Keynes et les Institutions - Département des relations industrielles

L’économie politique du capitalisme raisonnable :
Keynes, Commons et les institutions
Ali BouhaiIi et Slim Thabet1
COLLOQUE “VERS UN CAPITALISME RAISONNABLE ?
LA RÉGULATION ÉCONOMIQUE SELON J.R. COMMONS
Québec : 16-17 octobre –2008
Agence Universitaire de la Francophonie – Université Laval
(version provisoire, ne pas citer)
« De l’absence de mots, il ne faut pas conclure
à l’absence d’interprétation »
M. Heidegger
Résumé
Dans la monumentale biographie que Skidelsky a consacrée à J-M.Keynes figure un passage
énigmatique pour ne pas dire étrange. Selon Skidelsky, J-R.Commons « représenterait l’une des
plus éminentes influences méconnues de J-M.Keynes ». Cette impression d’étrangeté est encore
accentuée par les propos tenus par J-M.Keynes lui-même dans une missive à J-R.Commons. Dans
cette lettre Keynes écrit, en effet, « There seems to me to be no another economist with whose
general way of thinking I feel myself in such genuine accord ». En forçant quelque peu le trait, on
pourrait considérer que les propos de Keynes vont au-delà de l’expression de la simple amabilité ou
d’une proximité de pensée certaine, mais laissent entendre une communauté pour ne pas dire une
communion d’esprit ! Le passage de Skidelsky ainsi que les propos épistolaires de Keynes
soulèvent une multitude de questions : d’abord, à quel moment et de quelle manière les relations
entre Keynes et Commons se sont-elles nouées ? Ensuite, si effectivement, influence de Commons
sur Keynes il y a eu, à quel niveau doit-on la situer ? Et enfin, dans la mesure Commons
représente l’une des figures centrales de l’Institutionnalisme Historique Américain et au-delà des
rapports de Commons et Keynes, peut-on considérer que l’influence exercée par Commons autorise
à considérer que non seulement les institutions occupent une place centrale dans la pensée
économique de Keynes, mais que sa conception des institutions est elle-même singulière? Pour
apporter des réponses à ces question, il faut envisager désormais sérieusement, à travers ce que nous
appelons l’hypothèse Commons, un réexamen de l’évolution de la pensée économique de Keynes à
la lumière de l’influence de l’Institutionnalisme Historique Américain en général et de celle de
1 CRIISEA, Université de Picardie Jules Verne, Pôle Universitaire Cathédrale, 10, Placette Lafleur BP 271680 027 – Amiens Cedex
1
Commons en particulier. Ce réexamen doit permettre de repenser les idées économiques de Keynes
dans l’optique de l’action collective comme une parmi les voies incontournables de la résolution du
« problème économique » des économies capitalistes modernes. Cette voie, qui prend acte des
dynamiques des conflits et des compromis, passe nécessairement par les institutions comme entités
de médiation à la fois entre le niveau macro-économique et le niveau micro-économique et entre les
groupes d’acteurs économiques et l’Etat. On est très loin des approches (néo-)autrichiennes ou néo-
institutionnalistes.
Mots clés: Institution, Institutionnalisme, Keynes, Commons
Key Words: Institution, Institutionalism, Keynes, Commons
Introduction
Selon R.Boyer [2004], après que les monétaristes aient affirmé pendant les années cinquante
que « money matters » et que les néo-classiques, adeptes de l'équilibre général, aient poursuivi
vainement « the right price », désormais tous les économistes expriment peu ou prou leur adhésion
à l'idée selon laquelle « institutions do matter ». Cette adhésion est néanmoins hautement
problématique et en tout cas très contestable. Elle a pour prétention d'unifier de nouveau, mais d'une
façon comme naguère illusoire, la science économique faisant ainsi des institutions l'alpha et
l'oméga de toute analyse économique jugée sérieuse2. L’unification s’effectue, en effet,
exclusivement sous l’emprise de la morale repoussant ainsi en arrière plan la question du politique
et de l’éthique (B. Amable et C. Palombarini [2005]). En outre, dans la mesure elle s’inscrit
globalement dans le cadre des programmes de recherche orthodoxes, elle revient à escamoter et/ou
à défigurer les dimensions institutionnelles de la pensée des grands auteurs hétérodoxes. Marx pour
des raisons liées fondamentalement au reflux de la pensée critique et à l’écroulement du «socialisme
réel», Keynes, à cause de la domination de la synthèse et du fait que les néo-keynésiens se sont
situés eux-mêmes délibérément sur le même terrain que les nouvelles orthodoxies. Le résultat est
que le domaine des institutions, à l’exception de tentatives à la fois relativement rares et très
disparates, a été laissé entièrement ouvert à l’investissement intensif des théoriciens de la nouvelle
économie institutionnelle tels que Williamson et North [et d’autres qui courent toujours]. Du coup,
ceux dont les ancêtres ont toujours récusé l’importance de la hiérarchie et du pouvoir au profit de
l’équivalence et de l’échange se sont métamorphosés par une sorte de divine surprise en chantres
patentés des institutions. Que les institutions importent et que leur rôle soit fondamental pour saisir
la nature profonde ainsi que les modalités complexes du fonctionnement des économies capitalistes
contemporaines, personne ne peut en douter sérieusement aujourd’hui! Mais, que l'intérêt pour les
institutions soit devenu le monopole exclusif des courants orthodoxes, nous paraît inacceptable et
demeure en tout cas assez énigmatique.
On ne peut par conséquent que déplorer la rareté des travaux consacrés à ce thème chez
Keynes. Non seulement son œuvre est jalonnée de nombreuses3 références aux institutions (et aux
2 Cette dérive qui relève du « réductionnisme » se manifeste sous différentes formes dont la plus manifeste consiste à considérer que
tout problème économique quelque soit sa nature est réductible à la problématique des institutions et ne peut ainsi avoir comme
explications et comme solutions que des explications et des solutions institutionnelles. On peut à juste titre parler d’une sorte
«d’institutionnalisme méthodologique ». Au credo « point de salut hors du marché » s'est substitué un autre « point de salut hors de
l'institution ».
3 Nous verrons par la suite que ces références sont non seulement disparates car plus fréquentes dans dans certains textes
fondamentaux des années vingt jusqu'au Traité que dans la Théorie Générale, mais leur statut est aussi inégal. Alors que dans les
textes antérieurs à la Théorie Générale, les institutions (en même temps que la nécessité et les conditions du changement
institutionnel) sont explicitement pris en considération, dans celle-ci, pour de multiples raisons notamment liées à la méthode adoptée
par Keynes, elles sont en partie « données » et entrent ainsi sous la clause ceteris paribus (Cf A. Bouhaili et P.Maurisson [2000]) et
2
règles, conventions, coutumes, habitudes…etc.) comme « entités » de médiation inhérentes à la
structure de l’économie monétaire de production, mais il fut lui même un « institutions builder »4.
Or, il est très clair qu’on ne peut comprendre sa pensée économique notamment celle de la Théorie
Générale qu’en la considérant comme une composante encastrée dans un système social politique
et institutionnel plus large. Mieux, Keynes a noué assez tôt des relations privilégiées et durables
avec des figures éminentes du courant progressiste américain en général et de l’institutionnalisme
historique en particulier. Toutefois, si la proximité entre Keynes et les institutionnalistes historiques
américains5 a été soulignée à plusieurs reprises, la littérature portant sur leurs rapports se limite
néanmoins à de simples mises en parallèle de quelques thématiques supposées communes et
fortement teintées d’institutionnalisme (l’incertitude, la monnaie…etc.). Ces mises en parallèle se
conjuguent sous le mode de la déploration, pour des raisons variables d’un auteur à l’autre, du
rendez-vous annoncé et pourtant manqué entre keynésianisme et institutionnalisme et/ou soit sous le
mode de la nostalgie de la perte d’un lien qui aurait effectivement existé entre les deux corpus et
qu’il s’agit de retrouver. Il est désormais possible et, à notre avis, nécessaire d’aller plus loin en
mettant en évidence les fondements institutionnalistes de l’économie de Keynes. C’est par
conséquent l’insatisfaction à l’égard de la thèse du simple rapprochement qui justifie la nécessité
d’ouvrir un débat sur les possibilités d’une (re-)lecture, dans une perspective institutionnaliste de la
pensée économique keynésienne.
Dans une lettre qui date du 26 avril 1927, Keynes écrit à l’adresse de son interlocuteur, « il
me semble qu’il n’y a pas d’autre économiste avec qui je me sente en tel authentique accord avec la
façon de penser ». Le correspondant à qui Keynes s’adresse en ces termes n’est autre que John
Rogers Commons, qui, quelque temps auparavant, lui avait envoyé la copie d’un article qu’il
s’apprêtait à publier. Quant on connaît l’orgueil voire même l’arrogance de Keynes, sa confiance
démesurée en lui-même, la virulence de ses opinions à l’égard indifféremment d’ailleurs de ses
amis comme de ses adversaires et surtout ses réticences à reconnaître d’avoir tort ou à donner raison
à ses contradicteurs, on est frappé par le ton de la mesure et les sentiments de sincérité qui se
dégagent des propos tenus dans cette lettre6. Cependant, rarement dans les études consacrées à la
pensée de Keynes, il n’est fait mention de ses rapports avec les fondateurs et les héritiers de
l’Institutionnalisme Historique Américain7. Il en est ainsi notamment dans les deux biographies
monumentales de Keynes. Alors que Moggridge ignore totalement ces rapports 8, comme R. Harrod
[1951] d'ailleurs, G. Dostaler [2005] mais surtout R.Skidelsky [1992] y prêtent un peu plus
d’attention. Ce dernier commence par souligner très brièvement l’influence de J-R.Commons sur la
conception de l’évolution du capitalisme en termes de succession/articulation du triptyque des trois
en partie seulement suggérées.
4 Ce rôle que Keynes a endossé durant toute sa vie s'est manifesté en particulier lors des négociations de Bretton Woods. Cf.
Dostaler [2005]
5 Certains auteurs keynésiens ont perçu relativement tôt cette proximité. Il suffit pour s'en convaincre de méditer l'exemple d'A.
Barrère [1952] qui dans "Théorie économique et impulsion keynésienne" écrivait, déjà : « dans sa prise de position (au sujet de la
nécessité de la régulation du capitalisme (c'est nous qui ajoutons) Keynes intègre dans l'élaboration scientifique les changements de
structure, les transformations institutionnelles et l'action de l'autorité publique. Sans qu'il en fasse directement état, son explication
se rattache, d'assez loin sans doute à celle des institutionnalistes américains (c'est nous qui soulignons)». Il faut remarquer par
ailleurs que tous ceux qui se sont intéressés aux rapports entre Keynes et les institutionnalistes historiques américains insistent sur la
nécessité de leur consacrer des études propres.
6 Il ne s’agit pas ici de faire l’analyse des propos de la lettre «orpheline » de Keynes dans la mesure mystérieusement nous ne
disposons pas de la lettre de Commons. Mais, il est important de souligner de prime à bord certains passages assez significatifs
comme par exemple « jugeant à grande distance….etc. » en les mettant en contraste avec la très grande proximité dans la façon de
penser.
7 Un des éléments d’explication possibles réside dans l’idée assez répandue de la concurrence en particulier aux Etats-Unis, entre les
deux perspectives. Cette concurrence aurait tournée en défaveur des institutionnalistes. Le déclin de l’influence de
l’institutionnalisme serait donc imputable au triomphe des idées keynésiennes. Sans aller jusqu’à récuser totalement cette idée, nous
pensons qu’il faut plutôt la nuancer. Les deux perspectives sont, à notre avis, beaucoup plus complémentaires que concurrentielles.
Plus exactement, si concurrence il y a eu, c’est avec le keynésianisme de la synthèse, celui des Samuelson, Hansen…etc. et non avec
les idées de Keynes lui-même. Et si triomphe du keynésianisme, il y a eu, c’est de ce triomphe-là dont il s’agit.
8 Commons n’est même pas mentionné dans les indexes contrairement à ce qui est le cas pour Wesley C. Mitchell.
3
phases de rareté, d’abondance et de stabilisation, et termine cependant son propos par une formule
qui ne dit pas assez si elle n’en dit pas trop en affirmant qu’il faut compter Commons parmi « les
plus grandes (ou les plus éminentes) influences méconnues sur Keynes (spn) ».
Le passage de Skidelsky ainsi que les propos épistolaires de Keynes soulèvent une multitude
de questions : d’abord, à quel moment et de quelle manière les relations entre Keynes et Commons
se sont-elles nouées ? Ensuite, si effectivement, influence de Commons sur Keynes il y a eu, à quel
niveau doit-on la situer ? Et last but not least, dans la mesure Commons représente l’une des
figures centrales de l’Institutionnalisme Historique Américain (IHA) et au-delà des rapports de
Commons et Keynes, peut-on considérer que l’influence exercée par Commons autorise à
considérer que non seulement les institutions occupent une place centrale dans la pensée
économique de Keynes, mais que sa conception des institutions est elle-même singulière ? C’est la
nécessité de répondre à l’ensemble de ces questions qui justifie l’intérêt de ce papier. A notre sens,
il faut envisager désormais sérieusement, à travers ce que nous appelons l’Hypothèse Commons,
une relecture de l’évolution de la pensée économique de Keynes à la lumière de l’influence de
l’Institutionnalisme Historique Américain en général et de celle de Commons en particulier. Cette
relecture doit permettre de repenser les idées économiques de Keynes dans l’optique de l’action
collective comme une des voies incontournables de la résolution du « problème économique » des
économies capitalistes modernes. Cette voie, qui prend acte des dynamiques des conflits et des
compromis, passe nécessairement par les institutions comme entités de médiation à la fois entre le
niveau macro-économique et le niveau micro-économique et entre les groupes d’acteurs
économiques et l’Etat. Il s’agit par conséquent de s’interroger sur les fondements de la théorie de
l’action collective chez Keynes.
Cependant, nous ne prétendons pas apporter des réponses complètes et définitives à
l’ensemble de ces questions, nous nous limiterons ici à esquisser les éléments essentiels constitutifs
de l’argumentaire qui plaide en faveur de l’Hypothèse Commons. Pour ce faire, nous reviendrons
dans un premier temps très brièvement sur les questions de méthode qu’elle soulève du point de vue
de l’histoire de la pensée économique. Nous montrerons notamment l’inadéquation des méthodes
classiques dominantes dans les procédures d’écriture de l’Histoire de la Pensée Economique. Notre
préférence va, étant donné la nature de l’objet, à l’herméneutique. Nous tenterons, dans un
deuxième temps de démêler, dans une perspective généalogique, les écheveaux des relations entre
Keynes et les figures du progressisme, d’un côté, de l’autre, entre Keynes et les institutionnalistes
historiques américains.
I.De nouveau la querelle des méthodes : les vertus de l’herméneutique
Rares sont les champs économiques qui ont donné naissance à un conflit des méthodes, aussi
exacerbé et toujours non tranché, que celui de l’Histoire de la Pensée Economique. Un tel constat
est néanmoins compréhensible dans la mesure l’objet des recherches dans ce domaine ne
concerne pas uniquement les débats sur les perceptions du passé mais surtout les enjeux du présent.
D’un point de vue général, on peut convenir aisément, en effet, qu’à chaque fois que l’économie a
connu des crises graves, elle s’est retournée vers son Histoire pour tenter de les dépasser pour le
meilleur comme pour le pire. C’est ce qui explique que les deux questions fondamentales qui
s’imposent à tout historien de la pensée sont, d’une part, celle de la justification de l’objet, de
l’autre, celle de la méthode choisie pour en traiter. En d’autres termes, cette double question peut
être formulée de la façon suivante : Pourquoi, et selon quelle méthodologie, peut-on faire de
l'Histoire de la pensée économique? Une telle question a été soulevée, d'une façon lancinante, par la
quasi-totalité des historiens de la pensée économique sans réussir à lui trouver des réponses
satisfaisantes ou du moins susceptibles de faire l'objet d'un consensus même relatif. Tous ceux qui
se sont intéressés de près ou de loin à ce domaine y ont été confrontés. Ainsi, On trouve chez J-
4
A.Schumpeter [1983] comme chez M.Blaug [1983] de très larges développements à propos de la
meilleure démarche à suivre. Ces deux « autorités » sont citées ici à dessein dans la mesure tout
ce qui se fait dans ce domaine, notamment du point de vue académique, doit se situer peu ou prou
en fonction de « l'opposition » de leurs approches respectives. Le premier s'explique longuement sur
sa conception. Il expose sa propre définition de la « science économique » en la mettant en rapport
avec les conditions spécifiques qui caractérisent le processus de la production théorique en
économie. Il souligne à maintes reprises le « doute » qui le saisit à propos du degré de « pertinence
» de sa propre entreprise. Le second procède tout autrement. Il tranche dans le vif par des
affirmations qui ne tolèrent aucune hésitation en fixant comme objet de l’Histoire de la pensée
économique l’étude critique des « principaux économistes du passé », sans égard pour leur parcours
intellectuel, ni pour les conditions sociales de leur époque, ni à fortiori pour leurs prédécesseurs ou
leurs héritiers. Pour y parvenir, il affirme disposer de « normes » qui ne sont autres que celles de la
« théorie contemporaine »?! Le résultat est évidemment très contrasté: d’un côté, une vision qui
élargit le domaine l’Histoire est censée rendre compte de la pensée économique, de l’autre, une
conception qui le restreint jusqu’à le réduire à une «peau de chagrin» en faveur de la théorie
économique9.
De nombreux travaux récents entrepris notamment par A.Lapidus et M.Baslé10,
reposent cette même question, avec beaucoup de courage, il faut le noter. Les approches qu'ils
proposent n'offrent pas cependant des éléments suffisants pour permettre de dépasser l'opposition J-
A.Schumpeter/M.Blaug. La raison en est que dans les deux cas on reste prisonnier de la nécessité de
«construire» l'Histoire de la pensée économique à partir d'un point de vue unitaire.
A.Contre le monolithisme dans les procédures d'écriture de
l'Histoire de la pensée
En entreprenant une véritable interrogation des fondements de l’Histoire de la pensée
économique en tant que discipline, A.Lapidus aboutit à une conclusion très ambiguë. On peut tout
aussi bien, en effet, la comprendre comme une souscription ou un appel à une nouvelle manière
d'écrire l'Histoire de la pensée économique, que comme un constat de la vanité de toute tentative
allant dans ce sens puisqu'il s'agit, de l'aveu même de l'auteur, d'une "Histoire de la pensée
économique qui ne verra jamais le jour". Au delà de cette ambiguïté, l'intérêt des réflexions
d'A.Lapidus réside néanmoins dans les éclairages relativement "nouveaux" qu'il projette sur les
dispositifs méthodologiques adoptés en Histoire de la pensée économique.
En soulignant d'abord l’immaturité, ensuite les difficultés et les confusions d’ordre
épistémologiques qui caractérisent ce champ particulier du savoir économique, A.Lapidus tente, en
effet, de mettre en évidence la nature, et de discuter la validité, des différentes démarches qui y sont
prédominantes. Il identifie ainsi trois démarches distinctes: La démarche extensive, la démarche
rétrospective, marquées par l'esprit relatif de fidélité au passé, et enfin, une troisième qui se détache
de cet esprit, la démarche intensive. La position extensive, consiste selon les propres termes de
l’auteur à «interpréter un ensemble d’énoncés anciens en fonction de la problématique en
vigueur à l’époque ils ont été établis » 11. Elle a pour objectif de mettre en évidence les
9 Les positions des deux auteurs ne sont pas aussi tranchées. Nous avons volontairement grossi le trait. Nous sommes néanmoins
d’accord avec l’opinion de Blaug selon laquelle Schumpeter serait absolutiste dans l’intention mais relativiste dans la pratique. Il est
vrai que dans l’introduction de l’Histoire de l’analyse économique, Schumpeter affiche très clairement un certain penchant pour
l’absolutisme, mais dans le corps de l’ouvrage, il est très fortement relativiste.
10 A.Lapidus [1996], « Introduction à une histoire de la pensée économique qui ne verra jamais le jour », Revue Economique, 4,
et M. Baslé [1996], « Débat sur la méthode en histoire de la pensée économique: L’absolutisme intenable de M.Blaug dans une
perspective schumpetérienne de l'histoire de la pensée économique », Economies et Sociétés, Théories de la régulation Série R, n° 9.
11 Idem, p.125. On peut penser que cette démarche recouvre chez M.Blaug à la fois la démarche "historico-historique" et la
"reconstruction historique" selon le degré d'importance qu'on attribue à l'aspect purement analytique de la pensée économique d'un
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