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puisque ledit « principe de réalité » est au service du principe de plaisir, en tant que
garde-fou contre le déplaisir).
Est-ce que la psychologie ainsi constituée (la métapsychologie), sur la base de ces
importations, sait de quoi elle parle ? Freud répond sans hésiter : non. Nous ne savons
rien des pulsions dans leur dimension biologique, et rien également des quantités
d’excitation ou de libido. Mais sur ce point Freud a une conception assez claire.
Comme notre travail à nous, psychanalystes, reste une « psychologie », il nous suffit
d’introduire dans les équations qui sont les nôtres un « x » inconnu (la pulsion, la
quantité…) et de le reporter en tant que tel d’équation en équation : cet « x » inconnu
restera le même tout au long des opérations, ce qui ne les empêchera pas d’avancer.
Telle est, me semble-il, très exactement la place de la biologie dans la
métapsychologie selon Freud : elle y est essentiellement importée, certains de ses
principes de base deviennent, une fois dûment représentés, des principes de base de la
psychologie qui en découle, mais elle reste par ailleurs un « x » inconnu auquel la
psychologie ainsi construite ne prête qu’un intérêt somme toute assez limité,
puisqu’elle en a déjà tiré l’essentiel dont elle avait besoin pour le travail qui est le sien.
Et on pourrait ajouter que telle est, toutes proportions gardées, la place des
contributions d’autres champs de connaissances à la métapsychologie. Freud, par
exemple, pose sans autres commentaires le fait que le surmoi est construit, au départ, à
partir du père (du père réel), ce qui lui suffit pour décrire un élément d’une deuxième
hypothèse topique. Le champ de connaissances auquel il emprunte cette notion – ce
objet « père » – est manifestement l’anthropologie, chargée de nous apprendre de
quelle façon et depuis quand l’espèce humaine s’organise comme famille à trois pôles
distincts et constamment présents dans la constitution du sujet (mère – enfant – père).
Ce champ est également celui de l’histoire des religions, ou de l’étude des origines du
sentiment religieux. Freud, en tant que penseur, ne se prive pas de faire quelques
incursions psychanalytiques dans ce domaine de connaissances (par exemple la
« horde primitive », ou encore la monographie sur Moïse), comme par ailleurs il ne se
prive pas du droit de donner, ici et là, une idée concernant la biologie ou l’éthologie
humaines… Mais fondamentalement, son travail est celui d’un « métapsychologue »,
le fait que l’être humain possède une pulsion (et un père) lui suffit pour avancer ses
« équations », et s’il s’aventure dans le champ des biologistes (ou des anthropologues),
c’est davantage pour faire avancer sa métapsychologie, que pour nourrir une
éventuelle discussion interdisciplinaire.
On comprend que, de mon point de vue, la question de Freud n’est pas tout à fait celle
du monisme ou du dualisme. D’ailleurs, il me semble que toute hypothèse de