L`Asie émergente et la libéralisation du compte de capital

Diagnostics Prévisions
et Analyses Économiques N° 93 – Déc. 2005
L'Asie émergente et la libéralisation du compte de capital1
Au cours des années 1980-1990, l'ouverture du compte de capital aux investisseurs étrangers a progres-
sivement été recherchée par un nombre croissant de pays asiatiques, l'afflux de capitaux permettant, en
théorie, de réduire le coût du capital, d'accroître l'investissement et donc le taux de croissance de l'économie.
Pourtant, la libéralisation financière en Asie a joué un rôle décisif dans la crise de 1997, provoquant un ajuste-
ment brutal des économies de la zone, situation qu'elles ne sont parvenues à surmonter que plusieurs années
plus tard.
Si la libéralisation du compte de capital n’est pas la cause des comportements inefficaces susceptibles
de déclencher une crise, elle joue néanmoins un rôle central. Elle peut en effet amplifier les effets déstabi-
lisateurs d’une régulation et d’une supervision insuffisantes du secteur financier, d’une politique macro-écono-
mique déséquilibrée ou d’une distorsion importante des mécanismes de marché.
L’expérience asiatique illustre la prudence avec laquelle doit être appréhendée la question de la libéra-
lisation des flux de capitaux. L'analyse rétrospective de cette période permet de tirer plusieurs
enseignements :
Une grande ouverture aux capitaux étrangers, dans une économie dotée d'infrastructures financiè-
res peu développées, a un fort effet procyclique. La capacité d'intermédiation du système bancaire et la
profondeur des marchés financiers sont des conditions nécessaires à la libéralisation des flux de capitaux.
Dans le cas où ces conditions ne sont pas respectées, un contrôle temporaire des capitaux à titre de préven-
tion ou de résolution des crises est envisageable si son objectif est d’apporter à l’économie des financements
plus stables.
La crise a conduit les pays asiatiques à une défiance forte envers l'endettement extérieur, lequel a de fait dimi-
nué dans quasiment tous les pays émergents de la région. Les positions du FMI, avant et pendant la crise, res-
tent très critiquées localement, ce qui explique en partie les stratégies de constitution de réserves de change et
les progrès de la coopération financière régionale.
La nature du régime de change et son articulation avec la politique monétaire doivent être particu-
lièrement prises en compte pour évaluer l'opportunité d'une ouverture financière plus importante :
la poursuite de la libéralisation des comptes de capital et l'adoption d'une politique monétaire autonome exi-
gent des taux de change flexibles.
1. Ce document a été élaboré sous la responsabilité de la Direction Générale du Trésor et de la Politique Économique et ne reflète pas nécessairement
la position du Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.
2
Déc. 2005 n°92 Influence de la fiscalité sur les comportements d’épargne, Maud Aubier, Frédérier Cherbon-
nier, Daniel Turquety
Nov. 2005 n°91 La présence française en Asie, Stéphane Cieniewski
n°90 Prix de l’Immobilier Résidentiel et Spère Financière, Sébastien Hissler
n°89 Un bilan de l’émission des obligations françaises indexées sur l’inflation, Benoît Coeuré,
Nicolas Sagnes
Oct. 2005 n°88 Perspectives d’élargissement de la zone euro, Vanessa Jacquelain
n°87 Les externalités budgétaires dans la zone euro, Benjamin Carton
n°86 Le rôle du raffinage dans l’évolution récente des prix à la pompe, Julie Muro
Sept. 2005 n°85 La situation économique mondiale à l’automne 2005, Nathalie Fourcade
n°84 Taux d’actualisation public et calcul économique, Fabien Delattre, Adrien Véron
n°83 Évolution de l’emploi public en France et au Royaume-Uni depuis 1980 : éléments de
comparaison, Patrick Taillepied
n°82 Pourquoi le solde commercial américain a-t-il continué de se dégrader depuis 2002 mal-
gré la dépréciation du dollar ? Pierre Beynet, Éric Dubois, Damien Fréville, Alain Michel
n°81 Politique familiale et taille de la famille, Maryse Fesseau, Layla Ricroch
Août 2005 n°80 Y-a-t’il un excès de liquidité ? Benjamin Delozier, Sébastien Hissler
Juil. 2005 n°79 Performances de la France à l’international : état des lieux et enjeux à moyen terme,
Bruno Valersteinas
n°78 La hausse du prix des matières premières vue d’Asie, Hubert Frédéric
n°77 Réforme du marché du travail : les exemples de l’Espagne et du Danemark,
Stéphane Carcillo
Juin 2005 n°76 Les conditions monétaires et financières courantes et passées dans la zone euro et aux
États-Unis, Mickaël Le Mestric, Fabrice Montagné
n°75 Les indicateurs de la politique monétaire, Fabrice Montagné
n°74 Mesurer l’inflation sous-jacente en zone euro, Jean-Marie Fournier
Sommaire
des derniers numéros parus
3
1. La libéralisation du compte de capital
1.1 Définition et cadre théorique
Il existe plusieurs degrés d'ouverture du compte de
capital. Les restrictions peuvent être levées sur l'entrée
de capitaux étrangers mais aussi sur la sortie de l'épar-
gne nationale. Elles peuvent concerner les investisse-
ments directs, les investissements de portefeuille
(actions et obligations) et les prêts bancaires. L'ouver-
ture aux investissements directs étrangers fait moins
débat car, plus stable, elle porte un risque de change
plus faible et contribue d'une manière plus directe à la
croissance et à l'emploi. En revanche, la libéralisation
des autres types de flux financiers est plus controver-
sée car elle peut comporter un risque de retournement
brutal de la balance des capitaux et d’effondrement de
l'activité économique.
En théorie, la libéralisation du compte de capital pré-
sente nombre d’avantages pour les pays émergents.
Elle permet d’accélérer la convergence économique
en donnant accès à l'épargne mondiale. Elle permet
aussi d’augmenter la résistance de l'économie face aux
chocs exogènes en facilitant la diversification secto-
rielle. Elle contribue enfin à améliorer l’efficacité du
système bancaire en renforçant la concurrence et donc
à baisser les coûts de financement. En outre, les inves-
tissements directs étrangers (IDE) facilitent les trans-
ferts de technologie. L’impact direct sur les résidents
d’une libéralisation du compte de capital est aussi à
prendre en compte car elle leur permet de diversifier
leurs investissements de portefeuille et de lisser ainsi
l’impact du cycle économique sur leur niveau de con-
sommation.
Cependant l’imperfection de l’information sur ces
nouveaux marchés financiers combinée à des méca-
nismes de régulation et de supervision insuffisants
favorise les comportements moutonniers aux effets
amplificateurs potentiellement dévastateurs. Cela crée
aussi des conditions propices à l'émergence de problè-
mes d'aléa moral : les investisseurs prennent des ris-
ques excessifs, anticipant que l’État viendra au secours
des entreprises et des institutions financières en diffi-
culté.
La littérature a longtemps eu du mal à identifier empi-
riquement l'impact de la libéralisation du compte de
capital sur la croissance2 car l’effet des crises financiè-
res (peu fréquentes mais à l'impact très important sur
la croissance) neutralisait dans les régressions écono-
métriques l'impact positif sur l'investissement3. Des
travaux plus récents4 qui utilisent des techniques éco-
nométriques plus avancées permettent de dissocier les
deux effets et semblent confirmer l'impact positif de
la libéralisation financière (interne et externe) sur la
croissance en dehors des périodes de crises financiè-
res. L’impact théorique de la libéralisation du compte
de capital a été quantifié5 grâce à un modèle d'équili-
bre général. L’étude conclut qu'il est positif mais
modeste, conduisant à une augmentation permanente
de la consommation de 1%. Les conclusions de cette
littérature tendent donc progressivement à se clarifier.
La recommandation adressée aux gouvernements des
pays émergents est de limiter préalablement les risques
de crise financière afin de garantir un impact positif
(bien que vraisemblablement modéré) de la libéralisa-
tion du compte de capital sur la croissance économi-
que.
A ce stade, il convient de remarquer que la libéralisa-
tion du compte de capital n'est pas la cause des com-
portements inefficaces susceptibles de déclencher une
crise. Elle joue cependant un rôle central car elle
amplifie les effets déstabilisateurs d'une régulation et
d'une supervision insuffisantes du secteur financier,
d'une politique macroéconomique déséquilibrée ou
d'une distorsion trop importante des mécanismes de
marché (telles les subventions fournies de manière
récurrente par l'État aux entreprises publiques struc-
turellement déficitaires).
L'augmentation de l'offre de capitaux combinée à la
volatilité accrue de la valeur des actifs peut amplifier
les déséquilibres des comptes des organismes finan-
ciers, et avoir ensuite des conséquences très néfastes
sur l'économie réelle si le système bancaire vient à
s'effondrer : c'est le phénomène «d'accélérateur finan-
cier». Plus précisément, l'afflux de capitaux tend à aug-
menter la valeur d'actifs à caractère spéculatif (actions
des sociétés cotées, immobilier), lesquels sont utilisés
pour garantir des emprunts bancaires. Si leur valeur
s'effondre (éclatement d'une bulle spéculative, conta-
gion financière), on assiste alors à une contraction
massive du crédit et de l'économie réelle. La libéralisa-
tion du compte de capital peut, en outre, aggraver les
déséquilibres macroéconomiques en permettant à un
gouvernement de maintenir des niveaux de déficit
public supérieurs à ceux qu'aurait permis une situation
d'autarcie. Enfin, l'ouverture du compte de capital
facilite la contagion financière en provenance d'autres
économies.
La libéralisation du compte de capital n'aug-
mente donc l'efficacité économique que
lorsqu'elle est associée à des politiques macroé-
conomiques équilibrées et à une stratégie visant
2. voir D. Rodrik (1998) «Who Needs Capital Account Convertibi-
lity?» in Peter Kenen (ed.), Should the IMF Pursue Capital
Account Convertibility? Essays in International Finance n°207,
Princeton. ainsi que B. Eichengreen (2001) «Capital Account Libe-
ralization : What Do Cross Country Studies Tell Us ?», The World
Bank Economic Review, vol 15 n°3, 341-365.
3. De plus, le caractère endogène du contrôle des capitaux couplé à la
difficulté d'en faire une mesure objective ont compliqué l'exercice
et souvent abouti à des résultats contradictoires.
4. N. Loayza et R. Rancière (2005) «Financial Development, Finan-
cial Fragility and Growth», IMF Working Paper n°05/170 ainsi que
A. Razin et Y. Rubinstein (2004) «Evaluation of Exchange Rate
and Capital-Market Liberalization Regimes in the Presence of Sud-
den Stops», Working paper, Tel Aviv University.
5. P.O. Gourinchas et O. Jeanne (2003) «the elusive benefits from
international financial integration», NBER working Paper 9684.
4
à limiter les dérives du système financier nées de
l'imperfection de l'information. Elle doit donc être
mise en œuvre par étapes et suivant une logique adap-
tée à la situation de chaque pays.
1.2 Les conditions théoriques de mise en œuvre
La littérature a cherché à identifier les conditions de
mise en œuvre permettant de limiter les risques asso-
ciés à la libéralisation du compte de capital. Elles peu-
vent être classées en cinq catégories :
Le régime de change doit être flexible afin de
permettre à l'économie de s'ajuster plus facilement
à d'éventuels chocs exogènes.
L'environnement macroéconomique doit être
stable car des politiques monétaire et budgétaire
incompatibles avec l'équilibre de la balance des
paiements engendreraient des pressions importan-
tes sur le compte de capital. Une situation consis-
tant à libéraliser le compte de capital dans l'espoir
de compenser un déficit du compte courant serait
très risquée6.
Le système financier doit être en mesure de
jouer son rôle d'intermédiation et d'évaluer
son exposition au risque de crédit. Pour ce
faire, il doit être soumis à un niveau minimum de
régulation et de supervision, à des normes strictes
en matière d'audit de comptes, de transparence et
de diffusion de l'information financière. Il est sou-
haitable de repousser l'ouverture du compte de
capital si une partie importante du système ban-
caire est insolvable car la compétition avec les ins-
titutions financières étrangères réduirait les marges
et pousserait ces banques à la faillite induisant un
risque systémique et la possibilité d'une contagion
au secteur réel (comme cela s'est passé pendant la
crise asiatique).
Les instruments de marché doivent présenter
un niveau de développement suffisant, en parti-
culier pour la gestion de la dette publique et du
marché monétaire. Les autorités doivent disposer
des outils permettant d'intervenir de manière
rapide et efficace afin de lisser les évolutions du
marché et lutter contre les chocs exogènes.
Le contexte politique doit aussi être pris en
compte. En particulier, la possibilité d'accords
implicites de renflouement («bailing out») des prin-
cipales banques et entreprises du pays doit être soi-
gneusement étudiée afin d'éviter, en ouvrant le
compte de capital, d'aggraver le risque d'aléa
moral.
La politique d'un État en matière de contrôle des capi-
taux doit par ailleurs être confrontée au cadre d'ana-
lyse du «triangle des incompatibilités»7. Selon la
théorie développée par R. Mundell dans les années
1960, la libéralisation du compte de capital implique
soit la flexibilité du taux de change, soit une perte
d'autonomie de la politique monétaire. La situation
actuelle de la Chine, par exemple, rend difficile
une libéralisation rapide et poussée : le taux de
change est rigide et les canaux de transmission
de la politique monétaire chinoise (encadrement
du crédit et marché monétaire peu développé) fonc-
tionnent de manière imparfaite et le système
financier n’est pas en mesure de gérer efficace-
ment l’épargne chinoise.
1.3 L'évolution de la position du FMI
La libéralisation du compte de capital ne fait pas par-
tie, contrairement à celle du compte courant, du man-
dat officiel confié au FMI, bien qu'une tentative ait été
effectuée pour amender les statuts en ce sens dans les
années 1990. L'absence de conclusions fermes de la
littérature et le manque de clarté des objectifs officiels
de l'institution ont contribué à brouiller le message,
comme le note le rapport du Bureau indépendant
d'évaluation du FMI en 2005.8
La position du FMI s'est infléchie au cours de la
décennie 1990 au gré des crises et des expérimenta-
tions sur le contrôle des capitaux. Le Fonds était ini-
tialement très favorable à la libéralisation rapide du
compte de capital car la discipline du marché devait
s'appliquer et permettre une meilleure allocation du
capital favorisant ainsi la croissance.
La crise asiatique mais aussi le succès du contrôle des
capitaux mis en place par le Chili en 1991 ont progres-
sivement convaincu l'institution qu'une vision moins
extrême était plus réaliste. C'est dans ce contexte
qu'est apparue l'idée d'une libéralisation ordonnée du
compte de capital. Elle est présentée aujourd'hui par
les services comme un élément important d'une
approche plus globale qui prévoit le renforcement
concomitant du système financier et la mise en œuvre
de politiques macroéconomiques équilibrées.
La position actuelle du FMI se veut beaucoup plus
pragmatique que par le passé car il est maintenant
admis qu'il n'y a pas de recette miracle pour la libérali-
sation du compte de capital, son succès dépendant des
circonstances particulières de chaque pays. Le Bureau
indépendant d'évaluation relève d'ailleurs dans son
rapport de 2005 que la position récente de l'institution
sur cette question a varié en fonction des pays, allant
de l'encouragement à libéraliser jusqu'au soutien aux
contrôles temporaires des capitaux dans certains cas
(Philippines).
La stratégie générale prônée aujourd'hui par le
FMI repose sur l'ouverture séquentielle du
compte de capital. Elle consiste, dans un premier
6. Il convient d'éviter la situation des années 1990 qui a vu l'afflux de
capitaux permettre à certains pays asiatiques de maintenir des défi-
cits courants très élevés (8% du PIB en Thaïlande en 1996).
7. Le «triangle des incompatibilités» désigne l'impossibilité pour un
pays de bénéficier à la fois de la liberté de circulation des capitaux,
d'un taux de change fixe et d'une politique monétaire autonome.
8. Independent Evaluation Office (2005) «IEO Report on the Evalua-
tion of the IMF's Approach to Capital Account Liberalization».
5
temps, à libéraliser l'entrée des investissements directs
étrangers puis la dette à long terme pour finir par la
dette à court terme afin de limiter les risques de
retournement brutal des flux de capitaux et laisser le
temps aux autorités de remplir les critères énumérés
dans la partie précédente. Le FMI insiste sur le fait
que la libéralisation du compte de capital peut
favoriser l'ouverture et la modernisation du sec-
teur financier et que les deux peuvent donc être
prudemment menés de front se renforçant l'une
et l'autre.
La séquence recommandée par les services du FMI se
déroule en trois étapes : libéralisation des flux entrants
de capitaux les moins volatils (Investissements
directs) tout en réformant le système financier, puis
libéralisation des flux sortants les moins volatils et des
autres flux entrant pour terminer par les flux de court
terme (cf. graphique 1 ci-dessous)
Graphique 1 : shéma de l’ouverture séquentielle du
compte de capital
Source : FMI (2002).
Avant de rendre possible la libéralisation des sorties
de capitaux, les autorités doivent s'assurer que les con-
trôles existants n'ont pas pour conséquence de main-
tenir artificiellement en vie un système économique
inefficace. Si la sortie des capitaux est permise
avant que les déséquilibres structurels ne soient
résorbés, on peut assister à une fuite des capitaux
et à l'effondrement du système économique ini-
tialement protégé. C'est le risque encouru
aujourd'hui par la Chine où l'épargne, au demeurant
très abondante, est très faiblement rémunérée afin de
financer à faible coût un réseau d'entreprises publi-
ques peu efficace.
Une réflexion est actuellement menée au sein du FMI
sur l'opportunité de mettre en œuvre un mécanisme
innovant permettant de limiter l'impact déstabilisateur
de l'entrée massive de capitaux tout en poursuivant la
libéralisation progressive du compte de capital9. Il
s'agirait de créer des fonds d'investissement financés
par l'émission d'actions en monnaie locale. Les fonds
levés seraient utilisés pour acheter à la banque centrale
une partie de ses réserves de change et les réinvestir
dans des actifs étrangers. En ajustant la taille des fonds
d'investissement, la banque centrale pourrait ainsi
compenser les entrées de capitaux par des sorties. Du
point de vue monétaire, le bilan des transactions serait
identique à celui d'une intervention stérilisée de la
banque centrale, sans occasionner le coût des opéra-
tions de stérilisation habituelles : l'intervention étant
en fait réalisée en utilisant directement l’épargne pri-
vée (via le fonds d'investissement), l'achat d'actifs
étrangers détruit mécaniquement une partie propor-
tionnelle de la masse monétaire. Outre la diminution
des entrées nettes de capitaux, et donc des pressions à
la hausse sur le taux de change réel, ce mécanisme per-
mettrait aux autorités de conserver un contrôle ajusta-
ble sur les flux sortants et offrirait aux épargnants du
pays concerné une opportunité de diversification de
leur portefeuille au profit d'actifs étrangers.
2. L'approche asiatique de la libéralisation
du compte de capital : de l'imprudence à
la prudence.
2.1 Les excès de la première moitié des années
1990
Les entrées de capitaux dans les pays d’Asie du Sud-
Est ont crû très fortement de 1990 à 1996 passant de
9 milliards de dollars (soit 3% du PIB régional) à plus
de 80 milliards (14% du PIB régional). La Thaïlande et
la Malaisie, en particulier, ont reçu des flux annuels
représentant plus de 10% de leur PIB. Ces entrées
massives de capitaux ont favorisé la surchauffe des
économies (renforcée par le refus des autorités de lais-
ser leur monnaie s'apprécier) et ont exercé des pres-
sions spéculatives sur les marchés d'actifs (immobilier,
actions).
L'accélération des flux spéculatifs ne peut cependant
être tenue pour seule responsable de la crise ; elle a
plutôt joué un rôle d'accélérateur, confirmant le carac-
tère procyclique des mouvements de capitaux. Les
causes profondes de la dépression de 1997 sont
davantage à rechercher dans des fragilités structurelles
qu'Eichengreen et Hausmann ont résumées en 1999
par l'expression de «péché originel», désignant la diffi-
culté, pour les résidents des pays affectés, à se financer
en monnaie locale et à long terme. Le «péché originel»
est une caractéristique commune des pays émergents
durant les décennies 1980-1990. En Asie, cependant,
il n'est pas imputable à un déficit d'épargne nationale
(comme c'est le cas en Amérique latine), mais au sous-
développement des infrastructures financières locales.
Dans ce contexte, le surinvestissement qui appa-
raît au milieu des années 1990 donne lieu à un
double déséquilibre financier : de change (actifs
en monnaie locale/passifs en devises) et de
maturité (actifs à long terme/passifs à court
terme). Plusieurs facteurs les ont ensuite aggravés. Au
début des années 1990, l'accélération de la libéralisa-
tion des comptes de capital en Asie a élargi l'éventail
des possibilités d'arbitrage pour les investisseurs occi-
dentaux. Symétriquement, elle a facilité l'accès des
9. E. Prasad et R. Rajan (2005) «Controlled capital account liberaliza-
tion: a proposal», IMF Policy Discussion Paper 05/7.
1ère phase 2ème phase 3ème phase
Libéralisation des
flux d'IDE entrants Libéralisation des flux
d'IDE sortants, des
autres flux à LT et des
certains flux à CT
Libéralisation
complète
Réforme de la
réglementation financière
Amélioration des normes
comptables et statistiques
Renforcement des instruments de gestion de la
liquidité, des opérations monétaires et de change
Renforcement de la réglementation prudentielle,
de la supervision et de la gestion du risque
Restructuration des secteurs financier et des entreprises
Développement des marchés de
capitaux (intégrant les fonds de pension)
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