Le déclin du XXe siècle
On ne trouve pas beaucoup de Marianne sur les monuments aux morts d’après la Première Guerre
mondiale (mais on en voit, gravées dans la craie du Soissonnais par des poilus).
En 1936, on a quelques Mariannes vivantes, comme en 1848 (que la presse de droite nomme les
« prostituées éhontées », comme à Montrouge, le 14 juin.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Marianne apparaît comme symbole de la Liberté contre
l’occupant et de la République contre le régime de Vichy (cf. l’affiche tricolore de Paul Collin
représentant Marianne en France libérée mais déchirée) : c’est un bon témoignage de la polysémie de
Marianne, elle est à la fois la République anticléricale, la liberté, la sociale, la Révolution, la France
etc.
Le déclin s’accentue encore après : ainsi le bicentenaire de la Révolution française n’a pas été du tout
« mariannolâtre », par la volonté de François Mitterrand qui a voulu mettre l’accent sur la liberté plus
que sur la Révolution pour en faire un événement consensuel, d’union de tout le peuple français. On a
ainsi eu droit à une célébration aseptisée avec Jessye Norman à la place de Marianne ! La province a
célébré Marianne plus que Paris ; on est donc passé d’une République de combat à une République plus
consensuelle ; tous les Français sont devenus républicains, la République est devenue définitive et, de
ce fait, le culte, la ferveur de Marianne ne sont plus de mise.
C’est la banalisation de Marianne. Ainsi, dans les caricatures, Marianne devient l’épouse du chef de
l’Etat (cf. Jacques Faizant), donnant des conseils. Elle devient le symbole de la politique, de la France
car il y a désormais une équivalence République = France. De ce fait, on peut la critiquer, alors
qu’auparavant, les deux seules périodes de l’histoire où elle a été critiquée sont le Second Empire et le
régime de Vichy, période pendant laquelle on a fondu 120 des 427 monuments de Marianne existant
cependant qu’en 1943, la Milice a fait une épuration des Marianne dans les mairies.
Le général de Gaulle a beaucoup utilisé Marianne : bleu blanc rouge pour les référendums, sur les
timbres de la Ve République, mais elle est réduite à une enfant, elle n’est plus subversive. La Marianne
de 1968 fut la dernière résurgence des Marianne vivantes, véhémentes et révolutionnaires.
La banalisation de Marianne se fait aussi après 1945 par la mise à toutes les sauces de celle-ci :
beaucoup d’objets de la vie quotidienne la représentent (cf. l’impressionnante collection du journaliste
Pierre Bonte qui en a fait don au Sénat) ; ne suscitant plus la haine, on la combat en l’affadissant (c’est
déjà vrai sous la Troisième République, mais l’est davantage encore sous les deux suivantes). Sur les
médailles des septennats présidentiels, René Coty est le dernier à représenter Marianne. Le coup fatal à
la République est porté, selon Madame Sohn, par Valéry Giscard d’Estaing : sur les timbres, La Poste
remplace la République française, le rythme de La Marseillaise est changé, la commémoration du 8
mai 1945 est supprimée et, dans La Démocratie française, il fonde le « caractère français » sur un
composé du Gavroche rebelle et de la « gentillesse souriante » de Marianne !
Pourtant aujourd’hui il ne saurait y avoir de mairie sans Marianne : chaque mairie essaie d’avoir « sa »
Marianne originale qui devient le symbole de la démocratie locale, le témoin de la vitalité de la
démocratie locale. Mais au niveau national, la médiatisation de la Marianne participe aussi à sa
banalisation et là encore, cela débute sous la Troisième République et la gauche y participe aussi :
ainsi Mistinguett patronne un concours de chants « les Marianne de Paris » : Marianne bascule donc
dans le music-hall (… mais aussi lors des fêtes de L’Humanité du PCF) !
L’année 1969 marque une date importante dans l’histoire de Marianne : jusque là, le modèle vivant
choisi pour le buste de Marianne était anonyme, c’était une femme du peuple. En 1969, c’est…
Brigitte Bardot ! C’est le choix d’une artiste à scandale, de droite : la valeur subversive, progressiste
de Marianne s’effondre. Mais, à la limite, on utilise une femme qui a fait avancer la libération du corps
des femmes. Par la suite on va prendre Mireille Matthieu, chanteuse populaire de droite : c’est l’image
d’une jeune femme méritante découverte par Jean Nohain et d’origine modeste ; c’est ensuite
Catherine Deneuve, artiste de plus haute tenue, symbole du rôle croissant des médias, qui fut choisie
par Pierre Bonte après un sondage populaire ; en l’an 2000 , ce fut Laetitia Casta, mannequin, choisie