HISTOIRE DES ARTS (œuvre n° 1/5 en histoire-géographie, M. Prévost) Albert-Paul Müller (1889-1965) : L’église Saint-Martin de Martigny-Courpierre (1929-1932) après la Première guerre mondiale 1. Biographie d’Albert-Paul Müller Albert-Paul Müller est un architecte français. Il est né le 9 avril 1889 à Remiremont dans les Vosges et s’installe avant la Grande Guerre à Laon, préfecture de l’Aisne. Après la guerre, il est nommé architecte de plusieurs coopératives de reconstructions d’édifices de la région de Laon et de Vervins. Sa carrière est donc dominée par la reconstruction de différentes églises de l’Aisne qui ont été détruites par les combats de la Première guerre mondiale (église Saint-Maurice de Brancourt-en-Laonnois, église Saint-Martin de Monthenault et église Saint-Martin de Martigny-Courpierre). Il participe également, cette fois-ci après la Seconde guerre mondiale, à la reconstruction de la ville de Laon, en particulier le quartier de la gare. Albert-Paul Müller meurt le 6 avril 1965 à Laon. 2. Le village de Martigny-Courpierre, village martyr de la Grande Guerre Martigny-Courpierre est un petit village situé dans la région Picardie, dans le département de l’Aisne, non loin de Laon. Au début du XXe siècle, le village compte environ 200 habitants. Pendant la Première guerre mondiale, la Picardie subit de telles destructions que Dorgelès parle de « pays aplati ». Ainsi, le village de Martigny-Courpierre est entièrement détruit pendant les combats de 1917-1918, dont son église Saint-Martin qui datait du 12ème siècle. Ci-dessus : le village de Martigny-Courpierre avant 1914. Ci-contre : l’église totalement détruite en 1917. 3. Description de l’église Saint-Martin a) Présentation générale L'église Saint-Martin de Martigny-Courpierre est une église catholique construite entre 1929 et 1932 sur les plans de l'architecte Albert-Paul Müller. Elle succède à l’ancienne église Saint-Martin qui datait du Moyen Âge (église romane du 12ème siècle) et qui a été détruite par les combats de la Première guerre mondiale, comme 300 églises dans l’Aisne. La Société Coopérative de Reconstruction des Églises a pour objectifs d’organiser la reconstruction des églises détruites, notamment à cause de la complexité administrative et de l’ampleur du travail. Les coopératives diocésaines organisent la reconstruction au niveau des diocèses en réunissant les fonds nécessaires. De style art déco et d'inspiration romane, elle est bâtie selon un plan en forme de croix latine. La façade est construite en béton, la flèche est en béton armé avec un décor en béton armé. Des anges sculptés soutiennent la couronne de la flèche. La pierre et les moellons (pierre de calcaire pour la construction) sont également utilisés. b) La nef La nef possède une voûte parabolique ou elliptique, et la croisée du transept est sommée d’une coupole en béton translucide. L’utilisation du béton permet de ne pas faire supporter la voûte de la nef par des piliers. L’intérêt du béton armé est la facilité et la rapidité d’emploi, la solidité, le faible coût et la possibilité de construire une flèche de grande taille sans difficulté majeure. Il permet aussi de construire les coupoles situées sur les côtés, de donner des formes particulières au mobilier. Le dôme fait référence à l’art byzantin et les fenêtres cintrées à l’art déco. Les peintures intérieures de l'église, peintes directement le ciment des murs, sont l’œuvre d'Eugène Chapleau. c) L’autel L’autel qui se trouve dans le chœur est surmonté d’un monogramme du christ XP avec un Jésus-Christ en majesté, qui contrairement à beaucoup d’églises catholiques, n’est pas une statue mais une peinture. Il est encadré de part et d’autre par deux anges avec la mention « Gloria in altissimis deo et in terra pax hominibus bonae voluntatis», qui signifie « Gloire à Dieu aux plus hauts des cieux et paix sur la Terre aux hommes de bonne volonté ». On voit le message principal de paix que cette église veut faire passer, en reprenant le principal chant de louange de la messe catholique d) Le prêchoir, la chapelle intérieur et vitraux Un prêchoir (là où le curé « montait en chaire ») et une chapelle sont très décorés. On peut voir beaucoup de liens avec la Vierge Marie. Les couleurs utilisées sont le rouge sang, car l’architecte a voulu mêlé deux symboles importants : le sang de JésusChrist crucifié, et le sang versé des soldats dans les tranchées. Les vitraux sont en forme de croix inscrites dans un carré, et les couleurs utilisées sont le rouge, le vert, l’orange et le blanc. Ils sont typiques de l’art déco. Un des vitraux montre un Français enlaçant fraternellement un Allemand avec la phrase de Jésus « Aimez-vous les uns les autres ». 4. Postérité des églises d’Albert-Paul Müller Les habitants du village de Martigny-Courpierre ne se sont pas habitués tout de suite à cette nouvelle église. Notamment les appels explicites à la réconciliation avec l’Allemagne sont au début mal compris, dans une région dévastée par l’invasion allemande et par les combats. En fait, Albert-Paul Müller veut justement frapper les esprits, pour que son appel à l’amour et à la fraternité résonne d’un écho plus puissant, pour l’espoir d’une paix durable en Europe, notamment entre Allemands et Français. L’église de Martigny-Courpierre s’inscrit aussi dans une réconciliation entre la République française et les catholiques, après les années d’anticléricalisme du début du 20ème siècle. L’heure est à la poursuite de l’Union sacrée, tant voulue en 1914.