ECOLE NATIONALE VETERINAIRE DE LYON Année 2005 - Thèse n° APPORT DES TECHNIQUES DE REPRODUCTION ASSISTEE DANS LE CADRE DE LA CONSERVATION DES EQUIDES SAUVAGES : L’EXEMPLE DU TRANSFERT D’EMBRYONS INTERSPECIFIQUE THESE Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I (Médecine - Pharmacie) et soutenue publiquement le 16 septembre 2005 pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire par Ecuer Emilie Née le 20 juillet 1980 au Port (Ile de la Réunion) 2 3 4 A Monsieur le Professeur Guérin De la Faculté de Médecine Lyon-Sud Notre Président de Thèse, Qui nous a fait l’honneur de présider notre jury de thèse, Nous lui adressons nos respectueux hommages. A Monsieur le Docteur Martinot Directeur de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon Notre Maître de thèse, Qui nous a fait l’honneur d’accepter d’encadrer ce travail, Pour la confiance qu’il nous a accordé, Qu’il veuille bien trouver ici l’expression de notre profonde gratitude. A Madame le Professeur Rachail-Bretin De l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon Notre deuxième Assesseur, Qui nous a fait l’honneur de participer à notre jury de thèse, Pour avoir accepté de juger ce travail, Qu’elle trouve ici l’expression de notre profonde reconnaissance. A Monsieur le Professeur Allen Pour sa gentillesse et son aide précieuse, Sincères remerciements. 5 6 A ma mère, Pour avoir toujours cru en moi, Pour m’avoir permis d’arriver jusqu’ici, Pour ton soutien et ta patience tout au long de ce parcours, En témoignage de tout mon amour, Merci pour tout... A Léo et Odile, Pour votre amour des chats, Pour votre gentillesse et le réconfort que vous m’avez toujours apporté, Avec toute mon affection. A Luc, Pour tous les services que tu m’as rendus, Pour ta bonne humeur et toutes tes petites blagues, Merci. 7 8 A Annie, Pour m’avoir présenté Griselda et Wagoo, Et pour tous tes petits thés, Merci pour cette complicité indéfectible, Tu resteras toujours une mère pour moi. A Sandrine, Et ces cinq années passées ensemble, A notre amitié qui m’est si chère, entre tempête et beau fixe, Puissent nos chemins ne pas rester séparés trop longtemps. A Béton, Notre Maître à tous, En souvenir de nos petites discussions françaises ou québécoises qui furent si réconfortantes, See you soon my dear friend. A mon p’tit Juju, Tu fais partie de ces personnes sur lesquelles on peut toujours compter, Merci pour ton soutien sans failles. A Fifi, Pour ta sincérité et ta lucidité, Que notre amitié grandisse encore. A Hervé, Fanny, Céline, Freek, Nathalie, Agnès, Maëlle, Bertrand, Pin, Blick, Brasse, A toutes ces soirées d’ici et d’ailleurs, ces fous rires inoubliables et ces années trop vites passées, Parce que sans vous rien n’aurait été pareil. A Pignon, Et toutes les vaches de la Franche-Comté, Pour tous ces moments partagés. 9 10 A Héloïse, Pour ces six mois de colocation fort sympathiques, A deux le Québec c’était quand même mieux. A Boro, Mon fils chéri, Et à tous les enfants et parents de notre groupe de clinique, En souvenir de ces matinées en clinique. Aux internes d’équine RHC, A ces débuts prometteurs, En espérant que cette bonne humeur nous portera tout au long de cette année. A Arnaud, Mon ex-beau coloc, Pour ton calme olympien, ton scanner et ta gentillesse. A Anne-Claire, En souvenir de ces deux ans de prépa, Et de nos petits repas. A Stéphanie Lerouge et Chantal Masse, Pour vos sourires chaleureux et votre aide si spontanée. Aux Drs Marc Raynaud, Thyl Van de Velde et Sylvain Brosse, Pour tout ce que vous m’avez appris, Et pour m’avoir fait partagé l’amour de ce métier, Merci. A Kali, Tasman et Hermance, Parce qu’il y a des choses qui ne se partagent pas… 11 12 A Clément, Pour cette petite lumière que tu as su faire naître, Parce que sans ton aide tout aurait été plus difficile, Pour la patience et la compréhension dont tu sais faire preuve, Pour tout ce que nous avons déjà partagé et surtout tout ce qui reste à venir, A notre nouvelle vie, ensemble… 13 14 TABLE DES MATIÈRES I. MISE EN ŒUVRE DES PROGRAMMES DE REPRODUCTION ASSISTEE POUR LA CONSERVATION DES EQUIDES SAUVAGES .................. 21 A. Etat des lieux chez les équidés sauvages .................................................................................... 21 1. 2. 3. B. Le cheval .................................................................................................................................. 22 Les ânes .................................................................................................................................... 23 Les zèbres ................................................................................................................................. 26 Les techniques de reproduction assistée.................................................................................... 30 1. 2. 3. 4. Nécessité de l’utilisation de ces techniques.............................................................................. 30 Les limites des programmes traditionnels d’élevage en captivité............................................. 31 Les objectifs des programmes de reproduction assistée ........................................................... 34 Les différentes techniques utilisées .......................................................................................... 38 II. ETUDE PRELIMINAIRE CHEZ LES EQUIDES DOMESTIQUES........... 46 A. Rappels concernant le cheval ..................................................................................................... 46 1. 2. B. Le transfert d’embryons chez le cheval .................................................................................... 46 La formation des cupules endométriales chez la jument .......................................................... 60 Les transferts d’embryons interspécifiques chez les équidés domestiques............................. 79 1. 2. 3. 4. 5. 6. Les transferts interspécifiques d’embryons d’hybrides d’équidés............................................ 80 Les transferts interspécifiques d’embryons entre l’âne et le cheval ......................................... 81 Expression des antigènes du CMH par les cupules endométriales ........................................... 93 Expression des antigènes par le trophoblaste normal ............................................................... 95 Effets du génotype fœtal et de l’environnement utérin sur le développement placentaire ....... 99 Le transfert d’embryons de cheval et d’âne chez la mule....................................................... 102 III. LES TRANSFERTS D’EMBRYONS INTERSPECIFIQUES CHEZ LES EQUIDES SAUVAGES .......................................................................................... 107 A. Transfert non chirurgical d’embryons de zèbres à des juments domestiques ..................... 108 1. 2. 3. 4. B. Animaux utilisés pour l’expérience ........................................................................................ 108 Récolte des embryons et transfert........................................................................................... 108 Gestation et parturition ........................................................................................................... 109 Conclusion.............................................................................................................................. 110 Transferts d’embryons d’équidés sauvages à des juments et ânesses domestiques............. 110 1. 2. 3. Matériel et méthode................................................................................................................ 111 Résultats ................................................................................................................................. 115 Discussion .............................................................................................................................. 123 15 IV. DIFFICULTES D’UTILISATION ET PERSPECTIVES DES TECHNIQUES DE REPRODUCTION ASSISTEE CHEZ LES EQUIDES SAUVAGES ....................... ............................................................................................................... 130 A. Facteurs limitants et inconvénients de ces techniques............................................................ 130 1. 2. 3. 4. B. Applications futures .................................................................................................................. 137 1. 2. 16 Variabilité de la reproduction d’un point de vue physiologique, anatomique et comportemental ................................................................................................................................................ 131 Echec de la mise en place de la gestation ............................................................................... 133 Faible nombre d’individus disponibles................................................................................... 133 Règlements et supports institutionnels ................................................................................... 135 Etude du contenu génétique des gamètes et embryons........................................................... 137 Clonage et conservation des espèces ...................................................................................... 138 TABLE DES FIGURES Figure 1 : Chevaux de Przewalski, d’après Terra Nova (2005a) 22 Figure 2 : Ane sauvage africain, d’après Terra Nova (2005a) 23 Figure 3 : Anes sauvages d’Asie, d’après Terra Nova (2005a) 24 Figure 4 : Zèbres de Grévy, d’après Terra Nova (2005b) 26 Figure 5 : Zèbres des plaines, d’après Terra Nova (2005b) 27 Figure 6 : Zèbres de montagne, d’après Terra Nova (2005b) 28 Figure 7 : Variation des concentrations de gonadotrophines (FSH et LH) et des hormones stéroïdiennes dans le sang de la jument durant le cycle œstral, d’après Allen (1982a) 48 Figure 8 : Représentation schématique de la procédure de récolte d’embryons, d’après Vanderwall (2000) 53 Figure 9 : Blastocyste mature équin, embryon de qualité grade 1, d’après Vanderwall (1996) 54 Figure 10 : Blastocyste mature équin, embryon de qualité grade 2, d’après Vanderwall (1996) 54 Figure 11 : Blastocyste mature équin, embryon de qualité grade 3, d’après Vanderwall (1996) 55 Figure 12 : Blastocyste mature équin, embryon de qualité grade 4, d’après Vanderwall (1996) 55 Figure 13 : Représentation schématique de la cinétique du développement des cupules endométriales, d’après Allen et Short (1997) (avec permission) 64 Figure 14 : Représentation schématique de l’histogenèse des cupules endométriales, d’après Allen (1973) 66 Figure 15 : Réponse immunitaire à médiation cellulaire exprimée par la jument vis-à-vis des composantes invasives et non-invasives du trophoblaste intraspécifique de cheval, d’après Allen et al. (1987) (avec permission) 67 Figure 16 : Comparaison de la taille et de l’apparence histologique des cupules endométriales et des concentrations de PMSG sérique chez les juments et ânesses portant respectivement des conceptus normaux de cheval et d’âne et des conceptus hybrides de mule et de bardot, d’après Allen (1982b) 71 Figure 17 : Anesse receveuse et son poulain issu de transfert d’embryon interspécifique (photographie aimablement prêtée par le Dr W.R. Allen) 82 Figure 18 : Conceptus interspécifique d’âne chez le cheval avorté à J87 de gestation, d’après Allen et al. (1987) (avec permission). 85 Figure 19 : Jument receveuse et son ânon issu du transfert d’embryon interspécifique (photographie aimablement prêtée par le Dr W.R. Allen) 87 Figure 20 : Coupes histologiques de l’interface allantochorion-endomètre chez (a) une jument portant un conceptus intraspécifique viable de cheval à J85, et (b) une jument portant un conceptus interspécifique d’âne à J82, d’après Allen (1992) (avec permission) 90 Figure 21 : Mule et son poulain né après transfert d’embryon (photographie aimablement prêtée par le Dr Allen) 103 Figure 22 : Mule et son ânon né après transfert d’embryon (photographie aimablement prêtée par le Dr Allen) 104 Figure 23 : Une des femelles zèbre de Grant utilisée comme donneuse d’embryons, d’après Kydd et al. (1985). 111 Figure 24 : L’étalon de Przewalski de 12 ans utilisé durant la seconde année de l’étude, d’après Kydd et al. (1985). 111 Figure 25 : Pouliche de Przewalski née après transfert d’embryon à une jument receveuse (photographie aimablement prêtée par le Dr W.R. Allen) 118 Figure 26 : Pouliche zèbre (a) née après le transfert d’un blastocyste mature à J8 (b) à une ponette welsh receveuse, d’après Summers et al. (1987) (avec permission) 119 Figure 27 : Foal zèbre de Grant né prématurément d’une ânesse à 292 jours de gestation et son placenta, d’après Kydd et al. (1985) 120 Figure 28 : Ponette et sa pouliche zèbre qui vient de naître (photographie aimablement prêtée par le Dr Allen) 121 Figure 29 : Ponettes receveuses et leur petit (ânon, zèbre et poulain de Przewalski) issu du transfert interspécifique (photographie aimablement prêtée par le Dr Allen) 124 17 TABLE DES TABLEAUX Tableau 1 : Facteurs démographiques et stochastiques qui peuvent réduire la taille d’une population animale, d’après Bainbridge et Jabbour (1998). ............................................................................. 36 Tableau 2 : Diamètre des embryons équins récolté dans la lumière utérine, d’après Vanderwall (2000)................................................................................................................................................... 52 Tableau 3: Effet de l’âge de l’embryon équin sur le taux de récupération, d’après Vanderwall (2000) .............................................................................................................................................................. 52 Tableau 4 : Traitements endocrinologiques administrés aux juments portant des conceptus interspécifiques d’ânes, d’après Allen et al. (1987). ........................................................................ 86 Tableau 5 : Traitements immunologiques administrés aux juments portant des conceptus d’ânes et expression des aspects immunoprotecteur et cytotoxique (rejet) de la mémoire immunitaire maternelle lors des gestations suivantes, d’après Allen et al. (1987).............................................. 92 Tableau 6 : Modèle théorique du contrôle du développement endométrial lors des gestations chez les Equidés d’après Allen et al. (1993) ................................................................................................. 100 Tableau 7 : Taux de récupération non-chirurgicale des embryons d’après Kydd et al. (1985) ......... 115 Tableau 8 : Relation entre le stade de récolte et le diamètre des embryons de cheval de Przewalski et de zèbre de Grant d’après Summers et al. (1987) ......................................................................... 116 Tableau 9 : Taux de gestation après transfert d’embryons de cheval de Przewalski et de zèbre de Grant à des juments et ânesses receveuses d’après Summers et al. (1987) et Hearn et Summers (1986)................................................................................................................................................. 117 Tableau 10 : Profils de la sécrétion de PMSG chez les juments, ânesse et zèbres portant des conceptus inter- et intraspécifiques, d’après Summers et al. (1987). ............................................................ 122 Tableau 11 : Développement d’anticorps lymphocytotoxiques chez les ânesses et juments receveuses portant des conceptus de cheval de Przewalski ou de zèbre, d’après Summers et al. (1987). ... 123 Tableau 12 : Développement des cupules endométriales et survie fœtale lors de gestations intraspécifiques, hybrides et interspécifiques chez les Equidés, d’après Allen et al. (1987)...... 127 18 19 INTRODUCTION Les techniques de reproduction assistée sont actuellement déjà largement utilisées chez le cheval domestique et les recherches dans ce domaine et celui plus général de la reproduction se poursuivent afin de généraliser et faciliter leur utilisation. Le transfert d’embryon chez la jument a ainsi connu un essor considérable ces dernières années. L’intérêt porté par le grand public, mais également par les scientifiques, à la préservation des espèces sauvages s’est, lui aussi, accru et la nécessité de mettre en place des mesures permettant de maintenir au mieux la diversité des espèces apparaît aujourd’hui comme une priorité. Le succès des techniques de reproduction assistée chez les animaux domestiques a permis d’envisager leur utilisation chez les animaux sauvages. Parmi ces animaux ceux qui possèdent une ou plusieurs espèces domestiques proches, comme c’est le cas pour les équidés sauvages, sont les meilleurs candidats à l’application des techniques de reproduction assistée. Nous envisagerons donc dans une première partie l’intérêt que peuvent présenter les programmes de reproduction assistée pour la préservation des équidés sauvages et les moyens de leur mise en œuvre. Ceci sera précédé d’un indispensable inventaire des espèces d’équidés sauvages et de leur statut. La seconde partie constitue une étude des transferts d’embryons intraspécifiques et interspécifiques chez les équidés domestiques afin de mettre en place les bases nécessaires à la compréhension de la technique de transfert interspécifique. Dans un troisième temps nous détaillerons la technique du transfert d’embryons interspécifique chez les équidés sauvages, technique à laquelle nous avons choisi de nous intéresser plus particulièrement. Enfin nous reviendrons sur les différentes techniques de reproduction assistée en évaluant les limites et les inconvénients posés par leur mise en œuvre pratique, dans le cadre de programmes d’élevage chez les équidés sauvages, tout en envisageant de nouvelles techniques utilisables dans le futur. 20 I. Mise en œuvre des programmes de reproduction assistée pour la conservation des équidés sauvages La pression de sélection, qui pèse sur tous les être vivants, a abouti à la formation de milliers d’espèces différentes de Mammifères, chacune possédant son propre bagage génétique et chacune étant adaptée à son environnement. L’extinction des espèces fait partie du processus naturel de l’évolution et est inévitable. (Comizzoli et al., 2000) Cependant, les activités de la population humaine, en nombre toujours croissant, sont à l’origine d’un processus d’extinction mondial très rapide de très nombreuses espèces animales. (Bainbridge et Jabbour, 1998) Ainsi, durant les 200 dernières années, plus de 50 espèces de Mammifères se sont éteintes et plus de 200 sont actuellement reconnues comme menacées d’extinction par la “Convention on International Trade in Endangered Species” (CITES). (Loskutoff et Betteridge, 1992) Les milieux de vie de nombreuses espèces sont réduits et fragmentés et, dans certains cas ces espèces se sont réduites à de très petites populations fortement menacées. Les conséquences néfastes d’un point de vue génétique de ces restrictions sont évidentes. Un intérêt croissant est donc porté au concept de gestion génétique ex situ des petites populations captives d’espèces menacées en vue de leur réintroduction à l’état sauvage. (Bainbridge et Jabbour, 1998) Enfin, les risques de blessures ou de mort sont très importants lors du transport d’animaux vivants. De plus, les coûts de transport et de quarantaine sont des facteurs qui limitent largement les possibilités des plans d’élevage traditionnels. (Durrant et Benirschke, 1981) Les techniques modernes de reproduction assistée ont donc un rôle très important à jouer dans la mise en œuvre de ces programmes. (Bainbridge et Jabbour, 1998) Dans cette partie, nous ferons tout d’abord un état des lieux afin de connaître le statut des différentes espèces d’équidés sauvages. Nous aborderons ensuite les techniques de reproduction assistée qui sont actuellement disponibles. A. Etat des lieux chez les équidés sauvages Les Equidés appartiennent à l’ordre des Périssodactyles qui comprend également les rhinocéros d’Asie et d’Afrique et les tapirs d’Asie et d’Amérique du Sud. (Short, 1975) 21 Les Périssodactyles, tout comme les Artiodactyles, sont particulièrement concernés par les techniques de reproduction assistée car ils comptent des représentants domestiques chez lesquels ces techniques sont déjà appliquées. (Wildt et al., 1986) Beaucoup d’équidés sauvages sont menacés d’extinction. Ceci résulte principalement de la restriction des habitats naturels, du morcellement des populations et des croisements avec les espèces d’équidés domestiques. (Meintjes et al., 1997) On distingue actuellement sept espèces d’équidés sauvages, ainsi que deux espèces éteintes, limitées aux continents africain et asiatique. (Short, 1975) 1. Le cheval Le cheval de Przewalski (E. ferus przewalskii) (Figure 1) est la seule espèce survivante de cheval sauvage. Les vastes plaines de Mongolie constituaient son habitat d’origine. (Walker, 1975) Le dernier représentant sauvage, un étalon solitaire a disparu en 1969. (Moehlman, 2002) Figure 1 : Chevaux de Przewalski, d’après Terra Nova (2005a) Les raisons de ce déclin sont la chasse, les activités militaires et l’augmentation de l’utilisation humaine de l’habitat. L’espèce est maintenant éteinte à l’état sauvage selon la Liste Rouge de l’IUCN et survit grâce à l’élevage en captivité. Elle est également en Annexe I de la CITES. On considère qu’environ 1 500 individus sont conservés en captivité, un certain nombre d’entre eux n’étant pas génétiquement purs puisque descendants de croisements avec des chevaux domestiques. 22 Des populations ont été réintroduites récemment en Mongolie. Quatre projets ont également permis d’implanter des populations en dehors de leur habitat d’origine, en France, en Ouzbékistan, en Hongrie et en Ukraine. Les techniques modernes sont largement utilisées chez le cheval de Przewalski afin de gérer la diversité génétique de l’espèce. (Moehlman, 2002) Le tarpan était une autre espèce de cheval sauvage mais il est désormais éteint. Il occupait une grande partie de l’Europe et certaines régions d’Asie. (Walker, 1975) 2. Les ânes a) L’âne sauvage africain L’âne sauvage africain (E. africanus) (Figure 2) est originaire d’Afrique du Nord. (Short, 1975) Il est considéré comme sévèrement en danger par la Liste rouge de l’IUCN. (Moehlman, 2002) Figure 2 : Ane sauvage africain, d’après Terra Nova (2005a) On reconnaît deux sous-espèces principales : nubienne (E. africanus africanus) et somalienne (E. africanus somaliensis). Un petit nombre persiste à l’état sauvage, bien que des croisements aient eu lieu avec des ânes domestiques retournés à l’état sauvage. (Short, 1975) 23 Les principales menaces qui pèsent sur cette espèce sont la chasse (pour sa viande mais aussi à but médicinal), la compétition avec le bétail pour la végétation et l’eau ainsi que de possibles croisements avec l’âne domestique. (Moehlman, 2002) Ce dernier a certainement pour origine l’âne sauvage nubien. (Short, 1975) Des études sont menées pour améliorer les connaissances concernant la taille des populations, la reproduction et l’habitat. Des échantillons de matières fécales sont prélevés afin de mieux connaître la diversité génétique de cette espèce et savoir si des croisements ont eu lieu avec des ânes domestiques. (Moehlman, 2002) b) L’âne sauvage d’Asie L’âne sauvage d’Asie ou hémione (E. hemionus, 2n = 54) (Figure 3) est, morphologiquement, un intermédiaire entre le cheval et l’âne. (Short, 1975) On le retrouve de la Mongolie à la Syrie. (Walker, 1975) Figure 3 : Anes sauvages d’Asie, d’après Terra Nova (2005a) Le variant le plus connu est l’onagre de Perse (E. hemionus onager) qui a été domestiqué par les Sumériens de Mésopotamie. (Short, 1975) Les autres sous-espèces sont le khulan de Mongolie (E. hemionus hemionus) et de Gobi (E. hemionus luteus), dont on suppose qu’ils appartiennent en fait à la même sous-espèce, le koulan (E. hemionus kulan), l’âne sauvage indien du Rann de Kutch ou khur (E. hemionus khur) et l’âne sauvage syrien (E. hemionus hemippus) qui est éteint depuis 1927. (Moehlman, 2002) 24 Sur la Liste Rouge de l’IUCN, l’onagre et le koulan sont considérés comme sévèrement en danger, l’âne sauvage indien est en danger et le khulan de Mongolie et de Gobi est vulnérable. Pour ce qui est de la CITES, le khulan de Mongolie et de Gobi ainsi que l’âne sauvage indien sont en Annexe I tandis que le koulan et l’onagre sont en Annexe II. L’âne sauvage d’Asie a fait l’objet de nombreuses réintroductions dans le but de sa conservation, le succès de ces mesures a été variable. Environ 150 ânes sauvages d’Asie sont détenus en captivité, il s’agit majoritairement d’onagres ou de koulans. Il est important de souligner que de nombreux zoos ne possèdent qu’un seul animal. Cette espèce est principalement menacée par le braconnage pour la viande, le surpaturage et la compétition pour l’eau. L’isolement géographique qui existe entre les différentes populations est également à prendre en compte. Le khur est le plus menacé par l’augmentation des activités humaines. (Moehlman, 2002) c) Le kiang Le kiang (E. kiang) était considéré jusqu’à récemment comme une sous-espèce de l’hémione mais des analyses moléculaires ont permis de le définir comme une espèce distincte. Il est représenté par trois sous-espèces définies en fonction de leur répartition géographique (E. kiang holdereri, E. k. polyodon et E. k. kiang ). Cette espèce est considérée à faible risque par la Liste Rouge de l’IUCN bien que celle-ci souligne un manque de données. Elle est placée en Annexe II par la CITES. La population est évaluée a 60 000 à 70 000 individus qui se répartissent sur un vaste territoire en Asie (Chine, Pakistan, Népal, Inde et peut-être le Bhutan). Les trois sous-espèces occupent le Plateau Tibétain. Moins de 100 individus sont répertoriés en captivité et ils appartiennent à une seule des sous-espèces. Aucune information n’existe en ce qui concerne les individus des deux autres sous-espèces bien que des parcs zoologiques chinois soient susceptibles d’en posséder. (Moehlman, 2002) 25 3. Les zèbres a) Le zèbre de Grévy Le zèbre de Grévy (E . grevyi, 2n = 46) (Figure 4) est originaire de Somalie et du nord du Kenya. (Short, 1975) On le trouve actuellement en Ethiopie, au Kenya et au Soudan. Figure 4 : Zèbres de Grévy, d’après Terra Nova (2005b) Il est considéré comme en danger selon la Liste Rouge de l’IUCN et est placé en annexe I par la CITES. La population totale est estimée à 3 000 à 3 500 individus alors qu’elle s’élevait à 15 000 individus dans les années 70. (Moehlman, 2002) Son ancien nom de zèbre Impérial donne une idée de sa beauté. On le différencie facilement des autres zèbres par le dessin de ses rayures et ses grandes oreilles. Il présente une quinzaine de rayures sur chaque flanc, qui épargnent le ventre blanc. (Short, 1975) De nombreuses menaces pèsent sur cette espèce. Tout d’abord la diminution des sources d’eau disponibles, la dégradation et la perte des habitats, la compétition avec les espèces domestiques, le tourisme, la chasse et le commerce d’animaux vivants. La population totale des animaux captifs s’élève à 600 zèbres, ce qui est considéré comme largement suffisant pour maintenir la diversité génétique. Dans le cas où la diversité 26 génétique devrait être augmentée, il est envisagé d’utiliser la semence congelée d’étalons sauvages. (Moehlman, 2002) b) Le zèbre des plaines On retrouve le zèbre des plaines ou zèbre commun (E. burchelli, 2n = 44) (Figure 5) du Kenya jusqu’au Cap. (Short, 1975) Jusqu’à il y a 15 ans on trouvait le zèbre des plaines dans presque tous les pays de l’est, du sud et du sud-ouest de l’Afrique. Il a depuis disparu de nombreuses régions, bien qu’il soit aujourd’hui l’équidé sauvage le plus répandu et le plus abondant. (Moehlman, 2002) Figure 5 : Zèbres des plaines, d’après Terra Nova (2005b) La taxinomie du zèbre des plaines n’a pas encore été totalement élucidée sur une base génétique et il n’existe pas de consensus entre les différentes taxinomies traditionnelles. L’IUCN définit six sous-espèces : zèbre de Grant (E. burchelli boehmi), de Crawshay (E. burchelli crawshayi), Upper Zambezi (E. burchelli zembeziensis), de Chapman (E. burchelli chapmanni), Damara (E. burchelli antiquorum) et de Burchell (E. burchelli burchellii). De manière générale, le zèbre des plaines n’est pas considéré comme étant en danger par la Liste Rouge de l’IUCN. Bien qu’il existe un manque de données pour certaines sous-espèces il est inscrit sous la dénomination faible risque. Cependant le zèbre de Burchell est considéré comme éteint. Le zèbre des plaines n’est pas inscrit dans les Annexes de la CITES. 27 La population du zèbre des plaines s’élève à plus de 600 000 individus mais celle-ci est représentée à 75% par des zèbres de Grant. Plus de 1 000 individus sont maintenus en captivité mais il s’agit principalement de zèbres de Grant et Damara. Aucun zèbre de Crawshay ou Upper Zembezi ne semble être conservé en captivité. (Moehlman, 2002) Toutes ces sous-espèces présentent 5 ou 6 rayures sur le flanc, bien qu’une grande variabilité existe dans l’incidence de bandes plus claires. (Short, 1975) Il semble que du nord au sud, entre les différentes sous-espèces, la largeur des rayures diminue, de même que la surface du corps couverte par ces rayures alors que les bandes plus claires deviennent plus fréquentes. De même, la taille des animaux diminue du nord au sud. Cette espèce est principalement menacée par la perte de son habitat et par la chasse. (Moehlman, 2002) c) Le zèbres de montagne Le zèbre de montagne (E. zebra, 2n = 32) (Figure 6) se limite maintenant au sud-ouest de l’Afrique. (Short, 1975) Il existe deux sous-espèces, le zèbre de Hartmann (E. zebra hartmannae) (Short, 1975) et le zèbre du Cap (E. zebra zebra) qui est endémique en Afrique du Sud (Skinner, 1985). Figure 6 : Zèbres de montagne, d’après Terra Nova (2005b) Actuellement, le zèbre de montagne est considéré comme en danger par la Liste Rouge de l’IUCN. Le zèbre de Hartmann est placé en Annexe II de la CITES tandis que le zèbre du 28 Cap est placé en Annexe I. On suspecte que la population a diminué d’au moins 50% en dix ans, soit trois générations. (Moehlman, 2002) Historiquement, le zèbre du Cap occupait une vaste zone des montagnes du Cap, cependant en 1936 il ne subsistait que 50 individus dans des régions montagneuses inaccessibles. (Short, 1975) Il avait été décimé principalement en raison de la chasse et la perte d’habitat due à l’agriculture. (Moehlman, 2002) La création du Parc national du Zèbre de Montagne en 1937 a permis de réaugmenter les effectifs. La population s’élevait ainsi à 235 animaux en 1984, 35 zèbres ayant servi à repeupler d’autres zones que celle de la Province du Cap. (Skinner, 1985) Les effectifs ont continué d’augmenter graduellement depuis et on atteint maintenant plus de 1 200 animaux. Cependant un grand nombre d’entre eux sont détenus dans des fermes privées. (Moehlman, 2002) Les principales menaces qui pèsent sur la survie du zèbre de montagne incluent les risques de croisements entre les deux sous-espèces (avec la perte de diversité génétique qui en résulterait), la sécheresse, et le nombre relativement faible d’individus sauvages, ce qui signifie que la perte d’une seule population pourrait réduire la population totale d’environ 30%. (Moehlman, 2002) Le zèbre de montagne est facilement identifiable par rapport aux deux autres espèces par ses rayures transverses formant un grillage à la base de la queue et par un nombre intermédiaire (environ douze) de rayures sur les flancs. (Short, 1975) d) Le quagga Le quagga (E. quagga) parcourait autrefois la Colonie du Cap en immenses troupeaux mais il a été totalement exterminé au cours du siècle dernier. Il ne possédait aucune rayure sur le train postérieur. (Short, 1975) Cette espèce est considérée comme éteinte depuis 1878. (Skinner, 1985) Suite à des analyses de l’ADN mitochondrial ainsi que des analyses immunologiques, le quagga est considéré par certains comme une sous-espèce de zèbre des plaines. Cependant ces analyses ne portaient que sur un faible nombre de paires de bases et les études anatomiques laissent penser qu’il s’agirait plutôt d’une espèce à part entière. (Moehlman, 2002) 29 B. Les techniques de reproduction assistée Nous allons voir tout d’abord en quoi l’utilisation de ces techniques semble indispensable actuellement. Puis nous envisagerons les limites des programmes traditionnels d’élevage en captivité ainsi que les objectifs des programmes de reproduction assistée. Enfin, nous aborderons les différentes techniques utilisées. 1. Nécessité de l’utilisation de ces techniques L’examen de données, telles que la liste rouge de l’IUCN (The Red List Consortium, 2005), confirme qu’un nombre immense d’espèces de Mammifères sont en danger ou menacées d’extinction dans tous les habitats de par le monde. Les menaces qui pèsent sur ces espèces sont diverses et souvent multifactorielles. Dans certains cas, des influences néfastes, telles que la chasse ou l’introduction d’un prédateur non indigène ou d’une espèce en compétition directe, s’exercent sur une seule espèce, mais dans la plupart des cas la menace concerne la destruction d’écosystèmes dans leur ensemble suite à l’empiétement humain et à la pollution. (Bainbridge et Jabbour, 1998) Le problème se pose donc de l’intérêt de sauvegarder une espèce en particulier s’il est peu probable qu’elle puisse être réintroduite dans son habitat sauvage. Ainsi, les techniques de gestion de la reproduction utilisées en captivité doivent toujours être considérées dans un contexte plus large de conservation de l’environnement. (Bainbridge et Jabbour, 1998) La conservation des espèces animales a ainsi pour but de maintenir la biodiversité car la disparition d’une seule espèce animale peut affecter le fonctionnement d’un écosystème dans son ensemble. (Comizzoli et al., 2000) Une espèce est considérée comme en danger quand sa survie à l’état sauvage est peu probable si les facteurs à l’origine de sa diminution sont maintenus. Les populations dites menacées peuvent être éteintes à l’état sauvage et sont composées de moins de 50 animaux maintenus en captivité. Ainsi, la conservation ex situ a pour but d’établir une population captive viable permettant une éventuelle réintroduction et la cryoconservation des ressources génétiques animales. (Comizzoli et al., 2000) 30 La gestion génétique des populations devrait désormais être mise en œuvre le plus tôt possible plutôt que le plus tard possible comme cela a été fait jusqu’à maintenant. En effet, pour être efficaces ces programmes doivent être mis en place avant que les populations aient totalement décliné et que les espèces soient génétiquement “non-viables”. (Bainbridge et Jabbour, 1998) En effet, lorsque les populations captives ne peuvent être fondées qu’avec une ou deux paires d’individus restants, même si ce groupe est viable socialement et que les individus commencent à se reproduire, les problèmes d’ordre génétique ne peuvent être évités. La variabilité génétique est tellement limitée que ces individus ne peuvent être considérés comme représentatifs de l’espèce, l’adaptation aux changements environnementaux n’est plus possible. (Kear, 1976) La variabilité génétique de la population fondatrice utilisée pour amorcer les programmes d’élevage en captivité est vue, de plus en plus, comme la ressource fondamentale. Elle doit être préservée durant les périodes de captivité puisqu’elle permettra à l’espèce d’être réintroduite avec succès à l’état sauvage et de s’adapter aux changements ultérieurs de leur habitat. La variabilité génétique est probablement un meilleur indicateur du succès des plans d’élevage en captivité que le nombre d’animaux engendrés. Les populations d’animaux menacés devraient donc être considérées davantage comme des réservoirs génétiques que comme des populations d’individus. Le concept de banque de ressources génétiques, ou encore de “zoo surgelé” se situe donc au centre d’une telle gestion de la reproduction. Il s’agit d’un dépôt de matériel génétique sous la forme de sperme, d’ovules et d’embryons cryopréservés et maintenus en état d’interaction constante avec la population “vivante” par l’utilisation des techniques de reproduction assistée. (Bainbridge et Jabbour, 1998) 2. Les limites des programmes traditionnels d’élevage en captivité Il existe de nombreux exemples du succès des programmes traditionnels d’élevage en captivité et dans certains cas ces programmes restent suffisants pour prévenir l’extinction d’une espèce donnée. Cependant, il existe six facteurs qui limitent souvent le succès de ces programmes. (Lasley et al., 1994) Ces facteurs sont les mêmes quelle que soit l’espèce. 31 a) Espace physique L’environnement joue un des rôle les plus important dans le succès de la reproduction des animaux sauvages captifs. Ceci est particulièrement vrai pour les espèce de grande taille ou solitaires (Lasley et al., 1994) ainsi que pour les grands prédateurs qui ont besoin de très grands territoires (Wildt, 1992). Les tentatives mises en œuvre pour préserver la diversité génétique parmi un large nombre d’espèces en péril, dans l’espace disponible, limitent le nombre de descendants pour un individu donné. Ceci élimine certains individus du programme d’élevage bien avant la fin de leur vie de reproducteurs. De plus, bien que les enclos inadaptés ou dont l’environnement est peu stimulant soient de plus en plus rares, les véritables besoins de certaines espèces pour assurer leur reproduction sont toujours inconnus. (Lasley et al., 1994) b) Santé et bien-être Actuellement il existe un conflit pour la construction et l’entretien des enclos dont on attend qu’ils soient sûrs, hygiéniques et esthétiques à la fois du point de vue du public et des animaux. Ces exigences sont souvent opposées. (Lasley et al., 1994) L’évaluation de la santé des animaux dans un troupeau de reproducteurs est un point essentiel du succès d’un programme d’élevage. (Lasley et al., 1981) Cependant, le dépistage des maladies contagieuses chez les espèces non domestiques est une science incomplète et certaines maladies peuvent échapper à la détection malgré une méthodologie stricte. Les conséquences sont en général majeures, pouvant aller jusqu’à décimer la totalité d’un troupeau. (Lasley et al., 1994) c) Comportement Le respect du comportement social est particulièrement important pour la reproduction et la prise en charge de la progéniture. Sur plus de 4000 espèces de mammifères, moins de 100 ont été étudiées en détail en ce qui concerne leur comportement et leur physiologie de la reproduction. Les comportements d’agressivité exacerbés surviennent en général lorsque les animaux sont maintenus en surnombre. Le surnombre survient du fait de la nécessité de conserver la diversité génétique et de maintenir un nombre suffisant d’individus pour 32 poursuivre un programme d’élevage. Le surnombre peut être accru lorsqu’une variété d’espèces différentes sont présentées dans un espace limité. (Lasley et al., 1994) d) Alimentation La contribution des facteurs nutritionnels dans le succès de la reproduction est totalement inconnue chez les espèces non domestiques. Pour la plupart des espèces le type d’alimentation idéal ou du mois adéquat n’est pas connu ou n’est pas disponible. Dans certains cas cette nourriture peut être disponible mais ce type d’alimentation ne peut être utilisé (cas des proies vivantes chez les carnivores par exemple). (Lasley et al., 1994) e) Gestion génétique Les caractères génétiques de la population fondatrice sont un facteur décisif lorsque l’on débute un programme d’élevage. L’instabilité démographique, la réduction de la diversité génétique et les effets délétères de la consanguinité sont les principaux problèmes rencontrés dans les petites populations captives. La mise en évidence d’une diminution de la fécondité, d’une mortalité fœtale et néonatale augmentée, d’une plus grande sensibilité aux maladies et de tératospermie a attiré l’attention sur l’importance de la gestion génétique. (Lasley et al., 1994) Nous reviendrons sur ces facteurs contre lesquels il semble difficile de lutter dans le cadre des programmes d’élevage traditionnels où les groupes d’animaux sont en général de très petite taille. f) Echec de la reproduction Les facteurs physiologiques, bien que très souvent impliqués, ne sont pas toujours responsables des échecs de la reproduction. Ces échecs peuvent être le résultat direct de conditions sociales et environnementales inadéquates. Il est donc possible, dans certains cas, d’améliorer la reproduction par de simples changements environnementaux ou des habitudes de gestion des animaux. (Lasley et al., 1994) Tous ces problèmes sont bien souvent difficiles à résoudre. (Lasley et al., 1994) Les zoos n’ont tout simplement pas les ressources nécessaires, à la fois financières et en terme d’espace, pour lutter contre le nombre impressionnant d’espèces menacées d’extinction ou susceptibles de le devenir. (Wildt, 1992) Les limites et les risques inhérents aux approches traditionnelles de la reproduction des populations captives apparaissent comme évidents, de 33 même que l’intérêt que peuvent apporter les méthodes de reproduction assistées dans la gestion de ces problèmes. (Lasley et al., 1994) 3. Les objectifs des programmes de reproduction assistée La viabilité des populations animales maintenues en petits groupes d’élevage captifs est menacée par deux facteurs principaux. Tout d’abord, les animaux subissent une adaptation génétique à la captivité. En effet, les animaux sont progressivement sélectionnés pour les caractères qui améliorent leur aptitude à vivre dans des conditions artificielles. On pense que ce type d’adaptation se met en place relativement rapidement et peut sérieusement compromettre le succès d’une réintroduction à l’état sauvage. De plus, la reproduction au sein de petites populations aboutit à la consanguinité. Il y a perte génétique au cours de la reproduction et une fraction de la variabilité génétique d’une génération donnée est invariablement perdue lors de la production de la génération suivante. Ceci aboutit pour la population à la perte rapide et irréversible d’allèles potentiellement précieux (variants génétiques) et à une progression vers un état dans lequel tous les individus sont homozygotes pour la plupart des loci des gènes. La consanguinité peut affecter de façon importante les performances reproductrices. (Bainbridge et Jabbour, 1998) Elle entraîne également une mortalité augmentée chez les jeunes. Il a ainsi été démontré que chez le zèbre (Equus burchelli) la mortalité juvénile est significativement plus élevée lors de consanguinité. (Ralls, 1979) On remarque également, lors de consanguinité, une incidence plus élevée de tératospermie ainsi qu’une plus grande sensibilité aux maladies. (Wildt et al., 1992) La sélection artificielle suite à la captivité ainsi que la consanguinité (associée à de la mortalité juvénile et une durée de vie plus courte) sont des problèmes très importants et récurrents dans les populations de chevaux de Przewalski. On considère que 60% de la diversité génétique de l’espèce a été perdue depuis qu’elle est maintenue en captivité. (Moehlman, 2002) La reproduction et la variabilité génétique sont donc fortement liées et la conservation de cette variabilité est un des buts essentiels des programmes d’élevage en captivité. (Bainbridge et Jabbour, 1998) On doit cependant remarquer que toutes les espèces ne sont pas affectées de la même manière par la consanguinité. Son impact dépend de la structure sociale de l’espèce, de son 34 mode de reproduction et d’autres facteurs comportementaux. (Raffin et Vourc’h, 1992) Ainsi une espèce pour laquelle le nombre d’individus est à l’origine naturellement réduit sera moins affectée par la consanguinité. La consanguinité et l’adaptation génétique à la captivité ne semblent pas pouvoir être totalement évitées mais une gestion génétique prudente permet de les réduire. Dans cette optique, certains paramètres de la population semblent particulièrement importants et leur bonne gestion pourrait être la clé de la mise en œuvre pratique des plans de reproduction. (Bainbridge et Jabbour, 1998) a) Taille de la population Afin d’augmenter la diversité génétique au départ d’un programme d’élevage, le nombre d’animaux de la population fondatrice devrait être aussi grand que possible. Cependant, en pratique, il est souvent limité par les animaux disponibles à l’état sauvage et captif. La population captive totale est inférieure à 200 individus dans de nombreuses espèces, ce nombre étant considéré comme un minimum raisonnable pour une population fondatrice. Une fois le programme d’élevage mis en place, la taille de la population doit être maintenue ou même augmentée car la consanguinité survient plus rapidement dans les petits groupes. Le maintien de grandes populations captives représente un problème considérable en termes de coût financier et d’espace physique. Une solution à ce problème est désormais disponible avec le développement récent des techniques de reproduction assistée et des banques de ressources génétiques. Ainsi une "pseudo-population" de grande taille pourrait être maintenue de façon relativement peu onéreuse et le nombre d’animaux “vivants” pourrait être réduit au minimum nécessaire à la propagation de la descendance provenant de la banque génétique. (Bainbridge et Jabbour, 1998) b) Intervalle entre les générations Puisqu’il y a une perte de matériel génétique durant la production des gamètes, il a été suggéré d’augmenter l’intervalle entre les générations dans les populations captives. Une option intéressante dans ce but est l’utilisation du stockage d’embryons cryopréservés (ou des gamètes utilisés pour les produire). Ces embryons pourraient être conservés sur de longues périodes avant d’être décongelés pour produire de nouveaux individus. (Bainbridge et Jabbour, 1998) 35 c) Facteurs démographiques et stochastiques Les modèles permettant d’étudier les pertes génétiques dans les populations ne tiennent pas compte des fluctuations, liées au hasard, de certains paramètres qui apparaissent dans les populations réelles tels que le sex-ratio de la descendance. Ces facteurs démographiques et stochastiques sont présentés dans le Tableau 1. Ils représentent une menace majeure pour le succès des programmes d’élevage en captivité. La solution à ce problème est d’appliquer sur le groupe d’animaux captifs des mesures d’accouplements randomisés grâce auxquelles chaque individu contribue à part égale à fournir le matériel génétique de la génération suivante. Les techniques de reproduction assistée peuvent permettre la mise en œuvre de ces mesures. Un tel protocole élimine également les pressions de sélection qui entraînent une adaptation génétique à la captivité. Tableau 1 : Facteurs démographiques et stochastiques qui peuvent réduire la taille d’une population animale, d’après Bainbridge et Jabbour (1998). 1) 2) 3) 4) 5) 6) 7) 8) 9) 10) Variation de la taille des portées Variation du sex-ratio de la progéniture Polygynie Polyandrie Accouplement préférentiel entre certains individus Fluctuations des taux de natalité et mortalité Chevauchement entre les différentes générations Séparation en petites populations, par exemple suite à la migration Mutations génétiques Liaison génétique (linkage) (tendance de deux gènes à être hérités ensembles en raison de leur association physique sur un même chromosome) 11) Sélection Il est cependant important (afin d’éviter l’apparition de nouvelles pressions de sélection), que les animaux ne soient pas exclus des programmes d’élevage en raison de difficultés de collecte, de conservation ou de transfert de leurs gamètes ou de leurs embryons. (Bainbridge et Jabbour, 1998) 36 d) Variations génétiques en fonction des zones géographiques Les espèces sauvages existent souvent sous la forme de nombreuses sous-populations, parfois distribuées sur de grandes zones géographiques. Ces sous-populations peuvent porter des allèles génétiques différents qui leur ont permis de s’adapter à leurs différents habitats. Pour assurer le maintien de ces allèles potentiellement utiles, il a été suggéré que les individus utilisés pour mettre en œuvre un programme d’élevage en captivité devraient être collectés sur une zone géographique aussi large que possible. Par ailleurs, on pourrait aussi penser que ces petites populations sauvages devraient être propagées séparément en captivité afin d’encourager le maintien des allèles spécifiques. Cependant une telle subdivision est en conflit avec la nécessité d’une population de taille maximale et choisie de façon randomisée, comme elle a été décrite préalablement. En dépit de ces mises en garde, il est pourtant probable que dans de nombreux cas la subdivision d’une espèce en populations régionales serait souhaitable afin de conserver leur aptitude à une réintroduction à l’état sauvage. (Bainbridge et Jabbour, 1998) Le problème des sous-populations est un facteur majeur dans la sauvegarde des espèces de zèbres et des équidés sauvages de manière générale. (Moehlman, 2002) e) Réintroduction de matériel génétique sauvage L’introduction occasionnelle de matériel génétique d’origine sauvage constitue une solution aux problèmes de consanguinité et d’adaptation génétique à la captivité. Un transfert de gènes sous la forme de gamètes, par exemple grâce à une collecte unique de semence sur un individu sauvage anesthésié, pourrait être un moyen efficace et peu dangereux pour les animaux. (Bainbridge et Jabbour, 1998) Nous avons vu que cette option a été envisagée dans le cas du zèbre de Grévy. Cependant il faut souligner que cette réintroduction de matériel génétique n’est pas possible pour toutes les espèces menacées puisqu’un certain nombre d’entre elles sont éteintes à l’état sauvage et ne subsistent que grâce aux populations captives. C’est d’ailleurs le cas du cheval de Przewalski. La situation de ces espèces est particulièrement critique et nécessite une gestion minutieuse. (Gibbons et Durrant, 1987) 37 f) Considérations logistiques et médicales Les techniques de reproduction assistée pourraient permettre de réduire de façon avantageuse les problèmes logistiques et les risques de maladies. Le transport d’embryons ou de gamètes est beaucoup moins coûteux et moins risqué d’un point de vue sanitaire que le transport d’animaux vivants. (Bainbridge et Jabbour, 1998) De plus, il est généralement admis que le risque potentiel de transmission de maladies par transfert d’embryons est largement inférieur à celui de la semence. (Schiewe et al., 1995) Les techniques de reproduction assistée permettent également de recueillir le matériel génétique d’animaux qui sont incapables de s’accoupler ou de porter une progéniture à terme. La collecte de gamètes sur des animaux débilités a été décrite, entre autres, chez le cheval de Przewalski. La collecte de gamètes post mortem a également été décrite chez de nombreuses espèces. (Bainbridge et Jabbour, 1998) 4. Les différentes techniques utilisées Les techniques de reproduction assistée peuvent être divisées en trois grandes catégories. Les premières peuvent être considérées comme des techniques préliminaires, elles ne mettent pas en jeu le transfert de matériel génétique mais permettent d’amener les animaux à un statut reproducteur optimal pour donner ou recevoir des gamètes ou des embryons. Les deux procédures les plus fréquemment utilisées sont le contrôle du développement des follicules ovariens (synchronisation de l’ovulation) et la stimulation du développement d’un nombre supraphysiologique d’ovocytes matures (superovulation) ; cette dernière procédure ne pouvant être utilisée à l’heure actuelle chez les Equidés. La seconde série de techniques permet le transfert de matériel génétique entre individus, sous la forme de sperme, ovules ou embryons. Les avantages d’un stockage à long terme des gamètes et embryons ont entraîné le développement d’un troisième type de techniques qui ont permis la création de banques de ressources génétiques congelées. (Bainbridge et Jabbour, 1998) 38 a) Synchronisation de l’ovulation Les processus de l’ovulation et de la mise en place de la gestation sont très fortement liés puisque deux produits de l’ovulation sont nécessaires à la gestation : un ovocyte fertilisable et au moins un corps jaune sécrétant de la progestérone. La détection du comportement d’œstrus et de l’ovulation est souvent difficile chez les Mammifères. Les manifestations comportementales de l’œstrus peuvent être inhibées par la captivité et les modifications endocrinologiques sont difficiles à contrôler et dépendantes de l’espèce. En raison de ces problèmes, il est souvent plus efficace d’induire artificiellement l’ovulation dans un groupe de femelles. La méthode utilisée pour induire l’ovulation à un moment donné doit imiter le processus qui induit l’ovulation de manière naturelle. Ainsi, chez les Equidés et les ruminants on peut induire l’ovulation par des injections de prostaglandine F2α ou d’un analogue ou par le retrait d’un implant de progestérone. (Bainbridge et Jabbour, 1998) b) Superovulation En règle générale, le taux d’ovulation détermine la taille de la portée mais on suppose que des interactions physiologiques complexes déterminent également la taille de la portée. La balance qui existe entre le développement et l’atrésie des follicules ovariens est décisive. Elle semble être contrôlée par une série de mécanismes de régulation intra-ovariens, interovariens et extra-ovariens qui ne sont pas totalement compris. Le but du contrôle artificiel du taux d’ovulation est d’augmenter sélectivement la propagation du matériel génétique femelle en induisant la formation d’un plus grand nombre d’embryons pouvant être viables par collecte. Une superovulation peut être obtenue par l’administration de gonadotrophines exogènes telles que la PMSG ou la FSH. Ces hormones influent sur le processus de sélection folliculaire en favorisant leur développement et en limitant l’atrésie. (Bainbridge et Jabbour, 1998) Cependant, nous verrons qu’à ce jour aucune molécule ne s’est montrée efficace chez les Equidés. 39 c) Insémination artificielle (IA) L’IA est la technique la plus fréquemment utilisée pour le transfert de matériel génétique chez les Mammifères non domestiques. Trois méthodes de collecte de semence peuvent être utilisées dans le cadre des programmes d’élevage : un vagin artificiel, l’électroéjaculation et la collecte post mortem. L’utilisation d’un vagin artificiel peut être dangereuse pour le personnel manipulant l’animal comme c’est le cas chez les Equidés. En ce qui concerne l’électroéjaculation, elle a été utilisée avec succès chez de nombreuses espèces. Cependant cette procédure présente des inconvénients : les animaux doivent en général être anesthésiés ou fortement sédatés et les échantillons de semence peuvent être contaminés par de l’urine. Des spermatozoïdes viables peuvent également être collectés à partir de la queue de l’épididyme dans un délai court après la mort. (Bainbridge et Jabbour, 1998) Chez les Equidés, la première technique est la plus fréquemment utilisée. L’électroéjaculation semble peu efficace et elle est, de plus, déconseillée sur des chevaux debouts ou sédatés. Un certain succès de cette technique a cependant été rapporté chez des chevaux de Przewalski immobilisés chimiquement. La collecte de sperme dans l’épididyme est une technique efficace bien que peu utilisée. (Cary et al., 2004) Chez les espèces non domestiques, on a cherché à développer, lorsque cela était possible des méthodes d’IA non invasives. (Lasley et al., 1994) Les femelles peuvent ainsi être inséminées par voie vaginale dans le vagin crânial, le col ou l’utérus en fonction de l’anatomie de l’espèce. Cependant dans de nombreuses espèces l’insémination intra-utérine par laparoscopie donne de meilleurs résultats. (Bainbridge et Jabbour, 1998) Nous verrons cependant que chez les Equidés le passage du col utérin se fait facilement, l’IA par voie vaginale est donc la méthode de choix. (Bainbridge et Jabbour, 1998) L’IA permet le contrôle de la propagation du matériel génétique de mâles sélectionnés, il s’agit de la technique de reproduction assistée la plus largement utilisée. (Comizzoli et al., 2000) L’un des principaux succès de l’IA chez une espèce sauvage est son utilisation particulièrement fructueuse dans la gestion d’une espèce dangereusement menacée, le putois 40 d’Amérique (Mustela nigripes) puisqu’elle a permis de régénérer une population sauvage viable. (Bainbridge et Jabbour, 1998) Enfin, la cryopréservation de la semence est un complément extrêmement important de l’IA car elle permet de s’affranchir des contraintes de temps et de distance et de préserver le matériel génétique sans occuper d’espace dans les zoos. (Loskutoff et Betteridge, 1992) d) Transfert d’embryons Le transfert d’embryons d’une femelle donneuse à une receveuse présente un avantage significatif par rapport à l’IA car le matériel génétique de la femelle est propagé sélectivement au même titre que celui du mâle. (Bainbridge et Jabbour, 1998) La technique de transfert d’embryons a été utilisée chez de très nombreuses espèces d’ongulés sauvages (bovidés, camélidés, cervidés…). (Bainbridge et Jabbour, 1998) Elle permet d’augmenter le nombre de naissances par année pour certains animaux sélectionnés ou pour l’ensemble du groupe. (Summers, 1986) Chez les grands Mammifères (bovidés, cervidés, équidés) la collecte et le transfert transcervical sont utilisés. Cependant, le transfert d’embryon par laparoscopie est la méthode appliquée lorsque les méthodes non chirurgicales sont inutilisables. (Comizzoli et al., 2000) e) Techniques de transfert d’embryons interspécifique Il s’agit de la technique à laquelle nous allons nous intéresser plus particulièrement par la suite. Comme nous l’avons vu, dans les espèces qui ont été réduites à de très petites populations, le nombre de femelles capables de porter des embryons à terme peut être un facteur limitant majeur dans la production d’une population viable lors d’un programme d’élevage. Le transfert d’embryon interspécifique offre une solution à ce problème. Des femelles d’une espèce proche abondante sont alors utilisées comme receveuses. (Bainbridge et Jabbour, 1998) Cette technique représente un défi supplémentaire puisque son succès dépend de la sélection appropriée du couple d’espèces donneuse/receveuse. (Lasley et al., 1994) La sélection d’une receveuse pour un transfert d’embryon interspécifique repose en général sur des similarités concernant le cycle œstral et la gestation. La capacité de deux 41 espèces à s’hybrider peut également être un indicateur du succès d’une gestation interspécifique (cas du cheval de Przewalski avec le cheval domestique). (Lasley et al., 1994) Il pourrait également être envisageable, chez les Equidés, d’utiliser des hybrides comme receveurs d’embryons. (Loskutoff et Betteridge, 1992) Lorsqu’une espèce receveuse adaptée est identifiée, elle peut servir non seulement à propager rapidement l’espèce menacée mais également à l’introduire dans des régions ou des zoos où aucun représentant de cette espèce menacée n’est présent. (Durrant et Benirschke, 1981) Le transfert d’embryons interspécifique a été réalisé avec succès chez les équidés sauvages (Summers et al., 1987 ; Bennett et Foster, 1985), comme nous l’étudierons par la suite, mais aussi entre le mouflon (Ovis musimon) et le mouton domestique (Ovis aries), entre le zébu (Bos indicus) et le bœuf (Bos taurus), entre le gaur (Bos gaurus) et des bovins domestiques, entre l’eland et le bongo (Bainbridge et Jabbour, 1998) et entre le chat indien du désert (Felis silvestris) et le chat domestique (Felis catus) (Comizzoli et al., 2000). Malgré ces succès, les taux de gestation peuvent être bas après transfert d’embryon interspécifique. Les raisons de ces échecs sont variées et peu claires. Dans certains cas il semblerait que le fœtus ne sécrète pas les bons facteurs en quantité correcte et au bon moment pour empêcher la lutéolyse, ce qui entraînerait la perte de la gestation. Il peut aussi y avoir incompatibilité physiologique entre les deux espèces ce qui est à l’origine de troubles immunologiques ou endocriniens ou entraîne la formation d’un placenta inadapté. (Bainbridge et Jabbour, 1998) f) Fécondation in vitro (FIV) et techniques associées Il s’agit de la technique la plus efficace pour la propagation des petites populations mais c’est également la méthode la plus coûteuse. (Comizzoli et al., 2000) La production d’embryons par FIV n’est d’ailleurs pas une procédure de routine chez le cheval domestique. (Squires et al., 2003) L’utilisation de la FIV offre une opportunité sans équivalent pour contrôler l’avenir génétique des populations captives. Les ovocytes et les spermatozoïdes peuvent être prélevés sur des animaux sélectionnés. Un second avantage de la FIV est que les ovocytes obtenus sur des femelles stimulées par des gonadotrophines sont exposés aux effets délétères de ces gonadotrophines sur une période plus courte que les embryons récupérés lors de procédure 42 conventionnelle de transfert d’embryons. (Bainbridge et Jabbour, 1998) De plus, le nombre d’embryons pouvant être produit est plus élevé que lors de récolte embryonnaire pour transfert, ce qui présenterait un intérêt non négligeable chez les Equidés. (Loskutoff et Betteridge, 1992) Les gamètes peuvent être collectés par des procédures variées. Cependant, la capacité à collecter les ovocytes et à transférer les embryons par laparoscopie sous sédation plutôt que par laparotomie sous anesthésie générale doit être largement recherchée pour les espèces captives de valeur. (Bainbridge et Jabbour, 1998) Chez les Equidés (mais aussi chez les bovins) la collecte par voie transvaginale sous contrôle échographique est également utilisée. (Loskutoff et al., 1995) Cette procédure est d’autant plus intéressante qu’elle permet de répéter les récoltes d’ovocytes. (Polge, 1985) Elle a tout d’abord été réalisée avec succès chez la jument domestique, y compris chez la jument gestante. Elle a par la suite été appliquée efficacement chez des zèbres sauvages dans le Transvaal en Afrique du Sud. Trois procédures de collecte sous anesthésie générale ont été réalisées sur une période de 28 jours chez 5 femelles zèbres de Burchell, sans traitement hormonal préalable. En moyenne, 7 ovocytes ont été récupérés sur chacune des 4 femelles non gestantes (51% d’efficacité de la récolte) et 5 ovocytes ont été récupérés après aspiration de 9 follicules (56% d’efficacité) chez une femelle gestante sans que la gestation soit affectée. (Loskutoff et al., 1995) La FIV permet également de contourner le problème de la détection du moment de l’ovulation qui est rencontré avec l’IA. La FIV rend possible l’utilisation d’animaux souffrant de certains types d’infertilité (endométrite, obstruction tubaire), elle permet de réduire la quantité de sperme nécessaire à la fécondation par rapport à l’IA. Il est, de plus, potentiellement possible de récupérer le matériel génétique d’une femelle après sa mort. (Lasley et al., 1994) La procédure de FIV est divisée en quatre phases : maturation ovocytaire, capacitation des spermatozoïdes, fécondation et culture embryonnaire. (Bainbridge et Jabbour, 1998) La maturation ovocytaire est une étape au cours de laquelle des processus complexes qui concernent à la fois le noyau, le cytoplasme et le cytosquelette surviennent simultanément. Ils rendent la cellule apte à être fécondée. (Bainbridge et Jabbour, 1998) La maturation in vitro des ovocytes immatures a constitué une des limites de la FIV chez certaines espèces dont les Equidés. (Loskutoff et al., 1995) Cependant la méthode de maturation in vitro est a présent maîtrisée chez le cheval. (Hinrichs et al., 2002) La maturation in vitro des ovocytes ainsi que leur fécondation a également été étudiée chez deux espèces de 43 zèbres, le zèbre des plaines (Equus burchelli) et le zèbre de montagne de Hartmann (Equus zebra hartmannae). (Comizzoli et al., 2000) La capacitation des spermatozoïdes est également un processus complexe au cours duquel surviennent les changements des constituants de la membrane qui sont à la base de la préparation des spermatozoïdes pour pénétrer dans l’ovule. (Bainbridge et Jabbour, 1998) Dans certains cas, l’utilisation de sperme épididymal pour la FIV peut permettre d’éviter d’avoir recourt à des traitements supplémentaires (par exemple du calcium ionophore) pour induire la capacitation in vitro. Ceci a été démontré chez l’étalon zèbre des plaines. (Loskutoff et al., 1995) La fécondation est le processus le mieux compris, elle se traduit par la perte de l’acrosome et la fusion des deux cellules. (Bainbridge et Jabbour, 1998) Les taux de fertilisation ont été largement améliorés chez le cheval grâce à l’utilisation d’une procédure simple de préfertilisation appelée le zona drilling (ZD). (Meintjes et al., 1997) Le ZD consiste à créer une perforation de façon mécanique dans la zone pellucide de l’ovocyte de manière à faciliter le passage de spermatozoïdes dans la zone pellucide. (Hamamah et Entezami, 2001) Cette technique s’est révélée efficace également chez le zèbre. (Meintjes et al., 1997) Le développement des procédures de culture in vitro des embryons d’espèces non domestiques est encore assez limité. (Loskutoff et al., 1995) Dans le but de surmonter les difficultés liées à la capacitation et à la fécondation, les techniques d’injection intracytoplasmique ou sous-zonale de spermatozoïdes (ICSI et SUZI), qui sont utilisée avec succès lors de FIV chez l’homme, sont maintenant adaptées pour être utilisées chez l’animal. (Bainbridge et Jabbour, 1998) Des embryons de cheval et de zèbre ont pu être produits grâce à ces techniques. (Loskutoff et al., 1995) Les techniques de fécondation in vitro offrent donc un haut degré de flexibilité dans le contrôle du matériel génétique des espèces menacées. Cependant, ces techniques sont difficiles à mettre en œuvre, coûteuses et restent associées à de faibles taux de gestations. (Bainbridge et Jabbour, 1998) g) Banques de données génomiques Les banques de données génomiques permettent la collecte, le stockage et l’utilisation des gamètes, embryons et autres matériaux biologiques. (Comizzoli et al., 2000) Ces 44 matériaux sont alors stocké à des températures auxquelles leur métabolisme et leur développement sont stoppés. (Wildt, 1991) En association avec les techniques de reproduction assistée, ces banques de données constituent l’interface pour la conservation in situ et ex situ. Utilisées correctement, ces banques de données peuvent potentiellement ralentir la perte de diversité génétique dans les populations captives par réintroduction de matériel génétique original sans prélever d’individus sauvages de grande valeur génétique. (Comizzoli et al., 2000) Ces banques de données constituent la clé de l’utilisation pratique des techniques de reproduction assistée. Elles permettent ainsi les mouvements de matériel génétique entre les populations d’animaux (sauvages et captives) en maintenant ainsi la vigueur génétique. Elles fournissent également une assurance contre l’éventuelle disparition d’une espèce ou d’une population ; les petites populations étant fortement sensibles aux épizooties, aux catastrophes naturelles… Ces banques de données fournissent également la matière nécessaire aux biologistes pour la recherche fondamentale et appliquée nécessaire pour la compréhension des espèces menacées. (Wildt, 1992) La présentation de ces différentes techniques met en évidence la contribution potentiellement très importante que les techniques de reproduction assistée pourraient apporter, nous seulement pour l’augmentation des effectifs, mais également dans la réduction de la consanguinité et l’adaptation génétique à la captivité chez les petites populations d’espèces de Mammifères menacées et donc chez certaines espèces d’équidés sauvages. (Bainbridge et Jabbour, 1998) 45 II. Etude préliminaire chez les équidés domestiques Lors de cette étude, nous ferons tout d’abord quelques rappels concernant le cheval afin de bien connaître la technique du transfert d’embryons et d’expliquer certains points de physiologie de la reproduction chez cette espèce. Dans un deuxième temps nous nous intéresserons aux expériences de transferts d’embryons qui ont été réalisées chez les équidés domestiques. A. Rappels concernant le cheval Dans cette première partie, nous verrons tout d’abord la technique de transfert d’embryons telles qu’elle est utilisée chez la jument domestique. Nous aborderons ensuite un point important de la physiologie de la gestation chez les Equidés : la formation des cupules endométriales, avec le cas particulier des hybrides âne/cheval. Cette partie permettra donc de mettre en place les bases nécessaires à la compréhension du transfert d’embryons interspécifique. 1. Le transfert d’embryons chez le cheval Le premier transfert d’embryon réalisé avec succès chez le cheval a eu lieu en 1972. Cependant ce n’est que dans les années 80 que cette technique est devenue une procédure courante dans la filière d’élevage du cheval. Le transfert d’embryon est actuellement la technique de reproduction assistée la plus largement utilisée chez la jument. Les applications de cette technique sont nombreuses ; il s’agit d’obtenir des poulains de juments en compétition ou plusieurs poulains d’une même jument chaque année ou encore d’obtenir des poulains de juments âgées de deux ans. Cette technique est également utile pour une jument présentant des problèmes de santé autres que reproducteurs. Enfin, le transfert d’embryon est largement utilisé comme outil de recherche. (Vanderwall, 2000) Nous allons décrire ici les différentes étapes d’un transfert d’embryon chez des juments domestiques. 46 a) Le cycle œstral de la jument Le cheval est un animal polyœstrien saisonnier dont la saison de reproduction s’étend du printemps au début de l’automne. Le cycle œstral normal est de 21 à 23 jours correspondant à 16 à 17 jours de diœstrus et 4 à 7 jours d'œstrus. Huit à douze follicules de plus de 1 cm de diamètre sont en général présents sur les ovaires le premier jour de l’œstrus mais un seul d’entre eux (parfois deux) progresse jusqu’à l’ovulation. Le follicule ovulatoire atteint un diamètre de 3 à 5 cm et est ainsi palpable à travers le rectum. L’ovulation a lieu 12 à 36 heures avant la fin du comportement d’œstrus. La lutéinisation du corps hémorragique survient rapidement engendrant une augmentation rapide de la progestérone plasmatique. (Figure 7) La mesure quotidienne de la progestérone peut donc permettre de détecter efficacement le jour de l’ovulation dans le but d’un transfert d’embryon. (Allen, 1982a) Cependant, cette méthode est peu utilisée en pratique, la synchronisation de l’ovulation étant la méthode de choix. Les variations de sécrétion des gonadotrophines pituitaires au cours du cycle sont très différentes chez la jument par rapport aux autres grandes espèces domestiques. Les variations de la concentration plasmatique de l’hormone stimulant les follicules (FSH) suivent une courbe biphasique avec un pic principal en milieu de cycle et un second plus petit associé à l’ovulation. La concentration de l’hormone lutéinisante (LH) quant à elle se maintient basse durant le diœstrus mais augmente régulièrement durant l’œstrus pour présenter un pic 1 à 3 jour après l’ovulation. (Figure 7) Cette sécrétion prolongée de LH durant l’œstrus chez la jument contraste vivement avec la sécrétion rapide et pulsatile qui a lieu 24 à 30 heures avant l’ovulation chez les autres espèces. 47 La barre horizontale représente l’œstrus et OV indique le jour de l’ovulation. Figure 7 : Variation des concentrations de gonadotrophines (FSH et LH) et des hormones stéroïdiennes dans le sang de la jument durant le cycle œstral, d’après Allen (1982a) La grande variabilité, qui existe à la fois dans la durée de l’œstrus et le moment de l’ovulation par rapport aux signes d’œstrus, empêche toute référence à l’œstrus pour calculer l’âge de l’embryon dans le but de déterminer le moment de sa récupération. Le moment de l’ovulation est le seul paramètre qui puisse être utilisé dans ce but. On appelle donc en général J0 le premier jour où l’on repère l’ovulation. Il en résulte que, si les juments donneuses sont examinées une fois par jour, soit par palpation trans-rectale, soit par mesure de la progestérone plasmatique, le moment de l’ovulation est détecté avec une incertitude pouvant 48 atteindre 24 heures. Ceci explique les variations considérables de développement observées sur les blastocystes récupérés à J7 ou J8 pour les transferts d’embryons chez le cheval. (Allen, 1982a) b) Gestion des juments La jument donneuse doit subir un examen reproducteur complet afin de s’assurer qu’elle soit apte à être utilisée dans le cadre d’un programme de transfert d’embryon. Il est nécessaire d’observer son comportement reproducteur. La réalisation d’une palpation et d’une échographie transrectales permet de déterminer l’activité folliculaire ovarienne. Lorsqu’elle est en chaleur, la jument est examinée chaque jour, ce qui permet de déterminer le moment optimal de l’insémination. (Vanderwall, 2000) Une sélection et une gestion correctes des juments receveuses sont les facteurs les plus influents sur le succès d’un programme de transfert d’embryons. La jument receveuse doit présenter un cycle œstral normal et une absence d’anomalie ovarienne ou utérine. L’âge optimum pour une jument receveuse se situe entre 3 et 10 ans. (Vanderwall, 2000) Il a été démontré que la tonicité de l’utérus et du col sont les facteurs les plus importants pour la sélection des receveuses. (Squires et al., 2003) c) Synchronisation de l’ovulation Le degré d’asynchronie peut être –1 à +3 jours, en considérant la receveuse par rapport à la donneuse. (Vanderwall, 2000) La période critique pour la reconnaissance de la gestation se situe autour de J14 après l’ovulation. L’embryon induit alors la suppression de la sécrétion cyclique de prostaglandine F par l’endomètre à la fin du diœstrus. Cette sécrétion étant en principe à l’origine de la lutéolyse. Il faut noter que la récolte et le transfert du blastocyste peuvent momentanément altérer son développement. Dans certains cas le blastocyste pourra donc ne pas être suffisamment mature pour prévenir la lutéolyse bien qu’il soit, théoriquement, suffisamment développé. L’une des conditions de l’utilisation à grande échelle du transfert d’embryons chez le cheval est la possibilité de synchroniser le moment de l’ovulation entre les groupes de juments donneuses et receveuses. La capacité d’une seule injection d’une dose relativement faible de prostaglandine F2α (PGF2α), ou de divers analogues de la prostaglandine, à induire 49 une lutéolyse rapide chez la jument en diœstrus a fourni les bases des méthodes de traitement utilisées pour contrôler l’ovulation chez la jument. (Allen, 1982a) La PGF2α peut être utilisée seule ou combinée avec l’utilisation de progestérone exogène. (Vanderwall, 2000) Un schéma de synchronisation utilisable dans le cadre d’un transfert d’embryon correspond à deux injections de 250g chacune d’un analogue de la prostaglandine : le fluprostenol, à 14 ou 15 jours d’intervalle chez des juments cyclées. Il en résulte que 90% des juments présentent un œstrus 6 jours après la deuxième injection et environ 75% ovulent dans les 20 à 24 jours après la première injection. Ceci peut être associé ou non à l’utilisation de human Chorionic Gonadotrophin (hCG) pour déclencher l’ovulation lors des œstrus induit par la prostaglandine. (Allen, 1982a) Ainsi l’ovulation est fréquemment déclenchée, en particulier chez la donneuse, grâce à l’utilisation de hCG (5 UI/kg IV ou IM) ou de deslorelin acétate, un agoniste de la Gonadotropin Releasing Hormone (GnRH) (Ovuplant® ; 2,2 mg pellet SQ). (Vanderwall, 2000) Il est possible de répéter les injections de prostaglandine afin d’obtenir plusieurs cycles raccourcis successifs et augmenter ainsi la fréquence des ovulations. Cette méthode montre de bons résultats apparemment sans effets secondaires indésirables. Ainsi une injection de chloprostenol, un analogue de la prostaglandine, après la récupération d’un embryon induit un œstrus dans les 2 à 3 jours et la jument doit donc ovuler dans les 4 à 5 jours qui suivent. Suite à un accouplement, la récupération d’un embryon sera donc à nouveau possible 7 jours plus tard. Cette méthode permet donc d’obtenir des cycles de 13 à 15 jours. (Allen, 1982a) d) Superovulation chez la jument L’entretien des juments receveuses qui sont préparées, mais non utilisées pour le transfert faute d’embryon récolté, représente l’un des coûts principaux du transfert d’embryon. L’induction d’une ovulation multiple qui permet d’augmenter le nombre d’embryons récoltés par donneuse permet de réduire ce coût. (Squires et al., 2003) La Pregnant Mare Serum Gonadotrophin (PMSG) est une hormone glycoprotéique de haut poids moléculaire qui possède la capacité unique de présenter à la fois une activité FSHlike et LH-like. Elle est largement utilisée chez les animaux d’élevage afin de stimuler une superovulation. Pourtant, l’utilisation de PMSG est totalement inefficace chez la jument pour stimuler un développement folliculaire. En effet, les récepteurs sont capables de différencier 50 leur propre gonadotrophine chorionique (PMSG) et les gonadotrophines pituitaires (FSH et LH). Cette faculté apparaît peu étonnante quand on considère que de très grandes quantités de PMSG (jusqu’à 1 million d’U.I.) circulent dans le sang d’une jument gestante au pic de sécrétion, c’est à dire à 60 jours de gestation. Sans ce mécanisme de protection les ovaires seraient hyper-stimulés lors de chaque gestation. Il n’existe donc pas de substance hormonale disponible dans le commerce permettant d’induire des ovulations multiples chez la jument. (Squires et al., 2003) L’utilisation des gonadotrophines pituitaires dans le but d’obtenir une superovulation a été étudiée également. L’administration de gonadotrophine pituitaire équine en quantité suffisante pourrait induire un certain degré d’ovulations multiples chez certaines juments. (Allen, 1982a) Bien que la réponse soit beaucoup plus faible que chez les bovins, le nombre d’embryons récoltés est trois à quatre fois plus élevé chez les juments traitées à l’aide d’extrait pituitaire équin que chez les juments ovulant spontanément. (Squires et al., 2003) Il a été démontré que les taux de gestation des embryons collectés chez des juments superovulées et transférés à des receveuses sont identiques à ceux obtenus chez des juments ovulant spontanément. On cherche actuellement à déterminer la dose et la fréquence d’administration de l’extrait pituitaire équin permettant d’obtenir les meilleurs résultats. Cette technique permettrait de congeler les embryons supplémentaires mais serait également utile dans le cadre de la fécondation in vitro ou du transfert d’ovocytes. Ce type de produit sera sans doute disponible dans le commerce dans les années à venir. (Squires et al., 2003) e) La récolte des embryons Les embryons équins sont transportés depuis l’oviducte jusque dans l’utérus à J5½ ou J6 post-ovulation. A cette période ils sont au stade morula compactée ou jeune blastocyste. (Vanderwall, 2000) Ils présentent une épaisse zone pellucide. (Iuliano, 1985) Après son entrée dans la lumière utérine, la taille de l’embryon augmente très rapidement alors qu’il se développe en blastocyste mature (Tableau 2). (Vanderwall, 2000) La zone pellucide est alors remplacée par une couche acellulaire dense. (Iuliano, 1985) Le moment optimum pour la récupération se situe entre J7 et J8. (Vanderwall, 2000) Le taux de récupération est moins bon 51 si l’embryon est récupéré plus tôt (Tableau 3). Par contre, l’âge de l’embryon n’affectera pas le taux de gestation. (Iuliano, 1985) Tableau 2 : Diamètre des embryons équins récolté dans la lumière utérine, d’après Vanderwall (2000) Diamètre des embryons (mm) Jours post-ovulation Nombre d’embryons Moyenne Valeurs 6 121 0,208 0,132 – 0,756 7 144 0,406 0,136 – 1,460 8 142 1,132 0,120 – 3,980 9 41 2,220 0,730 – 4,520 Tableau 3: Effet de l’âge de l’embryon équin sur le taux de récupération, d’après Vanderwall (2000) Jour post-ovulation Nombre d’embryons Pourcentage 6 192/332 58% 7 311/509 61% 8 716/1109 65% 9 61/86 71% Hormis le jour de la récolte, les autres facteurs qui affectent le taux de récolte sont le nombre d’ovulations, l’âge de la jument donneuse et la qualité de la semence. (Squires et al., 2003) Les caractéristiques anatomiques de l’appareil reproducteur de la jument rendent le procédé de lavage utérin beaucoup plus simple que chez la vache. Chez la jument le col utérin est court et facile à distendre en diœstrus, permettant ainsi l’insertion d’un cathéter de plus large diamètre que chez la vache. (Allen, 1982a) La méthode consiste à passer l’instrument permettant le lavage à travers le col jusque dans le corps de l’utérus. (Allen, 1982a) 52 L’aire périnéale de la jument est lavée avec un détergent doux, rincée abondamment avec de l’eau claire puis séchée. Le manipulateur met un gant de fouille stérile et applique du lubrifiant. Un cathéter stérile muni d’un ballonnet gonflable est ensuite introduit dans le vagin puis passé à travers le col de l’utérus. Il existe différents modèles de cathéter utilisables. Le ballonnet est ensuite gonflé avec environ 80 cc d’air ou de saline stérile. Une légère tension vers l’arrière est appliquée sur le cathéter de façon à ce que le ballonnet soit appliqué contre l’anneau cervical interne et empêche ainsi tout écoulement du fluide. Une fois le cathéter correctement placé, l’utérus est lavé trois à quatre fois avec de la saline tamponnée au phosphate de Dulbecco (DPBS) tiède, pure ou modifiée. Ce milieu de rinçage contient égalent 1% de sérum de veau (fœtus ou nouveau-né), de la pénicilline (100 UI/mL) et de la streptomycine (100 µg/mL). L’utérus est rempli avec 1 à 2 litres de DPBS à chaque lavage. Une fois l’utérus plein, on laisse le liquide s’écouler par le cathéter (Figure 8). Le liquide passe à travers un filtre à embryons de 0,75 µm. Après être passé à travers le filtre, le liquide est récupéré afin de pouvoir évaluer le volume récupéré. A partir du deuxième lavage l’utérus est massé par voie transrectale ce qui aide à mettre l’embryon en suspension et permet une meilleure récupération du fluide. La majorité du liquide (plus de 90%) qui a été introduit dans l’utérus doit être récupéré et il ne doit pas contenir de débris cellulaires ou de sang. (Vanderwall, 2000) Figure 8 : Représentation schématique de la procédure de récolte d’embryons, d’après Vanderwall (2000) A la fin du lavage utérin, le contenu du filtre est vidé dans une boite de Petri quadrillée, rincé avec du DPBS et observé au microscope (grossissement ×15 environ). Une 53 fois l’embryon identifié, il est ensuite “lavé” en le transférant successivement dans au moins 3 gouttes de 1 mL de DPBS avec 10% de sérum. L’embryon est ensuite placé dans une petite boite de Petri contenant le même milieu puis observé à un grossissement plus important afin d’être gradé sur une échelle de 1 (excellent) à 4 (mauvais). (Vanderwall, 2000) (Figures 9 à 12) La qualité de l’embryon a une influence très importante sur le taux de gestation. (Squires et al., 2003) Barre = 100 µm Figure 9 : Blastocyste mature équin, embryon de qualité grade 1, d’après Vanderwall (1996) Barre = 100 µm Figure 10 : Blastocyste mature équin, embryon de qualité grade 2, d’après Vanderwall (1996) 54 Barre = 100 µm Figure 11 : Blastocyste mature équin, embryon de qualité grade 3, d’après Vanderwall (1996) Barre = 100 µm Figure 12 : Blastocyste mature équin, embryon de qualité grade 4, d’après Vanderwall (1996) La majorité des embryons ont un diamètre de 0,4 à 1,0 mm et sont au stade jeune blastocyste ou blastocyste mature. (Squires et al., 2003) Ensuite, soit l’embryon est transféré à une jument receveuse, soit il est préparé rapidement pour le transport car après 3 heures sa viabilité diminue s’il est stocké dans du DPBS. (Vanderwall, 2000) D’autres méthodes existent mais elles ne sont plus utilisées actuellement. Il s’agit du lavage d’une seule des deux cornes (corne ipsilatérale à l’ovulation) et de la récupération chirurgicale des embryons. (Allen, 1982a) 55 f) Le transfert des embryons Suivant que les embryons sont transférés immédiatement ou refroidis et transportés avant le transfert des embryons, la procédure peut être réalisée chirurgicalement ou non. Historiquement, le transfert chirurgical permettait d’obtenir des taux de gestation plus élevés, en général autour de 70 à 75% une semaine après le transfert. Cependant, des études récentes ont montré que les résultats du transfert non chirurgical peuvent égaler voir dépasser ceux du transfert chirurgical. (Vanderwall, 2000) Les taux de gestation plus faible parfois obtenus par transfert non chirurgical peuvent s’expliquer par le site de dépôt de l’embryon, les dommages causés à l’embryon durant le transfert, l’expulsion possible de l’embryon en dehors de l’utérus et enfin l’introduction possible de contaminants dans l’utérus, pouvant donner lieu à une infection de bas grade. (Iuliano, 1985) (1) Le transfert non chirurgical Il s’agit d’une méthode très simple chez la jument. (Allen, 1982a) Trois types de dispositifs sont employés couramment pour le transfert non chirurgical d’embryons : une pipette d’insémination standard, un “pistolet à insémination” en plastique à usage unique ou encore un “pistolet à insémination” en acier réutilisable. Quel que soit l’instrument utilisé, il est en général placé à l’intérieur d’une gaine de protection. (Vanderwall, 2000) L’embryon est placé dans 0,2 à 0,5 mL de milieu. Une réserve d’air de 1 à 2 mL est placée dans la pipette avant l’embryon de façon à assurer une expulsion complète du milieu et de l’embryon lorsque le piston de la seringue ou du pistolet est enfoncé. (Allen, 1982a) Pour le transfert la jument est placée dans un travail, sous sédation, et l’aire périnéale est préparée comme pour la récolte des embryons. Le manipulateur enfile un gant de fouille stérile ainsi qu’un gant de chirurgie stérile placé par dessus, il applique ensuite du lubrifiant. Le bout de l’instrument (recouvert de la gaine de protection) est placé dans la paume de la main et l’extrémité est protégée par le pouce du manipulateur. L’instrument est introduit dans le vagin et l’extrémité de la gaine de protection est introduite d’environ 0,5 cm dans l’anneau cervical externe. Puis l’instrument est avancé à travers la gaine de protection et passe à travers le col jusque dans l’utérus. L’embryon est déposé soit dans le corps soit dans une des cornes de l’utérus, l’instrument est alors guidé par manipulation transrectale jusque dans la corne. Une fois que l’instrument est correctement positionné, l’embryon est déposé et dans le même 56 temps l’instrument est reculé légèrement de façon à ce que son extrémité ne vienne pas toucher l’endomètre. (Vanderwall, 2000) La position du blastocyste transféré dans l’utérus revêt beaucoup moins d’importance que le fait de procéder au transfert aussi rapidement que possible avec un minimum de manipulations de l’appareil reproducteur de la receveuse. Ainsi il est possible que les manipulations supplémentaires nécessaires pour placer un blastocyste dans la corne plutôt que juste dans le corps de l’utérus de la jument receveuse soient suffisantes pour entraîner une diminution du taux de gestation. (Allen, 1982a) Il semble que le transfert non chirurgical présente un meilleur taux de réussite avec des embryons à J7 plutôt qu’à J8. Ceci serait dû au fait qu’un embryon plus vieux, donc plus gros puisse plus facilement être endommagé lors du transfert. (Iuliano, 1985) (2) Le transfert chirurgical (i) Méthode par laparotomie par le flanc La jument est debout, sous sédation et anesthésie locale. L’incision est réalisée au niveau du flanc. La corne utérine est extériorisée à travers l’incision et ponctionnée à l’aide d’une aiguille de suture à bord tranchant. La plaie de ponction est élargie grâce à des écarteurs à iris placés dans la lumière de l’utérus. L’embryon, contenu dans un petit volume de liquide est déposé dans la lumière utérine. La plaie de ponction n’est pas refermée, la corne utérine est replacée dans l’abdomen et l’incision chirurgicale est refermée. En raison de la mobilité de des embryons équins dans l’utérus, le transfert peut se faire soit dans la corne ipsilatérale soit dans la corne controlatérale au côté de l’ovulation. (Vanderwall, 2000) (ii) Méthode par laparotomie ventrale Cette technique n’est plus utilisée en routine chez le cheval, cependant c’est l’une de celle utilisée chez les équidés sauvages, la procédure de transfert d’embryons ne pouvant, chez eux, être réalisée debout sur animal vigile. La corne ipsilatérale est extériorisée à travers l’incision de laparotomie ventrale et une petite incision est réalisée dans la paroi de l’utérus et de l’endomètre au premier tiers de la corne environ. L’opération est réalisée à l’aide d’une aiguille 18 gauge émoussée, l’utilisation d’une telle aiguille réduit considérablement le risque d’hémorragie de l’endomètre dans la 57 lumière de l’utérus. L’embryon est placé dans un volume minimal de liquide (0,05 à 0,1 mL) au bout d’une pipette de Pasteur attachée par une faible longueur de tubulure à une seringue à tuberculination de 1mL. L’extrémité de la pipette est glissée à travers le trou dans la paroi utérine et avancée jusqu’à dépasser de 2 à 3 cm dans la lumière utérine avant que l’embryon soit doucement expulsé. (Allen, 1982a) Ainsi peut-on dire pour conclure que dans l’idéal le transfert d’embryon par méthode chirurgicale doit être mené entre J6 et J8 après l’ovulation, que l’embryon doit être transféré dans les 3 heures après la récupération et maintenu pendant le transfert à 30 ou 33°C dans un faible volume de milieu enrichi en sérum. Le transfert doit également se faire grâce à une petite incision dans la paroi de l’utérus, dans la portion antérieure de la corne utérine et si possible en absence de saignement de l’endomètre. Si l’ensemble de ces conditions est réuni, on peut espérer un taux de gestation supérieur à 70%. (Allen, 1982a) Il semble que le transfert chirurgical permette une flexibilité légèrement plus importante dans la synchronisation entre donneuse et receveuse. D’autre part, lors de transfert non chirurgical, le taux de gestation est plus élevé au milieu de la saison de reproduction physiologique que dans les périodes de transitions. Par contre la saison n’affecte pas le taux de gestation en cas de transfert chirurgical. Enfin, le taux de perte d’embryons n’est pas plus élevé lors de transfert non chirurgical ou chirurgical et n’est pas différent non plus de celui obtenu lors d’insémination artificielle courante. (Iuliano, 1985) g) Stockage et transport des embryons équins Il existe deux techniques de stockage des embryons, la première consiste à les refroidir et permet seulement un stockage à court terme avant transfert, la seconde consiste à congeler les embryons et offre la possibilité d’un stockage à long terme. (1) Stockage d’embryons refroidis La technique de stockage des embryons à 5°C développée ces dernières années a constitué un changement majeur dans le transfert d’embryons chez les Equidés. Elle permet de refroidir les embryons afin de les transporter à une station centrale pour les transférer aux juments receveuses. (Squires et al., 2003) 58 La méthode actuellement utilisée pour refroidir et transporter les embryons utilise le mélange nutritif de Ham F-10 comme milieu de maintien et de refroidissement. Il doit auparavant être tamponné en utilisant un mélange constitué de 90% de N2, 5% de O2 et 5% de CO2 qui diffuse à travers le milieu durant 3 à 5 minutes. Ce milieu est également supplémenté avec 1% de sérum de veau (fœtus ou nouveau-né), de la pénicilline (100 UI/mL) et de la streptomycine (100 µg/mL), tout comme l’était le DPBS. (Vanderwall, 2000) Pour le stockage, l’embryon est transféré avec précaution dans un tube de 5 mL contenant le milieu Ham F-10 stérilisé par filtration lui-même placé dans un tube à centrifugation de 50 mL contenant également le milieu Ham F-10 mais non stérilisé. L’ensemble est ensuite placé dans un Equitainer® qui refroidit l’embryon à 5°C et le maintient viable pour au moins 24 heures. (Vanderwall, 2000) L’intervalle entre la collecte et le transfert des embryons stockés est en général de 12 à 30 heures. (Squires et al., 2003) Il n’existe pas de différence significative entre les taux de gestation obtenus avec des embryons refroidis et transportés et avec des embryons frais transférés immédiatement après la collecte. Il a également été tenté de conserver les embryons dans le milieu Ham F-10 à une température de 15 à 18°C. Il semble que les embryons peuvent être stockés à cette température pour une durée allant jusqu’à 18 heures sans effet défavorable sur le taux de gestation. Des solutions permettant le stockage des embryons ont également été développées et sont maintenant disponibles dans le commerce, il semble que ces produits offrent une bonne alternative à l’utilisation du milieu Ham F-10 pour le stockage d’embryons refroidis pour 24 heures. (Squires et al., 2003) (2) Congélation d’embryons Le transfert d’embryons congelés est beaucoup moins répandu chez les chevaux que chez les bovins. La plupart des registres des races n’autorisent pas l’inscription des poulains nés après transfert d’embryons préalablement congelés. De plus, les techniques de superovulation n’étant pas efficaces, il est rare que des embryons surnuméraires soient récoltés, ce qui offrirait l’occasion de les congeler. D’un point de vue biologique, l’embryon équin est unique puisqu’il est pourvu d’une membrane protéique acellulaire appelée capsule, qui empêche la pénétration des cryoprotecteurs. A ce jour, la majorité des embryons qui ont été congelés n’ont pas été 59 transférés mais sont utilisés comme moyen de préservation du matériel génétique (banque d’embryons). La première naissance d’un poulain suite au transfert d’un embryon congelé à J6 a eu lieu en 1982. Il semble que les petits embryons à J6 supportent mieux la cryopréservation que les embryons à J7. Le cryoprotecteur utilisé est en général le glycérol (il peut être additionné de diverses substances réduisant le taux de mort cellulaire) et les embryons sont refroidis progressivement. Il existe une autre technique de congélation d’embryons, appelée vitrification, mais celles-ci a été très peu étudiée jusqu’ici. (Squires et al., 2003) 2. La formation des cupules endométriales chez la jument Nous allons maintenant nous intéresser à la formation d’une structure particulière à la gestation des Equidés, les cupules endométriales, dont nous verrons par la suite le rôle majeur lors des transferts d’embryons interspécifiques. Nous étudierons tout d’abord les caractéristiques de ces cupules. Nous rappellerons ensuite les points importants de l’embryogenèse et de la placentation chez le cheval afin de mieux comprendre les étapes du développement des cupules endométriales. Puis nous évoquerons les facteurs pouvant influencer la sécrétion de PMSG ainsi que l’influence du génotype fœtal puisque les Equidés ont la particularité de pouvoir donner naissance à des hybrides viables. Enfin nous aborderons le rôle des antigènes du Complexe Majeur d’Histocompatibilité dans la formation des cupules endométriales et leur expression par ces mêmes cupules. a) Caractéristiques des cupules endométriales La formation des cupules endométriales est une caractéristique particulière de la gestation équine. Elle a lieu durant la première moitié de la période de gestation dont la durée totale est de 340 jours. Elles prennent tout d’abord l’apparence d’une série de petites excroissances de l’endomètre, ressemblant à des ulcères, situées dans la corne utérine où a lieu la gestation. Les cupules sont visibles au microscope à partir de J38-J40, sous forme de plaques pâles et légèrement surélevées. Elles grossissent régulièrement durant les 30 à 40 jours suivants et prennent la forme de soucoupes en raison du fait que la croissance se poursuit en périphérie alors que la partie centrale de chaque structure dégénère. Vers J80, elle 60 deviennent plus pâles et commencent à sécréter une substance collante couleur miel qui adhère à la surface de l’allantochorion. Cette phase exocrine marque le début de la phase de dégénérescence qui progresse régulièrement. Entre J120 et J150 le tissu nécrotique des cupules mélangé au coagulum formé par la sécrétion est finalement éliminé de la surface de l’endomètre. Microscopiquement chaque cupule est formée d’un assemblage de cellules épithélioïdes qui possèdent un cytoplasme de couleur claire, floculent et deux noyaux de grande taille, euchromatiques, avec des nucléoles denses. Durant la vie des cupules, un nombre croissant de lymphocytes, cellules plasmatiques et éosinophiles s’accumulent dans le stroma endométrial environnant. Ces cellules donnent l’impression d’isoler chaque cupule du tissu stromal adjacent et jouent un rôle actif dans la destruction des cellules des cupules et finalement dans la déhiscence du tissu nécrotique de la surface de l’endomètre. Il n’existe pas de connexion physique directe entre les cupules et la membrane de l’allantochorion. Pourtant les cupules sont d’origine fœtale, les cellules épithélioïdes de cupules étant issues de cellules trophoblastiques spécialisées de la région de la ceinture chorionique, appartenant donc aux membranes fœtales qui envahissent l’endomètre entre J36 et J38 après l’ovulation. Les cupules sont la source de la gonadotrophine chorionique (PMSG) retrouvée à des concentrations élevées dans le sang de la jument durant la première moitié de la gestation. Cette hormone glycoprotéique unique exprime à la fois l’activité biologique de la FSH et de la LH et elle est sécrétée par les grosses cellules fœtales des cupules endométriales. De très hautes concentrations de PMSG sont retrouvées dans la sécrétion exocrine des cupules endométriales et dans le tissu des cupules lui-même. L’apparition de la PMSG dans le sérum maternel vers J40 coïncide avec la formation du premier des corps jaunes secondaires qui se développent au niveau des ovaires jusqu’au milieu de la gestation. Il en résulte un second pic de concentration en progestérone plasmatique vers J40. Cette concentration reste élevée durant les 100 jours qui suivent puis décline alors que les corps jaunes primaire et secondaire régressent. A partir de J150 les ovaires maternels ne contiennent ni follicules ni corps jaune et le placenta sécrète la progestérone nécessaire au maintien de la gestation. (Allen, 1982b) 61 b) Embryogenèse et placentation chez la jument La placentation ne se fait pas avant J45 chez le cheval. (Allen, 1973) Le placenta équin est classiquement décrit comme étant non-invasif en ce qui concerne son activité, épithéliochorial pour ce qui est de sa structure et d’architecture diffuse. Comme nous l’avons vu plus tôt, chez la jument, le transport dans l’oviducte est prolongé et l’embryon n’arrive pas dans l’utérus avant J5 ou J6 alors qu’il est déjà au stade blastocyste. Bien que l’embryon s’extrait de la zone pellucide à J8-9, il reste complètement encapsulé dans une seconde membrane, non cellulaire et translucide, jusqu’à J17. Jusqu’à environ J40-45 le conceptus reste de forme sphérique et n’est pas attaché dans l’utérus. Il est maintenu en place à la base d’une des deux cornes utérines par l’augmentation de tonicité de l’utérus qui apparaît à partir de J18. C’est seulement vers J42 qu’un contact intime et stable s’établit entre le trophoblaste et l’épithélium de l’endomètre. A J21 la vésicule embryonnaire mesure 6 à 7 cm de diamètre. Elle est recouverte dans sa partie externe par une couche de cellules trophoblastiques qui constituent le chorion, à la surface interne duquel se trouve la couche splanchnique du mésoderme, qui forme elle-même la couche externe du sac vitellin. L’embryon est situé à un pôle du sac et est, à ce stade, complètement enfermé dans l’amnios. Le mésoderme vascularisé se développe entre le trophectoderme et les couches de l’endoderme. Durant les 15 jours suivants, le mésoderme vascularisé continue de s’étendre entre le chorion et le sac vitellin bien qu’il n’atteigne jamais le pôle anembryonnaire si bien qu’une petite aire circulaire d’omphalopleure persiste dans cette région. (Allen, 1982b) Le contact entre les tissus fœtaux et maternels est limité à cette zone jusqu’à la placentation. (Allen, 1973) L’allantoïde grossit rapidement au pôle embryonnaire alors que dans le même temps le sac vitellin commence à régresser. Cela se traduit par le fait que l’embryon, qui est attaché au sac vitellin au niveau de l’ombilic, semble se déplacer à travers le blastocoele d’un pôle à l’autre. La fusion de l’allantoïde et du chorion donne naissance au véritable allantochorion qui deviendra finalement le placenta définitif. (Allen, 1982b) A la jonction de l’allantoïde en développement et du sac vitellin en régression, le mésoderme est avasculaire et à ce niveau la ceinture chorionique va se développer (Figure 62 13a). A J25, la ceinture prend la forme d’une série d’ondulations peu profondes de la couche de cellules trophoblastiques. (Allen, 1973) Cette crête, formée par les ondulations, se développe progressivement durant les 10 jours suivants. Les cellules trophoblastiques au sommet des crêtes se multiplient très rapidement si bien que chaque pli prend l’apparence d’une villosité allongée formée de cellules hyperplasiques. Cette région bien définie du chorion est donc nommée la ceinture chorionique et est visible à l’œil nu dès J28 sous la forme d’une bande annulaire pâle située entre l’équateur de la vésicule et le pôle embryonnaire. (Allen, 1982b) L’allantoïde ne participe pas à la formation des villosités mais semble plutôt former un point d’ancrage pour les projections. Chaque villosité est couverte par une couche de cellules du chorion très différenciées et le centre des villosités contient des assemblages de ces cellules chorioniques et d’autres éléments cellulaires non spécifiques. (Allen, 1973) Vers J34-36, la ceinture semble s’être déplacée vers l’autre hémisphère de la vésicule (c’est à dire vers le pôle anembryonnaire), l’allantoïde grossissant et le sac vitellin diminuant. A ce stade, on peut observer, au microscope, des projections en doigts de gant entremêlées et formées de petites cellules trophoblastiques de teinte foncée, se multipliant rapidement. Ces dernières libèrent d’importantes quantités d’une sécrétion exocrine amorphe, teintée par le bleu alcian. Cette substance permet à la surface de la ceinture d’adhérer à l’épithélium de l’endomètre. Puis entre J36 et J38, la totalité de la ceinture se détache des membranes fœtales et les cellules constituant la ceinture commencent à envahir activement l’endomètre pour former les cupules (Figure 13b). (Allen, 1982b) Il existe peu de différences structurales entre les cellules normales du chorion, qui formeront le placenta allantochorionique, et celles qui forment la ceinture chorionique avant l’invasion. La caractéristique qui distingue les cellules de la ceinture est leur grand noyau euchromatique avec un immense nucléole. Il semblerait que les corps multivésiculaires sécrètent le matériel extracellulaire et que celui-ci aide à la digestion des débris des cellules endométriales. Les cellules de la ceinture ont de nombreuses caractéristiques communes avec les cellules des cupules endométriales matures. Elles possèdent cependant des caractéristiques particulières associées à leur fonction migratoire. Ils s’agit principalement des villosités et des 63 pseudopodes qui se trouvent au pôle apical des ces cellules et qui s’étendent vers la surface de l’endomètre à travers la matrice extracellulaire. (Allen, 1973) a b c a. Invasion de l’endomètre par les cellules trophoblastiques spécialisées provenant de la région de la ceinture chorionique du conceptus. b. Accroissement et différenciation des cellules de la ceinture dans le stroma endométrial pour former les cupules endométriales définitives. c. Développement de la réponse maternelle à médiation cellulaire vis-à-vis des cellules fœtale des cupules, ce qui accélère la nécrose des cupules et leur éventuelle desquamation de la surface de l’endomètre. Figure 13 : Représentation schématique de la cinétique du développement des cupules endométriales, d’après Allen et Short (1997) (avec permission) 64 Dans les 2 à 3 jours suivant la séparation de la ceinture, le sac vitellin a complètement régressé et le conceptus est maintenant entouré par le véritable allantochorion. Dès lors, un contact de plus en plus intime s’établit entre la couche trophoblastique et l’épithélium de l’endomètre. Le placenta ainsi formé est de type microcotylédonnaire. (Allen, 1982b) c) Développement et régression des cupules endométriales Les cellules de la ceinture envahissent l’endomètre très rapidement, sur une période de 24 à 48 heures à partir de J36-38. Les cellules de la ceinture forment de grosses projections, semblables à des pseudopodes. (Allen, 1982b) Les premiers signes d’invasion correspondent à l’apposition de ces pseudopodes à la surface du plasmalemme des cellules de l’endomètre. Ces points d’apposition s’étendent ensuite à de plus grandes surfaces de contact cellulaire et aboutit, pour les cellules de l’endomètre, à la perte des villosités. La quantité de matériel extracellulaire diminue également entre les cellules de la ceinture et les cellules de l’endomètre. (Allen, 1973) Les cellules chorioniques n’envahissent pas l’épithélium de l’endomètre uniquement via les espaces intercellulaires. (Allen, 1973) Celles-ci s’enfoncent entre les cellules épithéliales ou directement à travers ces cellules, couvrant ainsi la surface luminale de l’endomètre. (Allen, 1982b) Le processus d’invasion et la disparition des cellules de l’épithélium endométrial sont extrêmement rapides. Les cellules du chorion séquestrent les cellules épithéliales et finalement les phagocytent. (Allen, 1973) Les cellules progressent sous les glandes de l’endomètre puis finissent par traverser également la lame basale. (Allen, 1982b) Cela se passe de la même façon que l’invasion initiale de l’épithélium. Les pseudopodes forcent le passage à travers la lame basale, suivis par le reste de la cellule. (Allen, 1973) Les cellules passent à travers la lame basale et descendent dans le stroma de l’endomètre. (Allen, 1982b) Le processus d’invasion et de phagocytose décrit ici ne concerne que l’épithélium à la surface de l’endomètre. Par contre, l’epithélium glandulaire utérin n’est pas attaqué de cette façon et les cellules de la ceinture chorionique migrent le long des glandes entre les cellules épithéliales et leur membrane basale sans endommager les cellules épithéliales glandulaires. Ce processus de formation des cupules endométriales chez la jument, celles-ci dérivant de cellules trophoblastiques spécialisées du fœtus, est illustré dans la Figure 14. (Allen, 1973) 65 Figure 14 : Représentation schématique de l’histogenèse des cupules endométriales, d’après Allen (1973) Peu après leur entrée dans le tissu stromal, les cellules de la ceinture commencent à subir une série de changements morphologiques et fonctionnels très marqués. Elles perdent leur capacité de migration, deviennent plus régulières, avec des contours arrondis et commencent à grossir de façon importante. Le cytoplasme devient pâle et d’apparence mousseuse ; un second noyau euchromatique, de grande taille, se développe. Les cellules typiques des cupules endométriales sont ainsi formées. L’épithélium de l’endomètre, qui est presque entièrement détruit durant la phase initiale d’invasion par les cellules ceintures, se régénère rapidement et a, en général, recouvert la surface luminale des cupules à J45. La portion apicale de la plupart des glandes endométriales a également été détruite par les cellules de la ceinture mais la portion fundique reste intacte et continue à produire les sécrétions exocrines. Ces substances s’accumulent dans 66 la lumière, entraînant une distension de plus en plus importante des glandes. Il y a peu de vaisseaux sanguins au niveau des cupules mais beaucoup de gros sinus lymphatiques se développent dans le stroma endométrial en dessous des cupules, ceux-ci permettent à la PMSG de gagner la circulation sanguine maternelle, via la lymphe. (Allen, 1982b) Immédiatement après la phase initiale d’invasion par les cellules de la ceinture chorionique, à J36-38, les leucocytes commencent à s’accumuler dans le stroma endométrial autour de chaque cupule. (Allen, 1982b) Initialement il s’agit presque exclusivement de petits lymphocytes (lymphocytes T CD4+ et CD8+ (Baker et al., 1999)) mais, alors que la gestation progresse, des cellules plasmatiques et un nombre considérable d’éosinophiles s’y rajoutent. (Allen, 1982b) a. Leucocytes accumulés autour du trophoblaste invasif à la base d’une cupule endométriale à J65. b. L’interface allantochorion-endomètre, à J83, montrant l’absence de leucocytes associés au trophoblaste non-invasif. Figure 15 : Réponse immunitaire à médiation cellulaire exprimée par la jument vis-à-vis des composantes invasives et non-invasives du trophoblaste intraspécifique de cheval, d’après Allen et al. (1987) (avec permission) Les leucocytes tendent à rester groupés dans le stroma et ne pénètrent pas en profondeur dans le tissu des cupules lui-même. Ainsi à J70-80, ils forment une bande compacte de cellules qui sépare chaque cupule des tissus maternels environnants. C’est 67 seulement à partir de J80-90, une fois que la régression de l’ensemble des cupules a débuté, que les leucocytes commencent à envahir le tissu des cupules et à détruire les grosses cellules qui le constituent (Figure 15). Dans le même temps, les cellules des cupules qui sont situées à la surface luminale de la région centrale de chaque cupule, et donc qui sont les plus éloignées des leucocytes accumulés à la périphérie, commencent à dégénérer et à se détacher de la surface. Cela permet la libération des sécrétions exocrines accumulées. Celles-ci se mélangent avec les cellules des cupules autolysées pour former un coagulum couleur miel qui adhère à la surface des cupules et de l’allantochorion sous-jacent. Ce coagulum contient une forte concentration de PMSG. La dégénérescence et la mort des cellules des cupules endométriales se poursuit en périphérie des cupules, aboutissant finalement à une nécrose complète du tissu des cupules. (Allen, 1982b) d) Facteurs influençant la sécrétion de PMSG Différents facteurs peuvent influer sur la sécrétion de PMSG. L’un de ces facteurs est la taille de la jument. En effet il a été constaté que les concentrations plasmatiques observées au pic de sécrétion de PMSG sont considérablement plus élevées chez les ponettes que chez les juments de grande race. Cet effet est sans doute dû tout simplement à un effet de dilution plus important en raison du plus grand volume sanguin chez les juments de grande taille. On suppose également une diminution de la sécrétion de PMSG avec le nombre de gestations. Cependant, ces effets sont d’autant plus difficiles à évaluer du fait qu’il existe d’énormes variations individuelles à la fois dans les concentrations plasmatiques retrouvées mais aussi pour ce qui est de la production totale de PMSG. Ces grandes différences sont sans doute reliées à la quantité ou au volume total du tissu des cupules endométriales qui se développe chez chaque jument, par conséquent cela dépend de la proportion de tissu de la ceinture chorionique, par rapport à la surface totale, qui envahit l’endomètre maternel à J3638. De plus l’endomètre présente une surface très irrégulière face au conceptus et la quantité de plis peut varier énormément d’un animal à l’autre. Chez les juments pour 68 lesquelles l’endomètre est très plissé, avec des cryptes profondes, la surface de l’endomètre réellement en contact avec la ceinture chorionique, et par conséquent accessible à l’invasion par les cellules de la ceinture, sera relativement faible. Par contre, chez les juments dont les plis de l’endomètre sont peu prononcés, la contractilité du myomètre, qui maintient le conceptus en place à J36, assurera le contact de quasiment la totalité de la surface de la ceinture avec l’endomètre. L’invasion par les cellules de la ceinture sera donc plus importante. Il en résulte que les différences individuelles importantes entre les juments semblent dépendre davantage des facteurs qui influencent la configuration de l’endomètre que de ceux qui affectent le taux de production des cupules endomètriales individuellement ou encore des cellules des cupules individuellement. (Allen, 1982b) e) Influence du génotype fœtal sur le développement des cupules L’étude des croisements entre cheval (Equus caballus, 2n = 64) et âne (Equus asinus, 2n = 62), aboutissant à la gestation d’hybrides (mulets et bardots), a montré que le génotype fœtal est l’un des facteurs qui exerce un effet important et constant sur le développement des cupules endométriales et la sécrétion de PMSG. (Allen, 1982b) Le croisement entre une jument et un âne mâle aboutit à la naissance d’un mulet et présente un taux de conception élevé. Par contre, le croisement réciproque entre une ânesse est un étalon, donnant le bardot, est beaucoup moins fertile. Les mécanismes responsables de ces différences importantes restent inconnus, bien que l’on suppose que le phénomène d’empreinte génétique (imprinting), sur lequel nous reviendrons plus loin, joue un rôle. (Allen et Short, 1997) Les juments portant des conceptus de mules présentent des concentrations de PMSG sériques ne s’élevant qu’à un sixième ou un dixième de ce qui est normalement retrouvé chez la jument portant un conceptus de cheval. De plus la durée de la sécrétion est plus courte et l’hormone a en général totalement disparu de la circulation sanguine à J80. Inversement, chez l’ânesse portant un conceptus de bardot, les concentrations de PMSG sériques sont en général cinq à huit fois plus hautes que chez une ânesse portant un conceptus d’âne. L’activité gonadotrophique persiste alors jusqu’à environ J120. 69 La ceinture chorionique qui se développe chez le conceptus de mule est plus étroite et plus fine que celle des conceptus de cheval. Il en résulte que beaucoup moins de cellules de la ceinture sont disponibles pour envahir l’endomètre dans la gestation de mule et par conséquent les cupules endométriales sont beaucoup plus petites et étroites que lors d’une gestation classique de cheval. La ceinture chorionique lors d’une gestation classique chez l’ânesse est semblable à la structure qui se forme chez la mule puisqu’elle est plutôt mince et étroite. Elle donne ainsi naissance à des cupules endométriales plus petites et plus étroites avec pour conséquence une production de PMSG plus basse que chez le cheval. Chez le conceptus de bardot, par contre, la ceinture se développe comme une structure large, épaisse et hyperactive. Un grand nombre de cellules de la ceinture pénètrent dans l’endomètre durant le processus d’invasion. Les cupules qui en résultent sont par conséquent plus larges et plus volumineuses que celles classiquement retrouvées chez l’ânesse avec, en conséquence, une augmentation de la production de PMSG. (Allen, 1982b) Une autre caractéristique importante des cupules endométriales chez les deux types d’hybrides est l’augmentation considérable du degré de la réponse leucocytaire maternelle dirigée contre les cupules. Un nombre beaucoup plus élevé de lymphocytes, de cellules plasmatiques et d’éosinophiles s’accumule dans le stroma endométrial et ceci beaucoup plus rapidement que lors des gestations intraspécifiques. Lors de gestation de mule, les lymphocytes ne restent pas groupés dans le stroma endométrial mais envahissent le tissu des cupules en profondeur et attaquent les cellules des cupules. La totalité des cupules est déjà détruite à J60, seulement 20 jours environ après leur formation. Dans le cas de la gestation de bardot, les leucocytes en nombre augmenté ont tendance à rester rassemblés dans le stroma endométrial de façon normale et semblent incapables de pénétrer en profondeur du tissu des cupules. Ceci permet aux cupules une durée de vie normale de 80 à 100 jours chez le bardot. (Figure 16) (Allen, 1982b) 70 Figure 16 : Comparaison de la taille et de l’apparence histologique des cupules endométriales et des concentrations de PMSG sérique chez les juments et ânesses portant respectivement des conceptus normaux de cheval et d’âne et des conceptus hybrides de mule et de bardot, d’après Allen (1982b) 71 L’accumulation de leucocytes autour des cupules endométriales semble refléter une réponse à médiation cellulaire maternelle classique suite à la reconnaissance d’antigènes étrangers exprimés par les cellules des cupules endométriales. L’augmentation considérable de la réponse leucocytaire dans les deux types de gestations d’hybrides est en faveur de cette hypothèse, de même que le fait que les cellules de la ceinture chorionique restent viables et continuent à sécréter de la PMSG durant plus de 200 jours lorsqu’elles sont cultivées in vitro. Par contre la différence importante entre les deux types de gestations hybrides en ce qui concerne la vigueur de l’attaque leucocytaire contre les cupules est difficilement explicable. Elle pourrait simplement être liée à l’arrangement des cellules des cupules dans l’endomètre. (Allen, 1982b) Deux mécanismes semblent interagir pour aboutir aux différences importantes observées en ce qui concerne la production de PMSG par les cupules endométriales dans les différents types de gestation. Tout d’abord, la largeur, le développement général et les capacités d’invasion de la ceinture chorionique sont largement influencés par le génome paternel. (Allen, 1992) Ainsi, le développement des cupules endométriales et donc la sécrétion de PMSG est élevée lorsque le père est un cheval, par contre la sécrétion est faible lorsque le père est un âne. (Allen et al, 1993) Il semble donc que le développement du trophoblaste équin, au moins en ce qui concerne la portion invasive de la ceinture chorionique, soit contrôlé par des gènes empreintes paternels. (Allen, 1992) L’autre facteur majeur gouvernant la sécrétion de PMSG chez les juments portant des embryons de mulets est la durée de vie réduite des cupules endométriales qui sont déjà de petite taille à l’origine. (Allen, 1992) f) Influence du Complexe Majeur d’Histocompatibilité (CMH) sur le développement des cupules endométriales Des alloantigènes lymphocytaires existent chez le cheval : on parle des Equine Lymphocytes Antigens (ELA) qui constituent le CMH chez les Equidés. Ceux exprimés par la mère peuvent alors être compatibles ou non avec ceux exprimés par le père. (Allen, 1984) Il semble que ces antigènes peuvent influencer le développement des cupules endométriales. 72 (1) Rappels sur la tolérance immunitaire du fœtus par la mère chez les autres Mammifères Les mécanismes généraux permettant la tolérance immunitaire du fœtus par sa mère sont complexes. Le placenta joue un rôle essentiel, assurant au fœtus une défense efficace contre le rejet. (i) Les antigènes majeurs d’histocompatibilité Les antigènes majeurs d’histocompatibilité sont réprimés dans la partie interne du placenta chez l’Homme par contre leur présence est formellement démontrée sur la partie la plus externe du placenta, celle qui envahit les tissus maternels. Les antigènes mineurs et les antigènes liés au sexe sont également présents sur la partie externe du placenta. Pourtant la mère ne développe pas de réaction immunitaire conduisant au rejet du fœtus. Le placenta peut cependant bien être reconnu comme étranger par le système immunitaire maternel et quinze pour cent des femmes développent des anticorps contre les antigènes majeurs du fœtus dès la première grossesse, et cette proportion augmente avec le nombre de grossesses. La reconnaissance des déterminants antigéniques paternels semble même bénéfique au fœtus puisque chez des souris rendues tolérantes aux antigènes paternels de leur fœtus le placenta était de taille anormalement petite. Plusieurs phénomènes peuvent expliquer la tolérance immunitaire du fœtus. Certaines hormones produites en abondance durant la grossesse (telles que la progestérone, la human Chorionic Gonadotropin…) ainsi que certaines protéines caractéristiques de la grossesse ont la capacité de réduire les réactions immunitaires. Cependant l’immunosuppression qui en résulte est très limitée et elle est, de plus, généralisée et peu spécifique. Il existe également des antigènes majeurs monomorphes à la surface du placenta, ceux-ci ne varient pas d’un individu à l’autre. On leur attribue un rôle fonctionnel important dans la tolérance du fœtus. Le fœtus fait l’objet d’une acceptation spécifique puisque les antigènes hérités du père sont tolérés, la mère conservant une réponse immunitaire normale vis-à-vis d’autres antigènes étrangers. Il existe des anticorps facilitants chez de nombreuses espèces, ils sont spécifiquement dirigés contre les antigènes majeurs d’origine paternelle qu’ils “masquent”. Il existe 73 également des cellules suppressives (il s’agit de lymphocytes) qui pourraient supprimer ou moduler les réactions immunitaires vis-à-vis des antigènes fœtaux d’origine paternelle. Ces deux types de réactions sont produits par l’organisme maternel, en réponse à une reconnaissance spécifique des antigènes fœtaux hérités du père. Enfin, les anticorps antiidiotypiques freinent l’activité des autres cellules du système immunitaires mais il est difficile de leur attribuer un rôle précis dans la gestation puisque toute réponse à un antigène étranger entraîne l’apparition d’anticorps anti-idiotypes. Quoi qu’il en soit, aucun de ces mécanismes ne suffit à expliquer à lui seul le phénomène de tolérance. (Chaouat, 1986) (ii) Rôle du placenta dans la défense du fœtus Il existe au moins sept mécanismes permettant la défense active du fœtus contre sa mère à l’interface foeto-maternelle. 1) Substances immunosuppressives non spécifiques concentrées localement au niveau du placenta. 2) Facteurs placentaires bloquant la différenciation des cellules tueuses (compétition avec l’interleukine 2), d’autres ayant un effet amplificateur sur les lymphocytes B qui produisent les anticorps facilitants. 3) Cellules tueuses de type NK qui sont dirigées contre les lymphocytes. 4) Petites cellules granulées qui libèrent un facteur qui inhibe la prolifération des cellules tueuses, celui-ci agit également en compétition avec l’interleukine 2. L’apparition de ces cellules est sous la dépendance même du placenta et a lieu dans un environnement imprégné de progestérone. 5) Sécrétion active par le placenta et la déciduale de substances capables d’inhiber l’activité de destruction des cellules tueuses. Elles agissent après fixation de ces dernières sur leur cible et elles sont, en partie du moins, caractéristiques d’espèce. 6) Capacité intrinsèque du placenta de résistance à la destruction par des cellules tueuses. 7) Substances libérées par le placenta ayant la capacité de transformer un anticorps dirigé contre le placenta en anticorps “bloquant”, c’est à dire incapable d’agir. Il y a donc mise en place d’un gradient immunosuppressif local capable d’empêcher l’apparition de réactions immunitaires dirigées contre le fœtus. 74 De plus l’intérieur du placenta est une zone neutre sur le plan immunitaire (absence d’antigènes du CMH). (Chaouat, 1986) Tout ces mécanismes se complètent donc de façon à prévenir un avortement immunitaire. (2) Production d’anticorps cytotoxiques Il a été mis en évidence chez l’homme et les rongeurs qu’une certaine proportion de femelles gestantes présente une évidence de reconnaissance sérologique et histologique ainsi qu’une réaction immunologique vis-à-vis des antigènes fœtaux. (Kydd et al, 1982) Ainsi des anticorps humoraux qui sont spécifiquement cytotoxiques pour les lymphocytes paternels apparaissent dans le sérum d’environ 15% des femmes durant la seconde moitié de leur première grossesse. L’incidence, tout comme le titre de ces anticorps augmentent au cours des grossesses suivantes. (Allen, 1982b) Une incidence beaucoup plus élevée de la production d’anticorps cytotoxiques a été mise en évidence chez les chevaux, de plus ces anticorps apparaissent plus tôt au cours de la gestation. (Kydd et al, 1982) Plus de 90% des juments produisent de hauts taux d’anticorps humoraux au cours de leur première gestation. Ces anticorps sont spécifiquement cytotoxiques pour les lymphocytes du père du poulain et leur production débute peu après l’invasion de la ceinture chorionique à l’origine de la formation des cupules. (Allen, 1982b) Cependant, lorsque le CMH du fœtus est compatible avec celui de la mère, il n’y a aucune production d’anticorps dans le sérum des juments. Par contre ces anticorps apparaissent vers J50 chez la jument lors d’incompatibilité. (Allen, 1984) Les titres en anticorps augmentent rapidement et restent élevés au cours de la gestation. (Allen, 1982b) L’existence d’une réponse anamnestique a été mise en évidence concernant la production d’anticorps cytotoxiques. En effet, lors d’une seconde gestation pour laquelle les différences d’histocompatibilité entre la jument et le fœtus sont les mêmes que lors d’une première gestation, la formation d’anticorps cytotoxiques est accélérée. Cependant les anticorps n’apparaissent pas avant la formation des cupules endométriales. (Anderson, 1988) Cependant, dans le cas de juments primipares gestantes de mulets, seule une petite proportion va produire des anticorps spontanément durant la période du développement des cupules endométriales. Cette production limitée d’anticorps chez les juments gestantes de 75 mulets est inattendue compte tenu de la réaction leucocytaire maternelle augmentée lors de ce type de gestation. (Allen, 1982b) Chez l’ânesse, seulement une faible proportion de femelles gestantes développe des anticorps, ceux-ci apparaissant à la même période que chez la jument.(Kydd et al, 1982) Peu d’ânesses gestantes de bardot ont été testées pour évaluer la présence d’anticorps dans leur sérum mais les animaux testés ont tous présenté une production d’anticorps aux environs de J45. (Allen, 1982b) L’incidence plus faible de la production d’anticorps cytotoxiques chez l’ânesse ne peut raisonnablement être attribuée à une augmentation de la probabilité d’obtenir des homozygotes aux loci du CMH (accouplements histocompatibles) lors d’accouplement chez l’âne (la population étant plus variable que chez le cheval). On peut alors supposer que la jument ou l’ânesse reçoivent d’autres types de stimulations antigéniques qui interviennent et sont différentes selon le type de gestation. (Allen, 1982b) De plus, on a découvert récemment, en étudiant la réponse immunitaire cellulaire visà-vis des antigènes du CMH paternel, qu’il existe une diminution très importante, en ce qui concerne les lymphocytes du sang périphérique, de l’activité des lymphocytes T cytotoxiques (LTC) spécifique du CMH, contre les cellules paternelles allogéniques chez les juments et ânesses présentant des gestations intraspécifiques. Il s’agit en fait d’une réorientation généralisée et systémique de la réactivité immunitaire cellulaire au profit de l’immunité humorale durant la gestation (passage d’une réponse immunitaire de type Th1 à une réponse de type Th2). Cette réorientation est transitoire, l’activité des LTC revient à la normale après la gestation et elle n’a pas lieu chez les juments gestantes de mulets. (Baker et al., 1999) Ceci ne justifie pas les différences observées lors de gestations normales chez la jument et chez l’ânesse mais cela explique la faible production d’anticorps chez les juments gestantes de mulets. (3) Morphologie des cupules endométriales L’apparence des cupules est semblable, qu’il y ait compatibilité entre la jument et son fœtus ou non. Les cupules sont viables, avec peu d’accumulation de sécrétions qui sont de consistance fluide. Les variations observées correspondent à des différences dans la taille des cupules. Il n’existe pas de distinction franche entre les gestations compatibles ou non compatibles mais il semble cependant que l’accumulation de leucocytes tend à être plus 76 importante lors de gestation compatible. La différence est beaucoup plus nette chez la ponette. Lors de gestation incompatible, les cupules sont semblables à celles observées chez la jument alors qu’en cas de gestation compatible, on observe des cupules endométriales peu viables avec une forte accumulation de leucocytes, ce qui se rapproche de ce que l’on observe lorsque le fœtus est une mule. (Allen, 1984) Les concentrations sériques en PMSG sont semblables entre les gestations compatibles et non compatibles. (Anderson, 1988) g) Expression des antigènes du CMH par les cupules endométriales Il existe une corrélation temporelle entre le développement des cupules, l’attraction lymphocytaire vers le tissu des cupules et l’apparition d’anticorps anti-CMH dans le sérum maternel. Les cupules seraient donc la source des antigènes du CMH paternels qui stimulent le système immunitaire de la jument gestante. (Allen, 1984) La réaction lymphocytaire représentant la réponse immunitaire maternelle à médiation cellulaire à ces antigènes d’histocompatibilité et les anticorps cytotoxiques correspondant à la composante humorale de cette réponse. (Kydd et al, 1982) On peut remarquer que le fœtus n’exprime qu’un seul des deux antigènes du CMH du père (dans le cas ou le père est hétérozygote pour ces antigènes) et donc la mère elle aussi ne produira des anticorps que contre un seul de ces antigènes. (Allen, 1984) Cependant, il n’a pas été possible de démontrer la présence d’antigènes du CMH de classe I sur les cupules endométriales matures ou le trophoblaste non-invasif, grâce à l’utilisation d’anticorps monoclonaux anti-CMH bien caractérisés. De plus, chez les juments portant des fœtus dont le CMH de classe I est compatible, les concentrations en PMSG dans le sérum maternel ne sont pas plus élevée que chez les juments portant des fœtus histoincompatibles et l’activité de la PMSG ne persiste pas, plus longtemps au cours de la gestation. Cependant le tissu d’origine des cupules, la ceinture chorionique réagit de façon importante lors des tests avec les anticorps monoclonaux anti-CMH. Bien qu’on ne parvienne pas à démontrer la présence d’antigènes du CMH de classe I sur les cupules endométriales par méthode histochimique, la forte affinité des sérums antiCMH de classe I pour le tissu de la ceinture chorionique et l’association temporelle entre la production d’anticorps cytotoxiques et la formation des cupules restent en faveur du rôle de 77 source d’alloantigènes joué par la composante invasive du trophoblaste lors de gestation équine. (Allen et al., 1987) En fait, on a démontré que les antigènes du CMH de classe I sont exprimés avec une densité très importante à la surface des cellules trophoblastiques de la ceinture chorionique à J32-36, juste avant qu’elles envahissent l’endomètre. Les cellules matures des cupules endométriales sécrétant la PMSG, qui dérivent des cellules de la ceinture chorionique, expriment les antigènes du CMH de classe I à des niveaux très réduits. Aucun antigène du CMH de classe I n’est détectable dans les cellules du trophoblaste non invasif, excepté sous la forme de petites zones isolées. Les antigènes du CMH de classe II n’ont été détectés sur aucune cellule, bien qu’ils soient exprimés à de hauts niveaux par l’épithélium endométrial glandulaire et luminal bordant les cupules endométriales. Les antigènes du CMH de classe I sont également exprimés à de hauts niveaux par les tissus de l’endomètre au niveau des cupules. Le haut niveau d’expression des antigènes du CMH de classe I par les glandes de l’endomètre bordant et entourant les cupules contraste fortement avec l’expression réduite des antigènes de classe I par les cupules endométriales matures elles-mêmes. (Donaldson et al., 1990) Par contre, il est étonnant que la réponse à médiation cellulaire maternelle soit augmentée (en particulier chez la ponette) en l’absence de production d’alloanticorps. La relation, apparemment inverse à ce que l’on attendrait, qui existe entre la compatibilité du CMH et l’intensité de la réaction leucocytaire suggère que la réponse à médiation cellulaire pourrait être dirigée contre des antigènes autres que ceux du CMH tels que les antigènes mineurs d’histocompatibilité ou des antigènes spécifiques du tissu du placenta. (Allen, 1984) Chez l’âne, l’origine physiologique ou génétique du manque de réponse immunitaire à médiation humorale lors de gestation n’a pas encore été établie. (Kydd et al, 1982) Ce bilan concernant le cheval et l’âne nous permet d’aborder maintenant le premier type de transfert d’embryons interspécifique réalisé chez les Equidés. 78 B. Les transferts d’embryons interspécifiques chez les équidés domestiques Le genre des Equidés est l’un des seuls genres de Mammifères chez lequel le croisement entre des espèces différentes, dont le nombre de chromosomes est très différent, aboutit à la naissance d’une progéniture hybride viable. Ceci peut d’ailleurs paraître surprenant compte tenu de l’importante réaction maternelle qui se produit chez ces espèces lors de la formation des cupules endométriales. (Allen, 1982a) Il semble que toutes les espèces d’Equidés croisées entre elles peuvent donner une descendance viable si la femelle est inséminée avec de la semence fertile au moment approprié de son cycle ovulatoire. Cependant, dans la plupart des cas, lors de croisements avec Equus caballus la femelle doit être la jument pour que le croisement soit un succès. (Allen et Short, 1997) Ces hybrides ont été largement utilisés pour l’étude des mécanismes reproducteurs et du développement embryonnaire. Cependant les combinaisons sont tout de même limitées. Les procédures de transfert d’embryon permettent de réaliser de véritables gestations interspécifiques lors desquelles le conceptus et la femelle gestante sont d’espèces différentes. Les gestations interspécifiques sont largement utilisées pour étudier les mécanismes qui permettent au fœtus de survivre et d’être accepté par le système immunitaire de sa mère. Lors de ces transferts interspécifiques, le trophoblaste joue un rôle très important dans la réussite de la gestation. Chez la plupart des espèces il est nécessaire que le trophoblaste soit du même génotype, en ce qui concerne l’espèce, que l’utérus de la mère receveuse. Cependant, chez les Equidés, le fœtus peut être transféré avec ses propres annexes fœtales. Cette particularité est sans doute liée à la structure des annexes fœtales et à l’existence des cupules endométriales chez les Equidés. (Anderson, 1988) Dans cette partie, nous allons donc envisager les différents types de transferts interspécifiques d’embryons chez les équidés domestiques. Nous allons tout d’abord étudier les transferts interspécifiques d’embryons d’hybrides puis nous verrons les transferts interspécifiques entre le cheval et l’âne. Nous aborderons ensuite des notions d’immunologie avec l’expression d’antigènes par les cupules endométriales et par le trophoblaste normal. Les effets du génotype fœtal et de l’environnement utérin sur le développement utérin seront 79 également explicités. Enfin, nous étudierons un dernier transfert interspécifique, celui d’embryons d’âne et de cheval chez la mule. 1. Les transferts interspécifiques d’embryons d’hybrides d’équidés Le transfert d’embryons de mules à des ânesses, de même que celui d’embryons de bardots à des juments ont tous deux été réalisés avec succès. (Allen, 1982a) Ces transferts ont été entrepris afin d’étudier l’influence du génotype fœtal sur le développement des cupules endométriales. (Allen, 1982b) Lors de transfert d’embryons de mules à des ânesses, les cupules endométriales (observées entre J60 et J70) sont très différentes, à la fois en ce qui concerne la taille et l’apparence, de ce qui serait attendu à ce stade de gestation si l’embryon de mule avait été laissé chez sa véritable mère, une jument. Au lieu des structures petites et étroites qui auraient en principe été largement envahies par des lymphocytes et seraient donc à un stade final de dégénérescence et de nécrose, les cupules présentent chez les ânesses receveuses sont de grande taille et actives. Elles ressemblent fortement à celles observées lors d’une gestation classique de bardot. Cette ressemblance a été confirmée histologiquement. On observe les assemblages typiques de cellules des cupules endométriales dans le stroma, la dilatation de type kystique de nombreuses glandes endométriales à l’intérieur du tissu des cupules et une augmentation marquée de la réaction leucocytaire maternelle par rapport à la gestation normale chez l’ânesse. (Allen, 1982b) Par contre, la plupart des cellules des cupules sécrétant la PMSG sont encore viables et l’accumulation de leucocytes est moins importante que celle observée chez la jument lors de gestation de mule. De plus ces leucocytes restent groupés dans le stroma environnant. (Allen et al., 1993) Il faut noter qu’au cours de ce type de gestation, comme lors de gestation intraspécifique chez le cheval ou chez l’âne, la réaction cellulaire ne s’attaque pas à la couche trophoblastique de l’allantochorion normal. (Allen et al., 1985) Les ânesses présentent également de très hautes concentrations sériques en PMSG au moment du retrait des fœtus (entre J60 et J70) ainsi que de très hautes concentrations 80 plasmatiques de progestérone après J50. (Allen, 1982b) Chez une autre ânesse, chez laquelle l’embryon est laissé en place, la PMSG peut être détectée dans le sang jusqu’aux environs de J150. (Allen et al., 1993) Les résultats sont moins clairs lors du transfert d’embryons de bardots à des juments. A J37 les lymphocytes sont déjà accumulés dans le stroma endométrial et semblent être en train d’attaquer les cellules de la ceinture. A J45 le cercle typique de cupules endométriales de taille moyenne est présent dans la corne gestante. Ces cupules sont d’apparence similaire aux cupules de petite taille retrouvées lors de gestation intraspécifique chez le cheval au même stade de gestation. Histologiquement cependant, ces cupules ressemblent davantage à celles retrouvées classiquement chez la mule puisque les cellules des cupules sont assemblées de façon plutôt lâche dans le stroma endométrial et qu’un nombre assez important de leucocytes accumulés a commencé à envahir le tissu des cupules plutôt que de rester rassemblé autour de ce dernier. (Allen, 1982b) Les observations faites sur les conceptus de mules transférés, c’est à dire le développement de cupules endométriales très larges et actives qui sécrètent de grandes quantités de PMSG comme lors de gestation classique de bardot, sont explicites. (Allen, 1982b) Elles mettent clairement en évidence l’influence importante que l’environnement utérin peut avoir sur le développement des membranes foetales (Allen, 1982b) contrairement à l’idée selon laquelle l’empreinte du génome paternel détermine le devenir de la ceinture chorionique (Allen et Short, 1997). 2. Les transferts interspécifiques d’embryons entre l’âne et le cheval Les transferts respectifs d’embryons de chevaux à des ânesses et d’ânes à des juments ont également été réalisés avec succès. (Allen, 1982a) Ils ont donné lieu à des gestations interspécifiques où le conceptus est à la fois xénogénique et extraspécifique pour la mère receveuse. (Allen, 1982b) Nous verrons que ces caractéristiques influent sur la formation d’anticorps cytotoxiques chez la mère et sur la placentation. Des tentatives d’immunisation de la mère ont été menées afin d’aider au maintien de la gestation. 81 a) Le transfert d’embryons de cheval chez l’ânesse (♀ cheval × ♂ cheval → ♀ âne) Six gestations interspécifiques d’âne chez le cheval ont été obtenues sur une période de trois ans à partir de neuf transferts (67%) d’embryons de cheval récupérés à J7 ou J8 postovulation. Sur ces six gestations, deux se sont poursuivies jusqu’au terme et des poulains en bonne santé sont nés respectivement à 336 et 363 jours de gestation (Figure 17). Deux autres conceptus ont été retirés par hystérotomie à J59 et J62 et enfin une ânesse portant à la fois son propre conceptus d’âne et un conceptus de cheval a été tuée à J63 afin de récupérer l’utérus gravide. (Allen, 1992) Le conceptus de cheval transféré chez une ânesse aboutit à la formation de cupules endométriales actives et de grande taille. (Allen, 1982a) Celles-ci se sont développées après l’invasion de l’endomètre par une ceinture chorionique large et active. (Allen, 1982b) Il en résulte de hautes concentrations de PMSG dans le sang de la mère. Ces embryons semblent s’implanter facilement et continuent à se développer normalement jusqu’au terme. (Allen, 1982a) Figure 17 : Anesse receveuse et son poulain issu de transfert d’embryon interspécifique (photographie aimablement prêtée par le Dr W.R. Allen) 82 Le développement des cupules endométriales ainsi que la production d’hormones sont similaires à ceux observés lors de gestation classique de bardot et lors du transfert d’embryons de mules chez l’ânesse. (Allen, 1982b) Les cupules sont donc larges et actives et les concentrations plasmatiques en PMSG sont élevées. Un très grand nombre de lymphocytes s’accumule dans le stroma endométrial autour de chaque cupule. Cependant, malgré l’intensité de cette attaque, les cupules persistent jusqu’à après J100. (Allen et al., 1985) Chez l’ânesse portant à la fois son propre conceptus âne et un conceptus transféré de cheval les différences observées à J60 au niveau des cupules endométriales sont visibles histologiquement. (Allen, 1982b) Les cupules endométriales associées au conceptus intraspécifique d’âne sont typiquement plus étroites et plus petites que celles associées au conceptus de cheval. (Allen, 1992) Alors que la réponse leucocytaire dirigée contre les cupules d’âne était légèrement plus importante que celle attendue lors de la gestation classique chez l’âne, elle est néanmoins beaucoup moins sévère et destructrice que l’attaque contre les cupules extraspécifiques de l’embryon de cheval situé dans la corne controlatérale. Un très grand nombre de leucocytes sont agrégés autour de chaque cupule et envahissent le tissu des cupules en profondeur en détruisant les cellules des cupules. (Allen, 1982b) L’examen histologique de l’interface allantochorion-endomètre chez les deux autres ânesses, abattues autour de J60, montre que l’implantation se déroulait normalement chez les deux animaux. Les villosités chorioniques primaires et secondaires s’engrènent exactement dans les cryptes endométriales correspondantes. (Allen, 1982b) Il n’y a pas d’accumulation leucocytaire visible à l’interface allantochorion-endomètre. (Allen et al., 1985) Les cupules endométriales de cheval, plus grosses et actives, sont à l’origine d’une élévation de la concentration sérique de PMSG chez la plupart des ânesses receveuses, ainsi qu’une concentration de progestérone plasmatique augmentée chez l’ensemble de ces dernières entre J50 et J90 par rapport à ce qui est observé lors de gestation intraspécifique chez l’ânesse. (Allen, 1982b) La sécrétion excessive de progestérone est engendrée par le développement d’un plus grand nombre de corps jaunes secondaires et de follicules lutéinisés dans les ovaires maternels. Cette hyperstimulation ovarienne est, semble-t-il, due plutôt à un ratio augmenté de l’activité biologique de l’hormone FSH-like vis-à-vis de l’hormone LH-like chez le cheval par rapport à l’âne et non à une augmentation de la quantité totale de 83 gonadotrophine sécrétée. (Allen et al., 1985) Il n’y a pas d’évidence d’accumulation de leucocytes chez l’ânesse lorsque la gestation peut être menée à terme. (Allen, 1982b) b) Le transfert d’embryons d’âne chez la jument (♀ âne × ♂ âne → ♀ cheval) Lors de ce transfert le taux de succès du transfert est élevé, il y a bien gestation mais le taux de naissance d’un ânon vivant est très faible. Dans la majorité des cas il y a avortement ou résorption du conceptus entre 47 et 105 jours de gestation. Dans les cas où le conceptus a été retiré chirurgicalement entre J60 et J87, il y a avait alors évidence de lésions du fœtus et du placenta, celles-ci résultant d’une réaction immunitaire à médiation cellulaire maternelle, généralisée, contre le conceptus. Lors de ces gestations, aucun développement des cupules endométriales n’a été mis en évidence en raison de l’incapacité complète de la ceinture chorionique de l’embryon d’âne à envahir l’endomètre de la jument entre J35 et J40. (Allen, 1982a) Ainsi à J43, la ceinture chorionique typiquement petite et étroite chez l’âne mais qui devrait, à ce stade, avoir envahit l’endomètre, est toujours visible attachée au chorion. (Allen, 1982b) Cependant, le fœtus d’âne semble grandir et se développer normalement jusqu’à environ J70 et l’allantochorion reste sain et bien vascularisé à ce stade. (Allen et al., 1985) Après J70, le fœtus dépérit et prend une apparence de plus en plus congestive. Les fluides amniotiques deviennent progressivement de couleur rouge en raison de l’hémolyse des globules rouges fœtaux. L’allantochorion est apposé de façon lâche plutôt qu’adhérant à l’endomètre maternel. Il devient de plus en plus pale et flaccide entre J70 et J85 suite à l’arrêt progressif de la circulation fœtale (Figure 18). Finalement le fœtus meurt entre J80 et J95 et le conceptus en dégénérescence est expulsé avant que la mère ne revienne en oestrus. (Allen et al., 1985) 84 Figure 18 : Conceptus interspécifique d’âne chez le cheval avorté à J87 de gestation, d’après Allen et al. (1987) (avec permission). Aucune production de PMSG n’est détectable dans le sang des juments à aucun des stades de gestation, ceci suite à l’absence totale de formation des cupules endométriales. Dans la grande majorité des cas, il n’y a pas de développement d’un second corps jaune. En ce qui concerne la concentration en progestérone plasmatique, au lieu de l’augmentation soudaine observée normalement autour de J40, celle-ci reste relativement constante jusqu’aux environs de J50-J80 puis décline progressivement. Cette période semble correspondre avec le moment de l’échec de la gestation. L’administration de progestagènes exogènes (allyl trembolone) ne permet pas d’éviter la perte du fœtus (Tableau 4). Il est intéressant de remarquer que lors de traitement à l’aide d’un progestagène, cela a pour effet que le corps jaune primaire régresse plus précocement au cours de la gestation que chez des juments non traitées. La concentration en progestérone plasmatique commence également à diminuer peu après le début du traitement bien que le conceptus continue à se développer normalement au cours de cette période. L’administration de progestagènes exogènes à des juments gestantes exerce donc un effet lutéolytique modéré ou en quelque sorte un effet antilutéotrophique. Il semble donc inenvisageable d’administrer des progestagènes aux juments gestantes en tant que thérapie de remplacement chez les juments 85 présentant un risque d’échec de gestation suite à une trop faible production de progestérone endogène. Le traitement avec de la PMSG semble inefficace également (Tableau 4). Dans certains cas, une légère augmentation de la production de progestérone est observée, reflétant soit la formation d’un corps jaune secondaire ou la stimulation de l’activité sécrétrice du corps jaune primaire. Cependant, la réponse obtenue est très variable et dans l’ensemble elle est considérée comme négative. (Allen, 1982b) Tableau 4 : Traitements endocrinologiques administrés aux juments portant des conceptus interspécifiques d’ânes, d’après Allen et al. (1987). Traitement Aucun Allyl trenbolone orale (44mg par jour) PMSG partiellement purifiée (20 000-30 000 U.I.) Total Nombre de gestations Devenir des gestations Avortée Reste gestante avant J110 après J150 Taux de survie fœtale (%) 15 4 12 4 3 0 20 0 7 6 1* 14 26 22 4 15 * Fœtus viable et allantochorion implanté normalement à J83. On sait que l’embryon équin n’entre pas réellement en contact avec l’endomètre de la jument avant J45. L’absence de nécessité d’un contact physique rapproché avec les tissus maternels associée au taux de survie élevé de l’embryon xénogénique en début de gestation, semble indiquer que le jeune conceptus d’équidé présente relativement peu d’exigences spécifiques. C’est seulement à partir de J40, lorsque la réaction immunologique au niveau des cupules endométriales débute, qu’une relation intime et stable avec l’organisme maternel devient nécessaire à la survie de l’embryon. (Allen, 1982a) Le transfert d’embryons d’ânes à des juments constitue donc un modèle d’échec de gestation dans lequel plus de 70% des conceptus meurent et sont avortés entre J80 et J100. (Allen et al., 1987) Certaines gestations parviennent tout de même à terme, on peut alors remarquer que l’ânon a largement bénéficié de la surface d’échange placentaire plus importante offerte par l’utérus de jument qui est plus grand que celui d’ânesse (Figure 19). (Allen et Short, 1997) 86 Figure 19 : Jument receveuse et son ânon issu du transfert d’embryon interspécifique (photographie aimablement prêtée par le Dr W.R. Allen) Il existe en fait une gradation en terme de placentation et de survie fœtale lors de gestation d’âne chez le cheval. On peut ainsi les classer. On parle alors de gestation normale chez ces quelques juments qui donnent naissances à des ânons grands et robustes. Un autre groupe correspond aux juments qui donnent naissance à des ânons petits et dysmatures après terme. Puis un troisième groupe qui avorte des ânons sévèrement sous-développés dans les semaines avant le terme. Enfin, le groupe le plus important correspond aux fœtus qui subissent un échec typique de l’implantation combiné avec le rejet immunitaire maternel à médiation cellulaire qui se terminent par un avortement avant J100. (Allen, 1992) c) Production d’anticorps cytotoxiques et effet de l’immunisation contre les antigènes fœtaux La présence d’anticorps humoraux maternels dirigés contre les antigènes du CMH des parents génétiques du fœtus porté a été testée chez des juments et ânesses receveuses d’embryons de l’autre espèce. Des échantillons de sérum étaient prélevés depuis J20 jusqu’à 10 à 14 jours après l’avortement, le retrait chirurgical du conceptus ou encore la naissance d’un poulain vivant. Au cours de cette étude seules trois ânesses avaient été testées pour les anticorps cytotoxiques et leur présence a été démontrée chez deux d’entre elles. Cependant, cette production d’anticorps est très différente de celle qui est observée lors de gestation classique 87 intraspécifique chez le cheval. En effet, dans le cas des ânesses, les anticorps contre les antigènes du CMH du père du fœtus n’ont commencé à apparaître qu’après J300 chez les deux animaux. Chez les 22 juments portant des conceptus d’ânes qui ont été testées pour les anticorps cytotoxiques contre les lymphocytes des parents la réponse était très variable. (Allen, 1982b) Le sérum de la majorité des juments ne présentait pas d’activité cytotoxique. (Kydd et al, 1982) Huit juments ont montré une production d’anticorps détectable à n’importe quel moment de la gestation. Parmi ces juments, trois avaient reçu des injections d’un mélange de lymphocytes des parents aux environs de J40-J60. Chez les autres juments positives, le stade de gestation auquel les anticorps devenaient détectables dans le sérum ainsi que la durée de détection étaient très variables. Chez deux juments, les anticorps détectés n’étaient dirigés que contre un seul des parents biologiques (la mère et le père respectivement). (Allen, 1982b) Etant donné qu’il n’y a pas production de cupules endométriales lors de gestation de conceptus d’âne chez le cheval, il existe donc une autre source d’antigènes constituant le stimulus pour la production d’anticorps, comme cela a déjà été suggéré. L’absence d’anticorps cytotoxiques dans de nombreuses gestations ayant échoué montre que l’activité cytotoxique des anticorps ne peut être responsable de l’échec des gestations. Les anticorps cytotoxiques ne semblent pas non plus augmenter les chances de succès de la gestation puisque les animaux chez lesquels des anticorps sont apparus, naturellement ou artificiellement, ont également avorté. (Kydd et al, 1982) d) Placentation et changements histologiques Chez les juments portant un embryon d’âne les structures observées après le retrait chirurgical du conceptus après J60 donnent l’impression d’un manque d’attachement entre l’allantochorion et l’endomètre. Une quantité variable d’une sécrétion brillante couleur miel est visible à la surface de l’allantochorion. De plus, de nombreuses structures à paroi fine, de type kystique contenant un liquide clair sont dispersées à la surface interne de l’allantochorion. Ces structures sont facilement rompues durant la procédure chirurgicale. La raison sous-jacente au manque d’attachement de l’allantochorion à l’endomètre est facilement identifiable après l’examen au microscope de l’interface trophoblaste-endomètre. Lors d’une gestation classique chez le cheval, une apposition intime des microvillosités du trophoblaste avec l’épithélium luminal maternel et le développement d’interdigitations de 88 complexité croissante surviennent à partir de J45. Dans le cas de la gestation interspécifique d’embryon d’âne chez la jument, l’allantochorion semble plutôt reposer simplement à la surface de l’endomètre. Il y a très peu de signes de formation de villosités par le chorion et encore moins d’évidence d’un développement des cryptes de l’endomètre. Il semble que les surfaces épithéliales aient tendance à se repousser plutôt qu’à s’unir. Cette impression est accrue par l’augmentation de la quantité des sécrétions exocrines au cours de la gestation. Ce matériel est produit principalement par les cellules trophoblastiques et constitue une véritable barrière physique entre les surfaces maternelles et fœtales. Cependant chez certains animaux on peut observer une certaine apposition du trophoblaste et de l’épithélium utérin et quelques aires semblent normales par rapport à ce qui est attendu lors de gestation normale chez le cheval. La caractéristique la plus frappante observée lors de cet examen est l’accumulation très importante de leucocytes dans le stroma endométrial dans la plupart des endroits où l’endomètre est en contact avec l’allantochorion (Figure 20). On retrouve là encore des variations importantes, sur des coupes histologiques d’une même jument ou de juments différentes, dans l’étendue et l’intensité de l’accumulation leucocytaire. Ces différences ne sont pas corrélées directement au moment de la gestation, cependant, il est clair que l’accumulation de leucocytes est progressive. Initialement les cellules restent dispersées dans le stroma, sous l’épithélium luminal, puis elles s’agglutinent de plus en plus densément jusqu’à finalement commencer à passer à travers l’épithélium et s’attaquer aux cellules trophoblastiques. Ce stade final des modifications histologiques semble correspondre avec une congestion, une hémolyse et la mort du fœtus ainsi qu’une dévascularisation de l’allantochorion. Chez une des juments dont le conceptus est retiré à J85, l’allantochorion est beaucoup plus fermement attaché à l’endomètre que chez les autres animaux et, tout comme le fœtus, il semble sain et bien vascularisé. Ce développement spectaculaire est aussi visible histologiquement puisque l’implantation s’est déroulée correctement jusqu’à ce stade de gestation. Comme lors de gestation intraspécifique, les villosités chorioniques allongées et arborescentes se sont développées et sont déjà profondément enchâssées dans les cryptes correspondantes de l’endomètre. On n’observe pas d’accumulation excessive de sécrétions exocrines comme chez les autres juments. Néanmoins, malgré l’apparence normale des surfaces maternelle et fœtale, il existe des zones de l’endomètre où l’accumulation de lymphocytes est assez intense. Ces agrégats de lymphocytes semblent être confinés au stroma 89 et les cellules ne montrent aucun signe de migration à travers l’épithélium de l’endomètre pour attaquer le trophoblaste. On en conclut que si cette jument avait été gardée gestante, elle aurait probablement mené à terme avec succès son conceptus d’âne. (Allen, 1982b) Figure 20 : Coupes histologiques de l’interface allantochorion-endomètre chez (a) une jument portant un conceptus intraspécifique viable de cheval à J85, et (b) une jument portant un conceptus interspécifique d’âne à J82, d’après Allen (1992) (avec permission) e) Effets de l’immunisation et mémoire immunitaire Devant l’inefficacité des traitements à l’aide de gonadotrophine exogène ou de progestérone à maintenir la gestation d’un fœtus d’âne chez la jument, la mise en jeu de facteurs immunologiques est l’hypothèse la plus probable. On a donc tenté de créer une immunoprotection du fœtus d’âne à la fois par immunisation active et passive de la jument receveuse. (Anderson, 1988) Du sérum de jument gestante (gestation intraspécifique) est utilisé pour l’immunisation passive et administré tous les quatre à cinq jours entre J40 et J85 à huit juments. Trois autres juments reçoivent du sérum de jument non gestante. (Allen et al., 1987 ; Allen et al., 1985) 90 Le conceptus est retiré chirurgicalement à J85 chez deux des juments traitées avec du sérum de jument gestante. Dans les deux cas le fœtus est bien développé et l’allantochorion est fermement attaché à l’endomètre. L’examen histologique confirme que l’implantation est normale à ce stade. Bien que des leucocytes soient accumulés de façon sporadique dans le stroma endométrial, ils ne semblent pas passer à travers le stroma de l’endomètre. On peut donc en conclure que ces gestations auraient probablement été menées à terme si elles n’avaient pas été interrompues. (Allen et al., 1985) Trois des juments traitées avec du sérum de jument gestante et les trois juments traitées à l’aide de sérum de jument non gestante avortent de leur conceptus d’âne durant la période caractéristique (J84-110). Cependant les trois autres juments traitées avec du sérum de jument gestante donnent naissance à des ânons vivants (Tableau 4). (Allen et al., 1987) Pour l’immunisation active des juments portant des conceptus d’ânes, les lymphocytes des parents biologiques sont utilisés comme substance immunogène. Au départ, seulement deux injections de lymphocytes sont réalisées aux environs de J40 et J60. Les signes observés chez les trois juments traitées lors du retrait chirurgical du conceptus entre J67 et J83 montrent un échec de la gestation. (Anderson, 1988) Par la suite les immunisations sont réalisées chez six autres juments mais les injections sont débutées plus tôt et quatre injections sont réalisées entre J25 et J54. Trois autres juments reçoivent des lymphocytes d’ânes n’étant pas les parents du fœtus selon le même protocole. La gestation échoue chez deux des juments immunisées avec les lymphocytes des parents mais évolue normalement chez les quatre autres avec la naissance d’ânons vivants. La gestation est également poursuivie jusqu’au terme chez deux des trois juments immunisées avec des lymphocytes d’ânes non parents (Tableau 5). Cependant, il n’est pas possible de prédire ou de déduire rétrospectivement, d’après les dosages de progestérone plasmatique ou d’autres paramètres cliniques, la raison pour laquelle les gestations ont échoué chez certaines juments immunisées avec les lymphocytes d’ânes. Ces différences permettent envisager une origine partiellement génétique (associée aux effets immunologiques) à l’échec de ce type de gestation.(Allen et Short, 1997) Les taux de survie obtenus après immunisation sont largement supérieurs au taux de 20% obtenu chez les juments de contrôle non traitées. (Allen et al., 1987) 91 Par contre, l’utilisation de globules rouges ou de cellules des cupules endométriales se montre inefficace pour améliorer le taux de réussite des gestations. (Anderson, 1988) Tableau 5 : Traitements immunologiques administrés aux juments portant des conceptus d’ânes et expression des aspects immunoprotecteur et cytotoxique (rejet) de la mémoire immunitaire maternelle lors des gestations suivantes, d’après Allen et al. (1987) Traitement Traitements immunologiques Immunisation passive Sérum de jument gestante Sérum de jument non gestante Immunisation active Lymphocytes des ânes parents Lymphocytes des ânes non parents Nombre Taux de Devenir des gestations de survie Avortée Reste gestante gestations avant J110 après J150 fœtale (%) 6 3 3 3 3 0 50 0 6 3 2 1 4 2 67 67 13 0 13 100 12 12 0 0 Mémoire immunitaire Jument ayant préalablement porté un fœtus d’âne à terme Jument ayant préalablement avorté d’un fœtus d’âne L’amélioration considérable dans le maintien de la gestation obtenue à la fois par les administrations de sérum de jument gestante et l’immunisation par les lymphocytes confirme une origine immunologique pour l’échec de ce type de gestation. On peut supposer que le sérum de jument gestante contient des facteurs protecteurs qui ont été produits par l’animal donneur en réponse au stimulus antigénique de son propre fœtus. Ces facteurs sont à l’origine d’une réaction croisée qui fournit une protection similaire au conceptus d’âne chez la jument receveuse. Dans le cas des injections de lymphocytes parentaux, il semble probable qu’elles stimulent activement le système immunitaire, engendrant ainsi une réponse protectrice vis-àvis du fœtus plutôt que la réaction de rejet typiquement observée. (Allen et al., 1985) Les mécanismes mis en jeu dans l’immunoprotection fœtale induite par l’immunisation par des lymphocytes sont donc encore mal compris mais l’immunisation par des lymphocytes pour améliorer le taux de gestation est également efficace chez l’homme et le rat. Un antigène à réaction croisée entre le trophoblaste et les lymphocytes a ainsi été mis en évidence chez ces deux espèces. En raison de la similitude des effets bénéfiques obtenus sur les modèles d’échec de la gestation chez l’homme, le rat et le cheval, il est possible qu’un 92 antigène du même type soit exprimé par les cellules des cupules endométriales chez la jument. (Allen et al., 1987) On peut en déduire que lors de gestation classique chez le cheval, l’invasion de l’endomètre par les cellules de la ceinture chorionique pour former les cupules endométriales constitue un stimulus antigénique important pour la mère. Ce stimulus aboutit en effet à la tolérance de n’importe quel antigène fœtal pouvant par la suite être exprimé à l’interface foeto-maternelle. (Allen et al., 1987) Enfin, on peut noter qu’il semble exister une mémoire immunitaire. En effet, les juments qui ont avorté d’un fœtus d’âne ont tendance à perdre la seconde gestation interspécifique plus tôt. Au contraire, une jument qui a mené à terme la gestation d’un âne à tendance à faire de même lors d’une seconde gestation interspécifique (Tableau 4). (Anderson, 1988) Ceci démontre clairement que les deux types de réponses maternelles vis-à-vis du fœtus, le rejet (cytotoxique) et l’immunoprotection, sont rappelées lors d’une gestation ultérieure. (Allen et al., 1987) Suite à ces différentes observations, il semble donc fort probable que le maintien ou l’échec de ce type de gestation fasse intervenir à la fois des facteurs génétiques et immunitaires. (Allen, 1992) 3. Expression des antigènes du CMH par les cupules endométriales Si l’on considère les différents types de gestations étudiés, on constate donc des différences importantes en ce qui concerne le nombre et la taille des cupules endométriales prises individuellement. Il en résulte une grande variation dans la quantité ou le “volume” total de tissu des cupules qui se développe. On considère que le nombre d’antigènes du CMH paternel exprimés par les cellules des cupules endométriales individuellement est faible et qu’il reste relativement constant quel que soit le type de gestation. La quantité totale de stimulations antigéniques présentées au système immunitaire maternel est sans doute liée au nombre total de cellules des cupules présentes dans l’endomètre. Ainsi, si un certain degré de stimulations antigéniques est nécessaire pour provoquer une production d’anticorps humoraux suffisante pour être 93 détectable dans le sérum, ce seuil ne pourrait être atteint que lors de gestations engendrant la formation d’une certaine quantité de tissu des cupules. Une relation de ce type pourrait expliquer l’incidence plus faible des anticorps cytotoxiques chez l’âne (gestation intraspécifique) et chez la jument portant un conceptus de mule. Cependant, il pourrait également exister un différentiel d’expression des antigènes du CMH paternel. Ainsi, le fait qu’un cheval soit le père du fœtus (quel que soit le type de gestation) pourrait conférer un taux d’expression relativement haut aux antigènes du CMH sur les cupules. Par contre, le fait qu’un âne soit le père pourrait conduire à une réduction de l’expression des alloantigènes par les cellules, ceci diminuerait la probabilité pour que la stimulation soit suffisante pour engendrer une réponse humorale maternelle détectable. Une autre explication possible à la divergence entre la réponse à médiation cellulaire maternelle et la réponse immunitaire humorale dans les différents types de gestation équine, est la possibilité que les cellules des cupules endométriales expriment également des antigènes spécifiques d’espèce et/ou des antigènes spécifiques de tissus. Ces antigènes n’ont pas de rapport avec les alloantigènes du CMH. Il a été démontré que des antigènes spécifiques de tissus sont présents dans les placentas murin et humain, bien que l’expression d’antigènes spécifiques d’espèce par le trophoblaste n’ait pas été clairement établie. Ainsi, la reconnaissance maternelle des antigènes spécifiques d’espèce pourrait bien expliquer l’augmentation marquée de la réponse leucocytaire contre les cupules qui survient lors des gestations interspécifiques sans qu’il y ait d’augmentation équivalente de la production d’anticorps cytotoxiques. De la même manière, l’expression d’antigènes du trophoblaste par les cellules des cupules endométriales pourrait stimuler au moins en partie la réponse maternelle à médiation cellulaire, sans production équivalente d’anticorps cytotoxiques. Cependant il est peu probable que ces antigènes spécifiques de tissus diffèrent suffisamment entre le cheval et l’âne pour contribuer significativement à l’augmentation de la réponse leucocytaire observée dans les gestations interspécifiques. Les données obtenues concernant la gestation équine indiquent que les antigènes du CMH d’origine paternelle font partie de ceux exprimés par les cellules des cupules endométriales et reconnus par le système immunitaire de la mère. Cependant le taux réel d’expression de ces antigènes peut varier considérablement entre les différents types de gestations équines et peut être influencé par un certain nombre de facteurs physiques et/ou 94 génétiques. Il semble également probable que des antigènes spécifiques d’espèce soient exprimés par les cellules des cupules endométriales. Ceci jouerait un rôle significatif dans l’augmentation de la réponse maternelle à médiation cellulaire qui survient lors de gestations interspécifiques. (Allen, 1982b) 4. Expression des antigènes par le trophoblaste normal Le trophoblaste normal correspond aux tissus trophoblastiques qui ne constituent pas les cupules endométriales. Comme nous l’avons vu précédemment, dans la plupart des types de gestations la réaction leucocytaire ne s'attaque pas au trophoblaste normal. Pourtant, les résultats obtenus chez les juments portant des conceptus d’ânes laissent envisager que les cellules du trophoblaste du chorion des Equidés expriment également des antigènes qui sont potentiellement étrangers pour le système immunitaire maternel. Il s’agit donc de déterminer si les cellules du trophoblaste normal expriment les mêmes antigènes fœtaux que les cellules des cupules endométriales. Si tel est le cas il faudra envisager les mécanismes qui préviennent l’allantochorion de la réaction à médiation cellulaire subie par les cupules endométriales lors de la plupart des types de gestations. (Allen et al., 1985) Chez la très grande majorité des juments portant des conceptus d’ânes il y a avortement ou résorption du fœtus spontanément durant les 100 premiers jours de gestation ou encore il est évident histologiquement que la gestation allait échouer au cours de cette période. Le changement le plus frappant, et le plus constant, observé lorsque la gestation est stoppée après J60 est l’accumulation progressive de cellules immunitaires partout où l’endomètre est en contact avec l’allantochorion. Aucune de ces juments n’a été exposée précédemment aux antigènes fœtaux par l’invasion habituelle des cellules spécialisées de la ceinture chorionique formant les cupules endométriales. On en conclut donc que le stimulus antigénique pour la réponse à médiation cellulaire généralisée provient des cellules du trophoblaste normal de l’allantochorion. On pourrait supposer que la réponse leucocytaire observée n’a débuté qu’après que l’allantochorion ait déjà commencé à dégénérer et de ce fait expose des antigènes qui n’auraient pas été exprimés si la couche trophoblastique était restée intacte. Ceci semble cependant peu probable car le trophoblaste reste intact et sain jusqu’à un stade tardif du processus d’invasion. De plus, on a pu observer chez une des jument dont le fœtus était déjà 95 mort et à un stade avancé de dégénérescence lorsqu’il a été retiré à J65, qu’il n’y avait pas d’évidence d’accumulation de leucocytes dans l’endomètre de la corne utérine gestante. Ceci suggère que le fœtus est mort de causes autres qu’un rejet immunologique. La présence de tissus allantochorionique en dégénérescence ne constitue donc pas un stimulus antigénique suffisant pour induire le type de réponse leucocytaire observée chez les autres juments. Comme dans le cas des cellules des cupules endométriales, la question qui se pose est de savoir quels types d’antigènes sont exposés par le trophoblaste normal. En raison de l’infiltration leucocytaire généralisée observée chez les juments portant des conceptus d’ânes, il est surprenant qu’un faible nombre seulement de ces animaux produise des anticorps cytotoxiques contre les lymphocytes de l’un ou l’autre des parents génétiques du fœtus. (Allen, 1982b) On peut associer cela au fait que les antigènes du CMH ne sont pas exprimés par le trophoblaste non invasif (sauf aux niveaux de petites zones très limitées). (Donaldson et al., 1990) Ainsi, on peut à nouveau supposer que la stimulation alloantigénique de la mère hôte est insuffisante pour obtenir une réponse cytotoxique mesurable en raison d’une trop faible expression d’antigènes du CMH à la surface exposée de chaque cellule trophoblastique. Les cellules des cupules endométriales dans la gestation équine normale sont situées en profondeur à l’intérieur du stroma endométrial et sont donc directement exposées à la partie efférente du système immunitaire. Mais au contraire la couche trophoblastique du chorion reste en dehors de l’épithélium de l’endomètre et à une certaine distance des cellules T et B. L’espace est encore augmenté chez les juments gestantes d’un âne en raison de la sécrétion exocrine qui s’accumule entre les surfaces fœtale et maternelle. Il en résulte que seule la surface apicale de chaque cellule trophoblastique est exposée lorsque ces cellules sont situées dans la couche serrée, de type pavimenteuse, du chorion. (Allen, 1982b) Il semble donc que l’attaque leucocytaire marquée qui se produit chez le cheval contre le conceptus interspécifique d’âne soit stimulée largement par l’expression par les cellules trophoblastiques d’antigènes spécifiques d’espèce plutôt que d’antigènes du CMH. Cependant les cas des juments chez lesquelles le conceptus d’âne a été mené à terme ou semblait devoir l’être au moment de l’examen histologique constituent un obstacle à cette hypothèse. Comme les autres juments, celles-ci n’ont pas présenté de développement des cupules endométriales ni de sécrétion endogène de PMSG. Il n’est pas non plus possible d’attribuer le succès de leurs gestations à une administration d’hormones exogènes. L’observation, sur les coupes histologiques réalisées chez certaines des juments, de petites zones d’infiltration leucocytaire intense de l’endomètre pourrait être significative. Cela indiquerait éventuellement qu’un 96 certain degré de reconnaissance maternelle d’antigènes étrangers était en train de se produire. Ceci n’explique pas pour quelle raison cette réponse est restée localisée permettant une implantation normale. (Allen, 1982b) D’autre part, l’augmentation du taux de réussite de la gestation de conceptus d’âne chez le cheval, lorsque la jument a été immunisée activement contre les lymphocytes des parents, semble en faveur d’une implication des antigènes du CMH dans le rejet du conceptus d’âne chez les juments non traitées. Cependant, des antigènes spécifiques d’espèce pourraient également être mis en jeu dans ces réactions, avec le développement d’anticorps anti-âne jouant un rôle essentiel dans la protection du fœtus âne chez les animaux immunisés. (Allen et al., 1985) Si les cellules du trophoblaste d’âne expriment des antigènes qui sont reconnus comme étrangers par le cheval, on peut supposer que de tels antigènes seront également exprimés par le trophoblaste des conceptus d’hybrides et sans doute aussi par le trophoblaste des conceptus intraspécifiques. Si tel est le cas, l’existence d’une forme de mécanisme de protection doit être envisagée, soit pour masquer les antigènes trophoblastiques évitant ainsi la reconnaissance immunitaire maternelle, soit pour supprimer ou neutraliser la réaction maternelle, puisqu’il n’y a pas de réaction contre le trophoblaste normal lors des autres types de gestations. Le fait que la réaction des cupules endométriales soit justement absente dans le type de gestation qui démontre l’existence des antigènes du trophoblaste, met en évidence la probabilité pour que certains aspects de la formation des cupules endométriales fournissent la barrière immunoprotective nécessaire entre le trophoblaste fœtal et l’épithélium de l’endomètre maternel. La stimulation immunologique de la mère par les cellules de la ceinture chorionique ou encore une action immunosuppressive de la PMSG peuvent être impliquées dans ce processus. Il a été démontré, comme nous l’avons vu précédemment, que le processus de facilitation immunologique joue un rôle dans la protection du fœtus contre l’attaque immunitaire maternelle. Chez l’Homme et la souris, de grandes quantités d’anticorps sont produites dès les premiers stades de gestation. Ces anticorps sont spécifiques à la fois pour les tissus et les antigènes allogéniques du fœtus et la majorité d’entre eux présente une action bloquante ou facilitante. Ainsi, ils se combinent avec des antigènes spécifiques sur le trophoblaste pour former des complexes antigène-anticorps qui par la suite masquent les 97 antigènes et empêchent une reconnaissance maternelle plus poussée. Ils bloquent également toute attaque par des lymphocytes sensibilisés. Les anticorps facilitants semblent être sécrétés préférentiellement aux anticorps immunoréactifs lorsque le stimulus antigénique est reçu à faible dose sur une période prolongée. C’est ce qui semble se produire pour les antigènes du trophoblaste lors de la gestation. Les anticorps facilitants jouant un rôle protecteur pour le trophoblaste chez l’Homme et la souris, on peut supposer qu’ils jouent également un rôle important dans la protection du fœtus chez les Equidés. L’invasion de l’endomètre par les cellules de la ceinture chorionique à J36 puis l’expression d’antigènes du CMH, spécifiques d’espèces et/ou spécifiques de tissus par les cellules des cupules endométriales pourraient constituer le stimulus de faible intensité nécessaire. Cela engendrerait alors la production d’une réponse de type facilitante par le système immunitaire maternel. Dans le cas des juments portant les conceptus d’ânes, on peut supposer que l’absence d’invasion par les cellules de la ceinture chorionique empêche l’apparition du stimulus antigénique nécessaire pour la formation d’anticorps facilitants. Il en résulte que le trophoblaste du fœtus d’âne ne possède pas de protection lorsque il entre en contact avec l’endomètre maternel. Il se produit alors une réponse maternelle immunoréactive au lieu de la réponse bloquante normale. Enfin, en ce qui concerne l’accumulation leucocytaire autour des cupules endométriales, il semblerait qu’une certaine proportion de ces leucocytes ont une activité suppressive plutôt que cytotoxique. Il est donc tout à fait probable que la stimulation de l’activité cellulaire suppressive spécifique de l’utérus soit une fonction majeure de la réaction des cupules endométriales dans la gestation classique chez le Equidés. Ces cellules agiraient ensuite en inhibant la réponse immunitaire potentiellement nuisible vis-à-vis des antigènes étrangers qui peuvent s’exprimer à la surface du trophoblaste non invasif durant l’implantation. (Allen et al., 1987) Il existe un dernier moyen par lequel le développement des cupules endométriales pourrait empêcher la réponse maternelle potentielle contre les antigènes exprimés par le trophoblaste au cours de la placentation. Il s’agit de l’action du principal produit de sécrétion des cupules, la PMSG. Ainsi, la fonction de facteur immunoprotecteur a été démontrée pour la 98 hCG lors de la gestation humaine. Cette substance, associée à d’autres, serait absorbée à la surface des lymphocytes et augmenterait leur mobilité électrophorétique et donc, par définition, leur charge électrostatique négative. Il en résulterait une répulsion électrostatique entre les lymphocytes et les cellules trophoblastiques. La molécule de PMSG a une composition plus riche en carbohydrate et acide sialique que la hCG et les autres gonadotrophines pituitaires. Elle répondrait donc parfaitement à ce rôle de protection lors de la gestation chez les Equidés. Un tel mécanisme pourrait contribuer à expliquer l’échec de la majorité des gestations interspécifiques d’âne chez le cheval, puisqu’il y a absence complète de production de PMSG. Les autres types de gestation interspécifiques chez les Equidés présentent tous un développement des cupules endométriales et une production de PMSG en quantité variable. Cependant, les cupules endométriales disparaissent avant J100, il faut donc envisager que d’autres hormones ou substances (œstrogènes, progestérone,…) relaieraient cette fonction immunologique lorsque la PMSG cesse d’être produite. L’action de la PMSG agit nécessairement en complément des autres mécanismes immunoprotecteurs. (Allen, 1982b) 5. Effets du génotype fœtal et de l’environnement utérin sur le développement placentaire L’existence du phénomène d’impriting est bien connue chez les Mammifères. Il correspond au fait que la contribution relative des chromosomes homologues maternel et paternel est inégale au cours du développement. Les hybrides d’Equidés, avec la particularité du dimorphisme marqué entre la mule et le bardot, ainsi que ces différentes études de transferts d’embryons, sont très utiles dans l’étude de ce phénomène. Les différences observées chez la jument et l’ânesse lors de ces différents types de gestations présentent a priori un bon exemple d’impriting en ce qui concerne les gènes contrôlant le développement placentaire et la production d’hormones placentaires. On remarque que lors de ces différentes expériences le développement de la ceinture chorionique et des cupules endométriales est favorisé dans l’utérus d’ânesse par rapport à celui de jument. Ceci concorde avec la gestation normale du bardot au cours de laquelle le développement des cupules endométriales est largement augmenté. Cela s’accorde aussi avec la gestation interspécifique d’âne chez la jument où le développement de la ceinture chorionique est largement diminué. L’utérus de jument semble donc avoir une action 99 inhibitrice sur tout conceptus possédant des caractères d’âne. Au contraire, l’utérus d’ânesse a un effet stimulant sur tout conceptus possédant des caractères de cheval. Ceci suggère que l’utérus d’ânesse serait plus “tolérant” que l’utérus de jument pour ce qui est de l’acceptation d’une gestation d’hybride ou d’une gestation interspécifique. Ainsi, lors de gestations intraspécifiques chez le cheval et l’âne et lors de gestations d’hybrides (mule et bardot), l’effet paternel apparent (gènes empreintes) sur les valeurs de PMSG obtenues, que nous avions précédemment explicité, peut être largement modifié en transférant le conceptus dans le “mauvais” utérus. Ceci ne remet, cependant, pas en cause le fait que des gènes empreintes puissent influencer le développement placentaire chez les Equidés. En prenant toutes les observations en compte, et en supposant que le phénomène d’impriting mette en jeu un facteur de croissance et son récepteur à la fois pour les gènes paternels et maternels, il est possible de créer un modèle pour expliquer les variations marquées du développement des cupules endométriales lors des différents types de gestations. Ce modèle est présenté dans le Tableau 6. Tableau 6 : Modèle théorique du contrôle du développement endométrial lors des gestations chez les Equidés d’après Allen et al. (1993) Composantes Valeur numérique totale attribuée Embryonnaire Utérine Taille des cupules endométriales Gestations intraspécifiques P C + MC +UC +18 Grosses Cheval A A A +U P +M +14 Petites Ane Gestations d’hybrides P A + MC +UC +14 Petites Mule C A P +M +UA +18 Grosses Bardot Gestations interspécifiques Mule → Cheval Petites P A + MC +UC +14 A C Grosses +18 P +M +UA Mule → Ane Très grosses +22 P C + MC +UA Cheval → Ane A A C Très petites +10 P + M +U Ane → Cheval On considère que le facteur de croissance embryonnaire, P, dérivant du gène paternel est stimulant et a pour valeur numérique +14 pour le cheval et +10 pour l’âne (PC = +14, PA = +10). On considère que le facteur de croissance embryonnaire, M, dérivant du gène maternel est stimulant et a pour valeur numérique +12 pour le cheval et +8 pour l’âne (MC = +12, MA = +8). On considère l’effet utérin, sous la forme d’un facteur inhibiteur, a pour valeur numérique -8 chez le cheval et -4 chez l’âne (UC = -8, UA = -4). On attribue une plus haute valeur numérique à l’effet stimulant de ce facteur de croissance et du récepteur chez le cheval que chez l’âne, aussi bien en ce qui concerne le 100 facteur du gène paternel que celui du gène maternel. On envisage également un facteur utérin ayant des effets inhibiteurs qui possède alors une valeur numérique négative supérieure chez le cheval que chez l’âne. La somme des valeurs obtenues dans chaque type de gestation reflète bien les différences observées en ce qui concerne le développement des cupules endométriales et le taux de sécrétion de PMSG. Par exemple, l’addition des effets stimulants des facteurs parentaux transmis au conceptus avec les effets négatifs du facteur utérin donne le même total pour la gestation intraspécifique chez le cheval, la gestation de bardot et la gestation interspécifique de mule chez l’ânesse. Ces trois types de gestations sont associés à une ceinture chorionique large et active qui engendre la formation de grandes cupules endométriales et des concentrations sériques en PMSG hautes. De la même manière, l’addition des trois valeurs pour la gestation intraspécifique chez l’âne, la gestation de mule et la gestation interspécifique de mule chez le cheval donne dans chaque cas le même total bas. Ces trois types de gestations sont associés à une ceinture chorionique plus étroite et moins active et donc des cupules endométriales de plus petite taille. Enfin, il est important d’observer que la somme des valeurs numériques donne un total très bas pour le modèle de gestation interspécifique d’âne chez le cheval et par contre un total très élevé pour la gestation interspécifique de cheval chez l’âne, ce qui correspond bien à ce qui est observé dans la réalité. Il semble donc démontré que, chez les Equidés, le développement de la ceinture chorionique et l’invasion de l’endomètre maternel pour former les cupules endométriales sécrétant la PMSG puissent être affectés par le génotype fœtal mais aussi de façon assez importante par l’environnement maternel utérin. (Allen et al., 1993) Cependant l’identification des facteurs mis en jeu se révèle difficile. On peut pourtant raisonnablement supposer que le stimulus pour la formation initiale de la ceinture chorionique, ainsi que le contrôle au jour le jour de sa croissance, sa maturation et ses propriétés invasives est induit localement par la production de facteurs de croissance mitogéniques. En effet, des études récentes sur des utérus de juments durant le début de la gestation ont révélé la présence de hautes concentrations d’ARNm et/ou de protéines. On a également mis en évidence des récepteurs pour l’epidermal growth factor (EGF) et le transforming growth factor-β1 (TGFβ1) dans l’endomètre ainsi que pour les insulin-like growth factor II (IGF-II) et hepatocyte growth factor-scater factor (HGF-SF) dans les tissus composant les membranes du conceptus. Enfin, il a été démontré qu’il existe une régulation avec augmentation marquée de l’expression des ARNm codant pour EGF, TGF β1 et HGF-SF 101 durant la période du développement de la ceinture chorionique et l’invasion de l’endomètre maternel qui s’en suit. Concernant l’influence de l’utérus d’âne sur le développement de la ceinture chorionique chez le conceptus de mulet, un mécanisme est envisagé. Il est possible qu’un facteur de croissance, jouant un rôle clé dans le développement de la ceinture chorionique et sécrété par l’endomètre sous contrôle génétique maternel, ne soit capable de se lier que faiblement à son récepteur sur le placenta (qui est sous le contrôle du génome paternel) quand le conceptus de mule est dans un utérus de cheval. Par contre, quand ce même conceptus de mule est placé dans un utérus d’âne, le facteur de croissance produit par l’endomètre d’âne peut alors se lier largement au récepteur placentaire dont le contrôle est paternel (âne) sur le conceptus. Le développement d’une ceinture chorionique plus large et active est alors stimulé. Ces hypothèses doivent cependant encore être testées expérimentalement. (Allen et Short, 1997) 6. Le transfert d’embryons de cheval et d’âne chez la mule Le mulet (Equus mulus mulus, 2n = 63) qui résulte du croisement d’un âne mâle et d’une jument est l’hybride d’Equidés le plus commun et est habituellement stérile dans les deux sexes. (Anderson, 1988) Malgré leur incapacité à produire des gamètes, des mules ont été utilisées avec succès comme receveuses pour des embryons de cheval et d’âne, les gestations étant menées à terme dans les deux cas (Figures 21 et 22). (Anderson, 1988) Le transfert d’embryons a été réalisé à la fois par méthode chirurgicale et non chirurgicale (uniquement pour le transfert de fœtus de cheval), les deux méthodes permettant d’obtenir des poulains vivants. Cependant, le passage du pistolet utilisé pour le transfert à travers le col utérin est plus difficile chez la mule que chez la jument. La principale difficulté rencontrée lors du transfert non chirurgical d’embryons de cheval est la synchronisation entre les mules et les juments donneuses. Enfin, la gestation n’est possible que si la mule est cyclée, les différents essais de transfert d’embryons chez des mules non cyclées ayant échoué. (Camillo et al., 2003) Les cellules de la ceinture chorionique du fœtus d’âne, comme du cheval sont capables d’envahir l’endomètre et de former des cupules endométriales. Chez un conceptus de cheval retiré en début de gestation (J73), une accumulation intense de leucocytes est observée autour 102 des cupules endométriales. Cette réponse est encore plus importante que celle observée chez les juments portant un fœtus de mulet. (Anderson, 1988) La production de PMSG est dépendante du génotype fœtal à la fois en ce qui concerne sa concentration et sa durée de présence dans le sang maternel. Ainsi, la production est plus faible et plus courte chez une mule portant un fœtus d’âne que chez une mule portant un fœtus de cheval. (Anderson, 1988) Ainsi, lorsque la mule porte un fœtus de cheval, la sécrétion de PMSG ressemble à celle observée lors de gestation intraspécifique chez le cheval alors que lorsque la mule porte un fœtus d’âne cette sécrétion est semblable à celle observée lorsqu’une jument porte un fœtus de mulet. (Allen, 1992) Cependant, nous verrons que des différences importantes ont également été observées au sein des mules portant un fœtus de cheval. (Camillo et al., 2003) Figure 21 : Mule et son poulain né après transfert d’embryon (photographie aimablement prêtée par le Dr Allen) 103 Figure 22 : Mule et son ânon né après transfert d’embryon (photographie aimablement prêtée par le Dr Allen) Les concentrations en progestérone augmentent rapidement après l’ovulation chez les mules portant des embryons de cheval. Elles restent élevées après J40, ce qui signe le développement d’un corps jaune secondaire. Les concentrations en œstrogènes conjugués totaux sont mesurées à partir de J65. Elles augmentent régulièrement jusqu’à atteindre des valeurs très élevées (800-1000 ng/mL) à J150. Ces caractéristiques sont semblables à celles observées lors de gestation normale chez le cheval. (Camillo et al., 2003) Des anticorps cytotoxiques contre les lymphocytes des parents sont observés avant J70 chez toutes les mules portant un fœtus dont le ELA est incompatible, y compris chez les mules portant un fœtus d’âne. (Anderson, 1988) Les images échographiques obtenues à différents stades de la gestation ne sont pas différentes de celles observées chez des juments gestantes. La durée moyenne de la gestation est de 348 jours. La parturition débute spontanément et il n’y a pas de complications observées. Les mules porteuses présentent un comportement maternel normal et expulsent correctement le placenta. La lactation est normale. De plus, les mules receveuses présentent 104 également des chaleurs de poulinage dans les 8 jours qui suivent la naissance et une ovulation dans un délai de 13 jours. Lors des différentes expériences, les mules non cyclées n’ont pu être rendues gestantes malgré les essais d’utilisation d’oestrogènes et de progestagènes avant et après transfert. Les changements cycliques dans la prolifération et la fonction des cellules endométriales sont considérés comme étant contrôlés par la production de stéroïdes ovariens. Ainsi l’anœstrus saisonnier engendre ainsi une atrophie relative de l’endomètre. Il a également été rapporté un taux de gestation diminué et un taux de mort embryonnaire plus élevé chez les juments en anoestrus transitionnel traitées avec un progestagène actif oral, l’altrenogest, par rapport aux juments cyclées. Ces observations suggèrent donc que les Equidés en anœstrus ont un potentiel plus limité que les Equidés cyclés comme receveurs d’embryons. Il a été démontré, comme nous l’avons vu plus tôt, que le génotype fœtal exerce une influence importante sur le développement des cupules endométriales et leur sécrétion de PMSG. Cet effet est illustré ici par les différences observées suivant que le fœtus est un âne ou un cheval. Néanmoins, l’environnement utérin maternel présente également un effet qui peut totalement masquer les influences génétiques comme nous l’avons vu également. Dans le cas des mules portant un fœtus de cheval, il existe cependant des différences importantes concernant la sécrétion de PMSG qui ne peuvent être expliquées par ces effets. Certains profils de sécrétions de PMSG sont similaires à ceux obtenus lors de gestations intraspécifiques chez le cheval, alors que d’autres vont jusqu’à ressembler à ce qui est observé lors de gestation normale de mule. Il semble donc possible que des facteurs autres que le génome du conceptus et l’environnement maternel utérin puissent influencer la production de PMSG. Les variations individuelles et celles liées à l’espèce semblent jouer un rôle majeur lors de gestation intraspécifique chez le cheval, lors de laquelle la production de PMSG est très variable à la fois en concentration et en durée de sécrétion. De plus, on ne peut exclure un effet des administrations de progestérone exogène sur les profils endocrinologiques des mules ayant reçu ce type de traitement. (Camillo et al., 2003) Des recherches plus poussées seraient nécessaires en ce qui concerne le développement des cupules endométriales lors des transferts d’embryons chez les mules afin de vérifier et d’appliquer les hypothèses évoquées, en ce qui concerne les mécanismes immunologiques, lors des autres types de transferts. 105 Les résultats globalement positifs obtenus lors de ces différents transferts chez les équidés domestiques et les études immunologiques qui en découlent ont permis d’envisager des applications plus pratiques à ces transferts ainsi que l’extrapolation de ces techniques à d’autres espèces d’Equidés, ces dernières étant également capables de s’hybrider. 106 III. Les transferts d’embryons interspécifiques chez les équidés sauvages D’un point de vue pratique, il a été envisagé que les gestations interspécifiques soient utilisées comme moyen de préservation des espèces menacées d’extinction. (Anderson, 1988) Puisque les parcs zoologiques sont un lieu de choix pour la conservation des espèces sévèrement menacées, ils pourraient permettre d’élever un nombre suffisant d’individus en captivité pour espérer en relâcher certains afin de supplémenter les populations sauvages en déclin. Cet objectif nécessite la mise en place et le maintien de troupeaux à haute fécondité. Les équidés sauvages se reproduisent bien en captivité mais leur fécondité est largement limitée par leur longue période de gestation et l’incapacité pour une femelle de porter plus d’un seul fœtus à la fois. (Kydd et al., 1985) Les transferts d’embryons sont utilisés chez les chevaux et les animaux de rente pour augmenter les performances reproductrices de certaines femelles à haut potentiel génétique et la même utilisation pourrait en être faite chez les espèces en voie d’extinction, en particulier si les embryons peuvent être portés par des femelles d’une espèce proche, domestique ou sauvage, qui n’est pas en danger. (Anderson, 1988) De plus, comme nous l’avons vu plus tôt, le succès des gestations interspécifiques a été démontré chez les Equidés. Deux expériences de transfert d’embryons d’équidés sauvages ont été menées. La première a permis le transfert non chirurgical d’un embryon de zèbre à une jument domestique. Lors de la seconde expérience, des embryons de zèbres et de chevaux de Przewalski ont été transférés à des juments et ânesses domestiques. Nous avons vu que le cheval de Przewalski est une espèce d’équidé qui a disparu de son habitat d’origine en 1967. Cette espèce se reproduit bien en captivité et n’est pas réellement menacée d’extinction. Cependant une gestion correcte de ces populations captives doit être menée afin de maintenir la diversité génétique entre individus. (Durrant et al., 1986) Le transfert interspécifique d’embryons serait donc un moyen d’augmenter le nombre d’individus d’une population tout en maintenant la diversité génétique. 107 A. Transfert non chirurgical d’embryons de zèbres à des juments domestiques La première expérience de transfert d’embryons d’une femelle zèbre de Grant à des juments domestiques a été menée par Bennet et Foster en 1984 au Zoo de Louisville, Kentucky, U.S.A. Il s’agit du premier transfert interspécifique chez les équidés sauvages. Le zèbre de Grant (Equus burchelli, 2n = 46) n’est pas une espèce menacée d’extinction. (Foster et Bennett, 1984) Il s’agit du plus commun des zèbres, il est utilisé comme modèle pour l’étude des espèces de zèbre menacées d’extinction. (Anderson, 1988) Ainsi, on suppose que si un embryon de zèbre de Grant peut être transféré avec succès à une jument domestique et que la mère hôte peut mener cet embryon à terme jusqu’à la naissance, cela signifie que la même procédure pourra être menée avec un embryon d’une espèce de zèbre menacée. (Foster et Bennett, 1984) 1. Animaux utilisés pour l’expérience Une femelle zèbre de Grant multipare de six ans est utilisée comme donneuse d’embryons et plusieurs juments Quarterhorse et croisées sont disponibles comme receveuses. Les cycles œstraux de la donneuse et des receveuses sont synchronisés par l’administration à chaque individu d’une injection intramusculaire unique de 250 µg de fluprostenol, un analogue de la prostaglandine durant l’œstrus. Les receveuses sont traitées 36 heures après la donneuse pour compenser les différences observées concernant la durée de l’œstrus chez les deux espèces. Toutes les juments sont testées régulièrement pour détecter les signes d'œstrus et la donneuse a la possibilité de s’accoupler naturellement avec un étalon zèbre de Grant une ou plusieurs fois durant le comportement d’œstrus. (Bennett et Foster, 1985) 2. Récolte des embryons et transfert Au jour estimé comme étant J7 après l’ovulation, la femelle zèbre est immobilisée en décubitus sternal grâce à un mélange de 1,5 mg de chlorhydrate d’étorphine, 200 mg de chlorhydrate de xylazine et 300 mg de kétamine administré grâce à une fléchette tirée à l’aide d’un pistolet à air comprimé. L’aire périnéale est nettoyée et un cathéter trois voies muni d’un ballonnet est passé à travers le col jusqu’à l’utérus. Le ballonnet est gonflé avec 15 mL de solution saline stérile afin d’occlure l’anneau cervical interne et 500 mL de milieu de rinçage c'est-à-dire de la saline tamponnée au phosphate de Dulbecco qui s’écoule dans l’utérus sous 108 l’effet de la gravité. Alors que le liquide arrive dans l’utérus, celui-ci est massé par voie transrectale et l’arrière-train de la femelle est surélevé afin de faciliter la dispersion du milieu partout dans l’utérus. On laisse ensuite le milieu de rinçage s’écouler sous l’effet de la gravité dans un Erlenmeyer stérile. La femelle reçoit des antibiotiques et une antitoxine tétanique comme traitements prophylactiques. La narcose est ensuite reversée en 90 secondes par une injection intraveineuse de 4 mg de diprenorphine. Les sept tentatives de récupération non chirurgicale d’embryons menées lors de cycles consécutifs chez la femelle zèbre permettent de récupérer six embryons. Deux de ces embryons sont transférés par méthode non chirurgicale, via le col utérin, dans la corne ipsilatérale de juments synchronisées. Celles-ci sont traitées avec 2 g de phénylbutazone, 400 mg de flunixine méglumine et 1 g de progestérone le jour du transfert et le lendemain. (Bennett et Foster, 1985) 3. Gestation et parturition Chez une des juments receveuses, une Quarterhorse multipare de 26 ans, la palpation transrectale de l’utérus à J10 après le transfert suggère la présence d’un conceptus. Compte tenu de l’âge de la jument, il est décidé de continuer des injections hebdomadaires de 1 g de progestérone jusqu’à J150. Les palpations transrectales suivantes, à J25, 45 et 60, sont caractéristiques de la gestation et l’examen échographique à J71 montre un fœtus normalement développé et viable. La durée normale de la gestation chez le zèbre de Grant est de 340 à 345 jours. Dans cette étude, la jument receveuse montre un développement mammaire correct et un léger relâchement de la vulve et des ligaments sacro-sciatiques à J345 après transfert. Cependant, la palpation transrectale indique que le fœtus, bien qu’actif, est positionné en profondeur de la cavité abdominale. A J366, la jument est agitée, la région périnéale est très relâchée et du lait s’écoule des mamelles. La palpation transrectale révèle que le poulain est relativement inactif et n’est toujours pas positionné pour la naissance. Il est décidé d’induire la gestation. La jument est tranquillisée par une injection intraveineuse de 200 mg de xylazine hydrochloride et le col est dilaté manuellement afin de permettre le passage d’un bras. L’allantochorion est rompu et le foal mâle de 28,6 kg est repositionné. Il est extrait à l’aide de lacs sur les membres antérieurs. De l’oxygène intranasal est administré au foal de manière préventive et on laisse s’écouler 4 minutes avant de clamper et couper le cordon ombilical. La 109 jument renifle et lèche le foal, elle exprime le comportement d’attachement maternel typique. Le colostrum et le sérum de la jument ne présente aucune activité cytotoxique contre les globules rouges du jeune zèbre. La jument continue par la suite à produire du lait et à allaiter le poulain normalement. (Bennett et Foster, 1985) 4. Conclusion Le succès de cette naissance montre que la récupération et le transfert d’embryons par des méthodes non chirurgicales entre équidés sauvages et domestiques pourrait constituer une méthode efficace de conservation des espèces menacées. En effet, par transfert d’embryons, il est possible qu’une femelle adulte puisse produire jusqu’à six produits par an au lieu d’un seul. (Bennett et Foster, 1985) B. Transferts d’embryons d’équidés sauvages à des juments et ânesses domestiques La seconde étude de transfert d’embryons d’équidés sauvages a eu lieu d’avril à septembre en 1983 et 1984. (Kydd et al., 1985) Le but de cette étude est d’envisager la possibilité d’utiliser les transferts d’embryons interspécifiques pour augmenter la production de poulains vivants chez deux espèces d’équidés sauvages, le cheval de Przewalski (Equus przewalskii) et le zèbre de Grant (Equus burchelli). (Kydd et al., 1985) On suppose que le cheval de Przewalski est à l’origine des équidés actuels. Son hybride avec le cheval domestique est le seul hybride d’équidé fertile. On suppose que les différences chromosomiques entre les deux espèces sont liées à une simple translocation Robertsonnienne, transformant quatre chromosomes acrocentriques de E. przewalskii (2n = 66) en deux chromosomes métacentriques chez E. caballus (2n = 64). La capacité à produire des hybrides fertiles apporte sans doute une valeur prédictive positive au succès du transfert interspécifique d’embryons entre ces deux espèces. (Anderson, 1988) De plus, la physiologie de la reproduction chez le cheval de Przewalski est similaire à celle du cheval domestique. (Durrant et al., 1986) 110 1. Matériel et méthode a) Gestion des donneuses et receveuses Les donneuses d’embryons sont deux zèbres de Grant femelles multipares (Figure 23) âgées de 10 et 11 ans et accouplées à un étalon zèbre de Grant de 10 ans ainsi que deux juments de Przewalski de 6 ans n’ayant jamais reproduit, accouplées à deux étalons de Przewalski ayant respectivement 5 et 12 ans. (Figure 24) (Kydd et al., 1985) Figure 23 : Une des femelles zèbre de Grant utilisée comme donneuse d’embryons, d’après Kydd et al. (1985). Figure 24 : L’étalon de Przewalski de 12 ans utilisé durant la seconde année de l’étude, d’après Kydd et al. (1985). 111 Ces équidés sauvages sont hébergés dans des box ouverts sur des petits paddocks au Regent’s Park Zoological Garden à Londres. Ils sont nourris avec du foin et des concentrés. Durant la seconde année de l’étude, leur alimentation est supplémentée avec de l’orge germée fraîche obtenue par culture hydroponique. (Kydd et al., 1985) L’œstrus est détecté par l’observation des signes comportementaux puisque les femelles sont placées dans un paddock avec leur mâle respectif au moins une heure par jour. L’accouplement se fait de façon naturelle et le dernier jour du comportement d’œstrus est considéré comme le jour de l’ovulation (J0). Les ponettes de race Welsh et les juments croisées Welsh ainsi que les ânesse de type anglais, utilisées comme receveuses, font partie d’un grand troupeau d’expérimentation élevé au pré à Animal Research Station à Cambridge. Les juments sont âgées de 2 à 8 ans et les ânesses de 2 à environ 15 ans. Les deux groupes contiennent à la fois des animaux ayant déjà été gestants et d’autres ne l’ayant jamais été. L’œstrus est détecté en faisant souffler les femelles tous les jours par un étalon ou un âne mâle. Le jour de l’ovulation est déterminé par radioimmunodosages journaliers des concentrations en progestérone dans des échantillons de plasma périphérique prélevés durant l’œstrus et les trois jours qui suivent. (Kydd et al., 1985) Le jour où la concentration en progestérone plasmatique devient supérieure à 1ng/mL est considéré comme étant le jour de l’ovulation. (Summers et al., 1987) Etant donné que le cheval de Przewalski est une espèce menacée d’extinction et que ce type de transfert d’embryons a pour but d’augmenter le nombre d’individus, le transfert réciproque d’embryons de cheval domestique à des juments de Przewalski n’a pas été tenté. (Anderson, 1988) Il en est de même pour le zèbre de Grant qui sert ici encore de modèle pour des espèces menacées. b) Récolte des embryons Les embryons sont récupérés non chirurgicalement entre J6 et J10 (en général J7 ou J8) après l’ovulation. (Hearn et Summers, 1986) Les femelles zèbres et les juments de Przewalski sont tranquillisées par injection intramusculaire de 1,1 à 2,9 mg de chlorhydrate d’étorphine et 4 à 12 mg de maléate d’acépromazine administrés grâce à un pistolet à air comprimé. Alors que la sédation commence à faire effet, l’animal est amené dans un box où on lui bande les yeux. Il est maintenu soit debout, soit en décubitus par des soigneurs. Le rectum est vidé et l’aire périnéale est nettoyée avant d’introduire un cathéter flexible muni 112 d’un ballonnet (Franklin Medical, Bucks) à travers le col, jusqu’à l’utérus. Le ballonnet à l’extrémité du cathéter est gonflé avec 40 mL d’air afin d’occlure l’anneau cervical interne. L’utérus est ensuite rempli, suivant sa capacité, avec 700 à 1000 mL de saline tamponnée au phosphate de Dulbecco, sous l’effet de la gravité. Une fois l’utérus complètement distendu, on laisse le milieu s’écouler dans une éprouvette stérile de 250 mL, sous l’influence de la gravité et des contractions du myomètre. La même procédure est répétée trois fois de suite et, durant le lavage final, l’utérus est massé par voie transrectale pour agiter le contenu et aider à la récupération complète du milieu. (Kydd et al., 1985) Après la procédure de lavage, les juments reçoivent une injection intramusculaire de pénicilline procaïne de routine. Dans la majorité des cas, il leur est également administré une injection intramusculaire de 375 à 500 µg de cloprostenol afin d’induire la lutéolyse. (Kydd et al., 1985) Les donneuses peuvent ainsi être utilisées de façon répétée au cours des deux saisons de reproduction. (Hearn et Summers, 1986) Une récupération rapide de la narcose est ensuite obtenue grâce à une injection intraveineuse de 1,5 à 4,2 mg de chlorhydrate de diprénorphine. (Kydd et al., 1985) Si l’embryon n’est pas visible à l’œil nu, les tubes contenant le milieu récupéré sont conservés à température ambiante durant 20 à 30 minutes avant de retirer la majorité du liquide de la surface de chaque contenant. Les 20 à 30 mL de liquide restants sont observés au microscope. Une fois l’embryon localisé, il est transféré dans un tube à essai stérile avec 3 à 5 mL de milieu frais contenant 20% de sérum fœtal de veau. Le tube est ensuite transporté dans la poche d’un vêtement jusqu’à Cambridge, un voyage de 1,5 à 2 heures. (Kydd et al., 1985) L’intervalle entre la récolte et le transfert est ainsi compris entre 2,5 et 4,5 heures. (Summers et al., 1987) c) Transfert des embryons La majorité des embryons (20) sont transférés chirurgicalement par laparotomie ventrale sous anesthésie générale à des juments et ânesses receveuses qui ne se sont pas accouplées. (Kydd et al., 1985) Ces receveuses ont ovulé 1 à 3 jours après leurs donneuses respectives (Hearn et Summers, 1986) Deux embryons de cheval de Przewalski et un embryon de zèbre sont transférés non chirurgicalement dans le corps de l’utérus chez des ponettes grâce à une pipette d’insémination en plastique passée à travers le col. Un autre embryon de cheval de Przewalski est transféré par laparotomie par le flanc sous anesthésie locale. Chacune de ces receveuses reçoit une injection intraveineuse de 250 à 400 mg de 113 flunixine méglumine immédiatement après le transfert afin d’inhiber la sécrétion de prostaglandines endogènes. (Kydd et al., 1985) d) Diagnostic de gestation La gestation est diagnostiquée et suivie par examen échographique de l’utérus commençant entre J16 et J20 et se poursuivant ensuite à intervalles d’une semaine jusqu’à J129. (Kydd et al., 1985) De plus, des échantillons de sang périphérique (25mL) sont prélevés trois fois par semaine à la veine jugulaire de chaque receveuse entre J20 et J120. Ceci est réalisé afin de pouvoir doser par la suite les concentrations en progestérone et en PMSG et pour la détection des anticorps cytotoxiques contre les lymphocytes des parents biologiques du conceptus. On permet également aux deux zèbres femelles de rester gestantes à la fin de la saison de reproduction en 1984. Des échantillons de sang périphérique sont également prélevés sur ces individus à intervalle de 8 à 10 jours entre J32 et J120, dans le but de doser les concentrations en PMSG. (Summers et al., 1987) e) Dosage de PMSG Les concentrations sériques en PMSG sont mesurées par la méthode de l’inhibition de l’hémaglutination décrite par Allen (1969), utilisant du sérum de lapin anti-PMSG (MSIIB) dirigé contre de la PMSG hautement purifiée. Ces anticorps réagissent fortement de façon croisée avec la PMSG purifiée d’ânesse. Les courbes obtenues concernant la réponse en fonction de la dose sur le sérum de cheval, âne et zèbre sont parallèles à la fois avec la méthode d’inhibition de l’hémaglutination et par radioimmunodosage à double anticorps pour la LH de cheval. Le Second International Standard for Mare Serum Gonadotrophin (2nd IRPPMSG ; Bangham et Woodward, 1966) est utilisé comme standard et la limite de sensibilité du test est 0,5 UI de PMSG/mL de sérum. (Summers et al., 1987) f) Dosage de progestérone Les concentrations plasmatiques de progestérone sont mesurées par une méthode radioimmunologique, telle que décrite par Newcomb et al. (1977). Cette méthode utilise un antisérum préparé chez une chèvre et de la [1,2,6,7,(n)-3H] progestérone (progestérone marquée au tritium radioactif). Des aliquots de plasma (20µL) sont testés et la limite de sensibilité du test est de 0,5 ng de progestérone/mL de plasma. (Summers et al., 1987) 114 g) Dosage des anticorps cytotoxiques Le test standard NIH d’exclusion de coloration par réaction cytotoxique sur les lymphocytes, modifié pour l’utilisation sur des lymphocytes de chevaux par Bright et al. (1978) est utilisé pour rechercher, dans le sérum des receveuses, la présence d’anticorps humoraux dirigés contre les antigènes du CMH des parents biologiques du conceptus. Des lymphocytes du sang périphériques (PBL) sont isolés à partir d’échantillons de sang périphérique prélevés chez trois zèbres et trois chevaux de Przewalski parents d’embryons transférés. L’isolement se fait par centrifugation sur une interface à gradient de densité. Les aliquots de sérum test (1 µL) et une suspension de 2 × 106 PBL/mL (1µL) sont incubés pendant 30 minutes à température ambiante sous huile dans une plaque à micropuits avant d’ajouter 5 µL de complément de lapin pour une heure de plus. Les cellules sont ensuite teintées par ajout de 2 µL d’une solution d’éosine à 5% avant d’être fixées par 5 µL de formol à 37%, pH 7.0. (Summers et al., 1987) 2. Résultats a) Récolte des embryons Les taux de récupération obtenus sur un total de 43 lavages utérins non chirurgicaux réalisés sur les quatre donneuses sont présentés dans le Tableau 7. (Kydd et al., 1985) Tableau 7 : Taux de récupération non-chirurgicale des embryons d’après Kydd et al. (1985) Génotype du donneur Nombre de récoltes d’embryons Nombre d’embryons récoltés Taux de récupération (%) E. przewalskii E. burchelli 18 25 11 14 61 56 Total 43 25 58 Il y a 18 tentatives de collecte d’embryon chez les deux juments de Przewalski. Cellesci permettent de récupérer 11 embryons (61%) et les 25 tentatives de collecte d’embryon chez les deux femelles zèbres ont permis de récupérer 14 embryons (56%). (Hearn et Summers, 1986) Les embryons de ces espèces sauvages ressemblent morphologiquement à ceux du 115 cheval domestique. Ils sont classés du stade jeune blastocyste (J6 et quelques J7) au stade blastocyste mature (J8 à J10) (Tableau 8). (Summers et al., 1987) Tableau 8 : Relation entre le stade de récolte et le diamètre des embryons de cheval de Przewalski et de zèbre de Grant d’après Summers et al. (1987) Jour de la Nombre d’embryons collecte Przewalski Zèbre J6 Moyenne ± I.C. (variations) du diamètre des embryons Przewalski Zèbre 1 0,184 J7 6 7 0,29 ± 0,05 (0,14-0,48) 0,26 ± 0,07 (0,17-0,70) J8 4 6 0,58 ± 0,20 (0,23-1,16) 1,30 ± 0,391 (0,32-2,96) J10 1 3,0 Tous les embryons sauf un semblent intacts et normaux immédiatement après la collecte. Ils ne subissent aucun changement structural durant l’intervalle entre la récolte et le transfert. Un blastocyste de zèbre à J8 est partiellement affaissé, sa zone pellucide présente de nombreuses fissures et il semble contenir un grand nombre de cellules dégénérées. Aucune gestation n’a résulté de ce transfert. La zone pellucide est toujours présente sur les embryons à J6 et sur 4 des 13 embryons à J7 mais les embryons restants se sont extraits de la zone pellucide et sont enveloppés par une fine capsule acellulaire comme cela a été décrit pour les embryons de chevaux par Betteridge et al. (1982). (Summers et al., 1987) Aucun problème majeur n’est rencontré avec la technique non chirurgicale de lavage utérin chez ces équidés. La sédation et la narcose à l’aide du mélange étorphine et acépromazine est un tel succès chez le zèbre que la majorité des lavages peuvent être réalisés sur animal debout. Cependant, chez les juments de Przewalski, des doses plus élevées d’étorphine et acépromazine sont nécessaires afin d’obtenir une narcose et une relaxation adéquates. La plupart des lavages sont donc réalisés sur un animal maintenu en décubitus latéral au sol. Cette procédure est plus difficile à réaliser mais elle est néanmoins efficace. Les essais répétés de récupération d’embryon associés à l’induction prématurée de la lutéolyse ne diminuent pas la fertilité chez aucune des quatre donneuses. En effet, le taux de récupération d’embryons est légèrement plus élevé dans la seconde moitié de la saison lors des deux années de l’étude. Le seul problème qui soit apparu correspond à des difficultés d’accouplement chez les chevaux de Przewalski. L’étalon de 5 ans a commencé à brutaliser 116 les juments en œstrus plutôt qu’à s’accoupler avec elles à la fin de la saison en 1983 et au début de la saison de 1984. Il a donc été remplacé par l’étalon âgé de 12 ans. Ce manque d’accouplements à la fin de la première année et au début de la seconde a diminué le nombre d’opportunités potentiellement exploitables pour la récupération des embryons. (Kydd et al., 1985) b) Transferts d’embryons Huit des embryons de cheval de Przewalski sont transférés chirurgicalement par laparotomie ventrale, un est transféré par laparotomie par le flanc et deux sont transférés non chirurgicalement à des ponettes receveuses. Treize des embryons de zèbre sont transférés chirurgicalement ou non à des ponettes et ânesses receveuses, l’embryon restant n’a pu être transféré faute de receveuse synchronisée disponible. (Kydd et al., 1985) Le devenir de ces transferts ainsi que les taux de gestations obtenus suite au transfert des blastocystes de chevaux de Przewalski et de zèbres à des ponettes et ânesse domestiques sont résumés dans le Tableau 9. Tableau 9 : Taux de gestation après transfert d’embryons de cheval de Przewalski et de zèbre de Grant à des juments et ânesses receveuses d’après Summers et al. (1987) et Hearn et Summers (1986) Type de transfert E. przewalskii chez le cheval Chirurgical Cervical E. burchelli chez le cheval Chirurgical E. burchelli chez l’âne Chirurgical Nombre Gestations d’embryons établies* transférés 9 7 (77,88%) 2 0 5 3 (60,0%) Perte de la gestation (jours) (%) Gestations Poulains Poulains menées à morts vivants terme (%) 3 (20-26) (34-40) (85-101) 4 (44,4%) 1a 3 1 (61-70) 2 (40,0%) 1b 1 7 2 2 (51-78) 0 ─ ─ (28,6%) (292) c 1 0 Cervical * Les receveuses chez lesquelles un conceptus a pu être détecté à l’examen échographique entre J16 et J20 sont considérées comme présentant une gestation établie. a Non rupture de l’amnios b Toxémie (J350) c Toxémie (J292) 117 L’échec dans l’établissement d’une gestation ou sa perte ultérieure n’a pas pu être relié au degré de synchronisation entre donneuses et receveuses, ni à l’âge de l’embryon ou l’intervalle entre la collecte et le transfert. (Summers et al., 1987) Le transfert chirurgical de neuf embryons de cheval de Przewalski, à J7 et J8, à des ponettes permet initialement l’établissement de sept gestations interspécifiques (78%) (Kydd et al., 1985) diagnostiquées par examen échographique entre J15 et J18 (Allen, 1992). Ces gestations se poursuivent jusqu’au terme chez quatre des ponettes (Figure 25). (Anderson, 1988) Quatre poulains (un mâle et trois femelles) naissent donc après des gestations ayant duré entre 322 et 334 jours. Une des juments met bas de façon inattendue au pré et la pouliche, normalement développée, est étouffée par l’amnios qui ne s’est pas rompu. Les trois autres poulains naissent de façon spontanée, sous surveillance. (Summers et al., 1987) Un fœtus meurt et le conceptus est résorbé entre J85 et J101 et les deux autres conceptus sont résorbés entre J20 et J26 et entre J34 et J40 respectivement. (Kydd et al., 1985) Les naissances de poulains de Przewalski étaient les premières obtenues par l’utilisation des techniques de transfert d’embryons. (Hearn et Summers, 1986) Figure 25 : Pouliche de Przewalski née après transfert d’embryon à une jument receveuse (photographie aimablement prêtée par le Dr W.R. Allen) Les embryons de zèbre de Grant sont transférés à la fois à des juments domestiques et à des ânesses. (Hearn et Summers, 1986) Des gestations s’établissent chez les receveuses des 118 deux espèces mais seules les juments mènent les embryons de zèbres à terme. (Anderson, 1988) Ainsi, suite au transfert chirurgical de cinq blastocystes de zèbres à des ponettes receveuses, trois gestations s’établissent (60%). (Kydd et al., 1985) Deux zèbres femelles (dont un mort-né) naissent suite à ces gestations (Figure 26). (Hearn et Summers, 1986) Les durées de gestation sont de 350 et 367 jours. La jument chez laquelle le zèbre, normalement développé, est mort-né, présente un inconfort abdominal croissant ainsi qu’une polyarthrite non infectieuse durant les trois semaines avant la mise bas. (Summers et al., 1987) Ceci, associé à d’autres signes cliniques, est interprété comme une forme de syndrome toxémique de gestation d’origine immunologique. (Anderson, 1988) Le foal meurt in utero durant le premier stade du travail qui a été très long. Il est finalement sorti par césarienne. (Summers et al., 1987) Les signes de polyarthrite disparaissent totalement dans les heures qui suivent le retrait du fœtus. (Allen, 1992) Chez la troisième jument le fœtus meurt et le conceptus est résorbé entre J59 et J66. Figure 26 : Pouliche zèbre (a) née après le transfert d’un blastocyste mature à J8 (b) à une ponette welsh receveuse, d’après Summers et al. (1987) (avec permission) Le transfert chirurgical de sept blastocystes de zèbre à des ânesses permet l’établissement de deux gestations interspécifiques (29%). Un fœtus meurt et le conceptus est résorbé entre J53 et J64 et l’autre ânesse avorte d’un prématuré à J292. (Kydd et al., 1985) Cette ânesse avait également présenté des signes de polyarthrite durant les 5 jours précédant la naissance prématurée. (Allen, 1992) Le foal et le placenta sont d’apparence normale et bien 119 développés compte tenu du stade de gestation (Figure 27), le foal vit 3 heures avant de succomber d’incompétence respiratoire. (Kydd et al., 1985) Figure 27 : Foal zèbre de Grant né prématurément d’une ânesse à 292 jours de gestation et son placenta, d’après Kydd et al. (1985) Ni les embryons transférés par méthode non chirurgicale, ni ceux transférés par laparotomie par le flanc n’ont abouti à des gestations. (Kydd et al., 1985) Tous les poulains nés en vie sont pris en charge avec succès par leur mère hôte (Figure 28). (Hearn et Summers, 1986) 120 Figure 28 : Ponette et sa pouliche zèbre qui vient de naître (photographie aimablement prêtée par le Dr Allen) c) Production de PMSG Comme cela est présenté dans le Tableau 10, une sécrétion de PMSG normale, comparable à celle retrouvée lors de gestation intraspécifique chez le cheval, est observée chez les juments portant des embryons de cheval de Przewalski. Ceci suggère que le développement des cupules endométriales est également normal. (Anderson, 1988) Il existe cependant des variations considérables entre les quatre animaux à la fois dans les concentrations observées et dans le moment de disparition de l’activité de la PMSG dans le sérum. Au contraire, de très faibles quantités de PMSG, à la limite de la sensibilité de la méthode de dosage, sont détectées durant une période anormalement brève de la gestation (J36-J56 ; Tableau 10 ) dans le sérum des trois juments portant des conceptus de zèbres. (Summers et al., 1987) Cette production de PMSG faible et courte dans le temps lors des gestations de zèbres chez le cheval suggère un faible développement endométrial. (Anderson, 1988) La gestation normale chez le zèbre est caractérisée par un profil de sécrétion de PMSG semblable à celui observé lors de gestation intraspécifique chez l’âne, c'est-à-dire une sécrétion à faible concentration mais sur une longue durée (jusqu’à après J100). (Anderson, 1988) Ainsi, les deux zèbres portant des gestations intraspécifiques présentent des profils de sécrétions de PMSG assez plats, avec des pics de concentrations sériques (9 et 28 UI/mL) et une durée de sécrétion d’hormones (jusqu’à J108 et jusqu’à plus de J115 respectivement) 121 (Tableau 10) qui rappellent effectivement ce qui est observé lors de gestation intraspécifique chez l’âne. Des pics similaires de concentrations en PMSG sérique sont mesurés chez les deux ânesses portant des conceptus de zèbres (7 et 22 UI/mL respectivement). Cependant la PMSG disparaît du sérum beaucoup plus tôt au cours de la gestation (J59 et J83 respectivement). Tableau 10 : Profils de la sécrétion de PMSG chez les juments, ânesse et zèbres portant des conceptus inter- et intraspécifiques, d’après Summers et al. (1987). Type de gestation Pic de Période de concentration de sécrétion de Receveuse PMSG mesurée PMSG (jours dans le sérum après l’ovulation) (U.I./mL) Devenir de la gestation Cheval de Przewalski chez le cheval HP KH MQ MN TM 38-80 40-55 40-82 35-95 44-70 70 5 33 135 4 Poulain vivant, J329 Poulain vivant, J324 Résorbé J85-101 Poulain vivant, J322 Poulain vivant, J334 Zèbre chez le cheval KS MG MR 36-45 37 40-56 0,5 0,5 1,5 Résorbé, J61-70 Poulain vivant, J367 Poulain mort-né, J350 Zèbre l’âne UM PF 39-83 40-59 22 7 Avorté, J292 Résorbé, J53-79 9 28 Poulain vivant, J364 Poulain vivant, J355 chez Zèbre chez le NJ 39-108 zèbre J 38-115* * Dernier jour où un échantillon de sang a été prélevé. Il n’y a pas de corrélation entre le succès ou l’échec de ces gestations et le profil de sécrétion de PMSG présenté par les mères hôtes. (Summers et al., 1987) d) Anticorps cytotoxiques Excepté lors d’une gestation de cheval de Przewaski chez le cheval (Jument HP), une forte réponse cytotoxique dirigée contre les lymphocytes des parents biologiques est mesurée dans le sérum périphérique des huit juments receveuses et d’une ânesse receveuse testée (Tableau 11). Généralement les anticorps sont détectés pour la première fois peu après le moment où le développement des cupules endométriales est censé commencer, à J36. Cependant, chez une des receveuses (Jument KH) des anticorps contre les lymphocytes des deux parents apparaissent à J33. Chez une autre receveuse (Jument TM), des anticorps contre 122 la mère de l’embryon, mais pas contre le père, sont déjà présents à J21, date à laquelle l’animal est testé pour la première fois. (Summers et al., 1987) Tableau 11 : Développement d’anticorps lymphocytotoxiques chez les ânesses et juments receveuses portant des conceptus de cheval de Przewalski ou de zèbre, d’après Summers et al. (1987). Type de gestation Période de test du sérum Receveuse pour les anticorps* Anticorps présents contre le père* Anticorps présents contre la mère* Devenir de la gestation Cheval de Przewalski chez le cheval HP KH MQ MN TM 18-194 14-134 20-128 19-68 21-70 ─ 33-134 41-128 40-68 56-70 ─ 33-134 34-128 40-68 21-70 Poulain vivant, J329 Poulain vivant, J324 Résorbé, J85-101 Poulain vivant, J322 Poulain vivant, J334 Zèbre chez le cheval KS MG MR 14-69 4-181 21-139 4-69 46-181 49-99 43-69 46-181 35-128 Résorbé, J61-70 Poulain vivant, J367 Poulain mort-né, J350 Zèbre l’âne UM 18-188 48-158 48-128 Avorté, J292 chez * Jours après l’ovulation chez la receveuse. 3. Discussion On constate grâce à cette étude que les techniques de collecte d’embryons, sous sédation réversible et de courte durée, chez les chevaux de Przewalski et les zèbres ainsi que le transfert interspécifique d’embryons à des juments domestiques pourraient être utilisés pour améliorer la fertilité de ces espèces et des autres équidés sauvages. (Summers et al., 1987) Les résultats montrent une fois de plus l’étonnante capacité des Equidés à porter à terme des fœtus extraspécifiques de phénotype et caryotype très différents du leur (Figure 29). (Kydd et al., 1985) Ainsi, le cheval domestique peut mener à terme des embryons de cheval de Przewalski ou de zèbre. L’utilisation de l’âne comme receveur pour les embryons de zèbre n’est pas un succès, bien que deux gestations se soient établies. Ceci est surprenant puisque l’âne avait initialement été choisi car il est plus proche du zèbre d’un point de vue taxinomique. (Hearn et Summers, 1986) L’âne semblait d’autant plus adapté que, comme nous l’avons vu précédemment, le transfert d’embryons de cheval chez l’âne aboutit à un développement normal des cupules endométriales et à la naissance d’une majorité de poulains vivants. (Summers et al., 1987) 123 Figure 29 : Ponettes receveuses et leur petit (ânon, zèbre et poulain de Przewalski) issu du transfert interspécifique (photographie aimablement prêtée par le Dr Allen) Il apparaît évident, d’après les résultats de cette étude, qu’un certain nombre de facteurs se combinent pour rendre le transfert d’embryon entre équidés sauvages et domestiques possible d’un point de vue pratique : la capacité des Equidés à amener à terme des conceptus extraspécifiques ; la facilité et la sécurité d’utilisation du mélange étorphine et acépromazine ainsi que de la diprénorpine pour induire des narcoses répétées et des réveils rapides chez les donneuses ; la relative simplicité et le succès des récoltes non chirurgicales d’embryons chez ces donneuses sédatées ; et enfin l’utilisation d’analogues de la prostaglandine pour induire une lutéolyse prématurée et un retour en œstrus rapide des donneuses, augmentant ainsi les opportunités de récolte d’embryons dans une saison de reproduction. (Kydd et al., 1985) Les limites de la technique incluent les difficultés du diagnostic du moment de l’ovulation chez les donneuses (la synchronisation de l’ovulation utilisée lors de la première expérience et non lors de la deuxième, permet de résoudre en partie ce problème)et de l’inefficacité des traitements à base de gonadotrophine exogène à stimuler une superovulation chez les femelles d’équidés. Cependant, en dépit de ces inconvénients, les résultats de cette expérience indiquent qu’il est possible de récupérer six à huit embryons par an d’une 124 donneuse fertile mise en présence d’un étalon actif et fertile. On peut alors espérer un taux de gestation de 60% suite au transfert chirurgical chez une jument domestique synchronisée. (Kydd et al., 1985) Ceci permettrait d’obtenir 2 à 4 naissances de poulains vivants par jument lors d’une saison de reproduction. (Hearn et Summers, 1986) Les taux de gestation initiaux sont très élevés aussi bien pour les embryons de cheval de Przewalski que pour les embryons de zèbres transférés chez des juments domestiques. Ils sont similaires à ceux obtenus lors des transferts interspécifiques réciproques entre âne et cheval et lors de transferts intraspécifiques chez le cheval. (Summers et al., 1987) Le taux assez élevé de perte de gestation précoce qui est observé à la fois chez les ponettes et chez les ânesses est difficilement explicable. La présence d’embryons à l’examen échographique n’a pas été observée avant leur disparition chez aucun des deux conceptus de cheval de Przewalski qui ont été perdus avant J40. Il semble donc probable que ces deux conceptus étaient en fait constitués uniquement d’une vésicule trophoblastique, des dommages irréversibles ayant été causés à la masse cellulaire interne au moment de la récolte et du transfert de l’embryon. (Kydd et al., 1985) Le conceptus de cheval de Przewalski et les deux conceptus de zèbre perdus entre J53 et J101 pourraient ne pas avoir réussi à s’implanter correctement. Ces conceptus xénogéniques pourraient également avoir provoqué une réponse de rejet immunitaire à médiation cellulaire généralisée de la part de la mère. L’ânesse et la jument receveuses qui ont avorté de foals zèbres bien développés et proches du terme, ont montré toutes les deux des signes de polyarthrite avant l’avortement et présentaient également de hautes concentrations de complexes antigène-anticorps dans le sang périphérique à la même période. (Allen, 1992) Il n’a pas été possible de déterminer exactement la réactivité croisée du sérum antiPMSG utilisé dans le test d’inhibition de l’hémagglutination contre les extraits purifiés de PMSG de cheval de Przewalski et de zèbre. Cependant, tout porte à croire que la méthode de dosage permet d’obtenir une image assez précise du taux de sécrétion de PMSG, et donc également du niveau et de la durée du développement des cupules endométriales, dans les différents types de gestations interspécifiques examinés au cours de l’étude. En effet, le sérum de femelle zèbre gestante donne une courbe de la réponse en fonction de la dose parallèle à celle obtenue avec du sérum de jument gestante lors de ce dosage. De plus, les juments 125 portant des conceptus de cheval de Przewalski présentent des profils de concentrations de PMSG similaires à ceux des juments à gestation intraspécifique. Enfin, les ânesses portant des conceptus de zèbre et les zèbres portant des gestations intraspécifiques présentent des pics de concentrations sériques en PMSG semblables à ceux mesurés lors de gestation intraspécifique chez l’âne. On remarque que la période de la gestation (J36 à J53) au cours de laquelle la PMSG est détectable dans le sérum des trois juments portant des conceptus de zèbre est très brève. De plus l’activité de la PMSG dans le sérum des deux ânesses portant des conceptus de zèbres et dans celui de certaines juments portant des conceptus de cheval de Przewalski disparaît prématurément. Tout ceci suggère le développement d’une réaction maternelle cytotoxique à médiation cellulaire de forte intensité contre les cellules des cupules endométriales dans les deux espèces de mères hôtes. En outre, les niveaux extrêmement bas d’activité de la PMSG mesurés chez les juments portant des conceptus de zèbres laissent supposer que seulement une très faible quantité du tissu de la ceinture chorionique de zèbre a envahi avec succès l’endomètre de la jument hôte, dans le but de former les cupules endométriales sécrétant la PMSG, aux alentours de J36. On peut s’attendre à une augmentation de la réponse à médiation cellulaire contre les cupules endométriales aux vues de l’augmentation marquée de cette réaction observée chez les juments portant des conceptus de mule. Le développement minimal des cupules endométriales chez le cheval portant un conceptus de zèbre ressemble également à la situation observée chez les chevaux portant des conceptus d’âne. Les cupules endométriales sont alors absentes, comme nous l’avons vu, en raison de l’échec complet de la ceinture chorionique de l’âne à envahir l’endomètre de la jument. On remarque à nouveau à quel point l’environnement utérin exerce une grande influence, à la fois sur le développement de la ceinture chorionique des Equidés et sur ses propriétés d’invasion. (Summers et al., 1987) Ces données sont résumées dans le Tableau 12. 126 Tableau 12 : Développement des cupules endométriales et survie fœtale lors de gestations intraspécifiques, hybrides et interspécifiques chez les Equidés, d’après Allen et al. (1987) Génotype foetal Développement et Caryotype fœtal : durée de vie* des Génotype de la caryotype cupules mère maternel (2n= ) endométriales Devenir de la gestation Accouplement intraspécifique Cheval Ane Zèbre de Grant Cheval Ane Zèbre de Grant 64 : 64 62 : 62 46 : 46 +++ + + L L L Terme Terme Terme Cheval Ane 63 : 64 63 : 62 + ++++ C L Terme Terme Accouplement hybride Mule Bardot Transfert d’embryon interspécifique Terme Terme Terme Terme Terme Terme 80% d’avortement ─ à J80-J95 *Les cupules endométriales persistent pour : L > 60 jours ; C = 15 à 30 jours ; TC < 10 jours. Cheval de Przewalski Cheval Cheval Ane Zèbre de Grant Zèbre de Grant Ane Cheval Ane Mule Mule Ane Cheval Cheval 66 : 64 64 : 62 64 : 63 62 : 63 46 : 62 46 : 64 62 : 64 ++ ++++ +++ + + ± L L L L C TC Nous constatons à nouveau que les caractéristiques des cupules endométriales varient largement selon les types de gestations. Cela concerne la quantité de tissu des cupules qui se développe, comme cela est démontré par les concentrations sériques en PMSG qui reflètent la largeur et le développement en général de la ceinture chorionique ainsi que sa capacité à envahir l’endomètre. La durée de vie des cupules varie également, ceci est démontré par la durée d’activité de la PMSG dans le sérum et pourrait refléter l’intensité et le succès de la réaction leucocytaire maternelle dans l’accélération de la mort des cupules. Il apparaît également que le génome paternel exerce une influence marquée sur la croissance de la ceinture chorionique de la progéniture, et donc sur la quantité de tissu des cupules endométriales qui se développe après l’invasion, comme nous l’avions déjà vu précédemment. Quels que soient les changements de l’environnement utérin suite au transfert d’embryon, la ceinture chorionique qui se développe sur le conceptus est plus large et plus active lorsque le père est un cheval ou un cheval de Przewalski que lorsque le père est un âne ou un zèbre de Grant. 127 Cependant, malgré ces variations importantes, tout conceptus qui engendre un quelconque degré de développement des cupules endométriales dans l’utérus maternel semble capable de s’implanter normalement et d’évoluer correctement jusqu’au terme. (Allen et al., 1987) Malgré le faible développement des cupules endométriales chez les juments portant des conceptus de zèbres, une quantité suffisante de tissu envahit l’endomètre pour stimuler la formation d’anticorps lymphocytotoxiques chez les trois animaux. (Summers et al., 1987) Or, nous avons vu la fonction immunologique importante du développement endométrial dans le maintien de la gestation chez les Equidés. Celui-ci fournirait le stimulus nécessaire à la mise en place, par le système immunitaire de la mère, de différents mécanismes permettant l’immunoprotection du fœtus comme nous l’avons montré plus tôt. (Allen, 1982b) La gestation chez le zèbre est en général 25 à 40 jours plus longue que chez le cheval domestique. Le fait que la gestation soit prolongée de cette même durée lors des deux gestations de zèbre chez le cheval confirme l’hypothèse selon laquelle c’est le fœtus, suite au développement de l’axe hypothalamo-adréno-pituitaire, qui contrôle le moment de la parturition. Cette hypothèse est confortée par le fait que lors des gestations interspécifiques réciproques entre Bos indicus et Bos taurus, deux espèces de bovins à durée de gestation différentes, c’est également le génotype du fœtus et non de la receveuse qui influence la durée de la gestation. (Summers et al., 1987) Ces transferts interspécifiques d’embryons pourraient donc bien constituer une aide pour l’élevage des équidés sauvages en captivité. (Hearn et Summers, 1986) Ils permettraient d’augmenter le potentiel reproducteur de ces animaux dont le nombre d’individus est parfois très faible. Le cheval de Przewalski est ainsi l’objet de programmes de réintroduction après avoir vu le nombre d’individus en captivité diminuer à moins de 500. Chez les zèbres, nous avons vu que plusieurs espèces sont menacées. Ces espèces pourraient largement bénéficier de l’utilisation de ces techniques. (Kydd et al., 1985) On pourrait ainsi utiliser le transfert d’embryon interspécifique pour augmenter la taille d’un troupeau d’équidés sauvages mais surtout pour augmenter le nombre de descendants d’une lignée génétique rare. (Summers et al., 1987) 128 Nous avons démontré que la plupart des transferts interspécifiques qui ont été tentés chez les Equidés présentent un taux de réussite relativement élevé. L’exemple du transfert d’embryon d’âne chez le cheval (caractérisé par une incapacité à former des cupules endométriales et donc associé à un taux de gestation très faible) doit cependant être pris en compte car le phénomène pourrait se reproduire lors de la mise en pratique des transferts d’embryons interspécifiques chez les Equidés sauvages. On peut ainsi supposer que le transfert d’embryons d’ânes sauvages chez le cheval aboutirait à un faible taux de gestation. Ceci ne remet cependant pas en cause la technique et démontre uniquement la nécessité d’études plus poussées concernant la formation des cupules endométriales lors de ces transferts interspécifiques. 129 IV. Difficultés techniques de d’utilisation et reproduction perspectives assistée chez des les équidés sauvages Après nous être intéressés aux divers intérêts et possibilités de mise en œuvre des techniques de reproduction assistées chez les équidés sauvages nous allons envisager dans cette dernière partie les facteurs limitant leur utilisation. Enfin, dans un deuxième temps, nous aborderons des techniques nouvelles qui pourraient se révéler utiles dans le futur. A. Facteurs limitants et inconvénients de ces techniques A ce jour, un seul programme complet de reproduction assistée a été mis en place et fonctionne. Il s’agit du plan de préservation du Mouflon européen débuté en 2000 en Sardaigne. (Ptak et al., 2002) La plupart des gestations réussies grâce à la reproduction assistée chez les différentes espèces ont été des événements uniques. (Wildt, 1991) Ainsi l’utilisation de l’insémination artificielle ou du transfert d’embryons formés in vivo ou par FIV pour augmenter une population est restée sporadique. De plus, les techniques de manipulation embryonnaire, malgré une publicité considérable, n’ont eu d’impact mesurable sur les efforts de conservation chez aucune espèce. (Loskutoff et Betteridge, 1992) Ainsi, chez les Equidés, la technique du transfert d’embryon interspécifique n’a, à ce jour, jamais été appliquée dans le cadre d’un programme de reproduction assistée chez des individus sauvages. Nous avons divisé ces facteurs limitants en quatre catégories. Tout d’abord, nous étudierons ceux liés à la variabilité de la gestation entre les différentes espèces. Puis nous verrons les différentes causes d’échec de la gestation. Nous aborderons ensuite les limites liées au faible nombre d’individus disponibles et enfin celles n rapport avec les règlements et supports institutionnels. 130 1. Variabilité de la reproduction d’un point de vue physiologique, anatomique et comportemental Pour être un succès, la production de nouveaux individus grâce aux techniques de reproduction assistée nécessite, dans un premier temps, une meilleure connaissance de base de la biologie de la reproduction chez les différentes espèces car les données sont souvent limitées. (Comizzoli et al., 2000) Dans le cas particulier des équidés sauvages il existe très peu d’études concernant la physiologie de la reproduction, et bien que le cheval domestique semble constituer un bon modèle, les connaissances nécessitent d’être approfondies dans ce domaine. (Moehlman, 2002) Des stratégies très variées sont utilisées chez les différentes espèces de Mammifères pour le contrôle de l’ovulation et de la gestation, c’est le cas par exemple des corps jaunes secondaires développés par les Equidés lors de la gestation. Des variations existent également en ce qui concerne les processus de régulation au sein d’un même genre (durée du cycle œstral par exemple). En plus de ces variations physiologiques, les ovocytes, les spermatozoïdes, les embryons et les cellules des différentes espèces nécessitent habituellement des milieux nutritifs différents pour la culture in vitro. Pour la plupart des espèces menacées ces milieux n’ont pas encore été définis. (Comizzoli et al., 2000) Chez les espèces sauvages les méthodes invasives ne peuvent être utilisées pour le suivi du cycle œstral. L’existence de méthodes de suivi endocrinologique non-invasives influence donc le succès des programmes d’élevage. (Comizzoli et al., 2000) L’analyse des métabolites des stéroïdes dans les fèces a été utilisée pour estimer le taux de gestation de troupeaux sauvages ou pour déterminer le statut reproducteur des mâles et des femelles dans diverses espèces. (Comizzoli et al., 2000) Cette procédure a été développée chez des juments sauvages pour le diagnostic de gestation mais aussi pour le diagnostic de la cryptorchidie chez l’étalon. Chez la jument, la détection du pic d’œstrogènes pré-ovulatoire est par contre plus difficile avec cette technique. (Schwarzenberger et al., 1996) Le cycle ovarien peut également être suivi par analyse des stéroïdes et peptides dans l’urine. (Comizzoli et al., 2000) Ce type de suivi hormonal par récolte d’échantillons d’urine est utilisé chez le cheval de Przewalski. (Wildt, 1991) Le dosage des stéroïdes hormonaux dans les fèces et l’urine a également été validé chez le zèbre de Grévy. (Moehlman, 2002) Ces méthodes représentent un espoir considérable pour la gestion de la reproduction chez des 131 espèces sauvages qui sont trop indociles, nerveuses ou inaccessibles pour être étudiées grâce à des échantillons sanguins. (Hearn, 1986) L’échographie peut être utilisée chez certains animaux. (Comizzoli et al., 2000) Elle est d’ailleurs utilisée par voie transrectale chez les équidés sauvages. Elle a notamment permis l’étude du cycle œstral chez le cheval de Przewalski, bien qu’elle nécessite que les animaux soient anesthésiés et placés en décubitus latéral. (Durrant et al., 1986) Elle est utilisée également chez un grand nombre d’autres espèces et ses applications sont très variées (détermination du statut reproducteur chez la femelle, collecte de semence chez le mâle, IA, transfert d’embryons…). (Hildebrandt et al., 2000) En ce qui concerne l’IA, il est important de connaître précisément le site approprié pour déposer la semence ainsi que le moment idéal où elle doit être réalisée au cours de l’œstrus. La solution la plus facile dans ce cas est de contrôler la fonction ovarienne, malheureusement les préparations à base de gonadotrophine ne sont pas efficaces chez toutes les espèces. L’IA nécessite également la cryopréservation de la semence ; les techniques sont très bien établies chez les ruminants domestiques mais moins bien chez les Equidés. Ces techniques devront donc être adaptées aux différentes espèces sauvages, les exigences physico-chimiques étant différentes d’une espèce à l’autre (tolérance différente à la concentration de glycérol par exemple). (Comizzoli et al., 2000) Pour le transfert d’embryons, il est également nécessaire d’utiliser la cryopréservation afin de pouvoir stocker à long terme les embryons, les transporter et les conserver comme banque de données génétiques. (Summers, 1986) De même, en ce qui concerne la FIV, il existe deux facteurs limitants concernant la semence qui sont la qualité du sperme (structure et motilité) (Wildt et al., 1992) et la méthode de préparation du sperme pour la fécondation (Loskutoff et Betteridge, 1992). De plus, en ce qui concerne la culture d’embryons, les conditions optimales devront sans doute être développées espèce par espèce. (Loskutoff et Betteridge, 1992) Pour toutes les espèces il existe également des contraintes liées à l’anatomie (petite taille par exemple). (Comizzoli et al., 2000) Chez les espèces sauvages, le comportement sexuel et social joue également un rôle clé dans l’application des techniques de reproduction assistée (infertilité chez les animaux non 132 dominants par exemple). La captivité elle-même peut également induire des troubles physiologiques ou comportementaux. La reproduction peut également être un échec en raison d’une incompatibilité sexuelle entre les individus.(Comizzoli et al., 2000) Ce cas s’est produit lors de l’expérience de transfert d’embryons de cheval de Przewalski puisque le premier étalon utilisé s’est montré agressif envers les juments. (Kydd et al., 1985) 2. Echec de la mise en place de la gestation Il est supposé que les gestations induites de manière artificielle échouent souvent en raison d’un échec du signal entre l’embryon et la mère. Après une intervention sur la reproduction, le développement respectif de l’utérus et du conceptus pourrait devenir asynchrone. Ceci pourrait être lié soit à une synchronisation fœto-maternelle insuffisante au moment du transfert de l’embryon, soit aux effets néfastes des procédures de manipulation du conceptus. On suppose que les manipulations artificielles de l’embryon pourraient réduire sa capacité à sécréter les signaux de reconnaissance de la gestation. (Bainbridge et Jabbour, 1998) Ainsi, il a été mis en évidence chez les bovins domestiques et sauvages que le taux de réussite de la gestation après transfert d’embryon (intra ou interspécifique) est nettement diminué lorsque l’embryon a été produit par FIV. (Loskutoff, 1999) Lors de transfert d’embryon interspécifique, la compatibilité biologique entre le trophoblaste de l’embryon et l’endomètre utérin reste un facteur limitant de l’utilisation de cette technique. (Wildt, 1991) La supplémentation en interféron s’est montrée efficace pour empêcher la lutéolyse chez les bovidés et les cervidés. L’utilisation des interférons pourrait donc permettre d’améliorer les taux de gestation après IA, transfert d’embryon ou FIV chez les ruminants non-domestiques. Cependant des recherches plus poussées sont nécessaires afin d’identifier les facteurs de reconnaissance de la gestation dans les autres groupes de Mammifères, dont les Equidés. (Bainbridge et Jabbour, 1998) 3. Faible nombre d’individus disponibles Nous avons vu que lors de la mise en place d’un programme d’élevage, le nombre d’animaux fondateurs devrait être aussi grand que possible pour augmenter la diversité 133 génétique. Les animaux chez lesquels la collecte est problématique ou dont les gamètes sont difficiles à conserver ou à transférer, ou encore les individus dispersés géographiquement, ne doivent pas être écartés de ces programmes. L’adaptation de moyens techniques tels qu’un incubateur portable ou un laboratoire mobile pourrait permettre de résoudre le problème du temps écoulé entre la récolte des gamètes et leur traitement. (Comizzoli et al., 2000) La faible disponibilité en matériel génétique est un facteur limitant majeur dans l’étude de la physiologie de la reproduction et la mise en place de techniques de reproduction assistée adaptées chez les espèces menacées. (Comizzoli et al., 2000) Ce problème est d’autant plus important que les espèces nécessitant le plus de recherches et le plus rapidement possible sont en général celles représentées par un très faible nombre d’individus. (Wildt et al., 1986) Les données rétrospectives sont souvent clairsemées et les opportunités de recherche limitées. Un autre moyen de résoudre ce problème pourrait être l’utilisation d’une espèce très proche non menacée comme modèle pour l’étude des paramètres physiologiques et l’élaboration de techniques comme cela a été fait pour le transfert d’embryon interspécifique chez les Equidés. (Comizzoli et al., 2000) Le transfert d’embryon interspécifique est ainsi une technique clé dans la conservation des espèces menacées. Cependant, même si le traitement à l’aide d’interféron peut réduire les pertes dues à l’asynchronie entre l’embryon et la mère receveuse, la barrière immunologique reste un obstacle majeur lors de gestation interspécifique. (Comizzoli et al., 2000) En dépit des succès rapportés, un grand nombre d’échecs ont été relatés avec cette technique. (Loskutoff, 1999) De plus, des études plus poussées sont nécessaires afin d’analyser les préférences sexuelles des animaux nés après transfert d’embryon interspécifique. (Comizzoli et al., 2000) En effet, il n’existe quasiment aucune donnée concernant la croissance et le développement des animaux sauvages produits par transfert d’embryon interspécifique. On sait cependant que les jeunes mouflons élevés par des brebis se montrent dociles tant qu’ils sont maintenus avec leur mère hôte mais que ce comportement est réversible. En effet, une fois réintroduits parmi leurs congénères, ces jeunes assimilent la peur et le comportement d’aversion lié à leur espèce. Très peu d’attention a également été portée à la relation comportementale entre la progéniture et sa mère hôte. Il a pourtant été démontré que la relation entre le jeune et sa mère 134 est déterminante chez la plupart des espèces de Mammifères, en particulier celles où le jeune est mobile et où les individus sont organisés en groupes sociaux, ce qui est le cas des ongulés. L’attachement mère-jeune va permettre à ce dernier de développer ses prédispositions à devenir un adulte socialement et sexuellement adapté à son groupe social et à son espèce. Cette relation nécessite pour se mettre en place que les deux individus soient réceptifs d’un point de vue physiologique et comportemental au fait, respectivement, d’exprimer un comportement maternel et de le recevoir. Il a également été démontré qu’un jeune a tendance à s’identifier à l’espèce de l’individu qui l’a pris en charge en premier. Dans le cas où l’identification se ferait envers l’espèce de la mère hôte, cela pourrait sérieusement remettre en cause la formation de la génération suivante. Il est donc nécessaire que la mère hôte et le jeune soient tous deux réceptifs, au moment adapté du développement ontogénétique, aux stimuli sensoriels et comportementaux émis par l’autre individu. Ceci ne peut se faire que par l’étude de la mise en place des liens d’attachements maternel et filial chez les différentes espèces. Cette concordance devra également être prise en compte pour le choix de l’espèce hôte. Il serait également très important de déterminer le moment idéal auquel le jeune doit être réintroduit avec ses congénères afin de lui permettre de s’y intégrer et d’être accepté. (Gibbons et Durrant, 1987) 4. Règlements et supports institutionnels En plus des facteurs limitants pratiques et techniques, les contraintes institutionnelles et économiques doivent également être considérées. Bien que la CITES joue un rôle déterminant dans la conservation des espèces, les règlements créent parfois de nouveaux problèmes aux défenseurs de l’environnement en limitant les possibilités d’acquisitions d’animaux nécessaires pour maintenir les programmes traditionnels d’élevage en captivité. (Comizzoli et al., 2000) De plus, l’importation d’embryons et les stratégies de cryostockage ne sont actuellement pas clairement définies pour les espèces sauvages. (Comizzoli et al., 2000) Les règles définissant les déplacements d’embryons d’espèces non domestiques sont en train de se mettre en place. Les embryons doivent être manipulés et lavés conformément aux standards 135 de l’IETS (International Embryo Transfer Society) existants. De plus, des critères stricts sont mis en place en ce qui concerne le dépistage des maladies chez les animaux donneurs, avant, pendant et après la récolte des embryons ou des gamètes. (Loskutoff et al., 1995) Ces procédures doivent être supervisées par un vétérinaire officiel et complétées par un examen physique des animaux donneurs. Les données existantes concernant les espèces domestiques et certaines espèces sauvages seront utilisées de façon à réduire les études nécessaires à la mise en place de ces directives. (Schiewe et al., 1995) Les supports institutionnels sont importants, cependant il arrive que les espèces à sauver soient choisies en fonction de divers intérêts (politiques, culturels, économiques) parfois sans que le contrôle des biologistes puisse s’exercer. (Comizzoli et al., 2000) De plus, un grand nombre de zoos sont financés de façon privée et les supports financiers institutionnels pour la recherche zoologique sont bien souvent trop limités pour permettre des avancées rapides de la recherche. Cependant, la popularité des programmes de préservation des espèces menacées pour le grand public pourrait inciter des investissements privés. (Wildt et al., 1986) La stratégie la plus intéressante afin de limiter à la fois les coûts et la consanguinité est celle qui associe à la fois la cryopréservation de semence et un troupeau d’élevage. Les questions à se poser sont : quelles stratégies d’intervention auront les effets désirés dans une situation précise, quel est le rapport coût/bénéfice ? Bien que le transfert d’embryon ou l’IA ne soient pas les méthodes les plus efficaces pour propager rapidement une petite population, elles peuvent parfois être plus appropriées que des techniques sophistiquées. (Comizzoli et al., 2000) Il est avant tout important de rappeler que les techniques de reproduction assistée et les banques de données génétiques ne peuvent être réellement utiles à la conservation des espèces que si des objectifs clairs avec un but précis sont préalablement définis. (Wildt, 1992) Les techniques de reproduction assistée deviennent une méthode de gestion de plus en plus importante pour la conservation des espèces sauvages. Cependant il apparaît évident que les bénéfices les plus intéressants de ces techniques seront dans la gestion génétique des populations stables plutôt que dans la propagation des espèces menacées. Le transfert d’embryons interspécifique est un concept excitant et attractif, pourtant, historiquement, il a abouti à davantage d’échecs que de succès. Cependant, en poursuivant les recherches et en 136 améliorant les connaissances dans le domaine de la physiologie de la reproduction chez les différentes espèces, peut-être pouvons-nous espérer améliorer l’utilisation de cette technique pour la sauvegarde des espèces rares ou menacées. (Loskutoff, 1999) B. Applications futures Le “assisted hatching” ou “éclosion assistée”, la bissection d’embryon, le sexage des spermatozoïdes ou des embryons ne sont pas utilisés de routine chez les espèces domestiques. Il n’existe actuellement aucune référence chez les espèces menacées. Cependant, la ICSI pourrait être une alternative utile à la FIV chez les espèces menacées lorsque aucun spermatozoïde mobile ne peut être obtenu sur des cadavres. Ce type de technique est maintenant réalisé chez les Equidés. (Comizzoli et al., 2000) La production de vrais jumeaux par micromanipulation d’embryons a également été réalisée avec succès chez le cheval domestique, à titre expérimental mais il s’agit d’une technique lourde dont le taux de réussite est tout de même limité. (Allen et Pashen, 1984) La restauration des espèces par transfert d’un noyau de cellule somatique dans un ovocyte receveur énucléé a déjà été envisagée. Le clonage pourrait également être utile chez les espèces qui ne se sont jamais reproduites en captivité. La préservation des lignées germinales (mâle et femelle) par transplantation chez une souris SCID (immunodéficiente) pourrait également être une alternative intéressante lors de la mort d’un animal de valeur. (Comizzoli et al., 2000) Nous abordons ici deux techniques particulières qui seront peut-être utilisées plus largement dans le futur : l’étude du contenu génétique des gamètes et embryons et l’utilisation du clonage pour la conservation des espèces. 1. Etude du contenu génétique des gamètes et embryons La gestion génétique des petites populations nécessite que les embryons soient produits en fonction des décisions prises concernant le pedigree et la constitution génétique qui est désirée pour les animaux d’origine. Ainsi, la constitution génétique d’un embryon de mammifère au stade précoce peut être déterminée par amplification de l’ADN d’une seule cellule en utilisant la Polymerase Chain Reaction (PCR) sans affecter la capacité de 137 l’embryon à se développer. Il pourrait donc être possible de sélectionner les embryons en fonction d’un génotype recherché. Cependant il pourrait se révéler très difficile de classer les génotypes comme bénéfique ou délétère puisque la fonction de la majorité des allèles maintenus dans les populations sauvages est inconnue. Ainsi il serait préférable de supposer qu’une espèce captive porte les allèles nécessaires pour lui permettre de survivre à l’état sauvage et qu’une sélection artificielle sur la base du génotype pourrait se montrer néfaste. Une exception à cette règle est l’héritabilité du chromosome X ou Y. Nous avons suggéré plus tôt que les fluctuations aléatoires du sex-ratio des portées pouvaient compromettre sévèrement le succès des programmes d’élevage. Il pourrait donc être intéressant de sélectionner les spermatozoïdes ou les embryons en fonction du chromosome sexuel sans autre considération. Une seconde exception à la non-sélection concerne les gènes du CMH. Il a été démontré qu’un grand nombre d’allèles est maintenu pour chaque locus du CMH dans beaucoup de populations d’animaux sauvages. Ceci pourrait constituer une forme de protection contre l’exposition à de nouveau pathogènes. On peut donc penser qu’une certaine vigilance doit être maintenue afin de s’assurer qu’aucun allèle du CMH ne soit perdu durant les programmes de reproduction assistée. (Bainbridge et Jabbour, 1998) 2. Clonage et conservation des espèces Le clonage est un des nombreux moyens d’augmenter le nombre d’individus d’une population. (Holt et al., 2004) La technique consiste à fusionner des ovocytes receveurs énucléés avec des cellules somatiques grâce à l’utilisation du virus Sendai, de l’électrofusion ou en injectant directement le noyau de la cellule somatique dans le cytoplasme receveur. (Squires et al., 2003) Nous avons vu que l’un des principaux buts des techniques de reproduction assistée est d’éviter l’apparition d’une dépression de consanguinité par la généralisation de certains allèles délétères. (Holt et al., 2004) Les populations représentées par un faible nombre d’individus possèdent une variabilité génétique peu importante. Il est donc important dans ce cas d’éviter toute perte de diversité, or cette perte survient à partir du moment où n’importe quel individu ne prend pas 138 part à la reproduction. Si le succès du clonage était garanti à 100%, une stratégie intéressante pourrait être de cloner chaque individu (ce qui ne serait pas impossible dans de très petites populations) et ensuite permettre à cette progéniture de s’accoupler naturellement. Le risque de perte de la diversité génétique serait alors réduit, particulièrement s’il existe plus de 2 copies de chaque individu au départ. Cependant, les taux de succès actuels du transfert nucléaire sont très bas (moins de 0,1 à 5% des embryons fabriqués aboutissent à la naissance d’un animal vivant). Ceci montre combien l’idée d’appliquer les techniques du clonage aux espèces menacées est utopique étant donné l’avancée actuelle des connaissances dans ce domaine. Cependant, on ne peut négliger l’utilisation qui pourrait en être faite sur des populations plus importantes, permettant ainsi d’obtenir davantage de naissances. Le meilleur moyen d’optimiser le succès de cette technique serait d’utiliser des espèces à poly-ovulation avec des portées nombreuses. Ceci assurerait qu’un minimum de conceptus soient viables afin d’assurer la gestation jusqu’au terme. Ceci exclut de nombreux grands Mammifères, dont bien sûr les Equidés. Le faible taux de gestation actuellement associé au clonage ne peut pourtant pas constituer une justification au fait de ne pas utiliser cette technique étant donné les progrès qui ont déjà été faits dans ce domaine, en particulier chez les ongulés. Mais, étant donné que de nombreux défenseurs de l’environnement sont encore réticents vis-à-vis des techniques de reproduction assistée, il est peu probable que le clonage soit facilement accepté. Une autre objection pratique à l’utilisation du clonage dans la conservation des espèces, comme dans le cadre des autres techniques de reproduction assistée, est le manque crucial d’informations concernant la physiologie de la reproduction chez les espèces menacées. Dans la plupart des cas, il n’existe pas de protocole efficace d’induction du recrutement des ovocytes, de leur développement et maturation. Lorsque des efforts ont été faits pour développer de tels protocoles, il s’agit en général de projets beaucoup plus complexes que ce qui avait été envisagé au départ. De plus les recherches sont engagées lentement et à une échelle restreinte car, étant menacés, les animaux ne sont pas disponibles pour ces recherches. Les questions concernant la viabilité et la santé de la progéniture résultant du clonage devront encore être explorées. Cependant, dans la plupart des cas ces projets sont difficiles à 139 mener à moins que l’espèce en question soit particulièrement inhabituelle et que son étude puisse apporter de nouvelles connaissances scientifiques. Actuellement, un des principaux défauts de la technique de transfert nucléaire est la possibilité que la progéniture résultante présente un certain degré d’anormalité en ce qui concerne le développement. Ceci inclut un allongement de la gestation, une augmentation du poids à la naissance, une formation inadéquate du placenta et des anomalies histologiques de la plupart des organes, y compris les reins, le cerveau, le système cardio-vasculaire et les muscles. Ces effets sont attribués à un “reprogrammage” inefficace de l’ADN nucléaire, un processus qui survient naturellement durant la gamétogenèse et le développement précoce et qui détermine si certains gènes sont exprimés par les chromosomes maternels ou paternels. Malgré tout, les arguments en faveur des programmes de clonages sont variés. Les partisans de ces techniques citent souvent le déclin massif des espèces qui survient actuellement et recommandent de mettre en œuvre n’importe quelle action qui pourrait inverser la tendance. Dans la même logique que les banques de gamètes et d’embryons, de nombreux groupes internationaux ont élaboré des banques de tissus et lignées cellulaires congelés. Une attention considérable devrait cependant être portée à la contribution génétique directe que les animaux produits grâce à ce matériel pourront apporter à une population. Le reprogrammage inadéquat de l’ADN et les anomalies phénotypiques pourraient réduire, plutôt que supporter, les aptitudes de l’ensemble de la population. Cependant, chez certaines espèces, ces phénotypes anormaux ne sont pas transmis à la génération suivante. Cette observation permet de défendre le clonage comme outil de conservation. Etant donné que le degré d’occurrence des anomalies à la première génération varie en fonction des espèces, la valeur potentielle du clonage pour la conservation pourrait être également spécifique d’espèce. Pour les espèces les plus menacées cet argument théorique est insoutenable d’un point de vue pratique car les recherches initiales nécessaires pour établir l’absence de ces anomalies de première génération ne pourraient être entreprises. Cependant, cet argument n’empêche pas la création de banques de cellules et de tissus pour les espèces sauvages, dans l’espoir que les techniques s’améliorent dans les années à venir. Plusieurs tentatives de clonage d’espèces sauvages ou menacées ont été menées et ont fait l’objet d’une large publicité (il s’agit du gaur, du banteng et du bouquetin des Pyrénées). 140 La caractéristique particulière de ces exemples est l’utilisation du clonage trans-spécifique. Dans ces cas-là, le cytoplasme de l’ovocyte utilisé pour créer l’embryon provient d’une espèce domestique proche. Les clones trans-spécifiques diffèrent inévitablement de chacune des espèces parentales en ce qui concerne leurs caractéristiques nucléo-plasmiques. Ces animaux ne seraient donc pas utiles directement pour la sauvegarde des espèces menacées. Cependant, les clones mâles en âge de se reproduire ne transmettent pas leurs mitochondries à la génération suivante. En théorie, il serait donc possible d’utiliser le clonage trans-spécifique pour rétablir le génome d’une lignée génétique mâle de valeur particulière. Il s’agirait là d’un usage très spécialisé et ciblé du clonage. (Holt et al., 2004) En ce qui concerne les Equidés, il n’y a eu à ce jour aucune tentative de clonage chez des espèces sauvages. Le clonage du cheval domestique est actuellement en développement. Plusieurs laboratoires universitaires et commerciaux étudient activement l’utilisation des techniques de transfert nucléaire pour la production de chevaux clonés. (Long et al., 2003) Le premier représentant des Equidés à avoir été cloné était un mulet, en mai 2003. (Holden, 2003) La même année le laboratoire Cryozootech a cloné le premier cheval, Prométéa. En février puis en mars 2005, deux autres clones ont été produits par ce même laboratoire, il s’agit cette fois-ci du clone d’un hongre qui fut champion du monde d’endurance et de celui d’un cheval de saut d’obstacle. (Cryozootech, 2005) Comme chez les autres espèces, les problèmes de l’héritabilité des mitochondries et des modifications épigénétiques se posent chez les Equidés. (Long et al., 2003) Enfin, la presse a longuement évoqué l’intérêt que pourrait représenter le clonage pour recréer des espèces éteintes. Bien que très attractive, l’idée que l’on pourrait cloner l’ADN d’un mammouth laineux, d’un tigre de Tasmanie ou éventuellement d’un quagga relève à l’heure actuelle de la science fiction. (Long et al., 2003) Etant donné les progrès rapides des techniques de clonage, il semble essentiel actuellement de se concentrer sur le développement de stratégies réalistes pour l’utilisation de ces méthodes dans la conservation des espèces et de s’assurer que les ressources limitées sont déployées là où elles seront le plus efficaces. (Holt et al., 2004) La généralisation des programmes de reproduction assistée nécessite inévitablement un support financier à long terme de la part des gouvernements et des institutions privées ainsi 141 qu’une poursuite des recherches fondamentales, comparatives et techniques de la part des communautés scientifique et vétérinaire. (Bainbridge et Jabbour, 1998) De plus, les espèces sauvages sont plus sensibles au stress que les espèces domestiques, il est donc nécessaire de limiter la manipulation des individus. Les méthodes et le matériel utilisés doivent être adaptés pour permettre de travailler dans des conditions d’extérieur. Partout dans le monde il existe des espèces menacées qui pourraient bénéficier de programmes de conservation, cependant il est important de rappeler que les techniques de reproduction assistée ne sont pas la seule solution pour la conservation des espèces. L’éducation des populations et la préservation des habitats sont essentielles, et il est important de se souvenir que toute espèce doit faire l’objet d’une action de conservation, même lorsqu’elle n’est pas menacée. (Comizzoli et al., 2000) 142 CONCLUSION Le zèbre est le seul Equidé sauvage bien connu et bénéficiant d'une image positive auprès du grand public. La diversité des espèces de zèbre et jusqu'à l'existence des autres espèces d'Equidés sauvages est en général méconnue. Pourtant, comme la plupart des genres de Mammifères, celui des Equidés compte de nombreuses espèces menacées d'extinction si des mesures de sauvegarde ne sont pas mises en place. Les techniques de reproduction assistée sont assez largement utilisées chez les Equidés domestiques, leur adaptation aux Equidés sauvages pourrait permettre d'établir des plans de reproduction plus efficaces. Nous nous sommes intéressés à la technique de transfert d'embryons interspécifique et à son intérêt dans le cadre d'un programme de reproduction assistée chez les Equidés sauvages. Le transfert d'embryon est maintenant bien standardisé et utilisé chez le cheval domestique. L'étude des différents transferts d'embryons interspécifiques réalisés chez les Equidés domestiques a démontré le rôle fondamental des cupules endométriales dans la réussite de la gestation. Le taux de réussite encourageant de ces transferts a permis d'envisager l'utilisation de cette technique chez les Equidés sauvages. Le transfert d'embryons de zèbre de Grant et de cheval de Przewalski chez le cheval domestique a abouti à la naissance d'individus vivants chez les deux espèces. Malgré un taux de réussite assez faible et la nécessité d'études plus poussées sur la formation des cupules endométriales, ces transferts pourraient présenter un grand intérêt dans le cadre d'un programme de reproduction assistée. Enfin, nous avons présenté les autres techniques de reproduction assistée et l'état d'avancement de leur utilisation chez les Equidés sauvages. Nous avons pu constater qu'en définitive aucun programme de reproduction assistée n'a été développé chez les Equidés sauvages. En effet, les différentes techniques, bien que très largement étudiées expérimentalement, ne sont actuellement pas étudiées sur le terrain et les banques de données génétiques sont inexistantes. Le coût très élevé de ces techniques freine notablement leur emploi. Nous ne pouvons qu'espérer que dans les années à venir des supports financiers à long terme permettront de développer des programmes de reproduction assistée, notamment pour des espèces peu médiatiques telles que les Equidés sauvages. 143 144 BIBLIOGRAPHIE 1. ALLEN W.R. (1992) Inter- and extraspecies pregnancies in equids. In Lauria A., Gandoffi F. (Eds). Embryonic Development and Manipulation in Animal Production : Trends in Research and Applications, London, Portland Press, 103-124. 2. ALLEN W.R. (1982a) Embryo transfer in the horse. In Adams C.E (Eds). Mammalian Egg Transfer, CRC Press, Florida, 136-154. 3. ALLEN W.R. (1982b) Immunological aspects of the endometrial cup reaction and the effect of xenogeneic pregnancy in horses and donkeys. J. Reprod. Fert., Suppl., 31 : 57-94. 4. ALLEN W.R. (1973) The origin of equine endometrial cups. II. Invasion of the endometrium by trophoblast. Anat. Rec., 177 : 485-502. 5. 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MOTS CLES : - Equidés sauvages - Transfert d’embryons - Reproduction assistée - Conservation d’espèces JURY : Président : Monsieur le Professeur Jean-François GUERIN 1er Assesseur : 2ème Assesseur : Monsieur le Professeur Stéphane MARTINOT Madame le Professeur Mireille RACHAILBRETIN DATE DE SOUTENANCE : 16 septembre 2005 ADRESSE DE L’AUTEUR : 9 Les Perles d’Azur 11 210 PORT la NOUVELLE