UNIVERSITE MONTESQUIEU BORDEAUX IV MEMOIRE

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UNIVERSITE MONTESQUIEU BORDEAUX IV
MEMOIRE DE RECHERCHE- MASTER II ECONOMIE ET FINANCE
INTERNATIONALES
ANNEE ACADEMIQUE 2008-2009
Alain Djilène DIOP
Sous la Direction du Professeur Dominique LACOUE-LABARTHE
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UNIVERSITE MONTESQUIEU BORDEAUX IV
MEMOIRE DE RECHERCHE- MASTER II ECONOMIE ET FINANCE
INTERNATIONALES
ANNEE ACADEMIQUE 2008-2009
Alain Djilène DIOP
Sous la Direction du Professeur Dominique LACOUE-LABARTHE
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Remerciements
Je tiens tout d’abord à remercier Monsieur Dominique Lacoue-Labarthe, mon directeur de
mémoire pour sa disponibilité et ses conseils avisés.
J’associe à ces remerciements toute l’équipe pédagogique du Master II Recherche Economie
et Finance Internationales.
Je remercie aussi mes proches :
Jean-Pierre LOPY, pour son grand cœur, sa clairvoyance et ses conseils judicieux, son épouse
Catherine ainsi que toute sa famille ;
Alain Toulza, mon parrain, à qui je dois plus que le prénom, ainsi que son épouse Martine ;
Mes sœurs, Martine, Béatrice et Myriam, l’éloignement, loin de distendre nos liens les a
raffermis ;
Mes parents Suzanne et Laurent, deux cœurs vaillants et aimants.
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Sommaire
Introduction générale……………………………………………………………………………………………………………6
I) Aux sources du recours immodéré au levier, de la sous-capitalisation et de la fragilisation
des bilans…………………………………………………………………………………………………………………………….12
1) Facteurs Macroéconomiques………………………………………………………………………………12
2) Facteurs Microéconomiques………………………………………………………………………………14
II) Du deleveraging des acteurs du marché du crédit structuré au deleveraging systémique.
1) Le prélude du deleveraging : des fortes dépréciations à la crise de liquidité………..…45
2) Première phase du deleveraging, en réponse à la dégradation des bilans des
acteurs du marché du crédit structuré……………………………………………………………..….59
3) Deuxième phase du deleveraging : la crise de liquidité sur le marché monétaire et ses
conséquences systémiques……………………………………………………………………………………66
Conclusion …………………………………………………………………………………………………………………………81
Annexes………………………………………………………………………………………………………………………………82
Bibliographie………………………………………………………………………………………………………………………84
Table des Matières………………………………………………………………………………………………………………91
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Introduction générale
La déclaration retentissante d’Alan Greenspan qui qualifie dès le printemps 2008, la crise
financière actuelle comme la plus grave qu’ait connue le monde depuis 1945, laisse bon
nombre d’observateurs perplexes.
Au-delà du fait que cette perplexité ait pu être suscitée par la crédibilité écornée de l’auteur
de cette déclaration, suspecté à tort ou à raison d’avoir alimenté par une politique
monétaire jugée laxiste, la bulle immobilière, nous pouvons avancer au moins deux raisons
qui font qu’au moment où cette déclaration a été faite, elle ait pu être considérée comme
infondée par certains qui pronostiquaient une sortie de crise dans les mois qui ont suivi les
tensions de l’été 2007, forts de l’expérience des épisodes des attentats du 11 septembre ou
l’éclatement de la bulle technologique en 2001.
D’une part, du fait de la taille relativement faible du marché des prêts subprimes, modeste
compartiment du marché du crédit hypothécaire Américain d’où est partie la crise, il
apparaissait à beaucoup peu probable que son effondrement puisse constituer une menace
sérieuse pour le système financier et encore moins pour l’économie réelle.
D’autre part, le dynamisme non encore démenti des Economies Emergentes à cette époque,
entretenait l’idée d’un découplage de ces dernières qui serait salutaire et permettrait
d’enrayer le risque d’une récession mondiale.
La suite des événements va tour à tour invalider ces hypothèses.
Le premier argument n’est plus valable dès lors que la crise financière s’exporte au-delà du
champ réduit du marché des prêts subprimes pour gagner l’ensemble des marchés financiers
aussi bien le marché des capitaux à travers l’effondrement des cours boursiers que le
marché monétaire au sein duquel les primes de risque explosent.
Le second argument lui aussi devient irrecevable, à partir de l’été 2008, avec l’entrée en
crise des Economies Emergentes jusque là épargnées, ruinant du coup, tout espoir de
découplage de ces Economies.
Dès lors, la déclaration de Greenspan qui aurait pu paraître à certains, emphatique au
printemps 2008, est quelques mois plus tard perçue comme restituant la pleine mesure de la
dimension de cette crise qui d’un point de vue historique, n’a d’égale que celle de la grande
dépression de 1929.
Pour comprendre les facteurs à l’origine de cette crise, il est utile de contourner l’écueil
dans lequel sont tombés ceux qui soutenaient que la taille modeste du marché des
subprimes, excluait que son effondrement puisse remettre en cause, la stabilité du système
financier.
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Cette idée qui n’est pas sans fondement, aurait sans doute été vérifiée si la cause première
de la crise financière internationale était à rechercher dans l’effondrement du marché des
subprimes.
Leur erreur tient au fait que, ce que les défenseurs de cet argument ont considéré comme la
cause n’était en réalité et plus modestement qu’un déclencheur, les vraies causes puisqu’il y
en a plusieurs, sont à rechercher ailleurs.
La multiplication des défauts de paiements sur les crédits subprimes suite au durcissement
de la politique monétaire à partir de 2004, fait subir de lourdes pertes aux établissements de
crédit qui avaient consenti ces prêts. Cependant ces pertes loin d’être cantonnées dans les
bilans des établissements qui détenaient des créances subprimes vont se diffuser à l’échelle
du système financier par le biais de la titrisation dont a fait l’objet, une grande partie de ces
crédits.
La titrisation, innovation financière majeure qui a vu le jour au début des années 70 et dont
l’usage s’est répandu à partir des années 90, permet à la banque, une fois avoir initié les
crédits de pouvoir ensuite les sortir de l’actif de son bilan pour les transformer en produits
structurés qui se comportent comme des titres obligataires négociables sur les marchés.
L’investisseur qui achète ces produits titrisés est rémunéré à partir des intérêts
régulièrement versés par l’emprunteur initial à sa banque. Ce faisant, la valeur de ces
produits structurés est étroitement liée à la qualité des actifs sous-jacents, les prêts initiaux
auxquels ils sont adossés. A partir du moment où la qualité des actifs sous-jacents se
dégrade suite à la multiplication des défauts de paiement, il s’ensuit une dégradation de la
valeur des produits structurés qui ont été élaborés à partir de ces crédits.
La titrisation à laquelle ont eu massivement recours les banques s’inscrivait dans le droit fil
du nouveau modèle de référence de l’activité bancaire, le modèle originate-to-distribute. Ce
nouveau modèle obéit à une logique simple mais à la mise en œuvre complexe : initier le
crédit puis transférer vers le marché, le risque qui lui est attaché. Ce modèle est en nette
rupture avec le modèle traditionnel de l’activité bancaire, originate-to-hold sous lequel, la
banque suite à l’initiation du prêt en assumait le risque en le conservant jusqu’à sa maturité
à l’actif du bilan. Etant amenée à conserver cet actif et à s’exposer à un risque de crédit
jusqu’à la maturité du prêt, la banque sous le modèle traditionnel sélectionnait les
emprunteurs avec le plus grand soin afin de réduire au mieux le risque de crédit. Sous le
modèle originate-to-distribute, l’incitation à détenir des actifs en procédant au suivi et la
sélection des emprunteurs disparaît, le profit bancaire n’est plus lié à la sélection et au suivi
des emprunteurs qui fondent la qualité des actifs bancaires, il est désormais lié au volume de
crédits et leur qualité a tendance à être reléguée au second plan par la banque désormais
émancipée par le marché du risque de crédit.
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La titrisation donne ainsi à la banque l’opportunité de se jouer de la réglementation
prudentielle qui en exigeant d’elle de détenir un minimum de fonds pour un volume donné
de crédits accordés vise à limiter le levier d’endettement dont l’usage excessif pourrait
mettre en péril la solvabilité des banques. Le levier d’endettement représente le rapport
entre le montant total des actifs et le montant des fonds propres. A partir du moment où la
rentabilité économique d’une banque c'est-à-dire le rapport entre son profit net et ses actifs
est supérieur au taux d’intérêt qu’elle paye sur sa dette, le levier d’endettement accroit la
rentabilité financière mesurée par le rapport entre le profit net et les fonds propres de la
banque.
La titrisation permet aux banques d’augmenter considérablement leur effet de levier car
pour un montant de fonds propres donné, la banque peut autant qu’elle le souhaite
accorder des crédits du moment qu’ils sont sortis du bilan et sur la base de cette même
fraction du capital, multiplier à l’infini la distribution de crédits là où en l’absence de
titrisation, cette base de fonds propres aurait été immobilisée pour garantir un crédit jusqu’à
sa maturité.
La titrisation qui représente pour les banques une source de revenus lucrative favorise
l’expansion du crédit dans un contexte macroéconomique extrêmement favorable. La
politique monétaire du moins jusqu’en 2004, est très accommodante ; l’inflation est basse
malgré l’abondance de liquidités et une faible volatilité règne sur les marchés financiers.
L’expansion du crédit alimente la hausse du prix des actifs qui elle-même vient entretenir la
demande de crédit. A ce titre, le fonctionnement du marché des subprimes représente un
exemple éloquent du lien étroit entre l’expansion du crédit et la hausse du prix des actifs.
Les crédits subprimes étaient destinés aux ménages les plus modestes disposant de peu
voire pas de garanties qui puissent justifier un accès au crédit, le logement pour lequel ils
sollicitent un crédit devient dès lors, le seul collatéral dont ils disposent. Leur relation avec le
prêteur repose ainsi sur un pari audacieux qui mise sur la constante progression de la valeur
du logement. Le ménage demeure solvable et peut même contracter davantage de crédits
tant que cela est justifié par l’appréciation de son patrimoine.
La hausse du prix des logements a gonflé la bulle immobilière sur le marché hypothécaire
Américain, à mesure que la croissance du crédit était accélérée par la titrisation. Cette
hausse du prix des actifs alimentée par l’abondance des liquidités entraîne l’effondrement
des primes de risque qui pousse les établissements financiers, notamment les plus friands de
rendement à des prises de risque élevées combinées à un usage excessif du levier.
Lorsque la politique monétaire se fait un peu moins accommodante à partir de 2004, on
assiste à la multiplication des défauts de paiements qui se traduisent par des saisies
importantes de logements qui sont soldés par les institutions de crédit afin de recouvrer
leurs créances.
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L’effondrement des prix de l’immobilier qui résulte de ces ventes de logements saisis,
accentue la multiplication de défauts de paiements de ménages initialement solvables mais
qui voient la valeur de leur patrimoine se déprécier fortement.
La chute de la qualité des crédits se transmet quasi-instantanément aux bilans des banques
qui détenaient à l’actif de leurs bilans des produits structurés adossés à ces crédits
hypothécaires. Ces produits dont la complexité et l’opacité ont été accrues au cours de cette
période, deviennent illiquides et leur valorisation au prix du marché entraîne de fortes
dépréciations, enregistrées par les banques qui ont investi dans ces titres.
La réévaluation subite et brutale des risques longtemps sous-évalués, par les agences de
notation notamment, qui se sont montrés complaisantes et laxistes dans l’évaluation du
risque, exacerbe la défiance sur les marchés et plonge ces derniers dans une profonde crise
de liquidité.
Cette crise de liquidité affecte les bilans bancaires tant à l’actif qu’au passif.
A l’actif du bilan, les banques sont confrontées à la faible liquidité de marché des produits
structurés. La liquidité de marché désigne la relative facilité avec laquelle, on peut se
dessaisir rapidement d’un actif sans que la valeur de ce dernier ne soit altérée. Les produits
structurés dont la valeur chute fortement à mesure que les agents se mettent à liquider des
actifs qui ne trouvent plus preneurs car les investisseurs manifestent désormais une forte
aversion au risque et se rabattent vers les actifs de qualité, sûrs et très liquides ; les
obligations d’Etat en particulier, marquant un mouvement général de repli vers la qualité
(flight-to-quality).
Au passif, les bilans bancaires sont soumis à des tensions tant au niveau des fonds propres
valorisés au prix du marché qui se contractent en absorbant les pertes, qu’au niveau de la
dette à court terme dont le renouvellement est compromis par la défiance qui règne sur le
marché monétaire et qui se traduit par une rétention des liquidités en réponse à la montée
du risque de contrepartie. Le marché monétaire désigne le marché ou s’échangent des
instruments de dette à court terme, dont la maturité est inférieure à un an (marché
interbancaire, marché du repo….)
La taille des bilans bancaires a fortement augmenté, durant la période de hausse du prix des
actifs répercutée par la valorisation aux prix du marché (mark to market). Cette forte hausse
du prix des actifs a invité les banques à augmenter de manière considérable leur effet de
levier. Lorsque le retournement des marchés s’amorce à partir de l’été 2007, les bilans
bancaires se contractent sous l’effet des fortes dépréciations enregistrées par la
comptabilisation en valeur de marché qui introduit ainsi un biais procyclique important qui
déstabilise les marchés et amplifie les mouvements baissiers comme haussiers.
Les lourdes pertes enregistrées par les institutions financières viennent en diminution des
fonds propres valorisées au prix du marché. Cette contraction des fonds propres alors que le
niveau de l’endettement est inchangé entraîne une augmentation du levier.
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La réduction de l’effet de levier devient dès lors pour les institutions financières, un
impératif dans la mesure où le niveau désormais faible de leurs fonds propres ne justifie plus
leurs expositions. Pour maintenir leur solvabilité et réduire leur levier, les institutions
financières procèdent massivement au deleveraging. Le deleveraging désigne la réduction de
l’effet de levier. Il peut prendre deux modalités, le deleveraging par liquidations d’actifs ou le
deleveraging par recapitalisation.
Le deleveraging par liquidations d’actifs consiste pour une banque dont le levier explose
suite à la contraction de ses fonds propres, à liquider des actifs figurant dans son bilan,
généralement les plus liquides d’entre eux pour recueillir des liquidités sur le marché afin de
réduire son endettement. Le deleveraging par recapitalisation quant à lui consiste pour la
banque au renflouement de ses fonds propres par des injections de capital.
Le deleveraging par liquidations d’actifs fut de loin le plus répandu durant cette crise.
Contrairement à la recapitalisation, le deleveraging par liquidations d’actifs entraîne la
contraction de la taille des bilans et la baisse du prix des actifs et en ce sens il est
potentiellement déflationniste. Quand nous parlerons de deleveraging sans préciser, c’est à
ce dernier que nous ferons allusion.
Le deleveraging a été le principal symptôme de la crise de liquidité et s’est voulu être un
remède pour prévenir une crise de solvabilité imminente. En effet, à chaque fois que les
banques ont été confrontées à un problème de liquidité sur le marché monétaire où l’accès
aux liquidités leur a été refusé, elles ont liquidé des actifs pour restaurer leurs ratios de
solvabilité en réduisant leur levier et donc leurs engagements. Le deleveraging à partir du
moment où il a pris une tournure systémique suite à la faillite de Lehman Brothers, s’est
effectué dans les conditions extrêmes d’une liquidité de marché mise à rude épreuve, puis
aggravée par un deleveraging qui se révèle moins à même de tenir ses promesses quant à la
restauration des ratios de solvabilité. Dès lors, le deleveraging n’est guère plus qu’un sédatif,
la recapitalisation étant le vrai remède contre le risque d’insolvabilité.
A mesure que l’impératif du deleveraging s’est posé au plus grand nombre d’acteurs, il s’est
révélé moins efficace pour rétablir les ratios de solvabilité et a même eu des effets
déstabilisants en affaiblissant la liquidité de marché.
Dès lors, par quels mécanismes, la crise de liquidité qui a initialement contraint au
deleveraging les seuls acteurs du marché du crédit structuré s’est dans un second temps
propagé au sein du marché monétaire entraînant un deleveraging systémique, se révélant
moins à même de prévenir le risque d’insolvabilité et aggravant de surcroît le risque
d’illiquidité de marché ?
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Nous allons dans un premier temps, voir comment les profondes mutations du système
financier sous l’impulsion de l’innovation financière ont conduit à la montée des
vulnérabilités et de la fragilisation des bilans puis nous serons amenés dans un second, à voir
comment ces vulnérabilités ont soumis les banques à l’impératif du deleveraging, qui non
seulement n’a pas permis une hausse significative des ratios de solvabilité mais a de surcroît,
conduit à l’aggravation de la crise de liquidité.
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I)
Aux sources du recours immodéré au levier, de la sous-capitalisation et de la
fragilisation des bilans.
1) Facteurs Macroéconomiques
Au lendemain de l’éclatement de la bulle des valeurs technologiques en 2001, l’activisme
des banques centrales crée les conditions d’une politique monétaire particulièrement
accommodante en vue de contenir les effets récessifs que pourrait occasionner
l’effondrement de ces valeurs.
En outre, les excédents commerciaux des pays émergents, étant donné la faiblesse des
systèmes financiers de ces pays sont essentiellement recyclés sur les marchés financiers des
pays développés.
La conjonction de ces deux phénomènes entraîne une abondance de liquidités.
Nous distinguerons deux types de facteurs qui ont alimenté cette abondance de liquidités
sur les marchés financiers des pays développés : des facteurs endogènes et des facteurs
exogènes.
1.1) Facteurs exogènes
Ces facteurs exogènes sont essentiellement liés à la montée des déséquilibres financiers
internationaux. Ces déséquilibres mettent aux prises deux régions du globe, d’une part, les
Etats-Unis, dont la balance courante affiche des déficits importants qui par le passé n’ont
jamais connu une telle ampleur et de l’autre côté du Pacifique, le Japon, les pays émergents
d’Asie et dans une moindre mesure les pays exportateurs de pétrole dont les excédents
courants n’ont cessé de croître quasi symétriquement avec les déficits Américains.
Face à l’abondance de l’épargne domestique de ces pays, du fait de leurs excédents
commerciaux élevés et du sous-développement de leurs marchés financiers incapables de
recycler cette épargne, les banques locales ont montré une faible capacité à absorber cette
dernière. Les pays émergents, faute de systèmes financiers efficaces, vont exporter leurs
excès d’épargne vers les Etats-Unis en particulier, alimentant ainsi l’excès de liquidités sur
les marchés financiers Américains.
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1.2) Facteurs endogènes
Pour stimuler l’économie Américaine suite aux événements du 11 septembre et à
l’éclatement de la bulle des valeurs technologiques, les autorités monétaires Américaines
vont mener une politique monétaire très accommodante (cf. Graphique1).
Graphique 1 : Evolution des taux réels à 2 ans et des taux directeur (fonds fédéraux)
Source : Fisher (2008)
Le Fed a entamé dès 2001, un cycle de baisse de son taux directeur (fed funds rate).
Entre 2001 et 2004, le taux directeur de la Fed est passé de 6,5% à 1%. Avant le relèvement
des taux à partir de 2004, les taux d’intérêt réels étaient négatifs.
Il est aussi important de relever un autre fait marquant durant cette période : le faible
niveau de l’inflation. Malgré l’abondance de liquidités sur le marché et la politique
monétaire accommodante de la Fed, l’inflation est basse et faiblement volatile.
Deux facteurs ont été avancés pour expliquer cette baisse généralisée de l’inflation qui
paraît paradoxale dans un contexte d’abondance des liquidités : d’une part, le renforcement
de la crédibilité des politiques anti-inflationnistes menées par des banques centrales dont
l’indépendance a été renforcée et d’autre part et surtout, le rôle des pays émergents dans
l’économie mondialisée a conduit à exercer une pression à la baisse sur le niveau général
des prix.
La stabilité de l’inflation s’accompagne d’une croissance élevée et stable, conjoncture très
favorable qualifiée de « great moderation »1.
1
Buiter (2007)
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La politique monétaire accommodante de la Fed, associée à un taux d’inflation faible crée
des conditions très favorables à l’endettement des agents.
L’abondance de liquidités entraîne l’écrasement des primes de risque et l’augmentation du
prix des actifs. L’ample liquidité de marché en exerçant une pression à la hausse sur le prix
des actifs, entraîne une baisse du rendement autrement dit de la prime de risque.
Dans leur quête de rendement (search for yield), les investisseurs sont amenés à acquérir
des actifs de plus en plus risqués, entraînant ainsi une baisse généralisée de l’aversion au
risque.
La faiblesse des taux d’intérêt a stimulé le marché de l’immobilier ainsi que les opérations à
effet de levier menées en particulier par les hedge funds et les fonds de private equity.
Dans cet environnement très favorable de faiblesse des taux d’intérêt et des primes de
risque, le crédit est abondant et bon marché. Les agents profitant de cette aubaine
augmentent considérablement leur levier d’endettement.
Cette hausse du levier sera particulièrement marquée auprès des institutions financières, à
laquelle ces derniers vont associer une prise de risque excessive.
2) Facteurs Microéconomiques
En accordant des crédits puis en collectant des dépôts, la banque assume le rôle
d’intermédiation financière. Elle rend alors à l’économie un service majeur :
l’approvisionnement en liquidités.
Cette fourniture de liquidités est rendue possible grâce à la transformation des actifs
consistant à financer les prêts à long terme donc illiquides, par des dépôts exigibles à court
terme, très liquides car à tout moment convertibles en monnaie.
Ce rôle de transformation des actifs traditionnellement assigné à la banque, l’expose à un
risque d’illiquidité quasi-permanent car sa principale source de financement (les dépôts), est
très volatile en temps normal et très incertaine, en cas extrême de ruée des déposants.
Pour maintenir cet équilibre précaire qui consiste à prêter à long terme et emprunter à court
terme, la banque est astreinte par le régulateur à détenir un montant minimum de fonds
propres ainsi que des actifs de qualité issus de la sélection et du suivi des emprunteurs.
Autrement dit, une double contrainte pèse sur la banque : d’une part, la limitation du levier
financier, à travers l’exigence d’un minimum de fonds propres et d’autre part, la limitation
du risque, par le truchement de la détention d’actifs de qualité.
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Grâce à l’innovation financière les banques vont s’affranchir de cette double contrainte avec
l’émergence d’un nouveau modèle sur lequel repose désormais l’activité bancaire. Ce
modèle qualifié de modèle « originate to distribute » consiste à initier les crédits puis à se
défaire du risque que cela comporte, en vendant les crédits initiés à des structures ad hoc
chargées de racheter les crédits et de procéder à leur titrisation. Elles transforment ainsi ces
crédits en produits structurés négociables sur les marchés.
2.1)
Le modèle originate-to-distribute
Ce modèle qui repose sur l’innovation financière majeure qu’est la titrisation, est désigné
sous le nom du modèle originate-to-distribute, par opposition au modèle traditionnel de
l’activité bancaire ou modèle originate-to-hold, dont le principe consistait à initier les crédits
et en assumer le risque , en conservant les prêts au bilan jusqu’à leur maturité.
2.1.1) Fonctionnement de la titrisation
La titrisation est une innovation financière majeure qui a vu le jour au début des années 70
mais ce n’est qu’au début des années 90, qu’elle prend de l’ampleur et transforme le modèle
traditionnel de l’activité bancaire.
De l’initiation des crédits à leur transformation en titres puis à leur dissémination sur les
marchés financiers, la titrisation suit un processus complexe qui comprend essentiellement
trois phases principales : pooling, offloading, et tranching2 .
2.1.1.1) Pooling
Durant la première phase dite de pooling, les prêteurs initiaux vendent les crédits qu’ils ont
accordés et qui figurent à l’actif de leurs bilans à des banques d’investissement.
Ces prêteurs initiaux sont essentiellement des acteurs du marché du crédit hypothécaire
notamment les banques commerciales et des institutions financières spécialisées dans le
crédit hypothécaire.
La banque d’investissement (ou arrangeur) après rachat du pool de crédits procède leur
structuration de laquelle sont issues deux catégories de produits structurés :
-
les mortgage-backed-securities (MBS) qui sont adossés à des crédits hypothécaires
de qualité voisine ;
-
les asset-backed-securities (ABS) adossés à des pools de crédits plus hétérogènes,
composés de crédits aux ménages et aux entreprises.
La structuration gagne en complexité et en ampleur, de nouveaux produits titrisés naîtront
d’un second échelon de titrisation, il s’agit des collateralized debt obligations (CDOs) qui sont
adossés aux ABS ainsi qu’à d’autres crédits sous-jacents.
2
Aglietta & Rigot (2009) ; Blundell-Wignall (2007b).
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Ces produits structurés (ABS, MBS, CDOs) sont sortis de l’actif du bilan de la banque
d’investissement et cédés à des structures ad hoc encore appelées special purpose vehicles
(SPV), c’est la seconde phase dite offloading.
2.1.1.2) Offloading
Les SPVs jouent un rôle clé dans le processus de la titrisation à un double titre : d’une part,
elles représentent une source de revenus pour la banque cédante dont elles rachètent les
produits structurés et ce faisant permettent le renouvellement de la titrisation ; d’autre
part, en recueillant le « hors-bilan » des banques, elles en assument le risque et libèrent ces
dernières des contraintes de la régulation. Un examen plus en détail de ces entités horsbilan sera effectué plus loin.
2.1.1.3) Tranching
Cette phase ultime du processus de la titrisation est cruciale. Les produits titrisés sous forme
d’obligations sont découpés en tranches, en fonction des profils de risque des crédits
constituant le pool. Les tranches sont disposées en forme de cascade, de la tranche la plus
risquée à la tranche la mieux notée.
On distingue quatre paliers : la tranche la plus risquée dite equity, la tranche mezzanine, la
tranche senior en enfin, la tranche la plus sûre jouissant de la meilleure notation dite tranche
super senior.
C’est au cours de cette phase ultime que les agences de notation entrent en scène, en
attribuant des notes aux différentes tranches émises allant de la note BBB pour la tranche
mezzanine, à la note AAA, pour la tranche super senior. La tranche equity du fait de sa nature
très risquée n’est pas notée et est généralement conservée dans les bilans des SPV.
2.1.2) Intérêts de la titrisation
La logique qui sous-tend le modèle originate-to-distribute est construite autour de la
titrisation qui permet aux différents acteurs qui en sont à l’origine de retirer les gains issus
du processus de la titrisation, tout en se défaussant du risque des crédits qui en font l’objet.
Ce risque une fois fractionné, est disséminé sur les marchés financiers et est « porté » par les
investisseurs privés et institutionnels désireux de se porter acquéreurs de ces titres.
Nous serons ici amenés à étudier les deux avantages principaux que présente la titrisation
pour les institutions financières. D’une part, elle permet de transférer le risque et d’autre
part, elle constitue pour les banques, une source de revenus substancielle.
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2.1.2.1) La titrisation, facteur de transfert du risque
Couderc (2008) voit dans le transfert du risque induit par la titrisation un avantage double.
D’une part, la possibilité nouvelle que les intermédiaires financiers ont de se défaire du
risque de crédit, leur a permis une meilleure gestion de leur bilan ainsi que la diversification
de leurs portefeuilles ; d’autre part, le transfert du risque rend possible pour certains
investisseurs, l’exposition à de nouveaux risques.
Les investisseurs manifestant une aversion au risque, peuvent composer leurs portefeuilles
d’actifs à partir de tranches dites senior, moins risquées ; tandis que les investisseurs à la
recherche de promesses de rendement plus élevées vont composer leurs portefeuilles à
partir des tranches basses plus risquées (equity).
La titrisation élargit ainsi l’éventail des couples risque-rendement.
Elle étend aussi le champ des actifs liquides en rendant négociables et liquides, des actifs qui
naguère furent illiquides et non négociables, comme le fait remarquer Buiter (2007).
Couderc (2008) considère que l’apparition
de nouvelles classes d’actifs et la
« marchéisation » du risque de crédit contribuent à la complétude et à l’efficience des
marchés financiers.
En résumé, la titrisation par le transfert du risque et par l’élargissement du champ des actifs
liquides qu’elle induit, permet aux banques de jouir d’une plus grande flexibilité dans la
gestion actif/passif du bilan (assets liabilities management) et offre aux investisseurs des
opportunités nouvelles dans le choix de composition de leurs portefeuilles d’actifs.
L’avantage que constitue le transfert du risque ne suffit pas à lui seul, pour expliquer le
succès du modèle originate-to-distribute.
De par les commissions qu’elle génère au cours de ses différentes phases, la titrisation a
constitué une source de revenus non négligeable qui a profité à tous les acteurs de la chaîne,
des prêteurs initiaux, aux arrangeurs puis aux véhicules d’investissement, en passant par les
agences de notation.
2.1.2.2) La rémunération des acteurs de la chaîne de titrisation
Tout au long de la chaîne de la titrisation, les différents acteurs se rémunèrent grâce aux
prélèvements de commissions.
Le SPV, la structure ad hoc mise en place par la banque d’investissement, rachète auprès de
cette dernière, un pool d’ABS et les revend aux investisseurs par tranches, lesquelles
présentent des profils de risque différents. Le but de cette opération est de dégager un
profit appelé excess spread. L’excess spread représente la différence entre le rendement du
pool d’actifs et les commissions et intérêts payés sur les tranches émises.
Avec l’expansion du marché hypothécaire Américain, le compartiment subprimes de celui-ci
notamment, les pools d’actifs rachetés par les SPVs auprès des banques d’investissement
étaient essentiellement composés de produits structurés adossés à des prêts hypothécaires,
plus communément appelés RMBS (residential mortage backed securities).
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A partir d’un pool de RMBS de notation moyenne BBB, par exemple ; le SPV doit procéder au
tranching, en déterminant la structuration des différentes tranches de risque du CDO,
sachant que pour dégager un excess spread, la structure du CDO doit faire la part belle à la
tranche senior, moins coûteuse pour le SPV en termes de versements d’intérêts que les
tranches les plus risquées (equity, mezzanine).
De plus, la prépondérance de la tranche senior dans la structuration du CDO est liée au fait
que certains investisseurs institutionnels ne sont pas autorisés à détenir des titres dont la
notation ne serait pas investment grade, c’est-à-dire supérieure ou égale à la note BBB.
L’équation qui se pose au SPV paraît dès lors insoluble : comment à partir d’un pool de RMBS
de notation moyenne BBB, émettre des tranches senior notées AAA et destinées à être
vendues à cette catégorie d’investisseurs citée plus haut ?
C’est à ce moment qu’interviennent d’autres acteurs-clé de la chaîne, les rehausseurs de
crédit ou monolines3.
En fournissant leur garantie au SPV et en permettant à ce dernier d’émettre des tranches
super senior et senior, les monolines s’engagent à payer les intérêts dûs aux investisseurs en
cas de défaillance des emprunteurs initiaux.
Grâce au rehaussement de crédit, la tranche senior émise par le SPV peut atteindre jusqu’à
70% de l’encours du pool. Plus cette tranche est épaisse plus le SPV est assuré de dégager un
excess spread.
En effet, le rendement des tranches senior (intérêts versés par le SPV aux investisseurs de
cette tranche) est inférieur au rendement du pool (intérêts reçus par le SPV en provenance
des emprunteurs initiaux).
Autrement dit, le SPV réussit sa titrisation en dégageant un profit pur qui est égal à la
différence entre d’une part, le rendement du pool et d’autre part les commissions versées
aux rehausseurs ainsi que les intérêts versés aux investisseurs qui se portent acquéreurs des
tranches de CDO qu’elle émet4.
Ce système de rémunération, au cours des étapes successives du processus de titrisation a
représenté une puissante incitation pour tous les acteurs de la chaîne et a conforté le
modèle originate to distribute.
3
Traditionnellement, les sociétés de rehaussement de crédit ou monolines apportaient leur garantie aux
émissions obligataires réalisées par les collectivités locales Américaines. A partir de 1985, dans le but d’étendre
leur champ d’activité, certains monolines ont commencé à s’adonner à des rehaussements de produits
structurés émis par les SPVs. Source : Lautier & Simon (2008).
4
Aglietta & Rigot (2009) ; Blundell-Wignall (2007b).
19
La titrisation s’est développée à une vitesse exponentielle ; l’émission de produits structurés
issus de la titrisation en Europe et aux Etats-Unis est passée de 500 milliards USD en 2000 à
2600 milliards USD en 20075 (Cf. Graphique 2).
Cette expansion de la titrisation est allée de pair avec l’accroissement du profit bancaire,
lequel devient une fonction croissante du volume des crédits distribués6. C’est là une des
mutations majeures introduite par le modèle originate to distribute.
Sous le modèle traditionnel, l’activité bancaire consistait à initier des crédits dont on
assumait le risque jusqu’à leur maturité (originate to hold). Dans ces conditions, le profit de
la banque et à terme sa solvabilité dépendent de son aptitude à gérer les asymétries
d’informations et l’aléa moral qui naissent de ses relations avec l’emprunteur.
Pour prévenir le risque de crédit qui demeure jusqu’à l’échéance du prêt, la banque procède
à la sélection des emprunteurs (screening) et mène un travail de suivi (monitoring) suite à
l’octroi du prêt.
Graphique 2 : Emission de produits titrisés (en milliards USD) en Europe et aux Etats-Unis,
source : FMI (2008a), Global Financial Stability report
5
FMI (2008a)
6
Aglietta & Rigot (2009)
20
L’émergence du modèle originate to distribute en s’accompagnant de l’expansion de la
titrisation modifie la nature de l’activité bancaire sous sa forme traditionnelle, en ce sens
où elle « émancipe » la banque du risque de crédit. Dès lors, le profit bancaire ne se
mesure plus à l’aune de la qualité des crédits distribués mais davantage à leur volume.
La titrisation crée ainsi un effet d’appel d’air à l’initiation de crédits et « invite » la
banque à un usage massif de l’effet de levier.
2.1.3) Interaction entre Titrisation et Effet de levier
En exigeant de la banque qu’elle détienne un montant minimum de fonds propres pour un
volume donné de crédits consentis ; le régulateur exerce ainsi un contrôle sur le levier
financier dont l’usage excessif constitue une menace pour la banque.
En sortant de l’actif de leurs bilans les prêts qu’elles accordent, les banques contournent
allègrement la réglementation des fonds propres.
En effet, pour un volume donné de fonds propres, la banque en recourant à la titrisation,
peut accroître son activité autant que la demande de crédit l’autorise7.
La titrisation permet le renouvellement du crédit et donc l’accroissement de l’effet de levier.
Cet accroissement du levier au sein de l’industrie bancaire s’est aussi traduite par
l’émergence de nouveaux acteurs qui vont former ce que les spécialistes ne vont pas tarder
à qualifier de système bancaire parallèle ou système financier fantôme (shadow financial
system).
Ce concept sert à désigner essentiellement deux catégories d’institutions financières qui font
activement appel à l’effet de levier : il s’agit d’une part des SIV (Special investment vehicles),
et d’autre part des hedge funds.
Si pour les premiers, la filiation avec la titrisation est facile à établir, il demeure que le lien
entre titrisation et hedge funds paraît moins intuitif. Ces derniers comme nous le verrons ont
été des acteurs majeurs du marché du crédit structuré, les produits titrisés leur ont offert de
nouvelles opportunités pour satisfaire leur quête effrénée de rendement.
7
Lubochinsky (2008)
21
2.1.3.1) Les SIVs, le levier et la titrisation
Ces entités hors-bilan (SIVs et conduits) jouent un rôle important dans le processus de
titrisation dans la mesure où, l’actif de leurs bilans accueille les produits structurés. Elles ont
pour particularité d’être faiblement capitalisées, de plus elles ne représentent pas une
personnalité morale8, contrairement aux banques.
Si les conduits sont en général détenus par la banque qui en est l’initiatrice (sponsoring
bank), les SIVs sont en général cédés à des investisseurs, qui comparés aux conduits, ont
davantage recours à l’effet de levier9.
Les conduits procèdent à l’émission de titres obligataires (commercial paper) dont le produit
permet de financer l’achat de produits structurés.
Les conduits présentent quatre caractéristiques principales10 :
-
la sponsoring bank détient tout ou partie du capital du conduit ;
-
le conduit étant par définition une structure déconsolidée, il s’ensuit que les actifs
requièrent moins de fonds propres que s’ils avaient été conservés dans le bilan de la
banque, d’où la sous-capitalisation de ces entités ;
-
le pendant de cette sous-capitalisation est un usage très élevé de l’effet de levier qui
dans certains cas atteint 20 à 30 fois le montant des fonds propres ;
-
ils s’endettent à court terme voire à très court terme d’où un refinancement très
assujetti au bon fonctionnement du marché monétaire.
Au cas où les conduits éprouveraient des difficultés à se refinancer par l’émission de papier
commercial, les conduits peuvent bénéficier de facilités de crédit de la part de la sponsoring
bank qui en agissant ainsi prévient la faillite du conduit qui contraindrait la banque à le
reconsolider, étant donné que ces entités ne peuvent pas faire faillite compte tenu du fait
qu’elles n’ont pas le statut juridique d’une personnalité morale.
Contrairement aux conduits, les SIVs du fait de l’absence de sponsoring bank, peuvent être
vus comme des sociétés d’investissement à part entière.
Ils lèvent des capitaux auprès des tiers et financent leur levier en émettant du papier
commercial adossé à des actifs structurés, l’asset backed commercial paper (ABCP) ; ainsi
que par un endettement à moyen terme11.
Comme nous l’évoquions tantôt, les conduits et SIVs ont recours à un mode de
refinancement très sensible aux conditions sur le marché monétaire.
8
Gorton & Souleles (2005)
9
Jacquillat & Lévy-Garboua (2009)
10
Idem
11
BRI (2008a), The Joint Forum
22
De ce point de vue les conduits sont mieux protégés que les SIV car leur sponsoring bank,
assure jusqu’à hauteur de 100%, le renouvellement de leur dette à court terme en leur
ouvrant des lignes de crédit. Les lignes de crédit qu’un SIV peut activer en cas de difficulté de
refinancement ne couvrent qu’à concurrence de 5 à 10%, sa dette à court terme contractée
en temps normal sur le marché monétaire par l’émission d’ABCP12. D’où l’intérêt pour les SIV
de disposer d’actifs et de collatéraux de qualité pour se mettre à l’abri d’un risque
d’illiquidité qui proviendrait de leur incapacité à renouveler leur refinancement. Le SIV
dispose à son actif d’une majorité de titres de qualité, la proportion de titres notés AAA est
de près de 70% (cf. Table1)
Table 1 : Structure moyenne du bilan d’un SIV (en %), Source : FMI : 2008a, Global Financial
Stability Report, à partir données S&P, Moody’s, Fitch
L’expansion du marché hypothécaire et le développement de la titrisation vont entraîner la
multiplication des entités hors-bilan et l’accroissement de leur taille.
En 2007, on dénombrait pas moins de 28 véhicules d’investissement (dont 10 créées en
2006) gérant des actifs d’un montant de 370 milliards USD.
De même, de nouvelles variantes d’entités hors-bilan sont apparues, il s’agit notamment des
SIV-lites, qui présentent des caractéristiques communes avec les SIVs à ceci près que leur
taille est plus réduite, leur levier est très élevé et leurs portefeuilles d’actifs sont faiblement
diversifiés.
En achetant des titres à maturité longue figurant à l’actif de leurs bilans financés par de la
dette à court terme à travers l’émission de commercial paper, les SIVs effectuent de la
transformation des échéances traditionnellement dévolue aux banques.
12
Mason (2008)
23
La comparaison avec le système bancaire ne s’arrête pas là car compte tenu des faibles
marges dégagées par les SIVs issues de l’arbitrage entre le coupon reçu sur les actifs à long
terme et les intérêts payés sur la dette à court terme, les SIVs n’ont d’autre choix pour
dégager des profits que de recourir massivement à l’effet de levier.
En présentant à l’extrême toutes les caractéristiques des banques dans la transformation
des échéances sur laquelle nous reviendrons plus tard, et l’usage du levier sans pouvoir être
juridiquement considérées comme telles, ces entités hors-bilan forment ce que l’on qualifie
à juste titre de « système bancaire parallèle ».
La structure des bilans du « système bancaire parallèle » nous offre une belle illustration des
mécanismes par lesquels le levier et la titrisation ont interagi à la veille de la crise financière,
en accroissant la vulnérabilité des SIVs.
Une analyse de l’interaction entre l’effet de levier et la titrisation ne peut faire l’économie de
la prise en compte d’autres acteurs-clé du marché du crédit structuré : les hedge funds.
2.1.3.2) Les hedge funds, le levier et la titrisation
Contrairement aux entités hors-bilan, les hedge funds ne sont pas une émanation directe du
processus de la titrisation. Néanmoins, en manifestant un appétit prononcé pour les
produits structurés dans le but d’alimenter leur levier, les hedge funds sont devenus des
acteurs majeurs du marché du crédit structuré, ils en assuraient la liquidité du moins jusqu’à
l’été 2007.
a) Description sommaire des hedge funds
Les hedge funds peuvent être définis comme étant des fonds privés de placement collectif
qui à la différence des fonds d’investissement traditionnels sont très peu réglementés.
Cette faible réglementation leur permet d’utiliser une large gamme de stratégies
d’investissement menées grâce à un recours intensif à l’effet de levier destiné à générer des
taux de rendement élevés.
Cet effet de levier peut avoir plusieurs sources13 : la vente à découvert (positions courtes),
des prises de positions sur des produits dérivés sur les marchés de gré à gré, et la
négociation de lignes de crédit auprès des banques. L’effet de levier peut être de l’ordre de 4
à 514 .
Au cours des dernières années, le secteur des hedge funds s’est considérablement
développé.
13
Cartapanis (2008)
14
Idem
24
Le nombre de hedge funds a été multiplié par plus de douze depuis 1990 et les actifs sous
gestion de l’ordre de 30 milliards USD en 1990 ont été multipliés par 65 en 2007, passant à
200 milliards USD15.
Les actifs gérés par les hedge funds représentent à peine 1% de l’encours total des
obligations et des actions dans le monde. Néanmoins, les hedge funds exercent une
influence significative sur les marchés financiers. En effet, grâce à un effet de levier élevé et
leur hyperactivité sur les marchés financiers qui se traduit par la variété de leurs stratégies
d’investissement, les hedge funds sont à l’origine de 30% du volume des transactions sur les
actions aux Etats-Unis16.
Ce rôle croissant des hedge funds sur les marchés financiers a nourri un certain nombre
d’interrogations liées à la source potentielle de déstabilisation que comporte un levier
excessif associé à des investissements risqués.
Les scandales financiers liés par exemple à la quasi-faillite du fonds LTCM17 ou encore du
fonds Amaranth en 2006, ont fini d’asseoir sur la sellette, les hedge funds suspectés d’être la
courroie de transmission du risque systémique.
Cependant, à leur décharge, un certain nombre d’arguments suggère qu’ils contribuent à la
bonne marche des marchés financiers.
En investissant dans des instruments financiers peu liquides et nouveaux, les hedge funds
améliorent la liquidité des marchés et le processus de formation des prix 18.
De même, les hedge funds accroissent l’efficience des marchés financiers, en effectuant des
arbitrages sur les différences de prix entre titres similaires sur différents marchés19.
La crise de 2007 a remis au goût du jour les critiques adressées aux hedge funds qui se sont
retrouvés au cœur du marché du crédit structuré et ont pris part active dans les transactions
portant sur les instruments de transfert du risque.
15
Henry (2009)
16
Ferguson & Laster (2007)
17
Long Term Capital Management
18
Weber (2007)
19
Mustier & Dubois (2007)
25
b) Le levier des hedge funds et les instruments de transfert du risque
b.1) L’appétit prononcé des hedge funds pour les produits structurés à haut
rendement
La période qui a précédé la crise, nous l’avons vu, a été marquée par des primes de risque
faibles du fait de l’abondance de liquidités. Cette faiblesse des primes de risque a contrarié
les plans des investisseurs à la recherche de hauts rendements.
Ces investisseurs au premier rang desquels les hedge funds, vont voir en la titrisation une
aubaine pour satisfaire cette quête de rendement (search for yield) avec une préférence
affichée pour les produits structurés les plus risqués20(cf. Table 2)
Table 2 : Expositions (% de l’encours total) des Institutions Financières aux tranches de CDO
Source : Blundell-Wignall (2007b)
A la veille de la crise financière, les hedge funds détenaient près de 47% de l’encours total de
CDO et près de 80% de la tranche la plus risquée, equity, qui offre par conséquent le
rendement le plus élevé (cf. Table 2).
Les produits structurés seront dans une large mesure utilisés par les hedge funds pour
alimenter leur levier. En effet, ces produits structurés vont remplir l’office de collatéraux,
mis en garantie par les hedge funds auprès des banques d’investissement qui exécutent pour
le compte de ces derniers, des activités de courtage et des opérations sur produits dérivés
négociés de gré à gré d’où le terme anglo-saxon de prime brokerage qui qualifie cette
fonction de la banque d’investissement.
Les prime brokers21 jouent un rôle essentiel au sein du système financier international en
tant que contreparties sur les marchés interbancaires et sur les marchés des dérivés
négociés de gré à gré, ils réaffectent les risques et fournissent de la liquidité 22.
20
Brunnermeier (2008) ; Weber (2007)
26
Un cinquième des revenus des prime brokers provient des opérations effectuées pour le
compte des hedge funds. En finançant le levier de ces derniers, les prime brokers s’exposent
à un risque de contrepartie qui est potentiellement source de risque systémique. La question
du risque systémique inhérent aux relations entre les prime brokers et les hedge funds sera
abordée ultérieurement.
Les hedge funds aux avant-postes de la quête effrénée de rendement sont à l’origine d’une
forte demande de produits structurés, demande qui conforte la vitalité de la titrisation.
Ils portent notamment leur intérêt sur les tranches à haut rendement les plus risquées
(equity et mezzanine) de sorte que les tranches résiduelles, senior et super senior se
retrouvent dans les bilans des SIV, conduits et autres investisseurs23.
Cette prolifération des produits structurés élaborés avec une complexité de plus en plus
grande, entraîne parallèlement le développement des marchés des dérivés de crédit, les
credit default swaps (CDS) notamment, en vue de se prémunir contre l’éventuel risque de
défaut attaché à l’acquisition de produits titrisés.
b.2) Les hedge funds et le marché des CDS
Les CDS sont des produits d’assurance permettant de transférer le risque de crédit d’une
contrepartie à une autre. La contrepartie qui achète la protection (l’assuré) cherche à se
défaire du risque de crédit sur une entité de référence (émetteur obligataire). La
contrepartie qui vend la protection (assureur) endosse le risque de crédit, en assurant à
l’acheteur de CDS de lui rembourser les pertes qu’il viendrait à subir, en cas de défaillance de
l’entité de référence.
En assumant le risque de crédit, le vendeur de CDS se rémunère au moyen d’une prime
périodique versée par l’acheteur de CDS. Cette prime exprimée en points de base s’applique
sur le montant notionnel du swap, elle aussi appelée spread du swap24.
Les dérivés de crédit et les CDS en particulier, présentent un certain nombre d’avantages en
termes d’efficacité et de rendement. Ils permettent de transférer le risque de crédit, tout en
conservant l’actif sous-jacent dans le bilan.
21
Avant la crise, on dénombrait cinq grands prime brokers sur la place de Wall Street : Goldman Sachs, Morgan
Stanley, Lehman Brothers, Merrill Lynch et Bear Stearns. Les deux dernières banques suite à leurs difficultés
ont été rachetées respectivement par Bank of America et JP Morgan. Lehman Brothers a connu un sort plus
infortuné que ces dernières et a été contrainte à la faillite, le 15 septembre 2008. Goldman Sachs et Morgan
Stanley, pour bénéficier de certaines facilités de crédit de la Réserve fédérale, réservées aux banques de dépôt
ont élargi leur champ d’activité et sont devenues des banques universelles.
22
Weber (2007)
23
BRI (2008a), The Joint Forum
24
Olléon-Assouan (2004)
27
De même, les « acheteurs de risque » (vendeurs de protection via les CDS) améliorent la
diversification de leurs portefeuilles et dans une certaine mesure se servent de ces dérivés
de crédit pour produire un effet de levier25.
Les CDS vont connaître un essor fulgurant. L’encours notionnel de CDS est passé de 14
milliards USD fin 2005 à près de 58 000 milliards USD fin 200726.
Le marché des CDS doit pour une large part son essor, aux hedge funds qui vont élargir le
champ d’utilisation des CDS à des fins de spéculation et d’arbitrage. Aussi, à partir des CDS
naîtra une nouvelle génération de produits structurés, les CDO synthétiques très prisés par
les hedge funds.
 Les CDS, supports des stratégies d’investissement des hedge funds
Les CDS qui sont initialement des produits d’assurance seront dénaturés par les hedge funds
qui verront dans cet instrument, un moyen d’accroître leur rendement,et ce faisant, ils vont
grandement contribuer à l’essor de ce marché en se portant à la fois acquéreurs et vendeurs
de CDS (cf. Table 3).
Table 3 : Les positions sur le marché des CDS (en % du total)
Source, FMI (2008a), GFSR
Les hedge funds ont été à l’origine de 28% et 31%, des achats et ventes de CDS,
respectivement (cf. Table3). Il est aussi important de relever qu’entre 2004 et 2006, le poids
des hedge funds dans le marché des CDS a quasiment doublé (+106% pour la vente de CDS et
+75%, dans l’achat de CDS, alors que dans le même temps, la part des autres acteurs du
marché des CDS était en relatif déclin).
L’hyperactivité des hedge funds sur le marché des CDS s’explique par l’usage que ces
derniers en font à des fins spéculatives et d’arbitrage.
25
Lubochinsky (2009)
26
Idem
28
La prime de CDS, comme nous l’avons vu est déterminée par le risque de crédit par
conséquent, l’évolution de cette prime reflète les fluctuations de la perception du risque par
le marché.
Le supplément de rendement (points de base au-dessus du libor) offert par une obligation
peut être assimilé à une prime de CDS de maturité équivalente dans la mesure où, l’une et
l’autre variable, expriment le risque de crédit d’une contrepartie.
Le lien entre titre obligataire et prime de CDS est établi par Olléon-Assouan (2004).
Bien que très voisins, il n’y a pas identité parfaite entre la prime de CDS et le spread de
l’obligation, communément appelé base. Cette base fera l’objet d’un arbitrage, de la part
des hedge funds notamment.
Selon que cette base, c'est-à-dire, la différence entre la prime de CDS et le spread de
l’obligation est positive ou négative27, les hedge funds vont se porter vendeurs,
respectivement acquéreurs de CDS et vont adopter en conséquence, une stratégie
d’arbitrage.
Si la base est négative (prime CDS < spread), la stratégie d’arbitrage, consiste à emprunter au
taux libor, pour financer l’achat d’une obligation sur laquelle l’investisseur perçoit le libor
plus un spread. Pour se protéger du risque de défaut sur cette obligation, il achète un CDS
et paie une prime.
Au final, l’investisseur verse le libor sur son emprunt et une prime au vendeur de CDS, en
revanche, il reçoit sur son obligation le libor plus un spread. La base étant négative
l’investisseur réalise un profit, en empochant la différence entre le spread et la prime.
Si la base est positive (prime CDS > spread), la stratégie d’arbitrage est orientée vers la vente
de CDS, en vue d’empocher la prime. L’investisseur fait ainsi le pari que la défaillance de
l’entité de référence dont la dette fait l’objet du CDS, est peu probable.
Cette seconde forme d’arbitrage, qui offre un surcroît de rendement est plus risquée car
l’investisseur en vendant une protection s’expose à un risque de contrepartie28.
Outre ces stratégies d’arbitrage, les hedge funds adoptent d’autres stratégies dites
directionnelles qui sont purement spéculatives29 ; il s’agit alors d’anticiper une augmentation
ou une diminution de la prime de CDS et de prendre des positions en conséquence.
27
Olléon-Assouan (2004) attribue le signe de la base à des conditions structurelles et de marché. Une base
positive (prime CDS > spread obligataire) peut selon l’auteur être expliquée par la vigueur du marché de la
pension livrée (repo) qui aurait tendance à abaisser les spreads, ainsi que des facteurs conjoncturels qui
entraîneraient une forte demande de protection et le relèvement des primes de CDS. Une base négative (prime
CDS < spread obligataire, par opposition est liée à une hausse de l’offre de protection, qui entraîne la baisse
des primes de CDS.
28
Olléon-Assouan (2004)
29
Idem
29
Les CDS deviennent ainsi sous l’activisme des hedge funds, les supports de leurs stratégies
d’investissement. La « dénaturation » de ces instruments de transfert du risque ne s’arrête
pas là puisque les CDS seront incorporés dans la structuration des produits complexes et
vont donner naissance à une nouvelle génération d’actifs titrisés, les CDO synthétiques.
 Les CDS, « matière première » des CDO synthétiques très prisés par les hedge funds
Les CDO que nous avons évoqués plus haut sont totalement financés par les investisseurs qui
en se portant acquéreurs de tranches de CDO, permettaient aux investisseurs d’acheter un
pool d’actifs.
Les CDO synthétiques, par opposition aux CDO classiques sont partiellement financés (voire
pas du tout) dans la mesure où une grande partie du transfert du risque vers les
investisseurs se fait via les CDS.
L’initiateur transfère le risque de crédit à travers l’achat de CDS auprès d’une contrepartie,
laquelle assure la tranche senior non financée. Ces investisseurs qui assument ce risque sans
le financer, sont détenteurs de CDO synthétiques dont le rendement est assimilé à la prime
de CDS qui leur est versée par l’initiateur.
Selon Cousseran et Rahmouni (2005), l’avantage des CDO synthétiques réside dans le fait
qu’ils permettent d’amples transferts de risque pour les banques cédantes, dans la mesure
où le coût de ce transfert de risque (la prime versée) est inférieur à la rémunération servie
sur une tranche senior de notation AAA.
Ces CDO permettent de répliquer les performances d’un CDO au moyen de la prime reçue
par le vendeur de CDS sans pour autant avoir à le financer.
Les hedge funds vont investir massivement dans ces titres, en vendant de la protection et en
s’exposant au risque de défaut éventuel des débiteurs de l’entité assurée.
Par le truchement des hedge funds, l’expansion du marché du crédit structuré a accompagné
quasi-symétriquement celle du marché des dérives de crédit.
Les instruments de transfert du risque (produits titrisés et dérivés de crédit) représentent le
pilier sur lequel repose le modèle originate to distribute. Le succès rencontré par ces
instruments a entraîné un important effet de levier car un risque transféré représentait une
invitation quasi instantanée à de nouvelles prises de risque.
Si le modèle originate to distribute a constitué un facteur important pour expliquer
l’augmentation du levier d’endettement, il ne suffit pas à lui seul à expliquer la fragilisation
et la sous-capitalisation des bilans des établissements financiers.
Le recours important au financement de gros à court terme sur le marché monétaire
(wholesale funding) en réponse au déclin du financement traditionnel de détail, constitue la
seconde tendance de fonds dans laquelle se sont inscrites les institutions financières. Cette
dépendance croissante au financement de gros sur le marché monétaire entraîne une
transformation excessive des échéances.
30
2.2)
La transformation excessive des échéances : origines et ampleur
2.2.1) Causes structurelles du développement du wholesale funding
Jusqu’au début des années 80, les dépôts constituaient une source de financement bon
marché pour les banques, les banques Américaines notamment grâce à la réglementation Q.
La législation Américaine interdisait aux banques de payer des intérêts sur les dépôts à vue,
et sous cette réglementation30, les taux d’intérêts qui pouvaient être versés sur les dépôts à
terme étaient plafonnés31.
La réglementation Q se révèle contraignante pour les épargnants dans le contexte
inflationniste des années 70, qui rend ces derniers de plus en plus sensibles aux différentiels
de rendement des actifs.
Cette réglementation sera contournée au moyen de l’innovation financière. Les dépôts
faiblement rémunérateurs seront convertis en actifs à rendement élevé.
Aux Etats-Unis, le désir de contourner cette réglementation se traduit par une innovation
financière majeure, la création des money market mutual funds (MMMF) ou fonds collectifs
de marché monétaire.
Ces fonds monétaires proposent à leurs clients des parts auxquels ils souscrivent pour des
montants faibles et à partir des capitaux collectés, le fonds investit en titres à court terme
sur le marché monétaire. Les clients du fonds, détenteurs de parts, peuvent les vendre en les
utilisant comme moyen de paiement à travers l’émission de chèques.
Les parts détenues par les clients du fonds monétaire sont mobilisables à tout moment, au
même titre que des dépôts à vue, à ceci près que contrairement à ces derniers, ces parts
rapportent à l’épargnant des intérêts. Ainsi, les parts émises par les fonds de marché
monétaire échappent à la réglementation Q, compte tenu du fait qu’elles ne peuvent être
légalement considérées comme des dépôts, ce faisant, elles rapportent à leurs détenteurs
des taux plus élevés que les taux perçus sur les dépôts bancaires à terme32.
Ces innovations financières conduisent les épargnants à se rabattre vers de nouvelles formes
d’intermédiation financière plus rémunératrices et amorcent le déclin de la banque sous sa
forme traditionnelle qui repose essentiellement sur la collecte de dépôts.
30
La réglementation Q a été abrogée au début des années 80 sous l’administration Reagan
31
Mishkin, Bordes, Hautcoeur, Lacoue-Labarthe (2005)
32
Idem
31
En réponse au déclin relatif du financement de détail par les dépôts (retail funding), les
banques vont privilégier un financement de gros (wholesale funding) sur le marché
monétaire.
Les dépôts (core deposits)33 représentaient en 1980 près de 70 % du passif total des
établissements financiers aux Etats-Unis, ils représentent actuellement un peu plus de 40%
du passif total (Cf. Graphique 3).
Dans le même temps, l’endettement à court terme sur le marché monétaire gagne en
importance ainsi qu’en témoigne la forte progression du ratio entre la dette à court terme et
le total du passif.
Graphique 3 : Evolution de la structure du passif des bilans bancaires aux Etats-Unis
source : FMI (2008b), Global Financial Stability report
Les entités hors-bilan ne collectent pas de dépôts et se financent quasi exclusivement sur le
marché monétaire. Elles sont l’exemple le plus éloquent de cette mutation de l’activité
bancaire de plus en plus dépendante des marchés financiers.
Le financement de gros sur le marché monétaire a favorisé l’augmentation du levier
d’endettement des banques et de manière plus marquante, celui des entités hors-bilan.
Le développement de ce mode de financement s’est révélé parfaitement en phase avec
l’esprit du modèle originate to distribute (OTD).
33
On prend ici en compte, les dépôts à vue et les dépôts à terme.
32
D’une part, le modèle OTD modifie l’actif du bilan bancaire par la transformation de prêts
illiquides sortis du bilan, en produits structurés négociables (éventuellement rachetés par les
banques et réintégrés au bilan pour doper les rendements) ; d’autre part, le financement de
gros sur le marché monétaire a modifié la structure du passif du bilan bancaire en érodant la
part des dépôts au profit de la dette à court terme voire très court terme, sans cesse
renouvelée.
Le renouvellement permanent de cette dette à court terme sur le marché monétaire rend ce
mode de financement très précaire car en cas de tensions sur le marché monétaire, le
refinancement sur ce marché est remis en cause.
Ces deux évolutions majeures en transformant la structure du bilan tant à l’actif qu’au passif,
ont favorisé le glissement de l’industrie bancaire vers une hyperactivité sur les marchés
financiers ainsi qu’en témoigne le développement du marché du repo, segment important
du marché monétaire.
2.2.2) Financement de gros sur le marché monétaire : cas du marché du repo
2.2.2.1) Fonctionnement du marché du repo
Le repurchase agreement communément appelé repo34 est une forme de prêt
« collatéralisé ».
L’entité qui emprunte de l’argent en contractant un repo, vend en guise de garantie des
titres au prêteur. L’emprunteur s’engage à racheter ces titres à la date fixée par le contrat,
d’où le nom de repurchase agreement (accord de rachat). Par opposition, le reverse repo
désigne l’acte inverse consistant à prêter de l’argent contre des titres reçus sous forme de
collatéraux. Ces prêts « collatéralisés » s’effectuent sur des échéances courtes variant de
trois mois à un jour (quelquefois, un an).
En contractant un repo, l’emprunteur se refinance en vendant au prêteur des titres à un prix
inférieur au prix de marché. La différence entre le prix de marché et le prix de vente
représente une décote appelée haircut. La décote s’exprime en points de base du nominal et
représente un coût supporté par les capitaux propres de l’emprunteur35. La décote est une
garantie contre le risque éventuel de dépréciation des titres mis en garantie. Si le
contractant du repo se trouve dans l’impossibilité de racheter ses titres à la date fixée, le
prêteur peut alors décider de vendre les titres sur le marché, et donc la dépréciation de la
valeur de ces titres peut potentiellement être pour le prêteur, synonyme de pertes.
34
En France, le repo peut être assimilé à la pension livrée qui en est une technique voisine.
35
Brunnermeier, Pedersen (2008)
33
C’est pour prévenir ce risque que le prêteur applique une décote plus ou moins élevée selon
le risque attaché aux titres mis en garantie. A l’échéance, outre le rachat de ses titres,
l’emprunteur verse au prêteur des intérêts.
Ce mode de financement sur le marché du repo entre en concurrence avec le mode de prêt
non « collatéralisé », sur le marché interbancaire notamment. Ce mode de financement
rencontre un succès grandissant auprès des institutions financières, d’une part parce qu’il
est moins onéreux et d’autre part et surtout, il permet aux établissements financiers de
mener des activités de marché et d’exercer un effet de levier important.
2.2.2.2) Interaction entre repo et effet de levier
Le repo est un instrument très utilisé par les institutions financières pour financer des
activités spéculatives sur le marché des titres.
En effet, dans le cadre d’un repo, les fonds obtenus permettent de financer des positions
longues (spéculer à la hausse) sur des titres, et inversement, un reverse repo permet
d’obtenir des titres, pour prendre sur le marché des positions courtes (spéculer à la
baisse)36.
a)
Repos et prise de positions longues
Les fonds obtenus à partir d’un repo, permettent de financer l’acquisition de titres, qui à leur
tour peuvent être mis en garantie, pour lever des fonds dans le cadre d’une nouvelle
opération de repo, et ainsi de suite…
Ces transactions de repo renouvelées et superposées accroissent l’effet de levier de l’entité
aussi longtemps que cette dernière a suffisamment de fonds propres pour faire face à la
décote imposée par le prêteur. Plus cette décote est faible, plus le levier est potentiellement
important.
b)
Reverse repos et prise de positions courtes
La prise de position courte ou vente à découvert est une opération que l’investisseur réalise
quand il anticipe la baisse du prix d’un titre.
L’investisseur emprunte le titre à un courtier (généralement le prime broker) puis il vend le
titre dont il n’est que le propriétaire temporaire et s’engage à le restituer ultérieurement.
A l’échéance, l’investisseur rachète le titre pour le restituer au courtier. Il réalise un profit si
comme il l’avait anticipé le prix du titre baisse, son gain représente alors la différence entre
le prix de vente moins le prix d’achat et les commissions versées au prime broker.
36
BRI (1999)
34
Pour fournir ce service à leurs clients et leur permettre de mener des opérations de ventes à
découvert (short selling), il suffit alors aux prime brokers de contracter des reverse repos.
c)
Repos et augmentation de l’effet de levier
Les prime brokers ont joué un rôle de premier plan au sein du marché du repo pour le
financement de leur levier et aussi pour le compte de leurs clients, les hedge funds.
Les prime brokers se sont livrés une concurrence accrue pour fournir leurs services aux
hedge funds contre lesquels ils récoltent des commissions substantielles.
Cette forte concurrence entre prime brokers va se traduire par des décotes (haircuts) de plus
en plus faibles et cette situation facilite le financement des activités de marché des hedge
funds qui peuvent sans difficulté alimenter et accroître leur levier37.
Les prime brokers disposent de deux principaux modes de financement à court terme :
l’emprunt non « collatéralisé » à travers l’émission de papier commercial ou sur le marché
interbancaire ou l’emprunt « collatéralisé » ou garanti sur le marché du repo comme nous
venons de le voir.
Si l’activisme des prime brokers sur le marché du repo se justifie par les services de courtage
fournis à leurs clients, il apparaît aussi que l’essentiel de leur dette à court terme est
financée à partir de repos.
Adrian & Shin (2007) vont plus loin, leur étude révèle que l’expansion des bilans des banques
d’investissement qui tiennent le rôle de prime brokers s’effectue essentiellement à travers
des opérations de repo. Autrement dit, le levier des prime brokers est quasi exclusivement
financé à partir de repos d’où une corrélation forte et positive entre les fluctuations de la
taille de leurs bilans et le volume de repos contractés qui figurent au passif de leurs bilans38.
Les repos sont un vecteur, entre autres, de la procyclicité du levier. Dans un contexte où les
bilans sont évalués en valeur de marché (mark to market), l’appréciation du prix des actifs
encourage les banques à s’endetter davantage sur le marché du repo et augmenter ainsi leur
levier39.
37
Brunnermeier & Pedersen (2008)
38
Le levier (L), nous le savons , est le rapport entre le montant des actifs (A) et le montant des fonds propres
(K) ; L = A/K. Or nous le savons K, représente la différence entre le montant des actifs, et la dette totale (D),
donc K = A – D, or le repos sont inclus dans D. Si le volume de repos augmente, toutes choses égales par
ailleurs, D augmente et K c'est-à-dire (A-D) baisse. La baisse de K, le dénominateur, entraîne ainsi une
augmentation de l’effet de levier.
Par conséquent, l’augmentation du volume de repos entraîne toutes choses égales par ailleurs, l’augmentation
du levier.
39
Adrian & Shin (2008a)
35
En élargissant le spectre des actifs négociables, la titrisation a dans une certaine mesure,
favorisé le dynamisme du marche du repo. Les produits titrisés sont de plus en plus
présentés en guise de garantie, pour lever des fonds dans des opérations de repos40.
Concrètement ce dynamisme s’est traduit depuis 2000 par un doublement de la taille du
marché du repo, l’encours brut atteignant fin 2007 plus de 10 000 milliards USD aux EtatsUnis41.
La dépendance croissante du système bancaire, les banques d’investissement en particulier,
à ce mode de financement, soulève un certain nombre de questions. S’il est vrai que le
financement au moyen de repos minimise le risque de contrepartie grâce à la fourniture de
titres sous forme de garanties , il n’en reste pas moins que ces opérations comportent un
risque de marché lié à la volatilité potentielle à laquelle peuvent être soumis les titres
apportés en garantie. Cette situation rend le marché du repo très sensible à la volatilité de
marché.
De même, en supplantant le financement de détail (retail funding) et même le financement
interbancaire, le financement au moyen de repos pose la question cruciale de la
transformation excessive des échéances.
2.2.3) La transformation excessive des échéances (maturity mismatch)
Selon Goodhart (2008), la liquidité d’une banque peut être appréhendée sous deux aspects :
le premier est lié à la transformation des échéances , c'est-à-dire l’écart des maturités entre
les passifs et les actifs d’une banque, le second aspect repose sur la liquidité des actifs de la
banque, c'est-à-dire la facilité et la rapidité avec lesquelles, ces actifs peuvent être cédés
sans perte significative de valeur quelque soit la situation du marché.
Plus précisément, la transformation des échéances désigne pour Goodhart (2008), le délai
durant lequel la banque peut rester en mesure d’honorer ses engagements si toutefois la
liquidité du marché interbancaire (ou monétaire) venait à s’assécher brutalement.
La transformation des échéances ainsi définie, apparait dès lors intimement liée à la liquidité
des actifs.
L’auteur marie ainsi les deux aspects de la liquidité bancaire : « plus les actifs d’une banque
sont liquides et cessibles à tout moment à prix ferme, moins elle a à se soucier de la
transformation de ses échéances puisqu’elle peut compenser les retraits de passifs par le
produit des cessions d’actifs ».
40
Adrian & Fleming (2005)
41
Hördahl & King (2008)
36
Autrement dit, une banque qui n’est pas assurée de détenir en quantité suffisante des actifs
liquides voire très liquides, en vue de préserver sa solvabilité en cas de tensions au passif de
son bilan (retraits de dépôts, dépréciation des fonds propres…), agit imprudemment en
aggravant la transformation de ses échéances par un endettement excessif sur le marché
interbancaire et monétaire dont le renouvellement est plus qu’hypothétique si le marché
monétaire est sous tension.
L’émergence du modèle OTD a renforcé la dégradation de la transformation des échéances
par la sortie de l’actif de prêts illiquides, transformés en produits structurés dont la liquidité
a été mise à mal, au lendemain de la crise de l’été 2007 sur le marché du crédit structuré,
nous y reviendrons.
De même, le déclin relatif des dépôts qui a conduit à une modification de la structure du
bilan bancaire, a contribué à une transformation des échéances de plus en plus audacieuse.
Le financement de détail qui se raréfie va pousser les établissements de crédit à lui
substituer le financement de gros sur le marché monétaire. Les prêts à long terme se
financent de moins en moins par les dépôts et davantage à partir des emprunts à court
terme sur le marché monétaire.
Si ces deux sources de financement sont par nature volatiles, il n’en demeure pas moins que
le financement de gros sur le marché monétaire reste un mode de financement plus
incertain que le financement par les dépôts dont la pérennité est indirectement préservée
par les garanties des pouvoirs publics visant à prévenir une ruée des déposants qui mettrait
en péril la solvabilité des banques.
Par conséquent, la question de la transformation des échéances pour les banques dont le
financement repose fortement sur le marché monétaire se pose avec une plus grande acuité
que par le passé du fait de la précarité de ce mode de financement, en ce sens où le
renouvellement très fréquent qu’il requiert peut être remis en question en cas de tensions
sur le marché monétaire.
Les banques d’investissement et les SIV présentent des bilans particulièrement exposés à
cette transformation excessive des échéances.
37
2.2.3.1) La transformation des échéances des banques
Les banques d’investissement se financent quasi-exclusivement sur les marchés. Elles ne
peuvent pas collecter des dépôts auprès du public. Cette caractéristique les rend
particulièrement dépendantes du marché monétaire, le marché du repo en particulier.
Table 4 : Présentation schématique du bilan d’une banque d’investissement ( prime broker)
Source : Adrian, Shin (2007)
En recourant massivement à la dette à court terme non « collatéralisé » (interbancaire,
papier commercial) ou « collatéralisé » (repo), les banques d’investissement présentent un
levier nettement supérieur à celui des banques commerciales et sont plus vulnérables que
ces dernières au niveau de la transformation des échéances.
Les bilans des banques d’investissement essentiellement valorisés au prix du marché, sont
de taille et de structure très fluctuantes ; néanmoins nous pouvons avancer certains ordres
de grandeur42 pour rendre compte de la structure du passif d’une banque d’investissement.
Les capitaux propres présentent une fraction faible du passif près de 4 à 5%, soit un levier
très significatif oscillant autour de 20 à 25. La dette à long terme représente une part
négligeable du passif dont près de 90% est constitué de la dette à court terme d’où une
transformation excessive des échéances qui rend les bilans des banques d’investissement
très fragiles.
L’exemple le plus emblématique de cette transformation des échéances est sans doute celui
de la banque Britannique Northern Rock dont la dette à maturité de moins de 3 mois
représentait fin 2006 près de 33% du passif alors que les actifs les plus liquides de la banque
dont la maturité était de moins de trois mois ne représentait que 8% de la taille du bilan, soit
un gap de liquidité considérable43.
Cette transformation excessive des échéances a placé la banque dans une situation délicate
à partir du moment où elle s’est retrouvée dans l’incapacité de renouveler sa dette à court
terme sur le marché monétaire.
42
Ces ordres de grandeur sont fournis par Adrian, Shin (2007) sur la base de la structure du bilan de la banque
d’investissement Lehman Brothers.
43
Artus (2009)
38
Une telle dépendance, vis-à-vis du marché monétaire, le marché du repo en particulier
expose les banques à un risque de liquidité de financement.
La liquidité de financement désigne l’aptitude à se refinancer sur les marchés. Cette liquidité
de financement peut être compromise en cas de tensions sur le marché du repo et plus
largement sur le marché monétaire.
2.2.3.2) La transformation des échéances des SIVs
Les SIVs sont exposés au même titre que les banques d’investissement à la transformation
des échéances.
Les actifs du SIV sont majoritairement constitués d’ABS et d’autres produits structurés
(cf. Table 1 p. 22), à long terme et par nature peu liquides. Ces actifs sont financés grâce à
l’émission de papier commercial à court terme adossé à des actifs structurés, il s’agit de
l’Asset backed commercial paper (ABCP).
L’ABCP dont la maturité moyenne est de 90 jours44 n’est pas le seul mode de financement
des SIV, ils se financent aussi à partir de la dette à moyen terme sur le marché monétaire
Cette transformation des échéances générée par les SIVs est très critique dans la mesure où,
elle est en partie étroitement liée au bon fonctionnement du marché du crédit structuré.
La détérioration de la qualité des actifs du bilan en particulier les ABS, place les SIV dans une
position délicate qui peut se traduire par l’incapacité à renouveler l’émission d’ABCP,
compte tenu de la dégradation du sous-jacent.
Le gap de maturité (la différence entre l’échéance moyenne des actifs et l’échéance
moyenne des passifs) des SIV est de l’ordre de 2 à 5ans45. Dans ces conditions, en l’absence
de renouvellement de sa dette à court terme, le SIV se retrouve rapidement en situation
d’insolvabilité, leurs actifs étant nous l’avons vu, faiblement liquides.
Les profondes mutations de la banque décrites jusque là, ont pour dénominateur commun
une forte prégnance des opérations de marché dans l’activité bancaire.
Cet ancrage de la banque dans les marchés financiers qui a modifié la structure du bilan
bancaire à l’actif et encore davantage au niveau du passif, trouve sa meilleure illustration
dans l’ascension des banques d’investissement (prime broker dealers) à mesure que déclinait
la forme traditionnelle de l’activité bancaire.
Cet ancrage est aussi confirmé et conforté par l’émergence d’un systéme financier parallèle,
qualifié aussi par certains de système financier fantôme bien que très tangible car composé
notamment des hedge funds, extrêmement présents sur les marchés et des entités hors
44
45
Brunnermeier (2008)
Mason (2008)
39
bilan : les SIV et conduits dont les bilans ont dupliqué à l’extrême, les déséquilibres
structurels de bilan décrits plus haut.
La banque naguère, jouissait de par sa base de dépôts d’un matelas de sécurité sauf cas
extrême et prévenait le risque de crédit par une sélection soignée de ses actifs qui fondait
par là même la qualité de ces derniers. Sous le modèle OTD, elle est soumise plus que par le
passé à la volatilité des marchés financiers qui peut potentiellement ébranler la structure
désormais fragile du bilan bancaire.
La banque traditionnellement exposée au risque de crédit doit à présent assumer en sus, le
risque de marché.
Pour se prémunir de ce nouveau risque inhérent au changement du modèle d’activité, de
nouveaux standards de gestion du risque de marché seront élaborés à l’instar de la value-atrisk (VaR).
2.3)
Les nouveaux standards de la gestion du risque : cas de la Value-at-Risk (VaR)
En 1996, le comité de Bâle a édicté de nouvelles de nouvelles règles visant à étendre la
surveillance des risques, au risque de marché notamment.
Pour mesurer leur risque de marché, les banques ont le choix entre deux approches : une
mesure standard normative et une autre reposant sur l’utilisation de modèles internes
soumis au régulateur46.
De nombreuses banques vont privilégier l’utilisation de modèles internes, à l’instar de la
Value-at-Risk (VaR).
2.3.1) La VaR : principes généraux
La VaR se définit comme la perte potentielle maximale consécutive à une évolution
défavorable des prix de marché dans un intervalle de temps spécifié et à un seuil de
confiance donné47.
La VaR propose une définition probabiliste de l’impact sur la valeur du portefeuille, de
variations aléatoires des facteurs de risque sur un intervalle de temps donné en indiquant la
probabilité que la perte réalisée soit supérieure à la VaR48
46
Dumontier, Dupré (2005)
47
Lévy-Rueff (2005)
48
Crouhy (2008)
40
Encadré 1 : Détermination paramétrique de la Value-at-Risk (VaR)
Soit V, la valeur de marché à l’instant t ; R, le rendement sur un horizon H ; µ désigne
l’espérance de rendement et R*, le pire rendement attendu au seuil de confiance c (95 ou
99%), tel que :
V* = V (1 + R*)
V* représente la valeur de marché de la position la plus défavorable attendue au seuil de
confiance c, sur l’intervalle H.
La Value-at-Risk notée VaR(H, c) désigne la perte maximale potentielle au seuil c et sur
l’horizon H ; qui est égale à la différence entre la valeur de marché espérée du portefeuille
(E(V)) et sa valeur la plus défavorable (V*) :
VaR (H,c) = E(V) - V*
VaR (H,c) = V (1 + µ) – V (1 + R*)
Dans sa spécification non paramétrique, la VaR est obtenue empiriquement à partir des
performances passées du portefeuille.
Par exemple, pour obtenir la VaR à un seuil de confiance de 99%, on prend le revenu moyen
issu des activités de trading sur une période donnée auquel on additionne la perte maximale
enregistrée par le dernier centile dans la distribution des revenus sur cette période.
La méthode paramétrique du calcul de la VaR repose sur l’hypothèse de la distribution
normale des rendements du portefeuille, elle estime deux paramètres : µ, l’espérance de
rendement, et
, l’écart-type.
La distribution des rendements suivant une loi normale, R* s’écrit
aussi :
α, représente le quantile de la loi normale à un seuil de confiance donné. Si le seuil de
confiance est fixé à 99%, la loi normale centrée réduite établit à 2,33, la valeur de α, tel que
99% des observations sont comprises entre 2,33 fois et -2,33 fois l’écart-type.
En remplaçant, l’expression (2), dans la formulation de la VaR donnée par (1), on obtient :
Source : Crouhy, Galai, Mark (2006) ; Dietsch, Petey (2003)
41
Le calcul de la VaR peut s’effectuer selon trois méthodes principales : la méthode
paramétrique, la méthode non paramétrique et la méthode de Monte-Carlo (cf. Encadré1).
La VaR s’est imposée comme étant un outil indispensable dans les prises de décisions
stratégiques de la plupart des institutions financières, en particulier pour les banques
d’investissement dont l’activité comporte un risque de marché significatif.
En effet, la VaR va jouer le rôle de baromètre qui va permettre aux banques d’ajuster leur
risque par rapport à l’environnement du marché.
Dès lors, un lien étroit quasi-linéaire s’établit entre la VaR et l’effet de levier.
2.3.2) Interaction entre la VaR et l’effet de levier
La VaR calculée par les banques d’investissement détermine pour une large part les
fluctuations fréquentes de la taille de leurs bilans et donc, leur levier49.
Les banques d’investissement ajustent leurs expositions de telle sorte que la VaR totale de
l’ensemble de leurs opérations de marché est couverte par leurs fonds propres.
Autrement dit, les positions de la banque d’investissement sont prises de façon à ce que leur
VaR cumulée puisse être absorbée par leurs fonds propres et ce faisant, nous observons une
relation inverse entre la VaR et le levier50.
Si on désigne par V, la VaR par unité monétaire d’actifs détenus par la banque, la VaR totale
est donnée par V que multiplie A, la valeur monétaire des actifs.
Si la VaR totale s’ajuste par rapport aux capitaux propres (K), comme nous venons de le dire,
alors il vient, la relation suivante :
K = V*A
or, le levier (L) est le rapport entre le montant des actifs et les fonds propres :
L = A /K
L= A/ V*A
On en déduit la relation inverse suivante entre la VaR et l’effet de levier :
L = 1/V
49
Adrian & Shin (2008b)
50
Greenlaw et al. (2008) ; Adrian & Shin (2008b)
42
Quand la mesure du risque est faible, le levier a tendance à augmenter.
La période qui a précédé la crise financière, nous l’avons vu, a été caractérisée par des
primes de risque faibles et une volatilité basse, qui ont incité à un recours excessif au levier
d’endettement. En effet, la réduction de la VaR du fait de la faible volatilité des marchés,
libère du capital supplémentaire et pousse les institutions financières à augmenter leur
levier et à détenir des actifs plus risqués.51
Dans cet environnement de faible volatilité, les banques d’investissement, paradoxalement
ont vu leurs VaRs augmenter.
En effet, l’augmentation de la VaR moyenne des banques d’investissement n’est pas due à
une appréciation de la mesure du risque qui déclinait plutôt comme nous l’avons vu, mais
davantage à un accroissement de la taille des bilans des banques d’investissement, à
l’augmentation du levier et à la multiplication des positions risquées sous l’effet permissif
d’une faible mesure du risque.
L’augmentation du ratio moyen VaR/Fonds propres des banques d’investissement (cf.
Graphique 4) montre que la prise de risque de ces dernières a augmenté plus vite que leur
capacité à faire face aux pertes auxquelles cette prise de risque accrue les expose.
Graphique 4: Evolution de la VaR moyenne et du ratio VaR/FP des banques d’investissement
Américaines
source : FMI (2007), Global Financial Stability report
51
FMI (2007)
43
Depuis sa diffusion dans l’industrie bancaire il y a de cela près de 10 ans, la VaR s’est
globalement révélée fiable. Cependant, en période de fortes tensions sur les marchés
financiers, la VaR devient inadaptée pour mesurer le risque ; le risque de liquidité, partie
intégrante du risque de marché n’est pas traitée de manière satisfaisante par la VaR52.
En période de fortes tensions sur les marchés financiers suivies d’une crise de liquidité, les
pertes excédent fréquemment les VaR publiées par les institutions financières. Bien que les
VaR augmentent en pareille période en réponse à la forte volatilité des marchés elles
rendent très imparfaitement compte du risque de marché et constituent de surcroît, un
potentiel vecteur de risque systémique dans la mesure où les institutions financières face à
l’augmentation de la VaR manifestent une certaine aversion au risque et liquident
massivement et simultanément leurs positions.
Le modèle originate-to-distribute en s’imposant comme le nouveau paradigme de l’activité
bancaire a accru les vulnérabilités des institutions financières.
Au chapitre de ces vulnérabilités figure au premier rang, un recours immodéré au levier
notamment de la part des banques d’investissement et du système bancaire parallèle.
Graphique 5 : Evolution du levier d’endettement des grands groupes bancaires
Source: FSA(2009)
52
Bervas (2006)
44
Le levier d’endettement des grands groupes bancaires a fluctué entre 20 et 40 au cours de la
décennie écoulée (cf. graphique 5).
L’effet de levier excessif constitue un facteur crucial pour comprendre l’ampleur et la
sévérité de la crise financière internationale53.
Le recours excessif à l’effet de levier a entraîné dans son sillage d’autres dérives dans la
pratique de l’activité bancaire qui à leur tour, constituent autant de facteurs de
vulnérabilité :
 l’expansion sans précédent de taille des bilans bancaires qui ont crû plus vite que
l’économie réelle ;
 l’expansion de la titrisation et la prolifération des produits structurés rendus de plus
en plus complexes pour doper les rendements d’investisseurs friands d’actifs risqués
dans un environnement de faiblesse des primes de risque ;
 les dépôts déclinant, le financement du secteur bancaire s’oriente vers le
financement de gros sur le marché monétaire avec pour conséquence, la
modification de la structure du passif bancaire et l’aggravation de la transformation
des échéances ;
 et enfin des bilans sous-capitalisés, compte tenu du fait que les pertes auxquelles
s’exposent les banques en accroissant la taille du bilan et la prise de risque ne
peuvent être absorbées par les capitaux propres.
Confrontées aux lourdes pertes subies directement ou indirectement suite à l’éclatement de
la crise, les institutions financières pour y faire face n’auront d’autre choix que de se
désendetter massivement, en vendant ou plus justement en bradant leurs actifs les plus
liquides pour préserver une solvabilité désormais menacée.
Les fonds propres des institutions financières valorisés au prix du marché se déprécient
fortement, ce qui entraîne mécaniquement une hausse du levier.
Pour maintenir leurs fonds propres en adéquation avec la réglementation, les banques vont
dès lors s’employer à réduire leur levier en liquidant leurs actifs, elles procèdent ainsi au
deleveraging.
Le deleveraging est préoccupant à un double titre : d’une part, le risque systémique qu’il
comporte, aggrave à l’échelle du système financier la crise de liquidité et d’autre part, le
deleveraging s’accompagne d’une contraction des bilans bancaires qui peut conduire à une
restriction des crédits (credit crunch) aux effets récessifs pour l’économie réelle.
53
Hildebrand (2008)
45
II)
Du deleveraging des acteurs du marché du crédit structuré au deleveraging
systémique
1) Le prélude du deleveraging : des fortes dépréciations à la crise de liquidité
L’émergence du modèle originate-to-distribute, comme nous l’avons largement vu, repose
sur l’innovation financière majeure que constitue la titrisation.
L’expansion de la titrisation a entraîné une forte augmentation du volume des crédits
distribués du fait du relâchement des conditions d’attribution des prêts.
Cette abondance de crédits va notamment profiter au marché hypothécaire Américain, en
particulier le secteur des crédits subprime accordés aux ménages les moins solvables.
Dès 2006, on observe la multiplication des taux de défaut sur les crédits subprimes.
Les produits structurés adossés aux prêts subprimes se dégradent et les institutions
financières qui détenaient ce type de produit enregistrent les premières pertes, accélérées
par la valorisation de ces produits au prix du marché (mark to market) d’où le rôle crucial
joué par la comptabilité en valeur de marché dans l’ampleur des pertes subies.
La crise franchit rapidement le secteur du marché hypothécaire et devient au sens large une
crise de liquidité qui frappe le système financier dans son ensemble et menace la solvabilité
des institutions financières qu’elles vont tenter de préserver en procédant au deleveraging.
1.1) L’éclatement de la crise
Entre 2001 et 2006, les prêts subprime ont été multipliés par 7 passant de 94 à 685 milliards
USD54. Ces crédits subprime seront massivement rachetés puis titrisés par les banques
d’investissement et les government sponsored entities (GSE) tels que Freddie Mac ou Fannie
Mae.
La dégradation continue de la qualité des crédits subprime conjuguée à un durcissement de
la politique monétaire55, entraîne une hausse du taux de défaut qui passe de 2,6%, mi-2005
à 13% fin 200656. La hausse des taux de défaut entraîne la chute des prix de l’immobilier qui
entraîne de manière rétroactive la hausse des taux de défaut, étant donné que l’expansion
des crédits subrpime reposait essentiellement sur l’augmentation de la valeur du bien
immobilier, qui remplissait alors l’office de collatéral. Le mécanisme est le suivant : la hausse
du prix des logements assurait la croissance des crédits hypothécaires laquelle entretenait
en retour la hausse des prix de l’immobilier et alimentait la bulle immobilière.
54
Artus et al. (2008)
55
Entre 2004 et 2006, le taux de la Fed passe de 1% à 5,25%.
56
Klein (2008)
46
Ce lien étroit entre les crédits et la valeur des logements explique la rapidité avec laquelle la
chute des prix de l’immobilier s’est traduite par une forte augmentation des taux de défaut
et s’est accentuée avec les saisies des biens immobiliers des ménages en défaut de
paiement.
Les ABS adossés aux crédits subprime ne vont pas tarder à surréagir à la hausse des défauts
de paiement.
C’est à travers la chute de l’indice ABX dès février 2007 que la hausse des défauts de
paiement sur les prêts subprime a été suivie d’une dégradation de la valeur des produits
structurés (ABS et RMBS). L’indice ABX introduit sur le marché en 2006 est constitué d’un
panier de 20 ABS et exprime le prix de ce panier d’ABS qui vaut 100, diminué d’une prime de
CDS exprimée en points de base qui représente le prix de l’assurance contre une dégradation
des ABS57.
A mesure que le besoin de s’assurer contre le risque sur les acteurs du marché du crédit
structuré grandissait, on a observé une augmentation de la prime de CDS qui a dégradé la
valeur de l’indice ABX. Par exemple, lorsque le prix de l’assurance (prime de CDS) permettant
de toucher à maturité 100% du prix initial du panier d’ABS représente 5%, alors la valeur de
l’indice ABX est de 95, autrement dit, si le détenteur d’ABS achète une protection et s’en
acquitte en payant une prime de 5%, il perçoit 95% de la valeur de la valeur du panier d’ABS.
Ces indices sont calculés pour chaque tranche investment grade c’est dire de BBB à AAA.
L’indice ABX BBB 07-0158 qui s’établissait à près de 100 lors de son lancement en janvier
2007, chute brutalement à 72 fin février (cf. Graphique 5)
La multiplication des défauts pousse les investisseurs à se protéger contre le risque de crédit
ce qui entraîne un renchérissement du coût de l’assurance et une explosion des primes de
CDS et l’effondrement de l’indice ABX.
Jusqu’en mi-2007, seule la tranche BBB est attaquée et poursuit son effondrement. L’indice
ABX BBB 07-01 s’établit mi-2007 à près de 50 soit une dépréciation de moitié de la valeur du
panier d’ABS depuis le début de 2007 (cf. Graphique 5).
Les conditions s’aggravent brutalement en juillet 2007 lorsque les tranches supérieures AA
voire AAA sont attaquées suite à une décision des agences de notation le 12 juillet, de revoir
à la baisse la notation des tranches59.
Les indices ABX AA 07-01 et ABX AAA 07-01 chutent brutalement tandis que l’indice ABX BBB
07-01 poursuit sa baisse vertigineuse.
L’été 2007 marque ainsi le début de la crise qui soumet les marchés financiers à une forte
volatilité et fait subir de lourdes pertes aux institutions financières.
57
Jorion (2008) ; Gorton (2008)
58
BBB fait référence à la notation du panier d’ABS, et 07-01, renvoie à l’année et au semestre au cours
desquels, l’émission s’est effectuée.
59
Jorion (2008)
47
Graphique 6 : Evolution de l’indice ABX
Source: Brunnermeier (2008)
1.2) Les pertes et dépréciations subies par les institutions financières
A partir de l’été 2007, les banques et les autres institutions financières qui ont pris part
active au sein du marché du crédit structuré subissent deux catégories de pertes : dans un
premier temps, les pertes directes liées aux crédits hypothécaires non encore titrisés sont
supportées par les initiateurs du crédit, dans un second temps, les pertes liées aux
dépréciations d’actifs des produits structurés valorisés au prix du marché (mark-to-market
losses).
1.2.1) Les pertes directes liées aux crédits hypothécaires
Les banques commerciales initiatrices du crédit ont été particulièrement exposées aux
crédits subprimes, à hauteur 40% des expositions totales des institutions financières
Américaines.
Les pertes directes totales des institutions financières sont estimées en octobre 2008 à 425
milliards USD en incluant les pertes sur les crédits hypothécaires autre que subprime (Alt- A,
prime, crédits immobiliers non résidentiels) ainsi que les crédits à la consommation et aux
entreprises60 (Cf. Annexe 1 p. 82).
60
FMI (2008b) GFSR, p.15
48
Ces estimations sont très en deçà des pertes directes effectivement enregistrées qui
s’élevaient fin septembre à 760 milliards USD61.
Les pertes des institutions de crédit initialement enregistrées uniquement sur les expositions
subprime se répandent aux autres types de crédits hypothécaires : les crédits Alt-A et prime.
La solvabilité des débiteurs prime et Alt-A, en principe plus satisfaisante que celle des
emprunteurs subprime ne va pas résister longtemps à la forte chute des prix de l’immobilier
conjuguée à moyen terme aux effets dévastateurs d’un accroissement du chômage qui
pourrait ruiner leur solvabilité déjà fragile et par ce biais entraîner des pertes de second tour
pour le système bancaire.
Les dépréciations d’actifs qui gangrènent les bilans bancaires n’épargnent pas les créances
que le système bancaire détient sur les entreprises (corporate loans) et les fonds de private
equity (leveraged loans), créances qui étaient ensuite titrisées au même titre que les crédits
hypothécaires.
L’effondrement de l’indice ABX et par suite, celui des produits structurés, rend désormais la
titrisation suspecte et réduit considérablement, la demande de produits structurés qui
suscitaient dans un passé récent, l’engouement des investisseurs.
La titrisation, tombée en disgrâce, les banques se voient dès lors contraintes de conserver
dans leurs bilans, ces créances exposées à de fortes dépréciations, compte tenu des
menaces qui pèsent sur la solvabilité des débiteurs.
Aux pertes directes enregistrées par les institutions financières, s’ajoutent les dépréciations
liées à la dégradation de la valeur de marché des produits structurés.
1.2.2) Les pertes liées à la valorisation aux prix du marché (mark-to-market losses)
Si les pertes directes liées aux crédits subprime et autres créances hypothécaires ont été
essentiellement supportées par le secteur bancaire ; les pertes liées aux dépréciations
d’actifs valorisés au prix du marché frappent plus largement les institutions financières, dont
l’actif du bilan contenait des produits structurés.
Les tentatives d’estimations des pertes liées à la dépréciation de la valeur de marché des
actifs aboutissent à des résultats avec des écarts importants.
Le FMI (2008b) estime à 980 milliards USD, les pertes liées aux dépréciations d’actifs, dont
54% sont imputées au secteur bancaire.
Les estimations de la Banque d’Angleterre (BoE (2008)), plus pessimistes parviennent à un
chiffre de 2800 milliards USD (Cf. Annexe 1 P. 82) dont 1577 milliards USD, pour les USA.
Les produits structurés on été sanctionnés doublement.
La première sanction comme nous l’avons vu, est née de la multiplication des défauts de
paiement sur les crédits subprime, défauts de paiement qui se sont ensuite généralisés au
sein du marché hypothécaire suite à l’effondrement du collatéral : la valeur du logement.
61
FMI (2008b) GFSR, p.15
49
Ces défauts de paiements ont été naturellement suivis d’une dégradation de la valeur des
produits structurés qui étaient adossés aux crédits hypothécaires.
La seconde sanction a été infligée par les marchés, elle s’est révélée sans appel, brutal et
disproportionnée. Elle s’est traduite, nous l’avons vu par la chute libre de l’indice ABX qui a
surréagi à la dégradation des actifs sous-jacents.
La dégradation de la note des rehausseurs de crédit, les monolines, a sans nul doute joué un
rôle important dans l’emballement de la chute de l’indice ABX. Les monolines, forts d’une
note AAA, indice de la fiabilité de leur garantie, ont étendu leurs activités de rehaussement
de crédit aux produits structurés issus de la titrisation.
Dès le début de 2008, il paraissait de plus en plus probable que les monolines faiblement
capitalisés, éprouveraient de grandes difficultés pour assumer leur fonction d’assureur face
à la multiplication et l’accentuation des pertes sur les produits structurés auxquels ils avaient
apporté leur garantie.
Dès lors, la note AAA des monolines ne paraît plus justifiée, elle est revue à la baisse dès
janvier 2008 par les agences de notation.
Cette dégradation de la note des monolines, sera lourde de conséquences. Elle a trois effets
immédiats62 :
 le premier fut la réduction de l’activité des monolines car la dégradation de
leurs notes réduit la capacité qu’ils ont à vendre de nouvelles garanties ;
 le second, bien plus dévastateur, a été l’accentuation des pertes sur tous les
produits structurés qui avaient reçu « l’onction » des monolines ; tous les
produits structurés qui ont fait l’objet de la garantie des rehausseurs de crédit
ont vu leur valeur et leur note se dégrader impliquant pour les investisseurs,
la constitution de nouvelles provisions qui étaient vouées à se matérialiser en
pertes ;
 le troisième, dans la même veine que le second a été d’amener certains
investisseurs institutionnels à des ventes forcées d’actifs. Ces derniers suite à
la dégradation se sont retrouvés avec des titres à la notation inférieure à la
note BBB qui constitue la plus basse note investment grade, en-dessous de
laquelle, ils n’étaient pas autorisés à détenir des actifs vu le risque trop grand
que ces derniers présenteraient.
Si la dégradation des notes sur les produits structurés a accéléré leur dépréciation, la
comptabilité en juste valeur (fair value acounting) en tenant compte de la valeur de marché
dont la fiabilité était mise à mal par des conditions extrêmes d’illiquidité a constitué le
principal vecteur qui a conduit à la détérioration des bilans bancaires.
62
Lautier & Simon (2008)
50
1.3) Le rôle de la comptabilité en valeur de marché
Les nouvelles normes IFRS adoptées dès 2005 par les banques Européennes exigent de ces
dernières qu’elles évaluent leurs bilans à la valeur de marché dont on suppute qu’elle
incarne le mieux la juste valeur (cf. Encadré 2).
Les produits structurés figurant à l’actif des bilans bancaires n’échappent pas à cette règle,
ils font l’objet d’une valorisation au prix du marché au même titre que les autres actifs de la
banque.
La surréaction du marché évoquée plus haut qui a conduit à l’effondrement de la valeur des
produits structurés amène le constat suivant : dans le contexte de tensions extrêmes des
marchés financiers avec en toile de fond, une crise de liquidité sévère, force est de constater
que la valeur de marché de ces produits structurés n’a pas reflété leur juste valeur.
En termes plus techniques, la valeur de marché des produits structurés s’est retrouvée bien
en-deçà, de leur valeur fondamentale obtenue en actualisant les flux de revenus futurs que
ces produits auraient générés63.
La valeur de marché de ces produits structurés, à compter de l’éclatement de la crise a été
en réalité une « fausse juste valeur » dont pâtiront lourdement les bilans bancaires.
L’illiquidité de ces produits structurés a été précipitée par l’opacité et la complexité de ces
produits entretenues tout au long du processus de la titrisation.
Dès lors, le déclin de la titrisation remet en cause le modèle originate to distribute et
interroge le devenir des instruments de transfert du risque.
63
FMI (2008a), GFSR, p.65
51
Encadré 2 : La comptabilité en juste valeur (fair value accounting) : Définition et Principes
L’essor des marchés financiers au cours des vingt dernières années sous l’impulsion de
l’innovation financière a entraîné l’apparition d’instruments financiers de plus en plus
complexes.
Les règles comptables traditionnelles reposant sur le principe de la valorisation aux coûts
historiques se sont avérées inadaptées pour rendre compte de cette nouvelle réalité et
restituer avec la plus grande fidélité, la situation financière des entreprises en général et des
banques en particulier.
Pour y remédier, l’IASB (International Accounting Standards Board) va édicter des normes
internationales, dites normes IAS/IFRS (International Accounting standards/ International
Financial Accounting Standards) qui s’appliquent à toutes les sociétés Européennes cotées
depuis le 1er janvier 2005.
Ces nouvelles normes comptables viennent appuyer la nouvelle réglementation prudentielle
de Bâle II. En effet, c’est sur la base de l’information produite par la comptabilité que l’on
évalue si les ratios de solvabilité de la banque sont en conformité avec les recommandations
de Bâle.
Pour une régulation efficace, la comptabilité doit donc fournir une information fiable qui
colle au plus près de la réalité du moment d’où le concept de juste valeur (fair value).
La norme IAS 39 définit ainsi la juste valeur : « le montant pour lequel un actif peut être
échangé, ou un passif éteint, entre parties bien informées, consentantes et agissant dans des
conditions de concurrence normale ».
Autrement dit, la valeur de l’actif doit être déduite des prix contre lesquels l’actif est
habituellement échangé notamment sur les marchés financiers.
La meilleure estimation de la juste valeur est ainsi donnée par la valeur de marché (market
value). Cependant, la notion de juste valeur est plus large que la valeur de marché, puisque
la norme admet que la juste valeur puisse être estimée à l’aide de modèles internes (mark to
model) en l’absence de prix de marché de référence (Dumontier, Dupré, (2005)).
Les normes Américaines dites US GAAP, dans le même esprit que les normes IFRS,
consacrent la comptabilité en juste valeur.
Dans un cadre comptable comme dans l’autre, la valorisation en coûts historiques n’a pas
totalement disparu car pour une certaine classe d’actifs, l’évaluation en juste valeur peutêtre inopportune.
Le mode de valorisation est déterminé à partir des caractéristiques des actifs financiers et
des intentions qui motivent sa détention (Source, FMI, (2008b)).
52
Les instruments financiers comptabilisés en juste valeur regroupent les actifs détenus à des
fins spéculatives (held for trading financial assets), des dérivés, des actifs disponibles à la
vente, et enfin des actifs évalués en juste valeur sur option.
L’évaluation en coûts historiques concerne essentiellement les actifs détenus jusqu’à leur
échéance (held to maturity).
1.4) Promesses non tenues du transfert du risque et remise en cause du modèle
OTD
Le modèle OTD comme nous l’avons vu, repose sur un principe fondamental : le transfert du
risque de crédit.
Ce principe est en rupture avec le rôle traditionnel de la fonction bancaire qui consiste à
conserver jusqu’à leur échéance souvent longue, les prêts consentis aux agents et à collecter
les dépôts de ces derniers.
Le glissement de l’activité bancaire vers les opérations de marché est la réponse de la
banque à une concurrence accrue dans la collecte de l’épargne des agents et dans le
développement de produits plus attractifs pour les investisseurs.
L’activité bancaire se modifie, elle initie toujours le crédit mais en transmet aussitôt le risque
au marché en ayant recours aux deux principaux instruments du transfert du risque : la
titrisation des actifs et les dérivés de crédit.
Le transfert du risque, principe sur lequel repose le modèle OTD avait vocation à fractionner
le risque puis à le disséminer au sein du marché. Les différentes « fractions » du risque ainsi
héritées de la banque devaient ainsi échoir aux différents acteurs du marché qui seraient en
mesure de l’endosser.
La crise de marché du crédit structuré qui constitue le premier « test grandeur nature »,
auquel il a été soumis, a montré que le transfert du risque de crédit fut en réalité un double
leurre.
1.4.1) Le transfert du risque de crédit : un double leurre
Le premier leurre a été de faire croire que les instruments de transfert du risque allaient
favoriser la dispersion du risque. Ces risques en réalité se sont concentrés.
En particulier dans les bilans des hedge funds qui ont investi dans les produits structurés
avec une prédilection pour les tranches de CDO les plus risquées (cf. Table 2 p. 25) ainsi que
dans les CDS (cf. Table 3 p. 27).
Ce premier leurre trouve son explication dans le second.
Le second leurre, dans la même veine que le précédent a été le postulat selon lequel, c’est à
ceux qui étaient en mesure de porter le risque que ce dernier allait échoir, autrement dit, à
ceux qui étaient en capacité d’assumer ce risque.
53
La réalité a été tout autre. Ce sont moins ceux qui étaient « en mesure » de porter le risque
qui s’en sont chargés comme ce fut annoncé mais davantage ceux qui étaient tout
simplement désireux de porter le risque qu’ils en aient ou non la capacité et ce, dans le but
de satisfaire leur quête effrénée de rendement.
Ces instruments de transfert du risque ont constitué une formidable aubaine pour ces
investisseurs, en particulier les hedge funds qui ont volontiers endossé le risque en
détournant l’usage de ces instruments à des fins strictement spéculatives faisant fi de la
vocation initiale de ces instruments destinés à disperser le risque (titrisation) ou le cas
échéant à prémunir du risque (CDS).
La dénaturation des instruments de transfert du risque de crédit a eu pour principale
conséquence, leur concentration dans les bilans des investisseurs qui avaient la plus grande
incitation à se positionner sur ces produits dont la complexité grandissante qu’ils
contribuaient sciemment à alimenter, augmentait les promesses de rendement.
En somme, le transfert du risque a fait illusion en faisant croire qu’il suffisait de transférer le
risque d’une entité vers le marché, pour que par une formidable allocation au sein de celuici, le risque s’émiette et se disperse auprès du plus grand nombre d’acteurs ayant la capacité
de l’assumer.
La réalité de la crise a pris le contrepied de cette vue de l’esprit.
Ceux qui ont recherché activement à porter le risque ne sont assurément pas ceux qui
étaient les mieux indiqués pour cela, en revanche, les acteurs qui de manière séculaire ont
porté ce risque pour le compte de l’économie sont précisément ceux qui s’en sont
défaussés. Nous faisons bien sûr allusion aux banques.
Ce double leurre est le résultat, entre autres, d’asymétries d’informations secrétées tout au
long du processus de titrisation.
1.4.2) Le processus de titrisation émaillé d’asymétries d’informations
Les différentes phases de la titrisation ont mis aux prises quatre principales catégories
d’acteurs : le cédant (la banque initiatrice des crédits), l’arrangeur (le SPV), les agences de
notation et enfin en bout de chaîne, l’investisseur final.
A chaque étape de la titrisation, au moins deux de ces acteurs entrent dans une relation
d’agence. La relation d’agence telle que nous l’enseigne la théorie économique est
caractérisée par un accès inégalitaire à l’information qui confère à l’acteur qui la détient un
avantage informationnel au détriment de son vis-à vis.
La première asymétrie d’information émane de la relation entre le cédant et l’arrangeur.
La banque initiatrice qui cède le pool de crédits, dispose sur ce dernier d’un avantage
informationnel.
54
Comme nous le savons, le profit du cédant s’accroit avec le volume des crédits vendus. En
privilégiant le volume des crédits accordés dans le but d’accroître son profit de par les gains
substantiels qu’elle retire de cette vente, la banque cédante est amenée à reléguer au
second plan, la qualité des crédits. Elle néglige leur sélection et leur suivi 64 qui viendraient
réfréner la distribution du crédit et par ricochet réduire leurs profits.
En s’inscrivant dans la logique du modèle OTD, la banque initiatrice des crédits qui tient le
rôle de l’agent dans cette relation d’agence qui la lie au SPV, le principal, est conduite à
dissimuler si ce n’est détruire de l’information relative aux crédits distribués.
Buiter (2007) le fait remarquer à juste titre, cette nouvelle relation d’agence dilue l’incitation
de la banque à se livrer à une collecte d’informations qui peut être coûteuse. Cette
information est importante dans la mesure où elle renseigne la banque sur la solvabilité des
agents qui sollicitent des crédits.
Et l’auteur d’ajouter, quand bien même elle sélectionnerait les emprunteurs avec le plus
grand soin, l’information n’est pas à la bonne place car le SPV qui hérite de ces crédits n’a
pas accès à cette information.
La relation entre le SPV et les agences de notation a de même été à l’origine de nouvelles
asymétries d’information.
Les agences de notation, comme nous l’avons vu en première partie, sont consultées par
l’arrangeur pour la structuration et la division en tranches de produits. Cette consultation
place l’agence de notation dans une situation pour le moins, particulière, où elle se retrouve
cliente de SPV dont elle évalue et note les produits d’où l'apparition d’un conflit d’intérêts.
Ces agences de notation65 tirent de cette activité une rémunération substantielle d’où la
crainte de voir ces dernières manifester au SPV une certaine complaisance dans la notation
des produits structurés de ces derniers. De plus, l’agence de notation monnaye ses services
de conseil à son client qu’elle est chargée de noter en indiquant au SPV la manière suivant
laquelle, elle doit procéder dans la structuration de ses produits de façon à obtenir la note
désirée. De même, la complexité des produits structurés peut amener les agences de
notation à avoir recours aux modèles de valorisation de leurs clients.
Les agences de notation endossent une lourde responsabilité dans la crise pour avoir
contribué à la sous-estimation des risques66. En attribuant une notation élevée à des
produits dont la qualité ne la justifiait pas, les agences de notation ont faussé la perception
du risque et induit les investisseurs en erreur.
64
Mishkin (2008)
65
Trois grandes agences de notation (Moody’s, Standards&Poors et Fitch) assurent à elles seules l’essentiel de
la notation des instruments financiers. Traditionnellement, elles notaient la dette souveraine ainsi que les
grandes entreprises privées. Avec l’expansion de la titrisation, elles vont étendre leur champ d’activité, en
assumant la notation des produits financiers complexes.
66
Fisher (2008)
55
Lorsqu’elles se sont rendues compte de leur méprise non seulement, il était trop tard mais
en plus et surtout, cette dégradation soudaine des notes à laquelle elles se sont livrées pour
rattraper les erreurs du passé a exacerbé la crise de liquidité qui va frapper le marché du
crédit et entraîner le déclin de la titrisation.
1.4.3) Le déclin de la titrisation au lendemain de l’éclatement de la crise
L’effondrement de l’indice ABX à un rythme frénétique à partir de l’été 2007 a porté un rude
coup à l’émission de produits structurés, à savoir les ABS et surtout les CDOs.
En 2007, l’émission d’ABS aux Etats-Unis s’élevait à près de 510 milliards USD en 2008, ce
volume s’établissait à 137 milliards USD soit une chute de 73%67(cf. Graphique 7).
Graphique 7 : Volume de l’émission d’ABS aux Etats-Unis sur la période 2001-2008
Source: SIFMA (2009)
67
Securities Industry and Financial Markets Association (SIFMA) [2009]
56
Graphique 8 : Volume de l’émission trimestrielle de CDOs aux Etats-Unis( 2006-2008)
Source: SIFMA (2009)
Le déclin de l’émission est de loin plus impressionnant pour les CDOs dont l’émission a été
quasiment gelée du fait de la forte illiquidité dont ces produits complexes ont été frappés au
lendemain de la crise. Entre 2007 et 2008, l’émission de CDOs a chuté de 88,4% passant de
482 milliards USD à 57 milliards USD68 (cf. Graphique 8).
Le déclin de la titrisation est venu aggraver les pertes déjà lourdes du système en rognant la
profitabilité bancaire. En effet, les activités liées à la titrisation constituaient pour les
banques une source de revenus très lucrative.
Le potentiel de pertes qu’impliquent ces produits structurés valorisés au prix du marché et
dont le déclin semble irrémédiable entraîne la suspicion puis la défiance des investisseurs à
l’endroit de ces produits structurés : ceux qui en détiennent par devers eux, cherchent à s’en
débarrasser à tout prix cherchant désespérément preneurs dans un marché qui se disloque.
Les bases de la liquidité du marché sont sapées et ce qui s’est révélée au monde au cours de
l’été 2007 comme étant la crise des subprimes devient une profonde crise de liquidité.
1.5) La crise de liquidité, annonciatrice du deleveraging
L’expansion de la titrisation comme nous l’avons vu, a rendu les produits structurés de plus
en plus complexes, notamment les CDOs.
La complexité de ces produits les prédispose au risque de liquidité en cas de tensions
extrêmes sur le marché qui se manifestent par une montée de l’incertitude et de la défiance.
La mise à l’épreuve de la liquidité de ces produits au cours de l’été 2007 s’est traduite par le
retrait massif des investisseurs du marché du crédit structuré.
68
Securities Industry and Financial Markets Association (SIFMA) [2009]
57
L’effritement brutal et sans appel de ce marché a rendu impossible la détermination d’un
prix de marché pour ces produits devenant du coup, illiquides.
L’illiquidité frappe d’abord les produits les plus complexes au premier rang desquels, les
CDOs tenus en grande suspicion par les investisseurs qui dans le doute s’abstiennent de
s’engager dans des transactions dans lesquelles les CDOs sont impliqués.
Dans l’analyse des facteurs qui ont conduit à l’illiquidité de marché, Caruana & Kodres (2008)
mettent en avant l’asymétrie d’information et le manque de transparence. En effet, ils
partent du constat que les produits autour desquels régnait la plus grande incertitude
informationnelle ont été les plus illiquides.
En outre, ces auteurs soulignent l’existence d’un autre facteur qui selon eux aurait précipité
l’illiquidité des produits structurés, il s’agit du mode de négociation auxquels étaient soumis
les produits structurés, celui du marché de gré à gré.
Le marché de gré à gré (over the counter) par opposition au marché organisé, permet
d’effectuer des transactions bilatérales. Les règles de fonctionnement des échanges sont
librement fixées par les deux parties prenantes sans l’interposition d’une chambre de
compensation ou l’intervention d’une autorité de régulation, ce qui crée une situation dans
laquelle chaque partie est exposée au risque de défaut de sa contrepartie69.
Les produits structurés issus de la titrisation, à l’instar des autres produits dérivés qui
s’échangent sur le marché de gré à gré ne sont pas standardisés car ils correspondent aux
besoins spécifiques des opérateurs ; leur liquidité en est d’autant plus réduite.
En effet, durant la crise, les actifs échangés sur des marchés organisés n’ont pas connu la
forte baisse de liquidité observée pour les actifs s’échangeant sur le marché de gré à gré70.
Le glissement de l’activité bancaire vers les opérations de marché comme nous l’avons vu,
rend le bilan bancaire très sensible à la volatilité des marchés.
La crise de liquidité qui se précise à partir de 2007, avec son corollaire de fortes
dépréciations, s’est transmise aux bilans bancaires par le vecteur privilégié de la
comptabilisation en valeur de marché.
Cette idée est restituée en ces termes par Allen, Carletti (2008b) : « En période de crise
financière, l’interaction entre les institutions et les marchés peut conduire à des situations
où les prix sur les marchés ne reflètent plus les rendements à venir, mais plutôt le volume
des liquidités dont disposent les acheteurs. Si l’on recourt à la comptabilisation en valeur de
marché, la volatilité des prix des actifs influe directement sur la valeur des actifs bancaires ».
La crise de liquidité affecte en premier l’actif des bilans bancaires, à travers la dépréciation
des produits structurés valorisés au prix du marché.
69
Jacquillat, Lévy-Garboua (2009)
70
Caruana, Kodres (2008)
58
Ces dépréciations puis pertes viennent en diminution des fonds propres des banques qui
doivent constituer des provisions. La capitalisation boursière des banques soumise à la
volatilité des marchés, se réduit. La situation financière des banques se détériore à mesure
que la structure du bilan bancaire se fragilise.
Le capital des banques qui décline entraîne mécaniquement une augmentation du levier
financier et cette situation, d’une part s’avère préjudiciable pour la profitabilité des banques
et d’autre part, les ratios de solvabilité (Fonds propres/Actifs) se dégradent et leur
adéquation avec la réglementation de Bâle II est menacée.
Il s’amorce alors à l’échelle du système financier au niveau du système bancaire notamment,
un processus de deleveraging qui consiste à réduire le levier, en diminuant les actifs en
procédant à leur liquidation massive afin de recueillir des liquidités pour faire face aux
engagements de la banque et restaurer l’équilibre de la structure de leur bilan bancaire mise
à mal par la contraction des fonds propres et ramener les ratios de solvabilité à des niveaux
en conformité avec la réglementation de Bâle II.
Ces liquidations massives des actifs par les banques qui se plient ainsi à l’impératif du
deleveraging exacerbent la crise de liquidité et dépriment davantage le prix des actifs.
Les institutions qui procèdent à la liquidation massive de leurs actifs pour faire face à leurs
engagements et « assainir » leurs bilans, ont tendance à entraîner dans leur sillage d’autres
acteurs du marché qui alarmés par ce signal, déclenchent elles aussi des ventes préventives,
qui retirent de la liquidité au marché, au moment où il en a le plus besoin 71.
Autrement dit, les acteurs du marché, en s’employant tous et en même temps à extraire des
liquidités dans un marché de moins en moins liquide, participent de concert à l’aggravation
de la crise de liquidité qui rend le deleveraging d’autant plus douloureux.
Cette idée est résumée ainsi par Praet, Herzberg (2008) : « Lorsque les marchés deviennent
illiquides, il devient plus difficile de sortir d’une exposition ou de se couvrir. La liquidité de
l’actif ne dépend plus alors des caractéristiques de l’actif lui-même mais plutôt de l’existence
chez les contrepartie fragilisées, de positions substantielles qui doivent être liquidées ».
La liquidité de marché qui désigne la faculté de se dessaisir avec une relative facilité d’un
actif sans que la valeur de ce dernier ne soit altérée, est dans ces conditions fortement
compromise.
La montée de la défiance déplace la crise de liquidité sur le marché monétaire, à partir
duquel se refinancent les institutions financières.
Partant de là, la crise de liquidité qui s’est d’abord présentée sous la forme d’une illiquidité
de marché qui frappe les produits structurés et entretenue par leur liquidation massive,
prend dès lors qu’elle investit le marché monétaire, une nouvelle forme, l’illiquidité de
(re)financement. L’illiquidité de financement désigne la difficulté pour des contreparties
solvables de se refinancer par le renouvellement de leur dette sur le marché monétaire
notamment.
71
Bervas (2006)
59
Le deleveraging s’est déroulé en deux phases : une première phase au cours de laquelle ont
recours à ce phénomène, les seuls acteurs du marché du crédit structuré. Ces derniers dans
le but d’« assainir » l’actif de leurs bilans et de rétablir leurs ratios de solvabilité accentuent
le risque de liquidité de marché s’accompagnant d’une montée de l’incertitude laquelle
déplace la crise de liquidité sur le marché monétaire, qui se manifeste par une hausse du
risque de liquidité de financement et inaugure la seconde phase d’un deleveraging, cette
fois-ci systémique.
2) Première phase du deleveraging, en réponse à la dégradation du bilans des acteurs
du marché du crédit structuré
Dans un environnement de valorisation au prix de marché, les actifs bancaires sont très
sensibles à la volatilité des marchés. Cette forte volatilité à laquelle sont soumis les actifs
ébranle l’équilibre de la structure du bilan bancaire et son rétablissement appelle un certain
nombre d’ajustements
Adrian, Shin (2008b) révèlent que les fonds propres des banques (equity) représentent la
variable conductrice dans les modifications de la structure du bilan, en d’autres termes, les
actifs de la banque s’ajustent aux fluctuations du capital de la banque.
Les lourdes pertes enregistrées par les banques ont été absorbées par leurs fonds propres,
et ont conduit à la sous-capitalisation de leurs bilans. Cette sous-capitalisation se traduit par
une hausse du levier, qui rappelons-le, représente le rapport entre les actifs de la banque et
le montant des fonds propres. L’endettement de la banque reste inchangé alors que les
fonds propres se détériorent, la situation financière de la banque se dégrade.
60
Encadré 3 : La mécanique de bilan du deleveraging
Considérons le bilan simplifié d’une banque qui se présente comme suit :
En effectuant le rapport entre le montant des actifs et le montant des fonds propres, on
obtient pour cette banque un levier de 10.
On suppose que suite à une forte volatilité sur les marchés, les actifs bancaires perdent 5%
de leur valeur. Le bilan, valorisé au prix du marché, se présente désormais comme suit :
Les actifs bancaires suite à la forte volatilité sur les marchés se déprécient de 5 et les fonds
propres sont réduits d’autant.
Le levier explose et s’élève désormais à 19 *95/5+.
Pour réduire le levier et le ramener à son niveau initial, deux possibilités se présentent à la
banque : la recapitalisation (Cas 1) ou la liquidation d’actifs (Cas 2)
Cas 1 : Le deleveraging par recapitalisation
Pour ramener le levier qui est désormais de 19, à 10, son niveau initial, il suffit de lever des
fonds propres, à hauteur des pertes subies.
En injectant 5, de fonds propres, la banque réduit le levier qui repasse à 10, et rétablit la
taille initiale du bilan avant la dépréciation des actifs bancaires
Cas 2 : Le deleveraging par liquidation d’actifs
En l’absence de recapitalisation, le deleveraging, passe par la liquidation d’actifs en vue de
réduire l’endettement de la banque et de ramener le levier à son niveau initial de 10.
61
Dès lors, la question qui se pose est de savoir pour quel montant, la banque devrait liquider
une partie de ses actifs pour réduire d’autant son endettement et ramener son levier à 10.
Suite à la dépréciation des actifs, les actifs bancaires (A) s’élèvent désormais à 95 et les
fonds propres (K) à 5, soit un levier (L) de 19.
De combien faut-il réduire A, et par suite D, pour ramener L à 10 sachant que
L = A/K = A/(A-D) ?
Nous savons que A se fixe désormais à 95 et que nous visons un L de 10, D est l’inconnu.
On sait que L = A/(A-D)
 10 = 95/(95-D)  D = 45
Pour ramener son levier à 10, la banque devra liquider des actifs pour un montant de 45,
pour réduire d’autant sa dette.
Le bilan simplifié devient :
On remarque que le deleveraging, par liquidation d’actifs restaure le levier de 10, en
revanche, il a contracté la taille du bilan de 50, contrairement au deleveraging, par
recapitalisation, qui a ramené le levier et la taille du bilan à leurs niveaux initiaux.
La réduction du levier ou deleveraging se révèle dès lors impérieuse pour maintenir la
solvabilité de la banque.
Ce deleveraging peut se présenter sous deux aspects (cf. Encadré 3) :
 il peut prendre la forme d’une recapitalisation consistant à renflouer les fonds
propres des banques ; l’augmentation des fonds propres réduit le levier et renvoie à
leur niveaux initiaux, le levier, la taille du bilan et la structure fonds propres-dettes du
passif ;
 il peut aussi prendre la forme la plus courante d’une liquidation d’actifs, dont la
finalité est de recueillir des liquidités en vue de réduire les engagements de la
banque.
Ces deux formes de deleveraging d’un point de vue arithmétique ont rigoureusement le
même impact sur le levier d’endettement et sur la structure fonds propres-dettes du passif ;
en revanche ils affectent différemment la taille du bilan.
62
En effet, le deleveraging par liquidation d’actifs entraîne une contraction des bilans en outre
si cette liquidation d’effectue à l’échelle du système financier, elle contribue à alimenter la
baisse des cours et exacerbe les tensions auxquelles sont soumis les bilans bancaires. De
plus, un deleveraging par liquidation d’actifs est d’autant moins efficace qu’il est mené par le
plus grand nombre d’acteurs car l’effondrement des prix des actifs est précipité, ce qui
contraint les institutions financières à vendre encore plus d’actifs parmi les plus liquides
figurant à leurs bilans, en vue de réduire leurs engagements et de rétablir un équilibre sain
entre leurs capitaux propres et leur endettement.
Le deleveraging par recapitalisation, par opposition au précédent, ne réduit pas la taille des
bilans et ne comporte pas le risque déflationniste du deleveraging par liquidations d’actifs,
ce qui le rend de loin préférable à ce dernier.
Aux prémices de la crise, certains investisseurs institutionnels, les fonds souverains
notamment, ont apporté des capitaux et permis la recapitalisation de certaines banques en
difficulté. Cependant à mesure que la crise s’intensifiait, d’abord en mars 2008 avec les
difficultés de Bear Stearns pour atteindre son paroxysme à l’automne 2008 avec la faillite de
Lehman Brothers, les apporteurs de fonds se sont fait de plus en plus rares et la liquidation
massive d’actifs s’est présenté comme le seul mode de deleveraging qui s’offrait aux
banques.
Aux pertes des banques sont venues s’ajouter d’autres pertes liées à la réintermédiation des
véhicules d’investissement hors-bilan dont les actifs allaient faire l’objet de liquidations
massives.
2.1) Le deleveraging, consécutif à la reconsolidation des SIV
Les SIV et conduits, nous le savons, ont joué un rôle crucial dans le processus de titrisation.
L’actif de leur bilan a été le réceptacle des produits structurés issus de la titrisation.
Ces produits structurés rappellons-le, étaient financés à partir de l’émission de papier
commercial adossé aux actifs structurés, l’asset backed commercial paper (ABCP).
L’effondrement de la valeur des produits structurés, voire même parfois leur illiquidité a
conduit à une réduction drastique de l’émission d’ABCP. Les investisseurs étaient de plus en
plus réticents à investir dans ce papier commercial, compte tenu de la dégradation des actifs
sous-jacents.
Après avoir atteint un pic de près de 1200 milliards USD en juillet 2007, l’émission mensuel
d’ABCP se chiffrait, à peine à près de 600 milliards USD72, en avril 2009 (cf. graphique 9).
72
Securities Industry and Financial Markets Association (SIFMA) [2009]
63
Graphique 9 : Emission mensuelle d’ABCP en milliards USD aux Etats-Unis (2005-2009)
Source: SIFMA (2009)
Confrontés à de grandes difficultés pour renouveler leur endettement à court terme via
l’émission d’ABCP et détenant des actifs illiquides, les SIVs deviennent insolvables.
Ces entités hors-bilan ne pouvant pas faire faillite, elles vont faire l’objet de reconsolidations
et leurs actifs seront réintermédiés c'est-à-dire rappelés dans les bilans des banques qui en
ont été à l’origine.
Aucune disposition légale ne contraint les banques à réintermédier les actifs des entités
hors-bilan qu’elles initient, néanmoins, pour ne pas être victimes d’un risque de réputation,
elles n’ont d’autre choix que de rappeler les actifs et les dettes des SIVs et conduits dans
leurs bilans.
Durant la crise financière, le secteur des SIVs a quasiment disparu. Entre décembre 2007 et
juin 2008, on dénombre la disparition de près de 30 SIVs pour la plupart reconsolidés,
léguant à leurs banques de tutelle, une dette de près de 274 milliards USD73 et aggravant
ainsi l’exigence de deleveraging à laquelle sont soumises les bilans de ces dernières.
Au cours de sa première phase, concernant les seuls acteurs du marché du crédit structuré le
deleveraging par liquidations d’actifs potentiellement déflationniste sera atténué par un
deleveraging non déflationniste, par recapitalisation, qui a hélas été de courte durée et
insuffisant rapporté aux pertes subies.
73
Gorton (2008)
64
2.2) Un deleveraging par recapitalisation insuffisant et de courte durée
Les fortes dépréciations à l’actif du bilan des banques viennent en diminution de leurs fonds
propres et entraîne la sous-capitalisation des bilans bancaires.
De plus, le déclin de la titrisation qui limite la possibilité de sortir les prêts du bilan oblige les
banques à détenir davantage de fonds propres.
Sur les marchés des capitaux, la capitalisation boursière des grands groupes bancaires a été
mise à rude épreuve, situation assimilée par certains auteurs de ruée sur le capital
bancaire74.
Ce déclin subite de la capitalisation boursière est comparée à une ruée aux dépôts, le rôle
des déposants étant ici tenu par les investisseurs qui vendent les actions des ces institutions
financières.
Pour restaurer leurs ratios de capital pour les raisons évoquées plus haut (cf. Encadré 3), la
recapitalisation sera préférée au deleveraging par liquidations d’actifs.
Entre juillet 2007 et septembre 2008, les capitaux levés par les grands groupes bancaires
s’élèvent à 430 milliards USD75.
Dans un premier temps, ce sont essentiellement les fonds souverains 76 qui se sont
manifestés pour la recapitalisation des banques en difficulté de juillet 2007 jusqu’à la fin
2007, ils ont été à l’origine de 60% des capitaux apportés aux banques77.
Durant la première moitié de 2008, les fonds souverains sont plus en retrait, contribuant très
peu à la recapitalisation des banques. Entre janvier et juillet 2008, les fonds souverains ne
participent qu’à hauteur de 7% de la somme de 300 milliards USD levés par les banques sur
cette période78.
La recapitalisation des banques a été insuffisante et n’a pas de manière significative
contribué au relèvement des ratios de capital, hormis pour les grands groupes bancaires de
la zone Euro qui durant la première moitié de 2008 ont vu leurs ratios de solvabilité passer
de 10,6% à 11,3%79.
A cette insuffisance de la recapitalisation s’ajoute à partir de la seconde moitié de 2008, une
raréfaction des apporteurs de fonds. L’intensification de la crise et sa propagation vers les
pays émergents relativement épargnés jusqu’au milieu de 2008 rendent caduque
l’éventualité d’un découplage des économies émergentes.
74
FMI (2008b)
75
Idem
76
Les fonds souverains sont des fonds d’investissement publics alimentés par l’épargne nationale.
77
FMI (2008b)
78
Idem
79
BCE (2008)
65
L’entrée en crise des pays émergents où sont domiciliés la plupart des fonds souverains
porte un coup de frein à la recapitalisation des banques.
En outre, les fortes tensions sur les marchés des capitaux se traduisent par une forte chute
du prix des actions. La perspective d’une augmentation des fonds propres à travers
l’émission d’actions nouvelles paraît peu réaliste parce que d’une part, dans un contexte où
les marchés financiers affichent une tendance baissière, le montant des capitaux qui peut
être potentiellement levé sera probablement très en deçà des attentes des banques et
d’autre part, les investisseurs se montrent peu enclins à investir dans des titres en chute
libre.
La dégradation de la situation sur le marché des capitaux porte un coup d’arrêt à la
recapitalisation et contrarie les plans de deleveraging des banques s’employant à restaurer
leurs ratios de solvabilité.
Dès lors, les banques doivent explorer de nouvelles pistes pour renforcer leurs fonds
propres, parmi elles, la rétention des dividendes.
Globalement, les banques sont réticentes quand il s’agit de se livrer à la rétention des
dividendes car elle constitue généralement un mauvais signal adressé aux marchés, qui
peuvent en retour, sanctionner les titres des institutions financières qui pratiqueraient
pareille mesure.
En outre, la baisse de la profitabilité bancaire réduit la possibilité de recourir à la rétention
des dividendes pour renflouer les fonds propres.
Durant les neuf premiers mois de 2008, la rentabilité financière80 moyenne des grands
groupes bancaires a fortement chuté suite aux pertes enregistrées. La rentabilité financière
moyenne au cours des trois premiers trimestres de 2008 a chuté à 2%, alors qu’elle
s’établissait à 13,4% en 200781.
En résumé, la recapitalisation est apparue insuffisante, d’une part et d’autre part, elle fut
brève du fait de l’intensification de la crise et par suite, de la raréfaction des apporteurs de
fonds.
A l’automne 2008, la crise atteint son paroxysme suite à la faillite de Lehman Brothers,
l’exigence du deleveraging se fait alors plus pressante.
La faillite de Lehman exacerbe les tensions sur le marché monétaire ; dans l’impossibilité de
se refinancer, les institutions financières multiplient leurs liquidations d’actifs pour honorer
leurs engagements, le deleveraging change de nature et d’ampleur, il devient systémique.
80
La rentabilité financière, encore appelé RoE, (pour Return on Equity) est obtenue en effectuant le rapport
entre le profit net après impôt et les fonds propres.
81
BCE (2008)
66
3) Deuxième phase du deleveraging : la crise de liquidité sur le marché monétaire et ses
conséquences systémiques
La faillite de Lehman Brothers a sans nul doute constitué le tournant de la crise.
Cette faillite a eu pour conséquence immédiate d’accroître la défiance sur les marchés
financiers, défiance qui s’est traduite par l’augmentation considérable des primes de risque
ou spreads sur le marché monétaire.
Cette défiance accrue sévit sur tous les marchés financiers.
Sur le marché des CDS dans lequel Lehman Brothers tenait un rôle essentiel, les primes de
CDS ont connu un bond sans précédent, reflétant la hausse du risque de contrepartie.
Sur le marché interbancaire, on assiste littéralement à une rétention des liquidités qui a
porté les spreads interbancaires à des sommets historiques.
Sur le marché monétaire, particulièrement celui du repo, les tensions se traduisent par une
augmentation considérable des décotes (haircuts) qui reflète la montée de la perception du
risque de contrepartie. La dégradation de la qualité des collatéraux fournis en garantie
déclenchent instantanément des appels de marge adressés notamment aux hedge funds,
clients des prime brokers, par lesquels ils se voient acculer au deleveraging.
L’emballement des marchés financiers suite à la faillite de Lehman, dans un contexte où
l’illiquidité de marché se double d’une illiquidité de financement qui sévit sur le marché
monétaire renforce l’acuité de la crise de liquidité et annonce un deleveraging massif,
désordonné et systémique.
3.1) La faillite de Lehman Brothers et conséquences sur le marché des CDS
Lehman Brothers, plus que toute autre banque, est l’exemple éloquent d’une banque dont le
bilan reflète les deux vulnérabilités principales, décrites en première partie et qui selon nous
ont conduit à la fragilisation des bilans bancaires : un usage immodéré du levier et une
transformation excessive des échéances qui est la résultante d‘un recours très important à
l’endettement à court terme contracté sur le marché monétaire.
Le levier de Lehman Brothers à la veille de la crise financière avoisinait 30 et plus de 50% de
ses actifs étaient financés par de la dette à court terme82.
Lehman Brothers a survécu de justesse, aux tensions du printemps 2008 qui avaient conduit
à la reprise de Bear Stearns par la banque JP Morgan.
Cet épisode qui aurait pu laisser penser que Lehman Brothers était tirée d’affaire, ne fut
avec le recul que le début d’un sursis entretenu par un deleveraging combinant injections de
capital et liquidations d’actifs. Entre fin février et fin mai 2008, le levier de Lehman est passé
de 32,7 à 24,683, ce deleveraging a été insuffisant au regard de la suite des événements.
82
Zingales (2008)
83
Idem
67
Le 9 septembre 2008, un fonds souverain Coréen du nom de Korea Devlopment Bank qui
était pressentie pour une prise de participation dans le capital de Lehman Brothers s’est
désisté. Le même jour, l’action de Lehman Brothers a chuté de 45%84.
Cette chute vertigineuse de l’action et les doutes émis sur la viabilité de Lehman Brothers lui
ont fermé l’accès au marché monétaire, le dépôt de bilan paraissait dès lors inévitable.
Du 12 au 14 septembre, les tentatives de rachat de l’établissement financier se soldent par
un échec. Le 15 septembre, Lehman Brothers dont l’endettement s’élevait à cette date à
près de 600 milliards USD85, demande à bénéficier de la protection du chapitre 11 de la loi
Américaine sur les faillites.
Ce dépôt de bilan eut de lourdes conséquences sur le marché des CDS sur lequel Lehman
Brothers était très exposé.
3.1.1) Le deleveraging des acteurs du marché des CDS
Les banques ont joué un rôle important dans le marché des CDS (cf. Table 3 p. 27), se
portant à la fois acquéreurs et vendeurs de protection, à des visées spéculatives.
En s’inscrivant dans cette logique, Lehman Brothers a joué un rôle important au sein du
marché du CDS.
Son dépôt de bilan a eu deux conséquences immédiates86 : les contrats signés par la banque
en tant que contrepartie ont été résiliés et les clauses de défaut des CDS référencés sur
Lehman Brothers ont été déclenchées.
Jacquillat & Simon (2008) soulignent que suite à la faillite de Lehman Brothers, les
institutions financières qui avaient vendu de la protection à des contreparties de Lehman
Brothers, ont dû honorer leurs engagements et compenser du montant de la dévalorisation
de la dette de Lehman, les pertes subies par les contreparties qui leur avaient acheté de la
protection. Cette tâche s’annonçait ardue car la dévalorisation de la dette atteignait près de
91% de la valeur nominale87.
Les vendeurs de protection pour honorer leurs engagements procèdent au deleveraging en
liquidant massivement leurs actifs.
Ce deleveraging prend une tournure systémique compte tenu de la forte exposition des
institutions financières en tant que contreparties sur le marché des CDS, les banques et les
hedge funds notamment.
84
Brunnermeier (2008)
85
BRI (2008b)
86
Idem
87
Jacquillat & Simon (2008)
68
La réévaluation du risque, le risque de contrepartie en particulier, accroit la demande de
protection alors que dans le même temps les vendeurs de protection face à la multiplication
des défaillances se retirent en masse du marché des CDS. Il s’ensuit une hausse sans
précédent des primes de CDS (cf. Graphique 10) et une forte corrélation entre le risque de
crédit et le risque de liquidité, auquel sont exposés les vendeurs de protection qui liquident
leurs actifs pour honorer leurs engagements.
Aglietta (2005) analyse en ces termes, les tensions auxquelles sont soumis les vendeurs de
protection : « La liquidation précipitée des actifs par les assureurs en vue d’honorer leurs
engagements renforce le mouvement baissier des marchés financiers. Comme les
évaluations du risque de crédit dans les modèles qui déterminent les prix des CDS
dépendent des cours boursiers des entreprises, la baisse de ceux-ci, augmente les spreads
de CDS et donc la probabilité qu’un plus grand nombre d’événements de crédit se
déclenche. Lorsque le probabilité de défaut de l’entité de référence augmente, les vendeurs
de protection doivent couvrir le risque accru qu’ils portent et donc vendre plus de titres et
relancer le cercle vicieux ».
Graphique 10: Evolution des primes de CDS sur les Institutions Financières Américaines
Source: Brunnermeier (2008)
69
L’onde de choc créé par la faillite de Lehman Brothers atteint rapidement, d’autres acteurs
importants du marché des CDS, en particulier, AIG le premier assureur Américain, qui détient
des positions importantes sur les CDS ce qui lui a valu d’être déclassé par les principales
agences de notations. Le 16 septembre, lendemain de la faillite de Lehman, le prix de
l’action AIG chute de plus de 90%88.
Dans le but d’éviter que se reproduisent les tensions extrêmes observées suite à la faillite de
Lehman Brothers, les autorités monétaires et fédérales Américaines vont rectifier le tir, en
organisant un plan de sauvetage89 au profit d’AIG.
Le sauvetage d’AIG par les pouvoirs publics a apaisé les préoccupations liées aux tensions sur
le marché des CDS, néanmoins, la faillite de Lehman a entraîné une liquidation massive
d’actifs des investisseurs exposés aux titres de dette de Lehman.
3.1.2) Le deleveraging des contreparties de Lehman Brothers
Nous distinguerons ici deux types de contreparties, d’une part, les investisseurs qui ont
acheté des titres de la dette de Lehman Brothers et d’autre part, les contreparties de
Lehman dans le cadre des activités de prime brokerage, les hedge funds notamment qui ont
mis en garantie des actifs auprès de Lehman.
Lehman Brothers, entre autres mode de refinancement, émettait du papier commercial.
L’attrait des investisseurs pour ces titres émis par la banque se justifiait par leur bonne
notation et leur rendement élevé par rapport aux obligations d’Etat.
Suite à la faillite de Lehman, les investisseurs qui avaient acquis ces titres ont encouru de
lourdes pertes90.
Les services de prime brokerage fournis par Lehman Brothers aux hedge funds ont conduit
ces derniers notamment dans le cadre des opérations de repo, à mettre en garantie des
titres auprès de la banque. Suite à la faillite de Lehman, les hedge funds qui lui avaient fourni
des sûretés n’ont pas pu récupérer leurs titres. Ils se voient ainsi priver de titres qui auraient
été mobilisés pour des opérations de repo futures, afin d’alimenter leur levier.
En somme, la faillite de Lehman a installé une forte défiance qui s’est notamment traduite
sur le marché monétaire par une rétention des liquidités, tant sur le marché interbancaire
que sur le marché du repo.
Les difficultés croissantes éprouvées par les banques pour se refinancer entraîne une
dégradation de leur situation financière et perpétuent un deleveraging qui s’effectue dans
des conditions de liquidité de plus en plus dégradées et se révèle moins à même de tenir ses
promesses quant au rétablissement des ratios de solvabilité des banques.
88
Brunnermeier (2008)
89
Ce sauvetage a été coordonné par la Fed qui dès le 16 septembre accorde un prêt de 85 milliards USD à AIG.
Cette aide est étendue à 37 milliards USD en octobre puis 40, en novembre.
90
Un fonds de placement monétaire Américain Reserve Primary Fund a passé en pertes 785 millions USD
d’obligations à court et moyen terme émises par Lehman, qui vont entraîner sa liquidation
70
3.2) La dégradation des conditions sur le marché monétaire et implications sur le
deleveraging
Face aux difficultés croissantes qu’elles rencontrent pour renouveler leur dette à court
terme, les banques liquident massivement leurs actifs en vue d’obtenir des liquidités dont
elles sont privées sur le marché monétaire. En agissant ainsi pour conjurer l’illiquidité de
financement à laquelle elles sont confrontées, les banques aggravent l’illiquidité de marché
par leurs liquidations massives qui entraînent une chute des prix, laquelle appelle de
nouvelles liquidations d’actifs.
Si comme nous venons de le voir l’illiquidité de financement peut conduire à l’illiquidité de
marché, il est des cas où cette dernière peut rétroactivement rendre plus difficile le
refinancement des banques.
Dans le cadre de prêt « collatéralisé », typiquement l’opération de repo, les fonds levés par
la banque sont d’autant plus élevés que la décote est faible. Si la liquidité de marché est
faible, la décote aura tendance à être élevée et réduira d’autant les fonds effectivement
reçus par la banque.
Dans les conditions de tensions extrêmes au lendemain de la faillite de Lehman Brothers,
l’illiquidité de marché et l’illiquidité de financement deviennent dès lors très imbriquées. Les
liquidités devenues rares sont gelées par les banques qui en disposent, de peur d’en
manquer au moment opportun et se retrouver prises au piège dans l’engrenage de
l’illiquidité.
Ces rétentions de liquidités entraînent, entre autres, une explosion des taux interbancaires.
3.2.1) Hausse sans précédent des taux interbancaires
En temps normal, le spread entre le libor91 et le taux sans risque au jour le jour est très
faible. Entre décembre 2001 et l’été 2007, à la veille de l’éclatement de la crise, le spread
entre le libor et le taux au jour le jour s’établissait en moyenne à 11 points de base et
présentait un écart-type de 3,6 points de base, soit une très faible volatilité92.
Au lendemain de la faillite de Lehman, ce spread a culminé à plus de 350 points de base (cf.
Gaphique 11)
91
le libor (London interbank offered rate) est le taux de référence à court terme pour les opérations en dollars
entre banques hors des Etats-Unis
92
Taylor & Williams (2008)
71
Graphique 11 :Evolution spreads interbancaires (LIBOR-OIS)
Source: Financial Services Authority (2009)
Deux explications sont avancées pour expliquer les motifs de cette rétention de liquidités qui
a poussé à la hausse les spreads interbancaires :
 d’une part, les banques conservent des liquidités de précaution en vue de pouvoir
faire face aux chocs de liquidité auxquels elles se verraient confronter ;
 d’autre part, l’assèchement des liquidités sur le marché interbancaire est attribué par
certains aux suspicions sur la solvabilité des banques.
La probabilité accrue du risque de contrepartie a rendu les banques plus réticentes à se
prêter des liquidités entre elles, chacune suspectant l’autre de détenir des actifs toxiques
dans son bilan.
L’analyse de Michaud et Upper (2008) suggère que les préoccupations liées au risque de
crédit ont augmenté à peu près au même moment que l’augmentation des spreads sur le
marché interbancaire, néanmoins leurs études empiriques révèlent que le risque de
contrepartie a un faible pouvoir explicatif sur les fluctuations quotidiennes de la prime de
risque.
72
Par contre, d’autres études soutiennent que le risque de contrepartie a été déterminant
dans la montée des spreads interbancaires.93
3.2.2) le deleveraging sur le marché du repo
Le marché du repo constitue comme nous l’avons vu, une source de financement vitale pour
les institutions financières, les banques d’investissement notamment.
Dans leur activité de prime brokerage, les banques d’investissement finançaient aussi les
opérations à effet de levier de leurs clients, les hedge funds notamment en mettant à leur
disposition des titres obtenus à partir de reverse repos ; permettant ainsi à ces derniers de
mener des opérations de ventes à découvert.
Le financement sur le marché du repo a été une mode de financement privilégié par les
institutions financières, du fait notamment de son caractère faiblement onéreux par rapport
au marché interbancaire, cela tient à une raison simple : les titres apportés par l’emprunteur
et mis en garantie auprès du prêteur sont supposés réduire le risque de contrepartie car en
cas de défaillance de l’emprunteur, ces titres deviennent la propriété du prêteur. Ce risque
de contrepartie dont semble être prémuni le créancier sur le marché du repo demeure sur le
marché interbancaire car les prêts qui y sont consentis ne font pas l’objet de garanties, le
coût du financement y est donc plus onéreux car il rémunère en partie, le risque de
contrepartie supposé faible sur le marché du repo.
Les tensions qui s’abattent sur le marché monétaire à partir de l’été 2007 et qui
s’intensifient au cours de l’automne 2008, n’épargnent pas le marché du repo. De plus ces
tensions entraînent une montée du risque de contrepartie qui se traduit par le relèvement
des haircuts.
En période de tensions, le risque de marché et le risque de contrepartie sont très liés. En
effet, le risque de marché qui s’accroit avec la forte volatilité sur les marchés peut être suivi
de la dépréciation des titres mis en garantie dans le cadre de l’opération de repo. Ce risque
de marché peut vite se transformer en risque de contrepartie si le prêteur n’apporte pas des
garanties supplémentaires ou le cas échéant du cash, pour compenser la perte de valeur des
actifs initialement mis en gage.
Le risque de contrepartie, négligeable en temps normal sur le marché du repo, devient un
risque majeur en cas de fortes tensions sur les marchés dans la mesure où le prix des actifs
mis en garantie, soumis à la forte volatilité sur les marchés, risque d’être altéré.
Pour se prémunir contre le risque de contrepartie, les prêteurs revoient à la hausse la valeur
des haircuts, qui rappelons le représentent des décotes exprimées en points de base et
appliquées sur la valeur de marché des titres mis en garantie.
93
Taylor & Williams (2008)
73
Table 5: Hausse des haircuts (%) appliqués par les prime brokers
Source: FMI (2008b), GFSR
Les tensions sur le marché du repo ont considérablement réduit l’éventail des titres éligibles
pour être fournis comme garanties. Les produits structurés même ceux, jouissant de la note
AAA sont littéralement disqualifiés par les prime brokers qui ne veulent pas prendre le risque
d’accepter comme garanties des titres devenus illiquides.
Entre Avril 2007 et Août 2008, les haircuts appliqués à tous les actifs font des bonds
spectaculaires sauf pour les bons du Trésor Américain dont les haircuts augmentent
légèrement, ce qui montre la forte aversion pour le risque qui anime désormais les prime
brokers. Le marché du repo est marqué par un repli vers la qualité (flight-to-quality)
prononcé.
Les fluctuations du haircut déterminent largement le degré de financement disponible pour
l’emprunteur car la somme effectivement reçue par l’emprunteur est plus ou moins grande
selon que le haircut est faible ou respectivement, élevé.
La hausse du haircut diminue le levier maximal que l’emprunteur peur exercer au cours
d’une opération de repo94.
Adrian, Shin (2008b) illustrent ce propos par l’exemple suivant : si le haircut est fixé à 2%,
l’emprunteur obtient un montant de 98, en présentant en garantie, un titre dont la valeur de
marché est de 100. Le titre d’une valeur de 100 sorti du bilan génère des fonds de 98, la
décote qui s’élève à 2 doit être prélevée sur les fonds propres de l’emprunteur.
94
Adrian, Shin (2008b)
74
Cette opération de repo a ainsi entraîné un effet de levier de 50, le rapport entre la valeur
du titre (100) et la valeur de la décote prélevée sur les fonds propres (2).
Supposons que le haircut passe de 2 à 4%. Le montant du haircut financé par les fonds
propres n’est plus de 2 mais de 4, le levier tombe à 25. L’augmentation du haircut donne
ainsi le signal du deleveraging.
A partir de moment où les marchés deviennent illiquides, les prime brokers d’une part
exigent des garanties de très bonne qualité dont la valeur n’est pas sujette à de fortes
fluctuations et d’autre part, ils relèvent les haircuts.
Le relèvement des haircuts en réponse à la faible liquidité de marché et à l’incertitude sur les
collatéraux rend le financement des institutions plus difficile.
En vue de détenir des actifs de qualité qui seront acceptés par les prime brokers comme
garanties, les institutions financières suspendent leurs investissements sur les produits
structurés et liquident les actifs risqués présents dans leurs bilans. En réponse à l’illiquidité
de financement auxquelles elles sont confrontées sur le marché du repo, les institutions
financières aggravent ainsi l’illiquidité de marché. Cette illiquidité de marché se répercute
de nouveau sur des haircuts poussés à la hausse et ainsi de suite.
Suite aux tensions sur le marché du repo, les transactions se sont fortement contractées. Le
volume journalier moyen de l’encours des contrats de repos et de reverse repos, passe de
6800 milliards USD à 3900 milliards USD, entre 2007 et 2008, soit une baisse de 41,9%95 (Cf.
Graphique 12).
95
Securities Industry and Financial Markets Association (SIFMA) [2009]
75
Graphique 12 : Volume de l’émission journalière moyenne de repos et de reverse repos aux
Etats-Unis( 2001-2008), Source: SIFMA (2009)
La détérioration des rapports entre les prime brokers et les hedge funds s’intensifie, la
multiplication des appels de marge entraîne le deleveraging des hedge funds, lourd de
conséquences d’un point de vue systémique.
3.2.3) le deleveraging des hedge funds
Le levier des hedge funds est financé essentiellement, nous l’avons vu par les prime brokers
qui eux-mêmes retirent une part substantielle de leurs revenus à partir des services qu’ils
fournissent aux hedge funds.
En se livrant une concurrence effrénée, pour recueillir cette « manne » auprès des hedge
funds, les prime brokers vont se montrer laxistes dans l’exigence de garanties et réduire les
décotes appliquées aux hedge funds, sans que ce relâchement ne soit justifié par une
diminution de la prise de risque des hedge funds, loin s’en faut.
Les hedge funds profitant de ce laxisme ont pris des positions de plus en plus risquées,
notamment en investissant dans les produits structurés et dans les dérivés de crédit.
L’éclatement de la crise sur le marché du crédit structuré puis les tensions sur le marché
monétaire qui atteignent leur point culminant au cours de l’automne 2008 suite à la faillite
de Lehman, détériorent la situation financière des prime brokers.
Leurs fortes expositions dans le marché du crédit structuré leur font subir de lourdes pertes.
De même, les tensions extrêmes sur le marché du repo dans lequel les prime brokers jouent
un rôle central réveillent les préoccupations de ces derniers sur le risque de contrepartie
considérable auxquels ils sont exposés vis-à-vis des hedge funds.
76
Pour réduire ce risque de contrepartie, les prime brokers, comme nous l’avons vu ont
brutalement augmenté les décotes et en réponse à la dégradation des collatéraux apportés
par les hedge funds lancent à l’endroit de ces derniers des appels de marge. Le divorce entre
les prime brokers et le hedge funds est consommé
Outre la pression exercée par les prime brokers, les hedge funds sont sur un autre front
harcelés, par les investisseurs qui leur ont confié leurs capitaux. Les investisseurs en retirant
massivement leurs fonds aggravent les conditions financières des hedge funds.
En somme, le hedge funds subissent un double supplice : d’une part les appels de marge des
prime brokers et d’autre part, les retraits de fonds des investisseurs qu’ils vont essayer de
conjurer par un deleveraging important.
3.2.3.1) Le double supplice (appels de marge des prime brokers, retraits de fonds des
investisseurs), signal du deleveraging des hedge funds
Les hedge funds dans le but d’obtenir des liquidités pour financer leurs activités de marché
déposent sous forme de garanties des titres auprès des prime brokers, il s’agit alors comme
nous l’avons évoqué précédemment, de prêts collatéralisés notamment au moyen
d’opérations de repos.
Ce mode de financement comporte en principe pour les prime brokers, un faible risque de
contrepartie dans la mesure où il est accompagné de deux précautions supplémentaires.
D’une part, la pratique de la décote (haircut) sur les titres déposés sous forme de garanties,
et d’autre part, l’exigence faite à l’emprunteur d’apporter des fonds ou titres
supplémentaires si toutefois la valeur des titres déposés devient inférieure à la somme
empruntée (après prise en compte de la décote). En invitant l’emprunteur à compenser la
perte de valeur de ses titres, le prime broker procède ainsi à un appel de marge.
Les produits titrisés acquis par les hedge funds sur le marché du crédit structuré et ces
produits structurés ont été largement mobilisés dans le cadre des prêts collatéralisés.
L’effondrement du prix des produits structurés à partir de l’été 2007 expose les hedge funds
aux appels de marge de leurs prime brokers.
Pour répondre à ces appels de marge qui se font de plus en plus pressants et nombreux, les
hedge funds dans les conditions d’une liquidité de marché fortement dégradée sont
contraints à un deleveraging d’autant plus douloureux que les liquidations d’actifs qu’il
implique concernent essentiellement leurs meilleurs actifs, c'est-à-dire leurs actifs les plus
liquides.
77
Ces liquidations massives accélèrent l’illiquidité sur le marché des produits structurés, celui
des CDOs, notamment.
Dès juin 2007, deux hedge funds qui faisaient massivement appel à l’effet de levier proposé
par Bear Stearns ont du faire face à de lourdes pertes sur leurs portefeuilles d’ABS pesant 20
milliards USD et en partie exposés à des prêts subprime. Les appels de marge de Bear
Stearns ont entraîné la vente d’environ 4 milliards USD, en une semaine, ce qui sur les
difficultés de valorisation des produits structurés et mis à mal la confiance des agents dans
les produits structurés96.
Alors que la pression exercée par les appels de marge ne faiblit pas, les hedge funds doivent
faire face sur un autre front à leurs investisseurs qui demandent massivement à retirer leurs
fonds.
Les difficultés croissantes auxquelles les hedge funds sont confrontés compromettent la
capacité de ces derniers à satisfaire les exigences de rendement de leurs clients. Ces derniers
prennent acte de cette nouvelle donne et décident de retirer leurs fonds. Cette décision
dégrade la situation financière déjà préoccupante des hedge funds.
Pour stopper cette hémorragie, les hedge funds activent des clauses du contrat qui les lient à
leurs clients qui stipulent que les montants retirés au cours d’un trimestre ne peuvent
excéder un plafond fixé à 10% des fonds apportés97.
Ces mesures auront un effet limité entre juin 2007 et août 2008, près de 62 faillites de hedge
funds sont répertoriées98. De plus les fonds propres déclinent de 29% entre avril 2008 et
octobre 200899.
Le double supplice auquel les hedge funds sont confrontés rend inéluctable le deleveraging
massif des hedge funds.
96
Praet, Herzberg (2007)
97
FMI (2008b), GFSR, p.41
98
Idem
99
FSA (2009)
78
Graphique 13 : Evolution du levier de hedge funds Sept 2006-Oct 2008
Source: BCE (2008)
Le levier des hedge funds chute brutalement à partir de l’été 2007 (cf. Graphique 13).
A partir de l’automne 2008, une majorité de hedge funds déclaraient avoir un levier qui se
situait en-dessous de 1.
Les hedge funds par leur deleveraging et par la multiplicité de leurs contreparties ont été de
puissants vecteurs du risque systémique.
3.2.3.2) Risque de contrepartie et Risque systémique du deleveraging des hedge funds
Le principal canal de transmission du risque systémique est l’exposition au risque de
contrepartie100.
En finançant massivement le levier des hedge funds, les prime brokers se sont exposés à un
risque de contrepartie considérable.
Le risque de contrepartie des prime brokers vis-à-vis des hedge funds a quatre sources
principales101 : les prêts de titres aux hedge funds qui permettent à ces derniers d’effectuer
des ventes à découvert (short selling), les reverse repos, les opérations sur dérivés (CDS
notamment) et les ouvertures de lignes de crédit.
100
Hildebrand (2007)
101
Blundell-Wignall (2007a)
79
Fin 2007, l’exposition des prime brokers vis-vis des hedge funds s’élevait à 1300 milliards
USD soit 33% de leur exposition totale102.
A partir du moment où sont apparues les tensions sur les marchés financiers, les prime
brokers eux-mêmes soumis à de fortes tensions cherchent à réduire le risque de
contrepartie en lançant des appels de marge.
Les prime brokers par leurs appels de marge forcent ainsi les hedge funds à liquider leurs
actifs, il s’ensuit un deleveraging systémique qui exerce une pression à la baisse des cours.
Cette baisse est d’autant plus importante que les positions sont concentrées et les pertes
liées à la liquidation de ces positions se traduisent par une baisse significative de la
liquidité103.
Le débouclement en chaîne des positions est le principal mécanisme qui permet de
transférer les risques d’une institution financière à une autre et donne naissance à la crise
systémique104.
La forte présence des hedge funds sur le marché des CDS a aussi constitué une source
supplémentaire de risque de contrepartie.
En effet, les banques en transférant le risque de crédit vers les hedge funds qui leur ont
vendu des CDS, se sont exposés à un nouveau risque de contrepartie. Lors de l’achat de
protection auprès d’un hedge fund, la banque transforme le risque de crédit sur
l’emprunteur initial en un risque de contrepartie vis-à-vis du hedge fund105.
Le risque de crédit que les institutions financières estimaient à tort, avoir transféré au hedge
funds s’est en réalité transformé en risque de contrepartie vis-à-vis de ces derniers, qui, pour
honorer leurs engagements et compenser les pertes des contreparties à qui ils avaient
vendu de la protection sont de nouveau contraints au deleveraging.
Ferguson & Laster (2007), distinguent deux autres canaux du risque systémique : la
convergence des styles des hedge funds et la superposition du levier.
102
Blundell-Wignall (2008)
103
Cole et al. (2007)
104
C’est précisément le type d’enchaînements qui s’était produit avec la quasi-faillite de LTCM au cours de
l’automne 98, le pire a été évité de justesse car en l’absence de renflouement de hedge fund, ses 17
contreparties auraient perdu collectivement entre 3 et 5 milliards USD. (Ferguson, Laster (2007))
105
Cole et al. (2007)
80
En effet, bon nombre de hedge funds ont choisi des modèles et des styles de négociation
analogues, en allant tous dans le même sens pour dénouer leurs positions, ils déstabilisent
fortement le marché et aggravent le risque de l’illiquidité de marché.
La superposition de l’effet de levier par les hedge funds comporte de même une source
potentielle de risque systémique. L’importance de l’effet de levier des hedge funds amplifie
le mouvement baissier du marché.
Plus le levier est élevé, plus sa diminution forcée entraîne des ventes en détresse d’actifs
(fire sales)
81
Conclusion
La crise financière, initialement qualifiée de crise des subprimes en référence à ce
compartiment du marché hypothécaire Américain dans lequel elle a pris naissance, va
rapidement prendre l’aspect d’une profonde crise de liquidité qui résulte de la défiance
généralisée qui règne sur les marchés financiers.
Cette défiance généralisée a joué un rôle prépondérant dans l’ampleur de la crise financière.
La défiance des agents a doublement aggravé la crise.
D’une part, en introduisant une illiquidité de marché dans la mesure où ses derniers se
rabattent massivement sur les actifs hautement liquides (flight to quality) et sanctionnent
les produits structurés dont la structure complexe, ne permet pas aux agents de savoir s’ils
sont ou non adossés à des actifs de qualité, il s’ensuit une liquidation massive et non
discriminée de ces produits, réduits ainsi à l’illiquidité.
D’autre part, on assiste à une rétention des liquidités face à la montée du risque de
contrepartie et les agents par défiance souvent injustifiée privent de liquidités des agents
solvables, entraînant ainsi la montée de l’illiquidité de financement.
Autrement dit, chaque agent qui manifeste cette défiance pour solutionner ou prévenir les
chocs de liquidité qui se présentent à elle, entraîne à l’échelle du système financier, une
aggravation de la crise de liquidité.
Confrontées à ces chocs de liquidités, les institutions financières vont procéder à un
deleveraging massif qui se révèle contreproductif car voulant prévenir un risque
d’insolvabilité à leur échelle individuelle, elles aggravent à une échelle systémique, le risque
d’illiquidité.
La frontière entre le risque d’insolvabilité entre le risque d’illiquidité, nous le voyons est
ténue, toujours est-il qu’il est illusoire de penser que la question de la solvabilité des
banques peut-être résolue en différant le traitement des problématiques liées au risque
d’illiquidité, chantier encore en friche.
La nouvelle réglementation de Bâle est porteuse d’avancées significatives sur le risque
d’insolvabilité des banques mais pour ce qui est des questions afférentes à la liquidité, mises
en lumière par la crise, Bâle II a rendu copie blanche ou presque !
82
Annexe 1 : Estimation des pertes et dépréciations d’actifs
1) Les estimations du FMI
Les montants sont en milliards de dollars.
Annexe 1 (Suite)
83
2) Les estimations de la Banque d’Angleterre (Bank of England)
84
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89
Tables des Matières
Introduction
générale…………………………………………………………………………………………………………….6
I) Aux sources du recours immodéré au levier, de la sous-capitalisation et de la fragilisation
des bilans…………………………………………………………………………………………………………………………12
1) Facteurs Macroéconomiques…………………………………………………………………………………………12
1.1) Facteurs exogènes………………………………………………………………………………………………………12
1.2) Facteurs endogènes……………………………………………………………………………………………………13
2) Facteurs Microéconomiques……………………………………………………………………………………………14
2.1) Le modèle de l’originate-to-distribute............................................................................15
2.1.1) Fonctionnement de la titrisation…………………………………………………………………………15
2.1.1.1) Le pooling…………………………………………………………………………………………………………….15
2.1.1.2) L’offloading …………………………………………………………………………………………………………16
2.1.1.3) Le tranching………………………………………………………………………………………………………16
2.1.2) Intérêts de la titrisation ……………………………………………………………………………………………16
2.1.2.1) La titrisation, facteur de transfert du risque……………………………………………………………17
2.1.2.2) La rémunération des acteurs de la chaîne de titrisation…………………………………………17
2.1.3) Interaction entre Titrisation et Effet de levier…………………………………………………………20
2.1.3.1) Les SIVs, le levier et la titrisation……………………………………………………………………………20
2.1.3.2) Les hedge funds, le levier et la titrisation……………………………………………….................23
a) Description sommaire des hedge funds…………………………………………………………………………23
b) Le levier des hedge funds et les instruments de transfert du risque………………………………25
90
2.2) La transformation excessive des échéances : origines et ampleur………………………………30
2.2.1) Causes structurelles du développement du wholesale funding………………………………30
2.2.2) Financement de gros sur le marché monétaire : cas du marché du repo
2.2.2.1) Fonctionnement du marché du repo………………………………………………………………………30
2.2.2.2) Interaction entre repo et effet de levier…………………………………………………………………31
2.2.3) La transformation excessive des échéances (maturity mismatch)……………………………35
2.2.3.1) La transformation des échéances des banque………………………………………………………37
2.2.3.2) La transformation des échéances des SIVs……………………………………………………………38
2.3)
Les nouveaux standards de la gestion du risque : cas de la Value-at-Risk (VaR)………39
2.3.1) La VaR : principes généraux……………………………………………………………………………………39
2.3.2) Interaction entre la VaR et l’effet de levier……………………………………………………………41
II) Du deleveraging des acteurs du marché du crédit structuré au deleveraging systémique.45
1) Le prélude du deleveraging : des fortes dépréciations à la crise de liquidité…………………45
1.1) L’éclatement de la crise………………………………………………………………………………………………45
1.2) Les pertes et dépréciations subies par les institutions financières ………………………………47
1.2.1) Les pertes directes liées aux crédits hypothécaires……………………………………………………47
1.2.2) Les pertes liées à la valorisation aux prix du marché (mark-to-market losses)……………48
1.3) Le rôle de la comptabilité en valeur de marché……………………………………………………………50
1.4) Promesses non tenues du transfert du risque et remise en cause du modèle OTD……52
1.4.1) Le transfert du risque de crédit : un double leurre……………………………………………………52
1.4.2) Le processus de titrisation émaillé d’asymétries d’informations………………………………53
91
1.4.3) Le déclin de la titrisation au lendemain de l’éclatement de la crise……………………………55
1.5) La crise de liquidité, annonciatrice du deleveraging…………………………………………………56
2) Première phase du deleveraging, en réponse à la dégradation du bilans des acteurs du
marché du crédit structuré…………………………………………………………………………………………………59
2.1) Le deleveraging, consécutif à la reconsolidation des SIV………………………………………………62
2.2) Un deleveraging par recapitalisation insuffisant et de courte durée……………………………64
3) Deuxième phase du deleveraging : la crise de liquidité sur le marché monétaire et ses
conséquences systémiques…………………………………………………………………………………………………66
3.1) La faillite de Lehman Brothers et conséquences sur le marché des CDS………………………66
3.1.1) Le deleveraging des acteurs du marché des CDS………………………………………………………67
3.1.2) Le deleveraging des contreparties de Lehman Brothers……………………………………………69
3.2) La dégradation des conditions sur le marché monétaire et implications sur le
deleveraging…………………………………………………………………………………………………………………70
3.2.1) Hausse sans précédent des taux interbancaires…………………………………………………………70
3.2.2) le deleveraging sur le marché du repo………………………………………………………………………72.
3.2.3) le deleveraging des hedge funds………………………………………………………………………………75
3.2.3.1) Le double supplice, signal du deleveraging des hedge funds....................................76
3.2.3.2) Risque de contrepartie et Risque systémique du deleveraging des hedge fund……78
Conclusion ………………………………………………………………………………………………………………………81
Annexes ……………………………………………………………………………………………………………………………..82
Bibliographie …………………………………………………………………………………………………………………84
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