DE L’ETHIQUE A LA BIOETHIQUE. L’EXPERIENCE TUNISIENNE JOURNEE SCIENTIFIQUE DE MONASTIR MONASTIR, 21 JUIN 1997 ======= 9EME COURS NATIONAL DE MEDECINE SCOLAIRE ET UNIVERSITAIRE HAMMAMET, LE 30 AVRIL 1998 OFFICE NATIONAL DE LA FAMILLE ET DE LA POPULATION CENTRE INTERNATIONAL DE FORMATION « FORMATION INTERNATIONALE EN ETHIQUE ET SANTE REPRODUCTIVE » TUNIS DU 26 AU 30 OCTOBRE 1998 ============= ECOLE NATIONALE VETERINAIRE DE SIDI THABET SERVICE DE PHYSIOLOGIE - PHARMACOLOGIE ET LE CONSEIL INTERNATIONAL EN EXPERIMENTATION ANIMALE COURS DESTINE AUX CHERCHEURS DE L’AFRIQUE FRANCOPHONE CATEGORIE C. FELASA - 16 - 28 NOVEMBRE 1998 ============= DIRECTION REGIONALE DE BEN AROUS FORMATION DES MEDECINS DE SANTE PUBLIQUE EZZAHRA, LE 8 DECEMBRE 1998. Professeur Bechir HAMZA Président du Comité National d’Ethique Médicale L’éthique vient du mot grec « AETHOS » qui veut dire comportement et correspond à la notion de coutume. L’éthique médicale est un comportement qui nous fournit des directives pour la meilleure conduite possible pour le bien et le respect de la personne humaine. Ces directives ne sont pas inamovibles mais adaptées à chaque situation. Il s’agit d’une réflexion qui permet à la fois la protection et la promotion des droits humains en rapport avec le développement de la science et pour lesquelles il n’existe pas de réponse ni dans la déontologie, ni dans le droit. La réflexion s’avise à devancer les problèmes afin de prévenir les dérives, plutôt que d’avoir à les condamner. L’éthique est donc celle de l’anticipation du préjudice. L’éthique se distingue de la déontologie, qui règle, elle, l’ensemble des problèmes de la profession et obéit à des règles imposées au médecin et est l’objet d’un code dont la transgression expose à des sanctions. L’éthique se distingue plus ou moins de la morale, qui est inflexible, inconditionnelle et obéit à l’idéologie philosophique. Elle se distingue aussi de la juridiction qui se rapporte, elle à des lois L’éthique médicale est née en raison du progrès de la recherche et de ses applications pratiques qui pourraient porter préjudice à la dignité humaine. En effet, notre société contemporaine a beaucoup évolué sur le plan des connaissances. Parallèlement à cette évolution est apparue amplifiée et démesurée l’évolution des techniques médicales. Les progrès techniques, biologiques, génétiques n’ont pas seulement amplifié le pouvoir des chercheurs, des médecins, des biologistes et des généticiens, mais en ont modifié l’objet et le comportement éthique. Si l’opinion publique s’en inquiète, les scientifiques s’inquiètent aussi du pouvoir grandissant que leur offre le progrès et voudraient disposer de règles de conduite éthiques et juridiques dans leur propre intérêt et celui de la société. Comme vous le savez, il s’agissait depuis des siècles d’agir selon la nature pour corriger ses déviances ou ses erreurs en prolongeant la vie jusqu’à ses limites naturelles, en améliorant le fonctionnement d’un système, en soulageant la douleur par des moyens à la portée des acquisitions du passé. Aujourd’hui, en raison du progrès, nous pouvons agir contre la nature, en prolongeant artificiellement la vie au-delà de ses limites ce qui met en cause non seulement notre éthique, mais aussi, notre responsabilité civile et pénale, en l’absence de dispositions juridiques. Nous vivons à une époque où nous pouvons transplanter des organes du vivant et du cadavre, de sorte que l’Homme devient prothèse où chaque organe peut être remplacé à la manière d’une pièce détachée, selon les indications et ce pour assurer la survie. Nous pouvons assister la fécondation, la procréation, rendue impossible en raison de l’infertilité du couple, au point où nous disons que l’homme est « l’architecte de la vie ». Nous pouvons choisir l’embryon, son sexe. Nous pouvons conserver les spermatozoïdes, des ovules fécondés au plus profond du froid du congélateur aux fins d’utilisation ultérieure. Nous pouvons faire mûrir dans l’utérus d’une mère porteuse l’enfant qu’elle ne le verra, peut-être pas. Le diagnostic prénatal avance avec plus de précisions et de certitude, de sorte que l’enfant n’est plus dans l’imaginaire parental. Il est l’objet comme un patient de traitement médical et chirurgical. Nous pouvons dépister avant la naissance et après des maladies dûes à un gène pathologique et qui se manifesteront à un stade précoce ou tardif de la vie. La connaissance de ces gènes et leurs localisations, connaît d’une manière régulière des progrès avec l’angoisse et le risque grave de modifier l’espèce humaine, mais qui, aussi, ouvre la voie à la thérapie génique, espoir de nombre de maladies où il n’existe pas d’autres alternatives et actuellement l’objet de tentatives prometteuses. Ce ne sont là que quelques exemples entre-autres, qui demandent réflexion avant toute décision, mais toujours dans le respect de la dignité de l’Homme. C’est en raison des progrès de ces connaissances qu’aujourd’hui le médecin est confronté à des dilemmes. Il doit répondre aux questions qui se posent et faire face aux desseins et aux convenances et engager un dialogue avec sa conscience pour tenter de dégager une conduite qui respecte au mieux la personne humaine sa dignité. Le pouvoir médical appartient certes au médecin sous prétexte qu’il connaît la technologie, mais il faut être conscient de ce pouvoir et de ses limites. Les limites du pouvoir médical ont fait l’objet des codes d’éthique ou assimilés depuis des millénaires par les Babyloniens dans le code de Hammourabi, par les Grecs dans le code d’Hippocrate. En fait, la première réflexion éthique de notre société contemporaine et notre technique scientifique date de la fin de la 2ème Guerre Mondiale à la suite de la révélation au procès de Nuremberg (1948) d’expérimentations menées par des médecins allemands, sur des hommes et femmes déportés dans des camps de concentration, expérimentations à portée de recherches exclusivement scientifiques et sans aucun bénéfice pour les sujets objets d’expérimentation. Un Code International appelé Code de Nuremberg et concernant la recherche médicale a été élaboré. Des principes fondamentaux devaient être observés pour satisfaire aux concepts moraux, éthiques et légaux, notamment : le consentement éclairé, la non nocivité probable, l’utilité potentielle pour l’individu humain et la qualification de la prise en charge. Ce code fut suivi de diverses chartes, apportant des modifications partielles en raison des progrès sans cesse renouvelés de la médecine et de ses applications : progrès qui évoluent plus vite que l’homme. Elles ont été énoncées successivement à Helsinki, Tokyo et Manille. Si nous analysons ces 5 principes du Code de Nuremberg, nous pouvons dire que : 1. Le consentement libre éclairé : Celui-ci peut être facile à définir chez une personne en bonne santé mentale, dans les sociétés à niveau culturel élevé. Il dépend de l’information objective fournie au sujet concerné, en fonction de son vocabulaire, de son niveau économique et des motivations possibles. L’application du principe du consentement, est hypothétique, arbitraire ou un mythe de la légalité quand l’individu est dans la déchéance économique ; il devient sujet à des pressions, et au pouvoir des chercheurs. 2. La non nocivité probable : elle doit être absolue aux recherches à but scientifique chez l’Homme, et autant que possible, accompagnée chez l’enfant d’absence de douleur ou des actes agressifs (biopsies itératives par exemple, ou prise de sang répétée pour les seules raisons de recherche scientifique). 3. L’utilité potentielle, pour l’individu lui-même devrait exclure l’étude des témoins-normaux. Cette attitude pourrait conduire à l’inexactitude dans l’interprétation des données. Certains groupes de juristes, ont admis que l’utilité potentielle peut intéresser la société, l’on peut avoir recours à des témoins normaux. (exemple : vaccin anti-polio.) 4. La qualification de la prise en charge expérimentale : il est évident que le chercheur ou l’expérimentateur doit répondre aux conditions de la compétence, de la qualification et de l’honnêteté scientifique. 5. Le respect de ces règles éthiques essentielles toutes nouvelles thérapeutiques, investigations, techniques chirurgicales. Lorsque l’Homme est objet de recherche, il y a obligation d’un prérequis scientifique, bilan avantages-inconvénients, consultation d’un Comité d’Ethique. Tels sont les principes du Code de Nuremberg. Cependant, en raison de l’évolution de la technologie contemporaine, du concept « expérimentation médicale sur l’Homme », le mouvement éthique s’est étendu à l’éthique des sciences du vivant humain : la bioéthique, terme né aux U.S.A. suite au défi de la médecine, transplantations abusives, expérimentations pratiques chez des prisonniers handicapés chez la population noire (cas témoins dans le traitement de la syphilis). Il s’en est suivi un large débat où droit humain et justice sociale devenaient des termes privilégiés. Dans ce contexte évolutif de la science du vivant l’on peut considérer que la bioéthique serait l’application des principes moraux renouvelés par le progrès des sciences de la vie. C’est une manière de repenser les rapports entre l’Homme et l’évolution de plus en plus rapide des connaissances qualifiées. Nous pouvons dire que nous sommes arrivés à un stade de connaissances qui confère à l’Homme une liberté qui peut donner vestige et exige de lui un engagement responsable. L’idée maîtresse de la bioéthique est le respect de la personne, la recherche d’un devenir de l’Homme dans des questions qui touchent à sa dignité, son inviolabilité, sa sécurité somatique et mentale, bref à la manière de naître, vivre et mourir. Dans la pratique médicale, la bioéthique est une médecine humaine qui a besoin d’un supplément d’âme pour servir l’Homme, par opposition à une médecine de plus en plus dépersonnalisée, instrumentale, informatisée et maîtrisée par les données des mathématiques et de la biophysique. Monsieur le professeur Jean BERNARD, Président d’honneur du Comité d’Ethique Français en a donné la définition par rapport à l’éthique : « si l’éthique se définit comme l’ensemble des normes que s’assigne un groupe ou une Société, qui veut garder le sens de la mesure, l’éthique biomédicale tend à préserver le sens de l’humain dans une société de plus en plus dominée par la science et la technologie ». La bioéthique implique la préoccupation des mesures des valeurs dans une série de choix à faire ou à proscrire. La bioéthique, une étude clinique, concerne les décisions à prendre et les conflits de valeurs à résoudre au chevet du malade (exemple : nouveau-né atteint de malformations congénitales graves, état de réanimation, arrêt respiratoire artificiel). Le défi de la bioéthique consiste aussi à trouver des réponses parfois à l’urgence et nous force parfois à quitter les morales philosophiques et religieuses. L’on peut dire que, dans notre pratique médicale quotidienne, chaque fois que l’on veut respecter la dignité de la personne et de son corps, le sens de l’humain dans des situations qui touchent à la naissance, la souffrance, la vie et la mort, l’on entre dans le domaine de l’éthique biomédicale. Que ce soit l’action thérapeutique ou biologique où le but immédiat est la guérison ou la suppression de la douleur, que ce soit l’abstention thérapeutique, ou le traitement sans espoir, que ce soit l’application de nouvelles techniques d’investigation ou d’expérimentation, l’on peut dire, quel que soit le type de médecine, d’aujourd’hui, le médecin est confronté à une multitude de questions, d’où la nécessité d’une réflexion pertinente et ce, d’autant plus que le pouvoir médical accroît notre responsabilité et complique le comportement éthique. C’est là qu’intervient le débat sur le rapport éthique et droit, tous deux visent à une certaine rationalisation du processus décisionnel portant sur la personne humaine, s’insèrent dans la définition du pouvoir médecin-patient, le droit tentant d’encadrer la prise décisionnelle dans une normalité non transgressable, l’éthique étant le point de départ de la création de normes juridiques. Après ces différentes interprétations de la bioéthique, l’on peut dire que quoique lieu de convergence de la philosophie, du droit, de la morale, la bioéthique ne s’identifie pourtant à aucune d’entre-elles. Méthode de résolution de cas, processus de régulation sociale, la bioéthique ne peut être circonscrite par une définition précise. Il n’en demeure pas moins que la bioéthique est un lieu d’action et c’est là qu’elle trouve son élément essentiel : science de la décision basée sur le dialogue et le contrôle de la décision. Mesdames, Messieurs, Des domaines de la médecine, posent aujourd’hui de graves problèmes de bioéthique et demandent davantage de questionnement et de réflexion et mettent notre conscience et éthique à une rude épreuve : entre autres la recherche sur l’Homme, la procréation médicalement assistée, le diagnostic prénatal, la thérapie par substitution d’organes, l’acharnement thérapeutique, la médecine prédictive, la thérapie génique. La science a démontré que par la révolution thérapeutique et biologique qui lui a succédé, elle pouvait donner à l’Homme : bien-être, diminution de la mortalité, augmentation de l’espérance de vie. Certes l’application de cette médecine a des incidences éthiques : s’il est légitime de favoriser la progression de la science et assumer la liberté de la recherche scientifique, les applications irrationnelles, le pouvoir médical exorbitant, remettent en cause les repères des valeurs et l’équilibre de la société. Aussi pour parer à ces difficultés et aux dérives, est-il nécessaire de disposer d’outils de vigilance : la déontologie, la juridiction et les comités nationaux d’éthique. Les deux premiers outils font l’objet de textes de lois que l’on ne peut transgresser sans tomber sous le coup de sanctions civiles ou pénales, le 3ème est un mécanisme de régulation basée sur le respect de l’Homme. En effet, les Comités Nationaux d’Ethique Médicale sont des organismes pluridisciplinaires à compétence Consultative pour les sciences de la vie et de la santé, tournée vers le développement des sciences biomédicales. Des principes directeurs figurent dans sa mission. Ce sont des principes essentiellement de pouvoir moral, qui émanent de ses avis, dans le but de constituer une force de propositions aux problèmes de santé dont il peut être saisi. Sans être le promoteur d’une manière directe au droit à la santé, les Comités d’éthique contribuent néanmoins à explorer les limites de ce droit et à en élaborer la mise en oeuvre par des règles éthiques fondamentales : La non discrimination, le respect de l’intégrité de la personne, la non commercialisation du corps humain, la garantie des soins par les professionnels de la santé et la transparence de l’évaluation. Le Comité d’Ethique n’a nullement, ce qui serait contraire à sa mission d’apporter des solutions toutes faites dans un domaine aussi sensible et évolutif, que la biotechnologie. Il n’a ni le pouvoir de légiférer ou de réglementer ; tâches qui appartiennent au pouvoir législatif ou aux autorités compétentes. Néanmoins de part sa qualité nationale et consultative, il est une référence à la détermination d’une politique de santé ayant des implications éthiques et un gage du « respect du progrès » et du respect de la personne humaine. C’est pour ces raisons que la Tunisie s’est dotée d’un Comité National d’Ethique Médicale par décret n° 94-1939 du 19 septembre 1994, fixant ses attributions, sa composition et ses modalités de son fonctionnement : 1- Le Comité National d'Ethique Médicale a pour mission de donner son avis sur les problèmes moraux qui sont soulevés par la recherche dans les domaines de la biologie, de la médecine et de santé, que ces problèmes concernant l’homme, les groupes sociaux ou la société toute entière. Le Comité s’attache, entre autres à édicter les grands principes qui permettent de concilier les progrès technologiques dans les domaines indiqués au précédent alinéa avec les normes éthiques et juridiques, les valeurs humaines, les droits de l’homme et les réalités sociales, économiques et culturelles. 2- Le Comité National d’Ethique Médicale comprend outre son président : - Un membre du conseil constitutionnel; - Un membre du conseil supérieur islamique ; - Un membre du Comité Supérieur pour les droits de l’homme et les libertés fondamentales ; - un conseiller à la cour de cassation ; - Un conseiller du tribunal ; - Un professeur de philosophie, un professeur de sociologie et un professeur de droit ; - Un représentant du secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre chargé de la recherche scientifique et de la technologie proposé par ce dernier ; - Les présidents des conseils nationaux des ordres des médecins, des médecinsdentistes, des médecins vétérinaires et des pharmaciens ; - Les doyens des facultés de médecine, de médecine dentaire et de pharmacie ; - Trois personnalités appartenant au domaine de la santé désignées par le Ministre de la Santé Publique ; - Une personnalité du secteur social proposée par le Ministre des Affaires Sociales. 3- Le président et les membres du Comité sont nommés par arrêté du Ministre de la Santé Publique pour une période de trois ans renouvelable. 4- Le Comité peut être saisi par le président de la chambre des députés, le président du conseil constitutionnel, le président du conseil économique et social, un membre du gouvernement ainsi que par un établissement d’enseignement supérieur ou de recherche scientifique ou une association des sciences de la santé. Les demandes de saisine sont adressées au Ministre de la Santé Publique qui les soumet au Comité. 5- Par ailleurs, il est créé au sein du Comité National d‘Ethique Médicale une section technique appelée à instruire les dossiers inscrits à l’ordre du jour des travaux du comité. 6- La section technique est composée de sept membres choisis parmi les personnalités constituant le comité. Ils sont désignés par le Comité sur proposition de son président. Le président de ladite section est désigné par décision du Ministre de la Santé Publique parmi ses membres. L’avis du Comité est transmis par le Ministre de la Santé Publique à l’instance qui l’a demandé. 7- Le Comité établit un rapport annuel comportant l’ensemble de ses travaux et activités. Ce rapport est transmis au Ministre de la Santé Publique avant la fin du mois de janvier de l’année suivant l’année intéressée par le rapport. 8- Les séances du comité ne sont pas publiques mais dans le cadre de sa mission, le Comité National d’Ethique Médicale est chargé d’organiser une conférence annuelle au cours de laquelle les questions importantes liées à l’éthique médicale sont abordées publiquement et peuvent être l’objet de débat. Le but de la journée publique est d’informer, animer, sensibiliser, faire comprendre les enjeux éthiques et ses conséquences, préparer l’opinion, avant de réglementer ou légiférer, sur tout ce qui touche aux sciences de la vie et de la santé. Comme l’a souligné le professeur Jean BERNARD, dans son livre « De la biologie à l’éthique » « Si à la limite, on peut admettre que la science appartient aux seuls Hommes de science, l’éthique des conséquences de la science concerne tous les citoyens ». L’éthique aura donc pour tâche de rétablir le devoir de la science et le devoir humanitaire source de générosité et de solidarité. Dans cette démarche, le médecin ou le biologiste a un rôle privilégié puisqu’il doit accompagner la science en tant que citoyen et praticien par une réflexion morale, éthique et déontologique pour que, à plus de connaissances, corresponde plus de sagesse, une révision des fondements de son action : respect de la dignité, de la vie et du corps humain dans son intégrité, et rejets des pratiques commerciales indignes de la personne humaine. En conclusion Nous pouvons dire que si la bioéthique ou étymologiquement « morale du vivant », a occupé pendant longtemps l’espace philosophique, aujourd’hui, elle s’introduit de plus en plus dans le langage médical, juridique, social, économique et politique. Si elle est restée longtemps occultée, c’est en raison du retard de la technologie et du retard à se faire entendre. Parce qu’elle évoque l’ensemble des problèmes d’éthique concernant le monde du vivant, elle oriente son attention sur les progrès de la médecine et de la biologie contemporaine qui ont modifié les repères moraux habituels. Ainsi est-elle aujourd’hui l’objet de questions, d’interrogations dont se sont saisies, les familles spirituelles, les courants de pensée, philosophes, sociologues, juristes. L’opinion publique, les instances internationales, les décideurs, ne sont pas restées insensibles aux incidences sociales et à l’impact potentiel de ce nouveau pouvoir bioéthique. Considérant les enjeux pour notre société du progrès de la recherche et du pouvoir médical, certaines pratiques de biologie médicale, ne peuvent être laissées à la conscience ou à la déontologie des médecins. Celles-ci sont certes nécessaires, mais insuffisantes. Ces pratiques doivent obéir à un cadre législatif, pour la protection des personnes, de la famille et de la société. La Tunisie a élaboré une loi relative au don et transplantation d’organes (1991) qui a fait et doit faire encore l’objet d’une évaluation. Une loi relative à la procréation médicalement assistée est en voie d’élaboration. Elle sera basée sur les grands principes émis par le Comité National d’Ethique Médicale, à savoir : principes juridiques, religieux, culturels, appuyés par des règles de sécurité, de garanties professionnelles et éthiques, d’agrément des centres de P.M.A. par une commission ad hoc, de transparence des résultats et l’évaluation des techniques actuelles et à venir, en raison des progrès rapides dans le domaine de la procréation. D’autres domaines de la bioéthique doivent faire l’objet de réflexion, pour une réglementation ou une législation tels : le diagnostic prénatal, les tests génétiques de prédiction des maladies liées aux gènes, la protection des personnes objets de recherche, l’acharnement thérapeutique et d’autres .... Comme il a été dit, la recherche évolue plus vite que l’Homme, il est à prévoir que d’autres domaines de la bioéthique feront l’objet de concertation entre spécialistes, juristes, sociologues, psychologues, théologiens pour le respect de la dignité de la personne à l’égard des applications renouvelées du progrès et le respect des déclarations ou conventions internationales auxquelles la Tunisie a adhéré ou adhèrera à l’avenir.