ANATOMIE PATHOLOGIQUE DES CANCERS DU SEIN
Docteur MC. MATHIEU
Département de Biologie et de Pathologie Médicale, Institut Gustave Roussy
Le pathologiste intervient à différentes étapes de la prise en charge des cancers du
sein : le diagnostic, l’extension loco-régionale, l’évaluation de facteurs pronostiques et de
facteurs prédictifs de réponse au traitement.
I) Diagnostic pré-opératoire :
Celui-ci doit se faire avant la chirurgie, soit sur cytoponction, soit sur biopsie.
La cytologie a une excellente fiabilité pour le diagnostic des tumeurs palpables quand
elle est réalisée par des mains entraînées dans une équipe pluri-disciplinaire. Elle permet de
réaliser un « diagnostic en un jour ».
Les microbiopsies sous guidage clinique ou sous échographie sont réalisées pour les
opacités et les macrobiopsies sous stéréotaxie ou IRM pour les foyers de microcalcifications
ou prise de contraste. Elles permettent, en plus de diagnostic de malignité, de déterminer :
- le caractère in situ ou infiltrant de la prolifération,
- le grade histopronostique des carcinomes infiltrants
- les biomarqueurs : récepteurs hormonaux, HER2
II) Classification des cancers du sein :
Les principales structures épithéliales du sein sont les lobules (structures terminales) et
les canaux qui s’agencent vers le mamelon. Les carcinomes qui en dérivent sont généralement
de type lobulaire ou canalaire.
On distingue les carcinomes infiltrants et les carcinomes in situ.
1) Le carcinome in situ
Le carcinome in situ est situé dans les structures épithéliales et n’infiltre pas le tissu
conjonctif.
a) Carcinome lobulaire in situ :
Il est constitué de cellules d’allure néoplasique situées uniquement dans l’épithélium
des lobules mammaires et ne franchissant pas la membrane basale.
Cette lésion est le plus souvent de découverte fortuite. Le carcinome lobulaire in situ
de « forme classique » est constitué de petites cellules et peut être difficile à différencier des
hyperplasies lobulaires atypiques. Ces deux entités sont aussi regroupées sous le terme
« néoplasie lobulaire » . Le carcinome lobulaire in situ est associé à un risque élevé de
développer un cancer infiltrant du sein (RRx9) mais ne représente pas une lésion cancéreuse
en soi (pas de malignité vraie locale et générale). Il s’agit d’une lésion à risque nécessitant une
surveillance.
Des formes moins fréquentes ont été récemment décrites et peuvent se présenter sous
forme de microcalcifications : il s’agit du carcinome lobulaire in situ avec nécrose et du
carcinome lobulaire in situ à cellules pléiomorphes. Ces deux dernières formes ont une
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évolution différente de la forme classique et doivent être traitées comme des carcinomes
canalaires in situ.
b) Carcinome intracanalaire :
Ce type de carcinome situé dans les canaux, est en augmentation avec le dépistage par
mammographie. Il représente environ 20% des carcinomes.
Il est constitué de cellules authentiquement tumorales mais seulement localisées dans
la lumière des canaux, ne franchissant pas la membrane basale. Il est révélé dans 70 à 80%
des cas par des microcalcifications.
Le pathologiste devra déterminer :
- le type architectural du carcinome : micropapillaire, cribriforme ou massif
- le grade nucléaire : faible, intermédiaire ou élevé
- la présence ou pas de nécrose
- la taille histologique du carcinome
- l’état des marges d’exérèse.
Pour déterminer le risque de rechute, diverses classifications sont utilisées : la
classification pronostique de Van Nuys comprend trois grades, définis par le grade nucléaire
et la nécrose (Silverstein, 1995).
grade nucléaire
nécrose
grade 1
faible/modéré
absente
grade 2
faible/modéré
présente
grade 3
haut
-/+
Les facteurs prédictifs de récidives mammaires lors de traitement conservateur
sont : - le grade nucléaire élevé et la nécrose
- les marges envahies
- une taille élevée
L’analyse des pièces d’exérèse pour le carcinome intracanalaire doit être faite avec
rigueur par le pathologiste puisque les facteurs de risques de rechute locale dépendent
entièrement de la qualité de l’analyse pathologique.
Par ailleurs, il doit être recherché une micro-invasion associée à une augmentation du
risque de métastase ganglionnaire axillaire.
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2) Carcinome infiltrant :
Ce carcinome a franchi la membrane basale et s’étend dans le tissu conjonctif. Outre le
diagnostic, le pathologiste devra rechercher des facteurs pronostiques de rechute locale, de
métastase et les facteurs prédictifs de réponse au traitement.
a) Caractéristiques de la tumeur
Les paramètres histopathologiques devant être évalués sont les suivants :
- taille tumorale :
Il s’agit de la taille macroscopique déterminée sur la pièce avant fixation. Si cette taille
est différente à l’examen microscopique, c’est la taille microscopique qui sera retenue.
- le type histologique :
La forme la plus fréquente dans les cancers du sein est le carcinome canalaire infiltrant
(appelé « carcinome sans type spécifique » dans la dernière classification OMS 2012) (85%
des cas). Ensuite environ 10 % des cas sont des carcinomes de type lobulaire et les 5%
restants regroupent des formes plus rares.
Certains carcinomes ont des particularités :
Le carcinome lobulaire infiltrant présente un aspect radiologique atypique. En
histologie, il est constitué de cellules isolées, au sein d’un abondant stroma. Il n’exprime pas
une molécule d’adhésion, la E-cadhérine, qui peut être recherchée par immunohistochimie. Ce
carcinome est un mauvais candidat au traitement conservateur en raison d’une mauvaise
limitation des tumeurs et d’un risque élevé de multicentricité. Il comporte des sites
métastatiques particuliers, gynécologiques et digestifs.
Le carcinome tubuleux et le carcinome mucineux ont un bon pronostic.
- le grade histopronostique :
Le grade de Scarff-Bloom et Richardson (SBR) modifié par Ellis et Elston est le plus
utilisé. Il prend en compte trois critères histologiques : la différenciation, le pléiomorphisme
nucléaire, les mitoses.
critère observé
score
1
2
3
degré
de
différenciation
> 75%
de cavités
glanduliformes
entre 10 et 75%
de cavités
glanduliformes
< 10%
de cavités
glanduliformes
pléiomorphisme
nucléaire **
noyaux
tous réguliers irrégularités
modérées nombreuses;
monstruosités
nucléaires
activité
mitotique sur 2 mm² 0-6 7-14 15
3
3 , 4 ou 5 : grade I pronostic favorable
Total 6 ou 7 : grade II pronostic intermédiaire
8 ou 9 : grade III pronostic défavorable
- l’activité mitotique
Parmi les trois composants du grade, l’activité mitotique a été le plus étudié. Une
activité mitotique élee est un facteur prédictif de réponse à la chimiothérapie adjuvante.
- Ki67
L’anticorps Ki67 est un marqueur de prolifération exprimé par les cellules en cycle
(phases G1, G2, S, M). Des études récentes concordent pour montrer la valeur pronostique
défavorable d’un index Ki67 élevé. De nombreuses études sont en cours pour améliorer la
standardisation de la lecture et le choix du seuil de positivité (entre 10 à 20% selon les études)
- les récepteurs hormonaux
Les récepteurs hormonaux sont de siège nucléaire et sont mis en évidence par
immunohistochimie. Le pourcentage de cellules tumorales marquées et l’intensité de
marquage doivent être évalués.
Les tumeurs sont considérées comme négatives lorsque moins de 10% des cellules
tumorales sont marquées.
Les récepteurs hormonaux peuvent être évalués sur micro, macro-biopsie ou pièce
opératoire.
A noter que le statut hormonal de la tumeur mammaire est modifié jusque dans 25%
des cas au niveau des récidives et des métastases.
Le marqueur prédictif de réponse à l’hormonothérapie le plus important est
l’expression des récepteurs hormonaux (récepteurs aux oestrogènes et récepteurs à la
progestérone).
- HER2 :
L’amplification du gène HER2 conduit à une surexpression de la protéine et une
stimulation de la croissance cellulaire.
On peut évaluer soit l’amplification du gène par hybridation in situ, soit l’expression
de la protéine au niveau de la membrane cellulaire par immunohistochimie (IHC). Il existe
une surexpression et une amplification de HER2 dans 15% des cancers du sein.
Un score de marquage est déterminé (recommandations ASCO 2013)
marquage IHC
score
surexpression
absent ou membranaire < 10%
0
négatif
membranaire partiel, non visible
au faible grandissement > 10%
1+
négatif
membranaire partiel, visible au
faible grandissement ou complet
faible et modéré > 10%
2+
équivoque
FISH
membranaire complet intense
> 10%
3+
positif
4
La recherche de l’amplification de HER2 est réservée aux cas dont le résultat d’étude
immunohistochimique est de score 2+. Il existe une concordance de plus de 95% entre
l’hybridation in situ et l’immunohistochimie pour les cas de score 0, 1+ et 3+.
Cette étude de l’amplification se fait par hybridation in situ fluorescente (FISH) ou
chromogénique (CISH).
On détermine le nombre de spots correspondant au nombre de copies du gène HER2.
La tumeur est considérée comme amplifiée s’il existe au moins 6 copies du gène HER2.
Cette évaluation est plus précise si l’on réalise aussi l’évaluation du nombre de
centromères du chromosome 17. Dans ce cas, le ratio du nombre de copies du gène HER2
divisé par le nombre de centromères du chromosome 17 est évalué. La tumeur est considérée
comme amplifiée si ce ratio est supérieur à 2.
L’oncogène Her2 est une cible pour le Trastuzumab (Herceptin) ou pour les
inhibiteurs de tyrosine kinase de Her2 comme le lapatinib (Tyverb®). Seules les patientes
dont la tumeur surexprime Her2 (score 3+) ou est amplifiée seront éligibles pour recevoir ces
traitements.
Le statut HER2 est modifié dans 10% des cas au niveau des métastases.
- Sous-types moléculaires :
Ces sous-types sont issus de la classification définie par l’analyse génomique. La
génomique a permis de regrouper les tumeurs en fonction de leur profil d’expression génique.
Leur phénotype a été étudié et a permis de définir 4 groupes de phénotypes différents, appelés
sous types « moléculaires »
La classification moléculaire se rapporte aux constituants normaux du sein :
1) les cellules luminales, qui bordent la lumière des lobules et des canaux, expriment les
cytokératines CK8/18, CK19.
2) Les cellules myoépithéliales (ou basales) entourent les cellules luminales et sont au
contact de la membrane basale. Elles expriment les cytokératines CK 5/6, CK14, CK17.
Les sous-types dits « moléculaires » ont été pris en compte dans le consensus de
Saint Gallen 2011 :
1) les tumeurs triple-négatifs sont RE-, RP-, HER2-.
Ces tumeurs comportent 85% de tumeurs basal like définies par l’expression des
cytokératines de type basal.
Ce groupe comprend des carcinomes canalaires infiltrants de grade III, des carcinomes
métaplasiques, la plupart des carcinomes liés à une mutation de BRCA1.
Ce sous-type a le pronostic le plus défavorable. Il est associé à un taux plus élevé de
réponse complète à une CT néoadjuvante. Des essais thérapeutiques avec des agents altérant
la réparation de l’ADN comme les inhibiteurs de PARP (poly ADP-ribose polymerase) se
mettent en place pour cette catégorie de tumeurs représentant moins de 15% des tumeurs du
sein.
A noter que le groupe des tumeurs triple-négatifs est hétérogène et comprend des
carcinomes rares tels que les carcinomes juvéniles et adénoides kystiques sont de bon
pronostic.
2) le groupe HER2 comprend les tumeurs HER2+ RE- RP-.
Ce groupe comprend des tumeurs de type apocrine et des carcinomes canalaires
infiltrants de grade II et III. Leur pronostic est défavorable.
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