Document 5: «Portrait. Dominique Blanc : un César via Beaumarchais ?», Quotidien, 10
février 1987.*
Parmi une très belle distribution, nous avons choisi Suzanne. Dominique Blanc est loin
d'être une inconnue pour les gens de théâtre. Le cinéma la reconnaît : un premier rôle dans La
Femme de ma vie, de Régis Wargnier, et la voilà dans les Césars espoirs ! On n'oublie pas son
regard profond, cette façon de se déplacer sur scène, singulière, à la longue silhouette, on
n'oublie pas sa voix, claire et pourtant sourde, douce et tendue d'énergie. On n'oublie pas ce
qui jamais ne s'explique : sa présence, sa force, l'intelligence intuitive des « personnages »
qu'elle impose, bouleversante toujours. De cette Suzanne qui est au cœur des débats, elle parle
bien, avec la ferveur de quelqu'un qui non seulement aime son personnage, mais le nourrit, en
sait sur lui plus que n'en savait peut-être Beaumarchais lui-même. Les grands acteurs sont
ainsi, qui traversent les apparences et les voient.
Elle remarque, amusée, que rien, pratiquement jamais, n'a été écrit sur Suzanne. Mais
elle ne peut croire qu'elle soit simplement la «bonne fille » que l'on dit, cette « jeune personne
adroite, spirituelle et rieuse », que dit l'auteur. « Le travail avec Jean-Pierre Vincent est
passionnant, parce qu'il fait confiance aux acteurs. On peut proposer, on peut se tromper. Nous
avons tous été soutenus par la recherche qu’il a faite sur l'atmosphère de la pièce, sur la "folle"
journée. Ce qui m'a le plus frappée en relisant la pièce, c'est la violence des gens entre eux, la
violence terrible en circulation entre les "personnages".
Les partis pris de Jean-Pierre sont loin de ce que l'on a l'habitude de voir : poudres,
houppettes et jolies gravures. Non, c'est la sensualité, l'érotisme, la force des pulsions qu'il
montre... Et il y a aussi d’autres éléments «biographiques» très intéressants dans Suzanne :
elle est orpheline, sœur en cela de l'enfant trouvé Figaro... Dans la pièce, elle est celle qui n'a
jamais le temps : le seul personnage à ne pas avoir de monologue ! Mais elle est
omniprésente ! »
Document 6 : deux photogrammes.
Acte I, scène 1, mise en scène de Christophe Rauck, 2007 (Benjamin Jungers : Chérubin,
Laurent Stocker : Figaro, Elsa Lepoivre : la comtesse Almaviva, Michel Vuillermoz : le comte
Almaviva, Anne Kessler : Suzanne), Comédie Française, Arte France, AGAT film et compagnie,
La Comédie française, 2008.
Acte I, scène 1, Mise en scène de Jacques Rosner, Comédie Française, 1977, Alain Pralon
(Figaro) et Paule Noelle (Suzanne), Editions Montparnasse / INA, 2010.
Commentaires du jury : Le fait d’aborder la scène d’exposition d’une pièce comme Le
Mariage de Figaro ou la folle journée n’est pas tout à fait inattendu, pour autant la
fréquentation des classiques du théâtre, ici entendus comme les pièces les plus souvent
étudiées dans les classes appelle une mise en garde: une fausse familiarité et des propos
superficiels peuvent caractériser certaines analyses. Le dossier présenté prenait le parti,
parmi bien d’autres possibilités, de comparer deux mises en scène: celle de J.P. Vincent au
Palais de Chaillot (1987) et celle de Christophe Rauck à la Comédie française (2007), trois
même si l’on considérait le photogramme choisi pour montrer l’expression songeuse d’un
Figaro dans la mise en scène de Jacques Rosner (1977).
Pour reprendre une prestation à partir de ce corpus, nous avons pu entendre que tout
procède dans un tel dossier d’une double évaluation : celle des potentialités et des codes d’une
scène dite d’exposition et celle de mises en scène au centre desquelles on pouvait placer le
personnage de Suzanne. C’est elle l’objet des convoitises du comte, le centre d’un jeu de désirs
et d’intrigues, c’est elle qui sait et qui informe Figaro. C’est elle aussi qui est toisée comme une
future proie par le comte dans le dispositif scénique imaginé par Christophe Rauck : l’arrêt sur
image est dans le dossier. Le document 4, qui donne la parole à l’interprète de la captation 1