Revue Médicale Suisse
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20 février 2013 435
1 La thuyone (C10H16O) est une cétone monoterpénique
qui provoque des sensations de désinhibition et, à for tes
doses, des hallucinations. On distingue l’α et la b
thuyone, la première étant la plus toxique. Toutes deux
sont psentes dans l’armoise et l’absinthe. Leur con-
centration dans cette dernière – du moins telle qu’elle
est commercialie – est limitée à 35 mg/litre, ce qui
semble nettement inférieur au seuil au-delà duquel les
effets désinhibiteurs et hallucinogènes (parfois recher-
chés) commencent à apparaître.
Madame Gobet* na pas de peine à avaler
les aléas de lexistence. Sa dysphagie aux
solides est essentiellement mécanique,
spon tanément pathologique dans un pre-
mier temps, «cadeau» iatrogène dans un
deuxième.
Le bilan complet avait conclu à une lésion
tumorale circonscrite en dysplasie de haut
grade, non infiltrante et non disséminée du
tiers supérieur de l’œsophage, à la portée
d’un traitement endoscopique non invasif.
Depuis qu’un deuxième avis chi rur-
gical a été demandé, les trou bles
sont pires qu’auparavant, consé-
quence d’une sténose anastomo-
tique serrée ; se méfiant des faux-
négatifs écho-endoscopiques et
selon le principe de précaution, le
chirurgien a opté pour une résec-
tion chirurgicale oncologique. La pa-
tiente a fait confiance… L’absence
de cancer est confirmée. Mainte-
nant, la dysphagie frise lapha gie,
les régurgitations pénibles, sou-
vent insomniantes pourrissent les
bronches et l’existence de Mada me
Gobet, dautant plus que la sténo se
résiste obstinément aux diverses tentatives
de corrections endoscopiques. Il faudra pro-
bablement se résoudre à une seconde inter-
vention et la patiente a préféré un autre o-
rateur.
La situation est pénible pour la malade et
me «reste sur lestomac» ; le pylore peine à
s’ouvrir au débat. La manière plutôt orientée
dont j’ai dépeint cette histoire évoque bien
mon désaccord avec la décision prise par le
chirurgien. Mais n’est-on pas toujours plus
intelligent a posteriori ? La volonté peut-être
un peu présomptueuse doffrir le mieux sur
le plan vital plutôt qu’un activisme numismate
a probablement été le moteur de sa contre-
attitude. C’était donc pour le bien de la pa-
tiente, lui «sauver» la vie quitte à en gâcher la
qualité. Interpeller le collègue ou ne pas le
faire, telle est la question. Je ne l’ai pas fait.
Et vous, seriez-vous restés de marbre ? De
fait, nous sommes souvent compliqués dans
nos relations. Je n’ai jamais reçu de feed-
back de ce type et pourtant je suis bien cer-
tain que ma carrière n’a pas toujours été
exempte de choix discutables. Ici, je m’ima-
gine à la place du collègue dont je devrais
contester l’attitude, car de la remarque au
grief et jusqu’au jugement il y a un continuum
fragile qui exprime nos vulnérabilités réci-
proques à la critique. Qui suis-je pour juger
alors que le risque d’erreur nous pend au nez
quotidiennement ? Comment être vrai sans
juger, comment recevoir une vérité sans se
sentir jugé ? Insécurité maladive ? Amour-
propre mal placé ? Projections chez l’autre
d’un malaise égotique ? Pusillanimité ? Un
peu plus d’humilité, de simplicité et moins
d’ego seraient incontestablement tout béné-
fice pour notre pratique, notre formation
continue informelle et donc pour la prise en
charge de nos patients.
Hum, cette page a pris des airs de confi-
dences sur le divan de lanalyste, en espérant
que ce dernier soit resté dans la présence
attentive qu’il se doit et non dans le jugement.
Un psychanalyste écoute… ou s’endort. Si
vous avez lu cette dernière sentence, c’est
que vous n’avez pas dormi. Merci !
«Lorsque donc quelqu’un te met en co-
lère, sache que c’est ton jugement qui te
met en colère.»
(Epictète
)
* Nom fictif
carte blanche
Dr Alain Frei
Gastroentérologie FMH
30, avenue Louis Ruchonnet
1003 Lausanne
alain.frei@hin.ch
De la dysphagie du patient à la
gastroparésie médicale
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