Delecolle et al. JREMT 2011

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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
APPORTS DE LA THEORIE DE LA LONGUE TRAINE
A LA DISTRIBUTION DE VOYAGES SUR INTERNET1
Thierry DELECOLLE2
Professeur de Marketing
ISC Paris
22 bd du Fort de Vaux, 75017 Paris
[email protected]
Kevin LAIGLE
Assistant directions Marketing et Commercial,
Louis Cruises France
[email protected]
Marion MONESTEL
Etudiante Master Marketing et management du Tourisme
ISC Paris
[email protected]
1
Les auteurs remercient les évaluateurs anonymes de cette 3ème journée de recherche et d’échanges en
management du tourisme pour leurs remarques ayant permis d’améliorer l’article.
2
Auteur de correspondance
1
3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
APPORTS DE LA THEORIE DE LA LONGUE TRAINE
A LA DISTRIBUTION DE VOYAGES SUR INTERNET
Résumé
Ce travail de recherche propose d’appliquer le modèle de la Longue Traine à l’étude des
offres de distribution des e-voyagistes. S’appuyant sur une contribution théorique illustrée à
travers les stratégies de différents opérateurs sur le marché français, il propose d’étudier les
enjeux en matière d’offre de la part des voyagiste et de gestion des clients. Il s’intéresse
notamment aux avis émis par les internautes dans les espaces communautaires. Finalement il
ouvre une perspective managériale constituant autant de voies de recherche pour améliorer
l’offre et la relation aux consommateurs.
Mots-clés : e-commerce, tourisme, longue traine, plaintes
CONTRIBUTIONS OF THE LONG TAIL THEORY TO TRAVEL DISTRIBUTION
ON THE INTERNET
Abstract
This research proposes to apply the Long Tail theory to study the travel distribution on the
Internet. Based on a theoretical contribution illustrated through the strategies of different
operators on the French market, it intends to consider both issues in supply definition and
customer management. It focuses on the opinions of Internet users in community areas.
Eventually he opened up a managerial perspective as many avenues of research to improve
the supply and the relationship to consumers.
Keywords: e-commerce, tourism, long tail, complaints
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
INTRODUCTION
Selon les chiffres clés de la FEVAD3 (2010) 58% des internautes ont acheté un produit de la
catégorie voyage/tourisme sur la période décembre 2009-mai 2010. Aussi, la question d’être
présent sur Internet ou non ne se pose plus. Pour autant, les opérateurs du e-tourisme sont
confrontés à la question de la création de trafic vers leur site e-commerce et à la mise en place
d’une stratégie multi-canal. Dans un effort de clarification de la notion de multi-canal, Seck
(2007) propose de l’étudier par rapport à ses composantes. Le canal numérique est le support
aux décisions et procédures standardisées les plus simples à automatiser, un achat de vol sec
par exemple dont la vente en ligne s’est quasiment généralisée. Le canal physique est lui le
support des actes non routiniers et faisant appel à des procédures complexes, tel qu’un voyage
à la carte personnalisé. Les avantages et inconvénients sont ainsi résumés dans le tableau
suivant par Anne Marianne Seck pour la distribution multi-canal et semblent répondre aussi
aux problématiques soulevées par chaque canal dans l’industrie du voyage.
Tableau 1. Avantages et inconvénients des canaux de distribution (adapté de Seck, 2007)
Avantages
Inconvénients
Canal virtuel
Canal Physique
-
- Personnalisation
- Compétences professionnelles du
personnel
- Empathie
- Courtoisie
Accessibilité
Gain de temps
Facilité d’utilisation
Capacité informationnelle
Utilité
Commodité
Autonomie
Soucis lié à la sécurité
Indisponibilité des opérations
Manque d’information
qualitative
- Manque de personnalisation
- Perte de temps
- Problème d’accessibilité
- Manque de commodité
Les enjeux que cela représente en termes d’informations et de traitement des systèmes
d’information sont dorénavant intégrés. Ce système de distribution hybride, suppose la
3
Document en ligne : http://www.fevad.com/uploads/files/Publications/chiffrescles2010.pdf (dernier accès le 08
avril 2011)
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
conception d’une solution technologique globale adaptée aux interfaces « physiques » et
« virtuelles » entre le voyageur et l’entreprise. Cette complémentarité doit permettre
d’accompagner le voyageur dans l’ensemble de son processus d’achat, sur l’un ou l’ensemble
des canaux et ainsi couvrir un marché plus large. Le voyageur utilisant plusieurs canaux
jugera chacun d’entre eux séparément mais percevra au final un service global entre les
canaux physique et virtuel, d’où l’importance de la définition de la complémentarité de
chaque canal lors du choix de mix marketing mais aussi leur cohérence en situation
d’interaction. Les stratégies multi-canal ont donc aussi pour ambition de répondre aux attentes
d’un voyageur devenu proactif et élément clé au cœur de la servuction.
Définie comme « l’organisation systématique et cohérente de tous les éléments physiques et
humains de l’interface client-entreprise nécessaires à la réalisation d’une prestation de service
dont les caractéristiques commerciales et les niveaux de qualité ont été déterminés » (Eiglier
et Langeard, 1999, p 54), la servuction, néologisme désignant la production de services a fait
l’objet d’une transposition à l’internet par Sabadie et Vernette (2005). S’appuyant sur les trois
caractéristiques propres aux services, intangibilité renforcée dans l’environnement online,
inséparabilité et hétérogénéité, ces derniers proposent une interprétation de la servuction dans
l’environnement online insistant notamment sur le rôle de la communauté virtuelle (i.e. les
autres clients » dans la servuction) ou rappelant que selon Filser (2001, in Sabadie et Vernette,
2005 p 176) « l’intégration du site Web dans un ensemble de canaux de servuction contribue à
l’accroissement de la confiance des clients. Dans ce cas, l’interface Web offre des leviers de
synergies en s’appuyant sur la force du capital de marque des réseaux de distribution
traditionnels des enseignes ».
L’ensemble des interactions physiques, virtuelles et de plus en plus communautaires entre le
voyageur et l’entreprise sont ainsi complémentaires. Elles doivent dès lors être traitées dans
leur globalité par les services centraux, back office virtuel et physique, afin de tirer profit du
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
déploiement d’une telle stratégie au niveau de la communication, de la gestion de la relation
client et du marketing, avec pour défi la maximisation de la personnalisation du service pour
le voyageur sur tous les canaux. Cette pro-activité du consommateur devient l’un des enjeux
spécifiques au e-commerce : il peut dorénavant gérer toutes les étapes de son achat de
prestation touristique, de la recherche d’information jusqu’aux phases de post-achat, sans
avoir le moindre contact avec un membre réel du voyagiste.
L’information aujourd’hui accessible immédiatement et gratuitement partout doit donc se
différencier du conseil et de la recommandation du professionnel du voyage. Ainsi, l’agence
physique devient un espace d’information non contraignant pour l’activité de l’agent de
voyages, et un lieu de conseil pour le client filtré au sein du processus multi-canal ou par la
mise en place de forfait tarifé de conseil. Le but étant de pousser le voyageur à se diriger sur
Internet en lui donnant le maximum d’information ne nécessitant pas de personnalisation sur
ce canal. Objectif avoué : limiter les risques de cannibalisation.
Le choix d’une stratégie multi-canal répond donc à une logique de réduction des coûts et de
maximisation des revenus (Poirel et Bonet Fernandez, 2008) par l’élaboration d’un mix
marketing idéal, permettant de définir la cohérence des allocations attribuées à chaque canal
par rapport à sa clientèle (Huang, Chen, Wu, 2008) et donc du « business model » (Gueye,
2008, Volle, Dion, Hellies-Hassid et Sabbah, 2010). Il s’agit aussi de minimiser l’entrée en
conflit des canaux (Rosenbloom, 2007, Sharma et Mehrotra, 2007, Webb et Lambe, 2007). Des
barrières incitatives, tarifaires notamment, visant à orienter le client vers le site Internet pour
des achats routiniers automatisés (par exemple, l’achat de vols secs, de billets de trains, de
packs non complexes) permettraient de recentrer l’activité des agences sur le conseil à haute
valeur ajoutée, la vente de prestations complexes de type sur-mesure et le suivi client
provenant de l’agence physique ou en ligne.
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
Dans ce contexte, l’objet de cet article est d’étudier les apports de la théorie de la longue
traine (Anderson, 2004) à l’industrie du voyage, sous la forme d’une réflexion théorique.
I. LA THEORIE DE LA LONGUE TRAINE ET SES APPLICATIONS A
L’INDUSTRIE DU VOYAGE
1. La théorie de la longue traîne
La longue traîne (The Long Tail, en anglais), a été décrite pour la première fois en 2004 par
Chris Anderson au sein de son magazine Wired. Viendra ensuite la publication du livre
éponyme. Anderson (2009), sous la forme d’une courbe de Pareto appliquée à la distribution,
observe les faibles mouvements de ventes qui, cumulés ensemble, forment un marché égal
voire supérieur à celui des meilleures ventes. Autrement dit, la longue traîne annonce la fin
des politiques de « best sellers » et la culture du « hit parade » grâce à l’arrivée de l’économie
numérique, facteur d’abondance accrue et rompant avec l’économie de rareté et ses goulots
d’étranglement. Les marchés de niches cumulés représenteraient alors des gains jusqu’alors
ignorés, et aujourd’hui exploitables grâce à la dématérialisation de l’économie. Par exemple,
Itunes a pu proposer une offre pléthorique de musiques en ligne grâce à des coûts de stockage
presque nuls. Conclusion inattendue, chacun des 900 000 titres disponibles se vendra au cours
de l’année, quand un magasin physique propose péniblement 30 000 titres. On assiste ainsi à
l’émergence d’un consommateur aux besoins de plus en plus personnalisés qui, plutôt que de
ressembler au voisin, souhaite se différencier par sa consommation.
Les voyages sur Internet représentent aujourd’hui un marché prépondérant, mais ne sont
pourtant pas étudiés par Anderson dans son ouvrage. Cependant, il semble intéressant
d’exposer les problématiques du voyage en parallèle avec la longue traîne. En effet, ce
marché se caractérise aujourd’hui par une tendance à la personnalisation de l’offre, la
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
multiplication des niches et la dématérialisation de la distribution. Il pâtit aussi des maux de la
longue traîne, comme le paradoxe du choix désorientant parfois le consommateur. Le marché
du voyage offre aussi des spécificités intéressantes comparables à celles du marché du livre.
Ces deux marchés ont vécu la révolution numérique, avec l’apparition d’Amazon.com pour
les livres, et le phénomène de longue traîne, et ont su résister dans le commerce physique4.
Nous mettrons ainsi en parallèle les stratégies multi-canal et le phénomène de longue traîne
dans l’industrie du voyage afin d’en comprendre les enjeux.
Figure 1. La longue traîne (adapté de Anderson, 2009)
2. Les enjeux pour l’industrie du voyage : travailler l’offre
Surmonter la tyrannie du choix sur Internet.
C’est un fait avéré, le tourisme de masse est bel et bien mort même si certains continuent à
utiliser cette expression. Il existe bien sûr encore aujourd’hui des destinations phares, des
succès de l’année, mais la demande est aujourd’hui de plus en plus fragmentée. L’avènement
d’un consommateur aux goûts de plus en plus spécifiques (personnalisation, thématisation...),
et la multiplication des destinations touristiques, ont considérablement élargi le marché du
voyage en termes d’offre et de demande (Moutinho, Ballantyne et Rate, 2011). Sur Internet et
4
Nous renvoyons le lecteur intéressé par le marché du livre au travail de Bounie, Eang et Waelbroeck (2010) qui
proposent une analyse du marché du livre comparant ventes physiques et ventes de livres sous l’angle du modèle
de la longue traîne.
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
dans le commerce physique tous ces goûts se retrouvent... Encore faut-il pouvoir y accéder
face à cet océan constitué par une longue traîne livrée brute aux consommateurs, et encore
mal maitrisée.
Le paradoxe du choix.
Les agences tout Internet ont pour mérite de laisser le choix aux consommateurs par un
nombre de destinations et de prix impressionnants. Toutes appliquent cette politique et au
final, Internet créé une sorte de jungle où le choix existe il est vrai, mais où il est impossible
de déterminer quel produit nous convient le mieux parmi l’abondance d’offres. Les
dissonances tarifaires grâce aux comparateurs sont facilement visibles pour des produits
équivalents et brouillent d’autant plus l’environnement de l’internaute. Un véritable
phénomène de chasse sur Internet s’est donc développé, poussant le consommateur à perdre le
gain de temps qu’est censé offrir Internet. Chris Anderson fait alors référence à l’ouvrage de
Barry Schwartz Paradox of Choice publié en 2004, pour décrire le phénomène oppressant que
peut provoquer un choix trop grand pour le consommateur. Quand Barry Schwartz
recommande de se contenter du meilleur compromis, Chris Anderson affirme qu’au contraire
le consommateur doit bénéficier de la meilleure option possible. Le choix doit rester au
consommateur, mais l’entreprise doit pour cela lui faciliter la tâche.
Internet, le choix à tous « prix » ?
Les distributeurs généralistes possédant notamment des agences classiques proposent en ligne
eux aussi de nombreuses offres. Ne bénéficiant pas toujours du facteur déterminant prix par
rapport à des « pure players » plus agressifs, ils ont du mal à s’imposer sur la toile
(O’Connor, 2003). Les acteurs traditionnels doivent donc trouver d’autres moyens de justifier
leur existence sur Internet. Pour lutter à armes égales certains distributeurs ont décidé de se
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
relier à des plateformes de distribution tel que le système Orchestra, permettant d’avoir accès
à des milliers de références élargissant ainsi les possibilités offertes en ligne. Certes, ce
système plus réactif offre une avancée en termes de gestion des prix, cependant il peine à
différencier l’offre des distributeurs généralistes entre eux. On voit ainsi apparaître une offre
large chez certaines agences de voyage de la grande distribution, notamment Carrefour
Voyages et VoyagesAuchan.com, qui est en revanche partagée par des « pure players » eux
aussi reliés au système.
Il semblerait plus judicieux pour les distributeurs généralistes de coupler à ce système de
distribution, qui constitue un puissant créateur de longue traîne, des filtres et outils avancés de
personnalisation de l’offre. De plus, le voyagiste « traditionnel » a beaucoup à perdre en
mettant en avant des prix comme le font les agences tout en ligne, au lieu de valoriser ses
capacités en termes de conseil et de suivi, ce qui devrait l’inciter à mettre en avant les
avantages liés à une distribution multi-canal, capable d’accompagner le client dans l’ensemble
de son processus d’achat avec un relais en agence pour le service après-vente par exemple
(Seck, 2008).
La niche, refuge du généraliste ?
Les agences de voyage ultra spécialisées ou de niche forment sur Internet un ensemble de
sites hétéroclites assurant leurs propres promotions et ne permettant pas toujours de finaliser
les ventes en ligne. Leur multiplicité fait qu’elles sont présentes sur Internet en formant une
succession d’offres distinctes mais souvent convergentes. Le touriste en recherche de produits
de niche se voit contraint de se rendre dans une agence physique spécialisée et au choix
limité. Cet univers est même dissuasif pour un consommateur décidant de sauter le pas du
voyage de niche. On imagine qu’un site permettant de réunir de telles offres fournirait de
nombreux avantages pour le consommateur, en les réunissant en un seul et même lieu. Des
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sites généralistes auraient aussi tout intérêt à s’emparer de ces offres, afin d’agrandir leurs
traînes et combler les consommateurs désirant un voyage de niche. A la manière d’Itunes qui
a choisi de mettre en avant les principaux tubes et certains styles musicaux, ce site de musique
généraliste, derrière cette longue traine, exploite la demande de morceaux de musique de
niche, grâce aux flux générés par son activité principale et de puissants filtres mis au service
de l’internaute. Amazon.com, dans le domaine du livre, a aussi mis en place un système de
prescription servant de repère aux consommateurs avec la présentation de produits associés
achetés par les autres internautes, permettant d’accéder à une connaissance plus approfondie
du sujet.
II. LA LONGUE TRAINE OUVRE EGALEMENT UNE PERSPECTIVE EN TERMES
DE GESTION DU CLIENT
1. Les rapports de force évoluent
« Les fourmis ont des mégaphones »
Les communautés de consommateurs sont décrites dans le livre de Chris Anderson non sans
humour comme des fourmis possédant des mégaphones. En effet, aujourd’hui les
consommateurs ont un pouvoir grandissant grâce à la caisse de résonnance qu’est Internet :
permettant une diffusion l’information immédiatement et mondialement, relayée par le
développement des blogs et autres sites communautaires. Les consommateurs sont donc
devenus des prescripteurs redoutables. Une situation renforcée par l’apparition du Web 2.0
introduisant la notion de participation individuelle dans la production de contenu. Dans le
domaine du voyage des sites tel que Tripadvisor.com font office de point de repère pour de
nombreux voyageurs. Face à la longue traîne créée sur Internet par la profusion d’offres
touristiques, l’information surabondante est donc banalisée et délaissée au profit de la
recommandation, notamment de nos pairs. La force permettant à la longue traîne de
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
véritablement s’exprimer est celle des prescripteurs d’opinion. Un levier qui s’exprime en
même temps que la baisse des coûts de production grâce au package dynamique par exemple,
et les coûts de distribution réduits sur Internet. La sphère communautaire est donc une force
puissante car collective démontrée par James Surowieski dans « la sagesse des foules » (cité
par Anderson, 2009). Cette force qui évolue selon Chris Anderson plus vite que nos neurones
par le biais de l’intelligence collective qu’a su générer Google. Nos repères s’en trouvent ainsi
changés, plaçant la force du côté du consommateur et non plus du producteur.
2. Du quantitatif au qualitatif sur Internet
Selon Chris Anderson pour ne pas brader le choix et la longue traîne, le distributeur doit
fournir aux consommateurs des filtres permettant de se repérer aisément au sein d’un choix
presque infini. On a précédemment observé la tyrannie du choix sur Internet, il s’agit à
présent de comprendre comment exploiter les bienfaits de la longue traîne sur Internet dans
l’industrie du voyage mais aussi d’observer ses limites. Les outils communs permettant de
déjouer les pièges constitués par une longue traîne incontrôlée et composée d’un déluge
d’informations produit par les distributeurs, les moteurs de recherche et les communautés
Web, sont des filtres permettant aux consommateurs d’avoir le choix sans que celui-ci
devienne une contrainte. Aussi, afin de rentabiliser cette longue traîne, la puissance de filtrage
s’avère essentielle pour fournir au voyageur un produit classique ou de niche lui convenant
parfaitement. Dans le but de faire accéder le client à la totalité de la traîne et éviter le « bruit »
créé par l’importance de l’offre touristique, il convient de renforcer la puissance des filtres à
mesure que l’on se rapproche des niches. Le but est de faire accéder le voyageur à une infinité
de choix sous un mode intuitif. Les coûts de recherche sur Internet ayant considérablement
baissé, ils désignent aujourd’hui des facteurs non monétaires tels que les achats
malencontreux et la perte de temps pour le consommateur. Il s’agit de comprendre comment
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
les acteurs d’Internet peuvent relever le défi d’une ère où le qualitatif ne s’oppose plus au
quantitatif. Selon Guy Raffour « c'est l'exhaustivité des offres qui est un atout du e-tourisme.
Le e-touriste a plusieurs moyens de résoudre le problème de l'hyperchoix. Il doit prendre
plutôt des marques connues qui donneront un SAV, une pré-sélection, un rapport qualité prix
étudié. Il doit aussi s’appuyer sur les moteurs de recherche pour trouver les offres ciblées. Un
atout du e-tourisme est de rechercher des offres spécifiques, par des requêtes, par mot clef,
qui proposent une personnalisation, des réponses par segments identifiés ».5
3. Les packages dynamiques
Les « méga-agences », Expedia, Ebookers et Travelocity offrent un choix impressionnant de
prestations, comme le transport aérien et diverses prestations terrestres. La base d’un tel
modèle repose sur une approche quantitative des prestations proposées, créant une offre
assimilable à la longue traîne. En effet le voyageur actuel est demandeur de choix et de
liberté. Il n’est pas rare d’observer qu’ « Aujourd’hui, un CSP + achète parfois un vol à bas
coûts simultanément à un hôtel 5 étoiles, de même un couple aux revenus modestes arbitrera
ses dépenses touristiques de façon difficilement prévisible, privilégiant l’entrée de gamme
pour telle prestation et s’offrant « une folie » pour telle autre prestation6 ». Le package
dynamique répond donc à une tendance forte permettant aux voyageurs d’établir ce qui leur
convient parmi une offre large, mais aussi de s’affranchir de packs touristiques formatés et
parfois contraignants du point de vue tarifaire.
Le défi du package dynamique est de renforcer son pouvoir de filtrage sous un mode intuitif
et de devenir force de proposition. L’intérêt d’un site comme Travelocity.com est sa capacité
à prescrire un vaste ensemble de prestations touristiques au sein du même site en
correspondance avec la recherche de l’internaute. On aura, par exemple après avoir choisi un
5
6
GUY RAFFOUR, dirigeant de l’agence Raffour Interactive, entretien, 19 mai 2009
Mutations et restructurations des opérateurs français du voyage, Cabinet Eurostaf, 2008
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
vol Paris-New York, une offre d’hôtel, mais aussi une location de voiture, des visites
touristiques. Cependant, on peut espérer une personnalisation plus poussée à l’avenir grâce
notamment à un traitement des informations clients et de leurs préférences, devenant des
filtres puissants et intuitifs permettant de proposer le produit idéal ; par exemple à travers des
informations récupérées lors de leurs achats précédents sur Internet ou dans une agence dans
le cadre d’une stratégie multi-canal, afin de définir un profil élaboré.
Tableau 2. Possibilités de filtres pour les packages dynamiques issus d’un processus multicanal
Agence
Internet
Mobile
Clients
Récupération des données de transaction
Définition du profil
voyageur en face à
face
Récupération de l’activité de navigation
Récupération des données
Récupération de données
communautaires (Notations, en situation nomade
Recommandations)
(visites guidées mobiles...)
Récupération des données
communautaires de
l’internaute (Inscription à des
groupes, fil d’actualité
Proposition de package au client
Démarche participative
Récupération des données CRM (Satisfaction, notations...)
On entrevoit alors une solution globale et intuitive qui abaisserait drastiquement les coûts de
recherche non monétaires... en tarifant peut-être cette plus-value. Une solution rendue
possible par des filtres basés sur l’activité multi-canal du voyageur et de sa communauté.
III. LES COMMUNAUTES, UN FILTRE PUISSANT AU SERVICE DE
L’INTERNAUTE
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
Plus qu’une simple évolution économique, le package dynamique illustre en fait une
révolution culturelle au service de la longue traîne. Cette révolution est celle d’Internet, qui
aujourd’hui a transféré le pouvoir de production au consommateur après avoir démocratiser la
distribution. La 3e force émergente est le développement des communautés de consommateurs
qui agissent aujourd’hui comme un filtre redoutable face à la quantité toujours plus grande
d’offres proposées.
1. L’émergence de communautés web prescriptrices
L’agent de voyages a pour force d’être considéré comme un prescripteur, s’il assume son rôle
d’expert. Cependant, Internet et ses évolutions récentes, notamment l’apparition du Web 2.0
qui favorise un Internet participatif et communautaire, vient à présent changer la donne...
Comme évoqué précédemment, les sites communautaires et participatifs qui accompagnent
les progrès technologiques ont pris une place prépondérante dans le processus d’achat des
voyages, faisant de simples voyageurs des prescripteurs écoutés par leurs pairs. En effet, si
l’on en croit l’étude « Tourisme & Voyages sur Internet » publié par Benchmark Group en
2008, 36% des internautes considèrent l’absence d’avis de personnes tierces comme
dissuasive à l’achat, le voyage étant le produit le plus touché par ce phénomène. Des opinions
basées sur la subjectivité des individus mais qui apportent une réelle note de vécu. On pourrait
craindre des dérives dans un univers où l’anonymat est roi, et qui se révèle parfois être un
défouloir pour certains, et même une arme de déstabilisation pour les concurrents. Des
craintes relativisées par Philippe Fabry (2008). Selon son étude, les avis d’internautes sont
généralement constitués de 30% d’avis négatifs et 70% de positifs, ce qui laisserait entendre
qu’une certaine authenticité règne sur les avis d’internautes. On aura donc compris que cette
nouvelle composante est devenue incontournable, mais reste cependant peut exploitée par de
nombreuses entreprises touristiques, par peur peut-être que cet outil se retourne contre eux.
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
Pourtant, ces avis présents sur les sites des marques permettent de développer la confiance des
internautes qui y voient le témoignage de pairs avisés (Chouk, Perrien et Nantel, 2007).
Au vu de l’importance prise aujourd’hui par le web collaboratif, l’absence sur ce segment est
bien plus redoutable comparée aux avantages qu’il représente si on le maîtrise. L’intégration
de ce paramètre est créateur d’une relation privilégiée entre la marque et le voyageur : des
outils permettant de se démarquer de la concurrence, en faisant partager une réelle expérience
aux voyageurs, loin des programmes de voyage pré-formatés et des discours purement
commerciaux (à l’exemple de MyIDtgv qui propose de connaître les personnes qui
partageront votre voyage).
2. La communauté comme heuristique de choix ?
Les communautés agissent donc premièrement comme un filtre grâce à leurs opinions. Il
s’agit plus précisément d’un post-filtrage qui détermine la vie d’un produit après son
processus de création classique, au sein de la longue traîne. L’opinion d’individus nous
ressemblant par leurs goûts, leurs habitudes ou bien celle de spécialistes qui intègrent la
sphère communautaire est devenue un repère pour le consommateur, permettant à Internet de
passer de l’univers de l’information à celui de la recommandation. Certaines entreprises
comme Expedia avec TripAdvisor ou Marmara ont compris tout l’intérêt de développer une
sphère communautaire... indépendante. Autre idée reçue selon laquelle ces sites manquent de
crédibilité... la sphère communautaire est ultra-réactive et si sa taille est relativement
développée, elle forme une « intelligence collective » capable d’autocorrection. Citons
l’exemple du procès d’intention sur la crédibilité de Wikipedia, face aux encyclopédies
classiques. Oui, Wikipedia comporte des erreurs, mais pas plus qu’une encyclopédie
traditionnelle, car son système repose sur la longue traîne des opinions et des connaissances,
formant un savoir plus grand qu’une compilation d’articles figés au sein d’une édition
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
matérielle. Le post-filtrage qui prend une importance prépondérante face au pré-filtrage peut
être représenté de la manière suivante :
Tableau 3. L’ère du pré-filtrage vers celle du post-filtrage (adapté de Anderson, 2009)
Pré-filtrage
Post-filtrage
Presse spécialisée
Moteur de recherche agence en ligne
Pack/Prestations
Responsable des achats
Responsable marketing
Publicitaires
Blogs voyage
Package dynamique
Notations
Package dynamique
Recommandations
Consommateurs
Les entreprises pensant créer une sphère communautaire à des fins de manipulation prennent
un risque. L’intérêt si on pense vendre un produit de qualité est de laisser se développer en
toute liberté la communauté pour :
-
Créer une relation privilégiée entre la marque et son client
-
Renforcer le lien d’appartenance à la communauté de clients de la marque
-
Renforcer l’expérience globale (partage de photos, blogs...)
-
Améliorer l’offre proposée grâce aux notations
-
Fidéliser les voyageurs
-
Récupérer des informations clients
-
Post-filtrage pour le consommateur
3. Des communautés qualitatives ?
La sphère communautaire est critiquée car elle est, il est vrai, le défouloir de certains
consommateurs et un outil de propagande pour certaines entreprises peu scrupuleuses. La
sphère communautaire devient incontrôlable, si comme souvent aujourd’hui, elle est le fait
d’utilisateurs anonymes au sein d’une sorte de maelstrom d’informations non maîtrisées
(Dellarocas, 2003). Il s’agit de donner le cadre à une communauté indépendante, mais aussi
de la personnifier et favoriser la valeur d’expertise. Autrement dit, humaniser cette sphère par
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
la création de profils voyageurs partageant leurs expériences, voyages, photos ou bien vidéos.
Le besoin de reconnaissance et la remise en cause de la crédibilité d’un voyageur par le
jugement de sa communauté d’intérêt pousse ainsi à l’autorégulation. Le site monnuage.com a
ainsi par exemple créé une communauté d’amateurs de voyages, le mot d’amateur reprenant
son étymologie d’amoureux du voyage et non pas seulement de consommateur.
L’enjeu est réel. En effet, comme nous l’avons vu dans les développements précédents, les
témoignages des pairs jouent donc un rôle double dans cet univers de longue traîne.
Facilitateurs de confiance lorsqu’ils sont manipulés efficacement par les sites des marques, ils
présentent un réel danger lorsqu’ils ne sont pas modérés ou se situent sur des sites
indépendants. La performance des moteurs de recherche généralistes disponibles sur Internet,
(Google, Bing,…) est telle qu’il est aujourd’hui possible pour un internaute de rechercher des
avis de consommateurs sur la destination des ses rêves. Un avis défavorable exprimé sur la
marque du voyagiste ou sur cette destination a tout autant ses chances d’apparaître sur la
première page de résultats du moteur de recherche que les hôtels ou packages disponibles
pour cette destination si l’internaute choisit les bons mots clés. Les avis tant négatifs que
positifs concernant une destination sont en compétition avec les offres marketées des acteurs
e-commerce dans cet univers numérique. L’effet longue traîne permet de voir ressurgir même
plusieurs mois après un avis négatif émis sur un hôtel ou un tour opérateur. Ceci est d’autant
plus important que les travaux de recherche en e-tourisme montrent clairement les effets des
plaintes sur le comportement des consommateurs (Lee, Hu, 2004) et les motivations à se
plaindre : altruisme et revanche (Sparks, Browning, 2010). Il n’y a pas que les clients
mécontents qui prennent la parole, mais ils sont peut-être les plus crédibles aux yeux des
lecteurs…
17
3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
IV. DISCUSSION ET PISTES D’ACTIONS POUR LES E-VOYAGISTES
Face à la démocratisation des outils de production, dont le package dynamique fait partie, la
sphère communautaire annonce quant à elle la démarche proactive amorcée par le
consommateur dans l’industrie du voyage. L’ « économie de consommation » est ainsi remise
en cause, et des produits comme des packs touristiques dépersonnalisés et peu flexibles ne
semblent ne plus répondre à l’ensemble des attentes des voyageurs. Ce consommateur non
plus passif devient un producteur, potentiellement capable de prouesses qui pourraient être
jugées par l’ensemble de la communauté. Un phénomène observé dans le domaine de la vidéo
avec la démocratisation de la distribution en ligne grâce à Youtube, des moyens de production
avec des logiciels de montage et des appareils peu coûteux, le résultat étant lui jugé par la
sphère communautaire.
Maitriser la longue traîne et les outils de filtrage aussi bien techniques que communautaires
devrait permettre aux e-voyagistes de développer des stratégies permettant de satisfaire les
attentes des consommateurs producteurs : en élargissant l’offre vers des niches non prises en
compte, et dont l’accès est facilité par une sphère collaborative, augmentant le nombre de
producteurs et l’offre globale. Ces facteurs sont aujourd’hui réunis dans l’industrie du voyage.
Une vision nuancée par Guy Raffour : « les perspectives offertes par le package dynamique
sont prometteuses. Le e-touriste est de plus en plus autonome, expert, comparateur. Mais il ne
souhaite pas forcément rechercher dans l'ensemble de l'offre. Le package dynamique est un
mix entre une recherche totale et une recherche, qui en général offre un prix avantageux,
dans des offres pré sélectionnées d'acteurs importants »7
7
GUY RAFFOUR, entretien, 19 mai 2009
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
Tableau 4. Vers un consommateur producteur (adapté de Anderson, 2009)
Force
Activité
Exemple
Démocratisation de la
production
Démocratisation de la
distribution
Connexion entre l’offre
et la demande
Producteurs et outilleurs
de la longue traîne
Agrégateurs de la longue
traîne
Filtres de la longue traîne
Package dynamique/Achats de prestations
touristiques
Expédia, Go Voyages
Moteur de recherche généraliste, blogs, sites
communautaires, recommandations
Imaginons un site Internet permettant au voyageur de publier ses compositions de package,
son expérience durant son voyage (photos, blogs...), diverses notations et recommandations, et
de les rendre disponibles à la vente. Des produits eux-mêmes soumis à la notation des autres
internautes au sein de groupe d’amateurs de voyages de « niches ». Mr X, composerait son
voyage au Pérou, publierait son expérience au sein du groupe « Voyages d’aventures » et
« Passion Amérique du Sud », et ce dernier serait alors disponible à la vente, enrichi des
expériences de la communauté et sans cesse amélioré par la contribution des personnes ayant
effectivement réalisé ce voyage. Ce concept serait la parfaite union des filtres de production
de type package dynamique et communautaire, afin de faire accéder le consommateur sans
difficulté à une traîne de voyages lui ressemblant réellement, à travers une prescription
intuitive.
Le deuxième axe de développement repose sur un comportement plus proactif des agences en
ligne : mise en place de filtrages thématiques au service de la différentiation des agences.
La thématisation au sein même d’un univers généraliste est un filtre permettant au
consommateur d’être rassuré parmi l’abondance. Plusieurs univers correspondant à une
succession de niches permettent d’offrir du choix en orientant le consommateur dans un
univers rassurant et qui correspond à ses aspirations. Le but est d’offrir une longue traîne
derrière un univers rassurant, transposant un choix oppressant en choix libérateur. En effet
une présentation hétéroclite de produits sur une même page est déroutante et compare ce qui
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
n’est pas comparable. En affichant par exemple une liste publiant le meilleur choix des
internautes on aura au choix un séjour en Tunisie, une croisière aux Caraïbes et un week-end à
New York. La publication d’informations telles que des classements et des comparatifs par
exemple doit donc se faire au sein d’univers thématisés.
Si la stratégie à adopter pour les e-voyagistes est claire, la question de l’agence physique et de
sa complémentarité avec le canal web devra également être étudiée plus spécifiquement. En
effet, face aux tassements de ventes, et aux phénomènes économiques qui ont bouleversé les
rémunérations des agences physiques, comme la suppression des commissions aériennes, il
semble que l’avenir des agences physiques passe par le conseil en amont et le suivi client
facteur de proximité (Seck, 2008). Le but : devenir un repère sur la longue traîne de l’offre
touristique globale et le complément de la vente en ligne dans un processus multi-canal.
Renforcer le facteur conseil : si les phases de conseils simples sont aujourd’hui directement
concurrencées par Internet, l’agence physique possède des leviers de différentiation (Seck,
2008). L’expertise d’un agent de voyages sur une destination offre une réelle valeur ajoutée
au voyageur au sein d’une agence spécialisé ou d’un concept multi thématique. La plus value
du conseil est donc dépendante de choix stratégiques et structurels. Le conseil est synonyme
de la parfaite connaissance des produits vendus afin de guider le voyageur. Plusieurs modèles
se prêtent à cette expertise.
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
Tableau 5. Vers l’expertise des agences de voyages
Agence
L’agence spécialisée multi
thématique
L’agence généraliste intégrée
L’agence généraliste partenaire
L’agence spécialisée de
« niches »
Expertise
Connaissances expertes de
plusieurs destinations
Connaissances du produit de la
marque
Généralistes + Spécialisation
produit ou marque
Spécialisation haut de gamme a
entrée de gamme
Exemple
La « maison du voyageur »
VDM
Nouvelles Frontières
Ambassade Fram
Ikhar, Marmara, Grandeur
Nature...
La gestion du sur mesure constitue une dernière voie de recherche possible, qui semble plus à
la portée des agences physiques que des agences online : formés à des systèmes de réservation
donnant accès à une véritable longue traine, les conseillers en agence de voyages peuvent
réellement proposer une offre sur-mesure ce qui n’est pas encore possible du côté des pureplayers Internet. Dès lors, quel est l’espace, la complémentarité multi-canal et quelles sont les
attentes réelles des consommateurs par rapport à une offre de sur-mesure ? Cette dernière
pour être attirante ne doit pas dépasser les capacités cognitives de l’internaute (voir Isaac et
Volle 2008, pour une synthèse des articles clés sur les capacités cognitives des internautes).
Cette approche du sur-mesure sur Internet pourrait être l’intersection des filtres client
(recherche, connexion au profil voyageur, classement par prix…), communautaire (connexion
à la communauté d’intérêts, classements par notations…) et multi-canal (définition de filtres
en agence en face-à-face, transmissions des informations de vente…), afin d’exploiter la
longue traîne des prestations. Le but est d’offrir le choix le plus pertinent au voyageur. Cette
prescription n’est pas imposée, mais suggérée à l’internaute au sein d’une liste (à l’image du
moteur de filtrage collaboratif d’Amazon), lui laissant toute liberté, les filtres étant
superposables et utilisables seuls ou réunis.
Finalement, cette recherche pose les bases théoriques de l’apport de la théorie de la longue
traine à la distribution de voyages sur Internet et doit maintenant faire l’objet d’une
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3ème Journée de Recherche et d’Echanges en Management du Tourisme, 10 Juin 2011, Groupe Sup de Co La Rochelle, France
opérationnalisation en répondant à de nouvelles questions de recherche parmi lesquels : quel
business model (Gueye, 2008) ? quel modèle d’intermédiation (Buhalis et Licata, 2002 ;
Kauffman, Raghu et Sopha, 2011) ? quelles compétences maitriser (Clemons et Nunes,
2011) ?
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