La conclusion de la parabole est plus étonnante qu’on ne le dit souvent. « Lequel des deux a
fait la volonté du père ? » demande Jésus. Et ses interlocuteurs de répondre : « Le premier. »
Pourtant, n’importe quel chef d’entreprise serait vite usé avec un personnel de ce genre-là,
imprévisible, lunatique, qui finit, certes, par faire le travail demandé, mais non sans avoir
ostentatoirement croisé les bras dans un premier temps.
Et si la parabole, sous son apparente simplicité, disait quelque chose de très profond ici ? Sous
le traits de ce premier fils, la parabole dépeint l’être humain tel qu’il est, elle nous décrit tels
que nous sommes : lents à nous laisser gagner par Dieu et par son amour, partagés, divisés,
incohérents tant de fois. Néanmoins Dieu nous fait la grâce de nous révéler sa volonté et
considère que nous la faisons quand seulement nous acceptons qu’elle nous engage. Oui, Dieu
nous veut avec notre volonté et il veut que notre volonté se laisse convaincre par la sienne.
Dieu ne se lasse pas de nous autres humains, il garde sa passion communicative pour cet être
humain capable de changer, d’évoluer, de se renouveler. Ah, cette parabole serait tellement
plus conséquente avec des anges qui disent oui et qui font, et avec des diables qui disent non
et qui ne font pas ! Réenregistrée avec des anges d’un côté et des diables de l’autre, la
parabole serait limpide – et insipide. Elle ne dirait plus rien ni des humains ni de Dieu, ni de
son amour qui, malgré nos refus, ne cesse de nous interpeller et de nous transformer.
Chers amis, je n’ai rien dit encore de la vigne. A quoi correspond-elle et comment
comprendre aujourd’hui, dans nos vies, cette transformation intérieure qui nous fait accepter
le travail dans la vigne ? Il me semble que cette question inspire deux réponses
complémentaires. D’une part, la vigne est dans toute la Bible le symbole du peuple d’Israël,
autrement dit du peuple de Dieu et donc aussi de l’Eglise. La travail dans la vigne a une
signification spirituelle de participation à la mission de l’Eglise. D’autre part, la vigne
représente la Terre promise et donc une terre bien concrète qui nous porte et nous nourrit,
terre dont il faut prendre soin et dont il s’agit de partager les fruits. Le travail dans la vigne a
donc aussi une signification sociale et écologique.
C’est par cette dernière que je voudrais commencer. Il nous est donné d’habiter, ici à
Neuchâtel, une terre bénie, vigne au sens figuré et même au sens littéral. Elle est Terre
promise, cette terre neuchâteloise – comme toutes les terres aimées de ce globe. Dans le cadre
de l’exposition du Jardin botanique, un visiteur du vallon de l’Ermitage a noté dans le livre
ouvert ces paroles admiratives : « Le paradis existe sur terre ! ». On le comprend, ce coin de
terre est tellement beau et varié et vivant !
Or, nous savons que notre cadre de vie est en train de changer radicalement, non seulement à
Neuchâtel, mais à l’échelle de la planète. Nous savons que le climat se dérègle, rapidement,
dangereusement, avec des perspectives très alarmantes pour la fin de ce siècle. Nous savons
que nos modes de vie sont en cause, notre consommation excessive d’énergie, et d’énergies
fossiles en particulier. Nous savons que les prochaines années seront décisives. Il nous faudra
consommer moins et mieux, résolument, employer l’énergie de façon beaucoup plus efficace,
passer aux énergies renouvelables et cesser de dilapider un capital naturel que nous avons
vocation à transmettre aux générations futures.
« Enfant, dit le Père, Créateur de toutes choses, enfant, vas-y aujourd’hui, vas travailler dans
la vigne. » Et tout notre être se crispe et dit : « Je ne veux pas. » Non, nous ne voulons pas
sortir de chez nous, sortir de nos habitudes, sortir pour faire ce dont la vie sur terre, féconde et
fragile, a besoin maintenant. Les uns diront : les changements climatiques ? Il y en a toujours
eu et ce n’est pas si grave ! – il ils nieront le problème. Les autres diront : le mode de vie des
Suisses n’est pas négociable ! – en imaginant que les réalités se soumettront à leur indignation