FORUM EURO-MEDITERRANEEN SUR LES INNOVATIONS ET LES BONNES PRATIQUES DANS L’ADMINISTRATION Tunis 15-17 juin 2005 La réforme administrative en Algérie : Innovations proposées et contraintes de mise en œuvre M.C BELMIHOUB Consultant national Algérie Juin 2005 belmihoub, forum tunis : cas Algérie 1 PLAN DU RAPPORT INTRODUCTION 1. le contexte de la réforme 1.1. L’évolution de la conception de l’administration publique en Algérie 1.2. Les Défis et les Enjeux des réformes 2. présentation du programme de la réforme 2.1. La philosophie et les objectifs de la réforme 2.2. La reconfiguration du rôle de l’Etat 2.3. Les grands chantiers de la réforme 3. Les principales innovations proposées 1. 2. 3. 4. les domaines de l’innovation Le renouveau du service public ; une nouvelle politique des ressources humaines ; l’introduction du management public et des techniques de gestion 4. Les contraintes de mise en œuvre 1. 2. 3. 4. la volonté politique les rigidités institutionnelles ; les résistances aux changements : le statu –quo comme stratégie ; la faiblesse de la formation des managers publics ; ANNEXES : CATALOGUE DE MESURES PROPOSEES EN MATIERE DE RELATIONS ENTRE L’ADMINISTRATION ET LES CITOYENS belmihoub, forum tunis : cas Algérie 2 INTRODUCTION Certes les réformes, en Algérie comme ailleurs, n’y sont pas aisées, les crispations sont fortes, les comportements sont calculés et la perception de la réalité socioéconomique encore bien incertaine. L’Algérie est confrontée, comme beaucoup d’autres pays, à deux chocs exceptionnellement forts : l’insertion dans l’économie mondiale devenue incontournable et son corollaire la compétitivité de son économie y compris le secteur des hydrocarbures malgré les surplus dégagés annuellement, qui ne sont en rien le résultat d’une quelconque efficacité du système productif ou de la qualité d’un management, mais plutôt les avantages d’une conjoncture internationale favorable. Aujourd’hui l’Algérie manifeste, à travers les déclarations des autorités politiques, une grande volonté de transformation du système économique, cependant ni la vision n’y est définie, ni les institutions et ceux qui les font fonctionner ne sont prêts pour conduire ces transformations. Les comportements sont sclérosés et les stratégies de statu quo sont prisées. Pourtant, depuis maintenant plus d’une décennie les programmes des différents gouvernements qui se sont succédés ont accordé une grande place d’une part aux instruments et mécanismes pour conduire une transition maîtrisée vers l’économie de marché et d’autre part aux dispositifs de rationalisation de l’action publique si l’on en juge par le nombre d’institutions spécialisées créées, la législation adoptée et les ressources allouées. Cependant cet effort réel n’a pas toujours été suivi de véritables succès en termes d’amélioration des services publics ou du climat d’investissement et encore moins en matière d’attractivité des investissements directs étrangers. La raison principale à cette situation semble être d’une part l’écart entre le cadre institutionnel formellement défini et sa mise en œuvre au profit du développement économique et social et d’autre part l’insuffisante coordination (voire même l’incohérence) entre les différentes segments des réformes : réformes économiques, réformes administratives, réformes de la justice, réformes du système éducatif etc.… Le pilotage des réformes ou plus précisément la gestion du changement (passage d’une économie publique, administrative et rentière à une économie avec un secteur privé dominant, ouverte et productive) pose de sérieux problèmes de vision commune sur les enjeux et les défis de l’ouverture et de la globalisation, de résistances aux changements et de défenses des positions acquises. Sinon comment expliquer le retard pris dans le processus de privatisation ; ce n’est certainement pas un problème belmihoub, forum tunis : cas Algérie 3 d’instrumentation juridique ou de techniques économiques de privatisation. En effet, les consensus sur les grandes questions de réformes ont toujours été difficiles à réaliser. Aujourd’hui la réforme administrative est le parent pauvre du programme de réformes initié depuis plus de dix ans. Ce retard dans la mise en place d’une véritable réforme administrative commence à être perçu comme un obstacle aux autres réformes. Pourtant la réforme administrative a bénéficié 1. Le contexte de la réforme La conception de l’administration publique en Algérie a connu une évolution par petites retouches sans vision d’ensemble sur le modèle administratif à implanter. De l’héritage de l’administration coloniale, fortement inspirée par le jacobinisme et les idées de l’Etat omniprésent et régalien, se sont ajoutées les transformations induites par les choix politiques opérés d’abord par l’élan des idéaux de la révolution et les valeurs de l’indépendance et ensuite par le modèle socialiste de développement économique et social. Les réformes économiques et politiques, initiées en 1989, ont amorcé un processus de transformation de l’administration publique pour lui donner des missions et des structures adaptées au nouveau contexte caractérisé par le pluralisme politique et l’économie de marché. Le rapport du comité de réforme de l’Etat1 résume cette évolution comme suit : « la conception de l’Etat renvoie à l’histoire de la société, à son développement et au contexte interne et externe dans lequel elle évolue. Elle a connu de ce fait les mêmes impératifs, les mêmes incertitudes et les mêmes ruptures que le procès de construction nationale. » Toutes les évolutions futures de l’administration publique et du mode de gouvernance de façon particulière seront empreintes des vicissitudes du passé car l’héritage n’est pas seulement dans les formes et les normes institutionnelles mais aussi et surtout il est dans les comportements et la culture managériale. Les conséquences de cette conception font que l’Etat monopolisa l’ensemble des ressources nationales, s’institua comme gestionnaire direct des activités économiques et des affaires publiques. Le support administratif mis en place pour prendre l’ensemble de ces missions s’en trouve lui aussi affecté par la nature de cette conception de l’Etat ; en effet, la configuration de l’administration a épousé cette conception et a produit une centralisation et un formalisme des plus excessifs malgré les velléités décentralisatrices annoncées périodiquement. 1 Rapport du comité de réforme des structures et des missions de l’Etat 2002. Non publié. belmihoub, forum tunis : cas Algérie 4 Dans un système si profondément construit sur l’Etat et pour l’Etat, le changement n’est assurément pas aisé à cause des coûts politiques et sociaux qu’il entraînait et des positions dans les différentes hiérarchies institutionnelles qu’il menaçait. Les conséquences de cette situation vont se manifester sur le long terme et vont de façon directe ou indirecte annihiler pour longtemps toutes les tentatives d’innovation dans l’administration publique algérienne. Les transformations intervenues ces dernières années, qui sont induites par l’effet conjugué des transformations économiques, des revendications politiques et des attentes sociales vont fissurer cette conception de l’Etat et par ricochet l’édifice administratif et de gouvernance. 1.1. L’évolution de la conception de l’administration publique en Algérie Cette conception de l’Etat et ce cadre formel du fonctionnement de l’administration publique à travers la fourniture du service public et la gestion des ressources humaines n’ont pas été de nature à favoriser l’esprit d’initiative ni à imposer un défi pour l’amélioration continue de la qualité de service. D’une part, le service public a été organisé en monopole public soit sous la forme d’une gestion directe par l’administration, soit sous la forme d’établissement public exploitant un monopole réglementé. D’autre part, la ressource humaine est restée soumise à une logique formelle d’un statut du fonctionnaire qui a bridé toute l’intelligence et favorisé le clientélisme, l’esprit rentier et son corollaire l’insouciance sur les résultats et l’irresponsabilité. Et pourtant les contextes interne et externe ont évolué : Les évolutions internes de la société et les mutations externes de l’environnement international : L’Etat comme manifestation formelle d’un ordre interne (rapport Etat/Société et Etat/Economie et d’un ordre externe (rapport Etat/reste du monde) subit de façon directe ou indirecte les évolutions et les mutations qui s’opèrent à ces deux niveaux. L’Etat doit être en harmonie avec l’ensemble de ces évolutions et de ces mutations. De plus l’Etat comme facteur de modernité ne peut rester figé alors que tout change autour de lui. Au niveau interne, les évolutions ont été d’ordre institutionnel, politique, économique, et social ; belmihoub, forum tunis : cas Algérie 5 Au niveau externe, les mutations intervenues ont profondément transformé les rapports entre les Etats. Les relations internationales sont passées d’une logique de bipolarisation à une logique de domination notamment par les rapports économiques. Au plan interne, la société algérienne, à l’instar des autres sociétés, a connu une évolution relativement rapide et profonde dans tous les domaines et dont les principaux indicateurs montrent : o l’émergence d’une société civile dynamique, plurielle, mais souvent insuffisamment organisée ; o une ouverture institutionnelle sur des acteurs politiques précédemment exclus du champ politique légal ; ce qui a favorisé un climat de libéralisation politique ; o une évolution significative des rapports contractuels dans les domaines du travail, des relations sociales, et des transactions commerciales ; o une transformation des rapports des citoyens à l’égard de l’Etat et de l’administration ; o L’apparition de nouveaux besoins sociopolitiques ; Ces indicateurs, démontrent, à l’évidence, la crise de l’Etat providence, les limites de l’Etat propriétaire-entrepreneur-régulateur et la crise de représentation institutionnelle du rapport Etat /Société. Il s’agit en fait d’une crise de l’Etat et de ses institutions ; ce qui, par voie de conséquence, a entraîné son affaiblissement aussi bien dans les domaines institutionnels de l’exercice de la souveraineté que dans les fonctions de fournitures de services publics, de régulation et de contrôle. 1.2. Les Défis et les Enjeux des réformes Depuis 1980 se développe un fort mouvement de réforme et de modernisation des administrations publiques. La décentralisation, la libéralisation et mise en concurrence de la fourniture des services publics constituent les axes les plus significatifs de ces réformes. L’analyse des évolutions dans les pays de l’OCDE confirme bien cette tendance, bien que les rythmes et les priorités soient différents d’un pays à un autre ; ainsi la dévolution de missions de service public à des pouvoirs régionaux ou le transfert de missions de régulation à des institutions indépendantes des pouvoirs centraux est aujourd’hui une tendance universelle. En Algérie cette tendance se dessine à grands traits même si le rythme de mise en belmihoub, forum tunis : cas Algérie 6 œuvre reste très lent. Ce qui nous fait dire encore que l’administration de type autoritaire est dominante sur l’administration de type contractuelle. Ainsi l’approche contractuelle se développe même si le rythme est très lent ; la mise en place de régulateurs autonomes dans beaucoup de secteur se concrétise (télécoms, mines, hydrocarbures, électricité, transports, monnaie et crédit ….) L’un des aspects les plus novateurs de la politique contractuelle de l’administration est cependant le développement de contrat entre personnes publiques. De tels contrats existaient mais étaient rares et peu pris en considération, car l’on avait tendance à penser que le contrat était plutôt le mode de relations avec les personnes privées. L’idée que les personnes publiques puissent passer entre elles des contrats était mal reçue parce que le système administratif est très centralisé. La généralisation de l’utilisation du contrat dans les relations entre personnes publiques ne peut se faire que dans le cadre de la décentralisation. Or aujourd’hui, le volet de la décentralisation est celui qui connaît le plus de controverse, de résistances aux changements et d’absence de cadre institutionnel de concertation. La question de fond dans toutes les réformes administratives est de savoir si la satisfaction des usagers/citoyens est mieux assurée par les approches du nouveau management public comme la contractualisation, la décentralisation, le partenariat public-privé et l’introduction des mécanismes de types marchands que par les instruments traditionnellement mis en œuvre par l’administration autoritaire. L’administration moderne, n’est pas seulement un instrument de la puissance publique, elle doit être aussi et surtout au service du public ; autrement dit elle doit améliorer la fourniture des prestations de service public aux usagers selon des règles d’efficacité, d’efficience et de transparence. Par ailleurs, en plus de ces considérations propres aux aspects de services publics proprement dits ; au plan économique, une véritable dynamique de réforme a été introduite. Depuis maintenant plus d’une décennie, l’Algérie conduit des réformes économiques et institutionnelles de grande ampleur, souvent sous des contraintes et avec le soutien des institutions internationales (Programme d’Ajustement Structurel avec le FMI et BM) ou bilatérales (programmes d’assistance et de coopération). Ces réformes visent toutes un objectif majeur : organiser la transition de l’économie algérienne d’un système centralisé et bureaucratique vers un système décentralisé et d’économie de marché et améliorer la compétitivité des institutions et de toute l’économie algérienne. Les premières réformes (années 90) avaient pour objet les transformations structurelles et belmihoub, forum tunis : cas Algérie 7 institutionnelles du système économique, alors que celles plus récentes (année 2000) visaient l’insertion de l’économie algérienne dans l’économie mondiale à travers les accords d’associations, les zones de libre échange et l’accord cadre avec l’OMC). Ces réformes économiques imposent des défis nouveaux à l’administration publique en général et à l’administration économique en particulier. L’administration publique confinée dans ses logiques formelles de gestion des ressources et de contrôle bureaucratique sans rapport direct avec les attentes des usagers du service public et sans référence à des résultats, ne répond plus aux exigences d’une économie de marché décentralisée et en mouvement permanent. Ces réformes ont produit, à des degrés variables, des transformations dans les structures économiques, la nature de la propriété, les comportements des acteurs et ont favorisé l’émergence d’un secteur privé de plus en plus important et même dominant dans certaine filières industrielles, l’implantation progressive des IDEs et le rôle actif des associations professionnelles et de consommateurs. Les réformes administratives n’ont pas suivi la dynamique des réformes économiques, pourtant l’administration économique en constitue le support institutionnel et un des facteurs clé de succès. En effet, s’il y a un domaine où les réformes n’ont pas encore démarré c’est certainement la réforme de l’administration. 2. Présentation du programme de réforme élaboré par le Comité de Réforme des Structures et des Missions de l’Etat 2.1. la philosophie et les objectifs de la réforme Dans ce contexte d’évolution des facteurs politiques, économiques et sociaux, tant internes qu’externes emprunts d’enjeux et de défis, et à la faveur d’une mutation politique portée par un succès sur le terrorisme et le retour à une vie politique plus sereine depuis 1998, les pouvoirs publics ont pris conscience de la nécessité et de l’urgence d’une réforme des structures et des missions de l’Etat en les articulant sur l’instrument privilégié de l’Etat qui est l’administration. Le renouveau du service public, la réhabilitation de l’autorité de l’Etat, la valorisation de la ressource humaine et son cadre statutaire (la fonction publique), et le développement de la gouvernance en garantissant les droits et les libertés des citoyens et leur participation dans les processus décisionnels et le belmihoub, forum tunis : cas Algérie 8 renforcement du système de contrôle et d’évaluation de l’action publique pour la rendre plus efficace et transparente. Un comité de réforme des structures et des missions de l’Etat a été installé en novembre 2000 par le président de la république à qui il a remis une lettre de mission et des termes de références très explicites sur la philosophie et les objectifs de la réforme. Ce comité composé de 70 membres : des hauts fonctionnaires, des responsables de grandes institutions, des universitaires, des élus, tous ont exercé pendant plusieurs années des fonctions et des responsabilités importantes dans le secteur public. Le comité avait un mandat très large avec des termes de références très précis et jouissait d’une liberté totale quant à la réflexion et à la formulation des recommandations de réformes. Les travaux du comité ont duré 9 mois et ont été sanctionnés par un volumineux rapport touchant l’ensemble des domaines de l’administration publique, des services publics, des ressources humaines employées par l’Etat et les collectivités territoriales. le rapport général du comité, élaboré en juillet 2001, définit la philosophie générale de la réforme en s’appuyant sur le diagnostic qu’il a élaboré. En substance le rapport déclare que : « De l’analyse des données du contexte général, qui rend implicitement compte de l’ampleur et de la complexité du projet de réforme des missions et des structures de l’Etat, se dégagent un certain nombre d’axes stratégiques, autour de nouvelles logiques d’adaptation aux mutations internes et externes de la société et du système politico-institutionnel. Toute l’équation du projet de changement institutionnel et organisationnel, se trouve circonscrite dans son aptitude à se régénérer autour de nouveaux identifiant, de nouvelles valeurs susceptibles de forger un consensus social et de rompre en même temps avec le cycle cumulatif d’érosion de son autorité et de perte de sa crédibilité. « C’est dans cette double exigence de refondation de l’Etat sur un nouveau socle politique, institutionnel et juridique où le citoyen en est l’enjeu stratégique, et de rupture avec les séquelles d’un mode d’organisation dépassé, où l’Etat est interpellé à la fois comme acteur et objet de la réforme qu’il faudra situer le sens et la portée de ses finalités stratégiques. En portant le changement dans la nature même de l’Etat, dans l’exercice et le redéploiement de ses missions, dans l’organisation et de fonctionnement de ses structures, dans son mode et son style de gouvernance, et dans ses rapports avec le citoyen, la réforme doit promouvoir - Un Etat de droit garant des droits et libertés du citoyen » (cf, rapport général sur la réforme des structures et des missions de l’Etat). belmihoub, forum tunis : cas Algérie 9 Les grands objectifs du système institutionnel à implanter ont été arrêtés autour des attributs et caractéristiques suivants de l’Etat : • Un Etat au service de la société et du citoyen ; • Un Etat fort, moderne et efficace ; • Un Etat au service de la cohésion sociale et de la sécurité nationale ; • Un Etat conscient des enjeux et des implications de la mondialisation. Un Etat de droit garant des droits et libertés des citoyens « Exigence devenue aujourd’hui incontournable pour accompagner et approfondir, l’expression politique pluraliste de la société, et l’émergence de la citoyenneté, l’Etat de droit, support d’un pouvoir politique légitimé par la démocratie pluraliste, se fonde sur la primauté de la loi, dans la régulation des rapports avec la société. Expression de la volonté générale dans un Etat démocratique, la loi doit être le seul cadre d’inscription de l’autorité de l’Etat dans l’exercice de ses missions exorbitante de puissance publique, le seul champ de configuration des rapports avec le citoyen. » La restauration de l’autorité de l’Etat commence précisément par le respect l’autorité de la loi. Un Etat au service de la société et du citoyen « Placé au coeur de la problématique de la réforme de l’Etat, le citoyen en est autant le fondement que sa finalité ultime. Dans cette perspective, la mise en oeuvre d’une nouvelle politique de décentralisation axée sur la consolidation de la démocratie locale et la participation citoyenne à l’exercice du pouvoir, devra servir de support stratégique à la reconfiguration des rapports entre l’Etat et le citoyen. La réalisation de cet objectif reste conditionnée par le développement des formes d’association du citoyen à la gestion publique et de l’intégration de la société civile dans l’organisation ‘institutionnelle et administrative de l’Etat. » Dans ce cadre, l’élaboration d’une charte régissant les rapports entre l’administration et l’administré et la mise en place d’un observatoire permanent d’analyse et d’évaluation doivent contribuer à rapprocher d’avantage l’Etat et le citoyen et à améliorer la qualité des prestations de l’administration et du service public. » belmihoub, forum tunis : cas Algérie 10 Un Etat, efficace et moderne « Optimiser l’allocation et la gestion de ses ressources, autour des principes d’équité et de transparence, renforcer la capacité d’action de l’Etat en revitalisant ses institutions et ses structures introduire de nouvelles donnes et de nouveaux critères de performance et d’efficience de l’action publique, c’est définir de nouvelles bases à la refonte des modes et des systèmes d’organisation et de fonctionnement de l’Etat fondées sur l’efficience et l’efficacité de son action publique. Cela implique la mise en oeuvre de réformes de structures s’articulant autour : • Du renforcement des capacités d’élaboration et d’évaluation des politiques publiques, de prévision et d’anticipation nécessitant une reconfiguration fonctions stratégiques de l’Etat et un recentrage des missions des administrations centrales, reposant sur un nouveau style de management des organisations publiques, l’identification de blocs de stabilité assurant la permanence et la continuité l’action de l’Etat et la cohérence dans l’organisation du travail gouvernemental , • Une redistribution des missions et des responsabilités entre les différentes structures s’inscrivant dans la mise en oeuvre d’une dynamique de décentralisation et de déconcentration s’appuyant sur le transfert et la délégation de pouvoirs, et des responsabilités, de compétences et de moyens, et consacrant « l’Etat territorial » comme partenaire de « l’Etat central » ; • Une administration du territoire, se redéployant autour de sa fonction de proximité, de mise en oeuvre des politiques publiques et de représentation de l’autorité de l’Etat, et reconfigurée dans son organisation par 1’institutionnalisation de la circonscription administrative régionale rendue incontournable par l’émergence d’une réalité régionale. • Une nouvelle politique de la fonction publique fondée sur la valorisation de la ressource humaine et une éthique de l’agent public autour de nouvelles valeurs, de nouvelles normes de comportement et de travail où la loyauté, l’impartialité, l’égal accès, le mérite, la compétence et le dévouement au service public constituent les caractéristiques dominantes • Des ‘instruments rénovés de la gestion publique où la recherche de gains d’efficacité, d’optimisation des résultats de la dépense publique, et de démultiplication de ses effets d’entraînement doivent être les nouveaux paramètres de la prise de décision, et d’évaluation de son impact. Par ailleurs, le nouveau management public doit s’appuyer sur de nouvelles catégories instrumentales : belmihoub, forum tunis : cas Algérie 11 - les règles de la contractualisation et du partenariat public/privé dans l’articulation des rapports entre les différentes structures de l’Etat - l’élargissement du champ de la consultation aux partenaires institutionnels de l’Etat, et à la société civile ; - la concertation et le dialogue social en démocratisant le processus de prise de décision dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques ; - la régulation économique et sociale par la mise en place de nouveaux mécanismes d’incitation et de stimulation de la croissance économique et de correction des défaillances du marché ; - la rénovation des systèmes et outils de gestion en valorisant les fonctions d’audit et d’évaluation, en simplifiant les procédures de gestion et de délivrance des documents et actes administratifs. Le développement des systèmes d’information et de communication axés sur l’utilisation des nouvelles technologies de l’information doit être au centre du dispositif de modernisation de l’action publique. » Un Etat garant de la cohésion sociale et de la solidarité nationale Finalité ultime de la réforme des missions et des structures de l’Etat, la cohésion sociale émerge comme l’un des défis majeurs que doit relever l’Etat. Menacée par la violence et l’insécurité qu’a connu le pays durant cette dernière décennie, les effets de l’ajustement structurel entraînant des distorsions et des fractures sociales, la cohésion sociale sera encore soumise à rude épreuve avec l’approfondissement des réformes et le changement du statut et du rôle de l’Etat. » Un Etat à la hauteur des enjeux et des implications de la mondialisation « Entendue comme un processus d’approfondissement et d’intensification des relations internationales et d’intégration des marchés de biens et services et de capitaux, la globalisation portée par les nouvelles technologies des systèmes de communication et d’information et l’accélération de la révolution scientifique et technique pose à terme de redoutables problèmes d’insertion pour des pays en situation de transition comme le notre. » belmihoub, forum tunis : cas Algérie 12 2.2. La reconfiguration du rôle de l’Etat L’analyse du contexte général de la réforme a donné toute la mesure de l’ampleur et de la complexité de la réforme des missions et des structures de l’Etat. Définir une stratégie de sortie de crise intégrée dans une démarche globale de refondation de l’Etat constituent les nouveaux déterminants du rôle et des missions de l’Etat. Dans cette perspective, la réforme pose toute l’équation du changement de l’Etat par le changement par l’Etat, changer en se changeant, résume tout le paradoxe de la réforme et révèle toute les difficultés de l’entreprise appelée ainsi à évoluer dans un contexte de transition marqué par des ruptures, hésitations de fortes résistances dans la conduite du changement. La restauration de l’autorité de l’Etat, ou autrement dit le redéploiement de son rôle autour des missions de puissance publique et de service public constitue un des préalables pour une conduite ordonnée et maîtrisée de la transition dans la perspective de consolidation de l’Etat de droit et de reconversion de ses modes d’intervention dans le champ économique et social. Le redéploiement de son rôle autour des missions de puissance publique et de service public « Clefs du dispositif de légitimation de l’Etat, les missions de puissance publique et de service public constituent les référents de base de son rôle et traduisent le mieux, la pérennité de son statut et l’exercice de son autorité. Axe majeur de la réforme, la restauration de l’Autorité de l’Etat est fondamentalement liée à sa capacité à légitimer son monopole de la contrainte, à exercer pleinement ses missions stratégiques de puissances publiques et à assurer la permanence, la continuité et l’égal accès au service public. » i- Les missions de puissance publique : ces missions sont de nature à garantir la stabilité de la société et à lui donner un cadre référentiel lui permettant de situer les droits et les obligations de chacun. Les missions de puissance publique sont généralement des invariants : justice, défense et sécurité, diplomatie et protection des intérêts à l’étranger, ….. ii- Les missions de service public « Les changements intervenus dans les sphères politiques, économique et sociales conjugués dans le rétrécissement de la marge d’intervention financière de l’Etat, exigent, au delà de la conception rénovée du service public, redimensionné dans son périmètre d’action, revu dans ses modes et systèmes de gestion, une adaptation continue de son rôle et de ses responsabilités à l’évolution de la demande sociale et au belmihoub, forum tunis : cas Algérie 13 renforcement du marché et de la société civile comme partenaires et acteurs dans la production et la gestion du service public. Dans ce cadre général, il s’agit particulièrement pour l’Etat : • de redéfinir ses responsabilités et de les faire progressivement partager dans la gestion de la demande sociale, encore « accrochée » à l’idéologie de l’Etat providence. • de lever les équivoques entretenues dans la production publique de services et le service public, en réorientant le rôle de l’Etat dans le soutien à l’accès au service public, et dans le contrôle de sa qualité, de sa continuité. • de redéfinir le rôle de l’Etat et son champ d’intervention dans le développement humain notamment en ce qui concerne l’éducation, la santé et la protection sociale. • d’accélérer la mise en oeuvre des nouveaux modes de gestion des services publics axés sur l’ouverture au marché pour les services publics économiques, et la performance de la gestion publique. 2.3. Les grands chantiers de la reforme Les conclusions du diagnostic, la philosophie de la réforme et la définitions des objectifs ont constitué les lignes forces de la nouvelle conception de l’Etat. Le comité de réforme des structures et des missions de l’Etat a proposé la mise en place de six grands chantiers qui constituent la substance même de la réforme de l’Etat : Le premier chantier : est totalement orienté sur les administrations centrales qui, par leur proximité avec le pouvoir politique, se situent en bonne place dans le projet de réforme de l’Etat. L’objectif poursuivi à cet égard, consiste à opérer un véritable recentrage des administrations centrales sur leurs missions stratégiques et à redéployer les activités de gestion sur les espaces de responsabilités aux niveaux décentralisés et déconcentrés. Ainsi configurées, les administrations centrales pourront alors constituer un instrument efficace pour l’organisation du travail gouvernemental et la coordination interministérielle. Le deuxième chantier est consacré aux collectivités territoriales et à l’administration locale. Dans ce cadre, deux objectifs majeurs devront être pris en charge concomitamment, à savoir l’approfondissement de la décentralisation et celui de la déconcentration. La réalisation de ces objectifs s’inscrit parmi les urgences de la réforme car c’est au niveau des collectivités territoriales que la crise de l’Etat est la plus manifeste. L’approfondissement de la décentralisation et de la déconcentration est une belmihoub, forum tunis : cas Algérie 14 condition de l’élargissement de la démocratie et de la responsabilité locales. A terme, l’objectif est de consacrer la commune en tant que collectivité locale de proximité, la wilaya en tant que collectivité de solidarité intercommunale et la région comme espace de développement harmonieux et équilibré. Le troisième chantier : concerne la modernisation des établissements de services publics ; il s’agira d’œuvrer dans le sens de la rationalisation du réseau des établissements publics en vue de les insérer dans la sphère publique. Cette modernisation trouve également son expression dans l’ouverture de la gestion du service public à l’initiative privée et à la société civile, l’ensemble de cette démarche pouvant se traduire par un allègement significatif des charges financières de l’Etat. Le quatrième chantier : consiste à développer le recours aux instruments de régulation et de contrôle et à élargir les voies de la consultation au sein des institutions publiques et avec la société civile, permettant ainsi de mieux concevoir et évaluer les politiques publiques. Le cinquième chantier : est dédié aux agents de l’Etat desquels va dépendre, dans une large mesure le succès des réformes. Dans ce cadre, il s’agira de mettre en œuvre une nouvelle politique de la Fonction publique articulée autour des objectifs de valorisation des ressources humaines, de flexibilité des statuts et de modernisation des modes de gestion des personnels et ce, en cohérence avec les nouvelles missions de l’Etat. Le sixième chantier : est centré sur le citoyen, finalité ultime de la réforme. L’objectif est en effet, de rétablir la confiance entre l’Etat et le citoyen à travers notamment la moralisation de la gestion des affaires publiques, la prise en charge des multiples préoccupations citoyennes tout en assurant la transparence et l’équité dans l’accès au service public. A cet effet, une charte régissant les rapports entre l’administration et les administrés consacrera les principes et les règles visant à assainir et à consolider les relations entre l’Etat et le citoyen. 3. Les principales innovations proposées par le projet de réforme 3.1. les domaines de l’innovation le rapport du comité de réforme des structures et des missions de l’Etat donne une liste des actions prioritaires susceptibles de soutenir la modernisation de l’administration belmihoub, forum tunis : cas Algérie 15 Les actions directrices de la reconfiguration de l’Etat et de l’administration seront orientées sur : • la moralisation de l’action publique de l’Etat et le développement de l’éthique professionnelle • la différenciation de l’espace public d’intervention de l’Etat des autres sphères politiques et économiques, et de la société civile en vue de laisser émerger des acteurs publics ou privés susceptibles de participer au développement du service public et du développement social. • la réhabilitation et le renforcement de la fonction de médiation des acteurs politiques ‘institutionnels et sociaux entre l’Etat et la société et dont l’inefficience a été la source de la vulnérabilité de l’Etat ; • l’élargissement des champs et des modes de participation à la décision de la société civile émergente dont il conviendra de renforcer l’assise - et la représentation- pour en faire un véritable partenaire de l’Etat , • le développement et le renouveau du service public tant dans sa configuration que dans ses modes et ses instruments de management ; • Enfin la consécration de la décentralisation, comme axe fondateur d’une conception rénovée de l’Etat en reconfigurant l’administration du territoire autour des exigences de proximité, de responsabilité, de diversité et d’efficacité. Dans cette perspective, le projet de réforme envisagé ne peut se réduire à un traitement exclusivement technique des problématiques posées ou se limiter à un simple ravalement de la façade juridique. C’est une approche plus globale qui est suggérée, devant véritablement aboutir à un changement structurel de l’Etat et de ses formes d’organisation. Si la réforme des missions et structures de l’Etat, doit prendre en charge les préalables de la légitimité ‘institutionnelle, et de la légalité de ses actes dans le cadre de la consolidation de la démocratie pluraliste et de l’Etat de droit, elle doit s’appuyer et se réaliser à travers un processus intégré de redimensionnement et de redéploiement de ses missions et de réorganisation de ses institutions, de ses organes et structures dans le cadre de la mise en oeuvre des options stratégiques de la décentralisation et de la déconcentration. Dans cette perspective, l’entreprise de réforme s’ordonnance autour d’un certain nombre de finalités stratégiques orientées autour du renforcement de l’autorité de, l’Etat et de la réhabilitation de la place du citoyen comme vecteur stratégique du processus de démocratisation des institutions. belmihoub, forum tunis : cas Algérie 16 Les innovations qu’on peut identifier dans le projet de réforme portent sur les axes suivants : La définition des nouvelles missions de l’Etat dans le contexte d’une économie de marché et de la globalisation, ces missions seraient principalement orientées vers la régulation, le contrôle et la définition des politiques publiques sectorielles et intersectorielles ; L’organisation de l’administration centrale en vue de prendre en charge les nouvelles missions avec efficacité ; à ce sujet le comité suggère l’identification des pôles de compétences sur lesquels seront configurées l’organisation du gouvernement et la structuration des administrations centrales. Or à ce jour les administrations centrales continuent encore à s’occuper de l’exécution des tâches routinières et courantes alors que les nouvelles missions (conception, régulation…) y sont encore insuffisamment implantées. Par ailleurs, l’administration centrale reste très fragmentée : plusieurs ministères pour gérer les mêmes domaines ou se partagent une même politique (ex. industrie, PME, commerce… ) ce qui pose les problèmes de coordination et de conflits de compétences (Industrie et PME ). Hormis le cas des télécoms où la réforme du secteur a été opérée par l’ouverture du marché à l’investissement privé et la mise en place d’une autorité de régulation jouissant d’une réelle autonomie de décision grâce à son statut prévu par la loi 2000-03 de Août 2000. D’ailleurs dans le domaine de la dérégulation des industries comme l’électricité, les mines et les hydrocarbures, l’exemple de l’ARPT n’a pas été suivi et l’administration a gardé à son profit l’essentiel des prérogatives de régulation en donnant un statut mineur aux autorités de régulations dans ces secteurs. (cf. lois sur l’électricité et la distribution publique du gaz, sur les mines et sur les hydrocarbures) La décentralisation et la déconcentration constituent selon les rédacteurs du rapport un axe central de la réforme. Elle s’articule sur la réhabilitation des collectivités territoriales existantes (Wilaya et Communes), l’émergence d’un niveau régional (circonscription administrative régionale) et sur le transfert des pouvoirs et des compétences vers ces entités. Dans les faits, la décentralisation n’avance pas et la réhabilitation de l’administration territoriale souffre encore de préjugés, de l’absence d’une vision claire sur le degré de décentralisation et du faible consensus politique sur cette question en particulier lorsqu’il s’agit de la création de l’échelon régional comme prélude à une régionalisation. Malgré l’annonce de nouveaux codes de la Wilaya et de la commune, à ce jour ces textes ne sont pas encore promulgués. la valorisation des ressources humaines employées par le secteur public grâce à une reconfiguration des droits et des obligations autour d’une charte du service public et une requalification des belmihoub, forum tunis : cas Algérie 17 compétences grâce à un système de formation entièrement dédié à la formation administrative et aux valeurs de professionnalisme du secteur public (performance, responsabilité et éthique). 3.2. Le renouveau du service public Le service public continue d’être l’enjeu central de la réforme administrative ; plus que les enjeux de l’organisation des pouvoirs publics et des aspects institutionnels comme la décentralisation, la démocratie participative. Dans la tradition de l’Etat providence, le service public a connu un développement extensif important pour couvrir des secteurs et des besoins qui relevaient, en principe, de la sphère marchande privée. Ainsi en plus des services publics traditionnels fournis gratuitement ou avec une contribution de l’usager, l’Etat a géré directement des pans entiers des activités économiques et a procédé à des fournitures d’utilités aux citoyens en subventionnant massivement les prix, c’est le cas du logement, une large gamme de biens de consommations dits de base. Cette situation, rendue possible dans les années 70 et 80, est devenue insoutenable à partir du milieu des années 80, en raison de l’érosion des ressources budgétaires de l’Etat et de l’inefficacité du système productif. Le retour à une orthodoxie budgétaire va toucher en premier lieu le financement des services publics et ainsi réduire l’étendue de la fourniture de ces derniers. La seule alternative serait la rationalisation de la gestion et de la fourniture des services publics pour garantir une continuité dans au moins les domaines traditionnels d’action du service public. En raison de l’accumulation des dysfonctionnements institutionnels et des déficiences économiques dans le service public, l’ampleur des attentes de réformes est considérable. Il est attendu de réformer à la fois les concepts, les structures, les modes de management et les ressources humaines en introduisant de véritables innovations sur le service public. Sur le concept même de service public, sans qu’il y ait réellement une redéfinition du service public, à l’exception de la notion de service universel introduite par la réforme du secteur de la poste et des télécoms, l’Etat a opéré un retrait progressif de plusieurs domaines d’intervention en les laissant aux règles du marché (réduction, puis suppression des subventions des prix à la consommation) à l’exception des biens collectifs traditionnels (éducation santé, sécurité, électricité, gaz, eau, et les infrastructures de base) ; Sur les structures, les réformes n’ont pas apporté des innovations significatives, seuls quelques aménagements institutionnels ont été introduits : reconfiguration de certains établissements de services belmihoub, forum tunis : cas Algérie 18 publics. Ainsi les services publics économiques sont les plus touchés par ces transformations : 1. Electricité et distribution du gaz domestique : transformation de l’établissement public industriel et commercial sous tutelle en entreprise publique économique avec un statut commercial ; 2. Télécommunications : transfert de la gestion du service d’une administration vers une entreprise publique économique commerciale sans pouvoir de monopole ; 3. Distribution de l’Eau et assainissement : création d’établissements publics autonomes soumis aux règles commerciales de gestion avec un maintien de la subvention d’investissement et d’équilibre ; 4. La poste : la réforme a permis de faire sortir le service public de l’administration traditionnelle Sur les modes de management, il est suggéré l’introduction de la délégation de service public, de la contractualisation interne et externe et de l’extension de la concession d’exploitation d’un service public à une personne de droit privé (aéroports, autoroutes, ports,…) ; dans les faits seules quelques projets sont en cours de préparation. Les grandes innovations introduites sont celles opérées dans les services publics de réseau (télécoms, électricité, gaz, eau …) où effectivement la démonopolisation a été effectuée et les opérateurs sont en position concurrentielle ; le service public a été redéfini autour de la notion de service universel. En termes de propositions sur le renouveau du service public, on peut citer : • L’encouragement de la gestion déléguée avec des personnes de droit privé ; • L’extension de la concession de service public ; • Le développement de la contractualisation dans les relations client-fournisseurs et relations partenariales public –privé. 3.3. la valorisation des ressources humaines Les ressources humaines ont eu un traitement privilégié par la réforme. Le comité de réforme a d’emblée considéré que la réforme administrative ne peut être effective et son processus irréversible que si elle est portée par une ressource humaine de qualité. Les grands principes de la modernisation de la gestion des personnels de la fonction publique ont été introduits. Ainsi il est proposé d’organiser la fonction publique selon le modèle qui intègre à la foi la carrière et l’emploi. Selon les belmihoub, forum tunis : cas Algérie 19 rédacteurs du rapport sur la réforme « les principes qui inspirent l’évolution des deux systèmes (carrière et emploi) ont révélé non seulement leur aptitude à évoluer en synergie et à s’adapter à d’autres réalités que celles qui leur ont donné naissance, mais également, à couvrir, à l’intérieur d’un même pays, des espaces situés en dehors de l’Etat stricto sensu, telles que les collectivités territoriales et certaines catégories professionnelles. » L’option pour une conception statutaire rénovée a été retenue. Les prescripteurs de cette option lui donnent deux caractéristiques essentielles : le statut et la carrière. Or cette conception de la gestion des ressources humaines n’est pas de nature à faire évoluer le système en place, car ces caractéristiques limitent la flexibilité de l’emploi, annihile toute forme de participation du fonctionnaire à la définition de ses tâches et donne un pouvoir exorbitant à l’administration. Toutefois, le projet de réforme laisse entrevoir la possibilité de l’émergence d’un cadre flexible adapté à une vision fonctionnelle. Ainsi il est proposé de rédiger une charte des fonctionnaires qui régit l’ensemble des droits et obligations et les valeurs éthiques du service public et de définir des statuts adaptés à chaque catégorie d’agents de l’Etat : les fonctionnaires de l’Etat, les fonctionnaires des collectivités territoriales et les fonctionnaires des établissements publics. Ce qui va conduire à : • Un assouplissement des dispositions statutaires ; • Une diversification des régimes de recrutement ; • Une flexibilité statutaire en harmonie avec la décentralisation ; La charte sera ainsi conçue comme un cadre de référence qui s’attachera à déterminer les principes généraux applicables à l’ensemble des agents de l’Etat et fixera le cadre d’ancrage aux statuts et règlements propres à chaque catégorie de la fonction publique. 3.4. L’introduction du management public et des techniques de gestion Le développement, au cours des dernières décennies, du management et de ses applications dans le domaine public a créé un attrait considérable à la fois sur un plan pratique mais souvent, particulièrement dans les organisations publiques, un effet de mode et de mimétisme qui s’exprime de la manière suivante : à défaut de reformer le système en place, on introduit des méthodes et des techniques empruntées au management pour avoir l’illusion de conduire le changement et la réforme. Le secteur belmihoub, forum tunis : cas Algérie 20 public algérien a entretenu cette illusion depuis la grande crise du milieu des années 80. A la faveur des réformes économiques, en particulier la privatisation, la déréglementation des monopoles et le développement du secteur privé, une évolution des pratiques managériales est constatée : le développement de la contractualisation (cf, présentation de l’exemple de la santé) entre des partenaires publics et privés, le développement de système d’information innovants, la gestion des performances dans le secteur public… 4. les contraintes de mise en œuvre Tout le système de fonctionnement administratif et de culture est à changer. Si on part d’un point de vue pessimiste, selon lequel nul acteur de la vie publique, ne veut vraiment le changement, que chacun s’est donné un espace sur lequel il a une maîtrise parfaite grâce au système procédurier de l’administration, que les fonctionnaires se sentent peu valorisés mais que la garantie de l’emploi et le système de carrière et de retraite pour les hauts fonctionnaires est acceptable pour la stabilité du système, que les usagers du service public se plaignent toujours, que la mondialisation c’est pas pour demain et que la compétitivité n’est pas une préoccupation ; alors il n’est pas de raison de changer. Ce statu-quo est bien sûr entretenu par le système rentier mis en place depuis plusieurs décennies et qui s’est érigé en modèle culturel de reproduction des élites, grâce à sa logique redistributive qui favorise le clientélisme et la corruption. Il est utile d’analyser les raisons de l’impossibilité du changement en Algérie, même si cet exercice est difficile. La première barrière au changement est sans aucun doute la survivance de l’Etat providence ; les administrations sont très lentes et les nouvelles technologies d’information n’ y sont pas vulgarisées. Par ailleurs, la fonction publique souffre d’un réel déficit dans la formation aux nouvelles compétences administratives comme la gestion stratégique, la gestion par projet ou les démarches qualité. Pourtant, après analyse des évolutions internationales, il apparaît que les changements des systèmes administratifs et de management sont liés à des évolutions du rôle de l’Etat, de l’élévation du niveau culturel et de qualification des fonctionnaires et à l’évolution de la société à travers l’expression de ses besoins. La période de la rationalisation formelle est allée jusqu’au bout de la logique administrative, sans référence aux évolutions de la société, de la technologie, de la mondialisation ou des perceptions des service public par les fonctionnaires et les usagers. belmihoub, forum tunis : cas Algérie 21 Les réformes introduites depuis 1990 visant, toutes, la transition vers l’économie de marché et l’introduction des mécanismes marchands ont été soit contournées soit détournées lorsqu’il s’agit de transformer les processus administratifs de gestion de la rente. L’absence d’une volonté politique clairement affichée en matière de réforme administrative est certainement une des contraintes mais certainement aussi elle n’est pas la seule. Le rôle majeur du système administratif durant toute la période de construction nationale a anéanti toute velléité de changement. Cette démarche n’a pas abouti par manque de perspicacité et d’outils de gestion (à l’exception des télécoms qui ont suivi, même avec du retard, le mouvement universel de réforme dans ce domaine). Les budgets engloutis par les administrations au nom de la modernisation du service public sont colossaux mais les résultats sont très faibles. Une autre difficulté majeure, souvent occulté même par ceux qui promeuvent la réforme : l’enracinement des acteurs de la réforme dans la société. En effet, l’exécutif ne possède aucun relais fiable dans la société pour conduire le changement ; les agents clientélistes ne sont pas intéressés par le changement. Il se trouve, alors, que l’exécutif, même dotée d’une majorité parlementaire pour voter les lois, n’est pas doté en revanche d’une administration capable de conduire des réformes dans la complexité et l’incertitude. L’administration est minée par un statut de la fonction publique des plus archaïques où la validation des années dans les postes supérieurs, en vue d’une retraite, reste la seule alternative pour la haute fonction publique, bien sûr à défaut de bâtir une carrière administrative défiante au plan professionnel, rémunératrice au plan matériel et valorisante au plan social. Il est, encore moins, doté de relais efficaces dans la société et dans l’économie ; les managers publics sont plus intéressés par un statuquo et par une transition sans objectifs clairs et surtout sans délais fixés que par une transformation de ce secteur public. Les entrepreneurs privés ne constituent pas encore une force économique organisée et autonome pour jouer un rôle dans les grands processus décisionnels, eux même n’ont pas de projets clairs. La société civile, malgré son dynamisme, demeure sous organisée et souvent canalisée par les logiques formelles de représentation. On a l’impression que tous les acteurs de l’économie et de la société, par manque de projets clairs, optent collectivement et sans concertation pour le statu- quo comme « stratégie » par défaut, au moins pour les raisons suivantes : 1. le statu- quo est « rémunérateur » dans le contexte d’un système régi encore par la logique rentière ; 2. le statu- quo belmihoub, forum tunis : cas Algérie 22 est sécurisant, en tout cas moins risqué que le changement et 3. L’incapacité des « élites » quelles soient dans l’administration, dans le secteur public ou dans le secteur privé ou dans la société civile à concevoir un projet de développement économique et social cohérent et suffisamment élaboré pour être accepté, mobilisateur et porteur de défis pouvant canaliser les ambitions et les intérêts des acteurs. En un mot le gouvernement manque de relais crédibles, dans la société et l’économie, capables de jouer un rôle critique, prospectif et d’agent de communication et de pédagogie des réformes ; le gouvernement (c’est une culture du système) préfère travailler seul, ou avec ses démembrements administratifs centraux et locaux, souvent non crédibles, incompétents et eux-mêmes intéressés par le statu quo autant que les autres. CONCLUSION La pratique institutionnelle en Algérie a montré ses limites. Le problème n’est pas tant dans la nature des institutions mais dans les comportements qu’elles ont générés. Tout compte fait, l’effort consenti dans la mise en œuvre des programmes de transition et d’adaptation de la législation exige un autre effort dans la mise à niveau des pratiques administratives et managériales et du système judiciaire ; autrement dit il s’agira de définir une stratégie alternative au statu quo. L’économie de marché a besoin, plus que les autres formes d’organisation économique, d’institutions efficaces, efficientes et compétitives. Le ministre des finances a utilisé une phrase très significative lors de son audition par le comité des réformes des structures et des missions de l’Etat (2002) « Financer les réformes et non pas le statu quo ». Malheureusement le résultat est que on n’a jamais cessé de financer le statu quo même dans les moments les plus difficiles de l’histoire économique de ce pays. Ce qui est dangereux dans le maintien du statu quo, au-delà de son coût pour la collectivité nationale, c’est son impact sur les comportements des acteurs économiques et politiques. L’entretien du statu quo est assuré par le régime d’accumulation économique qui reste dominé par la rente qui rend myopes les décideurs et les empêchent de voir à long terme. belmihoub, forum tunis : cas Algérie 23 ANNEXE CATALOGUE DE MESURES PROPOSEES EN MATIERE DE RELATIONS ENTRE L’ADMINISTRATION ET LES CITOYENS ( extrait du Rapport du comité de réforme des structures et missions de l’Etat, 2001) « L’amélioration des relations entre l’administration et les citoyens qui est autant une exigence à la fois politique, morale et civilisationnelle qu’une nécessité économique et sociale ressort, par définition, d’un processus multidimensionnel continu. Un tel processus dont l’étape élémentaire puise dans le bon sens des mesures simples de « dé- bureaucratisation » doit évoluer pour gagner en envergure et en profondeur à la faveur d’une stratégie globale de réforme de l’Etat qui implique des actions de nature ‘institutionnelle et législative ainsi que des actions portant sur les structures organisationnelles, les méthodes de travail et surtout sur les agents et représentants de l’Etat dans tous les secteurs. Dans le but d’amorcer et d’entretenir une dynamique d’amélioration des relations entre l’administration et les citoyens, le présent catalogue présente vingt cinq (25) mesures susceptibles d’être appliquées immédiatement ou dans le court terme et dix (10) mesures applicables dans le moyen terme ». I - MESURES APPLICABLES DANS LE COURT TERME 1. Prescrire aux administrations publiques, au sens large, de promouvoir la transparence de leurs missions, de leur organisation et de leur fonctionnement par la communication et les relations publiques à tous les niveaux. 2. Organiser, de manière ordonnée et systématique, des journées ou des semaines « portes ouvertes » sur les administrations publiques. 3. Mener des campagnes d’utilité publique sur la vulgarisation de la loi et sur les droits et les devoirs des citoyens par grands espaces de la vie nationale (ou grands secteurs d’activité). 4. Donner des « cours de citoyenneté » à tous les niveaux du système de l’éducation nationale pour inculquer aux adolescents et aux jeunes des pratiques citoyennes de convivialité sociale et de solidarité nationale. 5. Faire sentir aux citoyens l’ existence et l’affectivité du contrôle hiérarchique dans les administrations et établissements publics ainsi que ceux du contrôle effectué par les inspections générales des départements ministériels et des Wilayas. 6. Faire afficher, de manière compréhensible, les pièces constitutives des dossiers nécessaires pour telle ou telle procédure ou prestation de service, et s’abstenir de réclamer toute autre pièce non ‘incluse dans l’affichage. 7. Adapter les jours et les horaires de réception d’es citoyens pour favoriser une accessibilité optimale des services publics et ne pas occasionner aux citoyens des déplacements répétés voire des absences de leurs postes de travail. belmihoub, forum tunis : cas Algérie 24 8. Organiser l’accueil, l’orientation et l’ordre de passage des citoyens dans tous services recevant le public pour éviter les « passe-droits » et les longues attentes. 9. Délivrer immédiatement les actes, documents et pièces dont l’établissement n’est par juridiquement soumis à l’accomplissement de procédures particulières nécessitant des délais, et ne recourir qu’exceptionnellement à la convocation des citoyens auxquels des informations, avis ou témoignages peuvent être demandés par téléphone ou courrier. 10. Désigner clairement les prestations fournies par chaque guichet et afficher l’identité des agents préposés à l’accueil et au traitement des demandes des citoyens. 11. Simplifier le langage utilisé dans les correspondances administratives et y indiquer les nom et qualité de l’agent chargé du traitement et du suivi du dossier ainsi que ceux de l’autorité signataire du courrier. 12. Restituer les documents originaux présentés par les citoyens après avoir procédé sur place à la certification des copies devant être versées au dossier pertinent. 13 . Ne pas exiger des pièces administratives dont la fonction peut être remplie par d’autres pièces pour éviter les doubles emplois et pour réduire la consistance des dossiers ainsi que les difficultés liées à la réunion de toutes les pièces demandées. 14. Accepter l’auto-certification de documents par les citoyens eux-mêmes qui engagent ce faisant leur responsabilité et procéder à des contrôles ponctuels et a posteriori pour crédibiliser la pratique de l’auto-certification. 15. Généraliser l’autorité de certification de la conformité des copies de documents originaux en l’accordant à différentes catégories d’agents nommés par décret ou arrêté et à ceux bénéficiant d’une délégation expresse de signature. 16. Admettre les copies certifiées conformes des cartes nationales d’identité en cours de validité comme documents probants pour l’établissement de l’état-civil et de la nationalité des citoyens. 17. Déconcentrer les points de vente de timbres postaux et fiscaux voire de vignettes automobiles par l’externalisation de ces activités. 18. Aménager et vulgariser les modes de paiement des prestations courantes tels que l’électricité et le gaz, l’eau et le téléphone par le versement d’une provision annuelle forfaitaire et le règlement du solde en fin d’exercice annuel. 19. Associer, au niveau de chaque commune, des membres honorables et influents de la société civile à l’élaboration du plan de développement et d’aménagement urbain (PDAU) et du plan général d’occupation des sols (POS). Les belmihoub, forum tunis : cas Algérie 25 difficultés éventuelles de mise en oeuvre de ces plans doivent également être portées à la connaissance de la société civile. 20. Charges, dans chaque commune, de l’attribution des logements sociaux une « autorité de mission » autonome composée, à hauteur des deux-tiers de représentants de la société civile et, pour le tiers restant, d’élus et d’agents de la municipalité concernée. 21. Lancer la nuise au point d’un fichier national du logement social pour éviter les attributions multiples à une même famille. 22. Assainir la situation en ce qui concerne l’attribution des marchés publics, au niveau des communes, en permettant à des représentants de la société civile et aux citoyens qui le souhaitent d’assister, en tant qu’observateurs ou témoins, aux différentes phases du déroulement du processus réglementaire des marchés et notamment à l’ouverture publique des plis. 23. Envisager la possibilité d’instituer l’obligation de déclaration de patrimoine des élus à tous ces niveaux. 24. Relancer le mécanisme de pilotage gouvernemental du processus de simplifications administratives (« comité interministériel »placé auprès du Chef du Gouvernement et les commissions de Wilaya), afin de donner les impulsions et de créer les synergies nécessaires à la conception et à la conduite d’une entreprise de grande envergure d’allégement de la constitution des dossiers, d’extension de la durée de validité des pièces et de substitution positive des administrations aux citoyens pour se fournir mutuellement des compléments d’information dans l’intérêt du traitement rapide des demandes des citoyens. II - MESURES APPLICABLES DANS LE MOYEN TERME 1 - Généraliser le paiement à domicile et suivant des calendriers appropriés des factures des prestations courantes à travers la collecte des paiements par des agents itinérants parfaitement identifiés des PTT, Sonelgaz et autres compagnies et régies des eaux potables. 2 - Généraliser la disponibilité, auprès de points de vente externalisés, des cartes téléphoniques prépayées pour les lignes fixes et mobiles. 3 - Simplifier la sortie du territoire national pour tous les citoyens en n’exigeant qu’un billet de passage et un passeport en cours de validité. 4 - Recourir de manière systématique au système du « guichet unique » pour assurer la célérité des prestations de service. 5- Implanter et développer les «maisons de service public de proxirmité » dans les zones rurales et semi-urbaines en faisant du bureau de poste, de l’infirmerie locale ou de l’école une antenne administrative pluridisciplinaire belmihoub, forum tunis : cas Algérie 26 6- Inclure dans les cycles de formation et de perfectionnement des agents des services publics un module sur les relations publiques et les rapports humains sous le signe de : « satisfaction du citoyen égale raison d’être du service public ». Simplifier les conditions et formalités de recevabilité des recours administratives et diligenter leur traitement. 7- Développer les pratiques de consultation des citoyens, par voies de sondages et de référendums locaux, pour développer la démocratie participative sur les questions d’importance à l’échelle des collectivités territoriales. 8- Codifier les cadres et les modalités de la participation du mouvement associatif et de la représentation traditionnelle à l’élaboration des programmes et à la réalisation des projets des collectivités territoriales. 9- Réaliser le projet de carte nationale d’identité « infalsifiable » avec identifiant national dont l’un des effets ‘Mduits sera l’élimination de plusieurs pièces entrant actuellement dans la constitution des dossiers administratifs. belmihoub, forum tunis : cas Algérie 27