Lettre d’information et d’analyse sur l’actualité bioéthique N°66 : Juin 2005 France : proposition de loi sur le clonage thérapeutique 1er clonage humain ? En mai 2005, l’équipe coréenne du Pr Woo Suk Hwang annonce avoir réussi à cultiver onze lignées de cellules souches obtenues à partir d’embryons clonés, cellules susceptibles de se différencier en divers tissus. Les chercheurs coréens, gênés par l'appellation "clonage" préfèrent parler d'«obtention de lignées de cellules souches embryonnaires par transfert nucléaire ». Aussitôt l’ancien ministre de la recherche Roger-Gérard Schwartzenberg, aujourd'hui député, dépose une proposition de loi demandant d’autoriser en France les recherches sur le clonage thérapeutique. La proposition de loi Afin de "ne pas entraver les chercheurs" français ni "pénaliser les malades", la proposition de loi pose en principe d’autoriser, en les encadrant, les recherches sur le clonage thérapeutique. Pour M. Schwartzenberg, les greffes de cellules souches obtenues à partir d’embryons conçus in vitro et qui ne font plus l’objet d’un projet parental (ce qui est autorisé en France à titre exceptionnel depuis la loi d’août 2004 dont les décrets d’application sont prévus à l’automne 2005 et se pratique déjà sur des lignées de cellules souches embryonnaires importées), peuvent provoquer des phénomènes de rejet. Seules les greffes de cellules obtenues par clonage permettraient d’éviter le rejet immunologique. Le clonage permettrait de constituer des lignées cellulaires totalement compatibles avec le système immunitaire du patient donneur de noyau. Bien que la plupart des chercheurs reconnaissent qu'il y a encore beaucoup à faire pour passer de la compréhension du vivant pathologique à la possibilité de le soigner, cette proposition est soutenue par quatre scientifiques français, les Professeurs Beaulieu, Fischer, Frydman et Peschanski. L'embryon et la politique M. Schwartzenberg balaye les arguments éthiques en estimant que « dans une république laïque, le législateur ne peut transformer un article de foi en article de loi », considérant que le fait de donner un caractère sacré à « un assemblage de 125 cellules encore indifférenciées » « dépend des convictions spirituelles ou philosophiques de chacun »... Dans l’exposé des motifs et s’appuyant sur le texte du Traité établissant une Constitution pour l’Europe, M. Schwartzenberg signale qu' « à son article II-63, la Charte des droits fondamentaux, intégrée à ce traité, prohibe seulement le clonage reproductif humain, mais n’interdit nullement le clonage thérapeutique . Si la ratification de ce traité par la France est autorisée par le référendum du 29 mai 2005, ce traité aura une autorité supérieure à celle des lois, conformément à l’article 55 de la Constitution française de 1958. » La loi de bioéthique française pourrait même être illégale dans l’Union : « Les dispositions de la loi française du 6 août 2004 interdisant le clonage thérapeutique pourraient être censurées par la Cour de justice de l’Union européenne ». « En effet, comme le rappelle désormais expressément l’article I-6 de la Constitution européenne, le droit de l’Union européenne prime sur le droit des États membres ». Clonage : avancée scientifique ? Le clonage thérapeutique n'a d'autre but que d'obtenir des cellules souches embryonnaires en vue de trouver de nouvelles thérapies. Or : - la thérapie avec les cellules souches embryonnaires ne donne pas de résultats. En Grande Bretagne, la recherche sur les embryons est autorisée depuis 15 ans : elle ne donne aucun résultat thérapeutique. - ses promoteurs essaient de le justifier en annonçant qu'il leur permettra d'obtenir des cellules souches embryonnaires compatibles avec l'organisme receveur, dont le clone a été issu. Or des recherches montrent que les cellules souches embryonnaires injectées, quelle que soit leur origine (extraites d'un embryon surnuméraire par exemple) ne sont pas rejetées. Il n'est donc pas nécessaire de faire du clonage pour créer un embryon "compatible" avec le donneur. Le clonage est dangereux : - les cellules souches embryonnaires extraites puis injectées ne sont pas contrôlables. En raison même de leur extraordinaire potentiel de différenciation, l'organisme receveur ne sait pas contrôler leur développement. Elles se transforment alors en cellules tumorales, à la différence des cellules souches adultes contrôlées. - 100% des clones (animaux) sont anormaux, donc leurs cellules également... Pour Carine Camby, directrice générale de la toute récente Agence de biomédecine, rien ne presse. "Si nous devons prendre une nouvelle décision, cela ne peut être sous la pression d'une publication scientifique, si intéressante soit-elle." Clonage reproducteur A la suite du rapport de l’Unesco d’août 2004, les scientifiques reconnaissent qu’il n’y a aucune recherche thérapeutique possible sur les cellules embryonnaires, obtenues par clonage ou non, et utilisent aujourd’hui le terme de "clonage de recherche". Que ce clonage soit dit de recherche, scientifique, thérapeutique, ou reproductif, il est, dans tous les cas, reproducteur puisqu'il implique la conception d'un être humain. . . Gènéthique - n°66 – juin 2005 Referendum en Italie : la loi sur la procréation médicalement assistée est maintenue Les 11 et 12 juin derniers, en Italie, les citoyens étaient appelés à abroger par un referendum, certaines mesures de la loi 40 sur la procréation assistée, c'est-à-dire à libéraliser la recherche sur l'embryon et les techniques médicales de procréation. Il fallait 50% + 1 voix de participation pour que le vote soit valide. Les opposants au referendum ont donc appelé à l'abstention. Moins de 26% des électeurs se sont rendus aux urnes. La loi de février 2004 encadrant de façon rigoureuse les conditions du recours à l’AMP et prévoyant des mesures de protection de l’embryon (Gènéthique n°52) ne sera donc pas modifiée. La loi 40 pose comme principe que tous les embryons ont droit à la vie et qu'ils ne peuvent être éliminés ni utilisés comme matériau de recherche. Les méthodes de procréation médicalement assistée doivent respecter ce principe. Il est permis de concevoir par fécondation in vitro un maximum de trois embryons. Ceux-ci doivent être réimplantés immédiatement. Si cette décision permet de respecter la santé de la mère, elle évite aussi la congélation d'embryons "surnuméraires". L'absence de stock d'embryons congelés est la solution la plus sûre pour empêcher la recherche sur les embryons. La genèse de la loi 40 A peine votée, cette loi va être jugée trop restrictive par l'opposition qui va s'efforcer de l'abroger. Le parti radical réunit les 800 000 signatures nécessaires pour obtenir du gouvernement la convocation d'un referendum parlementaire. Le 10 février 2004 le Parlement italien approuve un projet de loi interdisant l'expérimentation sur l'embryon, leur congélation, le recours aux donneurs de sperme ou d'ovocytes ainsi qu'aux mères porteuses. Il restreint aussi la procréation médicalement assistée aux couples hétérosexuels "stables". Le projet final est adopté à une large majorité. Les partisans de la loi se réjouissent alors que l'on mette fin à 25 ans de dérives en médecine de la fertilité, dans ce pays qui a permis à une femme romaine de 62 ans de donner le jour à un enfant et qui a laissé le Dr Antinori annoncer le lancement d'un programme pour cloner des bébés. Il devenait urgent pour l'Italie de redonner clairement des règles en matière de bioéthique. La bataille politique La 3ème voie : l'abstention Les réactions sont complexes dans le camp de ceux qui souhaitent conserver la loi 40 car ils peuvent voter "non" mais ils peuvent aussi s'abstenir. Si le quorum des votants n'est pas atteint, le referendum est déclaré nul et la loi 40 n'est pas modifiée. L'abstention devient de fait un mode d'expression possible et efficace, une troisième voie électorale. Manifestations et spots télévisés appellent à ne pas voter. "La vie ne peut être mise aux urnes, choisis de ne pas voter"... L'Eglise : pour un réalisme politique Si la loi 40 n'est pas parfaite aux yeux des catholiques, puisqu'elle autorise la fécondation in vitro, elle va pourtant trouver auprès d'eux ses principaux défenseurs, car l'essentiel est préservé : la dignité de l'embryon est reconnue et défendue. Dans ce contexte, l'intervention de l'Eglise prend un relief particulier. Le cardinal Ruini, président de la Conférence épiscopale, appelle les Italiens à l’abstention. Il ne s'agit pas de se désengager de la vie politique, indique-t-il, mais au contraire de faire preuve de réalisme politique. Dans un discours adressé à la conférence épiscopale le pape Benoît XVI soutient officiellement l'appel des évêques : "dans un tel engagement, je vous suis proche par la parole et la prière." Aucun compromis Cette intervention très remarquée n'est pas étonnante quand on se souvient de la "Note doctrinale sur l'engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique" (nov. 2002) du cardinal Ratzinger. Passée sous silence en France, elle redéfinit clairement le partage des rôles. La laïcité n'est légitime que si elle est comprise comme "autonomie de la sphère civile et politique par rapport à la sphère religieuse et ecclésiastique", mais non "par rapport à la sphère morale". Les catholiques ont le devoir de "s'opposer de manière précise à toute loi qui s'avère un attentat contre la vie humaine ». Avortement et risque ultérieur de naissance prématurée Une étude, réalisée par l’équipe du Docteur Caroline Moreau dans le cadre du groupe Epipage de l’Inserm (1), analyse le risque de naissance prématurée associé à un avortement provoqué antérieur et en analyse les causes. Cette enquête a été réalisée en 1997 et répertorie les naissances prématurées des maternités de neuf régions françaises, représentant un tiers des naissances. En France, 60% des femmes qui avortent ont moins de 30 ans et la plupart d’entre elles souhaiteront un enfant après un ou plusieurs avortements. Quel sera leur avenir obstétrical ? Augmentation de la prématurité Le lien entre un avortement antérieur et la naissance prématurée est plus fréquent pour la très grande prématurité (entre 22 et 27 semaines de gestation) et le risque s'accroît avec le nombre d’IVG. Avant 28 semaines, la cause la plus fréquente est l’hémorragie (placenta praevia ou rupture du placenta), la rupture prématurée des membranes ou le travail idiopathique spontané. Après 28 semaines, la cause la plus fréquente de naissance prématurée est l’hypertension et le défaut de croissance du fœtus et le lien avec l’avortement n’est pas significatif. Cette étude confirme les résultats d’enquêtes européennes antérieures qui suggéraient que les femmes ayant subi un avortement présentaient un risque plus élevé d’infection du liquide amniotique entraînant une rupture prématurée des membranes ainsi que des anomalies cervicales et utérines entraînant une naissance prématurée. 1- Previous induced abortions and the risk of very preterm delivery : results of the EPIPAGE study, BJOG 2005 Apr.; vol.112, p.430 Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune - 31 rue Galande 75005 Paris Directeur de la publication : Jean-Marie Le Méné - Rédacteur en chef : Aude Dugast Contact : Aude Dugast – [email protected] Tel : 01.55.42.55.14 - Imprimerie PRD S.A. – N° ISSN 1627 - 4989 Gènéthique - n°66 – juin 2005 Gènéthique - n°66 – juin 2005