Nouveautés thérapeutiques et physiopathologiques dans

Mouvements anormaux-Parkinson
La Lettre du Neurologue - Vol. XI - n° 4 - avril 2007
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Mouvements anormaux-Parkinson
Nouveautés thérapeutiques et physiopathologiques
dans les mouvements anormaux
P. Pollak*
* Unité des troubles du mouvement, pôle de psychiatrie et de neurologie, CHU de Grenoble, et
Institut des neurosciences, U836-UJF-CEA, Grenoble.
L
es progrès thérapeutiques réalisés dans les troubles du
mouvement sont de plus en plus fréquemment la consé-
quence d’une meilleure compréhension du fonctionnement
des ganglions de la base et des avancées physiopathologiques.
BASES RATIONNELLES DE L’UTILISATION
DES MÉDICAMENTS DANS LA MALADIE
DE PARKINSON
Dans la gestion thérapeutique médicamenteuse de la maladie
de Parkinson, on distingue les médicaments dopaminergiques
(L-dopa et agonistes dopaminergiques) des médicaments appar-
tenant à d’autres classes pharmacologiques. Il est admis qu’il n’y
a pas d’arguments convainquant, en termes de neuroprotection,
en faveur soit des agonistes dopaminergiques, soit de la L-dopa
(1). Leur spectre d’eff ets bénéfi ques et indésirables est diff érent.
La L-dopa est plus effi cace sur le syndrome parkinsonien, mais
entraîne plus de complications motrices. Les agonistes dopa-
minergiques engendrent plus d’eff ets indésirables. Si les eff ets
de type périphérique, digestifs ou tensionnels, sont en général
bien contrôlés par un lent titrage et l’administration associée de
dompéridone, des eff ets centraux sont de plus en plus souvent
rapportés dans la littérature. Ils sont dose-dépendants et doivent
être recherchés systématiquement à chaque consultation ; il est
par ailleurs nécessaire d’informer les patients de leur possible
survenue. Il s’agit du syndrome de dysrégulation dopaminergique
(2), qui est le refl et d’une hyperactivation dopaminergique des
boucles non motrices (associatives et limbiques) des ganglions
de la base. Ces symptômes comprennent les psychoses halluci-
natoires et délirantes, les compulsions d’achat, de grignotage, de
jeu, l’hypersexualité, l’hyperactivité souvent répétitive et stérile
(punding), l’irritabilité avec intolérance à la frustration, la manie ou
l’hypomanie. Il faut ajouter à ces symptômes la somnolence diurne,
l’insomnie nocturne, mais aussi des eff ets souvent favorables
comme la diminution de lapathie et l’augmentation de la créativité
artistique. Le contrôle de ces divers symptômes fait appel à une
réduction de dose ou à un arrêt des agonistes dopaminergiques
et à une dopathérapie à petites doses unitaires régulièrement
répétées dans la journée, souvent additionnée d’un inhibiteur
de la COMT. Pour les complications motrices les plus sévères, la
perfusion continue sous-cutanée d’apomorphine ou intrajéjunale
de L-dopa (Duodopa
®
) [3] peut être indiquée.
Les dernières études ont confi rmé l’imputabilité du pergolide
dans l’apparition de valvulopathies cardiaques (4). Le mécanisme
probable de cet eff et indésirable repose sur l’activité agoniste
sérotoninergique (récepteur 5HT2B) de certains agonistes
dopaminergiques. Le pergolide partage cette propriété avec
d’autres agonistes dopaminergiques dérivés de l’ergot comme
la cabergoline et la bromocriptine, mais pas le lisuride. De ce
fait, au sein des agonistes dopaminergiques, on recommande
l’utilisation des
agonistes dopaminergiques non ergotés
c’est-
à-dire, en France, le piribédil, le ropinirole, le pramipexole et
bientôt la rotigotine par voie percutanée.
Ladministration prolongée de L-dopa entraîne des modifi ca-
tions durables des récepteurs dopaminergiques localisés sur
les neurones gabaergiques striataux. Ces récepteurs dopami-
nergiques peuvent être modulés par d’autres récepteurs. La
modifi cation de l’activité de ces autres récepteurs peut ainsi
entraîner des eff ets moteurs antiparkinsoniens. À ce jour, l’admi-
nistration de L-dopa provoque des eff ets antiakinétiques qui vont
de pair avec l’activité prodyskinétique, et inversement avec les
neuroleptiques. Est-il possible d’induire des eff ets bénéfi ques
antiparkinsoniens tout en diminuant fl uctuations motrices et
dyskinésies ? Cet espoir est fourni par l’utilisation de médica-
ments actifs sur des systèmes non dopaminergiques. Lors d’essais
thérapeutiques de phase III, des antagonistes du récepteur A2A
de l’adénosine (5) et des agonistes du récepteur 5HT1A de la
sérotonine (6) ont démontré cette potentialité à diminuer les
dyskinésies et à renforcer en même temps l’eff et antiparkinsonien
de la L-dopa. Cela a déjà été obtenu avec l’amantadine, grâce à
l’activité antiglutamatergique de ce médicament.
PLASTICITÉ À LONG TERME DES GANGLIONS
DE LA BASE
L’e et principal de la stimulation bilatérale du noyau subtha-
lamique (NST) dans la maladie de Parkinson est la diminution
des complications motrices de la dopathérapie, fl uctuations et
dyskinésies. Cet eff et est vraisemblablement le résultat d’une
modulation continue du NST, et à travers lui, de la boucle
motrice des ganglions de la base. Cette stimulation continue
permet d’élever progressivement le seuil d’apparition des dyski-
nésies et de renverser au fi l des mois l’eff et de priming de la
L-dopa. Après des années de stimulation du NST et la dimi-
nution majeure ou l’arrêt de la dopathérapie, la reprise de la
L-dopa (dans l’attente d’un changement de stimulateur ou après
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extirpation du matériel implanté pour infection, par exemple)
nentraîne pas immédiatement de fl uctuations ni même de net
eff et antiparkinsonien, comme chez un patient parkinsonien de
novo. Cest la démonstration de la réversibilité des complications
motrices de la L-dopa, qui sont donc bien des eff ets indésirables
de ce médicament et non pas l’eff et d’une neurotoxicité. Les
études au très long cours de la stimulation du NST ont montré
la stabilité des paramètres électriques de stimulation et, ainsi,
l’absence de phénomène de tolérance du système nerveux à cette
thérapeutique, dont le mécanisme d’action précis est encore
débattu.
EXTENSION DES INDICATIONS DE LA STIMULATION
CÉRÉBRALE PROFONDE
La stimulation cérébrale profonde est un nouveau concept théra-
peutique : celui d’une modulation focale du système nerveux
central. La stimulation empêcherait localement l’expression
de décharges neuronales anormales. Or, le système nerveux
fonctionne en réseaux neuronaux de topographie relativement
diff use au niveau du cortex mais focalisée plus en profondeur.
Ainsi, la modulation de l’activité d’un volume neuronal profond
restreint permettrait-elle de changer le fonctionnement anormal
d’un large réseau neuronal. Si l’anomalie d’activité neuronale
est focalisée dans le cortex cérébral, une modulation locale
pourrait aussi être effi cace. Les principales fonctions des boucles
des ganglions de la base sont représentées dans des régions
séparées de ces derniers. Même dans un noyau aussi petit que
le NST, il y a des régions sous-tendant des activités motrices,
cognitives et émotionnelles. Chez des patients parkinsoniens
dont le NST est stimulé, il est possible de provoquer un fou rire
avec état hypomaniaque (7), des pleurs avec thymie dépressive
ou une amélioration d’un trouble obsessionnel compulsif (8).
Dans plusieurs maladies neurologiques ou psychiatriques, les
imageries cérébrales fonctionnelles (TEP ou IRMf) ont montré
des anomalies d’activité de divers réseaux neuronaux. Ainsi, les
indications de stimulations cérébrales se sont étendues avec
des premiers résultats encourageants, voire spectaculaires.
Sont actuellement à l’étude la stimulation du noyau accum-
bens, du noyau caudé, de la partie limbique du NST dans le
trouble obsessionnel compulsif, celle du thalamus limbique,
du pallidum interne limbique ou moteur dans le syndrome de
Gilles de la Tourette (9), celle de l’aire corticale CG25 dans la
dépression sévère, du pallidum moteur dans diverses chorées,
de l’hypothalamus dans l’algie vasculaire de la face et les troubles
du comportement alimentaire, et de la pars reticulata de la subs-
tance noire, du NST ou du thalamus dans certaines épilepsies.
Contrairement à la stimulation à haute fréquence, vraisem-
blablement inhibitrice, la stimulation à basse fréquence peut
activer une structure locale. Cela a déjà été appliqué au noyau
donculo-pontin dans les troubles de l’équilibre et de la marche,
notamment avec freezing chez des parkinsoniens (10).
La modulation électrique ou pharmacologique d’anomalies du
fonctionnement de divers réseaux neuronaux est un outil théra-
peutique de plus en plus utilisé dans les maladies du mouvement.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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