論薩德侯爵的倫理學的基礎
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Introduction
La question du fondement de la morale a entraîné un grand débat d’idées opposant
les philosophes des Lumières aux apologistes. Il semble que Sade ait participé à ce débat
contemporain dans son œuvre, car on constate qu’il condamnait avec rage la morale
chrétienne. Si les problèmes moraux sont les plus discutés et condamnés chez lui, il est
d’autant plus indispensable de dévoiler son fondement éthique expliquant son goût de
l’excès et de la cruauté. La problématique de notre recherche réside ainsi dans ces
suggestions primordiales : en quoi consiste l’éthique de Sade ? Quelle relation singulière
Sade immoraliste entretient-il avec la philosophie des Lumières ? L’originalité de sa
pensée éthique n’entrerait-elle pas en contradiction avec celles de ses prédécesseurs et de
ses contemporains ? Ne révélerait-elle pas une crise morale à la fin du siècle des
Lumières ? Dans cet article, nous aborderons les racines de la morale du marquis dans
une triple perspective : l’intensivisme, l’isolisme et l’antiphysisme.(1)
L’intensivisme : vivre intensément
Le choc des atomes nerveux
Jean Deprun appelle l’intensivisme l’«idéal du plus grand choc donné ou reçu».(2)
Le choc, équivalent de la vibration et de l’ébranlement, engendre le plaisir et le bonheur.
Qu’est-ce que le choc ? Quel est son rapport avec le plaisir ? Comment s’allie-t-il au
crime et au vice ?
Saint-Fond, scélérat infâme de l’Ancien Régime dans Juliette, a convaincu Juliette
que la force des plaisirs de la lubricité ne résulte que du plus grand ébranlement possible
du système nerveux.(3) Il lui a expliqué ensuite le rapport dialectique entre le choc et le
plaisir :
« Le plaisir n’est que le choc des atomes voluptueux, ou émanés d’objets
voluptueux, embrasant les particules électriques qui circulent dans la
concavité de nos nerfs. Il faut donc, pour que le plaisir soit complet, que le
choc soit le plus violent possible.» (Juliette, t.VIII, p.329.)
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La formule-«pour que le plaisir soit complet, que le choc soit le plus violent possible»,
semble bien être ici une profession de foi du plaisir. Nous trouvons de nouveau dans Les
120 journées de Sodome une définition semblablement physiologique du plaisir comme
«choc des atomes voluptueux». Le Duc de Blangis est convaincu que le plaisir naît de la
commotion violente produisant une vibration à la masse des nerfs :
«Il sentit qu'une commotion violente imprimée sur un adversaire
quelconque rapportait à la masse de nos nerfs une vibration dont l'effet,
irritant les esprits animaux qui coulent dans la concavité des nerfs, les
oblige à presser les nerfs érecteurs, et à produire d'après cet ébranlement
ce qu’on appelle une sensation lubrique.» (Les 120 journées de Sodome,
p.23.)
Dolmancé, grand scélérat libertin, affirme quant à lui qu’il s’agit seulement, pour se livrer
à la volupté, d’«ébranler la masse de nos nerfs par le choc le plus violent.» (La
Philosophie dans le boudoir, p.127.) De même, Clément, moine de l’abbaye de
Sainte-Marie-des-Bois, conçoit que «l'émotion de la volupté n'est autre sur notre âme
qu'une espèce de vibration produite.» (Justine, p.267.) Il s’ensuit que le plaisir relève du
domaine physiologique. Plus le choc est fort, plus le plaisir est grand et vif. Ce plaisir est
donc proportionnel au degré de la vibration qui le produit. En somme, c’est à la recherche
du dernier degré de la volupté que Sade esquisse son intensivisme idéal.
Du point de vue de l’histoire des idées, l’idéal intensiviste du marquis est
incontestablement lié au matérialisme électrique. Jean Molino a indiqué dans son article
«Sade devant la beauté» que «c’est l’époque où l’on commence à employer les termes
électriques dans le sens métaphorique, signe de l’extension progressive d’un schéma
d’explication qui triomphera au début du XIXe siècle.»(4) Pour le marquis, écrivain
matérialiste, c’est la vibration du fluide nerveux qui engendre le choc assurant la
jouissance physique et morale de l’homme.
Quant au fluide nerveux, il serait composé d’esprits animaux. Sarmiento, «européen
cannibalisé», explique à Sainville la théorie des esprits animaux comme point d’appui de
sa théorie de la physiologie et de la volupté :
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«On appelle esprits animaux, ce fluide électrique qui circule dans les
cavités de nos nerfs ; il n'est aucune de nos sensations qui ne naisse de
l'ébranlement causé à ce fluide ; il est le siège de la douleur et du plaisir ;
c'est, en un mot, la seule âme admise par les philosophes modernes.
Lucrèce eût bien mieux raisonné, s'il eût connu ce fluide, lui dont tous les
principes tournaient autour de cette vérité sans venir à bout de la saisir
(Aline et Valcour, p.575.)
Il n’est pas étonnant de remarquer que Sade, avec certains physiologistes de son temps,
ait assimilé l'influx nerveux au fluide électrique. A l’origine, c’est le fluide électrique qui
détermine l’homme au vice ou à la vertu. Mme Delbène le révèle en ces termes :
«Tous les effets moraux tiennent à des causes physiques auxquelles ils sont
irrésistiblement enchaînés [...] De certaines dispositions de nos organes, le
fluide nerval plus ou moins irrité par la nature des atomes que nous
respirons [...] déterminent un homme au crime ou à la vertu.» (Juliette,
t.VIII, p.25.)
Pour obtenir la jouissance physique ou morale, il suffit donc d’une vibration qui irrite les
esprits animaux. Michel Delon a démontré que la vulgarisation de l’idée d’électricité est
un phénomène à la mode au temps de Sade et que cette idée d’énergisation semble alors
permettre de rendre compte des phénomènes moraux :
« L’électrisation est donc une énergisation du monde qui permet à la pensée
matérialiste de rendre compte des phénomènes moraux et à la pensée
spiritualiste de montrer la matière animée par le dynamisme moral. »(5)
Jean Molino a signalé pour sa part que Sade accorde au modèle électrique une
signification plus profonde et plus originale, en assimilant la décharge électrique au
symbole même de l’existence humaine, suite de «moments discontinus et d’éclatements
instantanés.» (6)
Pour conclure, l’intensivisme s’inscrit dans une démarche de recherche, il est
justifié par sa finalité : atteindre à l’instant d’extrême intensité.
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L’excès : extrême intensité
Selon Sade, le plaisir n’est engendré que par la force du choc. Les questions
suivantes se posent alors : comment l’excès est-il représenté? Quelle est sa fonction dans
la représentation de l’énergie? Quel est le lien entre l’excès et le sentiment d’existence?
Chez le marquis, c’est toujours l’excès qui détermine la volupté. Juliette réfléchit
sur l’extrême désir en déclarant : «Avec une imagination comme la mienne, il ne s’agit
pas de ce qui répugne, il n’est question que de ce qui est irrégulier et tout est bon quand il
est excessif.» (Juliette, t.VIII, p.227.) Autrement dit, ce qui est excessif pourra conduire
l’homme au bonheur. De même, Clément, vis-à-vis de Justine, défend son système de
philosophie en affirmant que «le bonheur n’est que dans ce qui agite, et qu’il n’y a que le
crime qui agite : la vertu, qui n’est qu’un état d’inaction et de repos, ne peut jamais
conduire au bonheur.» (La Nouvelle Justine, p.683.) C’est-à-dire que l’inertie écarte l’être
humain du bonheur. Le plaisir ne peut exister sans l’irritation du vice. Défendant le même
point de vue, Sade affirme dans Les 120 journées de Sodome que «le vice était seul fait
pour faire éprouver à l'homme cette vibration morale et physique, source des plus
délicieuses voluptés.» (p.22.) Le vice, tel un magicien qui fait naître les plus délicieuses
voluptés, crédite davantage l’excès des passions.
Comment l’excès assure-t-il à l’homme la jouissance suprême ? La violence exercée
contre autrui apporte d’emblée une «commotion violente» entraînant une vibration
nerveuse chez le libertin. (ibid., p.23.) Sous la plume de Sade, l'argumentation sensualiste
dérive ainsi vers la recherche de ce qui nous émeut le plus fortement. Par la bouche de
Clairwil, le marquis n’hésite pas à déclarer que «l’inflammation causée sur le fluide
électrique par le rapport des objets extérieurs […], vient décider l’habitude au bien ou au
mal.» (Juliette, t.VIII, p.266.) De ce fait, l’échelle du mal est constituée de trois catégories.
En premier lieu, avec un rythme crescendo, si les objets extérieurs pénètrent avec
violence et vitesse dans les «particules du fluide nerveux», les effets de cette pénétration
sur la sensibilité déterminent l’homme au «vice». En second lieu, si l’action est encore
plus forte, elle l’entraînera au «crime». Dans la dernière phase, elle le conduira aux
«atrocités», si la violence de son effet est à son paroxysme. (ibid., p.266.) Et le meurtre,
emblème de la cruauté sadienne, représente justement le «dernier excès de la volupté.»
(Juliette, t.IX, p.343.) Il s’ensuit que le paroxysme d’excès amène les libertins sadiens à la
jouissance la plus délicieuse. Sade reconnaît par là que «c’est dans les excès qu’existent
les plaisirs.» (ibid., p.114.)
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En définitive, l’excès garantit non seulement le plaisir et le bonheur, mais il nous
fait également sentir notre existence, dans la mesure où nous sommes choqués par la
violence la plus forte. Il est indéniable que c’est en ce sens que Sade revient
inlassablement sur la dialectique de l’excès et du choc. A bien des égards, l’intensivisme
du marquis dont la thèse d’excès fut primordialement discutée avait pour finalité d’élargir
au maximum l’existence de l’être humain. En ce qui concerne le rapport de l’intensivisme
avec le bonheur, selon Robert Mauzi, «être heureux, c’est donc être remué, éprouver la
vie non comme une trame uniforme ou une surface tranquille, mais comme une suite de
mouvements et de chocs, dont la surprise et la violence nous grisent. C’est par le
mouvement seul que l’âme est avertie de son existence. C’est dans l’extraordinaire,
l’insolite, l’inattendu que l’on vit vraiment.»(7)
L’isolisme : l’égocentrisme
A la différence de l’intensivisme qui est un emploi particulier de J. Deprun,
l’isolisme est au contraire un néologisme de Sade.(8) J. Deprun estime que l’isolisme est
«l’équivalent moral de ce qu’est le solipsisme en théorie de la connaissance, la
perspective d’après laquelle autrui n’est pas pour moi un partenaire, un alter ego, mais
forme tout au plus l’instrument de mes plaisirs.»(9) Comment l’homme, interroge J.
Deprun, en l’absence de sanction surnaturelle, disciplinerait-il ses instincts?(10) Nous
aborderons donc l’isolisme du marquis sous trois angles : l’égoïsme absolu, tyranniser les
autres comme moyen de se plaire et la complicité.
L’égoïsme absolu
L’égoïsme absolu est le premier aspect de l’isolisme du marquis. En fait, dans tous
ses écrits, Sade ne cesse de prêcher une théorie de l’égoïsme absolu en proclamant que
«l'égoïsme est la première des lois de la Nature, la plus juste et la plus sacrée.» (La
Nouvelle Justine, p.431.) Si nous respectons la loi de la Nature, il nous faut suivre les
penchants de l’instinct, c’est-à-dire agir avec égoïsme.
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