Cahiers Européens d`Houjarray - Cahiers Europeens d`Houjarray

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Cahiers Européens d’Houjarray
- Numéro 4 –
(version française)
Publication internet
de l’Association Jean Monnet
www.cahierseuropeens.net
-1Association Jean Monnet – 9bis rue Georges Berger – 75017 Paris – Tél. : 01.56.33.71.00
e.mail : [email protected] - Site internet : www.jean-monnet.net
Sommaire
Cahiers Européens d’Houjarray
- Numéro 4 –
Editorial
L’actualité européenne décodée (p. 4):
* La fin du traité CECA
* Coup de projecteur sur le Danemark, programme présidence danoise
* Le bicentenaire de Victor Hugo
Interview (p. 22): Entretien avec M. Bernard Vasseur, Directeur de la
Fondation Elsa Triolet –Louis Aragon
Les Dossiers (p. 26) : Extraits de l’ouvrage « Citoyennetés nationales et
citoyenneté européenne » conçu et coordonné par Françoise Parisot,
Présidente de l’Association Futur Présent.
* Identité culturelle européenne ou héritage commun ?
* Citoyennetés nationales et citoyenneté européenne (2ème partie) : L’Espagne et le
Portugal
En Bref (p. 66) :
* Des nouvelles de la convention
* Le Centre International d'initiation aux droits de l'Homme
* Un million « d’Erasmusiens »
Portraits d’Européens (p. 73) : Winston Churchill (portrait réalisé à partir de
l’ouvrage de François KERSAUDY)
Ça se passe en Europe, Expériences, réalisations, projets (p. 76) :
* Interview avec Mme Emmanuelle Perpignaa du Service Volontaire Européen
* Un olivier pour la Paix à Marseilleveyre
Parlez-vous européen ? (p. 82) : Voyage aux origines des Mots européens :
des racines communes pour des langues sœurs … (suite)
Lectures européennes (p. 87) : << Charles de Gaulle >> Eric Roussel
Vu dans la presse (Nouvelle rubrique) (p. 87)
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Editorial
De nouveau, l’actualité européenne est bien remplie. Après les « années
euro », on parle désormais de plus en plus de citoyenneté, de l’élargissement
qui se rapproche, de la convention sur l’avenir de l’Europe…
Tous sujets imbriqués et extrêmement importants, mais pas toujours clairs
dans l’esprit des citoyens. C’est pourquoi, nous abordons ces thèmes en
priorité dans ce numéro, aux côtés de nos rubriques habituelles. La
réunification européenne, entre les nations et les peuples de l’Est et l’Ouest
séparés par les malheurs de l’Histoire, sera un moment essentiel de la vie de
notre
continent :
historiquement,
politiquement,
économiquement,
humainement. Cette véritable révolution, ce changement de dimension qui
devrait avoir de nombreux effets positifs à terme sur notre bien-être
économique et social commun, la défense de nos valeurs fondamentales,
notre influence dans le monde, ne se fera sans doute pas sans quelques
difficultés et tensions à très court terme. Mais, une nouvelle fois, il s’agit
comme le rappelait Jean Monnet, non pas de coaliser des Etats, mais d’unir
des hommes, dans l’intérêt commun de tous.
Arnaud PINON
Rédacteur en chef
Directeur de l'Association
Jean Monnet
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L'actualité européenne décodée
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La fin du traité CECA
Le 23 juillet 2002, après cinquante ans de bons et loyaux services, la première
organisation européenne supranationale s'est éteinte.
A Bruxelles, le drapeau de la CECA a été définitivement descendu et remplacé par une
bannière aux couleurs de l'Europe d'aujourd'hui. Entré en vigueur pour cinquante ans, le
27 juillet 1952, le traité CECA a vécu et ses institutions ont été progressivement
fusionnées avec celles de l'Union. Le Comité consultatif de la CECA a intégré le Comité
économique et social, et le bas de laine de la CECA (1,6 milliards d'euros) a été attribué
à la recherche. Les houillères employaient dans les années 50 deux millions de
travailleurs, l'acier 700 000. Aujourd'hui, il reste un peu moins de 87 000 mineurs et
276 000 sidérurgistes en Europe. Une nécessaire restructuration accompagnée par la
CECA …
Un peu d'histoire …
Faire l’Europe pour ne plus faire la guerre : cette idée qui présentait déjà une certaine
actualité dans l’entre-deux guerres (projet Briand, mouvement Paneuropéen du comte
Richard Coudenhove-Kalergi) se concrétise après la Seconde Guerre mondiale avec la
naissance de la Communauté européenne du charbon et de l’acier.
« La révolution du 9 mai »
Le contexte
Depuis les accords de Washington (avril 1949) et de Petersberg (novembre 1949), qui
redonnent une existence politique à l’Allemagne de l’Ouest et favorisent son
développement économique, les autres pays de l’Europe Occidentale, la France en
particulier, s’interrogent quant à leurs possibilités futures d’accès aux mines de charbon
à coke de la Ruhr, vitaux pour leurs industries.
L’Europe, en ruines, doit faire face à la reconstruction matérielle et économique et
retrouver sa place dans le concert des nations. Les Etats-Unis sont prêts à l’aider dans
la mesure où elle saura s’organiser : « que l’Europe s’unisse, nous l’aiderons » déclare le
général Marshall dans le discours prononcé à Harvard le 5 juin 1947. En 1950, les
relations internationales sont dominées par la guerre froide. L’Europe en est un des
enjeux. Les 11 et 12 mai, à Londres, les trois ministres des Affaires étrangères : Dean
Acheson pour les Etats-Unis, Robert Schuman pour la France et Ernest Bevin pour la
Grande-Bretagne, doivent se retrouver pour discuter notamment du devenir de
l’Allemagne en tant que puissance souveraine.
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Le déroulement d’une journée historique
Le 9 mai, au matin, le texte de la déclaration rédigée par Jean Monnet est porté à M.
Schuman au moment où il entre au Conseil des ministres. Au même moment, son
collaborateur M. Mischlich frappait à la porte du Conseil des ministres de Bonn et
remettait personnellement au Chancelier une lettre manuscrite. Konrad Adenauer,
surpris, ému, répond sur le champ : « J’approuve de tout cœur ». L’accord de principe du
Chancelier fédéral est acquis.
A l’Elysée, la séance du Conseil des Ministres vient de se terminer. Mais Robert
Schuman invite ses collègues qui se levaient à se rasseoir car il a une déclaration à faire.
Bernard Clappier, son chef de cabinet vient de lui signaler que le Chancelier Adenauer
accepte la proposition. D’une voix peu audible, il dévoile alors les grandes lignes d’un
projet révolutionnaire, préparé en secret depuis quelques semaines par Jean Monnet et
ses intimes collaborateurs du Commissariat au Plan.
Désirant frapper l’opinion et quelque peu forcer la main aux autres gouvernements,
Robert Schuman organise hâtivement une conférence de presse dans le Salon de
l’Horloge du Quai d’Orsay. Il y dévoile aux journalistes français et étrangers présents le
contenu explosif de ce projet, désormais baptisé «Plan Schuman ».
Les journalistes français et étrangers furent convoqués pour 18h et le Salon de
l’Horloge au Quai d’Orsay aménagé en salle de presse. Dans la hâte, on oublia de prévenir
les photographes et la radio. La photographie généralement présentée pour illustrer la
déclaration du 9 mai a été en fait prise le 20 juin 1950, date de l’ouverture officielle
des négociations sur le traité.
Les autres gouvernements britanniques, italien, américain et ceux du Benelux sont mis
au courant le jour même de la déclaration.
Mettre en commun, sous une autorité indépendante des Etats, les ressources de
charbon et d’acier, dans la perspective d’une fédération européenne, voilà le vaste
programme que se fixe la Déclaration Schuman.
Les principes fondateurs de la Déclaration Monnet-Schuman
« Faire l’Europe, c’est faire la paix » : une intégration économique au service d’un
projet politique
Assurer les bases d’une paix durable entre l’Allemagne et la France, tel est l’objectif
fondamental. Charbon et acier étaient censés offrir un terrain exceptionnellement
favorable à une première expérience de collaboration entre les ennemis d’hier encore
séparés par les souvenirs et les soupçons. Les gisements de fer et de charbon de la
Belgique, de la Ruhr, de la Lorraine constituaient une unité géologique, géographique,
économique. Les frontières y étaient artificielles ; l’unité y serait le retour à la nature, à
la raison.
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C’est la recherche d’instruments propres à bannir la guerre d’Europe à tout jamais, qui a
caractérisé les négociations sur le traité de la Communauté Charbon Acier. Des siècles
durant, la politique extérieure a été marquée en Europe par des coalitions et des
contre-coalitions entre grandes puissances, par la violence guerrière et les revanches.
Français et Allemands se sont fait 29 fois la guerre en quatre siècles, soit en moyenne
une fois tous les quatorze ans. Français et Allemands se sont fait 29 fois la guerre en
quatre siècles, soit en moyenne une fois tous les 14 ans. Le concept d’intégration
européenne a permis pour la première fois de briser efficacement et durablement cette
spirale infernale. L’idée de fond était de définir un cadre dans lequel les divergences
d’intérêt des Etats membres pouvaient être réglées de manière rationnelle et selon des
procédures déterminées et où des intérêts contradictoires pouvaient être conciliés et
ramenés à des intérêts communs.
Unir les hommes, trouver l’intérêt commun
« Il me semblait que j’avais toujours suivi la même ligne continue dans des circonstances
différentes, sous des latitudes différentes, mais avec une seule préoccupation : unir les
hommes, régler les problèmes qui les divisent, les amener à voir leur intérêt commun ».
« Je n’ai jamais pensé qu’on pouvait changer la nature des hommes. Mais en modifiant le
contexte dans lequel ils agissent, en leur donnant les mêmes règles, les mêmes
institutions démocratiques, on peut les amener à se comporter différemment les uns
vis-à-vis des autres. Dans la Communauté, les Européens apprennent ainsi à vivre
ensemble comme un même peuple. Nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons les
hommes ».Jean Monnet, discours, Washington, 30 avril 1952
L’égalité entre les Etats
L’un des principaux apports du plan Schuman est la rupture avec une politique de contrepoids envers l’Allemagne -celle de Poincaré reprise à la Libération par de Gaulle- et
l’acceptation d’un avenir commun.
A la fin de la Première Guerre mondiale, l’Allemagne est désignée comme « responsable
de la guerre » et la diplomatie française a pour principal souci de « faire payer
l’Allemagne ». Pour Jean Monnet notamment, les constructions hégémoniques sont
incompatibles avec les principes de démocratie et l’égalité. Pour cette simple raison,
aucune construction hégémonique, de quelque nature que ce soit, ne pouvait être
envisagée comme base d'une construction européenne.
Le point de départ du système est la reconnaissance de l’égalité des droits des
participants. Pour des raisons évidentes, c’est cela qui a emporté l’adhésion enthousiaste
d’Adenauer la première fois que le plan Schuman lui a été présenté.
« Du jour où je me suis occupé d’affaires publiques, j’ai compris que l’égalité était
absolument essentielle dans les rapports entre les peuples comme entre les hommes. Il
n’y a pas de paix durable lorsqu’elle est fondée sur la discrimination. ». Jean Monnet,
Mémoires
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L’égalité se révèle aussi importante entre les nations qu’entre les individus. C’est le
fondement de la confiance réciproque, et donc du rassemblement des hommes.
Les force des institutions
La signification institutionnelle de la Communauté paraît plus importante encore que la
signification économico-sociale. La Communauté modifie véritablement les relations
entre Etats.
Les auteurs du Plan Schuman ont tenu compte des expériences de la Société des
Nations et ont recherché une meilleure organisation des pouvoirs. Ils ont surtout voulu
aller beaucoup plus loin dans la voie du transfert des souverainetés. En 1950, il s’agissait
de créer une institution nouvelle au sens plein du terme, indépendante de toute idée
nationaliste.
Dans un système de coopération inter-nationale, des Etats s’associent en vue d’atteindre
certains objectifs, déléguant éventuellement l’exercice de certains pouvoirs, mais sans
renoncer essentiellement à leurs compétences et à leurs prérogatives d’Etats.
L’expérience supranationale procède tout différemment. Les six Etats signataires du
traité instituant la Communauté ne se sont pas bornés à inscrire dans un texte leur
volonté de coopérer, ils se sont dessaisis pour cinquante ans de certaines de leurs
compétences, de certains de leurs pouvoirs, pour les transférer à une Autorité
indépendante vis-à-vis d’eux, soumise à des contrôles juridictionnels et parlementaires.
Le Plan Schuman était donc proprement politique dans son but : la paix par la création
d’une Europe unie et d’une Allemagne intégrée dans l’Europe mais aussi dans sa méthode
d’abandon de parcelles de souveraineté à une organisation extérieure aux Etats, capable
de déterminer et de mettre en œuvre l'intérêt commun.
Les parlements ratifient vite le traité et, le 10 août 1952, Jean Monnet est nommé
président de la "Haute Autorité" qui s'installe à Luxembourg. Il déclare alors : "De quoi
s'agit-il ? de rendre graduellement européen ce qui est national. Les choses suivront dès
que les circonstances le permettront. La forme juridique que prendra cette Europe, on
ne le sait pas."
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Le témoignage de Max Kohnstamm,
ancien collaborateur de Jean Monnet,
membre de la délégation hollandaise en charge
des négociations sur le traité CECA
Pour Monnet, la CECA n'était "que le début d'un processus pour organiser l'unité non
seulement dans le domaine économique, mais aussi en matière de politique étrangère, là
où seule une action commune serait à même de traiter sérieusement les problèmes
économiques et politiques de notre époque."
"L'objectif de Monnet était-il donc de transformer l'Europe en une nouvelle
superpuissance ? Dans un discours prononcé à Londres au début des années 60, il a
soulevé lui-même cette question. Et Max Kohnstamm nous a cité sa réponse : l'unité en
Europe ne crée pas un nouveau genre de grande puissance. Il s'agit d'une méthode pour
introduire des changements en Europe et, par voie de conséquence, dans le monde. Les
gens sont tentés de voir la Communauté européenne comme un Etat potentiel du XIXème
siècle, avec tous les aspects de puissance que cela implique. Mais nous ne sommes plus au
XIXème siècle et les Européens ont bâti la Communauté européenne précisément pour
trouver une sortie aux conflits auxquels la philosophie de puissance du XIXème siècle
avait donné naissance. L'unité européenne n'est pas un programme, ni une théorie. C'est
un processus qui a déjà commencé, consistant à réunir les peuples et les nations pour
qu'ils s'adaptent ensemble aux circonstances changeantes. […] En mai 1950, le Plan
Schuman m'a frappé comme un coup de foudre, nous a confié Max Kohnstamm. Je me
disais que là se trouvait la solution. Par la suite, j'ai rencontré Monnet, et il m'a
profondément impressionné. Son projet était révolutionnaire : créer des liens juridiques
ayant force de loi entre les nations libres d'Europe occidentale, vainqueurs et vaincus de
la Deuxième Guerre mondiale participant sur un pied d'égalité à cette communauté
européenne. La Haute Autorité superviserait le développement et l'essor des industries
du charbon et de l'acier dans les pays du Benelux, en France, en Allemagne et en Italie,
assurant ainsi un accès égal aux consommateurs et des règles égales aux producteurs.
C'était, en vérité, une première étape pour assurer une paix durable en Europe."
Pour Kohnstamm, même des hommes d'Etat aussi remarquables que Schuman et
Adenauer n'auraient pas pu, en 1950, conclure un traité de paix entre leurs deux pays.
Le problème de la Sarre, à la frontière entre le France et l'Allemagne, et des questions
comme le contrôle des industries de la Ruhr, le rendaient impossible à l'époque. La seule
manière de surmonter les haines et les craintes mutuelles passait, dans l'esprit de
Monnet, par l'exercice d'une souveraineté conjointe, se substituant aux souverainetés
nationales." "Face à la crise, la méthode Monnet" in Nouvelle solidarité, 9 août 2002
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Le Danemark
Membre de la CEE depuis 1973
Superficie : 43.093 Km2
Population : 5,3 millions d’habitants
Capitale : Copenhague
Monnaie : la couronne (1 Kr. = 0,134 euros). Ce pays est hors zone euro.
Religion : protestant-luthérien à 85,8 % (le chef de l’Etat doit être luthérien)
Langue : le danois appartient au groupe nordique des langues germaniques, proche du
norvégien, de l’islandais et du suédois. Mais il se distingue de ces langues par des
apports de mots romans et allemands. Un dialecte frison, proche de l’allemand, est parlé
au sud du Jütland.
Géographie
Le Danemark est une presqu’île de l’Europe du Nord qui sépare la mer Baltique à l’est de
la mer du Nord à l’ouest. Par le contrôle des détroits qui font passer d’une mer à l’autre,
le Danemark occupe donc une position stratégique. Ce pays compte environ 400 îles (la
capitale Copenhague est elle-même située sur l’île de Seeland) et une péninsule, le
Jütland, qui constitue la majeure partie du territoire. C’est la raison pour laquelle ce
paysage aux 7.300 Km de côtes a fait des danois un peuple résolument tourné vers la
mer (Copenhague veut dire «port des marchands »).
Au sud, la seule frontière terrestre est partagée avec l’Allemagne sur 67 Km.
Le point culminant du Danemark est une colline de 173 m (Yding Skovhøj).
Océanique, le climat est relativement tempéré : mars, le mois le plus froid, peut
descendre à
–12°C, et juillet, le mois le plus chaud, peut atteindre 30°C.
Le Groënland («pays vert ») et les îles Féroé («îles aux moutons ») appartiennent au
Danemark mais possèdent un statut d’autonomie qui leur permet de décider
souverainement dans certains domaines. Par exemple, les îles Féroé ont choisi en 1974
de rester en dehors de la CEE. Le Groënland, lui, adhère à la Communauté en 1973, mais
la quitte en 1985, par un référendum de 1982 qui voit le «oui au retrait » l’emporter à
52 %.
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Institutions et politique
Le Danemark est une monarchie constitutionnelle, ce qui signifie que dans la constitution
danoise, le chef de l’Etat est une reine (ou un roi) qui doit nommer un chef de
gouvernement en fonction de l’issue des élections législatives. Ces élections désignent
179 députés tous les 4 ans, qui vont siéger dans l’unique chambre du pays, le Folketing
(le Parlement). A noter que la deuxième chambre, le Sénat (Landsting), a été supprimée
en 1953.
Depuis 1972, Margrethe II est reine du Danemark. Elle serait issue d’une lignée
commencée avec Gorm le Vieux il y a 1000 ans. Elle a épousé Henri de Laborde de
Montpezat, un Français du Querçy, devenu depuis le Prince Henrik de Danemark.
L’actuel chef du gouvernement est le Premier ministre Anders Fogh Rasmussen, chef du
Parti libéral, vainqueur des élections législatives du 20 novembre 2001.Pour la première
fois depuis 72 ans, les électeurs ont porté au pouvoir une majorité de droite au
Folketing.
Le Danemark et l’Union européenne
En juin 1992, un premier référendum rejeta l’adhésion au traité de Maastricht avec
50,7% de non. Au pouvoir de 1993 à 2001, le Premier ministre social-démocrate (gauche)
Poul Nyrup Rasmussen, artisan d’un «compromis national », négociateur de mesures de
transition avec la Communauté européenne, parvint à faire accepter par un nouveau
référendum en mai 1993 le traité de Maastricht amendé avec 56,8 % des voix (les
Danois ratifiaient le traité sans la clause de la monnaie unique et sans participer à la
Politique étrangère et de sécurité commune). De nouveau, par un référendum tenu le 28
septembre 2000, le peuple danois avait rejeté l’adhésion de son pays à la zone euro par
une majorité de 53 % des voix. Selon un sondage de septembre 2002, 61 % des Danois
seraient favorables à l’euro (institut Megafon).
Présidence de l’Union européenne
La présidence de l’Union européenne est assurée à tour de rôle par chaque Etat membre.
Depuis le 1er juillet 2002, le Danemark a succédé à l’Espagne pour 6 mois avant de laisser
la présidence à la Grèce au 1er janvier 2003. A ce titre, le Danemark s’est engagé à
concentrer ses efforts sur : l’achèvement des négociations propres à l’élargissement ; la
liberté, la sécurité et la justice ; le développement économique durable ; la sécurité
alimentaire et les responsabilités de l’Union européenne sur le plan mondial.
Concernant l’élargissement, le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement de
Copenhague des 12 et 13 décembre 2002 devra établir la liste des pays candidats
remplissant les conditions requises pour l’adhésion à l’UE. En effet, une dizaine de pays
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sont sur le point d’achever le long cycle de négociations et pourraient rejoindre l’Union
en 2004.
Histoire
Le Danemark est l’une des plus anciennes monarchies d’Europe.
Descendus de Scandinavie, les Vikings s’installent dans le pays vers 500 apr. J.-C. Parmi
eux, les Danois prennent une grande part aux expéditions en Angleterre et dans le
royaume des Francs où ils sèment la terreur. Vers la fin du VIIIème siècle, des clans
danois commencent à former un royaume qui s’étend de la Suède jusqu’en Allemagne. Le
nom «terre des Danes » apparaît pour la première fois vers 940 : c’est la fin de l’ère
viking. La conversion des Danois au christianisme commence avec le baptême vers 960 de
Harald à la Dent bleue : c’est le début du royaume du Danemark.
Le drapeau danois est l’un des plus vieux du monde.
Selon la légende, l’origine du drapeau danois remonte à une bataille entre le roi Valdemar
II et les Estoniens, en 1219, pendant laquelle des éclairs blancs découpèrent le ciel de
feu. Ce signe, venu de Dieu, redonna courage aux soldats danois et leur permit d’obtenir
la victoire. Le «dannebrog » (du frison dan – rouge et broge – pièce de tissu colorée) fut
officiellement adopté par la famille royale en 1397.
Les Danois sont très attachés à leur drapeau et ne manquent pas une occasion pour
l’arborer.
Jusqu’au XIVème siècle, la dynastie des Valdemar a consolidé le royaume du Danemark
pour en faire un Etat fort, dominant toute l’Europe du Nord : c’est l’Union de Kalmar, en
1397, qui réunit en un seul Etat le Danemark, la Suède et la Norvège. L’union avec la
Suède prendra fin en 1521, mais l’union avec la Norvège se prolongera jusqu’en 1814 !
En 1536, la Diète danoise impose le luthéranisme comme religion d’Etat ce qui provoque
une guerre civile : la persécution s’abat sur les non-protestants et en 1624 la peine de
mort est décrétée contre les prêtres catholiques.
Le XVIIème siècle est placé sous le signe de l’absolutisme royal (constitution de 1665)
avec l’appui de la bourgeoisie et du clergé luthérien : le souverain est tout puissant,
comme dans la plupart des monarchies européennes. Sous le règne de Frédérik VII, le
régime s’assouplit, l’absolutisme est abandonné et le pays se dote en 1849 d’une nouvelle
constitution plus libérale fondée sur la séparation des pouvoirs.
Après la défaite écrasante des conservateurs (qui ne souhaitaient pas étendre le
suffrage universel à toutes les élections) en 1901, le roi doit s’incliner devant le régime
parlementaire et appelle au pouvoir les partis de gauche. La constitution de 1915
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accorde le suffrage universel à tous et surtout aux femmes (en France, le vote des
femmes est accordé en 1944).
Neutre pendant les deux guerres mondiales, le pays est cependant envahi sans combats
par les nazis dès avril 1940. Le roi est emprisonné, la police danoise refuse de collaborer
avec l’occupant et 20 navires de la marine danoise sont sabordés.
Après la guerre, le Danemark adhère à l’OTAN en 1949 et principal partenaire
commercial du Royaume-Uni, il rejoint l’AELE (Association européenne de libre-échange)
en 1959. Si bien qu’en 1973, lorsque le Royaume-Uni intègre la C.E.E., le Danemark
rejoint aussi le Marché commun, source de débouchés pour ses exportations de beurre,
de lait et d’œuf (en 1970, l’agriculture danoise assurait les ¾ des exportations du pays).
Arts, sciences et culture
Les contes de Hans-Christian Andersen (1805-1875) notamment Le vilain petit canard,
et La petite sirène (1837) sont de renommée mondiale.
La petite sirène
Dernière fille du Roi de la mer, elle sacrifia sa voix et sa queue en écailles pour gagner
l’amour d’un prince dont elle avait sauvé la vie au cours d’une tempête. Le prince la
repoussa, elle se jeta alors à la mer, son corps se transforma en écume et elle devint un
ange.
Dans le port de Copenhague, le sculpteur Edvard Eriksen a façonné une statue en bronze
de la petite sirène en 1913, en prenant sa femme pour modèle. Plusieurs fois la statue a
été vandalisée (tête et bras arrachés), mais elle fut toujours restaurée. Elle demeure
l’un des grands symboles du Danemark.
La ferme africaine de Karen Blixen (1885-1962) a connu un grand succès, notamment par
son adaption au cinéma (Out of Africa avec Robert Redford et Meryl Streep).
Bertel Thorvaldsen (1768-1844) est reconnu comme l’un des plus grands sculpteurs
danois, notamment par la décoration de la cathédrale de Copenhague et son chefd’œuvre Le Christ et les 12 Apôtres.
Les Danois sont célèbres pour leur maîtrise du design. L’un des grands designers danois
est Arne Jacobsen (1902-1971), fameux pour ses réalisations dans le domaine du
mobilier, voire certains appareils ménagers (escaliers, meubles, chaises, casseroles,
couverts, robinets mitigeurs, etc.). Le design danois mêle la finesse et l’esthétisme à une
simplicité et une solidité à toute épreuve.
Au printemps 1995, le réalisateur Lars Von Trier a présenté une nouvelle formule
cinématographique. Avec la complicité de son collègue, Thomas Vinterberg, ils ont créé
un ensemble de règles qui exige l’utilisation d’extérieurs authentiques sans accessoires,
une caméra tenue à la main, la proximité du temps et du lieu d’action, et proscrit les
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effets spéciaux et «l’action superficielle ». Ce mouvement, «manifeste Dogme 95 », a
mis le cinéma danois à l’ordre du jour et connu un certain succès international.
Le Danemark a contribué à la science grâce à des savants comme Tycho Brahe (15461601), qui par ses travaux, permît à son disciple, l’astronome allemand Kepler, la
découverte des lois régissant le mouvement des planètes, Ole Rømer (1644-1710) qui
calcula la vitesse de la lumière, Niels Bohr (1885-1962) qui reçut le prix Nobel de
physique en 1922 pour ses travaux sur la fission de l’atome ou encore Henrik Dam (18951976), lui aussi prix Nobel, qui révéla la vitamine K, nécessaire à la coagulation sanguine.
Folklore et gastronomie
Des défilés, des foires et des animations sont organisés le 5 juin pour la fête nationale,
en mémoire de l’adoption de la première constitution, en 1849.
Le 23 juin, à la Saint-Jean, des bûchers sont allumés toute la nuit dans la campagne et le
long des côtes pour célébrer le solstice d’été.
A la Saint-Martin, le 11 novembre, pour marquer le début du jeûne avant Noël, on mange
l’oie en famille.
Bien entendu, le père Noël («Julemanden ») apporte les cadeaux le soir du 24 décembre.
Au cours de ces festivités, vous pourrez goûter notamment, au hareng mariné (au curry,
à l’aneth, à la crème,...), aux œufs brouillés à l’anguille fumée, aux boulettes de porc et
veau (« frikadeller »), à du gibier rôti ou du porc rissolé. Le tout servi avec un des 200
pains danois au choix («smørebrød ») et arrosé d’une bière Carlsberg ou Tuborg. Après
un café, dont les Danois sont grands consommateurs, les plus grands dégusteront (avec
beaucoup de modération) l’akvavit, une eau-de-vie très forte à base de pomme de terre.
Pour s’amuser, les plus jeunes retiendront la célèbre petite brique danoise, le Lego ainsi
que son parc d’exposition Legoland. Le Danemark est le royaume de la «petite reine » :
Un Danois sur deux possède une bicyclette. A Copenhague, les city bikes (vélos de ville)
sont disponibles depuis 1995 moyennant une caution de 20 couronnes (2,68 euros). Vous
pouvez alors vous déplacer dans la ville à tout moment de la journée pour notamment
rejoindre le plus grand parc d’attraction de l’Europe du Nord, les Jardins de Tivoli, ou
s’arrêter à un embarcadère pour monter sur un ferry qui vous emmènera sur les canaux.
Au fil de l’eau, vous apercevrez peut-être sur une île une ancienne garnison militaire
désaffectée et squattée il y a une trentaine d’années, Christiania, devenue un véritable
marché artisanal.
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Priorités de la Présidence danoise de l'Union européenne :
juillet-décembre 2002
La présidence de l'Union européenne est assumée à tour de rôle par chaque Etat
membre. C'est le Danemark qui succède à l'Espagne à compter du 1er juillet 2002. Il a
donc présenté les thèmes qui sont prioritaires pour lui et qu'il souhaite voir avancer
d'ici la fin de sa présidence. Le mot d'ordre de cette présidence est "une seule Europe",
ce qui implique en priorité de mener à bien le futur élargissement.
Placées sous le signe de la transparence, les priorités de la présidence danoise
s'articulent autour de cinq thèmes: l'achèvement des négociations relatives à
l'élargissement; la liberté, la sécurité et la justice; le développement économique
durable; la sécurité alimentaire et les responsabilités de l'Union européenne sur le plan
mondial.
A ces thèmes principaux s'ajoute la nécessité de préparer les institutions de l'Union à
l'élargissement et plus particulièrement le Conseil de l'Union européenne selon les
décisions, prises lors du Sommet européen de Séville (juin 2002) concernant son
organisation et son fonctionnement. Enfin, un élan supplémentaire sera donné à la
discussion sur l'avenir de l'Union européenne, en vue de la conférence
intergouvernementale de 2004. Le parlement danois renforcera également la
coopération entre les parlements nationaux.
LES NEGOCIATIONS RELATIVES A L'ELARGISSEMENT
Objectif principal du Danemark, les négociations en vue de l'élargissement devront
aboutir fin 2002. Le Conseil européen de Copenhague en décembre devra établir la liste
des pays candidats qui remplissent les conditions requises pour l'adhésion. Dix des pays
candidats sont sur le point de remplir ces conditions et sont donc susceptibles
d'adhérer à l'Union européenne en 2004, il s'agit de: Chypre, l'Estonie, la Lettonie, la
Lituanie, Malte, la Pologne, la Slovaquie, la Slovénie, la République Tchèque et la Hongrie.
Cependant certaines questions difficiles sont encore en discussion, comme la politique
agricole commune. Des efforts doivent également être fournis concernant la capacité
administrative ou le soutien de la population à l'adhésion. En outre, la présidence danoise
devra contribuer à l'élaboration de la position de l'Union européenne sur les questions
financières relatives à l'élargissement.
S'agissant des autres pays désirant adhérer mais ne remplissant pas les conditions
nécessaires, la Bulgarie et la Roumanie, la présidence entend faire progresser
significativement les négociations. Elle travaillera également au rapprochement avec la
Turquie et renforcera les liens avec les nouveaux voisins de l'Union (Ukraine, Biélorussie
et Moldavie).
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LIBERTE, SECURITE ET JUSTICE
* Lutte contre le terrorisme
L'Union européenne va poursuivre la lutte contre le terrorisme, notamment dans le
cadre de sa politique étrangère et de sécurité commune et en insérant des clauses antiterrorisme dans les accords avec les pays tiers. Elle aura également un rôle à tenir au
sein de l'ONU et dans les autres enceintes internationales : maintien d'une coalition
internationale, élaboration de conventions, non-prolifération, prévention du terrorisme...
Le Danemark souhaite également insister sur la nécessité de mener une politique de
développement et de soutien à la démocratie pour lutter efficacement contre le
terrorisme.
* Lutte contre la criminalité
L'élargissement implique un renforcement de la coopération judiciaire et policière en
matière pénale et un renforcement du contrôle aux frontières. Ainsi, le système
électronique d'information Schengen devra être développé. L'action anti-drogue de
l'Union devra également être poursuivie, notamment dans la prise en charge des
délinquants toxicomanes. Enfin, les échanges entre les différentes polices et les
parquets des Etats membres devront être améliorés, ainsi que la coopération douanière
(empreintes digitales, antécédents judiciaires, reconnaissance mutuelle des décisions de
justice).
* Asile et immigration
Dans la continuité de Séville, la présidence danoise juge prioritaire de déterminer quel
pays doit traiter une demande d'asile, de donner une définition commune de la notion de
réfugié et de garantir un traitement égalitaire aux ressortissants des pays tiers.
Seront également poursuivis les travaux en vue de la création d'une base de données
européenne des visas, de la mise en place d'officiers de liaisons, de l'inclusion dans les
accords avec les pays tiers de la gestion des flux migratoires, de la lutte contre
l'immigration clandestine.
LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DURABLE
La lutte contre le chômage est un objectif majeur pour le Danemark. Il se donne pour
objectif de terminer les travaux sur la fiscalité avant la fin de l'année pour que les
différents régimes fiscaux soutiennent mieux le marché intérieur afin d'éviter la
double imposition, l'évasion fiscale...
La présidence danoise s'emploiera également à améliorer les transports, à développer la
société de l'information, à ouvrir le marché énergique, à moderniser les règles de
concurrence et du marché intérieur (assurances, crédit, retraites, marché public...).
Parallèlement, l'accent sera mis aussi sur la protection de l'environnement et la gestion
des ressources. Le Danemark s'engage également à favoriser l'entrée en vigueur du
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protocole de Kyoto et à jouer un rôle clé lors du sommet modial de Johannesburg sur le
développement durable.
LA SECURITE ALIMENTAIRE
Les efforts doivent se porter sur la poursuite de la réforme de la PAC en insistant sur
les caractères sains et surs des produits, sur la sécurité alimentaire et le bien-être des
animaux. La réforme de la pêche est également à l'ordre du jour. Il s'agit d'assurer
l'avenir de ce secteur tout en préservant les ressources naturelles. La présidence
danoise entend insister sur une gestion viable à long terme de la pêche et sur la
nécessité d'épargner les stocks de poisson et le milieu marin. Cette réforme doit tenir
compte de l'importance économique de ce secteur et des impératifs de protection du
milieu marin.
LES RESPONSABILITES SUR LE PLAN MONDIAL
L'Union a de plus en plus vocation à assurer la paix et la stabilité dans le monde. Il est
prioritaire pour la présidence danoise de poursuivre dans ce cadre le développement de
la politique étrangère et de sécurité commune. Concernant la politique de défense
commune, le Danemark ne souhaitant pas conduire la politique européenne dans ce
domaine, les travaux du Conseil seront menés par la Grèce.
La politique européenne de sécurité et de défense commune sera renforcée. Les
capacités militaires doivent être développées afin d'améliorer le déroulement des
missions de l'Union en matière de gestion de crises. La présidence danoise entend
contribuer à la mise en oeuvre d'un programme de prévention des conflits. Elle désire
aussi rendre plus efficace l'action européenne en matière de droits de l'Homme et de
promotion de la démocratie.
La présidence danoise appuiera la participation des pays en développement au commerce
mondial et renforcera les liens avec les pays tiers (Russie, Etats-Unis, Balkans
occidentaux, Asie...).
Lectures utiles :
- site de la présidence danoise: http://www.eu2002.dk/
Auteur : Sources d'Europe, Centre d'Information sur l'Europe
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Les Etats-Unis d’Europe :
discours de Victor Hugo
au Congrès de la Paix d’août 1849
(Audrey SORIA)
Le 22 août 1849, Victor Hugo ouvre, à Paris, le premier congrès de la paix dont il est
président. Il prononce à cette occasion un discours important pour l’Europe.
« Un jour viendra où les armes vous tomberont des mains, à vous aussi ! Un jour viendra
où la guerre paraîtra aussi absurde et sera aussi impossible entre Paris et Londres,
entre Pétersbourg et Berlin, entre Vienne et Turin, qu’elle serait impossible et qu’elle
paraîtrait absurde entre Rouen et Amiens, entre Boston et Philadelphie. Un jour viendra
où vous France, vous Russie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes les nations du
continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous
fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité
européenne, comme la Normandie, la Belgique, la Lorraine, l’Alsace, toutes nos provinces
se sont fondues dans la France ».
Lorsqu’il se présente devant ce congrès, Victor Hugo a déjà une carrière féconde de
poète et d’auteur dramatique. Dans les vingt ans qui précèdent ce mois d’août 1849,
Victor Hugo n’a semblé vivre que pour son art. Et pourtant, sa volonté d’être acteur de la
société était sous-jacente, présente dans ses actes, _ son aversion de la guillotine est
ancienne _ présente dans ses textes aussi. Lorsqu’il publie en 1840 un recueil intitulé
Les Rayons et les Ombres, un poème attire l’attention. Victor Hugo écrit alors que l’une
des fonctions du poète est d’être engagé dans le monde. « Le poète en des jours impies
/ Vient préparer des jours meilleurs / Il est l’homme des utopies … / Il se voit, quand
les peuples végètent ! / Ses rêves, toujours pleins d’amour, / Sont faits des ombres que
lui jettent / Les choses qui seront un jour … / Peuples ! Ecoutez le poète ! / Ecoutez le
rêveur sacré ! / Dans votre nuit, sans lui complète / Lui seul a le front éclairé ! / Des
temps futurs perçant les ombres, / Lui seul distingue en leurs flancs sombres / Le
germe qui n’est pas éclos ».
La Révolution de février 1848 est l’occasion, pour Victor Hugo, de s’engager
concrètement. En juin 1848 il est élu député à l’Assemblée Nationale. En juillet 1849 il
soutient, de son autorité morale et charismatique, la proposition de constituer une
commission parlementaire destinée à enquêter sur la condition morale et matérielle du
peuple : il prononcera, devant l’Assemblée, un discours sur la pauvreté. Enfin, en août
1849, il accepte, à la demande de ses amis français et anglais, la présidence du congrès
de la paix.
Ce congrès est avant tout un congrès pacifiste, avec en son cœur, une question
fondamentale : comment maintenir la paix en Europe, à un moment où les révolutions de
1848 ont fait apparaître le désir d’autonomie et de libéralisation de nombreux peuples
européens soumis à des monarchies ou des empires autocratiques.
L’Europe doit d’abord se construire sur la base de la dignité des peuples. Seuls des
peuples libres et démocratiques peuvent penser l’Europe. A ce titre, il convient de
rappeler que, dès 1837, un mouvement « Jeune Europe » avait été créé, dans le but de
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réunir des associations nationales autour de la notion de solidarité inter-européenne. Le
Printemps des Peuples, qui éclot en 1848, est d‘abord celui de la souveraineté de chaque
nation, de la fraternité des peuples et du rassemblement des Européens autour
d’espérances communes : la démocratie, le progrès et l’égalité. L’égalité constitue
justement le second axe de cette vision de l’Europe de 1849. Pour les congressistes, il
s‘agit de mettre fin à la diplomatie de l’équilibre, telle qu’elle avait été définie au
Congrès de Vienne, et de lui substituer une diplomatie des alliances dans l’égalité.
L’arbitrage, reposant sur le droit des nations, permettrait de mettre fin aux
affrontements entre nations européennes. Ainsi, au cours de la séance du congrès de
Paris du 24 août 1849, les congressistes demandent-ils la suppression des emprunts et
des impôts destinés à alimenter les guerres d’ambitions et de conquêtes. Pour exécuter
cet arbitrage, ils prévoient une « cour suprême à laquelle seraient soumises toutes les
questions qui touchent aux droits et aux devoirs réciproques des nations ».
Les Etats-Unis d’Europe, appelés de ses vœux par Victor Hugo, s’inscrivent tout à fait
dans cette vision pacifiste et humaniste. L’établissement d’un congrès européen, chargé
de résoudre les conflits et d’éliminer les injustices, porté par une légitimité électorale
issue du suffrage universel, consoliderait des liens déjà existants entre les nations
d’Europe. La construction politique, renforçant la civilisation européenne, viendrait
ajouter au culturel, au social et à l’économique, le politique. En outre, « un jour viendra
où l’on verra ces deux groupes immenses les Etats-Unis d’Amérique et les Etats-Unis
d’Europe, placés en face l’un de l’autre, se tendrent la main par-dessus les mers,
échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie, leurs arts, leur génie ».
Hélas, ce congrès porte en lui-même ses propres limites. Tout d’abord les débats ont
quelquefois abouti à des propositions utopiques et abstraites, relevées par la presse de
ce mois d’août 1849. Ainsi en est-il du concept même d’Etats-Unis d’Europe : fédération,
confédération, la question n’a pas été posée. Les institutions européennes ne sont pas
décrites. Le parlement européen, organe d’arbitrage est-il au-dessus des lois nationales
(possédant des moyens de contraintes), ou bien ne peut-il que proposer en espérant être
suivi ? Autre question non résolue : quelle Europe ? Où s’arrête l’Europe ? Parmi les
congressistes on a pu noter une sur-représentation des Anglais (plus de 600), et la
présence nombreuse d’Américains, de Hollandais, de Belges et de Français. Point de
Russes. Peu d‘Italiens. Pas d’Allemands. Pour les Italiens et les Allemands, leur priorité,
après le Printemps des Peuples, est l’unité nationale. Quant aux sujets de l’empire
austro-hongrois, ils évoluent, dès l’automne 1848, vers une autre conception d’Europe :
plutôt que les Etats-Unis d’Europe, ils vont penser la Mitteleuropa.
Et Victor Hugo ?
Son discours a marqué les esprits, à tel point qu’il fait figure de créateur de l’expression
des « Etats-Unis d’Europe ». Toutefois, lui aussi, est plongé, après le coup d‘état du
prince Napoléon Bonaparte, dans les questions de politique intérieure. Ses combats
deviennent ceux d’un exilé, qui lutte pour le retour de la démocratie en France. Mais il
n’oublie pas pour autant son rêve prémonitoire. Pour le 80ème anniversaire de la fête de la
Fédération du 14 juillet 1790, il plante, dans son jardin de Guernesey, le » Chêne des
Etats-Unis d’Europe ». En 1874, il adresse un message aux participants du congrès de la
paix de Lausanne, dans lequel il parle pour la première fois des Etats-Unis d’Europe
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comme d’une fédération européenne. En 1881, il ajoute un codicille à son testament, et
lègue ses écrits et dessins à la bibliothèque nationale de Paris « qui sera un jour la
bibliothèque des Etats-Unis d’Europe ».
Audrey Soria
Docteur en histoire, chargée de cours à l’université Lyon III
Bibliographie:
* Textes réunis par Pascal Ory , 1998, l’Europe ? l’Europe, édition Omnibus (contient les
différents textes de Victor Hugo sur l’Europe
* André et Danielle Cabanis , 2002, l’Europe de Victor Hugo : le prophète des Etats-Unis
d’Europe, éditions Privat, collection « imaginaire de l’Europe », 2002
* Evelyne Lejeune-Resnick, 1991, «L’idée d’Etats-Unis d’Europe au congrès de la Paix de
1849 » in Revue d’histoire du XIX° siècle, n°7, pp65-72.
VICTOR HUGO : FICHE PRATIQUE
Une association :
La Société des Amis de Victor Hugo, dont on trouvera la présentation sur le site
www.victorhugo.asso.fr
Présidente d’honneur : Mme Jean Hugo
Adresse : 133, Boulevard Raspail
750006 – PARIS
Mail. : [email protected]
-> Publications :
Parmi un très grand nombre de publications ces derniers mois, citons , dans la dimension
historique, la revue Histoire, numéro spécial 261, janvier 2002, très riche en bagage
critique et ressources diverses (sites Internet, expositions, manifestations, etc…).
Le Parisien du dimanche 3 mars fournit un plan du Paris de Victor Hugo très pratique
(domiciles de Victor Hugo, sites des Misérables, sites de Notre-dame de Paris).
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-> Manifestations :
La plupart ont déjà eu lieu.
* Citons le spectacle inattendu de 180 élèves s’affrontant sur la scène de la Comédie
française le 3 avril 2002 dans le spectacle Réminiscences d’Hernani.
* A Besançon : - au Musée des Beaux Arts, V. Hugo vu par Rodin, jusqu’en janvier 2003
- au
Petit Kursaal: colloque Victor Hugo
(renseignements : 03 81 61 50 50)
politique du 11 au 13 décembre 2002
- le CRDP de l’académie de Besançon propose à cette occasion des éditions
exceptionnelles, disponibles sur son site internet : www.crdp.ac-besançon.fr
Des lieux :
Maison de Victor Hugo à Paris,
4, Place des Vosges
75004 – PARIS
Métro Bastille ou Saint-Paul
Tel : 01 42 72 10 16 - Fax : 01 42 72 06 54
Maison de Victor Hugo à Guernesey : Hauteville House
Musée Victor Hugo à Villequier, Seine Maritime (02 35 56 91 86)
Des sites Internet :
Il en existe un très grand nombre, dont beaucoup sont nés à l’occasion de la
célébration du bicentenaire (Cf. revue Histoire déjà citée, p.106)
Citons, parmi les plus riches ou les plus précieux :
- www.Civiseuropeanus.org/idea/hugo.html (qui fournit le discours de Hugo au Congrès
international de la Paix de 1849)
- http://grouphugo.div.jussieu.fr
qui offre une très riche et très dense chronologie des œuvres littéraires de
l’auteur.
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Interview
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Entretien avec M. Bernard Vasseur
Directeur de la Fondation Elsa Triolet –Louis Aragon
Avez-vous lu Victor Hugo ? Louis Aragon, 1952
septembre 2002 (interview réalisé pour CEDH par Edith Herdhuin)
Cahiers Européens D’Houjarray : En 1952, à l’occasion du 150e anniversaire de la
naissance de Victor Hugo, Aragon publie Avez-vous lu Victor Hugo ?
II ne doit pas être évident, pour un communiste convaincu comme l’était Louis Aragon à
cette époque, de célébrer Hugo. Comment a-t-il pu lui venir à l’idée de publier une
anthologie des plus grands textes de « l’homme océan » en pleine guerre froide ?
Bernard Vasseur : Aragon aime Hugo. Il en parle tout au long de son œuvre, à
commencer par la préface de 1924 au Libertinage. Mais il est vrai que c’est lors des
grands anniversaires (1935 pour le cinquantième anniversaire de sa mort ; 1952 pour le
cent cinquantième anniversaire de sa naissance) qu’il lui consacre de grands textes
(discours, conférences, articles et cette anthologie Avez-vous lu Victor Hugo ? ). Avant
tout pour protester contre le côté timoré et mesquin des célébrations officielles et
contre l’ignorance entretenue sur son œuvre chez les jeunes générations. Aragon l’a dit
dès 1935 : Hugo est, pour lui, avant tout le poète de la Nation (de sa liberté et de son
indépendance, …) et de la paix. Or ces deux questions sont cruciales en 1952 : quelques
années après Hiroshima, l’escalade de l’armement nucléaire est au cœur de la « guerre
froide » désormais établie entre les forces que le combat anti-fasciste avait
rassemblées (c’est le temps de l’Appel de Stockholm et des colombes de la Paix de
Picasso ! ) De plus, le plan Marshall et la puissance américaine (économique, culturelle,
militaire via l’OTAN) menacent, à ses yeux, l’indépendance et l’identité de la France. Il
est donc tout naturel qu’il « retrouve » alors la figure de Hugo, qui ne l’a d’ailleurs pas
quitté durant la guerre et la Résistance. Hugo, c’est encore l’adversaire de « l’art pour
l’art », l’homme qui se refuse à séparer l’art et l’histoire, l’écriture et la vie sociale : une
vérité qu’Aragon lui emprunte et qu’il tient à rappeler aux intellectuels, aux artistes, aux
écrivains de son temps.
CEDH : Quelle était la position des marxistes et des socialistes de la fin du 19e siècle
face à celui qui avait « mis un bonnet rouge au dictionnaire », s’était battu pour
l’abolition de la peine de mort et avait défendu la cause des femmes ?
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Bernard Vasseur : La célébration de Hugo par Aragon est d’autant plus originale que la
gauche révolutionnaire l’a étrillé de son vivant. Ainsi, Marx qui meurt deux ans avant
Hugo l’a sévèrement critiqué. Son gendre Paul Lafargue a publié quelques jours après sa
mort en 1885 un pamphlet très dur contre lui : la légende de Victor Hugo. La gauche
marxiste a refusé de participer à ses funérailles, tenues pour « une promenade
carnavalesque ». Pour eux, Hugo est avant tout l’homme de deux défaites ouvrières (juin
1848, la Commune de Paris en 1871) qui les deux fois s’est trouvé du mauvais côté ! Mais
tout va changer dans les années 1930, peu avant la victoire du Front Populaire . Le Parti
Communiste va cesser d’opposer le drapeau rouge et le drapeau tricolore,
l’Internationale et la Marseillaise et va appeler « la classe ouvrière » à investir la nation
pour prendre en charge son avenir, alors que, selon lui, « la bourgeoisie » l’abandonne et
la trahit ( « plutôt Hitler que le Front Populaire »). Du coup, révolution et nation
convergent : il s’agit de « continuer la France » et, pour le combat populaire, de
développer les meilleures traditions du passé national. Hugo en fait évidemment partie.
Aragon n’a pas à changer son amour pour Hugo, mais les conditions politiques nouvelles
changent du tout au tout le regard porté sur lui : Aragon peut, en communiste, en
marxiste ,célébrer Hugo. Et il continuera de le faire durant la glorieuse épopée de la
Résistance. Hugo dont la grandeur est identifiée au génie de la France sera convoqué
dans le chant Aragonien. Parce qu’il parle au cœur français un langage qui ne s’est pas
éteint. Un langage qu’Aragon prolonge et mène ailleurs. L’exilé de Guernesey et le poète
combattant « en étrange pays dans son pays lui-même » vont se rejoindre pour donner
et entretenir l’espoir d’un pays libéré.
CEDH :Peut-on dire qu’il existe une communauté d’idées, une parenté dans l’inspiration,
entre Victor Hugo et Louis Aragon ? On dit par exemple que ce sont les surréalistes,
dont faisait partie Aragon, qui ont fait connaître ou redécouvrir le romantisme dans les
années 20. Par ailleurs, Louis Aragon aurait écrit pendant la Résistance une sorte de
plagiat déclaré des Châtiments, le musée Grévin, en l’honneur du « poète de la grandeur
nationale ». On pense également à un article publié dans Regards intitulé « Châtiments
39 ».
Bernard Vasseur : « Communauté d’idées », « parenté dans l’inspiration », j’en conviens
tout à fait, et j’y ajouterai pour ma part même dimension du chant et même rôle
éclaireur accordé à la poésie. C’est un fait que les surréalistes –là fut la racine de la
rupture avec « la table rase » de Dada- n’entendaient pas renoncer à la littérature
française. Aragon a toujours rappelé l’importance d’écrivains qui, comme Hugo, se
trouvaient avoir été rayés par les modes et l’enseignement. Avec André Breton, il l’a
toujours défendu auprès des membres du groupe surréaliste plus jeunes que lui. Dès « la
rime en 40 », l’image d’Hugo sur son rocher d’exil est présente et saluée. Dans son
poème Langage des statues (fragment) écrit avant novembre 1941 (date à laquelle la
statue de Hugo par Barrias à Paris est effectivement déboulonnée de son socle par les
nazis), Aragon imagine cette statue s’animant et Hugo descendant dans la rue pour
protester contre l’indolence et le silence des écrivains, des intellectuels face à
l’occupant et à « Vichy » . On peut en effet comparer les vers du Musée Grévin et ceux
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des ultima verba des Châtiments. Allons plus loin : en 1944, dans la ville de Lyon libérée,
Paul Claudel demande à René Tavernier de lui faire rencontrer Aragon « parce que c’est
un poète national.» A quoi le directeur de la revue Confluences répondra qu’on peut dire
d’Aragon pendant la guerre « qu’il s’identifie d’une certaine manière à Victor Hugo à
Guernesey.) La boucle est bouclée et, pour certains, Aragon est bien « le Victor Hugo du
XXe siècle.» Ce qui, franchement, ne m’apparaît pas usurpé.
CEDH : Victor Hugo a participé à plusieurs Congrès de la Paix. Louis Aragon s’est-il
intéressé à cet aspect plus militant, plus idéologue, du poète ? C’est en particulier à
l’occasion du Congrès de la Paix de Lausanne, en 1849, que Victor Hugo aurait évoqué
pour la première fois publiquement son idée d’Etats Unis d’Europe «…ensemble, France,
Angleterre, Belgique, Allemagne, Italie, Europe, Amérique, disons aux peuples : » « Vous
êtes frères ! »
Louis Aragon, poète, écrivain, militant communiste s’est-il prononcé sur la question ?
Bernard Vasseur : « Unir les peuples et les nations dans la paix, la liberté, l’égalité, la
fraternité » : Je crois qu’Aragon n’aurait eu aucun mal à endosser la formule. Elle était
au cœur de son idéal de communiste ( « prolétaire de tous les pays, unissez-vous »).
J’ajoute que ce message est d’autant plus essentiel pour un intellectuel français qu’ici
« la nation » a été formulée en même temps que « les droits de l’homme et du citoyen »,
et qu’elle s’inscrit d’emblée dans une dimension universelle et s’adosse à l’humanité ( « la
République universelle » de Hugo ). Pourtant, Aragon était trop « politique » pour ne pas
dénoncer le décalage existant entre cet idéal généreux et humaniste d’une part, et les
projets politiques selon les temps et les époques d’autre part. En 1946, par exemple,
dans une conférence donnée à l’Unesco (la culture des masses œuvre poétique tome IV p
767-795) il dénonce –mais nous sommes alors au lendemain de la guerre et d’une Europe
qui s’identifiait au Reich Nazi- l’Europe comme « une grue métaphysique » visant à
effacer les réalités du monde et les responsabilités dans le conflit mondial. « Ce sont
les points de vue nationaux que je défends, déclare-t-il, contre ceux-là qui veulent sous
le nom d’Europe, ou sous tout autre nom, bâtir une singulière superstructure
internationale qui n’aurait pas d’infrastructures nationales … Il ne saurait y avoir aucune
entente internationale qui ne suppose l’existence et le respect des nations… La vérité
est là qu’à l’étroite idée de l’homme occidental ou du bon Européen, il faut opposer en
même temps le respect des nations et l’amour de l’humanité entière, quelle que soit la
couleur de sa peau, la forme de son nez, le continent ou les îles qu’elle habite, les neiges
ou le soleil dont elle est brûlée » (p 788-790).
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Identité culturelle européenne ou héritage commun ? (1)
Dans ce chapitre, nous nous poserons la question de savoir s’il existe une identité
culturelle européenne ou si, plus vraisemblablement, la mosaïque formée par les cultures
de nos différents pays ne procède pas d’un héritage commun.
Le sens du mot culture
Les sens donnés au mot culture varient selon les époques et les pays. En 1871, E. B. Tylor
(2) propose la définition suivante : « La culture est un ensemble complexe incluant les
savoirs, les croyances religieuses, l’art, la morale, les coutumes ainsi que toute
disposition en usage acquis par l’homme vivant en société. » Pour Jacques Demorgon, le
mot Kultur , en allemand, , « est plutôt l’équivalent du mot français civilisation » (3) et il
ajoute une notion complémentaire et inséparable : « une culture est une dynamique
d’ensemble qui conjugue le passé, le présent et le futur ».
Processus d’évolution verticaux et horizontaux
Les cultures évoluent au cours des temps à travers des processus verticaux et
horizontaux. Verticaux en suivant chronologiquement le cours de l’histoire, horizontaux
dans les interrelations entre pays, qu’elles soient pacifiques ou violentes. Elles peuvent
être dues à des migrations, des alliances, des guerres et aussi à des difficultés internes
relatives aux problèmes économiques, politiques, environnementaux, religieux, etc. « Les
décalages culturels à la surface de la terre conjuguent une diversité de décalages dans
l’espace (horizontaux) et dans le temps (verticaux) (4). » À chaque étape de son
parcours historique une tension se crée entre la culture du passé, ses mythes, ses
traditions, ses coutumes et les remises en cause ou bouleversements du moment. Chaque
époque a eu ses affrontements, ses ruptures et ses prises de conscience de différences
et de complémentarités.
Certaines notions traversent plusieurs cultures, elles sont transculturelles : c’est
d’abord le biologique et aussi les grandes problématiques humaines communes à toutes
les sociétés et à toutes les civilisations.
En suivant l’histoire : héritages et influences
La « vieille Europe »
Au VIIe millénaire avant J.-C., une très vieille civilisation a marqué l’humanité au temps
du néolithique. Cette civilisation était « féminine » : une déesse mère était vénérée par
ses habitants. Elle s’identifiait avec le réveil périodique de la nature, le printemps, la
nouvelle lune, l’eau.
Aux IVème et IIIème millénaires, la civilisation des mégalithes s’est développée
(dolmens, menhirs). Elle conserve encore son mystère.
Peu à peu les anciennes figures de divinités féminines ont fait place aux représentations
guerrières : la hache de combat et le poignard de cuivre. Elles accompagnaient, croit-on,
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des cavaliers semi-nomades venus des steppes du sud de la Russie ; c’était le « monde
masculin » de la civilisation des Kourganes (caractérisée par les sépultures du même
nom) vivant primitivement entre la mer Noire, la mer Caspienne et l’Oural. L’ancienne
société agricole, égalitaire, matriarcale, aux mœurs paisibles de l’Europe centrale se
serait effacée devant cette autre société patriarcale et guerrière. Avant d’envahir
l’Europe Septentrionale, ces peuples se sont d’abord dirigés vers le Pont et le Caucase
(2300 et 2000 Av J.C dont les populations s’étaient enrichies au contact des
civilisations de l’Euphrate. D’où de complexes mélanges de peuples et de cultures(5).
On a appelé « indo-européenne » la langue alors parlée, supposée être à l’origine des
langues de l’Europe, d’une partie de l’Asie (Inde) et de l’Amérique.
Les Grecs
Plus tard, puisant dans le passé et le renouvelant, s’est produit le miracle grec : « tout
ce que les Grecs ont reçu des Barbares, ils ont chaque fois fini par le perfectionner »,
disait Platon (6).
À travers leurs créations, ils ont marqué toutes les générations, notamment par les arts,
la politique avec l’éveil de la démocratie et la pensée philosophique (cf. le chapitre sur la
Grèce) qui nous est parvenue par l’intermédiaire des Arabes (les invasions du iiie au viie
siècle en avaient fait perdre la trace) (7).
Si l’on considère que la philosophie grecque s’étend de Thalès à la fermeture de l’école
d’Athènes en 529, on constate qu’elle s’étend sur une période de douze siècles (8). Mais
rendons aussi hommage au bassin de culture babylonienne qui est le creuset de la culture
technique, scientifique et philosophique qui sont les bases de nos cultures européennes.
Les Celtes
Les Celtes se situent primitivement sur les territoires actuels de la Tchéquie, de la
Slovaquie, de l’Autriche, du sud de l’Allemagne, de la vallée du Rhin, de l’est de la France
et plus tard s’étendent vers la Grande-Bretagne, l’Irlande et l’Espagne.
Civilisation du bronze, du fer et de l’or, ils apportent aussi leurs coutumes funéraires qui
consistent à incinérer les cadavres et à conserver leurs cendres dans des urnes : « les
champs d’urnes ».
Mais « l’Europe celte » est au cours du VIIe siècle avant J.-C. submergée par les
Germains en Europe centrale et les Romains jusqu’au mur d’Hadrien en Écosse. À l’aube
du Moyen Âge, leur culture ne survit plus qu’en Cornouailles, au pays de Galles, en
Irlande, en Écosse et en Bretagne. Cette culture a laissé des traces dans les mentalités,
les tournures d’esprit et les modes de vie. Dans les régions épargnées par les invasions
du IIIe au VIIe siècle, elle a permis de préserver l’érudition chrétienne (Irlande). Elle
nous a laissé ses cycles épiques tels « le cycle d’Arthur au pays de Galles », avec les
thèmes de la « quête » et de l’Enchanteur Merlin.
Les Romains
Puis le monde romain, après la conquête de la Grèce, héritera de l’influence de
l’hellénisme. Les Romains sauront puiser dans cette richesse, l’adapter et créer à leur
tour : « Les Romains se sont inspirés des textes grecs mais ils les ont peu traduits. Ils
adaptent, repensent, réécrivent dans le cadre de leurs références culturelles (9). »
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Horace écrivait que « la Grèce captive captiva son farouche vainqueur et introduisit les
arts dans le rustre Latium ». Pour notre propos, nous ne mentionnerons que les
« héritages » concernant les domaines du droit, de la politique, de l’administration,
l’aménagement du territoire de l’Empire, l’architecture (dont nous retrouvons partout
les traces).
« La romanité a aussi été revendiquée par Byzance, en tant que continuation de l’Empire
romain, et seconde Rome (10). »
Les Germains
L’origine des Germains se situe vers le deuxième millénaire en Suède méridionale, au
Danemark et en Allemagne du Nord entre la Weser et l’Oder. À partir du ve siècle avant
notre ère, ils occupent toute l’Allemagne et l’Europe centrale jusqu’à l’Ukraine. Ils se
divisent en trois groupes : le nordique, celui des Scandinaves ; l’Osique, celui des Goths,
des Vandales, des Burgondes, etc. ; enfin les Westiques, celui de l’Allemagne, du Jutland
et des Pays-Bas. La langue des Westiques est à l’origine de l’allemand et du néerlandais,
et par un de ses dialectes, de l’anglais et du frison.
Les Germains ont finalement submergé l’Empire romain en Occident et contribué à
l’émergence d’une nouvelle Europe au Moyen Âge : l’Europe carolingienne.
Ils ont transmis oralement la grande épopée des Nibelungen, les légendes des Elfes et
des nains de Blanche-Neige qui ont fasciné et fascinent encore les enfants.
À côté du droit romain, leurs droits règlent la vie de l’Europe au Moyen Âge (11).
Leurs dynasties ont occupé la plupart des trônes européens. L’Europe doit aux Francs le
retour à un idéal d’unité et de droit après les bouleversements des invasions. Les
peuples germaniques ressourcent l’esprit démocratique par leurs assemblées « d’hommes
libres » ; elles sont un contrepoids aux pouvoirs du « chef » (en temps de paix) avec leur
attachement aux coutumes locales, leurs libertés communautaires, associatives et
pragmatiques, le serment et la fidélité « jurée ».
Traditions juives et chrétiennes
La culture de l’Europe, à partir de Constantin et Théodose, peut se ramener aussi à deux
éléments que sont d’une part la tradition juive, puis chrétienne (« l’Europe romaine »
devient chrétienne) et, d’autre part, la tradition du paganisme antique : « Athènes et
Jérusalem ». L’avènement du christianisme et son implantation progressive et pérenne
sur toute l’Europe amènent des éléments nouveaux : l’homme christianisé prend
conscience de sa dimension intérieure spirituelle : ce sont ces éléments qui font vivre
l’Europe par le dynamisme même qu’entretient leur tension. « Athènes et Jérusalem
certes, mais aussi Rome. (12) » Nous reviendrons ultérieurement sur le développement
du christianisme dans l’espace européen.
Les Arabes
Le voisinage de l’Islam, à partir du VIIIe siècle, ne sera pas sans marquer la chrétienté
et sans l’ouvrir à des « influences venues de lui-même, ou d’un Orient plus lointain » (13).
Les « Européens », comme l’écrivait le chroniqueur de l’événement (14), ont stoppé la
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marche des Arabes à Poitiers (732) et l’Europe chrétienne, au moins partiellement, s’est
unie contre l’Islam (croisades, etc.).
Mais en dehors de ces luttes sanglantes et barbares de part et d’autre, des « oasis
d’œcuménisme », si l’on peut dire, se sont créées autour de princes éclairés,
d’intellectuels ouverts, de traducteurs, d’abord à Bagdad au IXe siècle (« la Maison de la
Sagesse »), plus tard en Espagne, à Tolède et enfin en Sicile à la cour normande de
Frédéric II de Hohenstaufen (15). Ils traduisent des œuvres de mathématiques,
d’astronomie, de médecine et de philosophie. Les Arabes ne sont pas que des
traducteurs et des transmetteurs, ils ont aussi apporté à l’Occident toutes leurs
connaissances en ces domaines, spécialement dans celui des sciences. Mais l’influence, au
niveau populaire, ne s’est vraiment manifestée qu’en Espagne et dans le sud de la France.
Le monde musulman était lui aussi héritier de l’Antiquité. « En remontant vers la Syrie
et la Mésopotamie, ils se sont retrouvés dans un monde qui était culturellement hellénisé
et ils se le sont appropriés en priorité par la traduction. Ils ont aussi traduit le moyen
persan et les langues de l’Inde (médecine, spiritualité, astronomie, agronomie). » Entre
autres, La Fontaine s’est inspiré de contes persans. « De par sa situation géographique
centrale, le monde musulman a joué un rôle d’interprète entre l’Orient et l’Occident. La
langue syriaque était devenue la langue de culture et de communication de l’Orient
chrétien… (16) »
Les juifs
Tout au long du Moyen Âge, l’antijudaïsme, d’inspiration chrétienne – le peuple qui a mis à
mort le fils de Dieu est condamné – fait des juifs des êtres à part. Ils souffrent des
restrictions de l’exercice de certains droits (propriété, professions) et sont confinés
dans certaines tâches, notamment le prêt d’argent. Parfois la colère populaire les prend
comme exutoires, ce sont les pogroms. Toutes les nations les ont peu à peu expulsés :
l’Angleterre, la France, et certaines principautés italiennes aux XIIIe et XIVe siècles.
Mais c’est surtout l’expulsion d’Espagne, décrétée en 1492 par Isabelle la Catholique, qui
a marqué la mémoire. Par son importance numérique, sa richesse économique et
culturelle, la communauté juive espagnole représentait une autre réalité européenne. La
voilà condamnée à une nouvelle diaspora et à une nostalgie très forte de cette deuxième
terre promise qu’était l’Espagne.
Les juifs ont apporté leur contribution dans de multiples domaines : de l’économie à la
religion en passant par les sciences, les arts et la politique. Les centres intellectuels
d’Andalousie se sont repliés en Provence ; ils y traduisaient en hébreu les textes des
penseurs de langue arabe, qui sans cela n’auraient pas été conservés (tels les textes
d’Averroès, notamment ses commentaires sur La République de Platon). D’autres œuvres
ont été traduites directement en latin – traduction par un juif en langue vernaculaire
(courante), et dictée à un clerc chrétien qui la transcrivait en latin. La culture des
Européens doit beaucoup à ces traducteurs.
Tels sont les héritages de la civilisation européenne. Ces cultures plurielles – grecque,
celte, romaine, germanique, juive, arabe, chrétienne – se sont mutuellement influencées
et pénétrées, tout en conservant leur originalité. Elles sont imprimées dans nos
inconscients. « Le cœur culturel a, pour une part importante, toujours été transmis. Il
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est en nous sans que nous sachions le reconnaître : il est devenu nous », écrit Jacques
Demorgon. Dans le territoire européen, l’histoire a décidé de la prédominance ici ou là de
tel ou tel apport. Mais une communauté culturelle n’existe que si ses membres peuvent
s’y reconnaître. Elle est une conscience plus ou moins claire, un repère d’identité
profonde, plus large que l’identité nationale.
Les cultures se sont modifiées et ont évolué au cours des temps à travers cette logique
des antagonismes, cette « dialogique » (Edgar Morin), créatrice de nouvelles donnes –
après être passées par tous les stades des divergences et des affrontements à la
reconnaissance pacifique des différences, éventuellement à la complémentarité et à
l’adaptation, pour se retrouver encore en face d’autres divergences et ainsi de suite.
L’histoire de la culture est donc une continuité et gardons-nous de renier tel ou tel
moment de ce permanent va-et-vient entre les différents apports culturels, chacun a sa
place dans la construction du puzzle. Chacun a apporté sa contribution et chacun a sa
propre vision des choses. Ainsi, d’après Rémi Brague, les Romains se sont attachés à
l’aspect littéraire ou esthétique (Lucrèce, Ovide), les Arabes au contenu scientifique et
philosophique. En revanche, la poésie antique n’est pas parvenue au monde arabe. Les
langues, reflets des civilisations, ont été des véhicules (nous y reviendrons) (17).
Une des particularités de l’Europe est ce retour au passé, le retour aux textes anciens,
à la beauté et à l’esthétisme. Un texte « classique » est un texte de référence qui est
matière à réflexion et duquel on peut toujours extraire des idées adaptées aux temps
présents. C’est ainsi une perpétuelle renaissance issue du dialogue ou de l’affrontement
entre l’héritage du passé et l’intégration d’autres éléments venus de l’extérieur.
Nietzsche disait : « De jour en jour nous devenons plus grecs, d’abord, comme de bien
entendu, dans nos concepts et nos évaluations, comme des fantômes qui joueraient aux
Grecs. C’est là que réside mon espoir pour ce qui est allemand » (18). La littérature
véhiculait une conception de l’homme venue de l’Antiquité « dans son rapport aux dieux,
à la nature, à la cité. C’est l’art de la Renaissance qui a assuré la survie des anciens
dieux » (J. Seznec).
« Toute culture est seconde, même si elle est acquise dans la petite enfance ; la culture
est acquise et jamais innée. Au niveau collectif, toute culture est héritière de celle qui
l’a précédée. »
Le cheminement du droit romain (1)
Dans le cadre de cette étude chronologique, il est intéressant de refaire rapidement le parcours du droit
romain, depuis sa naissance.
Le prestige de Rome s’est prolongé bien au-delà de la maîtrise politique de Rome à travers les mythes, les
notions fondamentales de l’ordre politique, social ou familial. L’heureuse conservation des sources permet de
suivre la lente formation d’un système juridique à Rome.
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Les formes archaïques des Douze Tables (Ve siècle avant J.-C.) sont renouvelées entre le IIe siècle
avant J.-C. et le IIe siècle après J.-C.
– Du IIIe siècle au règne de Justinien se créent dans les grandes villes (Rome, Alexandrie, Beyrouth,
Constantinople) des écoles de droit.
– La somme des écrits étant peu lisible, les premiers « codes » sont créés : code de Théodose II et code
de Justinien en 529, qui servira de point de départ aux droits d’Orient et d’Occident. Ces codes sont plus
aisés à consulter que les 2 000 volumes existants (d’après Justinien).
– La jurisprudence facilite l’étude, son but est pratique. Seront ainsi écrits « Le Digeste », « Les
Institutes » (534). Les Constitutions (jusqu’en 575) sont réunies dans les Nouvelles. Ce fut le départ de la
longue histoire de l’héritage du droit romain.
On le retrouve dans le vocabulaire et les titres : « Kaiser, czar, ou tzar » viennent de César, « Empereur »
vient d’imperium. Marqués par l’Antiquité qui influença la pensée révolutionnaire en France, on retrouve sous
le Consulat et l’Empire le « tribunat », le Sénat, les préfets, les consuls. Ces termes sont toujours employés.
En Orient, le droit romain laisse une marque profonde par l’intermédiaire de Constantinople.
En Occident, l’Empire de Charlemagne puis celui d’Otton Ier, couronné à Rome, veulent restaurer et
prolonger celui des empereurs romains.
Les empereurs germaniques médiévaux font insérer leurs constitutions à la suite de celles qu’avaient réunies
le code de Justinien. « Plus profondément, la doctrine politique des juristes romains fournit arguments et
modèles aux conseillers des princes qui, en Angleterre ou dans l’Empire, en France comme à la cour
pontificale, restaurent l’idée d’un État puissant et centralisé. »
Dès les XIIe et XIIIe siècles, cette utilisation du droit romain devient éclatante. L’on avait alors retrouvé
la compilation justinienne que l’Occident du vie au XIe siècle avait presque oubliée. Cette découverte d’une
autre pensée juridique a été déterminante et marque l’un des tournants majeurs de l’histoire de la
civilisation occidentale. À côté de la philosophie, de la théologie, de la médecine, le droit provoque la
transformation des écoles épiscopales du Haut Moyen Âge et des Universités. Bologne, l’une des plus
anciennes, fut le temple du droit. « C’est à quatre docteurs bolonais, imbus de droit romain, que Frédéric
Barberousse demande en 1158 de dresser la liste de ses droits royaux (« régaliens »). Il y est affirmé une
règle de droit romain : « on ne peut prescrire contre le prince ».
Outre-Manche, le traité de Bracton sur « les lois et coutumes d’Angleterre » est influencé par la culture
romaniste de son auteur.
La place du droit séculier païen est considérable dans le droit « romano-canonique » de l’Église. Ses
procédures ont marqué nos codes de procédure modernes.
Les emprunts au droit privé romain ne sont pas moins nombreux. « Ils marquent encore aujourd’hui les
droits (des pays) latins et germaniques et dans une mesure moindre mais non négligeable, la tradition
byzantine ou anglo-saxonne. »
Dès le premier tiers du XIIe siècle, on retrouve la trace de sentences judiciaires, issues de la compilation
justinienne, dans des actes du midi de la France. Progressivement à la fin du XIIe et au XIIIe siècle, le
droit romain se répand en France, en Flandre, en Angleterre et en Frise. Du XIVe au XVIe siècle, il gagne
l’Europe du Nord et de l’Est jusqu’à la Pologne, la Bohême et la Hongrie. En Allemagne et en Italie, il est
« droit commun » auquel dérogent statuts ou coutumes locales.
Jusqu’au code civil de 1804, le droit romain conserve en France une force obligatoire. Il fit même autorité
en Allemagne jusqu’à la promulgation du code civil de 1900. Il a alors perdu valeur de loi applicable, mais ces
codes se sont souvent inspirés de lui.
Ce droit avait parfois pris quelques libertés par rapport au code Justinien, mais sa rigueur et la finesse de
ses analyses en ont assuré le succès dans la durée (2).
L’héritage du droit romain est patent dans le vocabulaire et les notions fondamentales. À titre d’exemple,
celui du mariage : « c’est le consentement qui fait le mariage », se plaisaient à dire les juristes romains.
Lorsqu’à la fin du XVIIIe siècle, le mariage fut sécularisé, le principe consensuel et la publicité de l’union
furent maintenus en France, Prusse, Autriche, Pays-Bas, Italie du Nord.
La société évoluant rapidement, de nombreuses réformes ont été effectuées et l’héritage du droit romain
s’amenuise (3) ; mais il n’a pas disparu et peut permettre des rapprochements dans certains domaines entre
les droits des nations (4).
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(1) Cf. Jean Gaudemet, « Le miracle romain » in La Méditerranée, les hommes et l’héritage, Braudel/Duby,
Champs, Flammarion, 1986
(2) Propriété et contrat, obligation et succession, testament, legs ou servitudes, actions en justice, etc. et
aussi les emprunts de la langue politico-administrative.
(3) « Le droit continental romano-germanique repose essentiellement sur la loi votée par le Parlement et
sur des règlements arrêtés par l’exécutif, tandis que la Common Law donne une place prépondérante à la
jurisprudence (case law), donc au droit d’origine prétorienne. Mais on oublie que, derrière cette opposition
technique, se cache une différence culturelle : la place accordée à l’individu par rapport aux pouvoirs publics
dans les sociétés anglo-saxonnes. Le droit de la responsabilité illustre de manière saisissante cette
divergence d’approche culturelle. La Common Law a peu à peu identifié certains intérêts particuliers comme
dignes de protection. À l’inverse, le code Napoléon s’est référé à la notion de faute et a posé le principe
selon lequel celle-ci peut résulter non seulement d’un acte volontaire mais aussi d’une négligence. » D’après
J. L. Dewost, conseiller d’État, in revue Projet n°250.
(4) Cf. La Méditerranée, op. cit.
Des échanges interculturels horizontaux
Au-delà des transmissions verticales, chronologiques, il existe de grands mouvements et
réseaux culturels qui ont traversé les frontières et ont été et sont encore vivants dans
l’Europe entière et ont largement dépassé notre continent.
Le christianisme
Le premier exemple est celui du christianisme. Il a constitué le « ciment d’une première
Europe ». Issu du judaïsme, il s’en démarqua assez rapidement, et même tout à fait à
partir de 380.
Il est fondé sur l’Ancien Testament et surtout sur les Évangiles. « En proclamant Jésus,
Dieu fait homme, il apporte une dimension personnelle dans la destinée de chacun par le
salut individuel qui consacre la liberté de choix de l’individu ». Il apporte un message
d’amour avec la reconnaissance de l’égalité de tous devant Dieu, la dignité de la personne
humaine dans la recherche du bien commun ; un message de Lumière et d’Espérance en
une autre dimension de vie, au-delà du matériel, celle de l’Esprit. Le message est
transmis aux « Barbares », pas toujours de façon très chrétienne. Le baptême de Clovis
(496) (19), devenu en 508 le représentant de l’Empire romain en Gaule, accélère les
conversions.
Christianisés entre le IVe et le XIIe siècle, les pays de l’Europe s’emparent de cet idéal
qui devient un socle pour la future pensée occidentale. Répandu à partir de deux
« centres », Rome et Constantinople, le schisme de 1054, en raison de divergences
d’interprétations, séparera les chrétiens en deux branches : l’Église d’Orient et l’Église
d’Occident.
« Il n’en reste pas moins que sous l’égide du christianisme une vaste synthèse va
s’opérer, pour plusieurs siècles, entre la tradition judéo-chrétienne, la pensée grecque
et la civilisation romaine, ainsi que les anciennes cultures celtes, germaniques et slaves.
(20) »
Le christianisme est un facteur d’unification : unité des croyances et des institutions
ecclésiales, de la liturgie et du calendrier ; unité de l’organisation sociale en ordres
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inscrits dans la très ancienne tripartition de ceux qui se consacrent entièrement à la
prière, ceux qui combattent et ceux qui travaillent ; unité de l’écriture et de la langue, le
latin, utilisé par les lettrés (21).
L’espace européen est quadrillé par le réseau des diocèses autour des villes épiscopales
avec leur cathédrale, leurs bibliothèques, leurs écoles, et par le réseau des paroisses qui
sert à l’enseignement élémentaire, l’église s’étant servie de l’organisation administrative
romaine pour sa propre implantation.
Les survivances impériales et les royaumes
D’après Georges Duby, « la chrétienté latine rêve d’un âge d’or de l’Empire, c’est-à-dire
de la paix, de l’ordre, de l’abondance », la « pax romana », idéalisée par Virgile au temps
d’Auguste. « La pensée politique médiévale est dominée par l’image de « l’Empire
universel », restauration de l’Empire romain dans le cadre « universel chrétien » »
(Katholikos en grec signifie universel) (22).
Avec Charlemagne, un Empire en Europe occidentale se constitue face à l’Empire romain
subsistant à Byzance. Après sa disparition naquit le Saint Empire romain, appelé au
départ « Empire franc », puis « germanique ». Napoléon l’abolira en 1806. « Ainsi,
l’institution impériale aura contribué, elle aussi, à la formation de l’Europe par son
substrat universaliste, par une préfiguration du confédéralisme, une manière de faire
vivre ensemble des nationalités différentes et des groupes humains de multiples
dimensions » (23).
Les parentés et les alliances tissées entre les familles royales rapprochent, malgré les
ambitions, les intérêts et les querelles, la noblesse des pays d’Europe.
Ainsi, par-delà les confrontations et les guerres, de réels liens sont tissés entre les
peuples par les échanges d’idées, de créations et de marchandises.
Citons-en quelques-uns :
De multiples réseaux transeuropéens
ont maillé le territoire des européens
Les réseaux des abbayes : dès le XIème siècle les Bénedictins, les moines de Cluny et de Citeaux
essaiment à travers toute l’Europe occidentale un réseau de 742 abbayes. Ils diffusent l’architecture
« romane » et « gothique ».Ils participent à l’aménagement agraire. Les discussions sur la raison et la foi
s’étendent sur toute l’Europe à travers les monastères.
Les réseaux de pèlerinages :Rome avec ses différents itinéraires, Saint Michel, les lieux saints et SaintJacques-de-Compostelle le plus populaire. *
Mais rappelons aussi l’existence du réseau des centres de culture européenne, dont la maison-mère est le
Centre de Culture européenne de Saint Jean d’Angély, sis dans l’Abbaye Royale (cf. cahiers européens
d’Houjarray n°1) et, dans un sens plus large, signalons l’existence de l’Institut des Itinéraires culturels
européens.*
Les réseaux des ordres de la chevalerie, avec leurs valeurs et leurs codes de comportement, qui
participeront aux croisades, à la Reconquista espagnole, aux œuvres charitables. Le français sera pour
quelques siècles la langue de l’Occident chevaleresque, de l’Angleterre à la Hongrie, avant que les œuvres de
littérature chevaleresque ne soient écrites en langue vernaculaire dans les différents pays.
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Les réseaux des universités (le terme date de 1219). Ils se développent à partir de quatre centres initiaux
que sont Bologne (XIIe siècle), Oxford (1214), Paris (1215) et Salamanque (XIIIeme siècle). Les matières
enseignées étaient à l’origine : théologie, droit canon, médecine. Les étudiants provenaient de plusieurs
Etats, se regroupaient en « Nations » (alors cadre éducatif). Les Maîtres disposaient d’une licence les
autorisant à enseigner successivement dans plusieurs universités d’Europe par un « peregrinatio
academica » (il en est ainsi pour Georges Bacon, Saint Thomas d’Aquin etc. « Monde fluide et mobile où le
multilinguisme et les traductions (24) s’épanouissent jusqu’à la Renaissance ». Erasme (1469-1536) fut le
prototype le plus achevé de l’intellectuel humaniste européen d’alors, né à Rotterdam, étudiant à Deventer
et Bois-Le-Duc, menant sa vie à Cambrai, Oxford, Louvain, Turin, Florence, Venise, Padoue, Sienne, Rome,
Cambridge, Gand, Bâle, en parlant sept langues.(25)
Les échéances intellectuelles et universitaires seront intensifiés à partir de 1455, date de la publication de
la Bible par Gutenberg à Mayence (réseaux des imprimeries et circulation des livres).
Les réseaux humanistes (26) se prolongent au siècle des Lumière : diffusion de l’édition de l’Encyclopédie
de Diderot et d’Alembert, des textes fondateurs des philosophes des Lumières, Rousseau Le Contrat Social,
la correspondance littéraire de Grimm, les Loges de la Franc-Maçonnerie etc. « C’est une unification
européenne intellectuelle »
Les réseaux des cours européennes : A l’époque des Lumières, les Princes partagent les mêmes goûts pour
les lettres, la philosophie, la musique, le théâtre, les ballets, mais aussi la chasse, etc. Les jeunes nobles
effectuent « le grand tour » qui consiste à se rendre dans les grandes cours européennes en s’initiant aux
arts, aux lettres et à l’architecture (Amsterdam, Versailles, Florence, Venise, Rome, Stockholm, Prague,
Budapest, etc.). Les princes imitent l’architecture de Versailles et du Louvre.
Les réseaux des musiciens : ainsi Mozart ne cesse de voyager ; son inspiration est italienne, allemande et
autrichienne. Haendel, allemand d’origine, vit en Angleterre. Plus tard Chopin fera ses études à Varsovie,
puis séjournera à Paris, Berlin, Majorque, Londres et Glasgow. Richard Wagner, né à Leipzig, séjournera à
Londres, Riga, Paris, Dresde, Munich, la Suisse, la Bavière, Beyrouth et en Italie.
L’opéra, né en Italie autour de 1600, est un exemple type d’un genre culturel majeur devenu véritablement
européen.
Les réseaux de communication servent notamment aux moines, aux marchands, aux universitaires et aux
voyageurs en reliant les lieux vivants, importants, touristiques. Ces réseaux recoupent étonnamment les
réseaux actuels des trains à grande vitesse.
Les réseaux de banquiers qui multiplient leurs succursales de compagnies commerciales (les hanses), des
marchands qui se déplacent dans les grandes foires de la Champagne à Gand et Vérone, de Winchester à
Novgorod. A partir du XIV e siècle circule un nouveau mode de paiement : la lettre de change. La Hanse des
villes allemandes (1356) regroupe 72 cités. Et l’on pourrait citer bien d’autres exemples.
Les mouvements littéraires et artistiques
Le théâtre grec avec ses tragédies et ses comédies a inspiré de nombreux auteurs.
En architecture, nous trouvons dans toute l’Europe romanisée des vestiges de
monuments de facture gréco-romaine. Il en est de même pour les plans d’urbanisme : les
axes perpendiculaires, les aqueducs, les Portes, les systèmes d’égouts, etc.
C’est à la cour de Frédéric II de Hohenstaufen en Sicile, au début du XIIIe siècle,
qu’est née la littérature italienne et qu’a été inventé le sonnet. Il fera bien des émules
dans tous les pays d’Europe.
L’architecture byzantine (à Ravenne, à Kiev et à Istanbul), l’art roman et l’art gothique,
l’art renaissant et ses héritages baroques se sont étendus sur l’Europe.
Par la renaissance de l’Antiquité au XVe siècle, les intellectuels réalisent la synthèse
entre l’héritage gréco-romain et la pensée chrétienne dans l’humanisme. L’humanisme est
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une réaction contre la scolastique, l’homme est au centre de la réflexion, il souhaite la
liberté de pensée et croit au progrès (27). Avec la Réformation, Luther et Calvin
mettent en pratique cette liberté de pensée. Les valeurs de l’humanisme ont été
reprises par les philosophes anglais, puis français à l’époque des Lumières.
« L’Humanisme est une création originale et typique de la culture européenne, dont il
reflète les ambiguïtés et les complexités » (28). Le savoir ignore encore les frontières
de la langue : la langue commune est le latin.
L’Europe occidentale est alors à l’école de l’Italie ; son influence a traversé l’Europe, en
passant par la France, l’Espagne, les Pays-Bas, et l’Allemagne (avec réticence), mais elle
pénètre plus tardivement en Angleterre.
Les grands peintres de la Renaissance voyagent : Leonardo da Vinci suit François Ier en
France et meurt à Amboise. Les maîtres flamands se déplacent et vont apprendre leur
art à Rome pour mieux l’adapter à leur culture. Les lettrés d’Europe parlent italien.
« Aux XVIe et XVIIe siècles vont se dégager les trois produits typiques de la culture
européenne qui sont aujourd’hui universalisés : le rationalisme, l’humanisme et la
science » (29). Les idées de tolérance et de liberté circulent. Par le Bill of Rights de
1689, l’Angleterre devient un modèle pour tous ceux qui souhaitent la démocratie.
Au XVIIIe siècle, « la raison va briser les amarres avec la Foi et prendre le flambeau
des Lumières », dit Edgar Morin. La France exerce un rayonnement sur toute l’Europe et
le français est désormais la langue de la diplomatie pour tous ses peuples (ce qui n’est
pas sans provoquer des réactions de méfiance et de jalousie). Voltaire séjourne à la cour
de Frédéric II de Prusse, Diderot à celle de Catherine II de Russie. Le patrimoine
culturel est européen jusqu’à Saint-Pétersbourg.
Encore au temps des États-nations, le romantisme est un mouvement européen, mais qui
paradoxalement, par l’exaltation du « moi » contribuera à la montée des nationalismes.
L’art moderne, de l’Art nouveau à l’Abstraction, connaîtra les mêmes disséminations. Et
l’on pourrait citer bien d’autres exemples.
L’ouverture sur le monde enrichit les expériences et les Européens puisent dans les
patrimoines culturels des autres continents.
Extension et repli sur soi
À partir des XVe et XVIe siècles, l’Europe désenclave le monde et, en même temps, les
« communautés » européennes se replient sur elles-mêmes.
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La naissance des empires coloniaux
Aux XVe et XVIe siècles, l’Europe part à la découverte du monde, au-delà des pays du
Bassin méditerranéen. La découverte de l’Amérique, de la route des Indes, de l’Afrique
(cf. Espagne, Portugal), leur occupation et exploitation rapportent des richesses de
toutes sortes (métaux, or, épices, etc.) et chacun devient jaloux de ses propres
possessions. L’Europe se frottera à d’autres cultures, et si elle impose la sienne et
provoque des destructions, elle s’enrichira aussi, avec le temps, de celle des autres.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les Anglais occupent et mettent en valeur l’Amérique. Les
Français sont au Canada et en Louisiane ; les Hollandais fondent la Nouvelle-Amsterdam
(voir les chapitres sur ces pays).
La France et le Royaume-Uni, au XIXe siècle, entreprennent des actions de colonisation
sur l’Afrique, et d’ouverture sur l’Asie, etc. L’Europe découvre le monde et tente de se
l’approprier.
La montée des nationalismes
En remontant les siècles, du temps des Grecs et des Romains, la façon dont se
définissaient les peuples par rapport à l’autorité était de l’ordre du « divin ». Chez les
Grecs, il s’agissait des divinités Poliades, à Rome c’était Auguste, l’Imperium. Cet
universalisme est devenu par la suite chrétien : ce qui était vrai pour des chrétiens,
l’était pour tous. Au Moyen Âge, les peuples étaient « sujets » des rois, ils avaient le
sentiment d’appartenir à une communauté, et plus tard à une nation avec des limites
incertaines. À partir des XVe et XVIe siècles, avec l’éclosion de la liberté de pensée,
l’universalisme chrétien perd ses prérogatives. Les révolutionnaires français les plus
modérés, spécialement les « universalistes », pensent légiférer pour tous les hommes
(l’idée de Grande nation). La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août
1789, reprise dans la Constitution de 1791, entend exposer « les droits naturels,
inaliénables et sacrés de l’homme » (ils doivent être vrais pour tous les peuples). Mais à
l’article 3 de la même Déclaration, il est mentionné « le principe que toute souveraineté
réside essentiellement dans la nation ».
Les guerres, les conquêtes extérieures, la stabilisation des frontières donnent une
forme plus concrète à l’idée de nation, c’est l’État-nation. Cette idée se conceptualise,
se transforme en nationalisme et se répand en Europe. Elle est liée à l’idée d’existence
de la nation, de ses rapports aux autres et de son expansion. Ainsi, les nations ne
supportent plus les ingérences de leurs voisins, les cultures se nationalisent, mais les
mouvements d’idées, la littérature, les arts traversent les frontières malgré les
affrontements.
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Selon la situation politique des pays, le nationalisme est conçu et reçu de façons
différentes :
En France, nation centralisée, l’État-nation est basé sur le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes et sur la souveraineté du peuple, comme nous l’avons vu.
En Allemagne, nation morcelée, Herder puis Fichte ont conçu ce que l’on a appelé le
nationalisme romantique (30) : l’appartenance à la nation est un phénomène involontaire,
comme celui de la langue maternelle, de la culture, des coutumes, etc. C’est un Volksgeist
involontaire (voir le chapitre sur l’Allemagne), d’où une nationalité basée sur le « droit du
sang », de la culture et de la langue maternelle. En réalité, selon Dominique Schnapper,
« il n’existe pas deux idées de la nation mais une seule. Elle est inégalement et
indifféremment accomplie, selon des formes chaque fois singulières… la transcendance
de l’ethnique par le civique ne prend pas les mêmes formes en Angleterre, en Allemagne
et en France » (31).
Le nationalisme a ouvert la route aux volontés hégémoniques, à une attitude qui
ressemble à de l’individualisme forcené (mais à dimension collective, la personne n’existe
plus), aux dérives que nous avons tristement connues. Il n’a alors plus rien à voir avec le
patriotisme affectif, l’attachement et le sentiment d’appartenir à un pays.
Ce nationalisme outrancier est bien loin des rêves d’union européenne qui sillonnent
l’histoire du continent européen (32), depuis Charlemagne jusqu’au Traité de Rome. Peutêtre fallait-il, mais c’était cher payé, que chaque État-nation trouve et exprime sa
personnalité pour pouvoir à son tour s’unir à l’autre. Adultes, les nations n’ont plus à
craindre de s’unir dans une mosaïque harmonieuse de cultures dynamiques, et qui
possèdent des valeurs communes, même si leurs méthodes d’approche sont différentes.
C’est ce qui contribue à leur richesse.
Les langues dans l’Union européenne
Racines et apports extérieurs (33)
Les langues sont au cœur des interactions et des interférences des hommes entre eux et avec leur
environnement. Une grande part de la culture est représentée par elles. Nous avons vu que l’origine des
langues européennes est indo-européenne. Cette probable langue primitive a donné naissance à plusieurs
groupes de langues.
Groupe hellénique
-Le grec, langue officielle de la Grèce (démotique)
Groupe roman
-L’italien toscan et le sarde ;
-Le français parlé en France, en Belgique (avec le néerlandais et l’allemand), au Luxembourg (avec le
luxembourgeois), au Val d’Aoste (avec l’italien), dans les îles anglo-normandes (avec l’anglais) ;
-L’espagnol (castillan, langue officielle), le catalan (Catalogne, avec le castillan) (34) ;
-Le portugais, langue officielle du Portugal ;
-Le corse
../…
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…/…
Groupe germanique
-L’anglais (parlé au Royaume-Uni de Grande-Bretagne, en Irlande avec l’irlandais)
-L’allemand (parlé en Allemagne, Haut Adige et Sud Tyrol), au Danemark (avec le danois),
Eupen ;
-Le néerlandais (parlé aux Pays-Bas et en Belgique, avec le français et l’allemand) ;
-Le luxembourgeois (parlé au Luxembourg avec le français) ;
-Le danois (parlé au Danemark avec l’allemand) ;
-Le féroën (parlé aux îles Féroé, avec le danois).
Saint Vith et
Groupe celtique
-l’irlandais (parlé en Irlande avec l’irlandais) ;
-Le gallois (parlé au Pays de Galles avec l’anglais) ;
-Le breton (parlé en Bretagne).
« L’alphabet avec lequel nous écrivons le français, l’anglais, l’italien et la plus grande partie des autres
langues de l’Europe repose sur l’alphabet latin, que les romains tenaient des Etrusques, peuple dont la
brillante civilisation aux origines mystérieuses s’était développée au cours du 1er millénaire avant J.C. ».(35)
Les Grecs s’étaient inspirés du système d’écriture des Phéniciens, d’origine sémitique, dont la population
vivait dans une région correspondant au Liban actuel. Cette écriture ne comprenait pas de voyelles et elle a
dû être adaptée aux nécessités de la langue grecque. L a langue grecque a été véhiculée par les écrivains et
les orateurs latins. Le «démotique » n’est pas la même langue que celle parlée sous Alexandre Le Grand, celle
des textes littéraires. Des termes ont été empruntés au français (qui avaient pour certains été puisés, par
les inventeurs, dans le grec ancien).
A Rome, les premiers prosateurs romains ont écrit en grec. La langue étrusque a laissé des traces dans la
langue latine, de même que la langue celtique. A côté du latin classique existait le latin courant, dit
« vulgaire » qui, pour une part, est à l’origine de toutes les langues romanes.
L’allemand se divisait en bas-allemand au nord et haut-allemand au sud (à l’origine de l’alsacien ; le francique
lorrain provient de l’Allemagne moyenne). La langue allemande a emprunté au latin, au français et à l’époque
actuelle à l’anglais
L’anglais : la langue est composite avec des origines celtiques (peu de traces), germaniques, latines,
scandinaves, puis nordiques et françaises. Le scots n’est pas une langue d’origine celtique mais anglosaxonne.
Le danois : les langues scandinaves (danois, norvégien et suédois) sont restées indifférenciées jusqu’au Ixe
siècle. Les populations de ces pays se comprennent encore de nos jours entre elles. On y trouve des mots
vikings, germaniques (bas-allemand, langue de la Ligue Hanséatique et de la Cour et, plus tard, du hautallemand), latins par les marchands et la religion (au XVII e siècle les mots grecs et latins ont été traduits
par rejet) ; au XVIII e on observe une grande influence française et à partir du XIX e anglaise.
L’espagnol : la langue officielle est le castillan, mais on sait l’attachement des régions pour leur propre
langue, le catalan en Catalogne, etc. On trouve dans l’espagnol des traces des Aquitains, des Celtibères, des
Phéniciens, des Grecs, des Carthaginois, des Romains (latin de forme ancienne), des Germains et des Arabes
qui sont restés plus de sept siècles. L’arabe est devenue la langue de culture au XIIIe siècle (850 mots
simples) dans la plus grande partie du pays. Par les pèlerinages de Saint-Jacques de Compostelle et les
mariages princiers, des mots français pénètrent.
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Le français : dans la langue française nous retrouvons beaucoup de mots d’origine grecque (principalement
en sciences naturelle, biologie, vie pratique, noms de villes [Antibes, Nice, La Napoule], des prénoms), celte,
latine par les Romains et par un retour au latin savant sous Charlemagne, franque (avec Clovis un bilinguisme
germanique/latin), viking, arabe (450 mots simples). Par son ordonnance de Villers-Cautterêts en 1539,
François Ier prescrit l’usage du français dans les actes administratifs.
L’Irlandais est d’origine celtique insulaire, de même que le gaélique, le cornique et le gallois.
L’italien, outre son origine latine « vulgaire », les invasions germaniques, les influences byzantines et arabes
(en Sicile) ou arabo-persanes ont laissé des traces dans le vocabulaire. Dialecte parmi d’autres, le toscan de
Florence deviendra l’italien écrit. De nombreux échanges de vocabulaire se sont effectués entre le français
et l’italien dans les temps anciens. L’italien de nos jours emprunte à l’anglais. Des dialectes grecs ont survécu
en Calabre et en terre d’Otrante ; des langues slaves, le croate sur la côte adriatique et dans les Abruzzes,
et le slovène autour de Trieste.
Le néerlandais : quelle différence y a-t-il entre le néerlandais, le hollandais et le flamand ? le néerlandais
est la même langue officielle aux Pays-Bas et en Belgique ; le hollandais est une variété régionale ; le
flamand est une variété locale du néerlandais parlée dans les provinces des Flandres ; le wallon, une variété
des dialectes romans d’oïl. On trouve des vestiges celtes, romains, germaniques et gaulois dans le
néerlandais.
Le portugais : on trouve dans le portugais une empreinte germanique modeste, latine dans le gallaïcoportugais (langue littéraire proche du latin), un apport lexical arabe important, des apports provençaux et
français.
Toutes ces « traces » inscrites dans nos langues sont bien la preuve des brassages et des échanges qui ont
existé entre l’Orient et les peuples européens et entre les peuples européens eux-mêmes, depuis plus de
2 500 ans.
Rappelons dans le même ordre d’idée que la notion « un état - une langue » est très récente.(36)
(1) Contribution de Françoise Parisot.
(2) E. B. Tylor, auteur anglais cité par J. Demorgon in Complexité des cultures et de l’interculturel,
Anthropos, 1996, p. 25.
(3) En allemand, le mot Kultur se traduit à la fois par « culture » et par « civilisation », ce qui montre bien la
richesse de cette notion, il désigne essentiellement, souligne Edith Herdhuin, le « volksgeist » (genre
populaire) s’opposant aux sciences et philosophies cosmopolites prisées par l’aristocratie.
(4)Jacques Demorgon, op. cit.
(5) Henriette WALTER, L’Aventure des langues en Occident, Robert Laffont 1994
(6) Cité par Rémi Brague in Europe, la voie romaine, p. 43, Criterion idées, 1993.
(7) Après la chute de Constantinople et l’émigration des savants byzantins vers l’Italie, le contact avec la
culture grecque sera rétabli et les manuscrits viendront du monde byzantin. L’enseignement philosophique
ne s’est pas interrompu à Byzance.
(8)Cf. Rémi Brague, op. cit., p. 77.
(9)(10) Cf. Rémi Brague, op. cit.
(11)Cf. Aux sources de l’identité européenne, Presse Universitaire européenne, Bruxelles, 1993.
(12)
Cf. Rémi Brague, op. cit.
(13)
Op. cit.
(14)
Cité par Dominique Hamon et Yvan Serge Keller in Fondements et étapes de la construction
européenne, PUF, 1997. Il s’agit de la première mention historique d’une volonté européenne.
(15)Les Normands avaient succédé aux Byzantins et aux Arabes qui avaient laissé beaucoup de traces et
cohabitaient avec juifs, orthodoxes et catholiques.
(16)Rémi Brague, op. cit. Cependant, la culture arabe avec toute sa richesse appartient à une autre
civilisation.
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(17)
À titre d’exemple, « le latin et le grec ont survécu au christianisme qui s’est exprimé par leurs
langues. Dans les régions islamisées, l’arabe a fait disparaître le grec et ramené le syriaque et le copte au
rang de langues liturgiques et de dialectes régionaux. » (Rémi Brague).
(18)Rémi Brague, op. cit.
(19)
Roi des Francs saliens (situés dans l’ancienne Belgique) va conquérir la Gaule : la Loire et la Somme ;
il repousse les Alamans au-delà des Vosges à la bataille de Tolbiac et conquiert l’Aquitaine occupée par les
Wisigoths par la bataille de Vouillé (le royaume des Wisigoths s’étendait de la vallée de la Loire au sud de
l’Espagne).
(20)
Cf. Dominique Hamon, Yvan Serge Keller, Fondements et étapes de la construction européenne, op.
cit.
(21)Dominique Hamon et Yvan Serge Keller, op. cit.
(22)Op. cit.
(23)Op. cit., cf. pp. 28-33.
* Mais rappelons aussi l’existence du réseau des centres de culture européenne, dont la maison-mère est le
Centre de Culture européenne de Saint Jean d’Angély, sis dans l’Abbaye Royale (cf. cahiers européens
d’Houjarray n°1) et, dans un sens plus large, signalons l’existence de l’Institut des Itinéraires culturels
européens. Institut des Itinéraires Culturels Européens : Tour Jacob- L 2477 Luxembourg –
http://culture.coc.fr/routes *
(24)C’est à l’université d’Oxford dont il est Premier chancelier, que l’Anglais Robert Grosseteste traduit
Aristote. Le Flamand Guillaume de Mœrbeke fera de même. Ces traductions sont littérales, sans l’apport de
la glose arabe. Cf. Jean-Baptiste Duroselle, L’Europe, histoire de ses peuples, Hachette Pluriel, 1990.
(25)
Dominique Hamon et Yvan Serge Keller, op. cit.
(26)Op. cit., p. 20.
Cf le dossier pédagogique sur Erasme cahiers d’Houjarray n°2
En ce qui concerne les réseaux des voies de communication : cf. l’ouvrage de Bruno Magris, Danube,
itinéraire souvenir au travers des grandes civilisations nées sur les rives de ce fleuve.
(27)Cf. J.-B. Duroselle, op. cit., p. 310. On retrouve les idées humanistes dans la vallée du Rhin, à
Heidelberg, à Oxford (à la cour d’Henri VII, Thomas More), en Espagne (groupe d’Alcala), à Louvain (Collège
des Trois Langues), etc.
(28)Cf. Edgar Morin, Penser l’Europe, Gallimard, 1987, p. 91.
(29)Edgar MORIN, op.cit
(30)
Cf. J.-B. Duroselle, op. cit., pp. 382-383.
(31)
Cf. Dominique Schnapper, op. cit. et conférence EHESS, 1996. Roger Brubaker, cité par Dominique
Schnapper et par la revue Projet n° 250, montre qu’en France comme en Allemagne la conception politique et
la conception culturelle de la nation sont présentes. Mais tandis qu’en deçà du Rhin l’élément politique
prédomine, au-delà du Rhin le politique et le culturel sont séparés. Ce qui n’est pas sans conséquence pour
l’accès à la nationalité.
(32)Cf. Dominique Hamon et Yvan Serge Keller, op. cit.
(33)D’après Henriette Walter, op. cit.
(34)Le basque n’est pas une langue indo-européenne.
(35)Henriette Walter, op. cit.
(36) cf. Revue des Sciences Humaines n°110, p.39
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Suite du dossier précédent (Grèce, Italie)
paru dans les Cahiers Européens d'Houjarray n° 3
(2ème partie)
Espagne
CITÉ : CIUDAD
CITOYEN : CIUDADANO
Un peu d’histoire (1)
La préhistoire
Dès le néolithique, la Péninsule est peuplée d’Ibères venus d’Afrique et de Celtes éclatés
en tribus plus ou moins nombreuses qui habitent des hameaux. Selon Strabon (2), ces
tribus forment entre elles des fédérations permanentes ou provisoires. Leur mode de
relation repose sur un contrat d’hospitalité, par lequel les membres de chacune d’elles
ont le droit d’être hébergés, entretenus, protégés et assistés quand ils se déplacent sur
le territoire des autres tribus.
Phéniciens, Grecs et Carthaginois
À leur arrivée, vers le VIe siècle avant J.-C., les Phéniciens, les Grecs, puis les
Carthaginois dans le Sud-Est fondent des comptoirs et entrent en contact avec les
indigènes, considérés comme des étrangers par les envahisseurs. Les Phéniciens, plus
amoureux de la paix que de la guerre, accordent sans doute un meilleur traitement aux
indigènes que les autres colonisateurs.
Dans la longue histoire de l’Espagne, des communautés de diverses origines ethnique,
religieuse, linguistique se sont côtoyées dans un espace géographique caractérisé par
l’absence de voies naturelles cohérentes. Les relations entre tribus ont été faites
d’amitié et de haine, de paix et de guerre, d’affrontement et de coopération, selon les
époques.
Les Romains
En 218 av. JC, les Carthaginois sont chassés par les Romains lors du siège de Ségovie.
On peut dire que trois siècles de romanisation ont eu pour effet une certaine
homogénéisation de l’Hispanie et des Hispaniques, malgré les diversités régionales.
Devenue « un des plus beaux fleurons de l’Empire romain », l’Hispanie connaît la pax
romana. L’exploitation des richesses naturelles – agriculture et mines – donne naissance
à une société aisée. Des noms célèbres de l’histoire de l’Empire romain – le philosophe
Sénèque ou l’empereur Trajan – sont originaires de la péninsule Ibérique. En 212 ap. JC,
l’édit de Caracalla étend à tous les habitants libres de l’Empire la citoyenneté romaine.
Comme territoire de l’Empire romain, le « ius civile romanorum » s’applique naturellement
en Hispanie. Mais comme celui-ci est attaché par nature à la personne « intuitu
personae » – et strictement réservé aux citoyens romains – à l’époque des conquêtes (Ier
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et IIe siècles avant J.-C.), à peine quatre mille personnes vivent conformément au droit
romain. Les autres sont soumises au droit indigène.
Comme toujours, les exigences de la réalité provoquent le changement : les différences
entre les systèmes juridiques des différentes cités empêchaient les échanges
juridiques et économiques.
La situation se modifie complètement quand Vespasien concède en l’an 74 de notre ère la
latinité à l’Espagne. À partir de ce moment, n’ont plus coexisté que deux formes de
citoyenneté : la romaine et la latine. On attribue à cette dernière le « ius commercium »
romain, mais sans y adjoindre le régime familial. On peut alors conclure des contrats
romains et faire appel aux tribunaux romains. Plus tard, lors de l’attribution de la
citoyenneté romaine par Antonino Caracalla (212 après J.-C.) à tous les habitants de
l’Empire, cette distinction disparaît. Seuls les étrangers au « status civitatis », les
barbares, restent en situation d’infériorité.
Les Wisigoths
Subissant à son tour les conséquences des vagues de déferlement barbare, l’Hispanie
connaît à partir du Ve siècle des bouleversements énormes. Après les Suèves, les
Vandales et les Alains, les Wisigoths s’installent sur le territoire. Peu nombreux –entre
40 000 et 70 000 selon les dernières données de la recherche historique–, ils ont pour
eux le droit du vainqueur. La désorganisation de la société hispano-romaine est à son
comble d’autant que l’hérésie religieuse arienne (3) des Wisigoths constitue une
fracture supplémentaire. Sous l’impulsion d’évêques et de lettrés, conservateurs de la
culture antique, Léandre et Isidore de Séville, les rois Wisigoths se convertissent au
catholicisme. L’unité espagnole est refaite. La célébration de conciles – assemblées des
évêques, des grands dignitaires et du roi – renforce l’unité de la législation et le
sentiment politique.
Les Wisigoths apportent une modification fondamentale dans le statut des citoyens : le
régime de la personnalité des lois s’établit. Ainsi, à travers la conquête, la loi romaine se
convertit de loi applicable sur une base territoriale et générale en une loi purement
particulière et personnelle, avec le même caractère que les lois barbares, principe qui
sera modifié par le féodalisme. Ce dernier établira le système de territorialité des lois.
Un éminent ouvrage, approuvé par le huitième Concile de Tolède (an 654), le célèbre
code civil « Liber Judiciorum », correspond particulièrement bien à l’esprit de cette
époque.
Résumant de manière adéquate ces siècles d’histoire, l’historien Pierre Vilar précisait
que le passé de l’Espagne est marqué par une « préhistoire immense et brillante, [une]
romanisation exceptionnelle (…), [une] active participation à la formation du monde
chrétien » ; et il concluait ainsi : « parmi les nations du pourtour méditerranéen, toutes
humainement si favorisées, la nation espagnole ne le cède à aucune autre en ce qui
concerne l’ancienneté et la continuité de la civilisation ».
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Les Arabes
Avec l’invasion arabe, dont la domination sur la péninsule Ibérique (autour du Califat de
Cordoue) débute avec la déroute des Wisigoths (bataille de Guadalete, 711), l’unité
nationale est rompue. Commence une longue période (qui durera huit siècles) marquée,
d’une part, par la complexe cohabitation entre groupes humains de religions distinctes
(juifs, chrétiens et musulmans) qui traversent des périodes successives de conflits et
de coopération. Au début de cette longue période, il n’y eut pas de production normative
parce que le plus important était de survivre. Plus tard, la repopulation associée à la
reconquête militaire crée de singuliers phénomènes de relations humaines. Au XIIIe
siècle, par exemple, les Aragonais, les Catalans et les Valenciens – qui entretiennent des
échanges intenses pour des raisons de proximité – sont juridiquement étrangers entre
eux. À Tolède cohabitent des Castillans, des Mozarabes, des Francs, des Musulmans et
des Juifs, chacun avec leur propre droit.
D’autre part, passées les premières années de domination musulmane croissante (qui
n’arrive jamais à couvrir la totalité de la péninsule Ibérique), surgissent – dans le nord
de l’Espagne – les premiers bourgeons de rébellion chrétienne. La Reconquête, conduite
par des rois qui se proclament les héritiers de la monarchie wisigothique, génère
pendant des siècles – au milieu de luttes intermittentes, qui n’ont pas empêché les
échanges entre cultures – des éléments de civilisation qui ont influencé fortement
l’histoire de l’Espagne.
Les Rois Catholiques et la fin de la Reconquista
L’Espagne moderne est le résultat de la victoire définitive des Rois Catholiques sur les
Arabes, qui, en 1492, ont capitulé à Grenade (le dernier royaume maure). C’est une année
réellement exceptionnelle, car il se produit un événement important pour l’avenir : la
découverte de l’Amérique par Christophe Colomb (connue seulement en 1493).
À partir de la fin du XVe siècle, l’Inquisition (4) crée un climat de répression religieuse
généralisée (lutte contre les juifs, les musulmans, puis à partir de 1520, les
protestants). Avec Charles Quint, l’Espagne se retrouve au centre d’une des plus
grandes puissances mondiales héritage de la politique bourguignonne (les Flandres, le
Saint Empire romain germanique), de la politique aragonaise (la Méditerranée
occidentale et l’Italie), et de la politique castillane (le nouveau continent américain).
Présente sur tous les fronts, l’Espagne fait face aux luttes politiques et religieuses qui
mettent à mal son hégémonie. Le protestantisme dans les terres allemandes, les rivalités
avec la France en Italie, la révolte en Flandre (futurs Pays-Bas), les raids de pirates et
corsaires en Atlantique, la poussée ottomane en Méditerranée occidentale et en Afrique
du Nord : autant de fronts ouverts qui pèsent lourdement sur le destin de l’Espagne
péninsulaire.
Domination américaine
La conquête de territoires en Amérique et aux Philippines procure une grande puissance
économique grâce aux flux d’or et d’argent qui alimentent le trésor espagnol. L’aventure
américaine est d’une importance décisive : elle étend le christianisme et, avec lui, un
certain modèle européen. Elle engendre aussi, la destruction des cultures incas,
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aztèques et mayas (des précurseurs des Droits de l’Homme, tel Bartolomé de Las Casas,
défendit les Indiens contre l’oppression brutale des conquérants). L’Amérique latine
d’aujourd’hui est fille de l’Espagne comme l’Amérique du Nord est une greffe
d’Angleterre et de France.
Une décadence ?
Alliée de la France depuis qu’un Bourbon occupe le trône (1700), l’Espagne subit pourtant
l’invasion napoléonienne. Un soulèvement national spontané – les rois Bourbons se sont
effacés derrière Napoléon – met l’Espagne à feu et à sang. Surtout, avec l’aide de
l’Angleterre, elle met en échec Napoléon.
Malgré ce sursaut national, l’histoire de l’Espagne au XIXe siècle est médiocre : guerres
civiles, rivalités dynastiques, balbutiements du libéralisme politique, dépendance à
l’égard des capitaux étrangers, faibles progrès matériels.
Par ailleurs, le XIXe siècle est marqué par le délitement des colonies d’Amérique latine.
En 1898, après la défaite face au pouvoir militaire nord-américain et la perte de Cuba et
des Philippines, l’Espagne cesse d’être une puissance coloniale.
Au XXe siècle, une conjonction complexe de facteurs –une monarchie avec une faible
vocation démocratique, des problèmes régionaux et nationaux non résolus, l’absence
d’institutions démocratiques solides, l’essor de diverses formes de fascisme dans toute
l’Europe – ont de tragiques conséquences pour l’Espagne.
République provisoire et dictature franquiste
Après une période de dictature « molle », la Seconde République est fondée le 14 avril
1931 ; elle répond aux aspirations largement exprimées par les cercles démocratiques et
progressistes. Mais sa difficile existence marquée par la violence des affrontements
politiques s’achève dans une terrible guerre civile (1936-1939) qui aboutit à l’installation
d’une dictature de type fasciste qui durera quarante ans.
Même s’il connaît différentes phases, le régime de Franco se caractérise, entre autres,
par une féroce répression sur toutes les formes de libertés et le soutien au
catholicisme en tant que religion d’État. Il faut tout de même mentionner l’œuvre de
reconstruction économique effectuée à partir de 1960 qui modifiera en profondeur la
structure de la société espagnole.
La démocratie
Le changement subi par l’Espagne depuis le milieu des années 1970 est immense. La mort
du dictateur Franco en novembre 1975 ouvre la voie à un processus de transition – qui
étonne le monde par la rapidité et la maîtrise avec lesquelles il fut mené – pour rétablir
totalement les libertés individuelles et collectives. Malgré les fortes résistances
rencontrées dans les cercles proches de la dictature, on a assisté à un démantèlement
progressif de toutes ses structures. La période dite de « transition démocratique »
(conduite avec efficacité par Adolfo Suarez avec l’aide du roi Juan Carlos) a rapproché
l’Espagne en très peu d’années des démocraties industrielles occidentales.
En 1977, l’Espagne ratifie plusieurs traités internationaux fondamentaux en matière de
droits sociaux, civils et politiques. Le 15 juin 1977 ont lieu les premières élections
démocratiques depuis la Seconde République. En 1978, un accord politique entre la quasi-45Association Jean Monnet – 9bis rue Georges Berger – 75017 Paris – Tél. : 01.56.33.71.00
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totalité des forces parlementaires rend possible l’adoption de la Constitution espagnole.
Ce texte, réellement novateur dans sa volonté de promouvoir une démocratie pluraliste
et le plein respect des droits de l’homme, a, dès son origine, un mérite très
remarquable : après les amères expériences du passé, pour la première fois, une charte
majeure est établie de manière consensuelle, dont le contenu et la mise en œuvre par
des gouvernements de tendances politiques différentes et qui se sont succédé en toute
légalité, a fait ses preuves avec une grande efficacité.
L’Espagne rejoint la Communauté européenne en 1986 après un accord préférentiel et
une négociation de dix ans. L’Espagne, à l’initiative de Felipe Gonzalez, a obtenu
l’introduction d’un chapitre sur la citoyenneté européenne dans le Traité de Maastricht,
soutenue par d’autres Etats Membres.
En 1982, les socialistes arrivent au pouvoir. Jusqu’en mars 1996, le PSOE de F. González
domine la vie politique, accélère la construction d’un État-providence à la ressemblance
des autres pays européens et insère l’Espagne dans les relations internationales. En
1992, la conjonction des Jeux Olympiques de Barcelone et de la célébration du
cinquième centenaire de la découverte de l’Amérique à Séville marquent de façon
spectaculaire cette réussite espagnole et sa reconnaissance mondiale. En 1996, le Parti
Populaire de José María Aznar (droite) gagne les élections. Pour la première fois depuis
1933, la droite arrive au pouvoir par les urnes. L’alternance marque un tournant dans la
politique économique. Mais les grandes orientations de la politique européenne et
étrangère sont conservées.
Pendant toute la période, le terrorisme basque frappe durement la société espagnole.
Son rejet chaque fois plus large, par la population, n’empêche cependant pas une
radicalisation de la vie politique et un affrontement croissant entre nationalistes et nonnationalistes. L’avenir institutionnel du pays est aujourd’hui remis en cause par les
mouvements nationalistes basque, catalan et galicien, alors que le cadre de la
constitution de 1978 est défendu par toutes les autres forces politiques, au premier
rang desquelles le Parti Populaire et le PSOE qui rassemblent 80% de l’électorat.
L’Espagne a fait partie du peloton de tête des pays de la zone euro (1er janvier 1999 :
avec la monnaie scripturale, 1er janvier 2002 : avec la monnaie fiduciaire)
La Citoyenneté en Espagne (5)
Réflexions autour de l’histoire de l’Espagne
La conquête et la consolidation de la démocratie ont transformé la perception que les
Espagnols avaient de leur histoire nationale. Sans doute s’agit-il là d’un phénomène
fondamental dans la conscience qu’ils ont d’eux-mêmes, de leur passé et de leur avenir.
La décadence du XIXe siècle, les heurts politiques du premier tiers du XXe siècle qui
débouchèrent sur la Guerre Civile (1936-1939) et la dictature franquiste qui
représentait la victoire d’une certaine Espagne sur la pluralité des Espagnols avaient
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alimenté une vision tragique de l’histoire et le sentiment d’un échec collectif. De
multiples méditations sur l’histoire avaient ainsi dessiné des visages concurrents de
l’Espagne, fondés sur l’exclusion et le rejet.
Quand les Wisigoths, après les autres Barbares Alains, Vandales et Suèves, envahissent
le territoire de la péninsule Ibérique, cette irruption signifie un bouleversement de
l’ordre social, économique et politique. Aux anciens maîtres du territoire, ceux que les
historiens appellent les Hispano-Romains, christianisés sous la forme catholique,
s’opposent ces conquérants qui réclament leurs droits, le droit du vainqueur. En 589, la
conversion du roi wisigoth, Recarède, qui abandonne le christianisme « arien » pour le
christianisme catholique, contribue à la pacification du pays. Les deux sociétés,
l’ancienne et la nouvelle, peuvent envisager de se fondre, surtout que les Wisigoths,
d’après des estimations démographiques relativement fiables, ne représentent, comme
nous l’avons déjà vu, que 40 000 à 70 000 individus. Une première unité espagnole se
manifeste ainsi, unité qui met au premier plan une dimension catholique.
En 711 les musulmans envahissent l’Espagne et la conquièrent aisément, reléguant une
hypothétique résistance chrétienne dans les montagnes du Nord, en Asturies. La société
espagnole se trouve alors bouleversée, soumise à de nouveaux maîtres. Les villes
islamisées comme Tolède, Grenade ou Cordoue seront ouvertes et recevront artistes et
savants musulmans, chrétiens et juifs, traducteurs des grandes œuvres grecques et
médecins illustres. Et même si les exemples de tolérances et d’échanges font apparaître
la civilisation hispano-mauresque comme un sommet de l’histoire médiévale, il n’en reste
pas moins que cette image idyllique ne correspond pas exactement au vécu des
populations.
L’histoire de l’Espagne sous les Rois Catholiques, Isabelle et Ferdinand, se confond avec
celle de la reconquête – la Reconquista – du territoire par les Espagnols chrétiens. Entre
le VIIIe et le XVe siècle, huit cents ans pour finalement aboutir à la prise de Grenade
en 1492. Sans entrer dans les détails, on pressent bien qu’au-delà des avancées et des
reculs, des victoires et des défaites, ce qui se joue dans cette reconquête n’est pas
seulement une question de territoire. C’est un combat de foi et d’identité nationale. La
reconquête, dans laquelle se forge la conscience espagnole médiévale et moderne, c’est
l’assimilation de l’Espagne à la foi catholique.
Alors pourquoi 1492 résonne-t-il autant dans l’histoire de la Péninsule ? 1492, c’est la
reprise de Grenade, et donc l’achèvement de la reconquête. C’est aussi la tristement
célèbre décision de forcer les juifs à se convertir au catholicisme ou à quitter l’Espagne.
Ce décret d’Isabelle la Catholique marque la fin de la présence juive en Espagne. 1492,
c’est aussi la publication de la première grammaire castillane. Trois événements qui
semblent donner un visage et une identité à l’Espagne moderne.
Que faire des populations musulmanes ? En 1492, selon les conditions acceptées par les
Rois Catholiques, le dernier roi maure de Grenade, Boabdil, avait réussi à faire
promettre que les musulmans pourraient rester en terre de Grenade, mais les Rois
Catholiques leur proposèrent la conversion, de gré d’abord, puis de force (1502). Les
pratiques crypto-judaïques et crypto-musulmanes de nombre de convertis de force sont
traquées par l’Inquisition. Le problème peut même devenir politique et militaire, lorsque
des morisques (nom des musulmans convertis) se révoltent entre 1568 et 1570. Battus,
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ils sont déportés du royaume de Grenade vers toutes les autres régions espagnoles. En
1609, sous le roi Philippe III, la décision d’expulser tous les morisques d’Espagne est
mise à exécution. L’opération dure cinq ans et concerne entre 200 000 et 300 000
personnes.
Autrement dit, entre 1492 et 1609, l’assimilation entre le fait d’être espagnol et
catholique a été marquante pour la conscience nationale espagnole. Unification du
territoire et unification de la foi : l’Espagne moderne se pense bien comme une unité.
Cette unité est renforcée par l’existence de l’Espagne comme État unifié depuis le
mariage entre Isabelle et Ferdinand en 1479, c’est-à-dire l’union entre les couronnes de
Castille et d’Aragon. Cette unité nationale – bien qu’incomplète et incomparable avec la
période contemporaine – fut l’une des premières à se réaliser en Europe. L’établissement
d’un pouvoir centralisé a pourtant créé des tensions avec certaines nationalités et
régions. Ces tensions se sont résolues dans quelques cas à travers des accords avec la
Couronne mais, pour la plupart, par l’usage de la force ; elles ont fortement marqué
l’histoire de l’Espagne et nous en percevons encore aujourd’hui les échos amplifiés par
les souvenirs historiques, manipulés et déformés.
Parallèlement à cette unité territoriale, l’Espagne connaît avec Charles-Quint une
projection mondiale. État national et empire se conjuguent, compliquant les enjeux
politiques d’une puissance évidemment hégémonique.
Face aux révoltes protestantes qui mettent à mal à la fois la domination espagnole et le
monopole catholique, l’Espagne se trouve doublement contestée. La longue guerre contre
les Provinces-Unies, l’intervention dans les guerres de religions en France en appuyant le
parti catholique, l’engrenage de la guerre de Trente Ans dans les terres allemandes :
l’Espagne s’épuise à vouloir maintenir la chimère d’une unité catholique et impériale.
L’échec final – qui est d’abord militaire puis diplomatique (Traité de Westphalie en 1648,
puis Traité des Pyrénées en 1659) – a des répercussions en Espagne même. Ce sont la
révolte de la Catalogne en 1640, la guerre d’indépendance du Portugal (1640-1664) et,
sur le plan des mentalités, un lent renfermement sur soi-même.
Quand, à la suite de la Révolution française, se pose le problème de la nature et de la
structure du pouvoir politique, et donc de la naissance du citoyen, l’Espagne affronte
cette question avec l’héritage mentionné. C’est d’ailleurs une originalité du libéralisme
espagnol que d’être intimement lié au catholicisme et de se trouver incapable de gérer
l’indépendance des colonies américaines. Toutes les Constitutions espagnoles, jusqu’à
celle de 1931 – exception faite du texte de 1865, d’inspiration démocrate et
républicaine, mais sans postérité – proclament le catholicisme religion d’État. Un noncatholique est donc, dans ces textes, un citoyen de second ordre, jusqu’à ce que la
tolérance vienne atténuer peu à peu ce sentiment.
De ce survol de l’histoire espagnole ressort la force du lien qui existe entre nationalité
espagnole et catholicisme d’une part et entre politique espagnole et hégémonie
catholique d’autre part.
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Cet état de fait a alimenté la légende d’une Espagne autosuffisante et enfermée dans sa
gloire impériale. Le franquisme utilisera cette vision et aura recours à des souvenirs
passés de l’histoire de l’Espagne pour s’en présenter comme le légitime continuateur.
Une autre vision de l’histoire espagnole aime au contraire insister sur le caractère
ouvert de celle-ci. L’Espagne a toujours entretenu un échange politique, économique et
culturel avec d’autres zones du monde permettant des influences bilatérales. Ce fut vrai
pendant l’Empire romain, tout comme plus tard avec Byzance, puis au Moyen Âge avec le
phénomène si original et si fort du Chemin de Compostelle (du IXe au XVIe siècle) qui fut
un axe très important d’échanges de connaissances et de conceptions artistiques avec
l’ensemble de l’Europe, et plus tard avec l’Amérique latine. Par sa position géographique,
son influence a été notable dans le pourtour méditerranéen allant jusqu’à gouverner des
parties de l’Afrique du Nord et de l’Italie. Tout cela a fortement influencé la
personnalité de l’Espagnol et la forme de ses institutions.
On soulignera aussi le fait qu’à certaines périodes de son histoire, l’Espagne fut un
modèle de cohabitation entre cultures et religions et ceci eut des répercussions sur la
pensée, la culture et l’art. À titre d’illustration, citons la splendeur qu’atteignit la
culture arabe ou le travail extraordinaire de l’école des Traducteurs de Tolède (on
appelle ainsi le mouvement intellectuel et culturel qui vit à Tolède la collaboration des
Chrétiens, des Juifs et des Arabes dans la diffusion de textes grecs, oubliés depuis
plusieurs siècles).
Cette tradition ouverte et tolérante – toute aussi partielle que la précédente vision,
mais naturellement plus séduisante – a été revendiquée par toute une élite libérale qui a
voulu construire aux XIXe et au XXe siècle une Espagne tolérante et plurielle. Cette
Espagne devait, pour se consolider, s’ouvrir à l’Europe et ce fut l’un des combats
politiques et intellectuels les plus importants du philosophe et essayiste José Ortega y
Gasset (1883-1955), résumé par cette formule célèbre « l’Espagne est le problème et
l’Europe la solution », prononcée en 1914.
Démocratie et citoyenneté
Aujourd’hui, sans que les débats et les querelles plus ou moins byzantines sur l’identité
espagnole aient cessé, le cadre démocratique offre les éléments d’une synthèse où peut
s’épanouir totalement le citoyen espagnol.
Qui dit citoyen, dit participation active au processus de décision politique. La révolution
libérale fait naître le citoyen. D’abord en théorie, puis lentement en pratique. Jusqu’en
1890, le suffrage en Espagne est censitaire, ce qui signifie très concrètement que la
participation à la vie politique, sous la forme d’élections, ne concerne que 1 à 4 % de la
population (la variation vient des différentes lois qui abaissaient ou élevaient le niveau
d’impôts permettant d’être électeur). À partir de 1890 tous les hommes peuvent voter.
Puis les femmes à partir de 1931. Mais que peut signifier le vote dans un pays qui, en
1900, compte près de 50 % d’analphabètes ? Ceux qui ne se contentent pas de plaider
pour un libéralisme théorique font de leur combat politique un combat pour l’éducation
des masses. L’installation de la République en 1931 signifie la victoire, provisoire, de ce
combat. En effet, les militants républicains sont des intellectuels et des professeurs.
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Ils veulent aussi laïciser la société. Ils sont, à cet égard, proches de la génération des
fondateurs de la IIIe République française.
La dictature du général Franco (1939-1975) instaure un ordre qui fait la place belle aux
tenants traditionnels d’un pouvoir conservateur. L’Église retrouve sa place dans le
contrôle moral de la société. L’armée continue de s’occuper en priorité du contrôle social
des individus. Les hiérarchies sont respectées. Très significativement, cette Espagne ne
compte pas de citoyens. En effet, les textes législatifs reprennent la terminologie de
l’Ancien Régime et s’appellent des fueros (chartes, en français). Ceci montre bien que ce
n’est pas le citoyen qui est aux origines de la décision politique, mais que les pouvoirs lui
octroient, lui accordent une charte (Charte du travail en 1945, Charte des droits et
devoirs en 1946). Les élections sont organisées autour du candidat du pouvoir et les
référendums sont des plébiscites.
Plus que par le camp républicain en exil et abattu par la défaite, la contestation de
l’ordre franquiste s’organise depuis l’intérieur, bénéficiant d’influences extérieures,
notamment européennes. La transition démocratique s’opère avec des hommes qui ont vu
en Europe des modèles à imiter (démocratie parlementaire, social-démocratie anglosaxonne, État providence). Et lorsque l’Espagne demande son adhésion à la Communauté
européenne en 1975, elle en espère une reconnaissance de brevet démocratique et aussi
une aide pour asseoir cette conquête fragile. Les Espagnols devront faire preuve de
patience avant que ne s’ouvrent les portes de la Communauté (1er janvier 1986). Depuis
qu’elle a retrouvé les libertés fondamentales, l’Espagne est de plein droit un membre
actif du club des sociétés démocratiques. Elle est membre de la totalité des
organisations internationales, politiques, éducatives, sociales et culturelles auxquelles
sont associées les nations européennes. Elle est entrée au Conseil de l’Europe en 1977, à
l’Otan en 1981. Elle s’efforce d’entretenir des relations étroites avec l’Amérique latine
et elle défend une politique de coopération active avec les pays du pourtour
méditerranéen. Depuis, leur enthousiasme à l’égard de la construction européenne ne
s’est pas démenti. À l’image de leur Premier ministre socialiste, Felipe Gonzalez (19821996), qui s’est impliqué très tôt dans les grands dossiers communautaires, les Espagnols
veulent faire partie du peloton de tête de l’Europe.
Sur le plan intérieur, l’amélioration a été notable dans le domaine des droits politiques
et sociaux des citoyens. Elle est marquée par le respect total de la liberté syndicale ou
des droits sociaux individuels et collectifs, la modernisation de l’ensemble de la
législation.
La Constitution de 1978 a apporté une solution politique à la difficile question des
identités et des nationalismes régionaux. La création des régions autonomes a permis
une décentralisation vigoureuse. Elle a permis aussi la réappropriation politique des
identités et des symboles régionaux et nationaux. Même si des tensions subsistent,
essentiellement en Catalogne et dramatiquement au Pays Basque, « l’Etat des
autonomies » représente un compromis acquis dans la démocratie que les responsables
politiques feraient mieux de consolider que de fragiliser.
Les éléments racistes du nationalisme basque comme les velléités égoïstes des régions
riches – ainsi les nationalistes de Catalogne et du Pays basque revendiquent-ils une
« régionalisation » de la Sécurité Sociale et donc l’abandon du principe de caisse unique
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avec toute la solidarité inclue dans ces règles de caisse unique – menacent la démocratie
espagnole. La violence du terrorisme de l’ETA et le relais de celle-ci par les plus
radicaux des nationalistes se heurtent à la « ciudadanía », mot espagnol qui signifie la
« citoyenneté » à la fois comme qualité et comme pratique. Face aux agressions
répétées d’un terrorisme raciste, hypernationaliste et ultraminoritaire, la
« citoyenneté » se mobilise pour défendre l’État de droit que remettent en cause les
terroristes. Toutes les manifestations antiterroristes sont convoquées au nom de la
citoyenneté.
L’Espagne est aujourd’hui une démocratie stable dans laquelle les institutions ont
traversé avec succès de lourdes épreuves. Les tentatives de mise en échec du processus
démocratique (comme la tentative de coup d’État en 1981) n’ont pas seulement heurté
l’immense majorité des citoyens et des citoyennes espagnols : elles ont eu l’effet
paradoxal de renforcer la démocratie.
La citoyenneté espagnole est véritablement née avec la transition démocratique. Depuis
1976, la culture démocratique a tracé son sillon, avec l’aide de l’Europe comme culture
politique. Depuis 1986, l’Espagne, nation européenne à part entière, entend vivre de
cette union européenne qui crée un espace politique solidaire, propre à dépasser les
frontières traditionnelles et peut-être à apporter les ultimes réponses aux tensions
régionalistes qui existent encore en son sein. Les Espagnols ont désormais à prendre
conscience que la citoyenneté régionale, la citoyenneté nationale et la citoyenneté
européenne sont complémentaires et non antagonistes ou exclusives. Pour ce faire, il
leur faudra intégrer un certain nombre de réflexes démocratiques. L’exemple de l’impôt
ou de la solidarité territoriale peut illustrer cette dernière réflexion. Accepter l’impôt
comme une nécessité pour le fonctionnement de l’État au service de la société, plutôt
que le considérer comme un vol, constituerait une avancée dans les mentalités.
Que pensent les Espagnols de 2002
de la citoyenneté européenne ?
Cette idée a été incluse dans le traité de Maastricht à l’initiative du président du
gouvernement espagnol, Felipe González qui l’avait déjà proposée en 1988. Ce n’était pas
un concept nouveau mais pour la première fois un gouvernement le défendait et lui
donnait une impulsion. Si l’on peut en croire les enquêtes d’opinion, on peut dire qu’en
général la population espagnole est fortement favorable à l’intégration politique du
continent et à l’établissement d’une citoyenneté européenne. D’une part, parce que cela
permettra de dépasser une mentalité traditionnelle qui a conduit au pessimisme et à
l’isolement et, d’autre part, parce que cela offre des perspectives positives de
croissance économique, de libre circulation pour étudier, voyager, travailler ou s’établir
dans d’autres pays, de pouvoir s’associer, en définitive, à un grand effort collectif dont
dépendront en grande partie les futures possibilités de l’Europe et de toutes les nations
qui la composent, dans un monde qui chaque fois s’organise davantage autour de grands
blocs économiques et politiques.
Il n’existe pas en Espagne, ainsi qu’on le voit dans d’autres pays, de partis politiques ni
de courants d’opinion significatifs qui forment une opposition ferme à l’unité européenne.
La monnaie unique a été accueillie très favorablement, en dépit des sacrifices qu’a
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demandé l’adaptation de l’économie aux critères du traité de l’Union. L’horizon n’est
certes pas sans nuage. La vision très économiste de la construction européenne, les abus
des dirigeants et responsables politiques nationaux qui se servent de Bruxelles pour
imposer des mesures impopulaires, la tentation de créer un espace de libre-échange sans
développer un espace social et culturel pleinement intégré peuvent commencer à
susciter un sentiment de rejet.
La manière dont va se développer l’Europe de demain renforcera ou affaiblira
l’enthousiasme avec lequel les Espagnols se sont impliqués dans sa construction.
Mais la pratique des langues étrangères est un véritable enjeu, indispensable à une
meilleure européanisation et internationalisation des espagnols. Il faut souhaiter que
l’enseignement s’oriente dans ce sens.
En 2002, l’actualité sociale est désormais dominée par la forte immigration qui se
développe en Espagne. Cette transformation de la société espagnole peut déboucher sur
des phénomènes de racisme et de rejet, à l’image de ce qu’ont connu et connaissent
encore les sociétés française, belge, hollandaise et allemande.
Un nouvel enjeu politique se dessine tant pour l’Espagne que pour l’Europe. La position
adoptée face à ces personnes qui, derrière les chiffres des flux migratoires,
constituent la réalité humaine de l’immigration définira en positif ou négatif la
citoyenneté européenne et la capacité d’accueil de notre ensemble politique.
Ressemblerons-nous à de nouveaux États-Unis, terre d’immigrés, ou serons-nous freinés
par une histoire pluri-millénaire qui nous a défini si profondément ?
Constitution du Royaume d’Espagne
Du 27 décembre 1978
(Mise à jour 1er mars 1994)
Des points importants
La Constitution a pour fondement l’unité indissoluble de la nation espagnole. Le castillan
est la langue espagnole officielle de l’État… Les autres langues espagnoles (catalan,
basque, galicien, valencien) seront également officielles dans les communautés
autonomes respectives, conformément à leurs statuts…
Les partis politiques expriment le pluralisme politique.
Les droits fondamentaux
La dignité de la personne, les droits inviolables qui lui sont inhérents, le libre
développement de la personnalité, le respect de la loi et des droits d’autrui sont le
fondement de l’ordre politique et de la paix sociale.
Les normes relatives aux droits fondamentaux et aux libertés que reconnaît la
Constitution seront interprétées conformément à la Déclaration des droits de l’homme.
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Les Espagnols sont majeurs à 18 ans… Les Espagnols sont égaux devant la loi. Tous ont
droit à la vie et à l’intégrité physique et morale.
L’Espagne est une monarchie parlementaire. Elle se constitue en un État de droit social
et démocratique qui défend comme valeurs supérieures de son ordre juridique la liberté,
la justice, l’égalité et le pluralisme politique.
La souveraineté nationale réside dans le peuple espagnol : tous les pouvoirs de l’État
émanent du peuple. Liberté idéologique, religieuse. Aucune confession n’aura le
caractère de religion d’État, mais la constitution prévoit une coopération spéciale avec
l’Église catholique.
Garde à vue : délai maximum soixante-douze heures. Procédure d’habeas corpus.
Droit à l’honneur, domicile inviolable, secret des communications.
Droit d’expression et de diffusion, droit de réunion, droit d’association, droit à
l’éducation, liberté d’enseignement, droit de pétition, droit de se syndiquer, etc. Ces
libertés trouvent leurs limites dans le respect des droits reconnus.
Droit et devoir de défendre l’Espagne, de payer des impôts en fonction de la capacité
économique.
L’homme et la femme ont le droit de contracter mariage en pleine égalité juridique.
Droit à la propriété privée.
Tous les Espagnols ont le devoir de travailler et le droit au travail sans discrimination
pour raison de sexe. Statut des travailleurs.
Liberté d’entreprise dans le cadre de l’économie de marché.
Les pouvoirs publics assurent la protection sociale, économique et juridique de la famille,
des enfants, un régime public de Sécurité sociale pour tous les citoyens.
Encouragements de l’accès à la culture, à la science, à la recherche scientifique.
Utilisation rationnelle de toutes les ressources naturelles.
Des garanties des libertés et des droits fondamentaux : institution du « defensor del
pueblo » (défenseur du peuple).
Le roi est le chef de l’État, symbole de son unité et de sa permanence. La personne du
roi est inviolable et n’est pas soumis à responsabilité. Ses actes seront toujours
contresignés, faute de quoi ils ne seront pas valables.
Les « Cortes generales » représentent le peuple espagnol et se composent du Congrès
des députés et du Sénat. Les membres du Congrès sont élus au suffrage universel, libre,
égal, direct et secret, dans les termes établis par la loi. Le congrès est élu pour quatre
ans. La circonscription électorale est la province. Le Sénat est la Chambre de
représentation territoriale. La Constitution protège et respecte les droits historiques
et « foraux » des régions (de fueros, chartes) Une loi organique pourra autoriser la
conclusion de traités attribuant à une organisation ou à une institution internationale
l’exercice de compétences dérivées de la Constitution. Il incombe aux « Cortes
generales » ou au gouvernement, selon le cas, de garantir l’exécution de ces traités et
des résolutions émanant des organismes internationaux ou supranationaux qui
bénéficient de ce transfert de compétences.
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Pour aller plus loin, il serait intéressant :
•
de réfléchir à ce qu’ont apporté respectivement les Romains, les Wisigoths et les
Arabes à la péninsule Ibérique ;
•
d’apprécier la mise en place rapide de la démocratie, après la mort de Franco, les
efforts pour entrer dans la Communauté européenne et faire partie des pays de la zone
euro ;
•
de s’interroger sur les nationalismes régionaux, le besoin d’identités locales que
ressentent les populations et la nécessité de faire vivre un idéal universel qui empêchent
les dérives de rejet et d’exclusion.
Notes :
(1) Contribution de Sergio Santillan (UGT, Madrid) et Benoît Pellistrandi (historien, Madrid, Casa de
Velázquez)
(2) Strabon, géographe grec, 58-25 avant J.-C.
(3) Arianisme : Doctrine théologique née à Constantinople au début du IV e siècle et diffusée par l’évêque
Arien selon laquelle Jésus n’est pas de nature divine. Lors du Concile de Nicée en 325, l’arianisme fut
condamné et devint hérétique. La profession de foi rédigée à Nicée affirmait en effet « que le Fils était de
même nature que le Père », qu’il était engendré et non pas créé. Cependant les querelles continuaient
d’agiter le monde chrétien et l’évêque Ulfila, évangélisateur des Goths, prêchait l’arianisme. Au moment des
« grandes invasions », cette division théologique ajoutait une fracture supplémentaire entre les Barbares et
les peuples romanisés. Pourtant, l’arianisme perd ses positions à la fin du IV e siècle sous l’effet de
l’acculturation des Barabares.
(4) Inquisition : Tribunal religieux créé en 1233 par le pape Grégoire IX, sa mission est de lutter contre les
hérésies, notamment cathare. Confiés aux dominicains, les tribunaux de l’Inquisition s’installent partout en
Europe. Ce n’est qu’en 1478 qu’ils sont introduits dans la Couronne de Castille. Associée au pouvoir royal, il
existe un Conseil de la Sainte et Suprême Inquisition. Celle-ci partage les nouvelles préoccupations de la fin
du XVe siècle, c’est à dire la lutte contre les conversions non sincères au catholicisme de la part des
populations juives et musulmanes espagnoles (méfiance envers les « conversos », conversions forcées et
finalement expulsions). Etablie dans toutes les possessions espagnoles (Italie et Amérique comprises),
l’Inquisition traque les disidences religieuses, sociales et politiques. Sa réputation est très vite sinistre (
confiscation des biens, prison, refus d’avocat, tortures, encouragement à la délation) et l’Inquisition
deviendra au XVIII e et au XIX e siècles le symbole de l’arbitraire. Elle est supprimée en 1814.
(5)Comme dans d’autres langues européennes, le mot « citoyen » a, dans la langue espagnole, une racine
commune et très ancienne empruntée à la « civitas » et au « civis » romains. L’espagnol connaît au moins
quatre explications du concept de « citoyen ». Une première, de caractère étymologique, désigne le natif ou
le résident d’une ville particulière. Une autre, de fondement juridique, fait référence aux droits et
obligations reconnus par ordonnance. Ainsi, la Constitution espagnole, qui utilise ce vocable à de multiples
occasions, se réfère aux droits et devoirs des citoyens. Une troisième assertion, utilisée fréquemment dans
le droit de la nationalité, assimile les mots « citoyen » et « national » à la notion de détenteur de la
condition d’espagnol ou d’espagnole. Mais il existe aussi une quatrième signification, consacrée par l’usage de
la langue, qui porte une évaluation morale et un contenu affectif : est « bon citoyen » celui qui respecte les
lois, et un « citoyen du monde » est un homme ouvert, tolérant, opposé à la xénophobie.
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Bibliographie :
-Bru Carlos M.,Prologue de La Ciudadania europea, Editions Sistema, Madrid, 1994.
-Vilar P., Historia de Espana, Editions Critica, 10ème éd.Barcelona, 1980
-Perez Joseph, Histoire de l’Espagne, Editions Fayard, 1996
-Vilar Pierre, Histoire de l’Espagne, Que Sais-je 2000
-Bennassar Bartolome, sous la direction de, Histoire des espagnols, Paris Armand Colin
1985 et Editions Robert Laffont Bouquin
Sites internet sur l'Histoire d'Espagne :
http://www.espagna-online.net/histoire.html
http://www.sispain.org/SISpain/french/history
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Le Portugal
CITÉ : CIDADE
CITOYEN : CIDADÃO
Un peu d’histoire… (1)
Les premiers siècles
Au VIe siècle av. J.-C., une peuplade d’origine celte, les Lusitaniens, occupe l’ouest de la
péninsule Ibérique.
Elle est en contact avec les Grecs, les Phéniciens et les Carthaginois. Au IIe siècle, elle
signe la paix avec les Romains (147) qui ont créé la province de Lusitanie, au temps
d’Auguste. Les routes actuelles empruntent encore les voies romaines.
Les invasions
Les invasions se succèdent : Alains, Suèves et Wisigoths au Ve siècle, Arabes et
Berbères au VIIIe siècle.
À partir du XIe siècle, la Reconquête chrétienne commence et les musulmans sont dans
un premier temps repoussés au sud du Tage.
Débuts de la monarchie
Le comté de Portugal est attribué à Henri de Bourgogne, gendre du roi de Castille. Son
fils, Alphonse Ier Henriques, obtient l’indépendance du comté et fonde la première
dynastie du
Portugal en 1143, avec le titre de roi. La monarchie devient héréditaire. Les conquêtes
de Lisbonne en 1147, et plus tard de l’Algarve sur les musulmans, fixent les frontières
actuelles du pays. La Castille renoncera en 1267 à ses prétentions.
En 1211, Alphonse II crée les Cortes à Coimbra ; seuls le clergé et la noblesse sont
représentés. Alphonse II essaie de limiter le pouvoir des uns et des autres. Une
législation nationale est élaborée. Alphonse III ne respecte pas les droits qui avaient
été accordés à l’Église, notamment concernant sa participation aux Cortes. En revanche
il fait entrer les bourgeois aux Cortes.
En 1290, le roi Denis crée l’université de Lisbonne. Le dialecte de Porto devient la langue
nationale.
De grands navigateurs
Les Portugais sont de très bons navigateurs : ils commercent avec les ports de Bruges
et de Londres et partent à l’aventure sur les océans.
Au XVe siècle, Diego Cäo et Bartholomeu Dias découvrent l’Afrique (le cap de BonneEspérance en 1487), Vasco de Gama la route des Indes (1498), Cabral le Brésil (1500).
Au XVIe siècle, ils établissent des comptoirs en Asie. Ils cherchent « des terres, des
hommes, de l’or, des épices ».
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Déclin et changement de dynastie
Mais la monarchie s’affaiblit, elle subit un échec contre les Maures en 1580. Philippe II
d’Espagne fait valoir « ses droits sur la couronne du Portugal. En 1580, le roi d’Espagne
procède à une union entre les deux couronnes.
Les Portugais se soulèvent et, en 1640, le duc de Bragance est proclamé roi du Portugal.
La guerre avec l’Espagne ne s’achève qu’en 1668.
Pour compenser ses difficultés économiques, le pays signe un traité avec l’Angleterre en
1703.
Le Brésil rapporte, outre des denrées agricoles, de l’or et des diamants, ce qui permet
de reconstruire Lisbonne, détruit par un séisme en 1755. Cet événement a ému l’Europe
entière.
Invasion napoléonienne 1807
En octobre1807, les troupes françaises, commandées par le général Junot, envahissent
le Portugal (prise de Lisbonne le 30 novembre 1807). Le général anglais Wellington
débarque et bat Junot à Sintra. Les Français se retirent en 1811. Les Bragance se sont
réfugiés au Brésil pendant cette guerre, et Jean VI ne reviendra au Portugal qu’en 1821
(son fils se proclamera empereur du Brésil). Il s’ensuit une période d’instabilité.
La République
La République est proclamée le 5 octobre 1910. Mais après une nouvelle période
d’instabilité, le régime parlementaire est renversé en 1926. Un régime corporatiste et
fascisant est mis en place en 1933, Salazar en est l’homme fort. Il regroupe, dans des
organisations nationales, les ouvriers et les patrons. En 1968, Salazar, malade, renonce
au pouvoir.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le Portugal, malgré sa neutralité de principe,
permet aux Alliés d’utiliser l’archipel des Açores comme base stratégique.
Marcello Caetano succède à Salazar en 1968 et doit faire face à une situation qui se
dégrade en Angola et au Mozambique, alors colonies portugaises. Les Nations unies
condamnent la politique de répression du
Portugal en Afrique. La situation du pays est instable (grèves, agitation).
La démocratie
En 1974, le président Caetano est renversé par un coup d’État militaire qui est le point
de départ de la « Révolution des Œillets » (le 25 avril) avec la création d’une junte de
Salut national, issue de l’armée coloniale. C’est la fin de la dictature. La décolonisation
de l’Asie et des territoires d’Afrique est rapide. Le pays doit être rénové et résoudre
de grandes difficultés économiques.
Mario Soares devient président de la République du Portugal en février 1986. Le
Portugal entre dans la CEE le 1er janvier 1986. Après dix ans de pouvoir libéral et
démocrate chrétien de Cavaco da Silva, l’alternance amène en 1996 un gouvernement
socialiste dirigé par Antonio Guterres.
Comme l’Espagne et l’Italie, le Portugal adhère à l’euro dans le peloton de tête : le 1er
janvier 1999 avec la monnaie scripturale, le 1er janvier 2002 avec la monnaie fiduciaire.
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Le 17 mars 2002, une coalition de droite, avec à sa tête le centriste Jose Manuel Durao
Barroso est arrivée au pouvoir. Après la période d’euphorie des quatre années
précédentes, le nouveau gouvernement a dû prendre des mesures drastiques pour
résorber le déficit budgétaire qui allait dépasser les 3% réglementaires en 2002
(critères de Maastricht).
la Citoyenneté au Portugal
Commentaires et réflexions (2)
Histoire et institutions du Portugal
Le souverain pontife, par la bulle Manifestus probatum, reconnut le Portugal et son roi
Alphonse Henriques en l’an 1179.
Dès le XIIème siècle les frontières du Portugal ont été fixées et n’ont pas varié par la
suite.
En tant qu’État indépendant, différents moments ont profondément marqué le destin
collectif des Portugais, que ce soit sur le plan politique, économique ou social. Très
schématiquement, il est possible d’y reconnaître les quatre périodes suivantes:
1ère période (XIIe-XIVe siècle) : consolidation territoriale grâce à des
conquêtes successives et structuration des institutions d’après les modèles du Moyen
Âge féodal ;
2ème période (XVe et XVIe siècle) : apogée de l’aventure des découvertes
portugaises (l’Afrique, quand fut doublé le cap de Bonne-Espérance en 1487 ; l’Asie, avec
la découverte de la route maritime des Indes en 1498 ; le Brésil, découvert en 1500), et
leurs inévitables répercussions géographiques, politiques et économiques ;
3ème période (XVIIe et XVIIIe siècle) : implantation de la monarchie absolue et
déclin de l’empire d’outre-mer en raison de la concurrence des autres puissances
européennes ;
4ème période (XIXe et XXe siècle) : afflux des idéaux constitutionnels, surtout
en provenance de France, et variété des expériences politiques.
Alors que nous sommes dans le XXIe siècle, c’est l’histoire récente du Portugal qui revêt
une plus grande importance. C’est à travers elle que nous réussirons le mieux à répondre
aux grandes questions qui se posent au sujet de son avenir.
Les six Constitutions qui font partie de l’évolution historique du droit constitutionnel
portugais (de 1822, 1826, 1838, 1911, 1933 et l’actuelle de 1976) traduisent, d’un point
de vue juridique, des étapes singulières des choix politico-économiques faits au cours du
temps et que l’on peut résumer par leurs trois clivages les plus évidents, à savoir : entre
monarchie constitutionnelle (1822, 1826 et 1838) et république (1911, 1933 et 1976) ;
entre démocratie libérale (1822, 1826, 1838 et 1911), dictature fascisante (1933) et
démocratie représentative (1976) ; entre libéralisme économique pur (1822, 1826, 1838
et 1911), protectionnisme nationaliste et dirigisme centralisateur (1933) et système
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économique mixte de marché, comportant l’appropriation collective d’un certain nombre
de moyens de production (1976).
La situation qui caractérise le Portugal en 2002 est le résultat direct de la Révolution
qui, le 25 avril 1974, mit fin au régime dictatorial fascisant et proclama – avec des
objectifs déclarés d’opposition à la politique précédente – la démocratisation du
système politique, la transformation de l’économie dans le but de sa modernisation,
l’ouverture à l’extérieur et la décolonisation des territoires d’outre-mer.
Après une phase plutôt confuse, au cours de laquelle affleurèrent des courants opposés,
profondément divergents dans leur inspiration politique et idéologique, l’adoption de la
Constitution de la République portugaise, le 2 avril 1976 – suivie, lors des révisions
constitutionnelles de 1982, 1989, 1992, 1997 et 2001 d’aménagements tendant à
l’améliorer – permit peu à peu la réalisation de ces objectifs.
Au plan politique, la démocratie de type occidental qui règne au Portugal repose sur un
cadre légal de respect effectif des droits fondamentaux, d’interdépendance et de
collaboration des pouvoirs entre eux. Le contrôle du pouvoir politique est effectué par le
peuple et par les tribunaux, la première place revenant ici au Tribunal constitutionnel. Le
peuple élit le chef de l’État et l’Assemblée de la République, et se prononce (par
référendum) sur les questions les plus importantes pour le pays. Le schéma de division
des pouvoirs entre les divers organes de souveraineté obéit à la structure du système
de gouvernement semi-présidentiel. En même temps, il comprend verticalement, en tant
qu’institutions distinctes de l’État, les régions autonomes et les collectivités locales
(arrondissements/freguesias), municipalités (municipios) et régions administratives. Les
premières sont dotées de pouvoirs législatifs, et les secondes d’un simple pouvoir
administratif.
Sur le plan économique, le libéralisme, sans aucune once de protectionnisme vis-à-vis des
économies étrangères, fut néanmoins accompagné par l’intervention de l’État dans des
secteurs considérés comme essentiels. Cependant, ces dernières années, la plupart des
entreprises du secteur public – y compris celles qui avaient été nationalisées lors des
phases les plus brûlantes de la période révolutionnaire – ont été progressivement
privatisées.
Dans le domaine de la politique internationale, la conséquence la plus immédiate de la
Révolution a peut-être été la décolonisation. Elle a été accomplie par la transmission du
pouvoir aux mouvements de libération d’abord et, ensuite, par la concession de
l’indépendance politique aux possessions portugaises en Afrique (Angola, Cap-Vert, la
Guinée-Bissau, le Mozambique et Sao Tomé e Principe). L’administration du territoire de
Macao a été transférée à la Chine en 1999. Quant au territoire de Timor-Oriental, il est
déjà un État indépendant, après l’occupation par l’Indonésie, qui s’est terminée en 1999.
Le 1er janvier 1986 eut lieu l’adhésion du Portugal et de l’Espagne à ce qui était alors la
Communauté économique européenne. Ce fut, du point de vue international, la
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manifestation de la pleine intégration de ce pays dans l’espace européen, après plusieurs
dizaines d’années de condamnations répétées au sein des organisations internationales.
Les comportements
À ces changements sur le plan de l’État correspondent également des changements
significatifs au niveau des relations sociales, notamment la rapide modification de la
mentalité des Portugais qui s’est modernisée et, l’on pourrait même dire, européanisée,
renonçant à un éloignement entretenu et justifié, jusqu’à un certain point, par
l’expansion outre-mer.
Concrètement, dans le domaine de la participation civique, la concession du droit de vote
au suffrage universel a mis fin à une époque où gouvernants et gouvernés se tenaient
éloignés les uns des autres. L’exercice de ce droit provoqua un énorme enthousiasme que
le fonctionnement normal des institutions démocratiques a un peu calmé. Cependant,
bien que le vote ne soit pas obligatoire, le taux de participation aux élections s’est
stabilisé aux environs de 70 %.
La proclamation d’un État non seulement démocratique, mais aussi social, a trouvé des
échos dans le profond remaniement du système fiscal qui s’ensuivit et qui se caractérise
par d’intenses préoccupations sociales portant sur la redistribution de la richesse et la
progressivité des taux des impôts. Malgré l’inévitable existence de situations de
fraudes fiscales, on a vu s’accroître, ces dernières années, les recettes des impôts. Ceci
peut s’expliquer en partie par la diminution de la fraude, allant de pair avec les progrès
des systèmes de contrôle et par la croissance.
La nécessité de combattre les inégalités sociales par des moyens rendus obligatoires par
la Constitution a encore eu des effets sur l’ensemble des services publics qui sont
devenus plus performants, que ce soit dans le domaine de l’éducation ou dans celui de la
santé.
Cependant, ces derniers temps, en raison partiellement de la crise que traverse la notion
même d’État social, les tâches concernant l’éducation et la santé tendent à être
partagées avec les institutions privées ; ces dernières se chargeant de mettre en œuvre
les initiatives de solidarité sociale toujours plus nombreuses qui émanent spontanément
des citoyens.
En observant la société portugaise actuelle, ce qui est surtout frappant est son
homogénéité culturelle, qui ne veut aucunement dire unicité culturelle. Cette
homogénéité se fonde sur les grandes caractéristiques linguistique, ethnique et
religieuse qui rassemblent les Portugais :
– issu directement du dialecte galicien-portugais (lequel remontait quant à lui au
latin, parlé sur le territoire qui deviendra par la suite le nord du Portugal actuel), le
portugais s’est rapidement répandu et affirmé comme une vraie langue, utilisée et
façonnée par de nombreux poètes et écrivains au long des siècles. Son héraut le plus
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grand ayant été, sans aucun doute, le poète des Lusiades, Camœs. Actuellement, le
portugais, parlé par environ 200 millions de personnes, au Portugal, dans les anciennes
possessions portugaises en Afrique, en Asie et au Brésil, est la cinquième langue la plus
parlée au monde ;
– tout en étant exposée aux mêmes influences que les autres pays européens, la
communauté portugaise possède néanmoins une indéniable identité ethnique explicable,
en grande mesure, par la stabilité géographique du territoire, dont les dimensions
réduites ont également joué un rôle dans sa formation ;
- du point de vue des croyances religieuses, la religion dominante au Portugal est
la religion catholique à laquelle appartient plus de 90 % de la population. Pendant
plusieurs siècles on y a vu l’une des forces qui a porté à l’expansion outre-mer.
Cette homogénéité culturelle est tellement poussée qu’elle fait du Portugal l’une des
rares entités politiques européennes à incarner assez fidèlement l’idéal de l’État-nation,
un État sur le territoire duquel vit une communauté intrinsèquement unie par des liens
culturels communs.
Présence portugaise
Mais cette façon d’être portugais acquiert encore plus de sens quand on se rend compte
qu’au cours de l’histoire du Portugal, plus qu’un facteur de division, elle a été le vrai
ressort de son expansion dans différentes parties du monde – dans un premier temps,
jusqu’à la décolonisation, grâce à la présence portugaise dans les divers lieux
appartenant au territoire national. Par la suite, cette présence s’est intensifiée en vertu
du mouvement migratoire des années soixante ; il s’agit alors d’une émigration
économique et politique. Les raisons en sont la recherche soit de nouveaux espaces d’une
liberté réprimée par la dictature fascisante, soit – tant avant le régime démocratique
inauguré en 1974, que depuis lors – de meilleures conditions de vie.
Nous serions tentés de conclure que l’un des traits indéniables de cette diaspora de
culture portugaise est son universalité. Celle-ci se présente sous des aspects différents
auxquels la Constitution confère, au demeurant, la nécessaire protection juridique :
– en ce qui concerne la population : les Portugais, qui sont un peuple d’émigrants,
se trouvent dispersés de par le monde. Il existe actuellement environ 14 millions de
citoyens portugais, dont 10 millions vivent en territoire portugais et 4 sont éparpillés un
peu partout, la plus grande partie se retrouvant, bien évidemment, dans les pays qui ont
le portugais pour langue officielle et dans les pays européens les plus proches et les plus
riches ;
– en second lieu, l’ouverture des comportements se révèle dans la cœxistence
paisible de la culture portugaise avec de nombreuses cultures, ce qui a d’autant plus de
valeur que celles-ci – américaines, africaines et asiatiques – sont nombreuses ;
- en troisième lieu, la tolérance, qui se manifeste dans les relations, fait qu’un
grand nombre d’éléments de ces autres cultures ont été et continuent à être acceptés,
si ce n’est même assimilés, sans pour autant que soit jamais mise en cause l’identité
culturelle portugaise.
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La citoyenneté portugaise
L’universalité portugaise n’opère pas seulement vers l’extérieur, elle est également un
signe d’ouverture à l’intérieur, vis-à-vis d’autres communautés.
Le régime d’acquisition de la citoyenneté portugaise n’est aucunement renfermé sur luimême ; à l’inverse, il se montre prêt à accueillir d’autres personnes ayant à peine un lien
indirect avec le Portugal, de nature territoriale ou autre.
Il convient cependant d’attirer l’attention sur les règles qui sont applicables à d’autres
citoyens de langue officielle portugaise, lesquels bénéficient d’un traitement plus
favorable, notamment pour l’acquisition originaire de la nationalité ou encore en ce qui
concerne les conditions exigées pour leur naturalisation.
Ce n’est pas uniquement dans le régime d’acquisition de la nationalité portugaise que se
manifeste une telle ouverture : elle transparaît aussi dans le statut même auquel sont
soumis les citoyens étrangers à l’intérieur de l’ordre juridique portugais et où l’on peut
distinguer deux catégories fondamentales, sans compter les citoyens européens (voir
plus loin) : les citoyens de langue portugaise ; les citoyens étrangers en général.
Les citoyens de langue portugaise, au nombre desquels se comptent les ressortissants
des États de langue officielle portugaise, peuvent jouir – en vertu de leur proximité
culturelle, et moyennant l’existence d’une convention internationale et de conditions de
réciprocité – de droits non reconnus à d’autres ressortissants étrangers. Exception est
faite pour leur participation aux organes de l’État et aux organes de gouvernement
régional, pour le service dans les Forces Armées et la carrière diplomatique. Jusqu’à
présent, il n’existe de telle convention qu’avec le Brésil.
Les citoyens étrangers en général, dès lors qu’il existe des conditions de réciprocité,
sont admis par la Constitution à l’exercice de la capacité électorale active et passive
pour l’élection des représentants des collectivités locales.
La notion de citoyenneté portugaise vit, un certain paradoxe : sa solide unité intérieure,
au lieu de s’estomper progressivement en raison des divers contacts de la communauté
portugaise tissés avec les autres cultures au fil des temps, a plutôt gagné de l’épaisseur
en conservant toujours ses traits fondamentaux. Les raisons en sont l’expansion
territoriale outre-mer, et ensuite la dispersion géographique à la suite des différentes
phases du phénomène migratoire vers l’étranger. Ceci signifie que la singularité d’un
peuple, comme l’expérience portugaise le montre clairement, ne constitue pas
nécessairement un facteur d’imperméabilité, mais qu’elle peut très bien devenir un
instrument privilégié de porosité culturelle.
La citoyenneté européenne
Les citoyens européens, dans l’esprit de démocratisation de l’intégration européenne,
jouissent non seulement des conditions applicables aux ressortissants étrangers en
général, mais ils peuvent en outre, dès lors qu’ils ont leur résidence sur le territoire
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concerné et dans les conditions de réciprocité, participer à l’élection des députés
portugais au Parlement européen.
La construction européenne du XXIe siècle, pour mener à bien le plan originel de
création d’une vraie communauté de personnes, doit avancer sur cette voie : l’idée de la
citoyenneté européenne, qui ne peut pas se former à l’image des citoyennetés des États,
doit prendre racine dans leur diversité et, tout en maintenant les traits propres à
chacune, jouer avec les teintes si variées que, de nos jours, la mosaïque européenne très
colorée met à notre disposition.
Constitution de la république
du Portugal du 2 avril 1976
(mise à jour 1er mars 1994)
Des points importants
Préambule
Le 25 avril 1974, couronnant la longue résistance du peuple portugais et exprimant ses sentiments profonds,
le Mouvement des forces armées renversa le régime fasciste.
La libération du Portugal de la dictature, de l’oppression et de la colonisation a constitué une transformation
révolutionnaire et a marqué le début d’un tournant historique pour la société portugaise.
La Révolution a restitué aux Portugais les droits fondamentaux et les libertés essentielles. Exerçant ces
droits et usant de ces libertés, les représentants légitimes du peuple se réunissent pour élaborer une
Constitution qui réponde aux aspirations du pays.
Principes fondamentaux
Le Portugal est une république souveraine fondée sur la dignité de la personne humaine et sur la volonté
populaire et attachée à la construction d’une société libre, juste et solidaire.
Le Portugal est un État de droit démocratique fondé sur la souveraineté populaire, le pluralisme de
l’expression, le respect des droits fondamentaux et des libertés essentielles… Elle a pour objectif de
réaliser la démocratie économique, sociale et culturelle et d’approfondir la démocratie participative…
Le Portugal reconnaît le droit des peuples à s’insurger contre toutes les formes d’oppression, notamment
contre le colonialisme et l’impérialisme.
Le Portugal participe au renforcement de l’identité européenne et à l’intensification de l’action des États
européens en faveur de la paix, du progrès économique et de la justice dans les relations entre les peuples.
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Droits et devoirs fondamentaux
Principe de l’universalité, principe de l’égalité, protection de l’État pour l’exercice des droits des
Portugais à l’étranger… les étrangers résidant au Portugal jouissent des mêmes droits et sont astreints aux
mêmes devoirs que les citoyens portugais.
Droits, libertés et garanties
Droit à la vie, droit à l’intégrité de la personne, droits à la liberté et à la sécurité, limites des peines et des
mesures de sûreté, Habeas Corpus (3)… Tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa condamnation
soit devenue définitive. Il ne peut y avoir d’extradition pour des crimes punis par la peine de mort selon le
droit de l’État requérant.
Inviolabilité du domicile et de la correspondance, droit de fonder une famille, droit et devoir d’élever et
d’éduquer les enfants ; liberté d’expression et d’information, liberté de presse et des médias ; droit
d’antenne, de réponse et de réplique politique (article 40) ; liberté de conscience, de religion et de culte, de
création culturelle, d’apprendre et d’enseigner ; droit d’émigrer, de réunion et de manifestation ; liberté
d’association ; droits, libertés et garanties de participation politique, droit de vote (18 ans) qui constitue un
devoir civique, droit de pétition et d’action populaire ; sécurité de l’emploi, droit au travail lié au devoir de
travailler, liberté syndicale ; droit à la propriété privée ; droit à la Sécurité sociale, etc.
Organisation économique
L’organisation économique et sociale repose sur les principes suivants : la subordination du pouvoir
économique au pouvoir politique démocratique… la cœxistence de différentes formes de propriété des
moyens de production : secteur public, secteur privé, secteur coopératif et social… l’État a des tâches
prioritaires.
Organisation du pouvoir politique
Le pouvoir politique appartient au peuple. Il est exercé conformément à la Constitution. Les organes de
souveraineté (président de la République, Assemblée de la République, gouvernement et tribunaux) doivent
observer les principes de séparation et d’interdépendance établis dans la Constitution.
Les principes généraux du droit électoral sont le suffrage direct, secret et périodique… les citoyens
peuvent être appelés à se prononcer directement par référendum.
Le président de la République est élu au suffrage universel, direct et secret… (45 ans pour être éligible)… le
président de la République répond des crimes qu’il commettrait dans l’exercice de ses fonctions devant le
Tribunal suprême de la justice…
Les députés sont élus selon le système de représentation proportionnelle…
Le Premier ministre est nommé par le président de la République en fonction des résultats électoraux…
Pour aller plus loin, il serait intéressant :
•
de rechercher et de comparer les traits distinctifs des tempéraments galiciens-portugais et
espagnols ;
•
de situer dans le temps l’indépendance du Portugal, ainsi que la date de l’avènement de la
démocratie ;
•
de réfléchir aux problèmes actuels rencontrés par le Portugal.
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Notes :
(1) Contribution de Françoise Parisot.
(2) Contribution de Jorge Bacelar Gouveia, Professeur e Docteur en Droit Public, Faculté de Droit de
l’Université Nova de Lisbonne, Portugal.
(3) « Habeas Corpus », à l’origine signifie « que tu aies ton corps », sous-entendu pour le produire devant le
tribunal. En vertu de cette loi, adoptée par le Parlement anglais en 1679, toute personne emprisonnée a le
droit d’être présentée à un juge pour qu’il statue sur la validité de l’arrestation. Voir « Institutions du
Royaume-Uni de Grande- Bretagne et d’Irlande du Nord » in Les Constitutions de l’Europe des Douze,
textes rassemblés et présentés par Henri Oberdorff, La Documentation française, p. 169.
Bibliographie
- Labourdette J.F., Histoire du Portugal, Fayard 2000
Sites internet sur l'histoire du Portugal :
http://www.portugalmania.com/histoire/histoire1.htm
http://membres.lycos.fr/monportugal/NewFiles/index_histoire.html
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En bref
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Des nouvelles de la Convention
Quatre mois après le lancement de la Convention sur l’avenir de l’Europe (en juillet
2002), son président, Valéry Giscard d’Estaing, a déclaré avoir terminé la « phase
d’écoute». Et d’ajouter : « cette phase était importante pour réduire l’écart entre les
Conventionnels et les attentes des citoyens. » Cette phase a également permis de
constater le besoin d'entreprendre une action en profondeur, ce qui aboutit aujourd'hui
à l'acceptation de la perspective d'une constitution.
La phase d'écoute achevée, les conventionnels sont entrés dans le vif du sujet. Lors de
leur session plénière des 3 et 4 octobre 2002 ils sont parvenus à dégager plusieurs
consensus permettant de réfléchir au contenu d'une Constitution. Une forte majorité
d'entre eux s'est ainsi prononcée en faveur de la reconnaissance d'une "personnalité
juridique" à l'Union européenne (rappelons qu'à ce jour, seule la Communauté européenne
dispose de la personnalité juridique). Ce statut lui permettrait de signer des traités
internationaux et de représenter les Quinze dans les organisations internationales. Le
consensus risque néanmoins de s'effriter lorsqu'il s'agira de déterminer dans quelle
mesure l'UE pourra se substituer à ses Etats membres dans le domaine de la politique
extérieure.
Les conventionnels ont parallèlement dégagé un compromis sur la question du contrôle de
subsidiarité. Cette compétence serait attribuée aux Parlements nationaux qui pourraient
émettre des réserves sur les projets de la Commission. Ceux-ci pourraient également
agir, au nom du principe de subsidiarité, devant la Cour de Justice de Luxembourg. Pour
Valéry Giscard d'Estaing, il s'agit d'une "innovation majeure" permettant d'associer les
Parlements des Etats membres au processus décisionnel européen sans alourdir
l'architecture institutionnelle.
La Convention a travaillé à l'élaboration de l'ossature de la future Constitution
européenne dont l'avant-projet a été présenté par le président de la Convention lors de
la session plénière du 28 octobre.
La Convention devrait entamer la rédaction du document final en janvier et proposer sa
version définitive au Conseil européen en Grèce en juin 2003.
La Convention Jeunesse
La Convention des jeunes, qui s'est déroulée à l'initiative de Valéry Giscard D'Estaing du
9 au 12 juillet 2002 à Bruxelles a réuni 210 jeunes de 18 à 25 ans. 168 d'entre eux, ont
été choisis par les membres titulaires ou suppléants de la Convention représentant les
parlements nationaux ou les gouvernements, soit 6 par pays ; ils ont été désignés en
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tenant compte des propositions des organisations de jeunesse active au niveau national.
Les jeunes se sont penchés sur le projet d'une constitution de l'Union européenne et ont
souhaité que celle-ci soit la plus représentative possible de l'ensemble de la jeune
société.
Et le 21 mars 2003 aura lieu le "Printemps de l'Europe" qui fera entrer les débats de la
Convention
dans
des
établissement
scolaires
de
toute
l'Europe
(http://www.eun.org/eun.org2/eun/fr/index_spring.cfm)
Nous vous reparlerons de cette initiative à laquelle nous sommes associés.
⇒ Sites internet sur la Convention
- Site officiel de la Convention pour l’avenir de l’Europe : http://european-convention.eu.int
-Site de la Commission européenne sur la Convention : htpp://europa.eu.int/futurum/index_fr.htm
- Site du Parlement européen : http://www.europarl.eu.int/europe2004/index_fr.htm
- Site du Ministère des Affaires étrangères : http://www.diplomatie.gouv.fr/actu/actu.asp
- Site de l’Assemblée nationale sur la Convention :
http://www.assemblee-nationale.fr/europe/convention.asp
- Site des jeunes européens : http://www.jeunes-europens.org/convention
- Site de la Convention Jeunesse : http://www.youth-convention.net/fr/home.html
- Site de la Convention pour les jeunes : http://register.consilium.eu.int
« Be an EU decision-maker », un jeu de simulation organisé entre l’IEP de Paris et l’Université de Cologne qui
permet une participation active des étudiants aux travaux de la Convention : http://www.epsnet.org/copas.htm
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Le Centre International des droits de l’Homme
67600 –Sélestat-
Le Centre International d’initiation aux Droits de l’Homme, situé à Sélestat (67),
vient d’obtenir la reconnaissance de mission d’utilité publique.
Créé en 1984 par Mme Lucienne Schmitt, alors professeur de philosophie, le Centre des
Droits de l’Homme avait à ses débuts pour vocation de réunir des enseignants de tous
niveaux et de toutes disciplines, ainsi que des non-enseignants, autour d’un projet
urgent : trouver des formes d’éducation à la citoyenneté et aux Droits de l’Homme.
Un centre de documentation sur les thèmes relevant des Droits de l’Homme fut ouvert
au public, enrichi progressivement d’outils pédagogiques appropriés.
Devenu Centre International d’Initiation aux Droits de l’Homme en 1997, il produit
maintenant également des expositions (prêt aux collectivités), des films vidéo, des jeux,
des dossiers pédagogiques.
Le Centre organise des séminaires internationaux, accueille des étudiants et des
professeurs de toutes nationalités et est ouvert à tout public dans ses nouveaux locaux,
situés au cœur de Sélestat.
CIDH
1, rue Froehlich
67600 SELESTAT
tel/fax : 03 88 92 94 72
mail to : [email protected]
Site Internet : http://assoc.wanadoo.fr/cidh/
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ERASMUS : étudier en Europe
Ce programme tire son nom du célèbre humaniste hollandais, Erasme (1469-1536), qui
chercha à définir un « humanisme chrétien », en préconisant l’entente entre catholiques
et réformés.
Le programme a maintenant treize années d’existence. Depuis 1987, plus d'un million
d'étudiants ont séjourné dans un autre pays d’Europe que le leur, dans le cadre de leurs
études.
En octobre 2002, le programme Erasmus a fêté son millionième étudiant. Pour célébrer
l'événement, une semaine européenne Erasmus s'est déroulée du 15 au 25 octobre.
Trente étudiants originaires de chacun des pays participants se sont réunis à Bruxelles
autour de Viviane Reding. A cette occasion, la Commission a présenté la Charte des
étudiants Erasmus, recensant les droits et obligations des participants, document qui
sera délivré à chaque étudiant pour l'année universitaire 2003/2004. Pour l'année
universitaire 2001-2002, ce sont 1826 universités ou établissements d'enseignement
supérieur d'une trentaine de pays qui ont participé au programme. Cela fait près de 120
000 étudiants ayant passé entre six et douze mois à l'étranger avec une bourse
couvrant une partie des frais (à titre de comparaison, près de 500 000 étudiants
étrangers débarquent chaque année aux Etats-Unis). Les pays les plus actifs ont été la
France, l'Allemagne, l'Espagne et le Royaume-Uni. Les disciplines les plus concernées ont
été la gestion (18%), les langues et la philologie (14%), l'ingénierie et les sciences
technologiques (12%), les sciences sociales (10%). Du côté des enseignants, environ 10
000 d'entre eux ont bénéficié d'affectation de courte durée -environ une semainepour donner des conférences dans le cadre des cours d'une université d'accueil. (Source
:7 jours Europe, 23.09.2002)
En plus de possibilités d'échanges avec le Japon, l'Union soutient aussi des programmes
de coopération universitaire avec les Etats-Unis et le Canada. Ceux-ci ont été prolongés
pour la période allant de 2001 à 2005.
Actuellement trente-cinq pays, dont les Etats-Unis, le Canada, le Japon et trente-deux
pays européens participent à ce gigantesque transfert d'étudiants à travers l'Europe :
les quinze Etats membres de l'Union, les pays de l'Association européenne de libreéchange -Islande, Norvège et Liechtenstein-, les pays associés d'Europe centrale et
orientale - Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, République
tchèque, Slovaquie, Slovénie, la Croatie, Chypre, Malte et la Turquie. D'ici deux ans,
Erasmus va s'ouvrir au monde entier.
En effet, la Commission européenne vient d'adopter le nouveau projet, baptisé Erasmus
World. L'objectif est de permettre à 4 200 étudiants et à 1000 professeurs de pays
tiers de venir étudier ou enseigner dans les universités de l'Union européenne entre
2004 et 2008. L'ambition est claire: "Faire de l'Europe un point de référence pour les
étudiants du monde entier", selon la formule du président de la Commission, Romano
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Prodi. Avec en ligne de mire le programme américain Fulbright, qui, en cinquante ans, a
"permis d'accroître la qualité des universités américaines ainsi que l'influence
culturelle, politique et économique des Etats-Unis", comme l'explique le porte-parole de
Viviane Redding, commissaire européen chargée de l'éducation et de la culture.
D'ici à 2008, 250 "masters universitaires Union européenne" impliquant au minimum
trois universités de trois Etats - membres devront être créées pour accueillir les
meilleurs élèves, d'Europe ou d'ailleurs, et former les futures "élites" du monde entier,
actuellement formés quasi - exclusivement aux USA, à la culture européenne. Chaque
étudiant devra aller dans deux pays de l'UE au minimum et se verra délivrer un diplôme
reconnu dans les pays participants. D'un point de vue financier, les étudiants non
européens bénéficieront d'une bourse de 1600 euros par mois pour effectuer leur
troisième cycle sur une durée pouvant aller jusqu'à deux ans. Les professeurs invités
toucheront 13 000 euros pour une période de recherche ou d'enseignement de trois
mois. L'ensemble du programme doit être présenté au Conseil des ministres de
l'Education en novembre 2002, il passera ensuite devant le Parlement européen.
L'adoption définitive est prévue pour 2003. (Source : Libération, 24 juillet 2002)
Néanmoins, faute de moyens, le bilan global d'Erasmus est encore insuffisant : moins de
10% des étudiants européens effectuent un séjour à l’étranger pendant leurs études.
Lors du sommet européen de Nice en décembre 2000, les Etats membres ont adopté un
plan d’action pour la mobilité (PAM). Le PAM se présente comme une « boîte à outils »
contenant quarante-deux mesures dont l’objectif est de favoriser la mobilité en Europe,
améliorer son financement et valoriser les périodes de mobilité. La Commission
européenne a également ouvert un portail internet donnant accès aux différentes
sources européennes d’information sur la mobilité :
Numéro vert valable dans toute l'Union européenne : 00 800 67 89 10 11
http://europa.eu.int/eurodirect
Le but est d’offrir aux jeunes toutes les informations utiles pour concrétiser leur
projet d’étude dans un autre pays européen : de quelle prise en charge sociale peut-on
bénéficier ? Quelles sont les équivalences en matière de diplôme ? Dans quelle mesure
peut-on faire valider la formation effectuée hors de son pays d’origine ?
Au regard du droit communautaire, un étudiant peut choisir d’étudier dans un autre pays
de l’Union européenne. Il peut le faire dans les mêmes conditions que les étudiants du
pays d’accueil sans discrimination en raison de sa nationalité. Aucun frais d’inscription
supplémentaire ne peut être réclamé. Les candidatures peuvent être retirées auprès du
service des relations internationales de l’établissement d’enseignement supérieur.
-71Association Jean Monnet – 9bis rue Georges Berger – 75017 Paris – Tél. : 01.56.33.71.00
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Conditions nécessaires pour partir avec ERASMUS :
- Les étudiants bénéficiaires d’une bourse européenne doivent être au moins titulaires
de la première année de DEUG (ou l’équivalent) et avoir une bonne connaissance de la
langue du pays visité.
- Mais attention, le programme n’est valable que dans le cadre d’un accord entre deux
universités. La période d’études passée à l’étranger (3 mois minimum, une année
maximum) doit être pleinement reconnue par l’université d’origine, qui doit en tenir
compte dans l’attribution du diplôme final. Les deux universités doivent être liées
contractuellement et ce dans la matière dans laquelle les étudiants souhaitent
poursuivre leurs études.
Attention : Toutes les universités françaises sont membres du réseau Erasmus,
mais toutes les unités de formation et de recherche ne le sont pas.
Au niveau de la couverture sociale, pour être assuré d’en retrouver une dans le pays
d’accueil, il faut prendre soin de demander le formulaire E 109 auprès de son centre
d’assurances ou de celui des parents.
Pour un séjour de moins de trois mois, une carte d’identité ou un passeport en cours de
validité suffit. Pour un séjour plus long, une “carte de séjour de ressortissant d’un État
membre de la Communauté” valable pour toute la durée des études doit être demandée
(et ne peut être refusée au sein de l'Union européenne).
Un soutien financier de l’Union européenne
Au titre du programme ERASMUS, la Commission européenne octroie des bourses d’un
montant pour la France compris entre 50 et 500 euros par mois et par étudiant. Dans
certains cas, les Conseils régionaux peuvent apporter des compléments financiers. La
bourse Erasmus est improprement appelée “bourse”. Il s’agit en fait d’une allocation.
Certains étudiants qui bénéficient du programme peuvent se voir partir à l’étranger sans
aucune allocation. Les autres seront considérés comme « allocataires » ou « boursiers ».
Le montant de cette aide est mince, car la somme ne sert pas à financer les études mais
à compenser en partie le surcoût qu’entraîne ce séjour à l’étranger.
Le succès d’ERASMUS est aussi une des causes de la relative faiblesse de cette
allocation : en 1987/88, 3.244 étudiants européens bénéficiaient du programme. En
1998/99, ils étaient 97.601, soit trente fois plus. Ces aides sont limitées pour pouvoir
répondre aux demandes sans cesse plus nombreuses des candidats au départ.
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Portraits d’Européens
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Winston Churchill
Origines
Issu d’une célèbre famille de l’aristocratie britannique, Winston Leonard Spencer Churchill naît
le 30 novembre 1874 au château de Blenheim, dans l’Oxfordshire. Son père, Lord Randolph
Churchill, fils du duc de Marlborough est, en 1880, une étoile montante du parti conservateur et
sa mère, Jennie, fille du Yankee Leonard Jerome, fabuleux entrepreneur et selfmade-man, une
habituée des salons londoniens comme des réceptions publiques et privées du prince de Galles, le
futur Edouard VII. Lord et Lady Churchill, très occupés par leurs occupations mondaines, n’ont
guère de temps pour s’occuper de leur fils. Ils le confient à une armée de domestiques, puis
expédient dans des pensions privées où ils ne vont pratiquement jamais le voir.
Débuts en uniforme
A l’âge de 17 ans, Winston Churchill se prépare pour entrer à l’école de cavalerie de Sandhurst. Il
y parvient à la troisième tentative. A la sortie de l’école militaire royale, il intègre le 4e
Huissards ce qui le conduit à participer à différentes opérations : ce sera d’abord la colonie
espagnole de Cuba, puis la frontière nord-ouest de l’Inde, le Soudan en 1898 et l’Afrique du Sud
l’année suivante. Il y fut à la fois militaire et journaliste.
Premiers pas dans la politique
En 1899, il décide de renoncer aux armes. Il se lance dans la politique dès 1900 en se faisant
élire député dans les rangs des conservateurs qu’il abandonne rapidement pour passer chez les
libéraux en 1904. Plusieurs fois ministre (du Commerce, de l’Intérieur et de la Marine à partir de
1911), il fait preuve d’une inventivité et d’un esprit d’organisation exceptionnels.
1914-1918
Lorsqu’ éclate la première guerre mondiale, il est Premier Lord de l’Amirauté et participe
considérablement à la modernisation de la flotte britannique. Il sera également créateur des
services de cryptographie, père de l’aéronavale et dès 1914 l’inventeur du tank, le héros de la
défense d’Anvers et en définitive, le seul guerrier parmi les paisibles civils du Cabinet de Guerre
d’Herbert Asquith. L’échec de l’expédition des Dardanelles, dont il s’était fait le promoteur, le
contraint à démissionner de l’Amirauté. Il s’engage et décide d’aller combattre sur le front de
France.
A son retour à Londres en mai 1916, il dénonce aux Communes l’incompétence et le manque
d’imagination des responsables militaires britanniques et en juillet 1917 intègre le cabinet du
nouveau Premier ministre Lloyd George comme ministre des Armements.
Traversée du désert
La paix de retour, Churchill sera tour à tour ministre de la Guerre, de l’Air et des Colonies. Mais,
l’effondrement du parti libéral et du gouvernement de Lloyd George l’éloigne du Parlement et du
Ministère de 1922 à 1924. Réélu en 1924, cette fois comme député conservateur, il se voit offrir
le poste de chancelier de l’Echiquier. Aussitôt, il entreprend de rattacher la livre sterling à
l’étalon d’or qui aura des conséquences désastreuses sur l’économie britannique. En 1929, après la
défaite des conservateurs, il retourne dans l’opposition, et durant les années 1930, se consacre
principalement à l’écriture. Il marque pendant cette période son opposition à l’autonomie des
Indes, et son soutien à Edouard VIII lors de la crise d’abdication de 1936.
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1939-1945
Dès l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933, il dénonce avec énergie et éloquence les crimes du
nazisme, les dangers du réarmement allemand, l’ineptie du désarmement britannique et insiste
sur la nécessité d’un réarmement. Il est critiqué par tous les partis et dénoncé comme alarmiste
par les Premiers ministres Baldwin et Chamberlain qui ont basé leur politique étrangère sur la
recherche d’une entente avec Rome et Berlin. Après les invasions de la Tchécoslovaquie et de la
Pologne, les Britanniques prennent conscience des dangers du désarmement et de la politique
d’apaisement et exigent le retour de Churchill.
En septembre 1939, après la déclaration de guerre, Churchill est rappelé à son ancien poste de
Premier Lord de l’Amirauté. La défaite militaire alliée en juin 1940 contraignant Chamberlain à
quitter le gouvernement, Churchill lui succède au poste de Premier ministre. Des lors, il animera
avec détermination la résistance du peuple britannique : "il faut jamais, jamais, jamais
abandonner".
En 1940, Churchill approuve le projet d'union franco britannique et place Jean Monnet à la tête
du Comité de cette union. Après la capitulation de la France, il l'envoie aux Etats-Unis pour
négocier l'achat d'avions auprès des Américains. Il y rencontre Roosevelt et contribue au
lancement du "Victory Program".
Après l’entrée en guerre de l’URSS et des Etats-Unis en 1941, Churchill tisse des liens étroits
avec les responsables de la coalition et contribue dans une large mesure à la coordination de la
stratégie militaire alliée. Pourtant, si le président Roosevelt et ses généraux s’inclinent jusqu’en
1943 devant les décisions stratégiques britanniques, Staline, lui, mène sa guerre séparément et
la concertation anglo-soviétique se trouve réduite au minimum absolu.
A partir des conférences de Téhéran en novembre 1943 et Yalta en février 1945, Churchill
s’aperçoit qu’il est devenu le partenaire le moins influent de la coalition et tente d'amener
Roosevelt à une attitude plus ferme envers l'URSS en lui refusant des concessions exorbitantes.
Mais il ne peut empêcher le partage de l'Europe…
Fin du mythe
En 1945, il perd les élections, quitte le pouvoir, anime l'opposition au gouvernement travailliste de
Clement Attlee, et n'en demeure pas moins une personnalité internationale de premier rang. Mal
à l’aise dans le rôle de chef de l’opposition, il se montre par contre visionnaire en matière de
politique étrangère : son discours de Fulton, et celui de Zurich (1946) mettent en garde le monde
libre contre les dangers de l’expansionnisme soviétique et appelle à la création des "Etats- Unis
d'Europe".
A nouveau Premier ministre de 1951 à 1955, il cherche à consolider l’alliance avec les Etats-Unis
et à amorcer un dialogue constructif avec l’URSS – deux entreprises destinées à tourner court,
du fait de la réticence de ses interlocuteurs et du déclin progressif de ses facultés. Il cède le
pouvoir en avril 1955 et consacre ses dernières années à l’écriture et à la peinture, résidant
fréquemment dans le midi de la France, à Roquebrune Cap Martin.
Winston Churchill s’éteint à Londres le 24 janvier 1965 à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Ses
funérailles ont fait l’objet d’un deuil national.
D'après M. François KERSAUDY, "Winston Churchill", éditions Mémorial de Caen 2002
(Avec l'aimable autorisation du Mémorial de Caen)
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Ça se passe en Europe, Expériences,
réalisations, projets
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Interview avec Emmanuelle PERPIGNAA,
Chargée de Communication à l'Agence française
du Programme Européen Jeunesse
Cahiers Européens D'Houjarray : Pourriez-vous dresser un petit bilan de ce
programme avec quelques chiffres sur le Service Volontaire Européen depuis 2000 ?
E.P. : En 2000, 582 jeunes français envoyés en Europe et 373 jeunes européens
accueillis en France ;
En 2001, 351 jeunes français partis en Europe et 275 jeunes européens ont été
accueillis en France ;
En 2002, 310 jeunes français partis en Europe et 305 jeunes européens accueillis en
France.
CEDH : Comment pensez-vous que ce programme va évoluer ?
E.P. : De plus en plus de jeunes souhaitent profiter de cette belle aventure européenne.
Rappelons que toutes les actions du programme européen Jeunesse s'adresse à tous les
15-25 ans (pour le SVE, il faut avoir au minimum 18 ans) quelque soit le niveau de
formation ou de diplôme.
L'Agence souhaite également mettre l'accent sur la réalisation des objectifs suivants :
- développer des structures d'accueil et donc faire appel à des structures françaises
souhaitant accueillir un jeune volontaire européen ;
- organiser des partenariats avec les collectivités territoriales ;
- favoriser des projets autour du SVE de court terme (moins de 6 mois) pour les jeunes
les plus "en difficulté" ;
- soutenir plus de projets "Capital Avenir" (action du programme Jeunesse : aide au
retour du jeune volontaire pour réaliser un projet de développement professionnel ou
personnel avec des possibilités de subvention jusqu'à 5000 euros).
CEDH : Quel est le profil des participants ?
E.P. : En majorité des filles, plutôt de bon niveau scolaire.
CEDH : Quels sont les nationalités les plus représentées ?
Y a-t-il une participation forte de jeunes des PECO ? Quelles sont leurs
destinations /structures de prédilection (UE/PECO) ?
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E.P. : De nombreux pays sont concernés par le SVE. Les pays partenaires traditionnels
sont l'Allemagne, l'Espagne, le Royaume-Uni...
Il y a de plus en plus d'ouverture vers les pays scandinaves et les PECO avec lesquels il
n'y a pas encore beaucoup de projets d'action.
Quant aux jeunes européens qui viennent en France dans le cadre de ces programmes, ils
viennent également des pays traditionnels et de quelques PECO (mais leur présence dans
le programme Jeunesse depuis 2000 est trop récente pour pouvoir faire une analyse
objective).
CEDH :
?
Quels bénéfices les jeunes retirent-ils généralement de cette expérience
E.P. : Les résultats d'une enquête réalisée auprès des jeunes du SVE relèvent la valeur
ajoutée de celui-ci.
Tous reconnaissent la valeur ajoutée personnelle de cette expérience et
l'enrichissement qu'ils en retirent pour leur vie future :
- Intérêt personnel et social : temps pour se connaître et se construire, découvrir les
autres et acquérir des valeurs ;
- Intérêt professionnel : le SVE influe sur les projets professionnels des jeunes
(conforter leur choix, réorientation, etc.…), et permet l'acquisition de compétences
linguistiques et professionnelles.
Je cite : « merci, longue vie au SVE, continuez, c'est une chance que vous nous offrez »
(Anais, 26 ans).
Pour tout contact rappeler que les personnes intéressées doivent s'adresser au
correspondant régional du programme jeunesse. Leurs coordonnées sont sur le site
de l'INJEP www.injep.fr (rubrique programme européen jeunesse)
Emmanuelle PERPIGNAA
Chargée de Communication
Agence française du Programme Européen Jeunesse
Institut National de la Jeunesse et de l'Education Populaire
Etablissement - public sous tutelle du ministère de la jeunesse, de
l'éducation nationale et de la recherche
11 rue Paul Leplat-78160 Marly le Roi - FRANCE
Tel : + 33 1 39 17 27 94 Fax: + 33 1 39 17 27 57
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Expériences et témoignages recueillies sur le site de l'INJEP
Oscar : jeune pêcheur d’Islande en Espagne
Oscar est islandais, originaire d’un petit village de pêcheurs près de Reykjavik. Il a
effectué son service volontaire européen en 1996 dans une ferme-école des environs de
Madrid. Celle-ci peut héberger jusqu’à cent enfants en âge d’aller à l’Ecole primaire qui y
vivent et y prennent leurs repas pendant une semaine afin d’apprendre les divers aspects
de la vie à la ferme et de participer à divers ateliers.
Dans le projet, le rôle d’Oscar était d’encadrer l’organisation des ateliers et de
s’occuper de certaines parties de la ferme. Par exemple, il a peint les dortoirs, consolidé
le plafond, cueilli des fruits, nourri les animaux ou s’est occupé du potager. Lorsqu’il est
arrivé, il ne parlait pas un mot d’espagnol. Il a donc commencé par des tâches
nécessitant peu de communication, comme la cueillette de fruits et la peinture. Six mois
après, il parlait couramment l’espagnol et était capable d’animer un atelier avec les
enfants.
Oscar est rentré enchanté par son service volontaire européen. Au départ, il
considérait cette opportunité comme un moyen de retarder son entrée dans la vie
active, tout en restant ouvert aux alternatives qui lui étaient offertes. A son retour, il
avait une idée précise de ce qu’il pouvait faire en Islande.
Son père est pêcheur de morue. Comme de nombreux habitants de son village, il propose
son poisson à des sociétés européennes qui le traitent et le revendent à un prix
beaucoup plus élevé dans d’autres pays. Bon nombre des consommateurs sont espagnols.
Après avoir suivi un cours de gestion et appris comment monter un commerce, Oscar a
choisi d’exploiter sa connaissance de la langue et de la culture espagnoles pour faire
commerce de la morue avec l’Espagne.
Et aussi … Eva, une jeune autrichienne, s’est occupée de jeunes toxicomanes en Italie.
David, un jeune français passionné de théâtre, s’est servi de cette technique pour la
réinsertion de chômeurs. Ou encore Rebecca, de nationalité britannique, a contribué en
Grèce à une campagne liée à la protection de l’ours …
(Source : Le Magazine, n°17, 1997).
Guillaume, à la découverte de la nature suédoise
"Je suis parti dans le nord de la Suède (Härnösand) en avril 1999 grâce au Service
volontaire européen. La chance qui me fut offerte par le programme m’a permis de faire
du volontariat dans un domaine qui me tenait à cœur : la protection de l’environnement et
de la nature.
Durant 6 mois, j’ai appris à découvrir les différentes facettes du pays. J’ai découvert,
entre autres, un pays respectueux de l’écologie, marqué par des paysages tourmentés
multicolores et habité par une population très accueillante.
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Lors de ce séjour, j’ai travaillé dans des réserves naturelles et le parc national de
Skuleskugen dans la région de « l’Höga Kusten » (région classée au patrimoine mondial de
l’UNESCO). J’ai participé à un inventaire d’oiseaux marins sur 200 km de côtes
(dénombrement d’oiseaux sur 261 îles) avec la participation de deux autres volontaires
(une française, un allemand) et d’un ornithologue professionnel.
J’ai également effectué un inventaire de tritons (population la plus nordique d’Europe)
dans toute la région de Härnösand, j’ai aidé à la gestion de sites classés (fauchage
manuel, mise en place de signalétiques, restauration d’infrastructures, guide dans un
musée nature en montagne …) Après une telle expérience, je n’avais qu’une envie : y
retourner."
Le SVE est une chance formidable offerte à la jeunesse européenne pour lui permettre
de rencontrer de nombreuses autres cultures et d’acquérir de l’expérience dans le
domaine qui l’intéresse. Les enseignements que l’on peut retirer de ce type d’expérience
seront toujours positifs quelque soit la nature du projet choisi.
Marie dans un centre d’handicapés en Allemagne
"Bonjour, je m’appelle Marie, j’ai 20 ans et j’ai eu la chance de participer au cours de
l’année 2000 au programme européen le Service Volontaire Européen. J’avais choisi de
travailler dans un centre pour enfants handicapés (6 à 18 ans), en Allemagne près de
Francfort.
Ce fut pour moi une expérience inoubliable qui me servira toute ma vie. Tout d’abord, j’ai
reçu un accueil très chaleureux. L’ensemble des éducateurs m’ont intégré aussitôt
malgré mon manque d’expérience dans le domaine de l’enfance handicapée. En effet, je
ne suis titulaire que du BAFA. Mon travail, bien que difficile et éprouvant, m’a apporté
beaucoup de joie. Je me suis très vite attachée aux enfants, je passais en effet
beaucoup de temps avec eux, même en dehors de mon temps de travail. Chaque matin,
j’étais heureuse de rejoindre les lieux de vie où je partageais mon temps avec les
enfants, je les accompagnais dans toutes les étapes de leur vie quotidienne.
L’ambiance était très bonne au sein de l’équipe des éducateurs. Ils étaient pour la
plupart assez jeunes et me proposaient souvent des excursions pendant mes jours de
repos, ce qui m’a permis de bien découvrir le pays. Je ne me suis pas ennuyée une seule
seconde ! Les Allemands ont le sens de la fête et nous nous retrouvions très souvent
entre éducateurs, pour sortir et nous amuser.
Je conseille vivement aux jeunes de mon âge de tenter l’expérience. Cela permet de
découvrir un nouveau pays, une culture nouvelle, d’acquérir un niveau de langue ainsi
qu’une expérience professionnelle. Voyager apporte énormément et c’est important de
contribuer à la construction européenne, vive l’Europe !
Actuellement, je suis des études d’allemand à l’île de la Réunion où j’envisage de rester pour peutêtre enseigner un jour."
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UN OLIVIER POUR LA PAIX A MARSEILLEVEYRE
Nous vivons dans un monde incertain, fragile… En ces temps troublés la Cité
Marseilleveyre sous l’impulsion de Monsieur Jean-Jacques Foletti, Principal du Collège
adresse un message de paix et de liberté. Pour concrétiser ce geste le comité
d’organisation avait retenu une date, celle du 9 mai 1950, jour de l’Europe dans tous les
pays de l’Union pour se rassembler autour d’un olivier de la paix.
Deux symboles qui rassemblent :
A cette occasion Robert Schuman inspiré par Jean Monnet accomplissait un acte
historique en proposant de créer une Communauté d’intérêt pacifique. Une main tendue
fut adressée à l’Allemagne, ennemi d’hier devenant une nation partenaire et amie. C’était
le début de l’Union européenne, notre communauté de destin ! Le choix d’un olivier est
chargé de sens dans le monde méditerranéen. Il était dans l’antiquité un emblème de
fécondité, de gloire et de paix. Notre parc possède désormais un arbre de plus : un
olivier qui a cent cinquante ans importé de notre « mère » la Grèce grâce au soutien de
la Représentation de la Commission Européenne à Marseille. Sous le haut patronage du
Recteur, les Consuls des 15 pays de l’ Union européenne, des pays candidats à l’adhésion,
des états riverains de la Méditerranée et des Etats-Unis avait été invités à amener un
peu de terre de leur pays et à venir la déposer autour de l’arbre.
Le talent des élèves
Sous la forme d’un spectacle vivant les collégiens ont montré leurs talents :
chants trilingues à plusieurs voix, poème, danses, théâtre… étaient au rendez-vous. Des
oeuvres plastiques furent réalisées autour du thème de la paix. Autour de l’arbre les
lauréats du concours littéraire de
la section internationale espagnole furent
récompensés en présence de Monsieur le Consul d’Espagne.
Cette belle journée de printemps venait clôturer les Journées de l’Europe
organisées dans la cité Marseilleveyre du 29 avril au 10 mai 2002, où se sont succédés :
des spectacles, des expositions, des conférences et une lecture théâtre sur Victor Hugo
dans le cadre d’un projet culturel.
Citoyen d’Europe, citoyen du monde !
« Un jour viendra où l’on montrera un canon dans les musées comme on y montre
aujourd’hui un instrument de torture, en s’étonnant que cela ait pu être ! un jour viendra
… » disait Victor Hugo dans son discours pour les Etats-Unis d’Europe. Réfléchir à la
paix loin d’être une idée puérile devrait au contraire inspirer davantage nos classes, les
symboles nous invitent à aller plus loin.
Le Cercle Europe du Lycée Marseilleveyre
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Parlez-vous européen ? :
Les origines des mots
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Voyage aux Origines des Mots Européens
L’aventure continue…
Des racines communes pour des langues sœurs… (Suite)
-
am- (indo-européen), amer
! amlah (Sanskrit) : aigre
! amarus (Latin) : amer
! amaritudo (Latin) : amertume
! amerté (Ancien Français) : amertume
# Langues modernes :
! Français : amer, amertume.
! Allemand : Ampfer (oseille).
! Espagnol : amargo (amer, pénible) ; amargor (amertume) ; amargar (chagriner).
! Italien : amaro (amer, pénible) ; amaritudine (amertume) ; amaricare
(chagriner) ; rammarico (regret).
-
amare (Latin), aimer
! amor (Latin) : amour
! amicus (Latin) : ami
! amicitia (Latin) : amitié
! amicalis (Latin) : amical
! inimicus (Latin) : ennemi
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! amistié (Anc. Fr.) : amitié
! amistable (Anc. Fr.) : amical
! enemiable (Anc. Fr.) : hostile
# Langues modernes :
!
Français : aimer, aimable ; amour, amoureux, amouracher (par l’Italien) ;
amiable ; ami, amitié, amical ; ennemi, inimitié, inamical ; amène.
!
Anglais : amiable (aimable) ; amicable (amical).
!
Espagnol : amar (aimer), amor (amour), amable (aimable) ; amigo (ami),
amigable (amical), amistar (réconcilier) ; enemigo (ennemi), enemistad (inimitié) ;
ameno (agréable).
!
Italien : amare (aimer), amore (amour), amabile (aimable) ; amico (ami),
amicabile (amical), amicare (réconcilier) ; inimico (ennemi), inimicizia (inimitié) ;
ameno (agréable).
-
ambactus (Gallo-Latin), serviteur
! ambassée (Anc. Fr.) : ambassade.
! Ambasseor (Anc. Fr.) : ambassadeur.
# Langues modernes :
-
!
Français : ambassade, ambassadeur.
!
Anglais : embassy (ambassade), ambassador (ambassadeur).
!
Allemand : Amt (charge), Beamte (employé, fonctionnaire).
!
Espagnol : embajada (ambassade), embajador (ambassadeur).
!
Italien : ambasciata (ambassadeur), ambasciatore (ambassadeur).
ambh- (indo-européen), de chaque côté
! amphi (Grec) : autour
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# Langues modernes :
! Français : amphithéâtre.
! Allemand : um (autour).
! Ambh-bho (indo-européen) : tous les deux
! Amphoreus (Grec) : amphore (vase à deux anses)
! ambo (Latin) : tous les deux
! anceps (Latin) : qui a deux faces, ambigu
! amphora (Latin) : amphore
! ampulla (Latin) : fiole
! ambes (Anc. Fr.) : tous les deux
# Langues modernes :
! Français : amphore ; ampoule ; ambidextre.
! Anglais : both (tous les deux).
! Allemand : Beide (tous les deux – dérivé du Gothique, bai).
! Espagnol : ambos (tous les deux) ; anfora (amphore) ; ampolla (ampoule).
! Italien : ambo (tous les deux) ; anfora (amphoule) ; ampolla (ampoule).
-
amir (Arabe), chef
! Amirant, admiral (Anc. Fr.) : amiral
# Langues modernes :
! Français : amiral, amirauté.
! Anglais : admiral (amiral)
! Allemand : Admiral (amiral)
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! Espagnol : almirante (amiral)
! Italien : amiraglio (amiral)
Premières attestations écrites des langues indo-européennes en Europe
Grec : Au XV ème siècle av. J.C. pour le mycénien, dialecte très archaïque, gravé en
écriture non alphabétique sur des tablettes (pièces de comptabilité). Au VII ème siècle
av. J.C. pour le dialecte attique parlé à Athènes, ainsi que pour le dialecte ionien, langue
de transcription de l’Odyssée, avec des apports éoliens.
Latin : Au III ème siècle av. J.C. pour la langue parlée à Rome (mais il existe de brèves
inscriptions dans une langue plus archaïque datées du VI ème siècle av. J.C.).
Germanique : Au III ème siècle après J.C. pour les inscriptions runiques en Scandinavie
(gravées sur bois). Une traduction de la Bible en gotique (langue germanique de l’Est)
date du IV ème siècle. Les premiers écrits en haut-allemand, ancêtre de l’allemand
moderne, datent du milieu du VIII ème siècle, et ceux en bas-allemand, ancêtre du
néerlandais, de 830. Les premiers textes en vieux-frison et en vieil-anglais sont du IX
ème siècle.
Celtique : Les premières inscriptions, dites ogamiques, en vieil irlandais, datent du V
ème siècle après J.C., suivies de gloses irlandaises, en alphabet latin, dès le VII ème
siècle. Le plus ancien texte gallois connu date du VI ème siècle. On trouve également
quelques gloses en breton dès le VIII ème siècle.
Slave : Les premiers textes connus datent du XI ème siècle : ce sont des traductions de
l’Evangile en vieux slave (ou slavon) ecclésiastique, par les apôtres Grecs Cyrille et
Méthode, en alphabet cyrillique, alphabet (toujours en usage notamment en Russie)
adapté de l’alphabet grec par les apôtres eux-mêmes et destiné aux slavophones de
l’Empire byzantin.
D’après Henriette Walter, L’Aventure des Langues en Occident, Livre de Poche.
Arnaud Pinon, novembre 2002.
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Lectures européennes
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Charles de Gaulle, d’Eric Roussel,
Gallimard, « Biographies »,
1034 p., 30 €
De Gaulle, le « mythiculteur » démarqué, La Croix, 6 juin 2002,
Jacques Nobécourt
(…) Eric Roussel a progressivement marqué son champ, depuis une quinzaine d’années,
parmi les grands biographes français : étranger à toute polémique, à tout militantisme
latent, soucieux d’abord de discerner l’homme derrière son projet politique, sans pour
autant interpréter abusivement l’un par l’autre. Ses travaux sur Georges Pompidou et
Jean Monnet, notamment, illustrèrent bien s manière de restaurer le combat d’un
personnage, et des circonstances qu’il avait choisi d’affronter. Avec de Gaulle, l’enjeu
était porté à son stade suprême.
Les historiens ont toujours su que les « repeints » jalonnaient le tableau de l’aventure
gaulliste, dans la mesure même où les falsifications en servaient les intentions. L’une des
plus éclatantes, dont bien des survivants se souviennent, c’est le thème du « Paris libéré
par lui-même », proclamé pour couper court aux projets communistes. Eric Roussel en
donne maints autres exemples avec des preuves, dont celui de la censure préalable
imposée par le cabinet britannique à l’appel du 18 juin 1940, alors que, jusqu’à la fin, de
Gaulle affirmera n’avoir jamais de sa vie soumis un texte à quiconque. Innombrables
sont, au fil de ces pages, les redressements des coups de pouce aux récits des combats
contre l’événement. (…)
De Gaulle : le caractère et la grandeur, Le Monde, 10 mai 2002,
Jean-Claude Casanova
Désormais, pour le général de Gaulle, le temps des apologies et des polémiques est
achevé. Nous entrons dans celui de l’histoire. L’immense biographie qu’Eric Roussel
consacre à l’homme du 18 juin illustre ce changement. C’est une biographie à l’anglosaxonne, parfaitement informée et sans prétention.
Toutes les archives sont désormais ouvertes en France et à l’étranger. Eric Roussel les a
minutieusement dépouillées, faisant apparaître beaucoup de documents inédits. Le fonds
privé que détient l’amiral Philippe de Gaulle n’est pas librement accessible, mais quand il
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le sera, il ne devrait pas livrer de révélations majeures, puisque l’amiral en a lui-même
publié l’essentiel. Certes plusieurs textes ont été omis, d’autres abrégés. Eric Roussel
les a retrouvés ailleurs et les cite intégralement. Pour toutes ces raisons, son ouvrage
synthétise de façon décisive l’ensemble des documents historiques disponibles. Mais
cette synthèse est neuve grâce à sa démarche discrète. Elle suit pas à pas son héros (…)
(…) Kissinger a écrit que Jean Monnet et de Gaulle étaient en fait d’accord : « Tous deux
pensaient que l’Europe devait avoir une identité forte. De Gaulle l’exigeait en s’opposant
aux Etats-Unis, alors que Monnet la voulait en collaborant avec eux. » Pour l’instant,
l’histoire a donné raison à Jean Monnet puisque les gaullistes pratiquent désormais sa
politique. Elle donnera peut-être un jour raison à de Gaulle. Mais si on doit tirer une
leçon, on dira qu’en définitive la grandeur ne vient jamais des moyens qu’on utilise mais
des fins qu’on sert. Aussi celle de De Gaulle est-elle incontestable en 1940 et en 1958.
Pour ce qui suit, il faut peser les résultats pour mesurer ce qui teint à la hauteur de
l’homme et aux limites de son caractères. (…)
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Vu dans la presse
(nouvelle rubrique)
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Divers
La Suède prend date avec l'euro : Selon la dernière enquête d'opinion mensuelle en
Suède, les opposants à l'abandon de la couronne au profit de la monnaie unique
représentent 41% des sondés, dépassant ses partisans (37%), tandis que 21% sont
indécis. D'après le sondage, le soutien à l'euro a particulièrement baissé parmi les
électeurs sociaux-démocrates : ils ne seraient plus que 31% à voter "oui", contre 44 % à
voter "non" (Le Figaro, 24/11/2002).
Les Suédois pourront se prononcer pour ou contre l'adoption de l'euro le 14 septembre
2003. Les responsables de tous les partis politiques du pays se sont mis d'accord sur la
date du référendum. Ainsi la Suède pourrait devenir le 13ème pays de la zone euro si le
référendum est favorable pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2005 (Libération,
30/11/2002).
En revanche, au Danemark : " pas de référendum sur l’euro en 2003 selon le ministre
des Finances danois Thor Pedersen » (Le Figaro, 30/11/2002).
Durcissement de la législation antitabac par l’UE : Bruxelles a adopté le 2 décembre
2002 à la majorité qualifiée des ministres de la Santé de l’UE, une nouvelle
réglementation visant à interdire le parrainage par les cigarettes d’événements, comme
les Grands Prix de Formule 1 et la publicité pour le tabac dans la presse. Seuls
l’Allemagne et le Royaume-Uni ont voté contre cette décision. Cette réglementation
entrera en vigueur en 2003 et les Quinze auront l’obligation de la transposer dans leur
législation nationale avant juillet 2005 (La Tribune, 03/12/2002).
La publicité sur le tabac à la télévision etait déjà interdite dans l’UE par une directive
de 1989. Une seconde directive avait été adoptée en 1998 mais annulée, à la demande de
Berlin, par la CJCE deux ans plus tard, au motif que les compétences communautaires ne
pouvaient pas s’exercer dans les secteurs ne concernant pas les échanges, comme la
publicité cinématographique et la publicité par affichage. La Commission avait donc
élaboré un nouveau texte remanié, s’appliquant seulement à la presse, à Internet, à la
radio et au parrainage de manifestations ou d’activités ayant un impact dépassant les
frontières nationales. Les Quinze ont également adopté le 2 décembre, une
recommandation comportant toute une série de mesures encore plus restrictives :
retrait des produits du tabac des libres-services, limitation de l’accès aux distributeurs
automatiques, interdiction de tous les objets promotionnels (cendriers, briquets,
parasols…) et de la publicité dans les cinémas… Mais, cette recommandation n’a pour le
moment aucune valeur contraignante (Les Echos, 03/12/2002).
Condamnation de la France par les juges européens sur le gaz : Le 28 novembre
2002, la France a été condamnée par la CJCE pour non -transposition de la directive
européenne de 1998 prévoyant une ouverture à hauteur d’au moins 20% du marché du
gaz à la concurrence. Cette réglementation aurait dû être transposée par la France dans
sa législation nationale avant le 10 août 2000.
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La ministre déléguée à l’Industrie, Nicole Fontaine, ancienne présidente du Parlement
européen, espère que la transposition du texte communautaire sera achevée avant la fin
de l’année (La Tribune, 29/11/2002).
De nouvelles réglementations en préparation - De nouvelles réglementations sont en
préparation pour lutter contre les nuisances sonores. Selon la Commission européenne,
80 millions d’européens sont exposés à leur domicile à des niveaux de bruit
inacceptables et 170 millions à des niveaux provoquant une gène incontestable. Une
directive devrait bientôt entrer en application afin de mettre en œuvre des outils de
mesures et de contrôle de bruit ainsi que les seuils à respecter (Le Figaro, 30/11/2002).
Valery Giscard d’Estaing maintient son opposition à la Turquie - Le président de la
Convention réaffirme son refus d’appuyer l’adhésion de la Turquie à l’UE, auprès du
Premier ministre français et devant les membres de l’Assemblée nationale. Il a déclaré à
ce propos : « l’extension devra faire l’objet d’un débat sur où seront ces frontières » et
à ajouté que « l’on ne pourra évacuer le problème de la Russie, de l’Ukraine, des pays du
Maghreb » (Libération, 28/11/2002).
La France et l'Allemagne pour une ouverture conditionnelle de négociations
d’adhésion avec la Turquie - Jacques Chirac et Gerhard Schröder se sont accordés sur
la candidature turque à l'Union européenne : si la Turquie se conformait aux critères
d'adhésion avant décembre 2004, les négociations s'ouvriraient le 1er juillet 2005. La
proposition est très critiquée par les dirigeants turcs, qui déclarent ne vouloir accepter
"ni une date pour une date, ni une date conditionnelle" et accusent l'Europe d'attiser "la
flamme du conflit des civilisations" (Le Figaro, 06/12/2002).
Actualité de la Convention
Au sein de la Convention sur l’avenir de l’Europe présidée par Valery Giscard D’Estaing,
un consensus se dessine sur les chapitres de la défense commune et de la politique
étrangère, notamment sur l’idée que la défense fasse l’objet de « coopérations
renforcées » et sur la création d’un poste « à double casquette », regroupant le rôle du
Haut représentant pour la PESC (actuellement Javier Solana) et du Commissaire chargé
des Relations extérieures (Le Figaro, 03/12/2002).
Le président de la Commission européenne, Romano Prodi, a présenté le 5 décembre
2002 au Parlement européen les propositions sur la réforme des institutions, visant
notamment l'accroissement des pouvoirs de la Commission. Le projet propose également
le maintien du système de la présidence semestrielle tournante de l'UE et prône la
création d'un poste de ministre des Affaires étrangères appelé "secrétaire de l'Union".
La Commission suggère aussi de faire désigner le président de la Commission par le
Parlement européen à une majorité des deux tiers, nomination que devra approuver le
Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement. La Commission pourrait enfin être
censurée par le Parlement ou le Conseil, et plus seulement par les eurodéputés (la
Tribune, 06/12/2002).
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Parmi les sujets soumis à la Convention, la question de la présidence de l'Union suscite
des controverses particulièrement vives. Différentes propositions ont été faites pour la
création d'un poste de président pour l'Europe et notamment celle de Jacques Chirac et
Tony Blair, reprise par Robert Badinter qui considèrent qu'il faut changer le statut du
Conseil européen pour faire de celui-ci un véritable président de l'Europe (Le monde,
05/12/2002).
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