Nouveautés thérapeutiques et physiopathologiques dans

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Nouveautés thérapeutiques et physiopathologiques
dans les mouvements anormaux
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P. Pollak*
L
es progrès thérapeutiques réalisés dans les troubles du
mouvement sont de plus en plus fréquemment la conséquence d’une meilleure compréhension du fonctionnement
des ganglions de la base et des avancées physiopathologiques.
BASES RATIONNELLES DE L’UTILISATION
DES MÉDICAMENTS DANS LA MALADIE
DE PARKINSON
Dans la gestion thérapeutique médicamenteuse de la maladie
de Parkinson, on distingue les médicaments dopaminergiques
(L-dopa et agonistes dopaminergiques) des médicaments appartenant à d’autres classes pharmacologiques. Il est admis qu’il n’y
a pas d’arguments convainquant, en termes de neuroprotection,
en faveur soit des agonistes dopaminergiques, soit de la L-dopa
(1). Leur spectre d’effets bénéfiques et indésirables est différent.
La L-dopa est plus efficace sur le syndrome parkinsonien, mais
entraîne plus de complications motrices. Les agonistes dopaminergiques engendrent plus d’effets indésirables. Si les effets
de type périphérique, digestifs ou tensionnels, sont en général
bien contrôlés par un lent titrage et l’administration associée de
dompéridone, des effets centraux sont de plus en plus souvent
rapportés dans la littérature. Ils sont dose-dépendants et doivent
être recherchés systématiquement à chaque consultation ; il est
par ailleurs nécessaire d’informer les patients de leur possible
survenue. Il s’agit du syndrome de dysrégulation dopaminergique
(2), qui est le reflet d’une hyperactivation dopaminergique des
boucles non motrices (associatives et limbiques) des ganglions
de la base. Ces symptômes comprennent les psychoses hallucinatoires et délirantes, les compulsions d’achat, de grignotage, de
jeu, l’hypersexualité, l’hyperactivité souvent répétitive et stérile
(punding), l’irritabilité avec intolérance à la frustration, la manie ou
l’hypomanie. Il faut ajouter à ces symptômes la somnolence diurne,
l’insomnie nocturne, mais aussi des effets souvent favorables
comme la diminution de l’apathie et l’augmentation de la créativité
artistique. Le contrôle de ces divers symptômes fait appel à une
réduction de dose ou à un arrêt des agonistes dopaminergiques
et à une dopathérapie à petites doses unitaires régulièrement
répétées dans la journée, souvent additionnée d’un inhibiteur
de la COMT. Pour les complications motrices les plus sévères, la
perfusion continue sous-cutanée d’apomorphine ou intrajéjunale
de L-dopa (Duodopa®) [3] peut être indiquée.
* Unité des troubles du mouvement, pôle de psychiatrie et de neurologie, CHU de Grenoble, et
Institut des neurosciences, U836-UJF-CEA, Grenoble.
La Lettre du Neurologue - Vol. XI - n° 4 - avril 2007
Les dernières études ont confirmé l’imputabilité du pergolide
dans l’apparition de valvulopathies cardiaques (4). Le mécanisme
probable de cet effet indésirable repose sur l’activité agoniste
sérotoninergique (récepteur 5HT2B) de certains agonistes
dopaminergiques. Le pergolide partage cette propriété avec
d’autres agonistes dopaminergiques dérivés de l’ergot comme
la cabergoline et la bromocriptine, mais pas le lisuride. De ce
fait, au sein des agonistes dopaminergiques, on recommande
l’utilisation des agonistes dopaminergiques non ergotés c’està-dire, en France, le piribédil, le ropinirole, le pramipexole et
bientôt la rotigotine par voie percutanée.
L’administration prolongée de L-dopa entraîne des modifications durables des récepteurs dopaminergiques localisés sur
les neurones gabaergiques striataux. Ces récepteurs dopaminergiques peuvent être modulés par d’autres récepteurs. La
modification de l’activité de ces autres récepteurs peut ainsi
entraîner des effets moteurs antiparkinsoniens. À ce jour, l’administration de L-dopa provoque des effets antiakinétiques qui vont
de pair avec l’activité prodyskinétique, et inversement avec les
neuroleptiques. Est-il possible d’induire des effets bénéfiques
antiparkinsoniens tout en diminuant fluctuations motrices et
dyskinésies ? Cet espoir est fourni par l’utilisation de médicaments actifs sur des systèmes non dopaminergiques. Lors d’essais
thérapeutiques de phase III, des antagonistes du récepteur A2A
de l’adénosine (5) et des agonistes du récepteur 5HT1A de la
sérotonine (6) ont démontré cette potentialité à diminuer les
dyskinésies et à renforcer en même temps l’effet antiparkinsonien
de la L-dopa. Cela a déjà été obtenu avec l’amantadine, grâce à
l’activité antiglutamatergique de ce médicament.
Mouvements anormaux-Parkinson
M ouvements anormaux-Parkinson
PLASTICITÉ À LONG TERME DES GANGLIONS
DE LA BASE
L’effet principal de la stimulation bilatérale du noyau subthalamique (NST) dans la maladie de Parkinson est la diminution
des complications motrices de la dopathérapie, fluctuations et
dyskinésies. Cet effet est vraisemblablement le résultat d’une
modulation continue du NST, et à travers lui, de la boucle
motrice des ganglions de la base. Cette stimulation continue
permet d’élever progressivement le seuil d’apparition des dyskinésies et de renverser au fil des mois l’effet de priming de la
L-dopa. Après des années de stimulation du NST et la diminution majeure ou l’arrêt de la dopathérapie, la reprise de la
L-dopa (dans l’attente d’un changement de stimulateur ou après
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Mouvements anormaux-Parkinson
M ouvements anormaux-Parkinson
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extirpation du matériel implanté pour infection, par exemple)
n’entraîne pas immédiatement de fluctuations ni même de net
effet antiparkinsonien, comme chez un patient parkinsonien de
novo. C’est la démonstration de la réversibilité des complications
motrices de la L-dopa, qui sont donc bien des effets indésirables
de ce médicament et non pas l’effet d’une neurotoxicité. Les
études au très long cours de la stimulation du NST ont montré
la stabilité des paramètres électriques de stimulation et, ainsi,
l’absence de phénomène de tolérance du système nerveux à cette
thérapeutique, dont le mécanisme d’action précis est encore
débattu.
du pallidum interne limbique ou moteur dans le syndrome de
Gilles de la Tourette (9), celle de l’aire corticale CG25 dans la
dépression sévère, du pallidum moteur dans diverses chorées,
de l’hypothalamus dans l’algie vasculaire de la face et les troubles
du comportement alimentaire, et de la pars reticulata de la substance noire, du NST ou du thalamus dans certaines épilepsies.
Contrairement à la stimulation à haute fréquence, vraisemblablement inhibitrice, la stimulation à basse fréquence peut
activer une structure locale. Cela a déjà été appliqué au noyau
pédonculo-pontin dans les troubles de l’équilibre et de la marche,
notamment avec freezing chez des parkinsoniens (10).
EXTENSION DES INDICATIONS DE LA STIMULATION
CÉRÉBRALE PROFONDE
La modulation électrique ou pharmacologique d’anomalies du
fonctionnement de divers réseaux neuronaux est un outil thérapeutique de plus en plus utilisé dans les maladies du mouvement.
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La stimulation cérébrale profonde est un nouveau concept thérapeutique : celui d’une modulation focale du système nerveux
central. La stimulation empêcherait localement l’expression
de décharges neuronales anormales. Or, le système nerveux
fonctionne en réseaux neuronaux de topographie relativement
diffuse au niveau du cortex mais focalisée plus en profondeur.
Ainsi, la modulation de l’activité d’un volume neuronal profond
restreint permettrait-elle de changer le fonctionnement anormal
d’un large réseau neuronal. Si l’anomalie d’activité neuronale
est focalisée dans le cortex cérébral, une modulation locale
pourrait aussi être efficace. Les principales fonctions des boucles
des ganglions de la base sont représentées dans des régions
séparées de ces derniers. Même dans un noyau aussi petit que
le NST, il y a des régions sous-tendant des activités motrices,
cognitives et émotionnelles. Chez des patients parkinsoniens
dont le NST est stimulé, il est possible de provoquer un fou rire
avec état hypomaniaque (7), des pleurs avec thymie dépressive
ou une amélioration d’un trouble obsessionnel compulsif (8).
Dans plusieurs maladies neurologiques ou psychiatriques, les
imageries cérébrales fonctionnelles (TEP ou IRMf) ont montré
des anomalies d’activité de divers réseaux neuronaux. Ainsi, les
indications de stimulations cérébrales se sont étendues avec
des premiers résultats encourageants, voire spectaculaires.
Sont actuellement à l’étude la stimulation du noyau accumbens, du noyau caudé, de la partie limbique du NST dans le
trouble obsessionnel compulsif, celle du thalamus limbique,
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Fahn S, Oakes D, Shoulson I et al. Levodopa and the progression of Parkinson’s
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9. Houeto JL, Karachi C, Mallet L et al. Tourette’s syndrome and deep brain
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10. Mazzone P, Lozano A, Stanzione P et al. Implantation of human pedunculopontine nucleus: a safe and clinically relevant target in Parkinson’s disease.
Neuroreport 2005;16:1877-81.
La Lettre du Neurologue - Vol. XI - n° 4 - avril 2007
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