préhension et d’explication qui est à l’origi-
ne de la nécessité de s’en occuper sans cesse
et dans le sens d’Agamben, de devoir cher-
cher, seulement avec modestie, des «points
de repères» 3.
Cet article contient le portrait sommaire
d’un groupe de SS4qui ont mis en œuvre
l’extermination massive à Auschwitz5. A
cette fin, une méthode micro-historique -
semblable à l’histoire du quotidien - a été sui-
vie, en posant la question de la contribu-
tion des différents individus au massacre
collectif et à la manière dont ils commet-
taient leurs actes criminels (chap. 2). Leur vie
quotidienne sera également présentée (chap.
3). En soulignant le rôle de l’individu,
comme chez Christopher R. Browning et
Daniel J. Goldhagen6qui ont examiné les
commandos d’exécution à l’Est, les per-
sonnages paraissent en tant que «sujets»,
c’est à dire en tant qu’acteurs autonomes.
Cependant, je ne veux pas ignorer que des
individus sont également toujours des
«objets» évoluant dans un environnement
fixe avec une marge de manœuvre limitée7.
En procédant de cette manière, il est plus
facile d’établir les questions sur l’organisation
de l’extermination (chap. 2), sur le milieu
social des criminels (chap. 4), sur leur idéo-
logie (chap. 5) et sur leur marge d’action
(chap. 6) dans le cadre de l’histoire structu-
relle pratiquée jusqu’à présent par la majo-
rité des scientifiques. Evoquant la question
de la motivation de leurs actes, de leurs réac-
tions et de leurs stratégies de légitimation -
une question récurrente - la perspective de
l’histoire des mentalités sera également abor-
dée.
En liant les perspectives micro- et macro-his-
toriques, on conçoit les criminels comme
des acteurs qui n’agissent ni exclusivement
de leur propre initiative, ni comme de pures
marionnettes. Les acteurs étaient simulta-
nément objet et sujet. Ils percevaient leur
réalité et en même temps la produisaient. Il
faut montrer dans quelle mesure les acteurs
pouvaient agir et comment ils utilisèrent
cette «marge de manœuvre».
Une des raisons pour lesquelles la recherche
historique n’a accordé que peu d’attention au
personnel des camps de concentration jus-
qu’à présent est due à la difficulté de remon-
ter aux sources. Certes dans le
«Reichssicherheitshauptamt» (RSHA, admi-
nistration centrale de la sécurité du Reich)
comme à Auschwitz même, une adminis-
tration bureaucratique tenait une compta-
bilité scrupuleuse (masquée le plus souvent
sous des termes la dissimulant), mais ces
documents furent pour la plupart délibé-
rément détruits lorsque la défaite se profila8.
Les rares journaux intimes, les lettres et
mémoires des SS9, les documents du per-
sonnel du Führer10, les témoignages devant
les autorités d’enquête et les tribunaux pen-
dant le procès d’Auschwitz11, ainsi que les
ordres du camp et de la kommandantur
presque entièrement conservés12, permet-
tent de reconstruire une image détaillée et
surprenante du quotidien à Auschwitz et
d’accumuler des indications sur la mentali-
té des criminels. Chacun de ces types de
sources a ses avantages et ses désavantages
caractéristiques mais ont en commun d’être
tous rédigés pour des motifs extrêmement
spécifiques et sous des perspectives subjec-
tives. Ils doivent être interprétés selon les
règles de l’herméneutique, être lus d’une
manière très critique, et comparés les uns aux
autres. Pour cela, les témoignages publiés
des prisonniers du Sonderkommando13
(écrits d’Auschwitz14, mémoires de l’im-
médiat après-guerre15, interviews des années
1980 dans le cadre de l’histoire orale16, témoi-
gnages devant des enquêteurs) et d’autres pri-
sonniers d’Auschwitz qui étaient en contact
immédiat avec les SS à Birkenau sont d’une
valeur inestimable. Ces sources nous don-
nent un grand avantage sur Goldhagen et
Browning en ce qui concerne l’analyse du
BULLETIN TRIMESTRIEL DE LA FONDATION AUSCHWITZ - DRIEMAANDELIJKS TIJDSCHRIFT VAN DE AUSCHWITZ STICHTING
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