Comment la gestion de la santé se transforme en culture d`entreprise

Berne, 28 septembre 2016
Comment la gestion de la santé se
transforme en culture d’entreprise
Dans la course au personnel qualifié, la culture d’entreprise et la gestion de
la santé jouent un rôle prédominant. Pour que les entreprises puissent se
positionner en tant que sociétés tournées vers l’avenir, elles ont besoin
d’une gestion de la santé intégrée à leur culture. Lors du congrès national
dédié à la gestion de la santé en entreprise (GSE) de Promotion Santé Suisse,
des spécialistes issus de la science et de la pratique ont échangé leurs
expériences sur les défis à relever et les solutions respectives.
Congrès national pour la gestion de
la santé en entreprise, 24 août
2016, Zurich
Cet échange relatif aux défis à relever dans le quotidien professionnel est important et opportun.
Mais comment font les entreprises pour instaurer un environnement motivant qui pousse les
collaborateurs et les collaboratrices à se surpasser en évitant de s’épuiser? En plus d’avoir un impact
sur la culture d’entreprise, les approches innovantes telles que la «gestion d’entreprise
démocratique» n’influencent-elles pas également la gestion de la santé? Et comment la gestion de la
santé s’intègre-t-elle dans la culture d’entreprise?
Norbert Thom, ancien directeur de l’Institut d’organisation et de personnel (IOP) de l’Université de
Berne, voit dans le terme «culture» une grande variété de caractéristiques et d’attentes qui invitent
à des discussions de fond. «La culture est aussi une forme d’évidence». Et c’est précisément l’objectif
de la GSE intégrée. «Cette évidence ne nécessite ni labels, ni distinctions», explique Norbert Thom
concernant sa conception de l’intégration culturelle. «Cet ancrage est un grand défi pour la GSE, mais
c’est aussi une grande chance».
La performance oui, mais pas à n’importe quel prix
Parmi les valeurs fondamentales de toute entreprise, la direction doit notamment s’intéresser à la
relation qui existe entre les valeurs économiques et les valeurs en matière de santé. Selon Norbert
Thom, il est souhaitable, voire impératif, qu’une entreprise renonce à des avantages économiques si
ceux-ci sont associés à des dommages pour la santé du personnel. Ce principe peut paraître banal,
mais il est loin d’être intégré dans toutes les entreprises. En même temps, il incombe à chaque
individu de gérer sa propre santé avec attention.
Norbert Thom, Prof. ém.,
ancien directeur de l’Institut
d’organisation et de personnel
(IOP) de l’Université de Berne
Concernant l’organisation du travail et des relations, Norbert Thom relève les travaux de recherche
sont clairs: un travail global, valorisant et varié avec des opportunités de développement a un impact
positif sur le bien-être et la santé des collaborateurs et des collaboratrices. Pour que les individus
puissent s’épanouir, il faut des marges de manœuvre et de décision définies individuellement, une
conception claire des rôles, des possibilités de participation appropriées et une organisation flexible
des temps et des lieux de travail.
L’individu fait la culture
Norbert Thom ajoute que les responsables des ressources humaines affirment souvent disposer de
très bonnes compétences opérationnelles dans l’entreprise, mais se sentent en revanche souvent
trop peu impliqués dans les réflexions stratégiques. Les ressources de l’entreprise jouent également
un rôle important. Il faut par exemple une infrastructure informatique moderne permettant le
télétravail, un système de controlling pour les mesures de GSE ainsi que des ressources humaines
pour mettre efficacement en œuvre la GSE. L’estime mutuelle et les structures sociales stables sont
d’autres conditions importantes de l’organisation des relations d’unités d’organisation. Thom conclut
sur le fait que les réorganisations permanentes sont en revanche tout sauf utiles pour créer un
environnement de travail optimal.
«Lorsque l’on fait quelque chose avec plaisir, on est plus performant»
L’entreprise traditionnelle suisse Trisa mise beaucoup sur l’implication du personnel dans la gestion
de l’entreprise et, par ce biais, sur le renforcement actif des valeurs culturelles. Trisa est une
entreprise familiale basée à Triegen dans le canton de Lucerne, qui en est à sa quatrième génération.
Aujourd’hui, elle produit plus d’un million de brosses à dents par jour. Et ce, grâce à un taux
d’automatisation très élevé, qui exige des processus coordonnés de façon optimale. Interrogé en
1964 sur ce qu’était la mission de l’entrepreneur, Ernst Pfenniger, le fondateur de Trisa, répondait:
«Il doit créer du travail et transmettre le plaisir que l’on peut prendre à ce travail. Car lorsque l’on
fait quelque chose avec plaisir, on est plus performant».
Lucien Baumgaertner, directeur des ressources humaines du groupe Trisa, s’est intéressé au thème
de la culture d’entreprise du point de vue du professionnel. L’entreprise familiale s’efforce depuis
toujours de satisfaire à la philosophie de son fondateur: le «Trisa-Spirit», comme elle le souligne
toujours, est basé sur des principes classiques tels que la confiance, l’estime, le respect, l’intérêt
mutuel et une culture du dialogue ouverte. A tel point que l’ensemble des 1147 collaborateurs et
collaboratrices du groupe Trisa en sont copropriétaires. Quel que soit le poste ou la fonction qu’ils
occupent dans l’entreprise, tous les membres du personnel y participent à parts égales. Le CEO
détient donc autant d’actions que le mécanicien. «Cette forme de participation existe chez nous
depuis 1972. D’ailleurs, c’est aussi depuis cette époque que la composition de notre conseil
d’administration est paritaire», explique Lucien Baumgaertner au sujet de la philosophie de
l’entreprise.
Les membres du personnel ont leur part de responsabilité
Chez Trisa, la GSE est basée sur trois piliers: Prévention, Pilotage et Controlling, et Care Management.
Trisa propose à ses collaborateurs et collaboratrices des mesures préventives classiques telles que
l’alimentation saine, des formations ou des tournois de football. Mais concernant les efforts de Trisa
en matière de prévention, Lucien Baumgaertner fait également appel à la responsabilité individuelle
du personnel: «A quoi bon faire de l’exercice physique et du yoga dans l’entreprise si le collaborateur
avale trois bières et un paquet de chips tous les soirs en rentrant chez lui?»
Lucien Baumgaertner,
directeur des ressources humaines,
TRISA AG, Triengen
Le domaine Pilotage et Controlling s’adresse aux cadres. Leur responsabilité est de s’entretenir
régulièrement avec les membres de leur équipe afin de savoir comment ils se sentent et d’intervenir
si nécessaire. «Mais les entretiens de développement personnel et les objectifs clairs sont également
un instrument important», ajoute Lucien Baumgaertner. «Tranquilliser le personnel quant à ces
entretiens est un grand défi. Nous y parvenons en nous adressant à nos collègues de façon
transparente et personnelle». Dans le Care Management, il s’agit, en cas de limitations physiques ou
psychiques, de mettre en place une réduction provisoire du temps de travail ou une affectation à un
poste de travail spécialement aménagé. La possibilité de consulter gratuitement le médecin
d’entreprise est aussi offerte si nécessaire.
Un travail valorisant comme facteur de motivation
«Quand le travail rend-il heureux?». C’est la question posée par Véronique Lagrange, responsable
Mobilité au sein des services publics fédéraux de Bruxelles, avant d’y apporter elle-même une
réponse: «Lorsque le travail donne du sens, qu’il procure du plaisir et que les collaborateurs et
collaboratrices sont remplis de fierté». Un objectif élevé qui n’est pas facile à atteindre dans la
pratique, comme l’ont montré ses exemples tirés du quotidien d’une administration publique à
l’organisation très hiérarchique.
Véronique Lagrange,
directrice Mobilité, Service public
fédéral Mobilité et Transports,
Bruxelles / Belgique
La responsabilité individuelle, a-t-elle souligné, commence par de petits pas. Les pouvoirs publics
sont particulièrement structurés, mais ces organisations de processus reposent sur des habitudes de
longue date, parfois institutionnalisées. Dans les entreprises publiques, les habitudes bien ancrées
sont particulièrement tenaces. «Je me suis aperçue que des choses qui pouvaient paraître évidentes
ne l’étaient pas du tout», explique Véronique Lagrange. Ainsi, de nombreux collaborateurs et
collaboratrices hésitaient à prendre en charge le travail de leurs collègues car l’habitude de recevoir
les ordres d’en haut était trop forte. Mais progressivement, grâce à un projet de déménagement, un
changement de culture s’est amorcé. «L’ensemble du processus a nécessité beaucoup d’énergie.
C’est d’autant plus agréable de voir que cette énergie a été investie à bon escient», conclut
Véronique Lagrange rétrospectivement.
«L’injonction »Restez en bonne santé” est une perversion»
Le psychiatre et coach Michael Sonntag a apporté un contrepoint. Pour lui, il est totalement
impensable d’ancrer de nouvelles approches de GSE dans des cultures d’entreprise traditionnelles.
Dans son rôle d’«enfant terrible», il a affirmé que les systèmes de gestion prédominants ne
pouvaient pas guérir sans un changement radical. Le système de gestion prédominant est encore
marqué par l’organigramme classique tel que développé par Frederick W. Taylor en 1911, avec un
contrôle allant du haut vers le bas. Mais selon Michael Sonntag, cette pensée linéaire n’est plus
efficace. Elle ne laisse aucune place à la nouveauté et étouffe toute créativité dans l’œuf. Michael
Sonntag est convaincu que les systèmes interagissent et sont interdépendants, donnant au bout du
compte naissance à la nouveauté: non seulement aux nouveaux produits, mais aussi aux nouvelles
méthodes de travail.
Michael Sonntag, Dr méd.,
médecin FMH spécialisé en
psychiatrie et psychothérapie,
Sonntag Consulting, Berne
En revanche, pour Michael Sonntag, l’injonction faite aux salariés et salariées de »rester en bonne
santé” est tout bonnement une perversion. Il faut revoir sa façon de penser, faire de la place pour les
nouvelles idées, co-créer de la valeur. Ainsi, à l’avenir, ce sont plutôt l’économie au service du bien
commun et les concepts de co-working qui devront figurer au premier plan. Dans ce cadre, il a
renvoyé à des concepts de jeunes entreprises nord-américaines qui montrent que le bien-être de
toutes les personnes impliquées augmente sensiblement avec ces nouvelles approches.
Soutenir la responsabilité individuelle au moyen de structures
Les espaces de co-working, c’est-à-dire les bureaux partagés par différentes entreprises, poussent
actuellement comme des champignons en Suisse. Manifestement, on a besoin d’échanger au travail
avec des collègues issus de branches très diverses, et ce sans engagement, mais de façon intensive.
Cette nouvelle forme d’open space offre précisément cet espace où naissent des idées et des projets
nouveaux.
Gudela Grote est professeur en psychologie du travail et de l’organisation à l’EPF de Zurich. Avec son
équipe elle a étudié ce qui se passera si nous nous mettons à organiser le travail nous-mêmes. Le
travail sera-t-il plus sain, meilleur ou plus inefficace? Le mot magique ici, c’est «job crafting». Bien
sûr, en théorie, nous pourrions tout faire nous-mêmes: de l’aménagement autonome du travail et de
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