25 Janvier 2014 • Nourriture et Art – De l’Antiquité à nos jours – SI CLUB de PARIS-SUD Interclubs 1 • Antiquité - SACRÉ Nous sommes dans l’Antiquité au IIIe s après JC. Voici une Mosaïque d'un symposium (c.a.d banquet) figurant un asarotos oikos (mosaïque au sol non balayé) . Art romain, Est de la Méditerranée, Levant, en dépôt au Château de Boudry en SUISSE, mesurant 3,5 x 2,5 m C’est le 2e repas du jour- entre 16h et 19h après le travail et les bains aux thermes. Il est la symbolique d’un rite social et religieux. • Les convives ici sont neuf personnages de l'aristocratie romaine couchés sur un lit en demicercle - trois convives au minimum, correspondaient aux trois Grâces (divinités) et neuf au maximum pour ne pas dépasser le nombre des Muses (déesses qui présidaient aux arts). L’hôte est au centre des convives. Ils reposent tous sur leur côté gauche et mangent de la main droite, selon l'usage romain. Le repas est déjà bien avancé, comme l'indiquent les nombreux restes de nourriture éparpillés sur le sol, ainsi que la tenue des convives, déshabillés et ivres. Le banquet a lieu dans le triclinum, la salle à manger romaine, il y a 3 tables centrales. • Le menu du repas nous est donné par le sol, jonché des restes: têtes et arêtes de poisson, têtes de crevettes, coquilles d’escargots et de fruits de mer, os de poulet et pinces. Les légumes sont aussi représentés avec des tiges d’artichauts, de longues feuilles vertes, Selon Pline l’Ancien les reliefs de repas ne devaient pas être nettoyés avant le départ des invités ; ils étaient symboliquement laissés au sol pour la nourriture des dieux Lares (divinités protectrices du foyer), présents à table comme dans toute la maison . • Il y a 7 serviteurs , Un au centre saisit une volaille qu’il va découper, un autre à droite remplit un liquide chaud, probablement du vin, d'une sorte de samovar en bronze. • Il y a quatre services, séparés par des interludes musicaux, des danses, des jeux : • le hors d’œuvre, puis •le premier plat à base de viande, de volailles, de coquillages ; •le second plat à base de poissons, gibiers et rôtis, enfin, après une prière et des offrandes aux Lares, • le dessert composé de fruits, de noix et de douceurs . • La vaisselle est faite d’objets luxueux,: plats en étain, cruche en argent,. Les convives utilisent la mappa (la serviette de table) pour s’essuyer. Par ailleurs, les esclaves viennent, après chaque service, présenter de la main gauche un bassin au-dessus duquel les doigts sont nettoyés en y versant, de l'autre main, de l'eau fraîche et parfumée, avant et après le repas. C'est une purification hygiénique, physique, et morale suivie dans les traditions chrétienne et musulmane. Brigitte Bullier 2 • Moyen-Age En 1430 voici une scène de BANQUET à l’occasion du mariage de la fille d’ OLIVIER de CASTILLE et ARTUS d’ALGARBE. C’est une ENLUMINURE, peinte sur un livre. Pour le Moyen-Age, manger est un acte biologique, social, culturel. On ne s’intéresse pas à la Nature Morte. Ici la Représentation est OSTENTATOIRE Le banquet doit montrer la PRODIGALITÉ, la RICHESSE du SEIGNEUR. La salle d’apparat a un décor sobre. Les tables sont composées d’une planche posée sur des tréteaux et recouverte d’une nappe. Les sièges sont pliables. • Le DRESSOIR à gauche comporte une luxueuse VAISSELLE, en or, argent, étain, des bassins pour les ablutions. Couteaux et cuillères. Pas de fourchettes qui apparaissent plus tard. Les Aiguières et gourdes pour le vin sont posées sur le sol. Les mariés sont au centre de la table d’honneur sous un DAIS sompueux. Le carrelage est raffiné. C’est 2e repas du jour de 16h à 19h = la Céna. La mariée est en représentation dans une attitude figée et modeste, comme sa demoiselle d’honneur à droite. Les convives sont regroupés selon une hiérarchie sociale d’un côté de la table de droite . • Il y a un Ballet de serviteurs : le 1er est l’ÉCHANSON pour le VIN, puis le PANETIER en rouge portant les tranchoirs et pain, le fruitier, les ECUYERS sont très souvent issus de la noblesse. L’écuyer tranchant coupe pain et viande. Trois PAGES suivent en procession portant les plats. Trois ménestrels sur un balcon jouent pendant le repas et animent la fête. On consomme lors de FÊTES GOURMANDES : • des ALIMENTS tels que la VIANDE : celle-ci interdite le vendredi par l’Eglise. est remplacée par le POISSON, chair froide et blanche, car la vision du sang était la référence au Christ. Les gibiers de la CHASSE sont les sangliers, les cerfs.consommés par les nobles. Les paysans mangent des petits gibiers : perdrix, bécasses, grives, lièvres, lapin de garenne, Le PORC est très consommé. • Les VOLATILES : de prestige sont aussi pour les nobles : le paon, le héron, le cygne, parées de leurs plumes, les oies, poulardes, canards. • Les légumes à racines : carottes, navets betteraves sont impropres à la consommation des nobles. Ils sont souillés dans la terre Les paysans eux les consomment. • Les fruits = dates, citrons, et oranges sont ramenés de l’Orient par les Croisés. • Les Épices sont connues pour LEUR VERTU MÉDICINALE et largement consommées (cannelle, gingembre clou de girofle). • Les CEREALES, LE PAIN : sont en grande consommation. Pour les boissons il y a le VIN (héritage des romains), la bière. L’EAU étant IMPROPRE, on pouvait la mélanger au vin. Renée Mauri Amoros 3 • SACRÉ SA C’est LA CÈNE ou Dernier repas du Christ de LEONARD DE VINCI Cette fresque exécutée entre 1495 et 1498 a été commanditée par Ludovic Le MORE pour le Réfectoire du COUVENT de SANTA MARIA Della Grazie de MILAN. Sa taille est de 8,80m X 4,60m. 60 ans après, son exécution, elle avait subi une forte dégradation. Elle a été plusieurs fois restaurée (18e, 19e). La dernière restauration a duré 21 ans (terminée en 1991). C’est une fresque très géométrique et réfléchie. Le fond et le plafond sont en perspective pour prolonger la salle réelle du Réfectoire. Les 12 apötres sont représentés en 4 groupes de 3 : JESUS est au centre – L’innovation de L. de Vinci c’est la place de JUDAS à la table : du même côté que les apôtres. Dans les représentaton.s antérieures, les artistes plaçaient souvent Judas de l’autre côté de la table pour l’isoler. Ici (flèche bleue) il est dans l’OMBRE alors que les autres apötres sont sous une diagonale de LUMIERE. • C’est un repas rituel. LA CENE décrit plusieurs éléments relatés dans les Evangiles : • C’est l’annonce de la présence d’un TRAÎTRE “ l’un de vous me trahira “ et le moment de l’EUCHARISTIE : JESUS désigne le PAIN et le VIN : “Ceci est mon corps, ceci est mon sang”. Jésus isolé au centre, est calme, résigné, ses mains sont dirigées vers le PAIN et le VIN. Les apôtres réagissent en fonction de cette annonce. L’HARMONIE du repas a été brisée par l’ANNONCE de LA TRAHISON. Il y a des GESTES, des REGARDS, une sorte d’agitation règne. Selon la THÉORIE des MOUVEMENTS de L’ÂME Léonard de Vinci a recommandé de “peindre les figures de telle sorte que le spectateur puisse lire facilement leurs pensées au travers de leurs mouvements”. • La vaisselle se compose d’assiettes en étain, de couteaux et verres à vin. • Les aliments : le Pain et le Vin sont disposés sur la table, ainsi que trois grands plats, (un vide au centre) les deux autres comportent une grande quantité de nourriture mais peu identifiable, On distingue un petit plat avec de l’ANGUILLE en tranches avec ¼ d’ORANGE. (l’anguille était appréciée en Italie à l’époque – et l’orange fut une mode éphémère –mentionnée dans les livres de cuisine ). Renée Mauri Amoros 4 • PROFANE et SACRÉ Ce sont les NOCES DE CANA de VERONESE - Peinte en 1 an à Venise vers 1563 pour le réfectoire du monastère de SAN Giorgio Maggiore cette huile sur toile de 9,90 x 6,66 m au Louvre est un des chefs d’œuvre de la Renaissance. Il y a DEUX ASPECTS DANS CETTE ŒUVRE : ••• La représentation du SACRÉ : C’est une scène biblique : à la fin du repas de Noces, le vin vient à manquer. Jésus accomplira son 1er miracle : il transformera l’eau en vin (FLÈCHE BLEUE) et entrera dans la vie publique. On voit les jarres en pierre sculptées à droite. • le satyre sur la jarre à droite symbolise Bacchus dieu du vin et de l’ivresse. ••• L’aspect PROFANE : le sujet religleux disparaît quelque peu dans l’éblouissement de cette fête princière où s’exprime la grande richesse des costumes, des bijoux. Il y a 132 personnages. La balustrade sépare en deux le tableau : le régime céleste et le régime terrestre. ••• Jésus est au centre entouré de Marie avec un voile noir de deuil et de trois apôtres en habits de pélerins. ••• À gauche il y a les époux. et Les figures de François 1er, Charles Quint, le sultan Soliman le Magnifique, Marie d’Angleterre. L’intendant est au 1er plan en VERT . ••• À droite les hommes d’église. • Au centre, des musiciens animent la scène.. La convivialité vénitienne est présente dans cette œuvre. Tout le monde parle sauf Jésus, Marie et la jeune mariée. Une présence modeste.. ••• C’est aussi l’Eloge du talent des cuisiniers et des serviteurs que l’on peut voir au-dessus de la balustrade. Le luxe est représenté par une vaisselle d’argent, des aiguières, des coupes de cristal. Chaque convive a son propre couvert . On trouve d’autres symboles : • Le temps qui passe, finitude de l’homme : c’est le SABLIER sur la table de musique. La Tulipe sur le tissu du vêtement du sommelier est la fleur associée au mariage et à la fécondité. Comme la vie, la musique, fuit irrémédiablementL’agneau découpé au-dessus du Christ symbolise le sacrifice. L’outre au-dessous récolte le sang. • les chiens attachés symbolisent la fidélité. Les plats contiennent, oranges, melon, des friandises. Les gateaux sont les clés des desserts vénitiens avec le sucre de canne importé d’Orient. Renée Mauri Amoros 5 • Une image peut en cacher une AUTRE. Voici de 1573 Les QUATRE SAISONS d’ ARCIMBOLDO peintre Milanais Ce sont QUATRE Portraits de PROFIL pour Maximilien II de HABSBOURG, à la cour de Vienne où Arcimboldo était ordonnateur des fêtes impériales . Il exalte ici la PUISSANCE de l’EMPEREUR qui règne sur les HOMMES et sur les SAISONS Ce sont des TÊTES COMPOSÉES qui se font face et qui symbolisent les quatre ÂGES de L’Homme. L’allégorie a eu un grand succès par son aspect fantastique. L’unité du portrait est faite du multiple, d’une accumulation de fruits et légumes de saison. ••• l’HIVER. C’est la 1ere saison chez les romains avec l’apparence d’un VIEILLARD – le visage, et le cou sont faits d’une SOUCHE d’arbre, la chevelure de branches entremêlées. Le LIERRE est symbôle de FIDÉLITÉ, d’ETERNITE. La Natte en VANNERIE avec les deux ÉPÉES croisées, symbolisant la SAXE, représente un manteau brodé. Les deux citrons rappellent l’Italie. ••• Le Printemps est symbolisé par un un visage d’adolescente fait de FLEURS fraîches d’églantines, anémones, marguerites. La BOUCHE ce sont deux pétales de roses. Le Nez est une COURGETTE qui SYMBOLISE la PROCREATION, l’IRIS c’est bonne nouvelle. le LYS c’est la prétention des Habsbourg qui se disent descendre d’Hercule. ••• L’ETE. C’est la force de l’Age : l’OREILLE est un MAÏS (venu d’Amérique) – l ’ARTICHAUD est réputé aphrodisiaque. On ne peut détailler ici tous les symboles de l’énumération des fruits et legumes : ail, oignon, courgette, aubergine, cerises, prunes. Un chou sur le vêtement est une plante alimentaire proche des femmes, et symbole de fécondité. ••• L’AUTOMNE. C’est L’HOMME MÛR : composé de RAISIN en rapport avec BACCHUS. de pommes, de CHATAÎGNE - UN CHAMPIGNON pour oreille c’est la fragilité de l’existence, L’oeil est une prunelle, La NOIX au sommet de la tête, symbolise l’INTELLIGENCE (elle ressemble à un cerveau. L’HABIT du torse est fait de lattes de TONNEAU, entourées d’1 lien référence à l’empereur qui tenait les divers peuples dans l’empire. Le chêne lui c’est la force, la longévité. Renée Mauri Amoros 6 • NATURE MORTE – VANITÉS Au 17E siècle c’est la consécration de la NATURE MORTE. VOICI La MARCHANDE de FRUITS de Louise MOILLON de 1630. Louise Moillon est la femme peintre la plus illustre de l’époque ; elle a excellé dans les natures mortes aux fruits et légumes. Peu de tableaux comporte des personnages. Ici c’est l’ALLEGORIE de la Bonne et Mauvaise Gourmandise selon le modèle français. ••• À droite une marchande qui paraît lasse et gênée devant sa corbeille de pommes. On remarquera une pomme véreuse. Ce détail nous donne un exemple de VANITÉ ce fameux genre de nature morte qui montrait la fragilité des fruits, le temps qui passe,. Le Plaisir des SENS est vanité. ••• À gauche, une femme d’élite sait choisir les fruits, tâte une pomme, soulève une feuille de vigne et apprécie la QUALITÉ des abricots. L’ étalage abondant symbolise l’engouement pour les légumes et fruits, la richesse de la NATURE, un nouvel ART de vivre. C’est L’HOMME FRIAND, le GOURMET. Le POTAGER du ROY a vu le jour à Versailles. Il y a une codification des MANIERES de TABLE en EUROPE depuis le 12e siècle et qui se poursuivra au 18e. Apparaissent des traités culinaires. Les riches marchands hollandais et flamands ont permis le développement des VANITÉS à portée philosophique dans la présentation des objets de plaisir. Louise Moillon a représenté avec un extrême raffinement, précision ces fruits, leur velouté, leur fragilité, leur précarité. Symbolique des fruits : la pomme : renvoi au péché originel La pelure enroulée c’est la fin du fruit, sa précarité Le ver dans la pomme = la mort – (flèche bleue) L’Abricot = fragilité Le raisin = le sang du Christ, l’eucharistie. Renée Mauri Amoros 7 • PLAISIR des SENS "La raie" de CHARDIN 1725 La majorité des toiles de Chardin s'inscrit dans un cycle de la nourriture. Si la 2ème série des natures mortes est marquée plus particulièrement par le cuit, la première l'est par le cru, la préparation. "La raie", qui fait entrer Chardin à l'Académie Royale de peinture, en 1728 est une "nature morte" certes, mais vivante et d'une grande violence : ••• 1er regard : c’est le rouge sang, le caractère monstrueux, du poisson blanc, cette large blessure laissée après avoir été vidé de ses viscères, le crochet et le couteau plantés dans la plaie, et aussi le semblant de visage humain : masque de carnaval, un rictus avec la bouche, les ouïes. ••• 2e regard : le chat, vivant, cambré, hérissé, apeuré ou pressé de se régaler négligeant le poisson, il convoite les huîtres, les souille de ses pattes avant de les déguster. ••• Les huîtres sont un symbole sexuel, elles étaient alors réputées pour leur vertu aphrodisiaque. •••un 3e regard se porte sur les accessoires de cuisine ; pichet, bouteille, écumoire, dans un clair obscur. Le couteau par sa diagonale nous fait pénétrer dans le tableau . La toile entière est en équilibre et fait appel aux différents sens : le toucher : fourrure du chat, rugosité des coquilles, peau lisse du poisson ; l'odeur et le goût iodés, la vue . On trouve aussi commandé par Louis XV et peint en 1735, "Le déjeuner d’huîtres" de Jean François Detroy où apparaît la première bouteille de champagne, C’est une assemblée d'hommes au retour de la chasse autour d’un mets raffiné, les huîtres. Les convives émerveillés suivent des yeux le bouchon de liège qui saute. Diderot n'avait-il pas écrit dans son encyclopédie : "les huîtres excitent le sommeil, donnent l'appétit, provoquent les ardeurs de Vénus, poussent les urines et nourrissent peu." Evelyne Benesby 8 • L’Expressionnisme Les Mangeurs de pommes de terre - Vincent VAN GOGH 1889 Chez Van Gogh, les natures mortes sont des sensations du terroir, de la vie humble, pauvre et dure des paysans. Réalisé en 1885, à NUENEN, bourgade du Borinage aux pays Bas où Van GOGH vit au contact des paysans, son tableau montre CINQ personnages assis autour d’une table sur laquelle sont posés un plat de pommes de terre et des tasses de café. Composition forte et rude, à l’atmosphère sombre, à la mise en place naîve comme devant s’accorder à la gaucherie des modèles et que compartimente un mur, entre les deux figures de droite. Mais de cette décourageante pénombre, la lumière tombant de la suspension – la LAMPE ÉTANT LE SYMBOLE DE SÉCURITÉ. va faire chanter de remarquables morceaux de peinture : les tasses de café avec leurs ombres grises, les pommes de terre sur le plat, et les visages, incroyables visages des mangeurs de pommes de terre, où se révèle tout le talent de portraitiste de Van GOGH. La lumière, symbole de la vie, se retrouvera dans de nombreuses œuvres, pensons aux Tournesols, à la Nuit étoilée. C’est une recherche constante liée à la couleur du soleil qui l’obsédait. Le JAUNE selon lui, symbolique de LA FOI, et du triomphe de l’AMOUR. Alors qu’importe qu’on suggère son inspiration glanée dans les portraits de Rembrandt ou les scènes pastorales de Millet, son adhésion aux courants culturels d’une époque où Zola publiait Germinal — ce qui fait la force troublante de ses tableaux, c’est la sincérité d’une âme tourmentée, cette quête de fusion avec l’autre. Alors que l’impressionnisme glorifiait MONET, Vincent Van GOGH n’écrivait-il pas : « J’aime mieux peindre les yeux des hommes que les cathédrales » ? Aurélia Blard 9 •Avec PAUL CÉZANNE c’est Le Grand BASCULEMENT POMMES et ORANGES – (Louvre) 1889 “ Je voudrais étonner Paris avec une pomme “.. Refusé régulièrement au Salon officiel de 1863, Cézanne fera un va et vient entre Paris et AIX en Provence. Aix, c’est son refuge dans la nature. Sa démarche : reconstruire l’ordre des choses en peinture. Il dit :” traiter la NATURE par le CYLINDRE, la SPHÈRE, le CÔNE, mis en perspective d’une profondeur ressentie plutôt que vue.” Il veut faire quelque chose de solide, durable, différent des impressionnistes. > Ici la composition est savante. Les fruits croulent sur fond de tapis, rideau et nappe blanche. Formes et couleurs sont puissamment liées. > Il se libère de la perspective classique, C’est pourquoi le PLAN du tableau est FRONTAL, VERTICAL. Il traite son sujet avec la MODULATION DE LA COULEUR. une tonalité va vers une autre comme en musique. > Il scrute le RÉEL, pénètre ce qu’il a devant lui. “ Les fruits perdent leur caractère comestible, leur présence les rend indestructibles.” dira Rainer Maria RILKE. L’obsession chez Cézanne c’est trouver les volumes. Il rejette le dessin, par la ligne : “Le contour m’échappe”. “Peindre d’après nature, dit-il, ce n’est pas copier l’objectif, c’est réaliser ses sensations.” – La symbolique chez lui est liée aux objets HUMBLES du QUOTIDIEN : coupe, pichet, Il est un contemplatif. Une contemplation paisible. Il n’exalte pas l’appétit comme chez Manet,.et sa fluidité des sensations.. • La POMME c’est le symbole de l’amour une longue tradition, le sein féminin. Les fruits sont fidèles, les fleurs se fanent.; La pomme, c’est aussi le péché référence à Adam et Eve. Les cubistes Picasso et Braque, notamment, après sa mort en 1906, porteront à l’extrême la géométrisation de la nature. Renée Mauri Amoros 10 • L’imaginaire et Le surréalisme Nous sommes en 1933 – VOICI le Buste de Femme rétrospectif de Salvador DALI qui a été reconstruit en 1970. Cette sculpture étrange, est un assemblage qui évoque un objet surréaliste à fonctionnement symboliste. Dali a inventé la méthode « paranoïaque-critique", qu'il définit comme la " méthode spontanée de connaissance irrationnelle, basée sur l'objectivation critique des associations délirantes ". Un Délire d’interprétation du monde. • la Vénus : symbole de la femme, de la beaut, c’est un mannequin, une marotte de modiste en porcelaine peinte. • la bande de ZOOTROPE autour du cou comporte les personnages d’un des premiers dessins animés. • le PAIN: une vraie. baguette exposée en 1933, le chien de Picasso s’en serait emparé. C’est le thème fétiche, symbole de l’humanité, NOTRE PAIN QUOTIDIEN, relié à la communion chrétienne au Corps du Christ. Mais impropre à la consommation en sculpture. DALI a dit: « La beauté sera comestible ou ne sera pas ». • Les FOURMIS peintes représentent son aversion pour ces insectes. Tout petit il a vu une fourmi dévorant un cadavre de lézard. C’est donc un symbole de la mort et de la décomposition. • Un autre symbole présent c’est l’ÉROTISME des deux MAÏS. • Posé sur le pain, un ENCRIER avec deux personnages en prière, une allusion à l’ANGÉLUS de MILLET, ce Tableau qui fascina Dali. Il écrira en 1938 LE MYTHE TRAGIQUE de l’ANGÉLUS de Millet, lié à une angoisse initiale, l’érotisme, Eros et Thanatos, la torture, la peur de l’inceste… Ses associations, ses obssessions, ses visions, passant du réel à l’imaginaire font l’intérêt de son génie créateur. Renée Mauri Amoros 11 • Le Quotidien - Le POP ART CAMPBELL’ Soup Andy WARHOL 1928-1987 Nous sommes en 1962. Andy WARHOL est considéré comme le pape du POP ART = art populaire (Sa formation fut celle de graphiste et publicitaire) Avec lui, l’OBJET du QUOTIDIEN prend le STATUT d’OEUVRE D’ART. Il incarne la SOCIÉTÉ DE CONSOMMATON. C’est un DEFERLEMENT de MARCHANDISES et la SOCIETE du SPECTACLE. Andy WARHOL produit des SÉRIES :. CAMPBELL’SOUP – COCA COLA, c’est aussi le Culte des STARS : Marilyn Monroe , Liz Taylor – KENNEDY. Pourquoi Campbell’ soup ? Il en mangeait beaucoup ! La technique fera la différence. Il utilise la reproduction, le multiple. La MACHINE crée des stéréotypes ; période des Sérigraphies sur toile . Aux USA il y a une UNIFORMMISATION de la vie, du comportement humain. Riches ou pauvres ont accès aux mêmes produits. C’est le RÊVE AMERICAIN. ••• L’ART est lié au QUOTIDIEN. Andy WARHOL veut faire du trivial et du vulgaire la matière de l’ART. Le POP art est né dans une SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE. Le DESIGN, la médiatisation sont des signes du temps. ••• La publicité s’empare de tous les produits, fait une mise en scène. Il faut séduire le consommateur par l’EMBALLAGE du produit. L’objet devient fragile, jetable. Renée Mauri Amoros 12 • L’installation - Le conceptuel Tableau-Piège de Daniel SPOERRI de 1965 À la même époque Daniel SPOERRI est l’inventeur du EAT ART = art comestible - Un HAPPENING, le NOUVEAU RÉALISME. Le 9 mars 1963 : Dans la Galerie J. un repas a été préparé par SPOERRI, servi par de célèbres critiques. Une fois repus, les convives ont confectionné leurs propres tableaux-pièges en collant les restes en l’état de leur repas - sur la table où il a été consommé, puis la table, devenue un tableau-piège, a été fixée au mur. C'est la 1ère tentative d'une œuvre d'art collective de dimension métaphorique et sacrée, humoristique et morbide : «l'artiste aux fourneaux et le critique servant la soupe», communion autour du repas pascal… L'expérience des banquets et des repas s’est répétée de nombreuses fois, les happenings produisant autant d'œuvres d'art. L’œuvre de Daniel Spoerri rend compte de la société de consommation qui mange, il se sert dans les poubelles de ses voisins, de ses congénères. Il s’agit du détournement d’un moment important de la journée, qui est figé et réinvesti dans l’art. Le repas n’est plus le moment convivial qu’il était avant, il devient la nouvelle cible des grosses sociétés de consommation, on se retrouve presque dans une succursale d’une enseigne de la restauration rapide alors que l’on est chez soi. Daniel Spoerri fige les restes de grands repas en collant chaque objet à sa place et en l’état pour les présenter tel quels. Il choisit d’enfouir en 1983 sous terre, les restes d’un grand pique-nique en Jouy en Josas puis de les déterrer 10 ans plus tard à la manière de vestiges antiques. Il appelle ça « le déjeuner sous l’herbe ». Vingt-sept ans après les faits Le Déjeuner sous l'herbe, renaît de son humus. Une fouille archéologique, en 2010 comme prévue dès l'origine par l'artiste, fut menée sur quelques mètres de cette tranchée en collaboration étroite avec Daniel Spoerri et des anthropologues. Car la démarche, n'était pas un gag créatif : elle "posait de vraies questions sur les liens entre les mondes artistiques et scientifiques. Renée Mauri Amoros 13 • Art conceptuel Plus près de nous voici le Repas CHROMATIQUE de Sophie CALLE, photographe, plasticienne, écrivaine. De l’OBÉISSANCE - photographies 1998 Sophie CALLE s’est inspirée de la vie de Maria Braun, héroïne de LEVIATHAN le roman de Paul Auster de 1992. Ce personnage de fiction s'imposait certaines semaines de manger des aliments d’une couleur donnée chaque jour. Par exemple : Orange le lundi (carottes, melons, crevettes..), rouge le mardi (tomates, grenades..), blanc le mercredi (turbot, fromage frais..), vert le jeudi (concombres, brocolis épinards ). Sophie Calle s’est réapproprié le texte, a poursuivi le JEU, a choisi jaune le vendredi (omelette, pomme de terre..), rose le samedi (jambon, tarama...). Une mise en jeu testée, vécue, réalisée, photographiée, mêlant la fiction à la réalité. Elle a suivi ce régime durant la semaine du 8 au 14 décembre 1997. Le dimanche elle a convié six amis à déguster l’ensemble des menus de la semaine, réalisant ainsi un éventail de couleurs. L’exposition consiste en une série de photos avec l’indication des menus journaliers. La vie de Sophie est son œuvre entière, une œuvre drôle, émouvante, étrange, folle, obsessionnelle, démesurée, jubilatoire, triste ou décalée. Elle met en scène son existence, soit pour se trouver une raison d’être, ou bien pour exorciser ses peurs et ses trop-pleins d’affect, ou peut-être parfois par lubie et par jeu, tout simplement ? Renée Mauri Amoros REMERCIEMENTS aux membres du Club Soroptimist InternationaI de PARIS-SUD qui ont participé à cette recherche : • Renée MAURI AMOROS • Evelyne BENESBY • Brigitte BULLIER • Aurélia BLARD •••••••• En conclusion de ce survol, l’œuvre d’art et son créateur sont le reflet et le témoin d’une époque, d’une société. Et NIETZSCHE a dit : « Sans la différence, l’Art n’existerait pas. »