LA DISTRIBUTION DES COULEURS TRES STRUCTUREE DE LA CEINTURE DE KUIPER : UNE
CLE POUR LES ORIGINES DU SYSTEME SOLAIRE EXTERNE. A Doressoundiram1, M.A. Barucci1,
C. de Bergh1, A. Delsanti1, S. Fornasier1, N. Peixinho2. 1LESIA, Observatoire de Paris, F-92195 Meudon Princi-
pal Cedex, France, Alain [email protected], 6GAUC / Observatório de Coimbra, Largo D. Dinis,
3001-454 Coimbra, Portugal,
Introduction: Les objets Trans-Neptuniens
(OTNs) encore appelés objets de Kuiper sont les
derniers reliquats de la formation du Système So-
laire. Ce sont des petits corps glacés, en orbite autour
du Soleil et situés aux confins du Système Solaire,
juste au-delà des orbites de Neptune. L’étude de ces
corps extrêmement primitifs [1], découverts il y a
seulement quelques années, constitue une nouvelle
branche de la planétologie actuellement en plein
essor. Dans cette présentation, nous ferons une revue
des derniers résultats obtenus en photométrie multi-
couleurs avec le Meudon Multicolor Survey (2MS)
obtenu principalement au CFHT et au VLT. Ce rele-
constitue la première étude de cette importance
rassemblant les couleurs de 114 Centaures et OTNs.
Dynamiquement, la ceinture de Kuiper est très
structurée. On peut distinguer quatre grandes famil-
les d’objets dans cette région. Les OTNs résonnants
sont piégés dans les résonances de moyen mouve-
ment avec Neptune, en particulier la résonance 2 :3 à
39,4 UA (les Plutinos), et sont généralement sur des
orbites très excentriques. Les OTNs classiques, rela-
tivement moins excités, occupent les régions situées
entre les résonances 2 :3 et 1 :2 47,7 UA). Les
OTNs du disque diffusé constituent une catégorie
d’objets moins bien définis et sont principalement
des objets à très grande excentricité e et demi-grand
axe a > 48UA. Ces orbites sont caractérisées par une
forte interaction avec Neptune [2]. Enfin, dernière
famille d’OTNs récemment découverts, les objets du
disque diffusé étendu présentent des orbites forte-
ment excitées, mais sont totalement exempts des
perturbations avec Neptune (périhélie q >40). Les
Centaures, pour terminer, représentent une famille
dynamique d’objets sur des orbites instables situées
entre Jupiter et Neptune.
Diversité des couleurs: Les figures couleurs-
couleurs montrent la diversité des reflectivités des
objets. La figure 1 (gauche) montre l’indice de cou-
leur B-V versus V-R des différentes familles dyna-
miques d’OTNs (i.e. objets classiques, Plutinos et
objets du disque diffusé -SDOs) et des Centaures.
Cette figure montre l’extrême diversité des couleurs
qui caractérise la population des objets du système
solaire externe. La surface de ces objets a des cou-
leurs et des réflectivités très variées allant du neutre
au très rouge. De plus, toutes les familles d’objets
sont indiscernables d’un point de vue de leurs cou-
leurs de surface.
Corrélations avec les paramètres orbitaux:
L’objectif d’un tel relevé de couleurs est de pouvoir
identifier des groupes d’objets aux caractéristiques
spectrales similaires avec probablement des proprié-
tés de surface et une évolution similaires. Différentes
équipes dans le monde ont pu ainsi identifier des
corrélations entre couleurs et paramètres orbitaux
pour certains objets. Les figures 2 et 3 montrent une
distribution des couleurs fortement structurée
Le groupement rouge. un groupement d’objets
classiques très rouges à faible excentricité (e < 0,05)
et faible inclinaison (i < 5 o) orbitent au delà de ~40
UA du soleil (voir figure 2). Les membres de ce
groupement ont des propriétés dynamiques et spec-
trales très similaires. Ils semblent représenter la
première famille compositionnelle de la ceinture de
Kuiper.
Corrélations. Grâce à la base de données très im-
portante et de très bonne qualité du 2MS (couleurs
pour 114 objets), des corrélations importantes et
significatives ont été trouvées [3]. Les couleurs des
OTNs classiques sont significativement corrélées
avec le périhélie et l’inclinaison (Figure 3). Par
contre, aucune relation significative n’apparaît pour
les Centaures, Plutinos ou OTNs du disque diffusé.
Actuellement, aucun mécanisme entièrement
convaincant n'existe pour expliquer la distribution
anisotrope des couleurs dans le disque de Kuiper.
Nous ne savons pas si la diversité des couleurs est le
résultat de la véritable diversité compositionnelle de
ces objets ou si c'est la conséquence de processus
d’évolution, comme par exemple les collisions.
Néanmoins, avec les diverses modélisations effec-
tuées jusqu'à présent, couplées avec les contraintes
observationnelles, nous pouvons conclure que les
collisions seules ne peuvent tout expliquer, mais
qu’elles jouent certainement un rôle dans la distribu-
tion des couleurs observée actuellement [4]. En plus
des collisions, d'autres processus d’évolution (e.g.
dégazage cométaire, altération spatiale) doivent
également êtres modélisés. Plus d'observations, de
simulations numériques et par-dessus tout,
d’expériences de laboratoire sont nécessaires afin de
mieux contraindre l'origine de la distribution de
couleurs très structurée dans la ceinture de Kuiper
actuelle.
Comparaison avec les populations associées:
On pense que plusieurs populations de petits corps
sont originaires de la ceinture de Kuiper. Celles-ci
incluent les comètes à courte période, les comètes
mortes, les Centaures et les satellites irréguliers [5].
LA DISTRIBUTION DES COULEURS DE LA CEINTURE DE KUIPER : A. Doressoundiram et al.
Nous avons effectué pour la première fois des
comparaisons statistiques fiables entre les OTNs et
ces populations associées [6]. Nos résultats montrent
que (voir Figure 1) : 1) les couleurs des noyaux co-
métaires ne correspondent pas à leurs précurseurs
supposés les Centaures et les OTNs. Ceci suggère
qu’un processus modifie la surface des comètes à
courte période à leur entrée dans le système solaire
interne. La seule exception concerne les couleurs des
OTNs du disque diffusé pour lesquelles nous pou-
vons statistiquement établir que comètes et OTNs du
disque diffusé peuvent êtres extraits d’une même et
unique distribution parente. 2) Bien que les Centau-
res soient compatibles avec la plupart des familles
dynamiques de la ceinture de Kuiper avec un très
haut niveau de confiance (les Plutinos étant la popu-
lation la plus similaire), ils s’avèrent étonnamment
incompatibles avec les OTNs du disque diffusé. 3)
Les Centaures présentent toujours une forte dicho-
tomie entre le groupe aux couleurs neutres-
légèrement rouges (e.g., Chiron) et le groupe aux
couleurs très rouges (e.g., Pholus). Ceci est proba-
blement relié à l’activité cométaire qui a resurfacé et
rafraîchi la surface dans le cas de Chiron, mais a été
empêché par une croûte rouge et épaisse dans le cas
de Pholus. 4) La population des satellites irréguliers
n’est compatible avec aucune des populations des
Centaures, Plutinos ou OTNs classiques. Néanmoins,
nous avons établi que les satellites irréguliers et les
OTNs du disque diffusé peuvent être extraits d’une
même et unique distribution parente car leurs cou-
leurs respectives sont comparables. Cependant, les
résultats pour les Centaures et les OTNs du disque
diffusé doivent être pris avec précaution comme
c’est le cas quand on a affaire à de petits échantillons
statistiques.
Figure 1: Diagramme des couleurs B-V versus V-R
des OTNs (gauche), et des comètes à courtes pério-
des, des Centaures et des satellites irréguliers
(droite). Le demi-cercle plein représente l’incertitude
dans la classification entre OTNs classiques et OTNs
du disque diffusé. Le cercle en pointillé représente
les couleurs du soleil. Figure extraite de Doressoun-
diram et al. (2005) [6]
Figure 2: Couleurs des OTNs et Centaures (114
objets, le « Meudon Multicolor Survey » -2MS-)
dans le plan de l’excentricité orbitale versus le demi-
grand axe. L’avantage de cette représentation est
qu’il permet d’avoir une vision globale de la distri-
bution des couleurs dans la ceinture de Kuiper. La
taille des cercles est proportionnelle au diamètre réel
des objets. Une palette de couleurs est utilisée pour
échantillonner la grande diversité des couleurs de B-
R=1,0 (bleu sombre) à B-R=2,0 (rouge intense). En
comparaison B-R=1,03 pour le Soleil et environ 2
pour le Centaure 5145 Pholus, un des objets les plus
rouges du système solaire. Les résonances 3:2
(a~39,5 UA), 2:1 (a~48 UA) et 5:2 (a~55,4 UA) avec
Neptune sont indiquées, ainsi que les courbes à péri-
hélie constant q=40AU. Les objets extrêmement
rouges 2001 UO18 (B-R=2,06) et 2001 UR163 (B-
R=2,28) ont été codifiés en noir afin de garder une
échelle des couleurs lisible. Figure mise à jour de
Doressoundiram et al. (2005) [6]
Figure 3: Idem que Figure 2 dans le plan de
l’excentricité orbitale versus le demi-grand axe.
Références:
[1] Hahn, J.M. and Malhotra, R., (1999), AJ, 117,
3041
[2] Hahn, J.M. and Bailey, M., (1990), Nature 348,
132
[3] Peixinho, N., Boehnhardt, H., Belskaya, I.,
Doressoundiram, A., Barucci, M. A. and Delsanti, A,
(2004), Icarus. 170, 153-166.
[4] Thébault, Ph., and Doressoundiram, A. (2003).
Icarus. 162, 27-37.
[5] Jewitt D. (2002). Astron. J., 123, 1039-1049.
[6] Doressoundiram, A., N. Peixinho, C. Doucet, O.
Mousis, M.A. Barucci, J.M. Petit, and C. Veillet.
(2005). Icarus 174, 90-104.
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