淡江人文社會學刊【第五期】
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L’excès : extrême intensité
Selon Sade, le plaisir n’est engendré que par la force du choc. Les questions
suivantes se posent alors : comment l’excès est-il représenté? Quelle est sa fonction dans
la représentation de l’énergie? Quel est le lien entre l’excès et le sentiment d’existence?
Chez le marquis, c’est toujours l’excès qui détermine la volupté. Juliette réfléchit
sur l’extrême désir en déclarant : «Avec une imagination comme la mienne, il ne s’agit
pas de ce qui répugne, il n’est question que de ce qui est irrégulier et tout est bon quand il
est excessif.» (Juliette, t.VIII, p.227.) Autrement dit, ce qui est excessif pourra conduire
l’homme au bonheur. De même, Clément, vis-à-vis de Justine, défend son système de
philosophie en affirmant que «le bonheur n’est que dans ce qui agite, et qu’il n’y a que le
crime qui agite : la vertu, qui n’est qu’un état d’inaction et de repos, ne peut jamais
conduire au bonheur.» (La Nouvelle Justine, p.683.) C’est-à-dire que l’inertie écarte l’être
humain du bonheur. Le plaisir ne peut exister sans l’irritation du vice. Défendant le même
point de vue, Sade affirme dans Les 120 journées de Sodome que «le vice était seul fait
pour faire éprouver à l'homme cette vibration morale et physique, source des plus
délicieuses voluptés.» (p.22.) Le vice, tel un magicien qui fait naître les plus délicieuses
voluptés, crédite davantage l’excès des passions.
Comment l’excès assure-t-il à l’homme la jouissance suprême ? La violence exercée
contre autrui apporte d’emblée une «commotion violente» entraînant une vibration
nerveuse chez le libertin. (ibid., p.23.) Sous la plume de Sade, l'argumentation sensualiste
dérive ainsi vers la recherche de ce qui nous émeut le plus fortement. Par la bouche de
Clairwil, le marquis n’hésite pas à déclarer que «l’inflammation causée sur le fluide
électrique par le rapport des objets extérieurs […], vient décider l’habitude au bien ou au
mal.» (Juliette, t.VIII, p.266.) De ce fait, l’échelle du mal est constituée de trois catégories.
En premier lieu, avec un rythme crescendo, si les objets extérieurs pénètrent avec
violence et vitesse dans les «particules du fluide nerveux», les effets de cette pénétration
sur la sensibilité déterminent l’homme au «vice». En second lieu, si l’action est encore
plus forte, elle l’entraînera au «crime». Dans la dernière phase, elle le conduira aux
«atrocités», si la violence de son effet est à son paroxysme. (ibid., p.266.) Et le meurtre,
emblème de la cruauté sadienne, représente justement le «dernier excès de la volupté.»
(Juliette, t.IX, p.343.) Il s’ensuit que le paroxysme d’excès amène les libertins sadiens à la
jouissance la plus délicieuse. Sade reconnaît par là que «c’est dans les excès qu’existent
les plaisirs.» (ibid., p.114.)