Aix-Marseille Université • Département d’Études Asiatiques
Master Aire Culturelle Asiatique • Spécialité Recherche en Sinologie
Pierre Kaser
2013/2014
I. Sur la traduction
I.1. Estienne DOLET (1509 ?-1546),
La manière de bien traduire d’une langue en aultre (Lyon : Dolet, 1540)
Sources : Bibliothèque Nationale de France, URL : http://tinyurl.com/ocbnpgy
et pour le texte numérisé, http://tinyurl.com/qhrgrr4
La manière de bien traduire d’une langue en aultre requiert principallement cinq choses.
En premier lieu, il fault que le traducteur entende parfaictement le sens et matière de l’autheur qu’il tratduict, car
par ceste intelligence il ne sera jamais obscur en sa traduction, et si l’autheur lequel il traduict est aulcunement sca-
breux, il le pourra rendre facile et du tout intelligible. [...]
La seconde chose qui est requise en traduction, c’est que le traducteur ait parfaicte congnoissance de la langue de
l’autheur qu’il traduict et soit pareillement excellent en la langue en laquelle il se mect à traduire. Par ainsi il ne violera
et n’amoindrira la majesté de l’une, et l’aultre langue. [...]
Le tiers poinct est qu’en traduisant il ne se fault pas asservir jusques à la que l’on rende mot pour mot. Et si aul-
cun le faict, cela lui procède de pauvreté, et deffault d’esprit. Car s’il a les qualités dessusdictes (lequelles il est besoing
estre en ung bon traducteur) sans avoir esgard à l’ordre des mots il s’arrestera aux sentences, et faira en sorte que l’in-
tention de l’autheur sera exprimée, gardant curieusement la propriété de l’une, et l’aultre langue. Et par ainsi c’est su-
perstition trop grande (dirai-je besterie ou ignorance,) de commencer sa traduction au commencement de la clausule,
mais si l’ordre des mots perverti tu exprimes l’intention de celui que tu traduis, aulcun ne t’en peult reprendre. Je ne
veulx taire ici la follie d’aulcuns traducteurs, lesquels au lieu de liberté se submettent à servitude. C’est à scavoir qu’ils
font si sots, qu’ils s’efforcent de rendre ligne pour ligne, ou vers pour vers. Par laquelle erreur ils dépravent souvent le
sens de l’autheur qu’ils traduisent, et n’expriment la grace, et parfection de l’une, et l’aultre langue. Tu te garderas dili-
gemment de ce vice qui ne démonstre aultre chose que l’ignorance du traducteur.
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La quatriesme reigle que je veulx bailler en cest endroict est plus à observer en langues non reduictes en art
qu’en aultres. J’appelle langues non reduictes encores en art certain et repçeu comme est la Françoise, l’Italienne,
l’Hespaignole, celle d’Allemaigne, d’Angleterre, et aultres vulgaires. S’il advient doncques que tu traduises quelcque
Livre Latin en icelles (mesmement en la Françoise) il te fault garder d’usurper [des] mots trop approchants du Latin et
peu usités par le passé, mais contente-toi du commun sans innover aulcunes dictions follement, et par curiosité re-
prehensible. Ce que si aulcuns font, ne les ensui en cela: car leur arrogance ne vault rien, et n’est tolérable entre les gens
scavants. Pour cela n’entends pas que je die que le traducteur s’abstienne totallement de mots qui sont hors de l’usage
commun, car on scait bien que la langue Grecque ou Latine est trop plus riche en dictions que la Françoise. Qui nous
contrainct souvent d’user de mots peu frequentés. Mais cela se doibt faire à l’extrême nécessité. [...]
Venons maintenant à la cinquiesme reigle que doibt observer ung bon traducteur. Laquelle est de si grand’ vertu
que sans elle toute composition est lourde et mal plaisante. Mais qu’est-ce qu’elle contient? Rien aultre chose que l’ob-
servation des nombres oratoires, c’est à scavoir une liaison, et assemblement des dictions avec telle doulceur que non
seulement l’âme s’en contente, mais aussi les oreilles en font toutes ravies, et ne se saschent jamais d’une telle harmo-
nie de langage. D’iceulx nombres oratoires je parle plus copieusement en mon Orateur, parquoi n’en ferai ici plus long
discours. Et de rechef advertirai le traducteur d’y prendre garde, car sans l’observation des nombres, on ne peult estre
esmerveillable en quelcque composition que ce soit, et sans iceulx les sentences ne peuvent estre graves, et avoir leur
poix requis et légitime. Car pense-tu que ce soict asses d’avoir la diction propre et élégante sans une bonne copulation
des mots? Je t’advise que c’est aultant que d’ung monceau de diverses pierres précieuses mal ordonnées, lesquelles ne
peuvent avoir leur lustre à cause d’une collocation impertinente. [...]
Etienne Dolet (Orléans 1509 - Paris 1546) « L’un des premiers théoriciens de la traduction à la Renaissance est E. Dolet qui l’on doit en français le
mot « traduction », apparu en 1540) » [Oustinoff, La traduction. Paris : PUF, « Que sais-je ? », 2003, p. 35] « .../... il ne saurait être question de « trans-
former » la parole divine, ce qui à l’époque, était passible du bûcher, sort que connut E. Dolet, pendu et brûlé en 1546 place Maubert, à Paris. » [op.cit., p.
37] « Ses travaux sont de trois ordres. Des travaux d’édition : les œuvres de Marot, d’Héroët, le Gargantua de Rabelais, des éditions de Virgile, Térence,
Cicéron, César, etc. Des ouvrages historiques et littéraires (.../...). Mais la partie la plus importante de son travail est son œuvre philologique : le Dia-
logue de imitatione ciceroniana (1535), défense de l’orateur latin qui répond au Dialogus ciceronianus d’Erasme, La manière de bien traduire d’une
langue en autre (1540), sur les problèmes de traduction du grec et du latin, mais aussi sur l’orthographe française et la ponctuation ../...» [Mougin
(ed.), Dictionnaire mondial des littérature. Paris : Larousse, 2002, p. 241]
I.2. Valérie LARBAUD,
Sous l’invocation de Saint Jérôme.
Paris : Gallimard, « TEL », (1946), 1997, « I », pp. 9-10
!L’idée d’un essai qui aurait pour titre : De l’éminente dignité des traducteurs dans la République des
Lettres semble à première vue séduisante. On aperçoit d’abord le parallèle, qui pourrait être plus ou moins
habilement mené, avec le sermon de Bossuet sur l’éminente dignité des pauvres dans l’Eglise, et on devine le
développement :
!Le traducteur est méconnu ; il est assis à la dernière place ; il ne vit pour ainsi dire que d’aumônes ; il
accepte de remplir les plus infimes fonctions, les rôles les plus effacés ; « servir » est sa devise, et il ne de-
mande rien pour lui-même, mettant toute sa gloire à être fidèle aux maîtres qu’il s’est choisis, fidèle jusqu’à
l’anéantissement de sa propre personnalité intellectuelle. L’ignorer, lui refuser toute considération, ne le
nommer, la plupart du temps, que pour l’accuser, bien souvent sans preuves, d’avoir trahi celui qu’il a voulu
interpréter, le dédaigner même lorsque son ouvrage nous satisfait, c’est mépriser les qualités les plus précieu-
ses et les vertus les plus rares : l’abnégation, la patience, la charité même, et l’honnêteté scrupuleuse, l’intel-
ligence, la finesse, des connaissances étendues, une mémoire riche et prompte, vertus et qualités dont
quelques-unes peuvent manquer chez les meilleurs esprits, mais qui ne se trouvent jamais réunies dans la
médiocrité.
!Il nous faut donc respecter, et même honorer publiquement, en la personne de l’habile et conscien-
cieux traducteur, ces traces des perfections que nous adorons dans ce que nous concevons de plus élevé ; il
nous faut donc louer, en même temps que son nom et que ses mérites, les puissances de monde intelligible
par lui glorieusement, et modestement, manifestées dans le monde sensible...
!Tels pourraient être la substance et le plan de ce sermon littéraire, panégyrique à grands coups d’ailes
platoniciens, mais qui, en voulant planer très haut, perdrait de vue un aspect essentiel de son sujet, et un très
solide argument en faveur de sa thèse : nous voulons parler de l’importance du rôle des traducteurs dans
l’histoire intellectuelle —ou, si on veut, de leur utilité.
!
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TRADUCTION [tRadyksjö] n. f. (Le Grand Robert, 1994 : définition abrégée et choix de citations)
1. Action, manière de traduire*. 2. Texte ou ouvrage donnant dans une autre langue l'équivalent du texte original qu'on a traduit.
1.(...) possédant à fond la langue anglaise, il débuta par des traductions d'Edgar Poe, traductions tellement excellentes
qu'elles semblent des oeuvres originales et que la pensée de l'auteur gagne à passer d'un idiome dans l'autre.” Th. GAU-
TIER, Portraits contemporains, «Baudelaire». 2. “Un des plaisirs favoris de Tytler (...) consiste à instituer une compa-
raison entre deux traductions, anglaises ou françaises, d'un même texte (...) De tout cela une doctrine assez ferme se
dégage (...) la bonne traduction est définie : «une parfaite transfusion du sens de l'original», de telle sorte que le style de
la traduction soit «du même genre que le style de l'original», tout en ayant «toute l'aisance d'une composition origi-
nale». Valery LARBAUD, Sous l'invocation de saint Jérôme, II, VIII. 3. (Fin XVIIIe). Par anal. et fig. Transposition.
TRADUCTION (tra-du-ksion ; en vers, de quatre syllabes) s. f.
1°Action de traduire. Il y a vingt ans que je m'occupe à faire des traductions. - Quoi ! monsieur, dit le géomètre, il y a
vingt ans que vous ne pensez pas ! MONTESQ. Lett. pers. 128. À mesure que, dans un ouvrage, le caractère de la pen-
sée tient plus à l'expression, la traduction devient plus épineuse, MARMONTEL, Oeuv. t. x, p. 270. Croyez-en ceux qui
ont consacré beaucoup d'années à la traduction : si le succès les a quelquefois dédommagés de leurs peines, ils se sont
plus souvent sentis vaincus dans cette lutte difficile, BITAUBÉ, Instit. Mém. litt. et beaux-arts, t. I, p. 286. 2°Version
d'un ouvrage dans une langue différente de celle où il a été écrit. On a justement comparé le commun des traductions à
un revers de tapisserie, qui tout au plus retient les linéaments grossiers des figures finies que le beau côté représente,
ROLLIN, Traité des Ét. I, 1. Traducteur élégant [d'Ablancourt] et dont on appela chaque traduction la belle infidèle,
VOLT. Louis XIV, écrivains, d'Ablancourt. Je regarde la traduction des Géorgiques par M. Delille comme un des ou-
vrages qui font le plus d'honneur à la langue française ; et je ne sais même si Boileau aurait osé traduire les Géorgi-
ques, VOLT. Lett. Chabanon, 6 févr. 1771. Qu'on ne croie pas connaître les poëtes par les traductions ; ce serait vou-
loir apercevoir le coloris d'un tableau dans une estampe, VOLT. Ess. poés. Ép. II. S'il est vrai qu'il n'y ait point de tra-
duction exacte qui égale l'original, c'est qu'il n'y a point de langues parallèles, même entre les modernes, DUCLOS,
Oeuv. t. IX, p. 94. Le docte et pesant Dacier, grand ennemi de Lamotte pour l'amour des anciens, qu'il n'a pourtant
point traités en ami dans ses traductions, D'ALEMB. Élog. Lamotte. Il n'y a qu'un moyen de rendre fidèlement un au-
teur d'une langue étrangère dans la nôtre : c'est d'avoir l'âme bien pénétrée des impressions qu'on en a reçues, et de
n'être satisfait de sa traduction que quand elle réveillera les mêmes impressions dans l'âme du lecteur, DIDER. Mélan-
ges, Térence. On a dit quelquefois que les traductions étaient des trahisons, Journ. offic. 24 fév. 1872, p. 1317, 3e col.
On dit de même : la traduction d'un passage, d'un vers, etc. TRADUCTION, VERSION, Ces deux mots sont synony-
mes ; cependant, d'habitude, la traduction est en langue moderne, et la version en langue ancienne. Ainsi la Bible fran-
çaise de Saci est une traduction, et les Bibles latines, grecques, arabes, syriaques, sont des versions. XVIe s. Si les Ro-
mains n'ont vaqué à ce labeur de traduction, par quelz moiens donques ont ilz peu ainsi enrichir leur langue ? DU
BELLAY, I, 10, recto. Sçavons nous bien qu'en Basque et en Bretaigne il y ayt des juges assez pour establir cette tra-
duction [de la Bible] faicte en leur langue ? MONT. I, 399. Prov. traductio ; esp. traduccion ; ital. traduzione ; du latin
traductionem, qui n'a que le sens de faire passer d'un lieu à un autre, et qui vient de traducere (voy. TRADUIRE).
Source XMLittré, proposant une version en ligne du dictionnaire de la langue française d'Émile Littré (1863, 1872-1877)
JACKSON, John E., D’HULST Lieven, « Traduction », in ARON, Paul, SAINT-JACQUES, Denis, VIALA, Alain (eds),
Le dictionnaire du littéraire. Paris : PUF, 2002, pp. 601-603.
VAN GORP, Hendrik, al. (ed.), Dictionnaire des termes littéraires. Paris : Honoré Champion, « Champion classiques -
Références et Dictionnaires », 2005 : « Traduction (littéraire)», « Traductologie », pp. 482-483.
I.3. Jean-René LADMIRAL, Traduire : théorèmes pour la traduction.
Paris : Gallimard, « Tel », 1994, p. 19.
Dans la pratique, la traduction sera bien sûr toujours partielle. Comme tout acte de communication, elle comportera un certain
degré d’entropie, autrement dit une certaine déperdition dinformation. Le métier de traducteur consiste à choisir le moindre
mal ; il doit distinguer ce qui est l’essentiel de ce qui est accessoire. Ses choix de traduction seront orientés par un choix fon-
damental concernant la finalité de la traduction, concernant le public-cible, le niveau de culture et de familiarité quon lui
suppose avec l’auteur traduit et avec sa langue-culture originale. C’est ainsi que la traduction visera plus ou moins à la « cou-
leur locale », au dépaysement (dans le temps comme dans l’espace), et ses lunettes du traducteur seront respectivement des
« verres colorés » ou des « verres transparents ». (G. MOUNIN, Les Belles infidèles. Paris : Cahier du Sud, 1955 ).
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I.4. Gérard GENETTE, Palimpsestes. La littérature au second degré.
Paris : Seuil, « Poétique », 1982, pp. 239-240.
Les langues étant ce qu’elles sont, aucune traduction ne peut être absolument fidèle, et tout acte de traduire tou-
che au sens du texte traduit.
Une variante minimale du traduttore traditore accorde à la poésie et conteste à la prose le glorieux privilège de l’in-
traduisibilité. (...) À ce principe, je ne reprocherai que de (sembler) placer le seuil de l’intraduisibilité à la frontière (selon
moi bien douteuse) entre poésie et prose, et de méconnaître cette remarque de Mallarmé lui-même, qu’il y a « vers » dès
qu’il y a « style », et que la prose elle-même est un « art du langage », c’est-à-dire de la langue. À cet égard, la formule la
plus juste est peut-être celle du linguiste Nida, qui désigne l’essentiel sans distinguer entre prose et poésie : « Tout ce qui
peut être dit dans une langue peut être dit dans une autre langue, sauf si la forme est un élément essentiel du message. »
(E. A. NIDA et C. TABER, The Theory and Poetics of Translation. Leyde, 1969.) Le seuil, s’il y en a un, serait plutôt à
la frontière du langage « pratique » et de l’emploi littéraire du langage. Cette frontière aussi est à vrai dire contestée, et
non sans raison : mais c’est qu’il y a déjà, souvent, du jeu (et donc de l’art) linguistique dans le « langage ordinaire » --
et que, tout effet esthétique mis à part et comme l’ont montré maintes fois les linguistes depuis Humboldt, chaque lan-
gue a (entre autres) son partage notionnel spécifique, qui rend certains de ses termes intraduisibles en quelque contexte
que ce soit. Il vaudrait mieux, sans doute, distinguer non entre textes traduisibles (il n’y en a pas) et textes intraduisi-
bles, mais entre textes pour lesquels les défauts inévitables de la traduction sont dommageables (ce sont les littéraires)
et ceux pour lesquels ils sont négligeables : ce sont les autres, encore qu’une bévue dans une dépêche diplomatique ou
une résolution internationale puisse avoir de fâcheuses conséquences.
I.5. Denis DIDEROT (1713-1784), Les bijoux indiscrets (1748), Chapitre XLII.
DIDEROT, Œuvres. André BILLY (ed.). Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1951, p. 163
« Il n’est pas nécessaire d’entendre une langue pour la traduire, puisque l’on ne traduit que pour des gens qui ne l’entendent point. »
Bibliographie sommaire sur la traduction
ACTES DES ASSISES INTERNATIONALES DE LA TRADUCTION LITTERAIRE, Arles : Actes Sud, 1986 -
BELLOS, David, Le poisson et le bananier. Une histoire fabuleuse de la traduction. (Traduit par Daniel Loayza avec la collaboration !
!de l’auteur). Paris : Flammarion, (2011) 2012, 394 p.
BERMAN, Antoine, La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain. Paris : Le Seuil, « L’ordre philosophique », (1985) 1999, 144 p.
!-----, Pour une critique des traductions : John Donne. Paris : Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 1995, 278 p.
CACHIN, Marie-Françoise, La traduction. Paris : Electre, 2007, 144 p.
CHEVREL, Yves, D’HULST, Lieven, LOMBEZ, Christine (sld.), Histoire des traductions en langue française. XIXe siècle. 1815-1914. !
!Lagrasse : Verdier, 2012, 1379 p.
DERRIDA, Jacques, Qu’est-ce qu’une traduction “relevante” ? Paris : L’Herne, « Carnets », 2005, 79 p.
DURASTANTI, Sylvie, Eloge de la trahison. Notes du traducteur. Paris : Le passage, 2002, 164 p.
ECO, Umberto, Dire presque la même chose. Expériences de traduction. Paris : Grasset, 2003, 464 p.
LADMIRAL, Jean-René, Traduire : théorèmes pour la traduction. Paris : Gallimard, « Tel », n° 246. 1994, 278 p.
MESCHONNIC, Henri, Poétique du traduire. Lagrasse : Verdier, 1999, 468 p.
!-----, Ethique et politique du traduire. Lagrasse : Verdier, 2007, 188 p.
MOUNIN, Georges, Les Belles infidèles. Paris : Les Editions des Cahiers du Sud, 1955, 159 p.
!-----, Les problèmes théoriques de la traduction. Paris : Gallimard, « Tel », n° 5, 1963, 296 p.
OSEKI-DEPRÉ, Inès, Théories et pratiques de la traduction. Paris : A. Colin, « U », 1999, 283 p.
OUSTINOFF, Michaël, La traduction. Paris : PUF, « Que sais-je ? », n° 3688, 2003, 127 p.
PALIMPSESTES. Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle. http://palimpsestes.revues.org/
RICŒUR, Paul, Sur la traduction. Paris : Bayard, 2004, 71 p.
STEINER, George, Après Babel. Une poétique du dire et de la traduction. Paris : Albin Michel (1975) 1998.
VAN HOOF, Henri, Histoire de la traduction en Occident. Paris : Duculot, « Bibliothèque de linguistique », (1991) 1999.
ASSOCIATION DES TRADUCTEURS LITTÉRAIRES DE FRANCE (ATLF) : http://www.atlf.org/
!! Blog de l’ATLF : http://blog.atlf.org/ - Page Facebook : https://www.facebook.com/ATLF.association
!!Pour le Guide de la traduction littéraire (Edition 2013) : http://www.atlf.org/Le-guide-de-la-traduction-est.html
!! ! Version pdf : http://www.atlf.org/IMG/pdf/ATLF_guide_traduction.pdf
CENTRE NATIONAL DU LIVRE (CNL) : http://www.centrenationaldulivre.fr/
!! Aide aux traducteurs : http://www.centrenationaldulivre.fr/?-Aides-aux-traducteurs-
COLLÈGE INTERNATIONAL DES TRADUCTEURS LITTÉRAIRES (CITL) : http://www.atlas-citl.org/
!! Blog du CITL : http://www.collegedestraducteurs.org/ - Page Facebook : https://www.facebook.com/college.destraducteurs
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I.6. Henry MESCHONNIC, « Introduction » à Poétique du traduire, Paris : Verdier, 1999 (extraits.).
Je dis poétique du traduire, plutôt que « poétique de la traduction », pour marquer qu'il s'agit de l'activité, à travers ses
produits. Comme le langage, la littérature, la poésie sont des activités avant de laisser des produits. Regarder le produit
d'abord, c'est, selon le proverbe, quand le sage montre la lune, regarder le doigt. (p. 11)
Le passeur. La traduction étant le plus souvent représentée comme une communication entre les cultures, information, et seul
moyen d'accéder à ce qui est énoncé dans d'autres langues, cette constatation élémentaire masque un fait tout aussi élémen-
taire : le fait que l'immense majorité des hommes n'accède à tout ce qui a été dit et écrit qu'en traduction, sauf pour ce qui est
pensé dans la langue, grande ou petite, dont on est l'indigène, et les quelques autres langues qu'on peut connaître.
La représentation gnante est de l'informationnisme : elle duit la traduction à un pur moyen d'information. Du coup
la littérature tout entière est réduite à de l'information : une information sur le contenu des livres. Le traducteur est représenté
comme un passeur. On ne voit pas, il me semble, qu'on retire par là toute sa spécificité à la chose littéraire. C'est une délittéra-
risation. La traduction est, au mieux, couleur localisée : « petit père », pour le roman russe.
Passeur est une métaphore complaisante. Ce qui importe n'est pas de faire passer. Mais dans quel état arrive ce qu'on a
transporté de l'autre. Dans l'autre langue. Charon aussi est un passeur. Mais il passe des morts. Qui ont perdu la mémoire.
C'est ce qui arrive à bien des traducteurs. (p. 17)
Science ou art. C'est un vieux jeu de socié, de se demander si la traduction est une science, ou un art. La poétique a à jouer
ce jeu. Science, la traduction est située dans et par la philologie, les cagories du savoir et de la langue. Vue comme un art,
elle est mise dans la critique de goût. Ses problèmes deviennent des mystères.
Pour la poétique, la traduction n'est ni une science, ni un art, mais une activité qui met en œuvre une pensée de la litté-
rature, une pensée du langage. Toute une théorie insciente comme disait Flaubert du sujet et de la société. Insciente, ou
inconsciente. Selon qui traduit.
C'est au-de de l'opposition entre une science et un art. À moins de faire de la science particulière qui est à l'œuvre un
sens du langage, et de la science du sujet un art de la pensée. Comme les grands « penseurs » sont des artistes de la pene.
Alors, oui, traduire est un art. (p. 18)
La langue de bois du traduire. Il y a une langue de bois du traducteur, et du spécialiste professionnel de la traduction. Elle est
de bois parce qu'elle est une vérité autorité, sans alternative. Et elle mérite bien qu'on l'appelle une langue, parce qu'elle ne
connaît que la langue. Les unités de la langue. Elle se réalise à travers les notions apparemment anodines et de bon sens, de
langue de départ, ou langue source, ceux qui rêvent de la reproduire en traduction étant des sourciers ; et de langue d'arrivée,
ou langue cible, la langue dans laquelle on traduit, ceux qui visent l'illusion du naturel étant des ciblistes.
Accompagnement traditionnel : les termes d'équivalence, de fidélité, de transparence ou effacement et modestie du
traducteur. La traduction comme interprétation. Il va de soi qu'elle ne saurait faire autre chose qu'interpréter le texte à traduire : il
faut bien comprendre avant de traduire.
Accompagnement traditionnel, la paration, conçue comme une donnée imdiate du langage, entre le sens et le
style, entre le sens et la forme.
Ces notions sont propres à la traduction. Elles n'ont pas la solidité, ni l'assurance des notions de la philologie. Tout en
s'appuyant sur les connaissances courantes en grammaire. Ce sont les notions qu'on enseigne. Sans voir, et sans dire, qu'elles
constituent la programmation même de la mauvaise traduction, naturellement caduque.
Paradoxalement, une bonne traduction ne doit pas être pensée comme une interprétation. Parce que l'interprétation est
de l'ordre du sens, et du signe. Du discontinu. Radicalement différente du texte, qui fait ce qu'il dit. Le texte est porteur et por-
té. L'interprétation, seulement portée. La bonne traduction doit faire, et non seulement dire. Elle doit, comme le texte, être
porteuse et portée.
Accompagnement traditionnel, l'idée que les traductions vieillissent, pour dire qu'elles sont mauvaises, et qu'on ne les
lit plus. À la différence des originaux, qui tiennent à travers les âges, selon la force que possède un texte littéraire, qui fait que
c'est un texte littéraire, et qu'il continue à être lu.
Mais c'est le contraire qui est vrai. Les belles traductions vieillissent, comme les œuvres, au sens elles continuent à
être actives, à être lues. Même après que l'état de la langue où elles ont été écrites a vieilli : les Mille et une nuits de Galland.
Continuer à être lu, mais dans quelle langue, si ce n'est pas dans l'original. Si on dit qu'Homère continue à être lu : mais
en traduction, on ne lit pas Homère. Si on lit en traduction, on ne lit qu'une traduction. Il faut éviter de ricaner devant ce qui
n'est qu'un truisme. Attention, vous commencez à faire de la poétique sans le savoir.
La poétique est le feu de joie qu'on fait avec la langue de bois. Le travail de la théorie est de veiller, y compris pour la
poétique, à ne pas faire du bois. (pp. 21-22)
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