Economie de l’environnement
Introduction générale
Très tôt, Question de l’environnement pensée dans la théorie économique comme une frontière de la croissance économique :
- MALTHUS, dans essai sur le principe de population (1798) : limiter la croissance démographique car elle augmente à un rythme
plus important que celle de la production
- RICARDO dans les principes de l’économie politique et de l’impôt (1817) : la mise en culture de terre de moins en moins fertiles
conduirait l’économie à un état stationnaire.
- JEVONS dans la question du charbon (1865) estimaient que l’épuisement de cette ressource, couplé avec la croissance de la
population et l’absence de substitut énergétique conduirait à l’état stationnaire.
Toutes ces réflexions qui indiquent une limite à la croissance perdent de leur influence au cours de la seconde moitié du XXe siècle
avec les 30 glorieuses où le taux de croissance est très élevé.
Au début des années 70, la question des limites de la croissance économique, notamment dans un modèle capitaliste, resurgit à
travers la question environnementale. La multiplication des catastrophes écologique (marées noires, perte de la biodiversité,
changement climatique), les accidents industriels (Tchernobyl en 1986, Bhopal en 1984) entraînent une prise de conscience à la fois
au niveau institutionnel (conférence mondiale sur l’environnement arrivée en 1972, la plupart des pays se dotent de ministères de
l’environnement), au niveau politique ( émergence de mouvements écologistes), au niveau législatif ( multiplication des règles à
vocation environnementale).
Chapitre n°1 : L’analyse économique de l’environnement
1.1. De la nature des biens environnementaux
L’économie de l’environnement s’est construite sur le socle de la micro-économie, c’est-à-dire la science de l’allocation des
ressources rares.
Néanmoins, les biens environnementaux sont différents des biens privés car ils ne répondent pas strictement aux hypothèses de
rivalité et d’exclusion. La plupart d’entre eux sont soit :
- des biens communs (rivalité, pas exclusion). Exemple les ressources halieutiques en haute mer (HARDING La tragédie des biens
communs (1968)
- des biens publics purs : non-rivalité, non-exclusion. Ex : air pur
1.2. Les causes de la dégradation des biens environnementaux
Les externalités sont la principale explication de la dégradation des biens environnementaux. En effet, dans ce cas, ceux qui
dégradent l’environnement ne supportent que le coût privé qui est inférieur au coût social la plupart du temps. En témoigne une
enquête réalisée par la RATP en 1997 sur le comportement des franciliens dans leur choix transport : un déplacement en voiture
pour le loisir de la première couronne vers Paris (16 km) représentait un coût privé de huit francs à l’époque alors que le coût social
était de 114 fr.
Ces externalités négatives sont particulièrement fortes dans le cas des biens communs : l’absence d’exclusion entraine la
surexploitation :
- HARDIN dans La tragédie des biens communs, in Science (1968) donne l’exemple des éleveurs de bétail d’un pré : chaque
éleveur est libre du nombre d’animaux qu’il met sur le pré pour les faire paître. Comme il augmente son gain privé tout en partageant
le coût avec les autres éleveurs, il est fortement incité à faire venir encore davantage d’animaux dans ce pré. Cela entraîne une
situation de surexploitation du pré.
- Autres exemples : la surexploitation des ressources alieutiques, la déforestation (cf. modèles bio-économiques infra)
ERLICH et ERLICH, dans Extinction : the causes and the consequences of the disappearance of species (1981) ont ten de formuler un
règle générale sur les causes des dégradations environnementales : I = PAT Un impact env. (I) provient de l’interaction de trois
facteurs : la population (P), le niveau individuel de consommation (A) et la nature de la technologie (T)
(P) : Dans les pays pauvres, le facteur population est la principale cause. Selon la Banque Mondiale, le taux de croissance de la
population en Europe sur la période 2001 et 2015 sera de 0% pour l’Europe, 0,3% pour l’ensemble des pays riches, 1,5% pour les pays
pauvres et 1,9% pour l’Afrique subsaharienne.
Problème principal : la croissance de la population oblige à une mise en culture de nouvelles terres obtenues par la déforestation dont
les conséquences environnementales sont graves : Perte de biodiversité (surtout dans le cas des forêts primaires), minéralisation des
sols, diminution des ressources hydriques, modifications climatiques, réduction de l’activité touristique
La FAO (ONU pour l’alimentation et l’agriculture) estime à 13 M d’hectares PAR AN la déforestation liée à la conversion de forêts en
terres agricoles (France = 55 M d’hectares) !
Causes de la déforestation :
- La pauvreté à travers deux effets : (i) La croissance démographique liée au sous-développement : la pauvreté oblige les familles
à faire des enfants pour apporter une source de revenus et prendre en charge la fin de vie des adultes. Or, comme le TMI est élevé,
les familles font plusieurs enfants. (ii) Pour subvenir aux besoins alimentaires de la population qui sont croissants et pressants, la
déforestation est rapide. Contradiction entre le court terme et le long terme : les populations sont trop dans l’urgence pour faire des
détours de production.
- le rôle des pays étrangers qui achètent des terres pour assurer leur sécurité alimentaire avec la Chine comme principal
acheteur, ce sont près de 45 M d’hec qui ont été achetées en 2009 contre 4 M entre 1998 et 2008. Accélération due à la crise
alimentaire depuis 2008 (spéculation sur les matières premières).
A l’avenir ?
- Cette situation n’est pas viable à moyen terme car les populations s’installent dans un cercle vicieux de pauvreté : plus elles sont
pauvres, plus elles doivent pondre immédiatement à leurs besoins vitaux, plus la déforestation s’accentue, plus les dégradations
environnementales risquent de peser sur le développement futur (réduction des ressources hydriques…) et d’enfermer les
populations dans la pauvreté (réduction du tourisme…)
- Néanmoins, la transition démographique des PED devrait se stabiliser vers 2050 d’après projections en raison d’une hausse du
niveau de vie.
(A et T) : ce sont les principaux facteurs dans les pays développés : même si les habitants des pays développés ne représentent
que 30% de la pop mondiale, ils consomment la majorité des ressources environnementales de la planète. A l’origine de cette
dégradation, nos modes de production et de consommation : par ex, les fraises en hivers qui font le tour du monde ; la
consommation de viande qui augmente avec le niveau de vie ; rôle des transports…
Ces modes de production et de consommation proviennent d’une forte préférence pour le présent (contradiction court/long terme) :
- Logique de conso immédiate pour satisfaire des désirs qui dépassent de loin les besoins vitaux.
- Leurs représentants partagent aussi cette préférence pour le présent pour des raisons politiques : court terme des mandats qui
empêche une action politique de long terme (on le voit au niveau du protocole de Kyoto avec le refus de signer de l’Etat fédéral
américain, même si quelques états fédérés ont imposé de lourdes contraintes comme en Californie) ; clientélisme électoral qui ne
remet pas en cause les modes de conso des habitants ; activité des lobbies (ex : En 2008, Greenpeace a dénoncé les pressions
exercées par l’industrie automobile pour relever le plafond des émissions de C02 : l’Union européenne veut limiter la moyenne des
émissions des véhicules à 120 g CO2/km en 2012. Mais, Greenpeace a ainsi calculé que si toutes les dérogations réclamées par les
uns et les autres sont retenues, la future réglementation risque d’autoriser jusqu’à 166,5 g de CO2/km d’ici à 2012. C’est bien loin
des 120 g réclamés par Greenpeace et plus encore que la moyenne européenne actuelle (chiffre 2007 : 158 g)
Chapitre 2 – L’évaluation des biens environnementaux
2.1. Les principes d’évaluation
2.1.1. Les différentes composantes de la valeur
Un bien environnemental n’est pas réductible à un service simple qui permettrait d’évaluer aisément son utilité. Par exemple, une
forêt rend des services récréatifs ou de fourniture de bois, mais aussi joue un rôle de régulation de la diversité…raison pour laquelle il
faut mobiliser plusieurs éléments pour comprendre la valeur économique totale (VET) d’un bien env.
L’éco de l’environnement se base sur la notion de surplus en microéconomie pour évaluer les biens environnementaux (en cas de
dédommagement comme dans le cas de Tchernobyl par ex.) Elle se base sur la notion de surplus définie par HICKS en 1943 dans
l’article « The four consumer’s surpluses » in Review of economics studies : il faut compenser les changements de revenus lié à une
modification environnementale pour maintenir le niveau d’utilité constant
A partir de la demande hicksienne, deux théories s’affrontent :
Débat autour de la mesure à retenir :
- Dans un ouvrage de 1989, MITCHELL et CARSON (Using surveys to value public goods : the contingent value method) estiment qu’il
faut retenir le surplus compensatoire car les conséquences d’un changement sont en général évaluées par rapport à la nouvelle
situation, donc après le changement.
- Mais, il est aussi possible de prendre en compte la situation finale à travers le surplus équivalent : par exemple, à la question « a-t-on
droit à l’air pur ? », Si la réponse est oui, la situation de référence est la situation meilleure que l’on cherche à atteindre. Dans ce cas,
c’est la situation équivalente qu’il faut prendre en compte puisque le changement promis n’a pas lieu. Exemple, la législation
américaine sur le Clean Air Act qui définit une obligation légale pas la fourniture d’un air de qualité.
Débat pour savoir s’il faut prendre en compte CAR/CAP : Dans de nombreuses études, écarts substantiels apparaissent en faveur de
la capacité à recevoir. Dans une étude publiée en 2002, HOROWITZ et McDONNELL « A review of WTA/WTP studies », in Journal of
environmental economics and management, constatent sur 45 études que les différences sont réelles (le rapport CAR/CAP peut aller
jusqu’à 27 dans certains cas) ; plusieurs explications :
Situation initiale comme référence (Après le
changement, on raisonne à partir de la nouvelle
situation par rapport à l’ancienne situation
(situation intiale) prise comme référence)
surplus compensatoire
Situation finale comme référence (Pas de changement,
on raisonne donc à partir de la même situation par
rapport à ce que la situation aurait du être avec le
changement) – surplus équivalent
Gain de bien-être Consentement à payer Consentement à recevoir
Perte de bien-être Consentement à recevoir Consentement à payer
V
aleur d’option informationnelle
(
Claude HENRY dans un article de 1974
« Investment decisions under uncertainty : the irreversibility effect » in
American Eco Review)
lorsqu’on fait face à des décisions dont certaines sont irréversibles.
L’économiste de l’environnement doit souvent comparer la rentabilité de deux
projets comme la conservation d’un site en état et son aménagement :
- Si aménagement, coût si la rentabilité est plus faible que celle prévue
le réaménagement est irréversible
- Si pas d’aménagement, l’absence de décision irréversible entraîne un
gain de décision flexible avec choix des possibles maintenu
- Un effet revenu : comme la capacité à recevoir entraîne une augmentation du revenu à la différence de capacité à payer qui
abaisse le niveau du revenu, les individus privilégie souvent la première solution. Plus l’élasticité revenu de la demande est élevée,
plus important est l’écart entre CAR et CAP.
- Un effet de substitution : si le bien environnemental a peu de substituts, la compensation pour accepter une réduction de
quantité doit être élevée (cf. HANEMANN, « Willingness to pay and willingness to accept : how much cant hey differ ? », in American
Eco Review (1991)
En fait, le débat doit se trancher au cas par cas des évaluations réalisées essentiellement en fonction de la nature des droits de
propriété. Ex : Tchernobyl, comme les droits de propriété sont clairement attachés à la situation initiale, le surplus compensatoire
l’emporte.
2.2. Les méthodes d’évaluation
Deux grandes méthodes d’évaluation :
- la méthode des préférences révélées (méthodes indirectes) : on cherche à valoriser les biens non-marchands en observant des
comportements réels permettant ainsi de quantifier l’empreinte marchande des biens non-marchands.
- Les méthodes des préférences exprimées (méthodes indirectes) : interroger les individus sur leur capacité à payer.
2.2.1. Les méthodes indirectes
La méthode des prix hédoniques : Cette méthode part de l’hypothèse qu’un bien est un ensemble de caractéristiques et que son prix
est fonction de ses caractéristiques. On isole une caractéristique pour mesurer son influence sur le prix de vente.
Plusieurs hypothèses du modèle posent problème (Les deux dernières hypothèses sont rarement vérifiées) :
- Le nombre de variables : si il y en a trop, risque de colinéarité ; si pas assez, le prix sera mal expliqué
- Les acheteurs sont parfaitement mobiles
- Information transparente : les individus sont parfaitement informés sur le lien entre le prix et les caractéristiques retenues
BROOKSHIRE, D’ARGE, SCHULTZE et THAYER dans « Experiments in valuing publics goods », in SMITH, Adavances in applied
microeconomics, 1981 : recensé 719 ménages occupant un logement dans 14 quartiers de la côte sud de la Californie. Ils n’ont été
distingués que par la qualité de l’air environnant. Il en ressort que les ménages sont prêts à payer entre eux 20 et 150 $ par mois pour
une réduction de la pollution de l’ordre de 30 %.
La méthode des fonctions de dommage : la fonction de dommage comporte 2 phases successives : dans un premier temps, un lien
quantitatif de causalité est établi entre une modification de l’environnement et ses conséquences ; dans un deuxième temps, on associe
une valeur monétaire au lien mis en évidence dans la première étape. Par exemple, Marc WILLINGER et Serge MASSON (Evaluation
des coûts de la pollution atmosphérique sur la santé en île de France, rapport ADEME, 1996) ont évalué les coûts de la pollution
atmosphérique sur la santé en Île-de-France à partir de l’étude de ERPURS. Par exemple, pour la fumée noire, il constate qu’une
variation de 11 à 26 mg/m3 accroît en moyenne la mortalité de 2 morts par jour et plusieurs hospitalisations. Coût journalier (vie
humaine + hospitalisations) de 3 730 000 fr. Comme le niveau de concentration de fumée noire à 26 mg est atteint 180 jours par an, le
coût annuel est de 671 millions de francs.
2.2.2. Les méthodes directes
Exemple : la méthode de l’évaluation contingente est de plus en plus répandue. Il s’agit d’un sondage qui comporte six étapes : (i) la
construction du scénario de référence (cherchant à évaluer une variation du bien-être de l’individu par une modification de
l’environnement) ; (ii) La révélation des valeurs : on commence l’enquête soit par interview soit indirectement courrier ou téléphone
(iii) le calcul d’une capacité à payer moyenne ; (iv) la recherche de variables explicatives (on cherche à relier les réponses à différentes
caractéristiques socio-économiques (revenu, sexe…) ; (v) on multiplie la CAP moyenne par la population totale (vi) L’évaluation de
l’étude (y a-t-il beaucoup de faux zéros)
Plusieurs biais doivent être évités pour que la méthode soit valable : biais stratégique (sous-évaluation du CAP car passager
clandestin) ; le biais lié à l’administration de questionnaire ; le biais hypothétique : les individus peuvent exprimer des CAP différentes
de celles qu’ils exprimeraient dans une situation réelle.
Les méthodes précédentes sont souvent difficiles à appliquer dans certains pays en développement soit parce que les données
marchandes sont peu nombreuses pour utiliser la méthode des préférences révélées (par exemple, le marché du logement est bien
loin de fonctionner comme on le suppose avec les prix hédoniques) ; soit parce que les situations hypothétiques des marchés fictifs
utilisées dans les méthodes des préférences révélées sont très éloignées du vécu des populations par rapport aux biens
environnementaux.
D’autres approches alternatives sont mises en place. Par exemple, la méthode du coût de substitution : le bien environnemental est un
substitut d’un input marchand pour la production d’un bien marchand. Si bien que en remplaçant l’input marchand par un substitut
environnemental, on obtient une mesure de sa contribution à la valeur du produit et on peut en déduire son prix implicite unitaire.
Chapitre 3 – Les politiques environnementales dans la théorie
Dans le chapitre 1, on a vu que les dégradations environnementales provoquées par l’activité humaine étaient dues à l’existence
d’externalités. Dans le chapitre suivant, il est apparu que ces externalités pouvaient être évaluées et qu’il était donc possible d’en tenir
compte dans un processus de décision basée sur la comparaison des coûts et des avantages qui en résulteraient. À partir de là, des
solutions aux dégradations environnementales semblent aller de soi et consisteraient à mettre en place des institutions.
3.1. L’optimum de pollution (ou social ou de premier rang !)
L’existence d’externalités implique une allocation sous-optimale des ressources. En effet, leur présence signifie que qu’un un autre
état réalisable plus optimal existe. Prenons l’exemple d’une entreprise polluante. Supposons que les personnes affectées par la
pollution décident se financer la mise en place d’un filtre. Si le gain en bien-être l’emporte sur la perte due au paiement de la
cotisation, alors la situation de la population s’améliore, sans que celle de l’entreprise ne se détériore.
A l’origine du problème des externalités se trouve l’absence d’un système complet de marchés (ie d’un marché tous les biens
présents et futurs ont un prix affiché) car l’externalité n’a pas, par définition, de prix. Il faut alors lui affecter un prix aux externalités
pour obliger celui qui produit les externalités négatives à internaliser leur coût social.
Ce prix correspond au coût de dépollution. Dans l’approche libérale, le coût de dépollution marginal est optimal lorsqu’il est égal au
dommage marginal des riverains. Graphiquement, l’optimum de pollution se trouve au croisement de la droite de coût marginal et de
celle de dommage marginal. Il s’agit de minimiser la somme du dommage et du coût de la réduction de la pollution. Autrement dit, le
coût de la dépollution ne doit pas être trop élevé pour ne pas menacer l’existence de l’entreprise et, en même temps, celle-ci ne doit
pas trop polluer pour ne pas causer trop de dommages aux habitants. Ainsi, l’optimum de pollution n’implique pas l’absence totale de
pollution ! Il ne faut pas confondre internalisation des externalités et disparition de la dégradation environnementale.
3.2. Les différents outils de la politique environnementale
Les instruments réglementaires : Leur objectif est de contraindre le comportement sous peine de sanctions administratives ou
judiciaires. Ils prennent très souvent la forme de normes : (i) les normes d’émission qui définisse les seuils à ne pas dépasser ou à
respecter (ii) Les normes de qualité qui spécifie les caractéristiques des milieux récepteurs (niveau de bruit maximum, concentration
maximale de nitrates par litre d’eau…) (iii) Les normes technologiques qui imposent l’utilisation de techniques particulières (iv) Les
normes de produits qui caractérisent la composition obligatoire d’un produit (phosphates dans les lessives…)
Limite : Difficile de trouver la norme qui fixe l’optimum social car cela nécessite de connaitre niveau de pollution optimal et pour cela
la droite de coût marginal de dépollution dont le réglementeur a difficilement connaissance car elle relève de la compta privée (alors
qu’il peut connaître la droite de dommage marginal)
Les instruments économiques : leur objectif est d’inciter à adopter des comportements moins polluants grâce à un signal prix. On
peut distinguer les écotaxes, les marchés de permis négociables, Les subventions sur la dépollution ou plus généralement sur le coût
de dépollution (en France, les subventions couvrent 40 % des coûts d’investissement des stations d’épuration urbaine), les règles
juridiques de responsabilité qui oblige le pollueur à dédommager les victimes.
- L’écotaxe est une application du principe de la taxation pigouvienne. Dans un ouvrage de 1932, The economics of welfare, PIGOU
préconisait de taxer les entreprises jusqu’à ce que le niveau de taxe, fixé en fonction de l’optimum de pollution, soit égal au coût
marginal de dépollution des entreprises. Ainsi, plus le niveau de pollution d’une entreprise est élevé, plus le montant de la taxe est
important et inversement. Il en résulte un principe d’équimarginalité, c’est-à-dire que toutes les entreprises ont le même coût
marginal de dépollution. La taxe répartie ainsi efficacement l’effort de dépollution entre les firmes. La solution de Pigou revient à
donner le droit de propriété sur l’environnement aux pollués et la distribution des revenus entre les pollués et les pollueurs qui en
résultent est évidemment moins favorables pour les pollueurs que dans le cas de la norme.
Limite: idem que pour les normes ; BAUMOL et OATES ont montré qu’il était inefficace de compenser les pollués pour la pollution
optimale qu’ils subissent, en plus de taxer les pollueurs : cela n’inciterait par les riverains à prendre les mesures nécessaires contre
les effets de la pollution (The theory of environmental policy, 1988)
- la solution des marchés de permis négociables fait référence à la théorie de Ronald COASE émise dans un article de 1960 « The
problem of social cost », in Journal of Law and Economics : il s’oppose à PIGOU dans le fait que ce n’est nécessairement au pollueur
de payer pour la pollution dont il est responsable sinon il s’ensuit des coûts sociaux (réduction de la production, perte d’emploi
éventuel…) En fait il suggère qu’aucune institution n’est véritablement nécessaire pour parvenir à une allocation efficace des
ressources si les pollueurs et les pollués peuvent négocier directement entre eux. La répartition du profit total des participants
dépend alors du rapport de forces dans la procédure de négociation, mais l’allocation des ressources obtenues est toujours optimale
quelle que soit la répartition initiale des droits de propriété sur l’environnement. Par exemple, si des riverains ont droit à une eau
propre entre le niveau zéro déchet et l’optimum de pollution, l’entreprise a intérêt à obtenir l’accord des riverains pour déverser
des polluants en versant une compensation supérieure au dommage marginale subi par les pollués tout en s’assurant que le
paiement est inférieur au bénéfice marginal qu’elle retire de ses rejets. Un accord se fait quand la firme a un niveau de rejets qui
égalise son bénéfice marginal et le dommage marginal subi par le fermier. Dans ce cas, l’externalité est internalisée par le pollueur.
A l’inverse, si les riverains n’ont pas un droit de propriété sur une eau propre, ils doivent compenser l’entreprise tant que le prix
reste inférieur au dommage marginal. Et l’entreprise accepte n’importe quel prix supérieur au bénéfice marginal qu’elles tirent de
ces projets. Un accord a lieu quand le prix payé par le paysan égalise son dommage marginal et le bénéfice marginal de la firme.
Dans ce cas, l’externalité est internalisée par le paiement de la victime.
Limite : Absence de coûts de transaction, c’est-à-dire des coûts de coordination des agents (coût d’informations, de contrôle de la
pollution, de rédaction des contrats…) ; mais l’hypothèse ne se vérifie pas dans le monde réel.
Deux systèmes sont utilisés : (i) Système « Cap and Trade » : sur une zone géographique, le réglementeur définit un plafond
d’émission (le CAP) correspondant au maximum de pollution autorisée. La distribution se faire gratuitement selon une règle de
répartition, soit aux enchères.. première solution inéquitable car la distribution se fait proportionnellement aux émissions
passées.(ii) Système « Baseline and Credit » : Chaque firme se voit attribuer un niveau à partir duquel ses performances sont
mesurées. L’écart entre le niveau de pollution et le niveau fixé peut être acheté ou vendu.
Limite : (i) A Kyoto, le nombre de quotas distribués la première année du fonctionnement a été si peu nombreux que le prix du
permis a été quasi nul à la fin de l’année
1
. Cette situation n’est pas lié à l’instrument en lui-même, mais à l’influence des lobbies des
firmes auprès des états qui les ont poussés à fixer un plafond trop haut induisant un prix nul. (ii) problème moral lorsque les
entreprises ont un nombre de quotas équivalent à leur niveau de pollution.
Les instruments informationnels : l’objectif est d’inciter à adopter des comportements moins polluant par le biais d’un signal
informationnel. Ex : éco-labels
Les accords volontaires ou négociés : Il s’agit de dispositifs contractuels liant une autorité publique est une industrie, l’industrie
s’engage à respecter des objectifs d’amélioration de l’environnement. L’accord se réalise au niveau de l’industrie qui répartit ensuite
les efforts. Des industries très polluantes comme celle du verre, des emballages, de l’aluminium ont signé de tels accords notamment
sur l’augmentation de l’efficacité énergétique ou la réduction des émissions de CO2.
Autres solutions : dans Governing the commons : the evolution of institutions for collective action (1990), Elinor OSTROM remet en
cause l'idée classique selon laquelle la propriété commune est mal gérée et doit être prise en main par les autorités publiques (pigou)
1
Le protocole de Kyoto a fixé un objectif de réduction des émissions mondiales de 5 % par rapport à 1990. L’union européenne s’est engagée à réduire de 8 %
entre 2008. Pour ce faire, l’union européenne a lancé en janvier 2005 un marché d’échange de quotas d’émissions de carbone. En 2005, les institutions
européennes ont émis 2,2 milliards de tonnes de CO2, soit 2,2 milliards de quotas ( un quota égal 1 t). Toutefois les émissions ont été inférieures de 44
millions de tonnes par rapport aux quotas fixés ( France et Allemagne ayant été les plus néreux avec leurs entreprises). Conséquence : le prix du quota qui
était de 8,5 euros le 3 janvier 2005 et qui avait atteint 31 d’avril 2006 s’est effondré à 8,6 euros en mai 2006. Notons par ailleurs que le marché
européen actuel n’intègre pas l’industrie des transports (responsable de 25 % des émissions de gaz à effet de serre) ni celle du bâtiment prenant le
risque de ne pas pouvoir respecter les engagements de Kyoto.
ou le marché (coase). Dans ouvrage, elle décrit de nombreux cas de gestion de ressources par des communautés qui ont su éviter la
surexploitation des biens communs. Partant de ces études, elle propose une théorie de l’organisation humaine qui vise à expliquer le
succès de certains régimes de gestion d’identifier les stratégies qui pourraient être mises en œuvre dans des situations d’échec de
gestion d’une ressource commune. Il s’agit d’une approche institutionnaliste.
En outre, elle souligne la supériorité des instruments économiques sur la réglementation :
- la puissance publique peut y recourir en disposant d’informations moins précises sur les coûts et conditions de production des
pollueurs.
- L’effort de dépollution est réparti efficacement car les coûts marginaux s’ajustent à la taxe ou du prix du droit à polluer et sont
donc égaux pour les différents agents.
- Les instruments économiques incitent à aller au-delà de la norme, ou à faire mieux que l’existant, puisqu’une réduction de la
quantité de polluants permet d’économiser la taxe dans le cas de la fiscalité et permet de revendre le permis dans le cadre du
marché de permis.
- Les instruments économiques incitent durablement à l’innovation technologique en matière de procédés de production moins
polluants et de techniques de dépollution.
3.3. Quel instrument choisir en l’absence d’incertitude ?
En l’absence d’incertitude et de coûts de transaction, l’analyse théorique démontre la supériorité des instruments économiques sur
les instruments réglementaires.
1
ère
raison - coûts de dépollution plus faibles : Les instruments économiques (taxes ou marché de permis) permettent d’atteindre
une situation optimale avec des coûts de dépollution plus faibles qu’avec un instrument réglementaire. Chez les producteurs, la norme
uniforme fait que la répartition des efforts entre les sources est nécessairement inefficace si les coûts marginaux respectifs diffèrent.
Les entreprises qui ont les coûts marginaux de dépollution les plus faibles dépolluent trop peu tandis que les entreprises qui ont des
coûts élevés dépensent trop. En revanche, la taxe incite chaque pollueur à diminuer ses rejets jusqu’à ce que le coût marginal de
dépollution soit égal à la taxe à payer. Il vaut mieux payer la taxe que de dépolluer à un coût supérieur et dépolluer que de payer la
taxe quand celle-ci est plus élevée. La répartition des efforts est efficace puisque le coût total de réduction de la pollution est minimisé
grâce à l’égalisation des coûts marginaux des différents pollueurs avec la taxe.
2
ème
raison – ils sont plus incitatifs : les instruments économiques sont plus incitatifs que les instruments réglementaires lorsqu’une
technologie moins polluante est utilisée (progrès technique environnemental) : Avec une norme uniforme (instrument réglementaire),
l’entreprise ne cherche pas à dépolluer au-delà du niveau de pollution fixé par la norme. Elle n’a en effet aucun gain économique à
espérer d’une baisse de ses rejets. Avec une taxe (instrument économique), l’entreprise a intérêt à réduire ses rejets de polluants. En
effet, grâce au PT, les coûts de pollution diminuent : pour un même niveau de pollution, les coûts de dépollution sont plus faibles
avec la nouvelle technologie qu’avec l’ancienne. Dès lors, aves un même niveau de taxe uniforme (ie elle est la même avant et après
PT), l’entreprise peut davantage dépolluer. Elle dépollue jusqu’à ce que le coût marginal de dépollution soit égal à la taxe uniforme.
Ainsi, double gains : baisse des coûts de dépollution pour l’entreprise + amélioration de la qualité de l’environnement pour les
pollués.
Le marché de permis négociables ne bénéficie qu’aux pollueurs et pas aux pollués. En effet, avec la nouvelle technologie, et à niveau
de pollution inchangé, la demande de permis baisse (on en a moins besoin) et leur prix baisse aussi. Il en résulte alors seulement une
baisse des coûts de dépollution pour l’entreprise. Le niveau de pollution global reste inchangé.
3.4. Quel instrument choisir en présence d’incertitude ?
Plutôt que de raisonner en termes d’instrument économique et instrument réglementaire, on va raisonner en termes d’instrument-
prix (taxe) et instrument-quantité (marché de droits).
Incertitude sur les dommages marginaux liés à la pollution (fonction de coût marginal connue) : pas de différence entre
l’instrument prix ou quantité. Il y a la même perte sociale en cas de sous-estimation ou de sur-estimation de la fonction de dommage
marginal. La perte de surplus social est la même dans les deux cas. Il y a la même efficacité environnementale.
Incertitude sur les fonctions de coût de pollution (fonction de dommage marginal connue) : différences entre les deux
instruments selon la pente de la fonction de dommage marginal :
- Si la pente de Dm est faible (= plus faible est l’augmentation des dommages en fonction de la pollution), il faut choisir l’instrument-prix car
les pertes d’efficacité sont plus faibles dans ce cas.
- Si la pente de Dm est forte (= plus les dommages marginaux augmentent rapidement avec le niveau de pollution), il faut choisir
l’instrument-quantité car les pertes d’efficacité sont plus faibles dans ce cas
La régulation par les quantités est plus efficace si les dommages augmentent plus rapidement que le coût de dépollution (ex : les GES et les
marchés de quotas)
Le choix entre la régulation par les prix et la régulation par les quantités dépend du type de problème d’environnement et des préférences
de la société :
- La taxation ne garantit pas la réalisation de l’objectif environnemental souhaité, les réactions des pollueurs au signal-prix dépendant des
élasticités-prix. En revanche, on contrôle les coûts de dépollution
- La variable quantité fait peser l’incertitude sur les coûts et, dans le cas des quotas, sur le prix d’équilibre des permis. En revanche, on
maîtrise la réalisation de l’objectif environnemental.
Si le manque d’info sur dommage et coûts, WEITZMAN montre que (i) lorsque le rapport entre la pente de la fonction de coût marginal et la
pente de la fonction de dommage marginal est faible, l’erreur due à la taxe est plus élevée que celle de la norme ; il convient donc de privilégier
la norme. C’est notamment le cas pour les biens environnementaux où les dommages sont élevés comme le nucléaire ou la sécurité
alimentaire. (ii) Lorsque le rapport est élevé, l’erreur due à la norme est plus élevée que celle due à la taxe ; il convient alors de privilégier la
taxe. (1974, Prices versus Quantities, in American Eco Review):
Lorsque l’information est imparfaite à la fois au niveau des coûts de dépollution et des dommages, l’optimum social de pollution fait
place à l’optimum de second rang. BAUMOL (« On taxation and the control of externalities », in American economic review) en 1972 à
proposer un optimum de second rang : dans un premier temps, la collectivité décide d’un niveau souhaitable de pollution ( le niveau
optimal n’est pas connu en raison d’une information imparfaite) ; puis, elle décide des instruments mis en œuvre pour atteindre cet
objectif. Objectif : minimisation des coûts de dépollution (optimum de second rang). Dans un optimum de second rang, les
instruments ne sont plus équivalents et il faut pouvoir les comparer pour choisir le plus approprié.
1 / 19 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !