Là encore,
ce symptôme est rarement isolé et il faut rechercher une symp-
tomatologie dépressive associée : humeur triste, idées suici-
daires, agitation ou ralentissement psycho-moteur, troubles du
sommeil, perte ou gain de poids, etc. Exceptionnellement, la
dysphagie peut s’intégrer à une symptomatologie délirante,
congruente à l’humeur des mélancolies délirantes : l’exemple
est celui du syndrome de Cotard. Le patient ne peut plus man-
ger car il a la conviction délirante de ne plus avoir d’œsophage
ou encore que son œsophage est “bouché”.
Dysphagie et schizophrénie
Le symptôme dysphagique est ici la conséquence directe ou
indirecte d’une construction délirante. Les mécanismes peu-
vent être hallucinatoires, la dysphagie étant la conséquence
directe de sensations cenesthésiques délirantes entravant la
déglutition (sensation de corps étranger, d’un étranglement,
etc.) ou alors la conséquence indirecte d’ordres hallucinatoires
interdisant la prise orale de tout aliment ou liquide.
LA THÉRAPEUTIQUE
L’orientation thérapeutique aura pour objectif de traiter la psy-
chopathologie dont la dysphagie fonctionnelle n’est qu’un des
symptômes.
Dysphagie et trouble anxieux
L’anxiété généralisée et l’anxiété paroxystique répondent bien
aux tranquillisants simples comme les benzodiazépines. En
revanche, les benzodiazépines sont généralement inefficaces
dans la prévention des attaques de panique, indication dans
laquelle les antidépresseurs tricycliques ont prouvé leur effica-
cité. La pathologie obsessionnelle-compulsive, quant à elle,
répond favorablement à des traitements antidépresseurs soit
sérotoninergiques, soit tricycliques souvent à des posologies
hautes. Les benzodiazépines ou les neuroleptiques à faibles
doses peuvent être des traitements d’appoint de l’anxiété. Les
psychothérapies cognitivo-comportementales et les psycho-
thérapies psychanalytiques apportent une aide aux patients.
Dysphagie et somatisation (conversion hystérique)
Le traitement pharmacologique permet quelquefois de corriger
symptomatologie dépressive et anxiété. La compréhension du
malade, de sa situation par rapport à son entourage, de ses
conflits ou frustrations est la première approche thérapeutique.
La dysphagie, expression d’un trouble comportemental
E. Duaux*, G. Saba*, J.P. Olie*
L
*Hôpital Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75014 Paris.
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DYSPHAGIES HAUTES
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La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 231 - mars 1998
La psychothérapie psychanalytique est le traitement de choix
de ce trouble.
Dysphagie et trouble dépressif
Un traitement antidépresseur standard est indiqué. On pré-
fèrera les antidépresseurs plus sédatifs si l’anxiété est au
premier plan (antidépresseurs tricycliques, miansérine, flu-
voxamine, paroxétine, etc.). La mise en place d’une chimiothé-
rapie ne doit pas faire négliger toute la part d’un nécessaire
soutien psychologique.
Dysphagie et schizophrénie
Le traitement est d’abord une chimiothérapie neuroleptique.
Un neuroleptique antihallucinatoire comme l’halopéridol peut
être envisagé. Il faut ensuite examiner ce que doit être la prise
en charge au long cours de ce patient.
CONCLUSION
La dysphagie comme expression d’un trouble comportemental
est un trouble fréquent, qui touche plus volontiers les femmes.
Ce symptôme se retrouve dans différents tableaux psychopa-
thologiques : anxiété, conversion hystérique, dépression ou
schizophrénie. Il est important d’en faire le diagnostic et de
l’intégrer dans la psychopathologie concernée afin de choisir
au mieux une stratégie thérapeutique.
1. Moloy P.J., Charter R. The globus symptom. Arch Otolaryngol Head Neck
Surg 1982 ; 108 : 740-4.
2. Liebowitz M.R. Globus hystericus and panic attacks. Am J Psychiat Letter
1987 ; 144 : 390-1.
3. Wilson J.A., Deary I.J., Maran A.G.D. Is Globus hystericus ? Brit J Psychiat
1988 ; 153 : 335-9.
4. Bovier P., Hilleret H., Tissot R. À propos d’un cas de dysphagie
fonctionnelle. Arch Suisses Neurol Psychiat 1988 ; 139 : 5-12.
5. Deary I.J., Wilson J.A., Kelly S.W. Globus pharyngis, personnality, and
psychological distress in the general population. Psychosomatics 1995 ; 36 :
570-7.
6. Ravich W.J., Wilson R.S., Jones B., Donner M.W. Psychogenic dysphagia
and globus : reevaluation of 23 patients. Dysphagia 19 ; 4 : 35-8.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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