Comité Républicain de Défense de la Santé – CRDS
Mars 2004
DÉONTOLOGIE MÉDICALE : LE GRAND INCENDIE
Le caractère sécuritaire et gestionnaire de la politique sanitaire européenne n’arrive pas à convaincre de son efficience
prétendue.
Au contraire, elle met en évidence de nombreuses faiblesses et l’on se demande comment un tel projet ne soulève pas
la totale désapprobation nationale et médicale ?
Le temps passe, la réforme prend naissance et l’on se fait surprendre par les nouvelles conventions. L’éthique médicale
est noyée dans une conscience professionnelle piégée. La phase de sommeil risque de se prolonger longtemps si les
partenaires sociaux, les salariés et les professionnels de santé ne réagissent pas ensemble rapidement.
Que faut-il craindre de la réforme du système de santé ?
1) La ségrégation sur critères médicaux
L’utilisation de critères médicaux spécifiques se banalise pour juger de l’aptitude des citoyens : ségrégation à
l’embauche, clauses d’exclusion à la délivrance de permis de conduire (« sécurité routière : contre-indications médicales
à la conduite : précisions », communiqué du ministère de la santé du 12 février 2004), d’emprunts bancaires,
d’assurance-vie… Le triage des individus inspiré de l’expérience américaine commence dans les départements
d’information médicale (DIM) des centres hospitaliers universitaires (CHU) où les personnes hospitalisées sont réparties
en groupes homogènes de malades (GHM) (art. 5-II du décret du 11 février 2004).
2) Le conditionnement à la santé
L'obligation de contrôle à la fois des individus sous la forme de contrats de dépistage (article 6 de la loi de santé
publique 2004) et des médecins avec la surveillance et la validation de leur activité médicale par le gouvernement
(inspecteurs de santé publique) (art. 40 et 41 de la loi de santé publique 2004 et art. 5-III du décret du 11 février 2004),
les organismes d’assurance maladie (praticiens-conseils) (art. 5-III du décret du 11 février 2004) et les unions régionales
de médecine libérale (URML) (loi du 4 janvier 1993) conduit nécessairement praticiens et usagers dans une logique de
conditionnement à la santé.
3) Le détournement de l’éthique
L’éthique médicale se fond dans une médecine dite prédictive, efficiente et rentable : martelage médiatique, médecin
référent assigné à chaque patient, parcours thérapeutique imposé, triage des malades, fichage sanitaire de chaque
individu dans les ministères et dans les compagnies d’assurance, fichage et accréditation des établissements de santé
et des prestataires de soins. Il faut : « capitaliser la réflexion éthique au service de la réforme du système de Santé »
(annexe 1 du rapport Cordier). La conscience professionnelle, piégée entre « la carotte et le bâton », est soumise d’une
part à la polarisation carriériste des métiers de la recherche et de la santé et d’autre part aux critères d’efficience et de
rentabilité dictés par les ministères, les transnationales et les compagnies d’assurance.
4) La pénalisation du salarié
La solidarité nationale est potentiellement remise en question par le mode de prise en charge des soins : tarification à
l’activité ou à la pathologie (loi de financement de la sécurité sociale 2004) et panier de soins établi sur les termes d’un
contrat d’assurance maladie (rapport Chadelat). D’autre part les salariés attachés à la sécurité sociale sont les victimes
d’un chantage du patronat de renoncer définitivement au paritarisme et de faire substituer progressivement les
cotisations patronales par l’impôt (hausse de la CSG par exemple) (rapport du haut comité pour l’avenir de la sécurité
sociale). Les salariés sont donc plusieurs fois pénalisés : l’offre de soins est conditionnée, la solidarité entre le patronat
et le salariat est battue en brèches, le salarié doit payer par l’impôt les réductions et les exonérations de cotisations
patronales.
5) Le parcours du combattant dans le réseau de soins
Les patients sont dirigés par un médecin référent vers les établissements de soins choisis par les ARH en accord avec
l'union régionale des caisses d’assurance maladie (URCAM) qui regroupe tous les régimes d’assurance maladie dont
dépendent les patients et manœuvrées par certaines mutuelles et compagnies d’assurances privées qui établissent la
liste des médecins-conseils (praticiens-conseil). Le médecin référent ne dispose d’aucune liberté ; il est le coordinateur
des soins dispensés au patient dans le cadre d’un réseau d’offres de soins géré par l’ARH concernée et le couple
assurantiel dont dépend le patient (ex. : le régime agricole associé à la MSA et GROUPAMA dans les réseaux
gérontologiques). Les ARH, constituées de personnels non représentatifs de la population sont personnellement
impliquées dans la gestion d’établissements de santé privés, se chargent de répartir les parts de marché entre les
groupes d’assurance et les établissements de santé sous la forme de réseaux appelés schémas régionaux
d’organisation sanitaire (SROS). Nombre d’établissements, en raison de la fermeture ou de la transformation des
hôpitaux de proximité et de la « filiarisation » des malades dans les schémas imposés, deviendront des goulots
d’étranglement pour des bassins entiers de population et les listes d’attente seront inévitables.