HANDBOUND AT THE UNIVERSITY OF TORONTO PRESS :•' , . DO LE DRAME ROMANTIQUE *fc>*^* LE DRAME ROMANTIQUE THESE PRÉSENTÉE A LA FACULTÉ DES LETTRES DE PARIS PAR PIERRE NEBOUT ANCIEN ÉLÈVE DE L'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE AGRÉGÉ DES LETTRES PROFESSEUR AU LYCÉE DE ROUEN iîtffr PARIS LECÈNE, OUDIN ET 15, C ie , ÉDITEURS RUE DE CLUNY, 15 1895 + \v\ i A MON MAITRE PETIT CE JULLEVILLE HOMMAGE RECONNAISSANT P. N. AVANT-PROPOS Nous avons essayé, dans ce travail sur Drame le romantique en France, d'expliquer une œuvre qui n'a été qu'une tentative malheureuse, quelque génie qui en déborde de toutes parts. Et pour mieux expliquer pourquoi la tentative était bonne à faire, pourquoi elle a manqué, nous avons quelque peu cherché une esthétique de la tragédie si l'on à son elle-même, un critérium. et veut peser, juger une œuvre, Il en faut un, mettre la classer, la rang, ce qui est encore, après tout, le plus bel objet de la critique. Faudrait-il laisser les chefs-d'œuvre ou les œuvres dignes de respect au caprice du son goût », et rie critique continue vaut-il pas devra le chacun mieux, au contraire, que pour chaque rôle qui consiste à fixer le « siècle à jouer le goût? Ce rôle, espérons qu'elle jouer longtemps encore, et que savoir ne tuera pas le plaisir la beau de sentir le plaisir et de de com- prendre. Ce drame romantique à étudier, tout œuvre lyrique et est d'ailleurs manqué qu'il est. bien intéressant C'est plutôt une de combat qu'une œuvre dramatique ; AVANT- PROPOS VIII mais quelle poésie Le vrai Hugo, ! le plus sublime, n'est-il ses pièces lyriques inégales, meilleur, le le lyrique plutôt encore que dans là, si mêlées? X'est-ce point du théâtre qui nous enlève au surtout l'Hugo et si point nous transporte dans le monde merveilleux turel ?Le théâtre est aussi pour lui que ; mais cette cause du peuple nous que l'intérêt et réel surna- une tribune politi- tient tant à cœur, en peut bien suppléer quelquefois à l'intérêt tragique absent. drame romantique ne pouvait être que du xvn e siècle, Shakspeare, Schiller ne lui avaient guère laissé que le lyrisme. L'évolution du drame psychologique était accomplie et terminée quand le romantisme est venu. D'ailleurs, le ce qu'il fut. L'antiquité, les classiques Tout d'abord l'antiquité moderne mise à la avait, la complexité de l'âme part, trouvé ce expression de plus haute drame psychologique, tragique. Prenez l'art le sujet des Choéphores d'Eschyle, de YElectre de Sophocle, qui est, à son tour, la plus haute expression du durera la drame on va sans cesse y revenir tant que vraie tragédie. Dans le drame antique, la fatalité psychologique domine tout; laisse libre : et c'est seulement dans que s'exerce passion qui est le la le champ qu'elle passion. Mais c'est déjà cette drame. La douleur d'Electre humiliée n'espère plus qui espère et dont toute la vie a été le vengeur, l'arrivée d'Oreste, concentrée sur une idée morale, Clytemnestre, sa passion furieuse, sa joie sans remords à l'annonce de la mort d'Oreste, toutes ces âmes qu'oppressait le le châtiment qui libère sentiment d'une grande justice à accomplir, le délire qui saisit Oreste après le crime, cette forme antique du doute sède Hamlet avant le et du délire qui pos- crime, tout cela, c'est déjà le drame. AVANT-PROPnS que psychologique' autant IX trouver peut le l'anti- quité. Transportez cette situation dans les temps modernes, du affranchis de l'idée de fatalité, convaincus humain tre à vous avez Corneille. Electre : deux pièces faites sur la même formule : libre arbi- et le Ciel sont un être cher venger sur un être cher. Voilà ce qui tourmente Ro- drigue, Chimène, Emilie, Cinna, lesHoraceset lesCuriaces peu importe que ; là, la liberté. dominant le tout, la drame, c'est tout l'intérêt l'être Seulement, ; cher devienne ici la patrie, la fatalité ôtée, le libre arbitre formule devient plus psychologique ; Y état clame du Gid; cet état d'Ame prend le drame intime, celui de la conscience, en germe dans l'œuvre antique, se développe et remplit tout le cadre. laissé à Ce développement aux modernes atteindre pour est tout ce qu'avait l'antiquité, inimitable et impossible le reste, pour la grandeur épique, héroïque, quasi divine des personnages. Corneille applique la formule maisquand il a dans plusieurs pièces ; mis en lutte successivement l'amour con- tre l'honneur, contre la reconnaissance, contre les affec- tions de famille, contre la patrie, contre la religion, la formule paraît épuisée. Corneille pourra Nicomède ou Rodogune, être encore, dans un grand tragique ; il ne sera plus Corneille. Reste cependant ce revers de la for- mule : le devoir succombant, la passion maîtresse l'héroïsme humain, émouvant, la passion, fois entré, écueil, le lyrisme: moins propice ; humaine, autre après sujet son développement, ses contradic- Le drame redevient plus simple mais, avec Racine, dans cette voie, il côtoie un tions, ses retours. une la faiblesse à ; un peu moins d'observation, un temps l'étude désintéressée, une plus grande AVANT-PROrOS X place prise par le moi, voilà passions de l'auteur les substituées à celles de ses personnages. Telle est, en quelques mots, l'évolution du chologique, la forme la plus élevée de donne l'intérêt le qui plus intense en réduisant tout à une Pendant que Shakspeare crise. drame psy- l'art, celle se servait, lui aussi, de cette formule, les classiques l'appliquaient rigoureuse- ment et la poussaient à l'excès, en qui n'était pas l'analyse abstraite Que restait-il à faire les classiques pour une supprimant trop ce des passions. de nouveau après Shakspeare et ?Rien certainement ; il n'y avait plus place école. Surtout après Corneille et Racine, la peinture de la passion en soi était épuisée. Si Ton voulait du moins, non fonder une des tragédies élevées, psychologique „ il- école nouvelle, mais faire d'abord garder la formule fallait la lutte intérieure et ,1a crise, puis fon- dre ensemble Corneille et Shakspeare, c'est-à-dire, ne pas trop donner aux unités, créer des personnages un peu moins généraux que ceux des classiques, tout en se refusant quelque peu des libertés que prend Shakspeare, tout en n'exagérant pas le caractéristique et le grotesque. Mais on peut affirmer que ces tragédies n'eussent eu d'original que la perfection de la forme, le choix d'autres personnages, d'autres époques. Elles eussent" été des variétés combinées de Corneille et de Shakspeare. Ce ne sont point là les caractères d'une école originale. Or, romantisme voulait et par la être le une école originale au théâtre, force des choses il devait être original. Il y fut donc lui-même, c'est-à-dire qu'il y resta lyrique il créa une sorte de drame lyrique, mais d'autant moins ; drame, par malheur, qu'il était lyrique. Il diction, incompatibilité. y avait contra- AVANT-TROPOS XI Le théâtre romantique eut d'autres forme passionnèrent trop tions de défauts. Les quesesprits les presque uniquement occupé de mettre dans le caractéristique, la vie On oublia la psychologie on ; fut la tragédie, extérieure, la couleur locale. ou bien on l'élontTasous le détail. Mieux encore, on eut dû reconnaître que l'époque ne convenait pas au drame, qu'on ne se sentait pas dramaturge de tempérament, qu'on ne souhaitait monter sur la scène que pour le plaisir d'y faire la critique le combat d'y mettre la poésie en vue, du classicisme, et d'y combattre politique, ce qui ne remplaçait pas la vocation absente. Voici quel a été notre plan. Nous avons, d'abord apprécié, toute autre question écartée, la valeur poétique du drame romantique, qui ne laisse pas d'être considérable. Puis nous les questions la théorie la critique vraie et nous avons cherché un critérium qui dos théories, des écoles, d'esthétique romantique, en partie, a tout brouillé, fausse pour abordons Comme dramatique. la mette au-dessus des disputes ; car existe il encore, sinon des intransigeants qui sont ou classiques ou romantiques tout d'une pièce, au moins des indécis qui blâment ou louent sans avoir précisément de bon nés raisons, des dilettantes qui prennent leur goût personnel pour la loi de l'art. Aussi, quoiqu'il y ait quelque danger, nous avons cherché à dégager ce qu'il faudra toujours appeler les règles du genre. Le beau n'est point ce qui plaît y a à tel ou tel, mais ce qui doit plaire à tous une science du beau. Nous sommes donc d'une définition très simple, très large de l'art : il ; il parti con- AVANT PROPOS XII siste à nous émouvoir doucement de Boileau) par la peinture de nous avons défini passions, l'art (la «pitié dramatique ; et une peinture des : tableau delà vie s'adaptantà des conditions un extérieures qui résultent de ce que emprunte une l'art une scène, des acteurs; ce sont salle, charmante» des passions la vie et les conditions (Vexistence dit genre. L'idéal de l'ail dramatique sera d'adapter le plus possible de psychologie à ces conditions drame d'existence du genre, sans lesquelles le cadre et sort de son verse dans l'ode ou l'épopée. L'examen historique, rapidement des différents fait, systèmes, c'est-à-dire des proportions différentes dans lesquelles s'allient l'étude psychologique du genre, nous a aidé tions d'existence même critérium, en temps tous les systèmes, aucun, nous qu'il en outre mesure l'équilibre entre et les condi- à vérifier notre faisait admettre somme, n'ayant rompu fond le et laforme, aucun n'ayant non plus trouvé exactement la proportion idéale. La perfection d'ailleurs est rare a sa conviction qui faite fait sa force l'art ; ; de chaque époque or toute conviction est d'un côté des choses négligé. Nous pouvons dès lors, en connaissance de cause, aborder l'examen du système romantique. Nous l'y vovons préoccupé surtout des conditions d'existence du genre au point d'en oublier ce qui noblesse du drame minons en quoi la : est la vraie force et la l'étude psychologique. Nous exa- doctrine romantique fut féconde renouvela, en quoi elle se trompa et fut et chimérique. Puis nous étudions l'œuvre même, comment elle reflète une époque grande et troublée, ressent Fin tluence des passions contemporaines ; comment donne à l'œuvre un grand cette influence d'un côté intérêt poétique, de l'autre le AVANT- PP.OPOS fausse au point de vue de révolutionnaire et l'art XIII dramatique. La passion maladie romantique ont changé la drame en ode ou en pamphlet, ont fait de la le scène un trépied ou une tribune. Nous passons que alors en revue les caractères drame romantique a mis au toujours l'amour, la le théâtre. Les passions sont haine, la jalousie, l'amour paternel ou maternel, l'héroïsme ; mais l'époque où les poètos De ont renouvelé les passions et spécialement l'amour. plus, les romantiques, séparent point du au contraire des classiques, ne ^ passion du temps, du la du décor. Leur pathétique en sera lieu, tempérament, différent, plus touchant, plus troublant, plus violent, plus énervant. étudié les passions qui Enfin, après avoir font nous avons tâché d'apprécier matière tragique, la les qualités et les défauts de la mise en œuvre, la part du lyrisme, du mélodrame, l'importance donnée en appa- rence ou en réalité à l'histoire, au l'évolution de la versification qui costume, et enfin Cromwell] date de et le vers nouveau qui est l'enveloppe naturelle du drame conçu parles romantiques. Il n'y a, dans ce travail, ni érudition, ni documents inédits, choses qu'il ne comportait point. sommes au contraire placé en face avons considérées dans leurs grandes lignes, parant aux œuvres qui ont précédé dans tâchant d'expliquer l'évolution .Nous n'avons même romantique dont quement les .Nous nous dés œuvres, et le les même les com- genre, du genre lui-même. pas étudié proprement l'histoire se déroule encore, le drame mais uni- quelques drames de haute portée qui ont tenté de correspondre au théâtre classique, de conti- u AVANT-PROPOS XIV nuer chez nous Shakspeare, périodes où la grande poésie avait choisi Nous avons élagué le théâtre. œuvres secondaires, oute toutes les dramatique du la végétation d'égaler les œuvres des siècle, qui doit beaucoup au romantisme. Nous n'avons pas raconté (ÏHernani, les anecdotes, la vie privée ; les luttes nous avons, l'homme dans Hugo, mais seulement l'homme général et l'homme du temps, ce qui se réflécertes, étudié dans son théâtre. chit Nous n'en approuvons pas moins ceux qui collecmenus faits sur le Romantisme tionnent documents et on l'a fait pendant lir, détails ; déjà avec succès, et l'on a bien fait de recueil- que qu'ils étaient encore à fleur de terre, des les fureteurs à venir, obligés maintenant de chercher une autre proie, eussent déterrés à grand effort et grand honneur, ou qui même eussent été per- dus. En un méthodes ce mot, nous ; n'avons pas choisi nous n'en avons vu que nous voulions la tentative tragique que d'autres faire : du xtx 6 se placeront à nous compléteront, si entre deux qu'une possible pour expliquer, faire comprendre Nous espérons bien un autre point de vue et siècle. nous pouvons nous apporté notre petite contribution flatter d'avoir à l'intelligence du théâtre romantique. Nous ne et citons guère les critiques ne renvoyons guère même contemporains aux plus excellents ouÀ quoi bon? Par vrages, à qui nous devons beaucoup. la nature de notre sujet, aucun ne nous a été utile direc- tement. Nous avons philosophé à notre loisir devant les œuvres elles-mêmes. Mais formé, indigne disciple, par AYANT-moros XV nombre do maîtres éminents dont nous avons entendu la parole ou lu les livres, à personne, IN isard nous n'avons rien emprunté nous devons un peu à tout comme à M. comme à M. Girardin si le Petit de Julleville, à monde, à Saint-Marc Faguet. P. N LE DRAME ROMANTIQUE LIVRE PREMIER LA POÉSIE ET LE THÉÂTRE Ce que nous entendrons par serait plutôt la : drame romantique. Le le tragédie romantique. — II. La vrai titre tragédie est un poème dramatique, c'est la grande poésie au théâtre; définition de la grande poésie. Ses manifestations diverses. III. Le xvme siècle Elle adopte le théâtre au xviie siècle. Les rédeux courants la tragédie sans la poésie: décadence. formes les plus ingénieuses ne peuvent la faire revivre. Lafosse, Lamotte, Voltaire et les autres prétendus précurseurs du roman- — — — : — : — La poésie revient à tragédie renaissance. — Diderot Abufar Beaumarchais, Chénier, Ducis, Lemercier et Pinto. — IV. La grande poésie au xixe siècle. Elle n'est forme lyria surtout pris au théâtre qu'accidentellement, drame romantique. que. Raisons. — V. La grande poésie dans tisme. la : et ses idées. ; elle la le Résumé. L'objet de cet essai est d'étudier la terme vague n'est tragédie romantique, drame romantique. Le mot drame plutôt que le ; il désigne toute pièce de théâtre dont est le un fond pas absolument comique, quelle que soit d'ailleurs sa portée. Le terme de drame romantique s'applique donc à toutes les pièces romantiques qui ne sont pas des comédies pures, et n'ont admis le comique dans LE DRAME ROMANT. une action sérieuse 1 1 LA POÉSIE ET LE THEATRE 2 que comme complément nécessaire au tableau de i la vie. Mais nous ne voulons pas éparpiller notre attention sur une moindre des foule d'œuvres très secondaires, car le peut se génies A faire sa place ; les au théâtre comme talents plus élevé des le grandes œuvres nous occuperont seules. distance, mé- postérité, oubliant les productions la diocres où des centaines d'imitateurs ont pris au génie ses procédés sans prendre sa poésie, ne voit plus que lui chefs-d'œuvre ; et même, en cherchant dans y aperçoit, non point des œuvres éparses semées çà dans toute la poésie d'une époque s'est pour ainsi où. C'est ainsi que nous disons dire condensée. grecque. C'est ainsi que nous disons aussi sique, et et là au hasard de l'inspiration, mais des groupes les siècles de poèmes les le passé, elle que nous entendons par Corneille et celles là : : tragédie la la tragédie clas- cinq ou six tragédies de de Racine, sans même y comprendre quelques pièces estimables de Mairet, de Rotrou ou de Voltaire. En de la France, cette parfaite union de forme dramatique, qui cle, a s'était grande poésie la paru vouloir se manifester une seconde du xix e Les croyances changées, siècle. velée avaient préparé et déjà montrée au XVII e siè- au début fois la société un rajeunissement des renou- passions, de la matière dramatique. Le plus grand poète de l'époque a voulu réformer le théâtre dire, ses théories étaient ses œuvres n'ont pas comme la poésie lyrique. moins neuves qu'on ne le fait école, quoiqu'elles aient A vrai crut ; et contribué à libérer le génie français, trop inféodé à la tragédie clas- sique. Néanmoins à travers la liberté qui règne depuis lors, au milieu dune multitude d'œuvres dramatiques condamnées à plus vieillir dans ce siècle le menses défauts, r ou moins vite, la postérité théâtre romantique il est ; pour notre temps l'équivalent de tragédie classique. L'école romantique, les apercevra en dépit de ses im- deux termes de drame et de tragédie il ; la est vrai, opposait mais, à son insu, LA GRANDE POÉSIE c'est il do la tragédie qu'elle faisait n'y a plus aujourd'hui la différence s'est effacée, ; d'école, il ne reste que des ou- vrages. D'ailleurs titre théâtre de Victor le de tragédie ; Hugo seul peut mériter ce nous l'étudierions donc seul, constater dans certaines pièces romantiques téressant de d'Alexandre Dumas et d'Alfred de Vigny, par exemple, trace des passions d'une époque dont Victor scène n'était in- s'il Hugo la est à la seul grand représentant. le II Le théâtre est comme un terrain neutre où s'installent tour à tour les spectacles les plus différents, tantôt l'observation choisie de la réalité réduite en comédie, tantôt l'amusement des yeux, tantôt les péripéties tragiques de la vie de tout le monde, tantôt c'est-à-dire la la les à suivre la grande poésie, au théâtre, quand vent leur expression à les passions scène. la bientôt qu'à ces époques, au de la licence gaire, la s'installer plus étonnantes du sort, grande poésie adaptée au théâtre. L'étude de tragédie revient s'installe enfin le spectacle des plus grandes ou des vicissitudes passions humaine quand elle d'une époque trou- Nous nous apercevrons du chaos insipide ou du vul- milieu des spectacles faits,pour le seul plaisir grande poésie, amenée par au théâtre, se crée à les circonstances à elle-même une forme parfai- tement adaptée. La grande poésie. Ce mot Est-ce autre chose que poésie n'est pas le génie La grande a-t-il génie le ; ? elle a le poésie, c'est l'état besoin de définition Oui et non. ? La grande génie pour interprète. d'âme d'un peuple qui, ému, secoué par une des révolutions de sa propre existence, est prêt à gémir ou à chanter, se sent pris de tristesse ou d'é- nergie indomptable. Même en dehors des révolutions, la 4 LA POESIE ET LE THEATRE grande poésie est toujours en puissance dans l'âme d'une nation que les ; suffit il circonstances favorisent son éclosion en donnant à des poètes du des modèles, des idées. loisir, A défaut des souffrances et des enthousiasmes résultant d'une secousse, elle sera faite des idées morales qui constituent l'âme d'un peuple, et qui pourront s'exprimer dans époque d'agitation, ou dans l'époque de repos qui troubles. Après révolution, c'est la de les dernières luttes dans de religion, l'unité et accepté sans conteste, c'est La grande prime, si le donc l'âme d'un penple qui s'ex- poésie, c'est je puis ainsi dire, par le poème, tandis que son activité intellectuelle se la après du pouvoir royal force la ; dernières guerres théâtre classique. traduira d'ailleurs par l'histoire, la philosophie, la critique, tout cela de romantisme le la féodalité et les une suit les grande poésie, même et pouvant aussi contenir en général accompagner l'é- closion de cette poésie. A certain aura besoin elle prendra moment grande poésie sera dans la d'interprètes la et, ; suivant forme lyrique, ou forme dramatique elle ; la prendra aussi les l'air, elle circonstances, forme épique, ou la la forme des génies, c'est-à-dire que, suivant les circonstances qui feront naître les génies, prépareront leur éducation, leur tempérament, du leur donneront loisir grande poésie aura les génies comme tel ou leur feront une vie troublée, ou tel caractère. par un moule, mais la Elle passera par elle préexiste aux génies en puissance. Elle est la commotion, l'ébranlement, l'excitation ; nelle, ils la C'est sont l'instrument qui vibre et résonne. Elle ils est la matière, ils lui donnent la forme. Elle est imperson- font personnelle. par époques en général qu'apparaît poésie, c'est par larges afflatus qu'elle procède peut aussi, alors étrangère et la solitaire, et qui même la ; que l'époque tout entière grande mais elle lui paraît nation occupée ailleurs, inspirer un poète à ce moment vibrera, sentira passer en lui I LA GRANDE POÉSIE EN GRÈCE l'âme nationale ou 5 de l\iine universelle con- la protestation tre le présent. Ainsi en Grèce grande poésie, résultat des commotions la héroïques, s'exprime Homère fois Homère par sous la forme épique, Une seconde représentant tout un cycle poétique. l'âme de nation grecque, déjà consciente d'elle-même, la mais encore éparse dans s'exprime par les républiques ou les tyrannies, forme lyrique la puis après la défaite des ; âme barbares qui l'unit et la condense, cette s'exprime par théâtrales le théâtre en même temps du lyrisme, puis par le éparse, elle que par les formes théâtre seul pendant un demi-siècle, de la mort de Pindare à celle d'Euripide. poésie lyrico-épique du dithyrambe a donné naissance à drame d'abord rudimentaire. Les créateurs comme drame, traditionnels La un du Thespis, Phrynicos, semblent avoir été célè- bres plutôt pour les nouveautés de formes qu'ils apportaient que pour leur génie poétique. C'est avec Eschyle que grande poésie s'empare du théâtre où Avec Eschyle, Sophocle règne un elle Euripide, toute la , attiréeau théâtre. Ces trois grands poètes avaient, composé des poèmes lyriques fait longtemps absente ; théâtre le ; nul doute qu'on n genre tragique; mais le est est vrai, mais ces poèmes n'ont guère ; pour leur gloire. Après eux, au contraire, abandonne poésie il la siècle. la ? ait la poésie encore cultivé grande poésie en était aucune des productions postérieures n'a survécu à la consommation journalière, etnous savons que, faute de concurrents sérieux, on finit par reprendre les pièces des grands tragiques. C'est donc que des circonstances diverses portèrent les poètes grande poésie peuple jeune lissant sophie, ; elle se ; d'autres formes. D'ailleurs, la l'âme grecque n'est plus celle d'un l'âme de l'âge mûr, de l'homme vieil- manifeste désormais par l'histoire, la philo- l'éloquence. Rome, vers morte c'est ; mourir avant A est Ainsi la peuple peut marquée la diffé- poésie d'un lui. — et combien se trouve ainsi LA POÉSIE ET LE THÉÂTRE 6 rence entre les deux peuples guère qu'au bout de huit rude, agriculteur, la Lame que l'esprit romain, manifesté par oratoire, s'est romaine, pénétrée et échauffée Grèce, s'exprimera alors par autre chose qu'une dis- cipline héroïque : par la grande éloquence chante avec Lucrèce et Virgile criera par la bouche de pour fini grande poésie n'arrive la siècles, alors guerrier, Plaute et par Caton. par — ! la ; elle elle chantera encore et et de Juvénal, et ce sera ; Lucain et l'histoire grande poésie, qui jamais ne montrée se sera au théâtre. Il y eut cependant à avant que la langue ou Rome l'art des poètes tragiques, mais ne fussent Quoique Pacu- fixés. vius et Attius ne paraissent pas avoir été de simples imitateurs du théâtre grec, on ne voit pas beaucoup où pouvait au théâtre une poésie un être leur originalité. Ils mirent peu fruste, celle de la tirait Rome révolutions du monde que satisfaction du butin rapporté le agricole et guerrière, qui ne encore d'autre émotion des chutes de peuples et des théâtre grec : l'orgueil de la mais par-dessus tout ; leur plaisait par il Troie c'était Carthage, et le « victoire Cheval de Troie » se encore au temps de Cicéron. L'époque poétique à qu'on ne lit jouait Rome ne que de vieux maîtres guère. Ainsi à Athènes poésie, et à c'était d'allusions. les sujets voit plus dans les anciens tragiques et la Rome le la théâtre ne valut que par la grande grande poésie, une fois venue, ne son- gea pas à s'emparer du théâtre. L'âme française a chanté dès vères. Puis la foi et la forme monta sur qu'il prit les le XI e siècle par les Trou- planches ; y eut un drame il dura tant que dura la foi des multi- tudes. Aussitôt qu'apparaît le doute, les Mystères meurent, le théâtre tragique est vide, et montre pas de longtemps sur la la poésie sérieuse maintenant X ode sous toutes ses formes Mystères, comme ils ; ne La poésie, elle remplace scène. ont remplacé l'épopée ; se c'est les et elle s'emplit LA GRANDE POÉSIE AU XVIL e SIECLE de tout ce que 7 génie païen retrouvé apporte au génie le moderne. Presque aussitôt pourtant, les poètes lyriques de la Renaissance, dans leur enthousiasme pour l'antiquité, ressuscitent la tragédie qui n'avait eu qu'un temps à Athènes. Mais Peu attend près d'un siècle l'âme qui lui doit venir. elle peu à la poésie va la trouver. C'est tragédie française, c'est sion soudaine la le Cid qui crée le grande poésie delà passion chevaleresque, fera du la Cid qui, révélant par une explo- même coup et de l'héroïsme admirer une forme toute nouvelle. Cette forme ne vaut d'ailleurs que ce que vaut génie dont un moment est elle Cinna habitée. le un est poème tragique, Sertorius n'est qu'une pièce de théâtre. Quand Corneille a épuisé sa poésie, qu'il se répète luimême, la tragédie n'est plus qu'une enveloppe vide, bourmais les temps souflée par moments de faux héroïsme ; drame, étaient au pris cette direc- Les succès de Corneille nous valurent Racine poète tion. dramatique au lui grande poésie avait la la lieu de Racine poète lyrique ou épique. Avec puissamment, tragédie vit grâce à la poésie : la forme dramatique sert tour à tour d'enveloppe à un combat comme Andromaque, de passions à une élégie comme Béré- à un fragment d'épopée biblique comme Athalie. D'où vient que la poésie se dirige à cette époque par exemple vers le théâtre ? La tragédie antique exhumée a nice, frappé que les esprits, même de aient usé la société favorise cette formes de politiques, la poésie peuvent se leur mode spectateurs, le loisir, Ainsi alors que d'autres développer dans il faut les troubles au drame une époque de paix, des un lendemain. Il semble qu'une nation après rude travail de sa formation sente en a : L'état ambition. au milieu du labeur des peuples qui travaillent à leur unité, le séduit les poètes et les séduira jusqu'à ce des chefs-d'œuvre de se donner Athènes après les le le besoin, comme elle spectacle de sa propre vie. Guerres Mediques , et Paris LA POÉSIE ET LE THEATRE 8 après l'unité française assurée, quand vie féodale fait la place à une organisation centrale et puissante. D'où la il y avait un faveur qui s'attache aux débuts de Hardy ; un spectacle. Et puis l'ode s'usait. L'ode de Malherbe avait résumé magistralement une forme lyripublic : fallait il que, mais l'avait résumée. la fin du xvin e siècle, On plus d'odes avant n'écrira En avant André Chénier. toute la poésie prendra la forme dramatique revanche, de ; la fable drame qui met en scène même, tellement décrire un les humains costumés en animaux Lafontaine fera ce petit : poètes, qui est naturel à ces spectacle avaient sous les yeux, au lieu de société, un spectacle admirablement réglé, où chacun le avait sa place, peuple, bourgeois, nobles, et sur devant de est le seul la scène L'observation les courtisans et le roi. procédé possible au poète relégué à son rang, dans ce monde si Après Racine, La se prépare. bien composé, qu'il voit sans s'y mêler. la tragédie place t.out cela fait meurt. Le changement social à Dieu, la foi au foi roi, la foi à l'autorité, aux premières inquiétudes du monde On contemporain. Bientôt tout va s'ébranler. essaye, on affirme, on nie, cherche, on on combat plume en main. voilà lançant dans la Vienne un grand esprit, Voltaire le mêlée des poèmes épiques, des odes, cours en vers et en prose, des romans : des épîtres, des dissatiriques, des articles de dictionnaire, des tragédies en cinq actes, des comédies. classique connaît avec lui La tragédie un renouveau de viDu mouvie gueur; mais combien différent de sa première vement, des cette satires, de l'éloquence admirable concentration de justifié les costume ! cinq actes sans la vie morale, qui avait mobilier, sans décor et* sans Aussi Voltaire s'agite et se débat les sujets, tous les temps, tous les ! mais qu'est devenue ; héros ; ; il essaye tous peine inutile arrive au succès, car on ignore qu'il puisse exister tragédie pour ; mais tout ce mouvement innover, sans le fonds : il une autre factice, ces innovations de grande poésie, dégoûte DÉCADENCE DE LA TRAGEDIE Où bientôt. est la poésie ? elle est Confessions de Rousseau 'le vers que va ; même, elle dans pour elle a ; les le 9 romans, dans moment les dépouillé ce n'est pas pour endosser le costume tragi- reparaîtra plus tard dans Téglogue et l'élégie, elle avec Chénier s'épanouir dans l'ode et dans peut-être l'ïambe, se développer en une épopée des civilisations, en un De rervm Jiotura attendre que la mais ; tourmente Révolution est la soit passée. Alors le là, il faut romantisme apparaît. III Pour bien comprendre que poésie est tout, de les destinées qu'à Victor il la genre n'est rien le Hugo. Afin de la accomplies plus tard par le longtemps en Allemagne, France, tous la renouveler tout a été tenté celui de Goethe du théâtre espagnol, toutes celui que tragédie depuis la mort de Racine jus- mais l'exemple de Shakespere, Schiller, et de considérer un peu attentivement suffit les et ; de réformes Romantisme, accomplies depuis et proposées alors inutilement en des plus grands talents, des esprits les efforts plus larges ne la font pas avancer d'un pas, tant qu'une les grande poésie n'est pas née. Considérons un moment la multiplicité des efforts et leur faible résultat. Lafosse emprunte à Otvvay un sujet moderne et n'arrive qu'à faire un Manlius oublié avec raison. Crébillon donne aux spectres un rôle important et tisse les horreurs mytho- logiques les plus effroyables, pour arriver à obtenir de Boileau cet éloge : Yoilà un auteur auprès de qui les Boyer et les Pradon sont de un esclave, Spartacus ; on eût Révolution ; mais non, rien qu'un bric à brac veille de la cornélien. Lamotte vrais soleils ! Saurin prend pour héros dit un pressentiment à la voit déjà toute la réforme nécessaire, LA POÉSIE ET LE THEATRE 10 prêche, il la il veut abolir il remplacer par supprimer que et longs récits, les les Lamotte pourtant connaît à demande que tout marche sans spectacle le peine Shakespere, confidents, courageusement contre Voltaire, la soutient les trois unités, il ; même, l'exposition se fasse par l'action qu'on n'abuse pas des monologues. Lamotte propose tout cela entre 1721 en quoi a tort il et 1726.; il donne il ; va plus loin semble beaucoup à celui de Shakespere ; manque à la forme mais il croit en somme Lamotte, pour détruire ce qui et quoi ; Machabées ? les Edipe Contre ! le récit monologues les confidents et les il dons seulement Résultat? ! il il bref Lamotte sait les fait le le mobilier tragique, raiis fait ; ; voilà Voltaire a vu l'air! nous contre les vers, Atten- les plus justes. ! révolu- quelle il il balaye nous montre scène, la Capitole le fond du théâtre, un autel, des consuls, des séna- teurs, des licteurs de ; compose Romulvs ! contre unités, unités défendues par Voltaire! Certes, les fait faire place à la tragédie, dans prose, la va nous rapporter Sha- trois ans, Voltaire Voltaire augmente veut à tort avoir le fond kespere d'Angleterre (1729). Shakespere tion il fait Inès ! Piteux avortement des idées ! : plan d'un Coriolan qui res- le du monde, des robes de pourpre les fantômes de Shakespere, et et il apparaître l'ombre de Ninus, l'ombre d'Amphia- Voltaire a vu la folie d'Hamlet, et il nous apporte d'Alcméon qui tue ?a mère Voltaire a vu Othello étouffer Desdemona, il nous apporte Orosmane et Zaïre il celle ; ; fait des pièces en trois actes rôles de qu'il a femme ; il essaye même naguère combattues sujets nationaux, il il ; ; supprime l'amour et les des réformes de Lamotte enfin Voltaire adopte nous montre des chevaliers, il tire les un coup de canon. Hélas! tout cela pour aboutir à Tancrède, tant de mal pour que son chef-d'œuvre soit une Merope, où il n'y a ni canon, ni fantômes, ni capitole, ni sénateurs, ni licteurs. Voici, en 1745, une traduction de Shakespere ; voici en EFFORTS INUTILES DE RENOUVELLEMENT 1705 grand succès du Siège de Calais le 11 voici les pièces ; de Ducis, un Hamlet, un Othel/o (1769-1773), voici une traduction de Shakespere par Letourneur nouvelle M. de Jaucourt bert que Shakespere n'a pas d'égal, et qui dit : qui fait de Shakespere Arnaud de Bacular un dieu, qui, dans son Essai sur Don tragédie la ! » romantiques, des théories dramatique, propose de substituer à qui imite voici Jamais tragique n'a plus ressemblé à Eschyle « Mercier, un précurseur Voici ; qui écrit dans l'Encyclopédie de d'Alem- le l'art drame, Carlos et Jeanne d'Arc. Voici Joseph Ché- nier qui pille Shakespere en l'injuriant, l'imite dans Brutus et Ca?sius. Il la y longtemps que Diderot a exprimé ses idées sur a tragédie pût mettre à la scène 1800 son Staël publie en duit Wallenstein core Louis dit le M me de 1813 1809, Benjamin Constant tra- l'impression est forte France. en on drame bourgeois mais ; faudra en- il tragédie moderne soit la vraie En 1820 en elle encore au est IX d'Ancelot. C'est que les reparu ; le Littérature, en livre de la En pour que vingt ans côté d'elle infortunes bourgeoises. les son livre de V Allemagne. acclimatée comme sans vouloir la détruire, et, communément, a proposé qu'à ; les temps ne sont pas venus, la poésie n'a pas pseudo-tragiques font des tragédies actes parce que Corneille et Racine en ont fait ; la en cinq plupart de ces pièces sont sur des sujets mythologiques, que l'au- eux-mêmes teur a pris au sérieux pour ; Lafosse et Crébil- Thésée, Codrus, Pohjxène, Electre, que des histoires de Grecs, sans voir que, pour Racine, sous An- lon n'ont vu dans dromaque de Louis Pyrrhus, sous Néron XIV, De pareils De Beiloy la et titres et l'homme saisi dénoncent seuls ; ils dans le confondu et Voltaire ont tragédie nationale et Junie, ses traits le la cour généraux. vide de ces postiches. les sujets n'ont pas vu que le tragédie plus nationale que y a il nationaux Cid est et une Siège de Calais et Adélaïde du LA POÉSIE ET LE THEATRE 12 r I l Le drame romantique Guesclin. tagé leur erreur mands il : souvent que des Français. et des Italiens plus Ainsi malgré coup de canon le coup de poignard donné sur le audace de Gresset, malgré empêchés par n , n'a pas, sur ce point, par- a mis en scène des Espagnols, des Alle- la les tentatives crainte salutaire la du timides des poètes malgré public, les Avec quelle vue de l'homme théories hardies des prosateurs, rien n'avance. poésie remplir la scène tragique, avec quelle et de la destinée, car c'est là le propre de L du Guesclin, à? Adélaïde scène dans Edouard III, mouvement, du la décors, des tragédie hommes coups de fusil ou d'épée, comédies, dans les avec leurs Du duels, du poison, des y a longtemps qu'on en voit mélodrames. Des Français peints mœurs il les chrétiennes, il y en a depuis longtemps dans Zaïre. Mais tout cela ne fera pas ressusciter Au gédie. ? réels, habillés exactement, des vivants, U dans des spectacle, la tra- contraire, à peine les troubles et les catastrophes de la Révolution ont elles ramené les grands problèmes des passions, les grands spectacles de la destinée, que déjà me de StaL l trouve ce qui manque à la tragédie ; il n'est M : question des unités, ni plus dès lors s'agit de voir « gédie ». la destinée des monologues, humaine entrer dans Cela veut dire qu'il faut au théâtre la la il tra- grande poésie. Une née de autre preuve que la poésie seule, la poésie vivante la vie contemporaine, peut vivifier que, c'est que les ont fait à la fois avancer comme vrais poètes vrais la Schiller et La Harpe, Luce forme tragi- ancêtres du romantisme, ceux qui tragédie classique vers du xvin e la comme siècle. A le drame compris Shakespere, ce sont les côté de Lafosse, Crébillon, de Lancival, Arnault,qui ne peuvent res- susciter la tragédie, Voltaire, Beaumarchais, Diderot, Chénier, Ducis, Lemercier, les la galvanisent au moins, non par réformes qu'ils admettent, et dont nous avons vu l'inu- VOLTAIRE ET DIDEROT mais par tilité, nouveau dont l'esprit ils que l'animent, par mouvement passion qu'ils lui soufflent. L'invincible sophique entraîne la tragédie et 13 la philo- encore quel- lui entretient vie. Les personnages de Voltaire ne vivent pas moins parle par eux il sa tragédie est ; qui nous surprennent dans la une ; au mais série de tirades bouche du héros, mais dont l'à-propos révolutionnaire est saisissant ; partout on sent Voltaire; mais Voltaire, c'est quelque chose. Diderot a trouvé et malheureusement, le drame bourgeois, le drame moyen qui est de plus en plus, drame de la démocratie moderne le ; celui qui n'a pas des ailes de la poésie pour voir de haut, ne crée pas des personnages plus grands que natare, ne Diderot, gédie les ; choisit pas le grand dans le réel. Pour passions des puissants ont assez occupé la tra- les infortunes du peuple ont droit maintenant à scène, ou plutôt à la tribune du La théâtre. peu près que de l'idée vrit la voie qu'au talent médiocre fait pour intéresser foule. Avec bleaux, on ne si fait de Diderot vie des puissants la tristes soient-ils que de ; sur avec la : le théâtre, la ta- malheurs du peuple, les Mais en revanche ces réalité siècle précédent, d'intéresser et souveraine nulle, et elle n'ou- on peut faire de beaux tristes spectacles. spectacles attendrissent comme au est à la portée artisti- il ; une ne s'agit plus, élite brillante bon gré mal gré, épouse les pas- sions publiques. L'idée de Diderot fera son chemin elle a deux faces le drame du peuple. Le drame bourgeois doit régner, il s'imposera aux sociétés démocratiques on refera un siècle après, de mille manières, le Père de famille et le Fils naturel. Le drame du peuple entrera de force drame bourgeois : ; et le ; dans la tragédie avec Didier, Triboulet, Gilbert. Jusqu'ici les vraies nouveautés ont été trouvées par Voltaire et pour les Diderot mêmes ; elles le raisons. seront ensuite par Beaumarchais Son drame unit la tragédie et la LA POÉSIE ET LE THEATRE 14 comédie. Il le ridicule. cour agit par le ridicule et parle sérieux caché sous Voilà qui tue bien vit laissa passer ! fut le cri général le la ; crut pas pressant et s'amusa elle-même des deux pièces. L'in- de Beaumarchais sur fluence réelle. noblesse danger, niais ne le elle ; la Figaro est drame romantique le père de Ruy-Blas le ; c'est le valet est qui a été au collège, qui est poète et auteur, qui a couru monde, mais qui agit au lieu de rêver et dupé; son fils sera moins IX Le Charles lieu le d être valet, plus rêveur et plus solennel. de Chénier montre la moment le devenue un poésie, fût -elle dupe au puissance de la révolu- souffle tionnaire, pour renouveler ce que n'ont pu renouveler les Le théories. propos qui sujet était bien choisi en dehors est peut-être royauté, une de et, ce attribué à même celles qui décidèrent est vrai, Avec Charles IX nous sommes encore dans un peu emphatique de pareil ; accoutumé, il le IX la Le mot roi. ou bien trouvé. classique, c'est le style mais sort de le du qui serait plus triste, le sort Danton de ses reines de l'à- rendit terrible, car la journée de Charles le sied à ce moment solennel songe inévitable; mais la tragédie ses" ; rois et c'est l'ap- l'idée révolu- par moments on enéclater le vieux moule drame en vers des romantiques. On y dit Monsieur et non Seigneur. La scène où la reine, Guise et le cardinal de Lorraine préparent regorgement, où le prince tionnaire fait : trevoit le de l'Eglise bénit les épées des massacreurs, pendant que le tocsin sonne jusqu'à la fin de l'acte, n'a rien à envier au drame romantique que le génie. LE CARDINAL le Dieu des nations Je répands sur vous tousses bénédictions. Sa justice ici-bas vous livre vos victimes Sachez qu'il rompt au ciel la chaîne de vos crimes... L'Eglise, en m'imprimant un signe ineffaçable, Courez, et servez bien ; ; DUCIS n> Défendit âmes mains le sang le plus coupable, Mais je suivrai vos pas, je serai près de vous, (Montrant et même Et, Dieu agitant an crucifix.) à la main, je conduirai vos coups ! tribu de Lévi, tribu sainte, immortelle, Une seconde fois le Dieu jaloux t'appelle! temps de remplir ses décrets éternels Couvrez-vous saintement du sang des criminels Si dans ce grand projet quelqu'un de vous expire Dieu promet à son front les palmes du martyre Il est : ! 11 y ! du drame national qu'on cher- a là quelque chose chait. Ducis fut plus nouveau dans Abufar que dans toutes ses Shakespere imitations de de vraie poésie et les imitations. C'est lettres montrent en épris de solitude, encore une preuve qu'un peu : plus avancer la tragédie que les théories fait dans Abufar lui un fuyant les lons qui énervent le talent d'un homme « dit: « J'ai de ces ; qu'il est lui-même. Ses pieux et un caractère fils entraves officielles son père parle de il libre, et les sa- comme il du temps des patriarches » désert ». Sa tragédie iï Abufar est faite rare et digne épousé le deux éléments, et la tristesse qui fuit ; l'idée d'une paternité au désert va passer en dix ans de narchie au despotisme. la la société, patriarcale, cependant qu'elle tyrannie à l'anarchie, et de l'a- La grande poésie commence à ren- trer dans la tragédie. La scène, dans Abufar, est donc au désert, loin des salons et des règles. La donnée en principal personnage est de la maladie d'Amélie et Farhan a devancé René. faible d'ailleurs, est Au moyen d'une intrigue assez Ducis a voulu concilier morale avec une des études dans ce qu'elle singulièrement audacieuse. une âme malade en même temps de celle de René. Et notez que Le a de fatal, les le bon goût, la plus osées de la passion c'est-à-dire de romantique- LA POÉSIE ET LE THEATRE lï) Farhan aime une femme sœur, qu'il croit sa il a fui la tente paternelle, saisi de ce désespoir vague qui va devenir la maladie moderne Un besoin De : fatigant, un désir furieux moi-même et de voir d'autres cieux, de ces mouvements qui commandent en maître. Que l'instinct nous inspire, ou la raison peut-être, M'ont emporté partout, dans ces champs fécondés Par les trésors du Nil dont ils sont inondés, Sous ces affreux rochers, battus par la tempête, Où ce fleuve s'enfonce et cache encor sa tête sortir de Un ; J'ai couru les déserts et les palais des rois, Observé chaque peuple et leur culte et leurs lois, Leurs trésors, leurs soldats, leurs mœurs, leurs origines, Visité des tombeaux, des temples, des ruines, Quelquefois sur l'Atlas médité près des cieux L'éternité du temps, l'immensité des lieux. C'est là que m'inspirant de la nature entière... Et Àbufar l'interrompt par la protestation de la famille contre ce spleen orgueilleux. Et tu n'avais donc pas de famille et de père ? Tu n'as donc rien aimé ?... N'avais-tu pas connu nos heureuses familles ? Vu nos chastes hymens, la pudeur de nos filles, Tes soeurs, dont le soupçon n'oserait approcher ? Au bout de l'univers qu'allais-tu donc chercher ? Des lois ? grâce à nos moeurs nous n'en avons aucune. Des trésors ? Nos troupeaux font seuls notre fortune. Des tombeaux ? C'est ici que dorment nos aieux. Des temples ? Vois la terre et regarde les cieux Dieu n'est-il pas présent sous ces augustes voiles ?... ! Saléma, qui aime frère, ressemble souffre comme elle est femme, se aussi Farhan, lui, elle a des mots sa mélancolie est l'interroge ; mais moins emportée change aussi en langueur dans Son père pareils cette ; la Dis-moi, par quels ennuis, à la raison contraires, les ; elle comme passion première Amélie. : D'une morne langueur son croit qu'elle peu aux héroïnes pseudo-classiques rapides progrès ABUFAR 17 Accabient-ils ton âme, altèrent-ils tes traits Pourquoi dans ? avec un regard sombre, Seule et le front baissé, vas-tu chercher dans l'ombre Des ravages du temps quelques débris nouveaux, Et t'asseoir en pleurant snr de tristes tombeaux. Si elle renaît à le désert, la La pour exprimer, vie, c'est Orientale, une passion brûlante voilà, cette ardeur que ma vraie bouche a trahie, Que cachaient les langueurs de ma mélancolie Oui, je vis pourFarhan, je l'aime, je l'adore. C en : est là cet air, ce ciel, ce feu qui me ! dévore, Ce vent de nos déserts, terrible, envenimé, Moins brûlant que l'amour dans mes sens allumé !... Pharasmin exprime aussi un amour déjà romantique Vous seule avez peuplé Ces montagnes, ces rocs, ces prés, ce sol aride... Je n'ai connu, senti qu'une captivité, Tranquille auprès de voue, loin de vous agité... Enfin je vous voyais sans avoir cru vous voir... Je vous suivais partout dans le désert errante. Je recueillais, avide et d'une bouche ardente, Votre, souffle, perdu dans les airs enflammés... On dirait que le ciel tous deux nous y rassemble Pour nous voir, nous aimer, pour y mourir ensemble Je ne sais et je cherche, en des transports si doux, Si je vis dans moi-même ou si je vis dans vous. Le sentiment de la nature un point capital, parce que la galante et enfermée dans les se môle à cet amour romantique. Ainsi Révolution Ducis, donne et la : c'est murs des palais la ; les i pseudo- nature et le deux grands facteurs de l'amour mélancolie de la génération qui a vu la son avortement momentané, est déjà dans comme dans la seule ; passion classique était toute classiques continuaient à laisser de côté spiritualisme, qui sont : Chateaubriand, et c'est ce qui nous tragédie un peu originale, un peu libre des règles pseudo-classiques que nous trouvions à cette époque LE DRAME ROMANT. 2 i LA POÉSIE ET LE THÉÂTRE 18 Abufar, ce patriarche du désert, est déjà un grand-prêtre de la nature et de la solitude Farban, cet homme à l'âme ; troublée, rempli Trop c( d'une vague inquiétude », serré dans l'espace et dans l'immensité, veut « sortir de lui-même », qui va promener sa tombeaux et les ruines, qui monte au sommet des montagnes pour y méditer l'éternité, qui ne conçoit même le bonheur que sous les traits de la qui tristesse parmi tristesse, et qui les rochers, les veut que sa compagne future porte en Le doux, l'heureux René arabe ce l'homme déjà est Parmi : trésor de la mélancolie, fatal une ébauche légère d'Uernani tique, elle et du drame romande Didier. un autre précurseur du romantisme quoiqu'il s'en soit défendu sincèrement, une surtout, Pinto (1799), montre encore mieux combien la tragédie se renouvelle forcément quand elle s'inspire de la pièces de Lemercier, les vivante et poésie contemporaine, le génie encore fût-il absent. Lemercier est, comme Ducis, un honnête homme, indé- pendant, retiré loin du tumulte révolutionnaire par respect pour la Révolution, plein de mépris pour qui succède à l'épopée de la liberté. dernier lieu à cette minute tyrannie... Eh ! La f~ à la un scepticisme douloureux : « Pinto. — Et La Si tu en fondais une nouvelle !... malheureux ! pièce, intitulée comédie, est vie. C'est servitude épique la paraît être arrivé en sera mortelle à la tyrannie d'un siècle!... d'autres mains la briseront façon 11 ! Ainsi va le monde. » un drame mêlé de comédie romantique, une représentation mixte une des œuvres qui ont inspiré à Hugo de la cette (^théorie du drame-comédie. Lemercier, ne pouvant d'ailleurs ^l'emplir de grande poésie, dépouille au moins son action « de tout le ornement poétique qui la déguise » ; il a c( rejeté prestige quelquefois infidèle de la tragédie et des vers ». PINTO Pinto est une sorte de pièce à 19 Beaumarchais, mais plus la tragique, et qui n'est plus autant tenue à faire rire pour déguiser la leçon et la satire. Pinto, c'est peuple, le c'est ne bornant plus son ambition à perdre Figaro grandi, seigneurs en servant leurs passions, un Figaro qui a fait les son chemin, devenu conseiller d'un ministre, et menant avec son maître le pays tout entier il renverse une royauté. Pinto ; un peu Ruy-Blas. Le sujet de la pièce est en apparence la conspiration de Bragance en réalité, c'est la Révolution française. Pinto, l'homme obscur dont le génie mène est aussi ; grands, a pour pendant l'archevêque de Bragues, les type du courtisan, plat avec peuple ; c'est le vieux souverain, le le superbe avec le monde des préjugés etdes prérogatives nobiliaires, qui n'existe déjà plus et ne s'en doute pas, c'est la noblesse voyer de les valets Versailles fouetter cette vient de prendre la Bastille [Pinto, acte V). est là, XVI d'antichambre conseillant à Louis encore de foudroyer La Révolution entourant l'archevêque, victorieuse, la ville avec les d'en- canaille qui qu'il canons de parle la citadelle, prise depuis longtemps par les révoltés. Toutes ces scènes sont vives, animées, on y agit presque il y a longtemps que la comédie a plus qu'on ne parle trouvé le le ; drame moderne, alors que la tragédie s'obstine à chercher encore. Les spectacles de la nature entrant dans le drame, peinture complexe de l'homme avec ses côtés grands et côtés faibles, rattachent clairement Lemercier aux tiques. iv). Nous dira à dona Sol Tu ses* le Le bonheur -^ a sa mélancolie » (acte II, retrouverons dans le drame, où Hernani : dis vrai, le bonheur, amie, est chose grave... Sou sourire (1) « : *~) roman- Pinto dit quelque part un mot remarquable, qui ne sera point perdu scène la est moins près du rire que des pleurs Res severa verum gaudium. (Sénèque.) (1). / LÀ POÉSIE ET LE THÉÂTRE 20 y Quoiqu'il le ait peu de rapports entre Hernani et Pinto, poète romantique avait profité des théories et des essais d'un chercheur qui força les nouveau-venus à s'occuper de lui. liste La scène où le duc de Bragance se donner fait la de se3 partisans et de ses ennemis peut être vaguement l'orio-ine de celle où Cromwell se pirateurs, et, par suite, fait énumérer de celle où don Carlos se les cons- fait aussi noms des conjurés, scène imitée plusieurs fois par Dumas, car les romantiques ont ainsi un petit nombre de clichés commodes soit pour l'exposition, soit pour l'effet. L'idée du muet Pietro dont Lemercier se sert ingénieusement sera notée par Hugo, qui note tout, et accumule dans un seul drame dix fois trop d'effets et de trucs, parce qu'ils redire les sont propres à étonner le démiciens, à épouvanter la public, à jusqu'à l'armoire où don Carlos se soit y a effet les aca- n'est pas comique équi- encore analogie entre la situation de vice-reine de Pinto et celle de la reine Marie la il enfermer qui ne fait empruntée à Pinto, pour fournir un valent. Il enrager faire tragédie classique; révolution montant comme une la Tudor devant marée. Ces constatations poussées plus loin nous montreraient que les romantiques de 1830 n'ont rien inventé au théâtre, ni la peinture complexe comédie mêlée au drame, et qu'ils n'ont pas même de la vie et de ni le grotesque mêlé au tragique, La vraie nouveauté de première fois depuis deux siècles la ni la fabriqué à neuf leurs décors leurs accessoires. pour l'homme, et 1830, c'est que la grande poésie reparaissait au théâtre. IV Y reparaissait-elle tout Pourquoi la scène ? et entière ? dans quelles conditions est-elle montée sur Pouvait-elle susciter une forme neuve et faire LE XVII e SIÈCLE EST DRAMATIQUE école ? moule dramatique Au xvn e théâtre xvi e il môme Se prêtait-elle par sa nature à entrer dans siècle grande poésie a passé tout entière au siècle, la Malherbe ; le ? d'Aubigné, qui meurt en ; 21 appartient au 1630, mort avant était lui. n'y a pas d'autres grands poètes que De 1630 les à 1700, poètes drama- tiques. Cela fut parce que cela devait être. classique, sous Louis XIII et Louis La grande XIV, poésie a tout ramené à l'homme et à ses passions. Le spectacle des bouleversements de peuples n'y est point contemplé directement, mais de loin et à travers le calme majestueux du règne. Les grands cris de l'homme qui s'efface et se fait petit en face des révolutions de la la du xix e poésie foi, de siècle la politique, poésie la : seront poussés par classique examine l'homme intérieur c'est là le microcosme en qui elle concentre tout. Le théâtre est bien, dès lors, le cadre qui lui ; convient le mieux. Cette cour, qui est elle-même en repré- sentation, assistera à la représentation tragique. Les troubles de la passion héroïque traversée par les fatalités de la vie ; l'homme les luttes intérieures, et ses devoirs, les maîtres pris entre du monde ses amours par! âgés entre leurs passions et leur dignité, entre leurs désirs de vengeance et la grandeur d'âme mander demande ; qu'ils tiennent de l'habitude de com- quand ce qui se passe dans l'âme du père ses fils, dans l'âme delà femme mari, de l'amante à qui sion, noble elle la patrie à qui elle prend son prend son amant ; bref, la pas- ou avide, vaincue par l'héroïsme ou victorieuse, traînant l'homme au déshonneur et au crime, voilà tragique. Les grands événements causes sont dans la coulisse ; ils déconcerteraient qui ne les connaissent plus, dans le fonds de ces troubles les spectateurs un royaume où tout est réglé, ordonné, compassé. Si l'on regardait derrière la toile, on verrait dans Horace une lutte décisive qui va faire d'un peuple l'escLve d'un autre ; dans Cinna, la république, LA POÉSIE ET LE THEATRE 22 avec pire derniers efforts de son agonie, qui fait place à l'em- les dans Nicomède, ; la liberté des peuples et des rois aux prises avec la conquête romaine, face de la force brutale, maîtresse le l'héroïsme individuel en du monde dans Polyeucte, ; christianisme que dissout la famille et la société romaines ; dans Andromague, l'écroulement d'un empire asiatique, avec des incendies de vendues cesses villes, des massacres de peuples, des prin- esclaves des vainqueurs. et Et ces sujets valent, pour le moins, ceux que les romantiques, dans les après les drames, prétendent avoir voulu préfaces faites traiter. Mais grands événements que Où théâtre classique ne représente tous le les primitifs voyaient par leurs la fatalité, la jalousie ces l'homme. sur effets des dieux, où les romantiques ont vu les vastes desseins de Dieu menant le monde au p'rogrès, les classiques n'ont pas voulu regarder. Est-ce Dieu qui fait gronder l'orage ? Est-ce Neptune ? Eux, ils font de l'art ils voient l'effet, non la l'homme s'agite, cela leur suffit quelles mains cause ; ; ; tiennent Il le fil? peu leur importe. n'en fut pas, romantiques. En il n'en aient troublé l'âme humaine, ne pas les pouvait être ainsi des poètes il ne leur est pas loisible leurs seuls plient sans rompre sous les humbles travail- l'orage. société en travail démocratique, pleine d'élan et de un public du crainte, de doute et d'enthousiasme, n'est pas qui puisse, tranquillement assis, contempler monde de contempler. L'ébranlement dure encore, toute pensée forte et haute en est atteinte, Une changements qui face des plus grands le spectacle sous la forme d'une cour où des rois et des princes passent en dissertant éloquemment âme. La forme dramatique ne comme la se sur de l'état prêtait pas leur facilement, poésie lyrique, aux épanchements des âmes in- quiètes. De dans son côté, la société le poète, au XIX e siècle, n'est plus, comme monarchique, l'amuseur sublime d'une élite, LE XIX e SIÈCLE EST LYRIQUE le du tableau de spectateur impartial et inutile démocratique, la société sion » lutions tantôt être le dans il lit ; est prêtre, il poète se croit le pilote qui il ; le encourage une arme pouvoir qui ; pouvoir qui le mal. fait un carquois toujours gouverne à travers élégie ; courroucé par le A tantôt entraîne ou retient la foule, ce poète il frappe d'une satire faut des jet, dans dit sa tristesse il il armes de il le légères qu'il peut flèches : il écrit une ode est il ; jette au mal une imprécation. il : est soldat, il fait bien, et plein, des mal ; combat, ; il est enthousiaste il les révo- faut suivre route qu'il lancer à tout instant. Il est triste, une Dans lui faut prêcher, enseigner, civiliser, il médecin des âmes ses écrits sont la vie. suppose « une mis- se astres la les 23 Il note ainsi tour à tour les divers états de son âme, et tout ou moins, sont lancés cela intéresse le public, car tous, plus comme tique dans lui la lutte de la vie, dans la bataille ; ragent chacun voit avec intérêt dans l'œuvre du poète ; l'image de ses passions de tous les jours. poète vit Au ; il élite, foule règne, le s'inté- du poète. xvii° siècle, moins La vie de la foule, et la foule par suite la resse à la vie une démocra- tous cherchent, s'émeuvent, s'enflamment, se décou- poète observait plus et éprouvait le devait choisir dans la vie ce qui peut intéresser et travailler plus longuement des œuvres plus complexes. Peu de journaux, peu de revues, et qui ne servent qu'à constater l'apparition aujourd'hui, au livre, ce moyen même grands le ouvrages ; compose un compose par morceaux, et le des revues, l'auteur, qui devient rare, distribue de des s'il au public. Le poète produit donc au jour au lieu de condenser ce qu'il a éprouvé ou observé en quelques œuvres puissantes, compliquées, savamment le jour, et construites, nera la il s'éparpille, se détaille même somme sera une quantité de pas d'argent, il ; en fragments. Il don- mais, au lieu d'un rouleau d'or, ce menue monnaie, et si un jour donnera du cuivre. Le rouleau d'or il n'a c'était LA POÉSIE ET LE THEATRE 24 la poème épique tragédie, le la ; menue monnaie, ce sont les pièces lyriques. Remarquons le bon surtout et Une immense état de choses. mauvais côté de cet le circulation littéraire, mais qui sans cesse a besoin d'être entretenue, ne peut l'être que par des œuvres hâtivement produites. L'œuvre d'art se jette dans torrent de la publicité par tronçons qui, le partis, De l'œuvre d'art. bienfait pour l'artiste seul ; fois renommée, même reprise et parfaite ? mais un il attend le public. La foule poète avide de récompense. L'œuvre le ébauchée partira vite, de apportera fortune lui doit se hâter pour satisfaire de neuf, et bienfait l'artiste, car l'œuvre d'art dont son pain quotidien, qui bientôt est avide un plus, c'est certainement notre époque que l'œuvre d'art nourrisse et une ne se rassembleront plus. Première déchéance pour seulement Non, hélas vront qui feront oublier les sera-t-elle ; plus tard car d'autres œuvres sui- ! premières, les pousseront devant, les éloigneront sans cesse de être de bronze ou de marbre l'artiste. ; mais La statue pourrait elle restera plâtre, pauvre statue qui risque bien à la fin terre ou de s'émietter En restera-t-il trace dans cent ans ? Mais même une statue ? Non, c'est une étude, ce et de disparaître. souvent est-ce sont dix études où l'artiste se dépense, et la statue définitive n'est jamais faite. Voici Victor Hugo : quel grand poète quelle belle vie ! de labeur incessant! quelle ascension constante d'un génie quelle action sur tout un dont par être ! dieu ! que de tons divers, que de beautés qui semblent s'exclure I que de cordes à l'œuvre. Où parfaits, oui siècle la lyre, il finit quel orchestre!... Mais voyons est là-dedans le livre parfait? ; et encore ? le Prenons les Odes Des morceaux et Ballades, les Orientales, les Feuilles d'automne, et ainsi jusqu'aux templations. Que de sujets dix fois traités Con- dans dix pièces, dont aucune n'est définitive, dont beaucoup sont à la fois trop longues et incomplètes, et qui, restées dans les cartons ET DEMOCRATIE POÉ*SIE du poète, eussent été peut-être un magnifique ensemble où où les beautés se seraient poète adresse une ode à un jour fondues par lui dans longueurs auraient disparu, les De bonne heure le Vendôme et à l'Arc de valoir fait colonne la 25 ! deux pièces seront éclipsées par deux autres L'œuvre du poète contient ainsi tous les essais de jeunesse, qui, je le veux bien, feraient honneur à la matu- triomphe ; les postérieures. de plus d'un, mais dont l'intérêt diminue quand on a vu rité le génie dans sa force revenir sur ses premiers essais. vrai qu'il est intéressant de suivre, fin, ce développement d'un grand moins grand serait-il royaliste, avait s'il débuter par les s'il n'avait pas un jour produit Odes et Ballades ? les Voix intérieures sans nous plus autant aujourd'hui la ; il la ; postérité les faudra faire un choix, et donner à nos neveux jouissance non mêlée de quelques chefs-d'œuvre œuvres complètes seront reléguées dans thèques pour les érudits. Cet éparpillement de pièces d'un génie, la production poétique, facultés est le grand défaut de nous frappe peu, mal quand on vit avec rité choisira, et les Quoi en qu'il ; dès les biblio- cette mise ce débit en détail des plus belles et si ce défaut les ori- à qui la vie ne s'est pas révélée ne lors les en être Déjà ces débuts peu homme touchent En ? commencé par ginaux du jeune ignorera et des opinions de déjà appris l'histoire du siècle ait la esprit. Mais, après tout, que nous apprend l'évolution des idées Hugo, que ne nous Il est du commencement à lui poètes la littérature c'est mais ce mal y perdront. ; soit, l'état de ce temps-ci qu'on ne voit pas est réel démocratique, ; ; le la posté- du poète, le rôle besoins de la foule, la trop grande indulgence de l'ar- tiste moderne pour lui-même, tout commandait à la poésie de ce siècle la forme lyrique. Cette forme convenait mieux aussi à la nature la même de poésie romantique. Quelle est, dans ses traits principaux, cette poésie ? D'abord un renouveau de foi, ou plutôt une LA POÉSIE ET LE THEATRE 26 foi nouvelle, le spiritualisme, foi plus épurée, mais aussi plus nuageuse que jamais, plus prête que jamais à se dissi- per au moindre souffle, à se résoudre en larmes et en doute. Dieu C'est la croyance à l'immortalité de notre âme, c'est magnifique nature, vu partout dans son œuvre, dans la Dieu vu dans le soleil qui se lève, dans de les étoiles la nuit. C'est aussi le doute, la lutte intérieure, l'effort pour croire, hymne de car l'homme romantique chante son au le comme il flanc, dirait, la blessure découragement de où cette vie où paraît régner les trônes et les religions s'écroulent sole de leur chute l'amour ne peut colie ; que met au cœur désordre, le sans que rien con- de cette vie où tout passe se construire ayant foi, du doute. C'est encore une demeure ; où vite, si c'est la mélan- de nature l'éternelle impassibilité en face de nos souffrances les plus poignantes ; la c'est aussi le calme qu'elle met enfin dans l'âme, cette tranquillité de nature qui parfois parvient à nous guérir. tique a vu geuse lui le fond de l'homme. Si cache encore le La poésie roman- d'une le voile la foi nua- vide de la destinée future, car le romantisme a cru à l'immortalité jusqu'à la mort, il ne lui cache plus le vide de la vie terrestre. Il apparaît, ce vide, à l'homme jeune encore, qui voit ses illusions et sa la jeunesse s'enfuir, avec dans l'amour, qui voit l'âge foi même bientôt écoulé, sans que l'ambition, ait suffi pour remplir cœur. Et le si la plus la vie mûr noble, humaine est misère, misère aussi tout ce qu'elle a produit, misère la gloire, la puissance des peuples, misère l'empire des Césars, misère Athènes disparue, en ruines monde î le Misère ce que n'est que ruines la ; Parthénon démoli, fait tribuns qui ont rêvé aussi est misère d'opprimer la ; le la guillotine a femmes innocentes bonheur du monde ; le ! le droit ; le pris les et les sublimes et la démocratie tournant à la démagogie, pensée, Colisée Liberté est couverte de crimes, Quatre-vingt-treize est sanglant, traîtres à la patrie, le3 le l'homme d'aujourd'hui elle menace poète se voit seul au- POÉSIE ET DÉMOCKATIE hommes dessus des 27 qui bientôt ne l'écoutent plus, et le vaisseau sans pilote marchera aux mains des inhabiles et des médiocres. dans ses Voilà, xix c siècle. Or traits les drame ne le plus poésie du se tient au- saillants, la du rêve qui vit pas dessus de la vie, mais des passions qui s'y mêlent. Voilà pourquoi le poète a plutôt pris sa lyre : tantôt il touche les cordes d'une main languissante dans sa mélancolie profonde, tantôt les il tout reste le comme un frappe avec énergie combat. Dès lors, ; il tenant cette lyre à lui a dit les illusions du jeune homme, l'amour du mari, foyer, il Tyrtée allant au main, il lui a confié de lajeunesse, l'amour les enfants et la joie du a dit la douleur de perdre les êtres chers ; a dit la peine de penser, la douleur de l'inspiration lui qui lui il la attachée au poète, la fierté du moments, il a tendu la corde d'airain qui guerre au mal, au crime, venge la liberté, demande s'impose génie. A sonne la ; l'envie d'autres pitié pour pour les les puissances tombées, pour les orgueils brisés, peuples abattus, pour les déshérités et les méchants mêmes. Il n'est presque rien resté pour met de poésie sonne en fût Hugo autrement. le lyrisme : le il drame, et ce qu'il ad- n'était pas possible qu'il Lamartine n'a pas essayé le drame. un génie assez complexe pour créer des personnages, faire vivre une époque, construire une intrigue. Mais quel est le drame ainsi créé par un poète dont le seul avait génie prenait invinciblement la tournure lyrique drame lyrique, tout ? imprégné des passions du jour, où Un les personnages sont des voix sublimes plutôt que des caractères. Ce drame certes est loin d'être médiocre, malgré énormes défauts, car un poète qui compte parmi grands y a transporté beaucoup de la poésie du ses les plus siècle. LA POÉSIE ET LE THEATRE 28 V Les révolutions s'y reflètent en admirables tableaux c'est le peuple grondant daos la rue, forçant la volonté d'une reine (Marie Tudor) c'est le spectacle grandiose delà déca: ; dence des monarchies, l'Espagne drame et l'Allemagne intérieur de l'ambition qui rêve l'empire (Hernani), avec le pape ; c'est le du monde Dieu. et Le problème de la destinée humaine y est douloureusement agité, dans la vie étrange, triste, « fatale », d'un r Didier, d'un Ruy-Blas ailleurs c'est la fatalité qui s'attai ; i. che à l'innocent ou aux fautes commises ; elle poursuit iné- luctablement Marion Delorme, malgré ses efforts pour se régénérer et trouver Borgia f~ suit et punit la Hernani le bonheur ; elle mère des crimes de la poursuit Lucrèce femme ; elh' pour- inattendue au milieu de la joie et se dresse £^des noces. La grande la foi poésie dans le drame romantique, c'est encore à l'immortalité, qui soulève et soutient l'âme au ment de la mo- mort, exprimée par Didier condamné, par dona Sol mourante. Ce sont les grandes passions élevées au degré sublime, les grandes douleurs conduites au paroxysme, colères effrayantes de l'homme romantique, les les haines et les vengeances épiques. Ce sont les appétits de grandeur du plébéien parvenu à la liberté politique par la Révolution, tout le déchaînement l'homme du peuple, jusque-là en dehors de du plébéien amoureux des duqui parvient à gouverner les royaumes et qui reçoit des passions de la vie publique, les rêves chesses, sur son front ce même le baiser des reines ; tous les élans de fierté de plébéien qui avec son courage tient tête aux rois (Hernani), les génie domine punit les s'ils l'outragent (Triboulet), avec son seigneurs (Ruy-Blas). LA GRANDE POÉSIE DANS LE DRAME Ce sont les grandes angoisses de la vie 29 l'angoisse ; de ramante, de dona Sol suppliant l'homme inflexible qui tient dans ses mains la vie de son amant, l'angoisse de Marion, suppliant pour Didier condamné à mort, l'angoisse de Lu- crèce Borgia en face de don Alphonse, cette angoisse qui s«pplie, qui cherche à tromper, qui feint, qui menace. C'est la sombre poésie de poison qu'on boit, pour tenir condamné à l'innocent qui comme sacrifiée, la comme sacrifie, se caresse, qui mort, la mort par la le parole donnée, la mort de la hache, la Didier, mort volontaire de terreur de la celui victime la Catarina, la peur de la mort dans la jeu- nesse qui veut vivre, l'appareil lugubre des cortèges funèbres venant troubler les fêtes, cueil ouvert, condamné voyant son le entendant de ses et oreilles cer- dernières les prières faites pour lui. C'est la poésie de l'amour romantique ; l'amour faisant préférer le déshérité au puissant, mettant la grande dans les bras du bandit, du reine dans les bras la dame sujet ; l'amour heureux et chaste, l'amour troublé, malheureux, poursuivi par la fatalité, au milieu du tumulte et premier baiser dans le du malheur, l'amante accorde parce qu'il sera l'homme moderne, et si violente, les les si le le dernier ; extases de les nerveux, d'une sensibilité désespoirs, les larmes les premier baiser que reproches et si exquise pardons, les poignantes douleurs de la jalousie, de l'amour trompé qui brise la vie de Didier et de jusqu'au crime, Gilbert ; l'amour dévoué l'amante qui sacrifie jusqu'à sa pudeur ; l'amour mélancolique du vieillard dont l'âme est restée jeune dans un corps Cest encore du flétri. la satire du mal triomphant, du crime vice des puissants venant briser par caprice des faibles pureté des Puis, manteau, ; le et bonheur c'est la luxure des rois et des reines salissant la femmes et chassantle bonheur deshumbles foyers. enveloppant toute cette poésie d'un magnifique la poésie évoquée du passé ; les mœurs, les vertus LA POÉSIE ET LE THEATRE 30 héroïques, les grands vieillards qui représentent l'honneur et la loyauté devant décadence des neveux, l'hospitalité la encore sacrée, accueillant de fierté le mendiant comme un l'honneur des aïeux dont la race, sont là pour voir les vertus ou la honte de fidélité Et toute une du haut de le fils, la les criminels trouver ici, nous les hum- grands abaissés, même, allant la fouiller leur sentiment généreux qui leur vaudra le pardon, au moins Et notons une prédica- la scène, les petits, les peuple consolés et vengés, âme pour y sinon leurs poésie de propagande morale, tombant sur pitié la ; chevaleresque du serment. tion jetée à la foule bles, le roi portraits les le la pitié. verrons à propos du lyrisme, que ce ne sont pas seulement les grands thèmes de la poésie qui entrent dans le drame,- ce sont aussi toutes poétiques qui peignent images que le la vie, la les destinée, les images passions, théâtre classique s'interdisait, ne pénétrant que l'intérieur de l'âme. C'est aussi toute poésie la de du rêve, de l'impossible, de l'irréalisable, qui place dans le drame avec la poésie lyrique et les ins- l'imagination, a pris pirations plébéiennes. Telle est, la dégagée des défauts inhérents au romantisme, grande poésie que contient le drame romantique, la grande poésie expression de l'âme démocratique. Ce n'est donc pas la poésie qui manquera au théâtre, quand un grand poète abordera la scène. Mais ces poètes trop habitués à la lutte, ces poètes de combat, personne leur et n'enfantent payent de souvent des personnages, si beaux qu'ils soient poétiquement, que pour être directement leurs interprètes. De là le lyrisme exagéré, de une hu- là manité trop spéciale. Le drame romantique aura encore, nous d'autres défauts que ceux de son époque ; le constaterons, il se ressentira naturellement des défauts personnels aux poètes trouve précisément que le ; et il se grand dramaturge romantique ! RÉSUMA 31 est celui de tous les poètes de son énormes. les plus dans est théâtral Il dramatique le puissante, mais sans frein, pour violente, les effets au sublime, pour le dans le les défauts lyrisme et lyrique la scène une imagination un goût spécial pour l'antithèse apporte à il ; époque qui a heurtés, pour le grotesque opposé développement ambitieux, le coup de la fin, un instinct extraordinaire de l'invidu mystérieux, une vision qui dégénérera plus tard en cymbales de sible, hallucination. Son génie antithétique exagère la violence des conLes passions nobles sont placées par réaction, non pas dans le peuple, ce qui serait l'esprit du temps, mais trastes. dans des êtres grotesques ou hideux, d'une hidéur physique ou morale. pas faite preuve que dernière Enfin, pour le poésie la du poète qu'une tribune à soulever la foule, et siècle n'était yeux du grand théâtre, le théâtre n'estaux pour laquelle génie seul est un mandat suffisant. Cette tribune, fit Du qu'apparaître. populaire, Il il jour où eut obtenu il d'élu préféra la scène politique (1). n'y paraîtra pas non plus bien longtemps, pas l'action qu'il espérait avoir la un mandat le n'y il vraie tribune du ; il n'y aura faudra revenir au livre, il poète. VI En résumé, les trois popée qui raconte, vient les habiter (1) comme ce (Victor formes principales de drame qui met en n'existent réellement que par la chante, tent le Il ; quand : l'é- grande poésie qui elle les a quittées, ces formes res- des moules vides, que jamais n'utiliseront les avait moins besoin Hugo la poésie scène, l'ode qui raconté, LXVi.) du théâtre : il allait avoir la tribune. » LA POÉSIE ET LE THÉÂTRE 32 des talents les plus ingénieux d'une autre époque. efforts De plus, la ce moment, grande poésie ne ne retrouveront plus qu'ils œuvres nité dans des après lui, habite guère qu'une les un ces genres prennent dans le ; car le fois. A éclat extraordinaire génie qui rend l'huma- typiques ne laisse plus rien à faire même genre. Ainsi Corneille et Racine épuisent l'étude psychologique de la passion dans ce qu'elle a de général et d'humain. Néanmoins, ment exclusif, le système français s'étant trouvé relative- nous voyons que l'esprit français ne se con- tente pas de cette première splendeur de la tragédie, à la- A quelle avaient nui les règles et l'antiquité mal comprise. peine Racine a-t-il disparu que, pendant un siècle, les prits les plus habiles, sentant ce qui à la tragédie, leurs ; mais, chercheront à les même la dans un siècle lyrique, de s'essayer au théâtre fois manque extérieurement perfectionner, en vain d'ail- temps venus, rien ne pourra empêcher poésie reparue, une seconde la es- ; de là une sorte de renaissance courte, très brillante et avortée : le drame romantique, re- naissance qui néanmoins n'est pas négligeable, à cause de la quantité de grande poésie qui entre au qu'elle règles a délivré étroites ; la scène française liberté de théâtre, et parce la servitude des péniblement conquise, mais qui peut-être ne suscitera jamais le chef-d'œuvre attendu, grande poésie ne doit plus reparaître au théâtre. si la LIVRE II LES SYSTÈMES Qu'est-ce que le genre tragique ? D'un critérium pour apprécier les systèmes divers . conditions d'existence du genre les : milieu, c'est-à-dire l'union de la plus grande somme ; le juste de poésie et d'observation morale avec les nécessités théâtrales, le mélange raiII. Examen des sonnable du général et du caractéristique. — — systèmes le système antique. Représentation plastique et poétique de la vie. Action, lieu, temps. Séparation du tragique et III. Le système espagnol. La tragédie née du du comique. Mystère. La convention scénique, absence de décor. La tragédie psychologique sort peu à peu du spectacle historique. Le comique et le grotesque dans le drame, restes du théâtre primitif. IV. Le système shakesperien. Le drame historique et le drame psychologique. L'émotion poétique et l'émotion psychologique. Le caractéristique. Le grotesque servant d'antithèse et le grotesque V. Le système classique. traditionnel. Enfance du décor. Les unités leur inutilité. Comment elles sont à la fois une invention des médiocres et une expression de l'esprit français. Beauté et grandeur de la tragédie classique. Nullité de lieu. Le spectacle de la vie ramené à l'étude de la passion dans ce qu'elle a de général et d'éternel. Dialogues les confidents et leur nécessité monologues. Défaut de la tragédie classique elle sous sa forme la plus belle elle renonce a utiliser la scène n'est point faite pour la scène. VI. Shakespere et le théâtre allemand. Shakespere corrigé par Corneille. Retour au carac: — — — ; — ; : ; ; téristique, — à l'émotion poétique. — VII. La tragédie française à la recherche Un drame du juste milieu ses ; n'est quoi ? Parce que et ni une épopée ni avant le romantisme. une ode. Et pour- poète nous invite à venir au théâtre, parce qu'il nous place devant une scène où vont s'agiter et se Il le efforts vains mouvoir, penser, parler, des personnages vivants. place donc son œuvre, son LE DRAME ROMANT. poème dans certaines con3 LES 34 ditions il ; transforme SYSTÈMES. grande poésie en un spectacle. la y a donc lieu d'étudier a priori quelles sont les conditions indispensables auxquelles la grande poésie pourra devenir Il un spectacle sans cesser d'être la grande poésie, d'in- et diquer un juste milieu dont ne peuvent sortir ni poètes ni une œuvre tronquée, incomplète, mal écoles sans produire venue. Nous critérium, donc de trouver une essaierons afin mieux de Nous pourrons tèmes. apprécier ensuite comparer ces nous arriverons ainsi au système classique prendrons mieux alors ce et comment le ; d'anormal, une œuvre tragique ? Il déterminer. partons, nous l'avons vu, de la grande poésie. Elle Nous prendra la forme des passions humaines. Et ces passions seront exposées par des caractères. t-elle systèmes réforme romantique. qu'une tragédie, Qu'est-ce importe de sys- nous com- ; qu'il a d'élevé et aussi se justifiait la de sorte chacun des à reconstituer les caractères demment, mais seulement tère historique imaginer, produire elle la est tragédie cherchera- historiques ? Non, évi- passions idéalisées. Si le carac- au-dessous de ce que doit le plus les La grandir : peut poésie la l'œuvre d'art doit tendre à grande somme d'émotion dans un cadre donné. Pour faire agir les passions, une fable est nécessaire mais, première condition, la fable sera assez simple tion, comme l'époque, le : ; l'ac- milieu historique et les détails accessoires, ne doit servir que de cadre à la grande poésie ; tant qu'on peut dire d'une tragédie qu'il était possible d'y mettre plus de poésie, Il s'agit donc ici elle est médiocre. d'un premier juste milieu : tout ce qui LE GENRE TRAGIQUE. peut de grande poésie avec une action et une fable. s'allier en lumière pour mettre Mais 35 appropriées, dans des situations grandes passions faut choisir, avec des les il personnages, une époque, légendaire ou historique. L'époque, et avec elle le lieu imaginaires, indéfinis, ne peuvent être en général comme dans voir conception du poète la roman, De nom nous le est connu comme tout prendre, plus possible, plus humaine qu'une Les personnagee légendaires comme même pour personnages de nous l'intérêt des parce qu'ils doivent à semble bien une nécessité. sociétés s'efface de : et prise assez loin dans le réel, le le et le , nous il hommes les fait. mobilier contemporains et les non poétique vulgaire, le lui-même, travail tout passé. C'est Si le poète mettait il sous lui faudrait, peine de ne créer que des abstractions, leur donner sortir que l'histoire poésie une vie puissante sur la scène tragique des contemporains, tume à Edipe, n'ont Achille, L'éloignement grandit de loin, ; est, création. ont existé. L'époque sera donc légen- qu'ils daire ou historique, là la des héros une résurrection : elles plus des caractères entièrement feints ne nous attachent pas dont imagi- or les conceptions ; sont préférables. le livre théâtre fait le prendre corps à ce point. Pour naires ne doivent pas le pièces de certaines Shakespere d'un caractère particulier. Car cos- le impossible dès lors do ; du drame bourgeois. Pour le développement des passions tragiques, il ~? faudra aussi que le poète aille chercher des personnages puissants, chefs d'Etats, rois, princes. Les passions n'atteignent qu'en eux le maximum exempts du frein grandeur d'intensité et de la société, la police, la pauvreté, la excès ou celle trise. C'est pour cela que le qui, ils pouvant sont seuls petits la loi, dépendance. sion vraiment dramatique est celle qui se grands ; que mettent aux passions des porte Une pas- aux plus s'y porter, so mai- J J drame bourgeois ne peutremplacer LES SYSTÈMES. 36 la tragédie c'est ; un cadre trop tendu, qu'il ne sorte de maison la étroit. A moins, bien en- domesti- et des passions ques, qu'il ne prenne quelque grand événement, une démocratie, des personnages d'élite ; il se et, dans rapproche dès lors du drame héroïque. Ajoutons que la tragédie peut avec raison) mêler fait et drame romantique l'a le plébéien aux puis- (le ou le faible aux grands. Mais par cela même il sera difficile que n'ait pas une portée politique, ne sorte pas un peu de l'étude purement morale. r~- Le choix d'une époque entraîne une certaine quantité de sants ou le drame vérité historique, de couleur locale, de costume et de bilier, logique. ^ Grecs mo- autant qu'on en pourra concilier avec l'étude psychoIl y a encore une juste mesure à trouver. Les là sur ce point avaient une grande liberté. Sauf quel- ques cas, Perses par exemple, leur cadre est mytholo- les Avant gique, leurs héros légendaires. l'écriture, il n'y avait point de passé historique, mais de simples traditions. mère peint moitié sur ces Ho- moitié d'après son traditions, temps. Les tragiques peignent d'après Homère. Mais les forcés de torique. poètes tragiques des Le poète cherche son mesure qu'on avance, loin. temps modernes seront donner un peu plus d'importance à l'élément il Si les Grecs et les roïques, la Renaissance sujet dans le passé n'est pas possible de ; his- mais à remonter aussi Romains remontent aux temps héet xvn e le guère qu'à l'époque historique siècle (le Cid, ne remontent Horace, Cinna, Xi- comède, Britannicus). L'Espagne tragique, Shakespere se contentent du moyen même âge, Schiller et -Goethe prennent des sujets dans les temps modernes. La raison en est facile à comprendre. L'époque et les héros choisis doivent s'adapce qu'il y a de contemporain au fond de Des mœurs trop antiques s'allient mal à des ter facilement à toute poésie. passions modernes. Corneille cherchait d'abord clans valerie et le moyen âge ; mais la tournure que la prit, che- grâce LE GENRE TRAGIQUE. aux tiques. Avec mœurs des commodes la tragédie rendit plus règles, les héros an- procédé tout philosophique, l'importance le et 37 de la couleur locale était nulle mieux ; valait donc une époque vague, indéfinie, ou pour le moins lointaine. Quelques allusions aux faits connus, quelques circonstances qui prouvent aux spectateurs l'identité du héros, et justifient le poète de ce qui est nécessaire à lui avoir donné son nom, voilà tout Racine. Les Bajazet, sont des Français c'est : à part, Achille, faits plus leur grand mé- rite. - Ainsi on remontera toujours moins loin dans l'histoire il faudra donc un peu plus de vraisemblance historique. Les ; modèles étant mieux connus, nous voulons d'eux une copie moins vague. Nous rechercherons, dans la étude, la juste que pour peu de vérité les caractères très que convention, et la suffira. L'art n'est première de toutes est d'attribuer une passion, telle que la comprend d'aujourd'hui, à un homme grand avant suite de cette mesure à garder. Nous pouvons affirmer déjà d'être. Si un dramaturge Le héros doit être et l'exprime d'autrefois. Nicomède, Mithridate, Britannicus sont presque ce qu'on appellerait aujourd'hui des études historiques, dans prouve seulement que cela poète a l'histoire des caractères et des situations ment adaptables à la Quoi tragédie. poète sera infidèle à l'histoire : tragédie classique qui n'ait été la le il le n'est pas une passion de la poésie matérielles dramatique du genre, nuer, de tout ce qui attire le la inconnue à l'antiquité sous vit la tragédie. décor aussi, et en un mot pour tout ce qui dresse aux yeux, conditions immédiate- qu'il fasse d'ailleurs, le forme moderne, surtout l'amour, dont Pour trouvé doit s'adapter s a- aux tirer parti, sans se dimi- spectateur à la scène. Mais elle ne doit pas abuser du spectacle extérieur. Ce spectacle est au théâtre chez lui ; le théâtre peut ne parler qu'à nos spectacle pour les yeux œuvres où domine le yeux ne doivent pas être classées parmi et l'œuvre rester artistique. Mais les 38 les la LES SYSTÈMES. poèmes dramatiques. La tragédie peut beauté supérieure qu'elle a d'être la et doit concilier peinture la plus con- centrée de la vie humaine vue à travers une époque, avec les émotions que peuvent procurer aux yeux et à l'esprit les spectacles extérieurs. Le public du xvn c siècle venait au théâtre sans se demander s'il pouvait se contenter de lire la pièce. Mais Voldécor et de conditions le faire réclamant successeurs, en taire et ses du droit d'user le scène, ne faisaient pourtant que profiter des la drame où. le se trouve placé, et il sera possible de autant que l'étude morale ne sera point diminuée ou dénaturée. Donc le problème est là : adapter la poésie du genre dramatique, tions extérieures tenir aux condi- compte de ce qu'on se sert d'une scène, de ce qu'on emploie des person- nages vivants. Tant que est Mais s'il le poète écrit seulement, tout lui s'accommode d'études philosophiques. nous appelle au théâtre, il faut que les personnages permis : le livre vivent aussi d'une vie concrète; donc les localiser dans le temps mœurs, un tempérament, trouver le ils ont un corps, et l'espace, leur un costume, et, Les classiques sont restés en deçà, héros vivants ; oublie de faut ce faisant, juste milieu. les romantiques sont souvent allés au delà. Telle école met sur profond il donner des telle les extérieurement, mais scène des moins autre les anime d'une vie morale intense et animer extérieurement. Nous examinerons chacune à ce point de vue. Le juste milieu, liance de la la qui sonnent c'est-à-dire l'al- somme d'étude psychologique et grande somme d'émotion venant du plus grande de poésie avec la plus spectacle extérieur, a été sans aucun doute trouvé par les Grecs, puis retrouvé par dérons parfaite scène, il les modernes. Mais si nous consi- l'agencement et des détails, la adaptation de la matière tragique au cadre de la la perfection de nous faudra pour trouver un théâtre qui par LE SYSTÈME ANTIQUE exemple ne découpe pas trop le le drame spectateur en vingt endroits DECOR. : et 39 ne fasse pas voyager qui en un différents, réalise l'idéal du drame né jouable, il nous faudra, aller jusqu'à Schiller et aux romantiques français. mot dis-je, II Voyons donc comment observé le comment elles s'en diverses écoles tragiques ont les que nous venons d'indiquer, ou juste milieu sont écartées. Cette courte revue nous permettra de placer à son point la tentative des romantiques français. La tragédie grecque a été certainement un des plus beaux humain spectacles que le génie tout, poétique et plastique, combinés. ait quoiqu Il est, avant mêlé aussi de soit il danse et de musique. Plastique, tacle tragique il ; l'est plus que ne le fut depuis aucun spec- la plastique y joue le même rôle que dans tout l'art grec, que dans la vie grecque. D'abord un décor qui certainement beau quoique était simple, malgré la convention qui consistait dans le début à combiner en un seul Rien ne prouve d'ailleurs n'ait pas connu le tique maintenant. ou quatre décors nécessaires. que déjà au temps de Sophocle on les trois changement de décors comme il se praDans les trilogies d'Eschyle, un seul dé- cor simple est suffisant pour chaque pièce, si nous en jugeons par celles qui nous restent. Dans l'Ajax de Sophocle il est probable que, sans rien modifier au décor principal, le gement des décors pivotants la tente d'Ajax (il ne fallait et d'ailleurs de la disparition que la fermer pour qu'elle ressemblât aux autres) suffisaient à montrer au une autre pa'rtie du camp. La tard quand on joua les scène change plusieurs chan- spectateur convention put revenir plus pièces isolées, et que le lieu de fois dans la même pièce. la Mais LES SYSTÈMES. 40 comme précisément dû avait faire à cette époque l'art de la miseen scène des progrès, on peut affirmer que bien combiné pour était présenter le plaisir comme une image décor le des yeux, mais de façon à éloignée, simplifiée, idéale, sublime. Ajoutons au décor l'idéalisation des personnages par le masque, le cothurne et costume, un art scénique le qui réglait les places, les attitudes et les gestes pour l'effet plastique, le rôle du chœur qui chante la poésie lyrique avec accompagnement de danse. Remarquons aussi que la scène a peu de profondeur, et que par conséquent, se détachait sur l'action, tôt à la façon d'un bas-relief. sonnages sur un fond ; second, mais c'était tout. il elle était dans les mouvements des de temple, elle aussi, même ; perspective n'était pas un des la passion et non dans les ainsi plastique, pareille à un bas-relief tragédie pouvait être toute poétique, et c'est la grandeur. La musique, très simple, qu'un moyen d'expression de n'était, la passion, la danse mouvements de l'âme exprimés tragédie grecque était un spectacle était la traduction des par les vers. Ainsi la l'oreille, à l'esprit, mais simple, parce que tout se réduisait à l'expression de dire, un d'ailleurs l'action était simple, mouvements de complet, parlant aux yeux, à Si et acteurs. En se maintenant là qu'était sa décor plu- le voyait deux ou trois per- y avait un premier plan La de cette mise en scène effets On comme une projection de dramatique la passion. spectacle la tragédie grecque offrait, pour ainsi la vie sur un seul plan, elle réduisait au chant lyrique et comme poème au récit épi- que, interrompus par quelques dialogues toujours poétiques, parlés ou psalmodiés ou chantés, l'exposition de la destinée humaine telle que la vie, la font la fatalité, la de volonté des dieux ou nos passions. La tragédie est en effet partie du chœur, c'est-à dire un cortège évoluant, dansant et chantant des poèmes tour à tour lyriques et épiques. Au moment où un poète imagina le LE SYSTÈME ANTIQUE premier acteur pour donner , : LE CHŒUR. 41 au chœur, la réplique gédie n'était encore que l'exécution solennelle, et danses, la tra- avec chant d'un morceau de grande poésie. Le sujet en était vraisemblablement une de ces légendes dieux, où les hommes de tirées la vie des sont mêlés, légende qui était pour le poète l'occasion de représenter par l'ode les as- le récit et pects poétiques de la vie. Certaines pièces d'Eschyle, qui deux ou déjà fait tout une exposition lyrique paraître meux mettant en Thèbes. ; rées, et logue passions engage avec que par des traits sont sur- : les fa- Sept contre voit le tableau d'une ville assiégée malmène le les violent. femmes Dans le éplodia- chœur, reviennent toujours assiégée ; les Etéocle ne les interrompt de satire contre les femmes. Puis sur- messager qui fait un portrait épique des sept chefs ses descriptions alternent avec des chœur dits par le la fois, ainsi, ainsi son caractère la ville à épique d'un événement tableau présenté par les chants du la crainte, montre qu'il le et puis vient Etéocle qui lamentations de vient les Le spectateur y en proie à chœur jeu trois acteurs et des couplets d'Etéocle ; la symétrie règne encore dans ce dithyrambe dramatique. Enfin tastrophe termine la pièce. Dans ; morceaux symétriques cette la ca- épopée mise en ac- tion la poésie est presque tout encore. Le théâtre grec conservera toujours le caractère d'une œuvre surtout poétique. Il ne songera jamais à réduire le spectacle de la vie où se meuvent les passions, à l'étude psychologique de ces seules passions. Les essais qu'Euripide Andromaun drame bourgeois auquel manque le fera dans ce sens embourgeoiseront la tragédie que par exemple est ; prestige de la grande poésie homérique, prestige qui fait la suprême beauté des tragédies grecques. Le réalisme, dans la peinture des caractères, en question ; les tout faits pour ainsi dire dans le les poétiser, il n'était pas personnages étaient héroïques et entraient fallait drame au contraire le ; il n'y avait pas à vouloir, comme Euri- 42 SYSTÈMES. LES pour pide, faire de Pelée, de Ménélas, d'Andromaque, des personnages vulgaires. Les règles de à ce drame qui que n'était la la poésie poésie s'appliquaient en action, sonnages étaient des créations poétiques. aux hommes véritables que par quelques côtés blaient mais étaient vivants, quoique grandis ils ; l'accessoire réaliste non pein- la et la peinture idéale renfermait ; nécessaire non à l'illusion Grecs ne cherchaient pas, mais à les ; poète cher- le chait la représentation idéale d'un héros, mais ture abstraite d'une passion que et les per- ne ressem- Ils la matérielle représentation scénique. Les questions qu'on appelle aujourd'hui les règles, le théâtre grec les ignorait. Nous ne parlons pas de été considérée d'art. comme la l'unité d'action, qui a toujours première condition de toute œuvre Primitivement, on avait sans doute inventé la tri- logie afin de représenter plus largement le spectacle de la vie, de pouvoir transporter la scène sur des points rents, en donnant en même temps repos aux acteurs et à l'attention des spectateurs. sujet tragique n'était à ce qu'il semble, pas, diffé- par un entr'acte du Le vrai une action simple, mais la mise en trois actions d'une idée tragique. du L' Orestie n'est qu'une seule tragédie, c'est la fatalité ' crime qui règne dans une famille jusqu'à ce que mettent fin ; celle relieront, se du milieu sera préparation, et telle dieux la troisième le le nœud n'en ; la feront qu'une première sera la dénouement. Naturellement, de ces actions ne pourra être une tragédie complète Euménides, ainsi les seules, ne signifieraient rien. arrivera qu' Agamemnon et les Eschyle. l'unité Il les sujets reliés de la trilogie, et : il par y a donc eu chez les Grecs deux unités d'action d'action poétique et de conception qui trois actes Mais Choe'phores seront des tra- D'autres poètes détacheront gédies. y cette idée poétique sera représentée par trois tragiques, qui actions grande ; les domine l'unité d'action tragique : les qui LE SYSTÈME ANTIQUE : LE TEMPS. règne dans chacun de ces actes, et qui devint quand d'action 43 seule unité la n'y eut guère que des tragédies séparées. il L'unité de temps était une question inconnue des tra- giques grecs. S'agit-il d'une trilogie? Le poète prend tout le temps que comporte la trilogie l'unité d'action poétique : partagées par un nombre incalculable d'années de dieux qui sont immortels. Dans Y homme au premier acte, est au deuxième, deuxième pièce commence, vingt ans porte c'est la ; rions, Or'estie, il dans même Enfant au premier acte s'agit et rien de plus quand ; se sont écoulés action qui se poursuit. est vrai, supporter il ; Oreste, enfant L'unité d'action comporte cette durée naturel. ainsi de Prométhée deux des pièces au moins étaient : la qu'im- Nous ne pour- qu'un personnage fût et barbon au dernier, parce que l'identité physique est au théâtre le minimum demander personne ne reconnaîtrait dans l'homme du second acte l'enfant du premier. Mais précisément le tragique grec a évité même ce défaut, car Oreste, d'illusion qu'on puisse ; qui est enfant au premier acte dans cet devenu acte : homme de YOrestie, ne paraît pas donc pas ce n'est le même personnage que nous voyons, mais un personnage nou- veau. S'il s'agit d'une pièce séparée, nous traitons un seul acte la représentation. pas soulevée commune faire : le La : il la pièce est traitée n'y a pas d'interruption dans question de l'unité de lieu n'est donc décor est complexe, suivant une convention à presque tous les théâtres, et aux Grecs satisfaisante comme l'injure pour les nous ne pouvons de croire qu'ils n'ont pas su rendre yeux cette complexité d'un décor qui en renferme plusieurs. Ce qu'il faut surtout remarquer dans le théâtre antique, c est que les personnages, tout en représentant des passions, restent vivants, ne deviennent pas abstraits. Aucune règle SYSTÈMES. LES 44 ne gêne poète, le il n'a eu qu'à grandir l'animer d'une grande passion milieu assez réel. non pu a le comme au xvn e un type naturel, laisser dans un siècle. système classique outré, qui n'admet que et crée l'homme l'homme qui intéresse C'est passion seule, la il ; Grec, et le Aussi entre les traits le généraux système romantique outré abstrait, et le (celui de Cromioell par exemple) qui ne considérait au con- que traire les traits particuliers et traçait grandeur réelle, trop chargé de entre les deux extrêmes sans portrait sans pour être ressemblant, grec trouvait tout d'abord, le théâtre sans raisonner, le savoir, traits traits un juste milieu. Oreste a Ses le généraux d'une peinture classique culiers d'un portrait romantique. et les traits parti- La scène de la tragédie un antique, quoique figurée assez sommairement, est réel et non abstrait, scène change palais, ; comme elle sera ; lieu cette la mer comme dans un comme dans un appartement mont comme sous une tente de au bord de devant un temple retiré, sur le vestibule de Racine le sommet d'un soldat. Elle admet tous les nobles et non nobles ; personnages, ne les divise pas en à côté du héros sublime on y voit on y rhomrne vulgaire qui parle et agit selon sa nature voit parfois le comique à côté du tragique, mais sans préoccupation d'en faire un contraste violent. Leur sculpture aussi bien que leur poésie et leur drame ; nous montrent que la vie les Grecs avaient sans hésiter séparé de ordinaire le sublime sans œuvres toutes sérieuses mélange pour en et tragiques. De même faire des qu'ils n'eus- sent point mis au fronton d'un temple ou dans la frise les scènes grotesques que se permettaient les tailleurs d'images du moyen âge, de même ils avaient laissé le comique et le grotesque à un genre spécial, la comédie. Pensaient-ils à au la nécessité de reposer le spectateur du sublime continu : lieu d'émailler de grotesque réservaient ce grotesque le tissu de la tragédie, pour une pièce à part, le ils drame LE SYSTEME ANTIQUE LE GROTESQUE. : qui primitivement devait reposer satirique, de trois tragédies, avant de devenir, tard, comme 15 l.e spectateur il arriva plus une pièce d'un caractère tragique, ainsi Y Alceste d'Euripide, qui se joue à la place du drame satirique. Mais les Grecs mêlaient au sublime assez de naturel, de mœurs, de traits caractéristiques pour que l'homme fût comme vivant. Ils n'ont point fui systématiquement, les au type l'appa- classiques français, tout trait qui donnait rence d'une personne vivante.^ Voyez Prométhée par exemple, où tous personnages sont poétiques, où les sublime le ne tombe jamais au réel, où cependant l'Océan, Vulcain, Prométhée lui-môme sont naturels les personnages comme ; chœur en général, représentent l'opiTOcéan, et comme nion publique, les sentiments et la moralité du commun des hommes, sur lesquels se détache la sublimité des héros mais ce naturel humain donne à la peinture héroïque la vraile ; semblance de la vie. nages simples pour le et les la personnages sublimes pour Grecs pensaient que de rendre le la le se dérider le contraste drame beau plus beau, peut fort bien dans que pour ; la satirique du grotesque, au des cas lui nuire en distrayant violemment dérouté suffisante est grande poésie ; force de soutenir le sublime pendant une trilogie, et d'attendre les opposition entre les person- dans tout son éclat faire ressortir spectateur a Cette vraisemblance le la ; lieu plupart spectateur poétique il suffit du naturel au sublime que les côtés comiques ou vulgaires d'un grand homme sont précisément hors de la d'allier ; poésie, laquelle consiste à ne prendre à la vie que ce qui peut intéresser, élever, attacher ; que, ces côtés grotesques étant cachés, l'homme n'en sera pas moins naturel ,sera tout aussi vivant, quoique le poète ne nous saire de la le faire barbe. Bref, depuis le il grotesque, cle. Il est certain ; qu'Edipe juge pas néces- voir prenant son repas, ou se coupant n'y a pas trace de ce qu'on a appelé du moins dan3 Eschyle que dans Euripide et telle dans Sopho- pièce, comme LES 46 Andromaqué, élève guère SYSTÈMES. entièrement bourgeoise, est la poésie ne s'y on trouve aussi des caractères tout bourgeois ; et vulgaires, comme ment avec sublime touchant des autres caractères le d'Admète, contrastant étrange- celui Prusias et ces Félix de de Fart épuisé efforts abaissé d'un degré ; ; ; mais, de véritablement comique, ces outre qu'il n'y a là rien la tragédie antique sont les derniers la tragédie s'est embourgeoisée, elle dans Euripide, sous logie qu'Eschyle, sous le décor et le même mytho- la costume héroïques, il n'y a souvent que l'étude des passions vulgaires, des affections de famille dans Eschyle demi-dieux les ; Sophocle, des et et les héros sont des héros hommes dans Les théoriciens du grotesque, pour Euripide. aller jusqu'au bout de leur système, sont réduits à contester que l'artiste ait le droit de mutiler la vie « sublime seul. Or Toutes vie. de ici formes de les La comédie se ils l'art », d'en extraire c'est-à-dire prennent à leurs propres viennent d'un choix fait du grotesque l'art, de l'art, avec Aussi en sont-ils amenés à nier comédie. Plus de tragédie ni de comédie de dans la naît de ce qu'on choisit, dans le spectacle la vie, les défauts, les vices et les ridicules. théoriciens le filets. les la une seule forme qui les comprendra toutes deux. Or de cette forme jamais un spécimen ne s'est produit. Ou a pu voir les romantiques des temps à un éclat de rire ; ; tragédies faire place quelque mais a-t-on vu, conçoit-on comme Horace et les Femmes C'est que les Femmes savantes même quelque chose savantes fondu3 ensemble ? sont, degré que la tragédie, l'étude de dans ses défauts. entre le De tout temps sublime et les grandes passions, leurs le Misanthrope, tilhomme, Tartufe, et Pobjeucte, Andromaqué, incompatibles. la même l'homme en général, mais l'homme a fait ce départ tragiques, et les défauts de la nature de façon à écrire au effets terribles, humaine Y Avare, voir de façon ce sont deux le ; voir la vie Bourgeois gen- à écrire le Cid, manières de voir LES MYSTÈRES. 47 III Tel était donc le drame grec, parfaitement adapté que nous avons appelé Il les va sans dire que ces conditions changeront au lieu d'un théâtre en plein une Il est fait et naturel que le drame un peu quand, se jouera dans moyen âge n'ait pas retrouvé tout forme dramatique idéale. Le drame chrétien, la pour air, le fermée. salle d'abord à ce conditions d'existence du genre. fêtes, destiné à occuper, tout travail cessant, les pendant des journées entières, l'attention d'un peuple ignorant, pouvait sans inconvénient être long, interminable même. Comme il était la mise en action, devant des croyants légende religieuse, naïfs, d'une pouvait se satisfaire des il trucs les plus grossiers en fait de d'accessoires il ; religieux, les souffrances de âge a si peu besoin pour jouer du Christ, supplices de l'enfer. la foi, les décors, d'illusion, qu'il ne mais d'être ému, de pleurer sur le qu'on l'aime. Christ crucifié Il n'est ; grands les vérités va s'offrir lui-même s'agit pas d'être trompé, Christ, de lui prouver pas encore question d'art : on ne cherche pas à condenser dans une œuvre courte, table le aux circonstances, au spectacle durera, le des passions lieu, ; faits terribles Le spectateur du moyen il le de costumes et suffisait qu'il leur rappelât les adap- au temps dont on dispose, mais de dérouler, tant qu'il tableau des légendes sacrées, l'histoire des saints personnages : ce qui n'empêche pas intervalles, sublimes, les Mystères d'être, par ou beaux d'une beauté antique. Mais, tout en considérant curieusement ces types de la poésie primitive, nous n'y trouvons pas par page la dixième partie des émotions que procurent les œuvres venues quatre ou cinq siècles après. La notion de l'œuvre d'art, surtout en fait de théâtre, monde moderne avec revient au dant que la œuvres grecques que fait l'œuvre d'art. leur théâtre, Le structure et la condensation qui à perfectionner, et le théâtre le premier constitué, avec Lope de Vega. le devenue d'abord Vie des Saints, théâtre antique) une suivie par le de personnage profane, de la théâtre grec ne prit pas la place de aida les il espagnol fut partie Renaissance. Mais pen- auteurs espagnols n'empruntèrent à les ces La la France ne voyait qu'une chose, imiter en tout drames grecs, les cette vie, celle rendue célèbre la SYSTÈMES. LES -48 ; devint ensuite que l'histoire, ou fournis par l'histoire du héros. L'unité un seul une fait, la il repré- que trouve d'action, devient une nécessité d'art, une habitude, une règle, mais le : même, dans et déjà lutte attire le poète, et d'abord l'instinct du génie, que ; au second plan, des autres épisodes sente en l'entourant, dire tableau d'une légende avaient la cette vieillesse, souvent une seule seule action, le marche de prince, roi, on met au théâtre un fragment d'épopée jeunesse ou la vieillesse d'un héros cette jeunesse (c'était la Vie de la seule règle ; on pourrait poète met une unité d'action dans héros qu'il a choisie, au lieu de mettre, la vie comme de firent les classiques français, la vie tout entière dans l'unité d'action. C'est ainsi que se trouve constitué en œuvre d'art. Une pièce, la Espagne Jeunesse du drame le Cid, de Guilhem de Castro, qui révéla Corneille à lui-même, mais qui pré- cisément a été transformée montrera On la différence peut comparer par le génie français, nous des deux systèmes. les trois Journées de pièce espa- la gnole aux trois pièces de Y Orestie d'Eschyle, quoique trois Journées aient un lien plus première Journée est l'insulte geance qu'en tire Rodrigue trophe finale. Dans satisfait Dans la ; la faite étroit. Le sujet de au comte, mort du comte et la les la ven- est la catas- secondé Journée, Rodrigue, qui a son père et perdu Chimène, triomphe des Maures. la troisième, Rodrigue continue ses exploits ; mais TEMPS ET LIED LE SYSTÈME ESPAGNOL. l'intérêt est i'J concentré sur Ckimène, que divers stratagèmes forcent à avouer son amour. Rodrigue revient, et, trois ans après la mort de son père, même d'action est la elle l'accepte pour époux. L'unité que dans l'antiquité. Quant au temps, la pièce entière dure trois ans, ce qui Orestie dure même davann'est point nouveau l'action de tage. La scène change plusieurs fois dans une Journée, l' ; ou, si dans une pièce. l'on veut, Il ne faut pas s'en étonner. Ouïe décor est encore symbolique, même théâtre peut représenter de suite les lieux les divers, ou bien, et c'est ment avec temps, le et, par convention, un progrès qui s'accomplira décor localise le permet au spectateur de la voir le plus forcé- scène poétique, la davantage, et dès se lors trouve accepté ce juste milieu qui consiste à arranger l'action de telle façon qu'elle se passe seulement dans quelques Le théâtre espagnol n'en lieux différents. est pas L'art du décor lui est encore inconnu, le scène un mythe lieu à ; y passe d'un l'action L'art fruste des mystères s'est gédie antique, il conservé ici n'en était pas tout à n'était pas absent, il complexe était fait encore ; un dans même de là. lieu est sur la ; autre. la le tra- décor et conventionnel. Cette insouciance de la vraisemblance en fait de décor drame peut conserver une ampleur d'imagination, une allure d'épopée qu'il perdra un jour. Mais cette ampleur qui vient de ce que le poète, libre paraît avoir un avantage le : de toute règle, peut nous faire passer d'un palais en pleine campagne, au milieu d'une roman peut se donner, une beauté que pour bataille, cette comme le drame écrit avons affaireau drame représenté, blance, et il y ampleur, que le l'épopée, n'est tout à fait ; elle car dès que nous gêne la vraisem- a pour les spectateurs modernes, plus raffinés, une quantité de vraisemblance que le poète s'engagea nous donner, en nous dérangeant pour nous faire venir au théâtre au de nous laisser lire son drame. 11 doit se soumettre aux exigences matérielles du théâtre, ou bien écrire sur lieu LE DRAME ROMANT. 4 LES SYSTÈMES 50 son livre dans un Drames : pour être faits — comme fauteuil » dit lus. c< Un spectacle Alfred de Musset. Les changements de décor à vue peuvent paraître simils ne sont à leur place que dans une plifier la difficulté : féerie ; ils même nuisent au drame par leur avantage qui changement fantastique de lieu déroute le spectateur. Ses yeux sont éblouis avec son imagination, et son esprit est détourné un moment du spectacle est d'être rapides ce ; principal, le jeu des passions. Le théâtre espagnol diffère donc fort peu antique au point de vue de l'unité d'action, du théâtre et au point de vue du temps et des lieux. Comme actions théâtre antique, le espagnol théâtre vulgaires, les n'est pas le roi, fils mour où toute proportion gardée, le côté la prose de la vie, discours insignifiants, tout ce déploiement poète ne nous montrera elle doit de laisse idéal de l'activité la les qui humaine. Le pompe d'une cérémonie que si armé chevalier en présence du d'un grand du royaume, Rodrigue inspire de l'arehausser son héros à Chimène. le roi Le ; poète ne nous fait assister au conseil choisit un gouverneur que pour nous montrer fureur de don Gormas don Diègue, douleur de l'insulté, la évincé, le soufflet si la fierté la tragique donné à outrecuidante de l'insulteur qui sort en bravant le roi lui-même. Le poète ne nous mène ensuite dans la maison de don Diègue où l'épée de Mudarra est pendue au mur, que pour nous y montrer le vieillard qui rentre et, déshonoré, essaye de soulever l'épée, trop faible pour se venger lui-même, cherche auquel de Le poète met sur la scène un fils valeureux perd son amante on voit Chimène qui se confiera sa vengeance. ses fils il un duel, mais parce que ce duel est celui où venge son père et : précipite au secours de son père frappé. une bataille, ou plutôt ne nous montrer Rodrigue se la fait Il ne nous dépeint raconter que pour nous couvrant de cette gloire qui doit effacer son meurtre, exalter l'amour et le désespoir de Chimène. LE SYSTÈME ESPAGNOL. Dans quelques le scènes, — LE CARACTÉRISTIQUE comme est vrai, il poète s'est complu à peindre le son héros, sans que ces scènes théâtre espagnol choisit fait du Lépreux, celle caractère historique de intéressent l'action le ; bien une action qui mette fort de l'unité dans cette Jeunesse d'un héros pas encore tout à 51 ; mais il ne sait élaguer ce qui dans cette Jeunesse le sujet moral. Il flotte encore un drame qui est une série de tableaux où vivent les passions et le drame plus savant, plus calculé pour la plus grande somme d'effet dans un temps restreint, et qui résume tout dans une situation ou une crise, dans un « état n'a pas de rapport avec peu entre d'âme le ». Le drame espagnol n'a pas encore l'idée de cacher aux yeux ce qui peut les intéresser dans le spectacle de la vie. Ses personnages se meuvent dans un milieu poétique, c'està-dire dont les éléments sont choisis ; mais de la vie réelle il mœurs, de costume, de décor pour paraisse naturel et vivant, quoique plus grand que l'homme que nature et cela sans la moindre prétention de ne parler reste ce qu'il faut de ; qu'aux yeux, mais aussi sans la moindre prétention de supprimer tout ce qui ne parle pas à l'intelligence seule. Il n'a pas encore l'idée de substituer au spectacle des passions, procédé qui n'empêche pas de nous révéler leurs plus secrets passion hommes ; il mouvements, une étude psychologique de la n'a pas pensé qu'il suffisait de nous montrer des analysant eux-mêmes leurs luttes intérieures et nous dépeignant dans des monologues états successifs de leur Mais en retenant de et des dialogues les âme. la réalité et des mœurs historiques ce qui en est nécessaire pour que les personnages sublimes aient une vie propre, en mêlant les personnages vulgaires aux héros sublimes, le théâtre espagnol est allé parfois, sant même C'est par parti pris. un dépas- Euripide, jusqu'au comique et au grotesque. reste d'habitude et par tradition plus que par LES SYSTÈMES 52 On remarque, en dès effet, moyen le populaire à aimer le avec non seulement avec le sérieux, et le burlesque ^et rencieuse de montrer ; la cérémonies moindre intention irrévé- grotesque le tragique, mais avec le de citer religieux et le sacré. Inutile burlesques mêlées au culte sans âge, une tendance grotesque contrastant le allié les dans l'art, surtout dans l'ornementation des églises, au sentiment religieux Le plus profond. les scènes fait est burlesques émaillent pour amuser et les acteurs, amener que Dans incontestable. cours de le le le Mystères, les légende sacrée, la peuple, se chargeaient d'en l'auteur n'avait pas prévues. L'art n'avait pas appris à satisfaire séparément le besoin d'émotions élevées et le besoin d'émotions burlesques qui sont dans la foule. On fit du burlesque sur le dos du diable. Quel élan de piété, quelles larmes de joie ou de douleur quand Christ paraissait, quand quels sarcasmes quand quels cris de haine, gissait des dessous ! Quelle joyeuse battu, rossé, se renfonçait grimaçant ! Passion souffrait sa il ! le Mais aussi démon sur- humeur quand Satan, sous terre, affreux, furieux et Bref, l'habitude était prise. L'éducation bon public devint bien plus le difficile à faire ; il de ce lui fallait de temps en temps sécher ses larmes et se dilater d'un gros il fallait que l'auteur dramatique le désopilât par rire ; quelque épisode réjouissant, à porter atteinte pour la sublime de le sans craindre d'ailleurs de que l'auditoire avait solide admiration pièce. la Cela fut vrai aussi pour l'Espagne ; et si l'on songe que Lope de Vega compose encore des mystères, car les autos sacramentelles ne sont pas autre chose, on ne sera pas étonné qu'à la même époque dans drames les ; des épisodes comiques soient obligés c'est ainsi que Guilhem de Castro, ne pou- vant pas facilement mettre sur Mores, la fait la scène la bataille contre les raconter, et en profite pour amuser la galerie avec son berger peureux ; il amène tesque sans diminuer Rodrigue ni ainsi la un personnage gro- valeur tragique de l'épi- — LE SYSTÈME ESPAGNOL. sodo militaire qu'il égayé. LE GROTESQUE ne s'agit donc point Il système, mais d'un reste d'enfance du drame pour vaille on déridera le à tout au d'un ici poète tra- condition : Les mauvaises plaisanteries, gros public. l'heure dans forme au goût du temps, sacrifices compose une ce succès ; calembours ont les les lazzi, comme succès le le ; 53 le la même origine, dans Shakspeare drame : le çà et fait Lope poète se con-' là quelques reste de barbarie qu'il trouve encore dans son public. De même comprendre pourquoi Corneille, est facile de il imitateur de Castro, a négligé les scènes comiques et de mots ; le fidèle du théâtre antique une première éducation neille, briguant plutôt que les jeux goût français avait déjà reçu par l'imitation peu ; et Cor- suffrages d'un auditoire d'élite les applaudissements d'un gros public, ne fut pas tenu les de faire sacrifices les auxquels furent amenés Lope de Vega ou Shakspeare. En résumé, voici espagnoles. Il comme dans le le système qu'on peut n'est plus question de le théâtre antique. théâtre, elle est profonde sent s'y mouvoir. La ; il tirer des musique Pès lors, ni de danse, scène est tout la faut que les poésie s'empare œuvres hommes puis- de tout ce que peut avoir d'émouvant la vie, la jeunesse d'un héros, laisse natu- rellement par définition tout ce que vulgaire, d'animal, de grotesque naturel, reste pour encadrer milieu vie peut avoir de avec ce qu'il faut de costume, de mœurs, les passions historique qui fut L'œuvre la mais, ceci posé, l'homme ; est à la fois ; morale il le s'agite sous nos sien yeux dans ou qu'on et pittoresque ; lui le suppose. à la psychologie des passions s'ajoute ce qu'il faut de vie extérieure pour des spectateurs qui regardent. Sur la quantité de vie extérieure nécessaire, ce théâtre n'a pas raffiné, si, la provocation imminent, épées, le il faite, le était utile il ne s'est pas demandé choc des passions montré, de montrer aux yeux coup qui fait tomber un des combattants, le le duel choc des et qui excite LES SYSTÈMES 54 une émotion, comique et il plus physiologique que morale. est vrai, n'a point mêlé par système Il que grotesque qui et le les le naturellement opposés, poétique avait éliminés le travail son drame au spectacle héroïque lui sont ; mais il a semé dans quelques épisodes comiques par lesquels était d'usage de divertir et de reposer les spectateurs. il En somme, le théâtre espagnol arrive déjà, dans quelques pièces de Lope de Vega et surtout dans ce beau drame de Guilhem de Castro, qui parut à Corneille contenir le germe d'un système idéal, à ce travail de condensation qui cherche à mettre la plus grande mesure d'émotions dans En sorte que raffinant dès lors, un temps donné. condensant cette condensa- du lieu et du temps, un autre système fera de ce tion, élaguant presque tout ce qui est tout ce qui s'adresse aux yeux, choc de passions vivantes, une action tout idéale où chaque caractère deviendra le type absolu d'une passion. IV Avant de considérer système classique, le nous arrêter un peu sur le il est bon de théâtre anglais qui ressemble au théâtre espagnol, mais qui lui est supérieur, et qui pour ainsi dire le Comme les mène système à sa perfection. autres théâtres, le théâtre anglais procède des essais nationaux et de l'imitation antique. En Angle- terre l'esprit antique ne pénétra jamais complètement. XVI e siècle y vue des mœurs. On à Henri VIII, Marie Tudor et Elisabeth. dépit de du la Le une époque effroyable au point de ne voit alors rien de pareil en France est d'ailleurs Renaissance, le De même, en théâtre anglais conserve la saveur terroir. L'abus de la clownerie populaire, d'un côté, et l'abus des péripéties sanglantes, de l'autre, passent jusque dans Shaks- peare ; Shakspeare garda aussi l'affectation, le gongorisme TRAGEDIES HISTORIQUES SHAKSPEARE. 55 de Lyly. On voit peu d'imitations antiques, si ce n'est les drames lugubres imités de Sénèque auxquels mit fin le succès de Marlow, rendu célèbre par un Edouard II, un Faust, un Juif de Malte. Aussi Shakspeare n'imitera pas l'antiquité. Comme dramaturges espagnols, les à l'école des anciens, mais il en sortira meilleur et plus habile modernes à la Cléopâtre ou progrès fait Troïhis et manière antique, il Jules César, Antoine Cressida. Est-ce à dire que par l'antiquité sera perdu pour Shakspeare? A non, pas plus que pour Lope et Castro. côté de ses « plays » historiques, Shakspeare fera des tragédies Hamlet et Macbeth. glais est constitué, En il le second effet, au moment où y a deux également en faveur, quoique traitera comme des sujets antiques à sa manière, le ; n'emportera pas de modèles à copier. Bien loin de il traiter des sujets et se civilisera il le comme théâtre an- sortes de pièces tragiques deux systèmes également goûtés, remis le premier dans l'ombre. ait ensuite Ces deux systèmes sont les ((.plays » et les tragédies, ou, si l'on veut, les tragédies historiques et les tragédies propre- ment dites. Le premier système est la tragédie embryonnaire avec le temps, donner lui-même, la vraie tragédie le ; mais la et il devait, Renaissance, en faisant connaître théâtre antique, hâta cette éclosion. vie de roi, ; parla force des choses, ou une partie de la vie fournir des péripéties tragiques, d'un et, Le poète prend une roi, qui puisse lui en Angleterre, Shaks- peare n'a que l'embarras du choix. C'est le système des Mystères et que nous avons déjà vu en Espagne. Vies des Saints succèdent sur la légendaires et des rois historiques. ne lit pas l'histoire, le sorti Aux scène les vies des héros Pour le poète met l'histoire menu peuple qui en tableaux ressuscite les héros, les fait parler et agir avec une ; il réalité de vie prodigieuse. Ainsi se forme pièce par pièce l'épopée de l'Angleterre, Mais, en somme, à part la faculté de voir, de faire vivre ses personnages, de ressusciter le passé, lo LES SYSTÈMES 56 poète n'agit pas sur matière tragique. Antoine la Henri VII, Henri VIII, et Ch'6- comme Henri pâtre par exemple, qui n'est qu'un play VI, que du Plutarque mis n'est aussi en tableaux. L'intérêt qu'excitent ces sortes de pièces est grand parce qu'elles illustrent l'histoire nationale. être il employé par un génie, n'en dramatise l'histoire ou œuvre Nous d'art. la Mais ce système, pour est pas légende ; moins rudimentaire il : n'en extrait pas une souffrons avec les héros tragiques, à pro- portion qu'ils souffrent eux-mêmes. Doncl'émotion vraiment tragique sera excitée en nous si le poète nous montre un héros dans une situation où ses passions se combattent violem- ment, dans une impasse où, acculé fatalement, la conséquence de ses actes et ne puisse ressentant ce que sent dans la perplexité le il l'éviter. voie venir Car alors, comme héros, nous sommes, lui, plus tragique. Il sera donc utile au la poète de ne pas donner aux faits trop d'importance et de ne se servir des circonstances historiques que comme minant des développements, des explosions, des déter- luttes de passion. Un Prenons Hamlet. épouser venge le se tue. daire. père sur Ce sont Mais si ces dépassions, si le là meurtrier pour savoir la pouvoir. Le la mère et fils du mort épouse coupable ne servent que de canevas à des luttes nous voyons le meurtrier inquiet, agité de le si ; des faits tragiques d'un intérêt secon- faits remords, craignant le médite pas empoisonne son frère pour frère reine et prendre le la fils jeune de son frère, l'épiant anxieusement homme vengeance, ne sait et enfin résolu, pas le crime et ne pour consolider son premier meurtre, à en commettre un second, à tuer le fils mère plus inquiète encore, partagée entre l'amour de son fils et la crainte d'un juge et après le père ; si nous voyons la si nous voyons, dans ce drame de famille drame historique et où le choix de personnes royales ne sert qu'à donner aux passions tout leur dévelop- d'un vengeur substitué au ; LES TRAGEDIES PSYCHOLOGIQUES SHAKSPEARE. peinent, si nous voyons ce fils, instruit 57 du meurtre, pour- par le fantôme de son père qui crie vengeance, épouvanté de ce rôle de justicier qui pèse sur lui, ferme et hésitant à la fois, feignant pour dérouter ses ennemis une suivi folie comme un qui n'est pas loin de devenir réelle, allant halluciné du spectre de son père à sa mère coupable, effrayé de la destinée qui lui interdit toute joie ici-bas, repoussant dans son désespoir la femme qu'il aime et qu'on rapporte bientôt dans son linceul couvert de fleurs, enfin victime lui- même au triste devoir de son moment où alors, nous voici en pleine passion ; l'accomplit, il nous revenons au drame antique, qui, toute proportion gardée, avait, cherché les mêmes situations, nous revenons à Eschyle, à Sophocle et à son Oreste. Le sujet du drame c'est ce qu'éprouvent des âmes comme vie, et le les nôtres, jetées au milieu des de la fatalités partagées entre leurs passions. Et voilà, ce semble, drame l'histoire émotion que idéal. C'est cette nous avait déjà fait Cid espagnol le éprouver, non pas en nous narrant épique du Cid, mais en nous exposant frances du jeune Rodrigue partagé entre venger son père désespoir quand désespoir de et il l'amour a tué Chimène qui le qu'il le a pour Chimène, père de celle pleura à souf- les devoir sacré de la fois qu'il son aime, son amant perdu, qui se doit à elle-même de demander tête du meurtrier et qui craint de l'obtenir, prête à dans la tombe, la le son père mort et le la suivre pathétique entrevue où l'amant désespéré vient offrir sa vie, où l'amante offensée la refuse et ne peut haïr celui qu'elle adore. Telle est la beauté iïHamlet, de Macbeth, d' Ofhello, de Roméo et Juliette, de Richard III et aussi de le Roi Lear, qui paraissent jusqu'ici l'idéal de l'œuvre d'art où concentre Ce qui le les pour génie caractérise ces chefs-d'œuvre, c'est le juste milieu en tout. faite le plus possible la vie et les passions. se En effet, il mouvoir sur faut à la. une œuvre dramatique, scène, autre chose que des LES SYSTÈMES 58 tableaux épiques, personnages, au lieu de passer et les leur âme. Mais devant nous, doivent nous ouvrir s'ensuit pas que spectacle de la le vie, il présenté par ne la grande poésie, doive tout ramener à des émotions éprouvées. Les passions condensées doivent se mouvoir au milieu d'événements, et le poète ne peut songer à supprimer entièrement l'élément épique. tions de ses personnages ; émouvoir directement par misères de ce monde entière est l'objet 1 J Il nous émeut par émo- peut aussi et doit parfois nous le spectacle des grandeurs ou des car, après tout, la ; les il du drame, grande poésie tout et la nécessité matérielle de ramener en général la vie à des passions éprouvées ne peut faire supprimer une trop grande partie de cette poésie. Le drame peut réunir et le spectacle de l'homme extérieur jouet de 7 tacle la fatalité, en lutte avec choses, et le spec- les intime de l'homme en proie à lui-même. C'est ainsi que dans natures. l' Orestie, dramatique l'émotion Nous éprouvons par contre-coup Cassandre, d'Oreste, d'Electre, de deux de est les passions Clytemnestre ; et de de plus, ce tableau épique de la destinée d'une famille, de la fatalité qui s'acharne sur entière, ce tacle, une race en un mot, nous émeut de pitié même pour la trilogie et grand spec- De de terreur. qui exposait les malheurs de la race de Laïus, trilogie que nous n'avons pas complète, mais que nous pouvons nous figurer de l'ensemble se dégage à la fin une impression directe, celle du spectacle d'une race : vouée à une fatalité mystérieuse et lugubre. le général secret de leur éternelle beauté, de leur éternelle puissance. Chaque pièce l'émotion que nous appellerons psychologique, vient de l'intérieur des est un vaste tableau de âmes mis à nu la vie que. Shakspeare est là-dessus les composées pour pro- trilogies antiques paraissent avoir été duire ces deux émotions, et c'est là En ; la excite celle qui trilogie entière qui excite une émotion poétile plus antique peut-être des modernes, incomparablement plus antique que nos grands l'intérêt psychologique et l'intérêt poétique classiques d'Hugo et le mérite ; sera d'avoir parfois excité une émotion analogue en conservant au drame lyrique et grandeur la de l'intérêt psycholo- souffle épique à côté le 5î) gique. Considérons Roméo pénètrent l'une l'autre et Juliette ; les ; deux émotions les deux amants que tout sépare, situation des s'y deux font un chef-d'œuvre. La et dont l'amour franchit tous les obstacles, nous charme, nous émeut, nous trouble ; mais cette haine des deux familles, chose bien définie, à laquelle se joint cette fatalité obscure qui s'abat à chaque instant sur quelqu'un dans cette inimitié vie, la cause de malheurs, augmentée de malheurs sans cause, ce Roméo qui se tue par une Juliette, ces deux amants le savoir, étaient là méprise tragique, et tue sa qui, il n'y a qu'un moment, sans Roméo tous deux pleins de vie, vivant près de Juliette, Juliette vivante pour lui seul dans son sommeil, et qui sont à présent tous deux morts l'un sur ennemies qui ont l'autre, ces familles sans fait le vouloir tout ce mal, et qui se réconcilient trop tard en pleurant sur deux cadavres, voilà grandes passions Ne et la tragédie complète épopée des grandes psychologie des : fatalités. prenons plus qu'un exemple. Richard III, inférieur en beauté psychologique à Othello, à Macbeth, compense cette infériorité par le mérite épique. des c< plays » Richard III a de Shakspeare sans « historié play » et une tragédie en les lacunes môme les ; beauté s un c'est temps. La tra- gédie, c'est cette évolution admirable d'un caractère ambi- tieux et sanguinaire, en a vu sur le comme l'Angleterre seule peut-être trône, ce sont ces trois reines qui, comme les d'Hugo, représentent trois générations, où Richard séduit Anne, type superbe de la femme sensuelle et héroïque, qui aime la volupté et le sang trois burgraves c'est la scène ; le « play », c'est ce spectacle de la force et jouant du droit, se jouant de le la passion, de l'astuce se sans borne versant sang, jusqu'au jour du châtiment. Ainsi, le spectacle tra- LES SYSTÈMES 60 gique de mêlé à des analyses de passions, voilà la vie la tragédie de Shakspeare. Dans Shakspeare, plus encore que dans le théâtre antique et le théâtre espagnol, l'homme de la légende ou de l'histoire, qui va représenter une passion idéale, marche et s'agite comme un homme vivant vêtements fait jour ou nuit. Cet lui un homme. Bref, réelle, élague, il s'asseoit, il ; a froid ou chaud, il vont ou l'incommodent ses n'est point ; autour de choisit, il arrange qui servira à son tableau idéal il dans la vie ne garde que ce il ; ; mais au moins ; lui un symhole, mais poète part de la vie réelle le il homme il n'enlève pas de terre ses personnages pour les transporter dans un monde abstrait pied sur leur laisse le pied sur le sol, et c'est le il ; pourront vivre en plein idéal sans nous le sol qu'ils paraître de pures conceptions. Tout cela, notons-le, n'est pas d'un résultat le système. C'est théâtre classique le qui, supprimant tout lien avec la vie réelle, reconstituera systématiquement de toutes pièces une vie abstraite. Il n'y a rien à redire, rien à blâmer, rien de trop réel, rien de contraire, d'inutile dans peare les : que relève traits « même au Hamlet William Shakes- l'auteur de est prince démagogue, profond et frivole, sagace et extravagant. Il croit et spectre, il bafoue argumente contre le le le succès, tutoie le vers, fait un trône ; il Il les la force, passants, soupçonne parle littérature, récite des un feuilleton de théâtre, joue avec des os dans cimetière. Il a été à l'université ; il est petit, gros bien l'épée, mais s'essouffle aisément boire trop tôt, bien Victor et ne croit pas au dialogue avec premier venu, hait mystère. Hamlet, portrait idéal d il connaît l'hygiène Hugo, le ». ; il ; il tire a sein de ne pas Ainsi lesté, dit très personnage peut être lancé en plein idéal. Seulement l'auteur de Cromwell cru que tous les s'est trompé quand personnages tragiques devaient être sur ce patron. Et d'abord, pour tous ces détails il il S. taillés a trop vu SHAKSPEARE. l'antithèse, et LE CARACTERISTIQUE en a conclu queles héros tragiques devaient il Tous être faits d'antithèses. pour profonds lui que tandis feintes. Hamlet en grand effet et et sagaces et maigre, parce qu'Hamlet sont volontiers d'Hamlet sont Hamïet ne ; que ; extravagants, et l'extravagance est petit et gros genre sont trop caractérisés aurait-il à ce hommes les frivoles, frivolité la 61 les saurait être personnages de ce mais quel inconvénient y moyenne, et ni gros fût de taille Aucun les personnages tragiques peuvent tous s'accommoder de cette manière d'être. Et pourtant le détail de Shakspeare convient si bien à Hamlet qu'il semble ni gras ? ; achever l'idée que nous nous faisions de lui. Dès qu'Hamlet Laerte font assaut, cette haleine courte d'Hamlet, ce et léger embonpoint sont des détails tout à fait dramatiques et attachants. Les détails réalistes que le poète romantique a accumulés dans Cromwell n'ont pas, nous même le verrons, la raison d'être. Ils rendent le personnage prosaïque Shakspeare au contraire a eu cet art instinctif l'antithèse, qui est un procédé chez et d'autres. C'est ainsi que la vulgarité de la nourrice dans Juliette fille ici rend plus virginal et plus le si n'est pas Roméo et suave ce type idéal déjeune italienne, chaste et passionnée à la fois. que ; exquis de Mais remarquons détail vulgaire sert utilement de contraste, ce dans un même caractère. On voit chez Shakspeare des types vulgaires qui rehaussent la distinction et la gran- deur des autres, et non dans un même caractère des côtés vulgaires qui auraient la prétention de faire ressortir des délicatesses. Corneille avait aussi que produisent l'antithèse s'ils le comme Curiace, mauvais comme Sabine, ne sont pas sublimes comme Horace ou du nouveau en inventant sont exagérés ti-ouva Après avoir abusé de au point de créer dans Horace des personnages formules qui, il trouvé d'instinct ces oppositions les rôles vulgaires. Prusias de NicomMe. le Félix de Polyeucte et LES SYSTEMES <32 Les personnages uniquement comiques et grotesques sont rares dans les tragédies de Shakspeare car il ne faudrait pas ; confondre avec eux les personnages enjoués qui mettent par doucement gaie dans instants la note la tragédie. Ce sont en qui à l'occasion sont comiques o-énéral les rôles vulgaires ou o-rotesques, ce qui ne choque point en eux comme dans un héros tragique. D'ailleurs les saillies comiques et grotesques sont en réalité en dehors des rôles, ajoutées à la pièce pour faire rire le parterre. Shakspeare a dû se plier e au goût des Anglais du XVI siècle, goût fort peu raffiné tout le monde fera à ce grand génie l'honneur de croire ; que quand coupe il lazzis adressés parse Il d'un héros tragique par des la tirade au machiniste, ou un mot obscène, il aurait supprimé ces détails ferions-nous scrupule tels vulgaires et par un com- avait travaillé pour la s'il ou pour un auditoire postérité seule primer qu'il fait dire n'obéit pas à son goût propre. dans Roméo et éclairé. Et encore nous dans Othello de sup- mots gaillards prononcés par des personnages odieux, mots qui sont dans leurs caractères, qui achèvent de les peindre, de les rendre méprisables, sans faire et aucun même la tort à la pureté de Juliette et de Desdemona ; chasteté indulgente avec laquelle ces femmes pures accueillent parfois ces plaisanteries est le dernier trait qui achève leur portrait idéal. Il faut donc ce qui est feinte simule la folie et hommes, jusque par exemple dans Ilamlet. ce distinguer, qui est dit pour la galerie ; ; il faut distinguer aussi en lui l'homme chaste dans ses discours, qui y joint encore un mépris non simulé des qui éprouve et simule à la fois le doute sur tout, sur la jeune fille qu'il aime, prononcera de ces mots tout pleins d'une ironie amère, exagérera sa méchanceté et son scepticisme et se plaira même, blessé au cœur, à blesser les autres injustement. Nous ne parlerons pas été grotesque ici d'un certain grotesque qui n'a que dans l'imagination des théoriciens roman- LE GROTESQUE SHAKSPEARE. tiques et pour les besoins de leur cause Macbeth, du tragique les ; mort génie sur la de du fantastique et fossoyeurs ne sont point grotesques, mais vrais, et la peinture ries sur la les sorcières : fossoyeurs d'ffamlet, sont les 63 vraie de ces gens, de leurs plaisante- une ironie tragique du misère humaine. Shakspeare est ici biblique et sur les crânes, est ; Bossuet l'eût pu citer et commenter. L'apothicaire de Roméo, ce dialogue du désespéré qui achète du poison avec pauvre marchand qui le vend à regret, tenté par l'offre d'une fortune, n'ont jamais excité l'impression du grotesque. Evi- demment le poison tragique n'est pas toujours forcé de sortir le d'une boutique de marchand, ce poison se respecte, parce qu'il est, il désespérés qui le nommé se trouve à point conservent dans d'élégantes roi Lear n'est pas non plus est cassettes. Mais Roméo à vingt ans n'avait pas de poison sur Le fou du il sous la main des lui. un» grotesque : c'est du fou sont tragiques, comme les plaisanteries d'Hamlet sur les crânes. Mais Reste Falstaff. Celui-là est le grand grotesque Henri IVn'est pas une tragédie c'est une « pièce historique », où le tragique n'est qu'épisodique. Il y meurt des combattants mais un champ de bataille est parfaitement, une création tragique ; le rire, les lazzis ! ; ; à l'occasion, ques ; théâtre tout trouvé pour des scèues burles- les soldats n'est pas pièce. un Le plaisantent sous la mitraille. Falstaff, lui, un personnage épisodique il est la moitié de la prince Henri est l'autre moitié. Le tout fait une pièce gaie ; et épique, obscène et morale à la fois ; ce jeune un grand roi, est un grand cœur et un démais le corps bauché ; il a pour ami un débauché épique seul, dans Henri, est le compagnon de Falstaff, quin'estque corps. Ce qui a tenté Shakspeare, c'est précisément d'opposer dans une pièce deux éléments disparates, égaux en valeur; prince, qui sera ; de balancer l'un par l'autre. Henri et non un système, comme Shakspeare a créé la Tempête le IV est pensaient et le une pièce unique les romantiques. Songe d'une nuit d été ; j LE DRAME KOMAKTIQUE 6i une raison pour dire que la tragédie admet des Ariel des Obéron ? Il a montré qu'on pourrait, en dehors des est-ce et - genres, faire des chefs-d'œuvre. moins comment voir faut le La tragédie n'en dans Macbeth tragédie, et c'est la théâtre anglais est pas et Othello qu'il comprise et réa- l'a lisée. En un mot, dramatique part faite au goût du temps, que l'auteur la est forcé de satisfaire, glais conserve à la tragédie une quantité nécessaire de de vie vulgaire et d'ironie frisant fondre avec il C'est là tout lui. et ce vulgaire, ; il le comique, sans réel, se con- ne supprime point ce réel ne l'emploie pas non plus pour lui-même il ne mêle point reste que le théâtre an- il la tragédie et la comédie, que des grandes passions et la ; peinture poéti- l'observation satirique des mœurs, des vices, des ridicules. Shakspeare atteint la limite où le vulgaire et le grossier peuvent subsister à côté de ces antithèses que suggère à il a trouvé du tragique un génie comme le sien le spectacle de la vie réelle trans; formé en vision tragique, mais qu'on ne à imiter. n'y a point là de système. 11 Lope de Vega, il doit pas Au fond, chercher entre lui et n'y a pas une différence de système, mais de génie. Pour ce qui comme ceux du temps, est qui l'ont précédé, prend, le théâtre le temps nécessaire au dé- anglais veloppement de son action. En Angleterre lieu à volonté ; comme l'enfance en Espagne, où est le le décor poète change de le lui fio-urant les lieux le théâtre peut représenter bien des lieux à la cessivement gligeable. d'art, vont ; le changement fréquent de décor Le poète n'a pas encore quant aux lieux les permet, car, que symboliquement ou sommairement, ne : il fois, est ou suc- donc né- appris à faire œuvre suit son action, se transporte où personnages et nous y transporte. Le progrès fatal matérielles lui imposera plus tard de ne des conditions LE SYSTÈME CLASSIQUE 65 pas montrer trop de lieux pour ne pas couper trop souvent l'action par Une repos nécessaires au changement de décor. les action trop morcelée est pénible même à l'imagination complaisante du spectateur. Shakspeare n'a pas toujours évité ce défaut. Pourtant il faut voir, non combien de fois la scène change chez lui, mais à combien de changements pourraient se réduire ceux qui sont indiqués. Ainsi dans Ilamlet, au premier acte, la scène est sur la plate-forme, dans l'appartement de Polonius pouvant être con- le palais, fondu avec l'appartement royal, puis sur Le deuxième d'abord dans salle ; acte la plate-forme. passe tout entier dans le palais, chambre de Polonius, puis dans une autre salles différentes du troisième acte pourraient la les trois se réduire à une. acte que se A ce compte, deux changements de quième. Aussi il n'y a dans le quatrième un seul dans le cinen somme, d'adapter les lieu, et est-il assez facile, drames de Shakspeare à notre mise en scène moderne. Nous voici maintenant arrivés à cette tragédie classique que nous apprécierons mieux et que nous mettrons à sa place dans cette revue sommaire des systèmes. La France cherchait péniblement à fonder, elle aussi, un théâtre profane après la mort du théâtre religieux. Trop enthousiaste de l'antiquité et de Sénèque, s'oublier elle-même pour être grecque de ne prendre à l'antiquité, que l'idée de l'art et et semblait romaine, au lieu comme l'Europe du beau. Aussi elle et l'Angleterre, elle imitait les imita- tions étrangères. L'Italie avait avant nous créé la tragédie régulière, imitée des anciens, qui devait être la transition entre l'art antique et le théâtre moderne. \1 Orfeo de Politien, qui date de 1487, la fameuse Sophonisbe du Trissin, qui fut imitée plus de dix fois, LE DRAME ROMANT. V Or este de Ruccellaï, sa Ros5 LES SYSTÈMES 66 munda, la Tidlie, de Martelli, qui sont nées dans le premier quart du XVI e siècle, aidèrent aux débuts pénibles de notre tragédie, qui ne trouvait pas pourtant sa voie. L'imitation de l'Espagne s'y joignit, bien avant Corneille, ment à ce qu'on se figure habituellement ; ce contrairequ'elle pro- mieux d'ailleurs, c'est Pyrame et Thisbé de Théoet la Marianne de Tristan, l'une imitée d'un poème de duit de phile, Gongora, l'autre d'une pièce de Calderon. Les beaux vers lyriques de Marianne, de belles scènes dans la Sophonisbe de Mairet, imitée du Trissin, n'empêchent pas que tragé- la die française est encore à naître, c'est-à-dire que la grande poésie n'a pas encore paru au théâtre. A défaut de on ne sait étude de chef-d'œuvre, des idées bizarres étaient nées, guère comment, et la unités de lieu et de temps. est à la il n'appartient pas à cette rechercher. Par exemple, cette vaste erreur des Dans l'interrègne des génies, l'art merci des médiocres, qui, n'ayant point d'autre moyen pour se faire un nom des nouveautés bizarres ; et une importance, inventent du public se porte do- l'attention cilement sur des questions de forme ment parler, des difficultés, capables de remuer se un comme ; ou invente, à propre- ces violonistes qui, in- auditoire par un jeu simple font admirer en jouant de plusieurs cordes à et ému, la fois. Ainsi tous ensemble, médiocres et ignorants, feront la loi au génie qui va venir. Il faut avouer que rent ou inventèrent Ronsard la règle et Jodelle eux-mêmes admi- de l'unité de temps ; mais ce furent bien les poètes médiocres, et mieux encore des critiques sans mandat comme d'Aubignac, qui prônèrent et imposèrent ces unités auxquelles Corneille ne se fût pas astreint. Il les faut dire brièvement en quoi furent impardonnables inventeurs et les preneurs des unités, en quoi aussi ils furent excusables. Il est difficile de se figurer qu'on ait pu voir les unités Le système classique. dans les anciens, où elles — ne sont pas. les unités On 67 n'en avait rien trouvé dans Aristote, à qui on lesattribua plus tard. vait voir qu'en général l'action d'une pièce pas d'un lieu, mais d'un lieu tait neille lors était vide. du Cid, d'une continu la ; ville comme spectacle le ; du chœur, C'est pourquoi l'unité de lieu était Quant au temps de toute naturelle. parfaitement compris que certaines conventions étaient nécessaires annonce sort et pour y en revenir, il aller et heures mais, ; rentre en scène table après : rend à qu'il se lui faudrait y n'était jamais l'action, les anciens avaient un personnage Cor- l'entendait par exemple scène, à cause On pou- grecque ne sor- tel : ainsi endroit ; en réalité plusieurs un court chant du chœur, l'acteur convention nécessaire et de plus accep- au spectateur la pensée, l'imagination, ; émue par le chant du chœur, ou occupée par un dialogue, ne peut mesurer le temps matériel ; elle se trouve en plein idéal ; nous ne serons donc point étonnés de voir revenir cet acteur qui en réalité vient de dure qui trois ou partir. Ainsi l'auteur pendant une pièce quatre heures peut, sans choquer vraisemblance, supposer qu'il s'écoule un jour de la vingt- quatre heures. Les Grecs ne pouvaient guère aller au delà, dans une pièce sans entr'actes. Mais les théoriciens les plus intelligents se trompèrent chez nous en ce qu'ils ne virent pas dérable qu'apportait dans les le changement conventions l'invention des actes ou plutôt des entr'actes, comme des repos complets pour le consi- dramatiques spectateur considérés : invention véritable, car ce qu'on appellerait des actes dans les tragé- dies antiques n'avait nul rapport avec les actes Dès que lié avec le rideau tombe, ou la pièce, est coupée. C'est occupe la plus modernes. même qu'une sorte d'intermède, et distrait les spectateurs, la pièce simple des conventions que de supposer qu'au relever du rideau on se trouve dans un autre une autre époque. Les étrangers l'avaient bien vu au moment où Lope en Espagne, Shakspeare en An- lieu et à c'est : LES SYSTÈMES 6*8 gleterre coupaient l'action à volonté, transportaient, sans baisser la même spectateur à des époques et à des toile, le lieux divers, que les poètes médiocres élaboraient ces règles sans fondement. Notons que les règles recommandait de comme le comble du aiment surtout rielle on la l'antiquité,, fin et la difficulté pour et contre elles, France seule en a la tête tragique, pu seuls ont été dupe. ; or les médiocres qu'une dextérité toute maté- peut vaincre. Mais, en somme, se battit qui d'ailleurs se souveraine alors, et se donnait de les difficultés, un moment firent comme une nouveauté fortune à l'étranger, on si on ne les les accueillit, si observa guère Eux au rebours de ce que croyait Voltaire. faire ; Les Français n'ont guère eu sérieusement ce raisonnement enfantin qui détruit tout l'art en détruisant la première des conventions, raisonnement selon lequel un seul peut représenter deux lieux différents. lieu, prendre judicieusement l'auteur de Cromwell, dès lors la Comme scène, ne com- le fait il n'y a plus de vraisemblance au théâtre, tant qu'on ne montre pas le ressuscite pas nous vrai palais d'Auguste, tant qu'on ne le vrai Cinna, en chair et en nous parlant os, latin. Cette prédisposition à n'admettre aucune tions de l'art nous a conduits à l'art qu'on ait jamais vu ; le car, le théâtre se refusant ventions qui permettent de reproduire même qui théâtre. la vie, la vie dû devenir conventionnelle pour entrer au Nous nous sommes montrés là le peuple exact, qui se défie outre le réel et la raison mesure de la , le simple et preneurs des unités et avait surtout alors, et l'imagination, : le clair, un l'esprit français a certain point toujours eu, une certaine répulsion pour ainsi qui rêverie et de l'imagination. C'est précisément ce qui excuse jusqu'à qu'une tendance à Les unités, venues de cette tendance, core. aux con- c'est a cherche partout les des conven- plus conventionnel la liberté l'abstraction. l'augmentèrent en- LE SYSTÈME CLASSIQUE. y a un Il lien d'une époque b monde et commun l'homme une manière de voir entre la philosophie et la et ; le pour moi conscient résume l'univers il ; tème, devenu avec Corneille celui de trouvé les unités établies, qu'il elles éliminaient Or ce sys- la poésie, n'eût-il pas eût en partie inventées les temps ; élé- c'est pourquoi la nullité le lieu et le donné une peine c'est ; n'eût précisée suffisait ; il céder sans interruption Rodrigue avait battu ; les il ne les classiques pour arriver à l'unité fallait Maures qu'aucun dé- définie, que tout eût de là aussi, de la suffisait, il ; d'une durée non nullité de temps, ; pourquoi aussi inutile temps de vingt-quatre heures tail ce ; de l'ac- absurde en elle-même, est devenue de lieu, qui est raisonnable se sont moi conscient au milieu d'un seul coup deux accidents, deux ments de contingence, l'unité de lieu, le est, en l'homme, et seul objet digne d'étude. le poésie dix-septième siècle c'est le monde par l'homme et de ne considérer dans l'homme que cident universel, 69 manière dont cette époque envisage c'est la : PSYCHOLOGIE l'air de se suc- marquer que pas plus don Sanche en et vaincu vingt-quatre heures, que laisser voir qu'il avait pris plus de temps pour le faire. Les unités trouvèrent donc en France un terrain pré- paré, alors que partout ailleurs le théâtre fut réfractaire. Et, à vrai dire, toutes ces tendances de l'esprit temps pour il fallait qu'elles fussent acceptées ; autrement piration des médiocres eût-elle été plus forte que s'il avait été avec d'accord d'œuvre, possibles sans que des théories, goût public le génie pu n'eût exigences qui eussent été toutes gratuites moins en attendant le triomphe. le génie, Les chefs- eussent parlé plus haut les unités, et le ? du la cons- Au plier se à des eût lutté il ; contraire il se au soumet. L'auteur de Cromivella imaginé (Préface de Cromwell) un Corneille gêné par les règles, jeté quité et les unités, et qui malgré lui autrement Sakspeare. Mais c'est là une illusion : il dans eût faut se l'anti- été un résigner LES SYSTÈMES 70 La mauvaise hu- à ce que Corneille ne soit que Corneille. meur du bonhomme Corneille viennent, quand sa pièce est un peu gauche s'est est évidente contre faite, et ceux qui que ce grand génie appliqué consciencieusement, lui faire des chicanes sur des vétilles. C'est alors qu'il subtilise les règles mais ; il ne songe jamais, quand à s'en affranchir. D'ailleurs les plus grandes rent après Cid le Cid, et le nous sera il facile système classique, avec sa force sur une pièce, fait il chicanes vin- de voir que dès le et ses défauts, existe déjà de toutes pièces. En quoi consiste le système classique dans le Cid ? Nous avons déjà vu le théâtre,, dans l'antiquité, dans l'Espagne moderne et en Angleterre, subordonner la peinture dramatique de la vie à la peinture des passions humai- nes théâtre classique va, non pas subordonner, mais le : réduire toute peinture de la vie à c'est le son temps, dans le fait Guilhem de Castro. subir à il ; spectacle de la vie le hommes Rodrigue religieux, Rodrigue armé la vie n'est n'y a plus le le voit, lui, la scène les qu'il est homme ; le dans une Rodrigue moyen âge, mais il le dans la père de son amante. ne tient pas à ce que tout cela existe légende la Il tantôt tantôt sur la place, ; espagnol, parce mais peu importe, de guerre et d'amour, voilà tout d'Espagne, puisque le Ro- personnage vive moralement. ville, de Le Ro- Rodrigue moitié condottiere, yeux. Rodrigue est un chevalier tel rois, chevalier, est supprimé. Il ne reste que au poète que dans un palais la vie étudié que qui ont des passions. drigue amantde Chimène, qui a tué Il suffit ; de ramené au spectacle de l'âme hu- drigue qui dort à côté du lépreux, pour Il passion l'esprit contre-coup produit sur l'âme. Ainsi, plus de chevaliers, mais des le la n'y a qu'une action psychologique. maine, tout ce qui nous frappe dans par peinture de Cid de spectacle extérieur, plus d'épisodes de chevaleresque Le la premier travail que Corneille, pénétré de ; c'est un le roi est le roi légende le dit ;mais ce ne sera, si vous — LE SYSTÈME CLASSIQUE. voulez, qu'?m roi. Un roi, ABSTRACTION 71 deux amants, leurs deux pères, voilà tout ce qu'il fout au poète. Le drame densé ? A allait-il gagner beaucoup à être coup sûr dans beaucoup. Il mais pour le le Cid, ainsi con- n'y perdait pas encore il y a bien la maladresse des vingt-quatre heures; lieu, nous avons encore une ville entière les ; héros n'ont guère de nationalité, mais ont des épées, on se bat en duel ; il ils vivent encore, fait ils nuit sur la scène, on y mnrche, on y court, on s'y rencontre par hasard, on s'y précipite les monologues, c'est-à-dire la convention, y ; sont encore courts, le récit y est animé, le dialogue y est encore mêlé de mouvement. Mais qu'on ne s'y trompe pas, il n'y a plus là rien de neille, fût-il désormais commun libre, avec Shakspeare, et Cor- ne deviendra pas un Shaks- peare. Déjà dans le non content de Cid, le théâtre classique, réduire le spectacle de la vie à celui du contre-coup de la vie sur l'âme humaine, commence à ne nous montrer ce contre-coup que par des conversations ; la vie réduite aux passions, les passions ne sont représentées que par la pein- ture qu'en font ceux qui en sont agités. ne fait déjà négligeable pour et y La passion pourtant pas seulement parler, elle fait agir. Mais l'action est Cinna, la le théâtre classique. Dans Horace formule est arrivée à toute sa rigueur, et elle produit toutes ses conséquences. Et d'abord le système de l'étude psychologique ayant amené le système d'exposition par conversations, celui-ci amène l'usage combiné et exclusif des monologues et des dialogues ; mais les dialogues entre les personnages princi- paux supposent encore des rencontres qui nécessiteraient une action trop mouvementée mêle peu aux événements, lui, il il le personnage tragique se faut que puisse peindre ses passions monologue étant d'un emploi tique ; même seul, aux spectateurs chez ; le restreint, l'emploi systéma- du confident permettra un dialogue peu animé, très LES SYSTÈMES 72 propre à l'exposition psychologique, à du révélation la moi tragique. Ainsi formule complète que la tournure d'esprit du la temps imposait aux romans comme aux drames Clèves) est celle-ci princesse de le : La (voir de spectacle vie la réduit à celui des passions, le spectacle des passions ramené à des dialogues, sorte de le et les souvent ramenés à une dialogues monologue ou d'exposition oratoire par facilitée personnage du confident. Un drame ainsi conçu s'adaptait facilement aux exigences des règles, nées d'abord des recherches oiseuses delà médio- maintenant admirablement propres à achever cette crité, et étrange et idéale condensation delà vie au théâtre. On conçoit en effet que intérêt, et (la diversité des lieux perd tout n'est nullement nécessaire à ces conversations poétiques, la seule chose que le théâtre classique imite la vie. Le temps n'est de pas plus nécessaire: vingt-quatre heures sont un ample délai ; car l'exposition des passions, réduite à des dialogues, s'est réduite par suite à une,crise il n'y avait en effet nul intérêt à ce que tragiques fussent espacées. remarquer la diversité pour ne nous Il était des temps faire assister qu'à tion, qui expose récit, qui en expose l'état ; conversations les impossible de nous faire comme celle des lieux un dialogue. La conversa- actuel de l'âme, peut donner lieu au l'état passé ; le dernier moment d'une passion donne facilement l'occasion d'en résumer les diverses phases ; et une suite de conversations qui, espacées, eussent été insipides, prenait la crise ramenait le un relief suffisant par la concentration mouvement et une certaine action à la ; place de l'action que le système avait écartée. Cette tragédie a déjà dans Horace des défauts qui doivent être attribués au génie prit oratoire même de Corneille. Ainsi du fondateur de beaucoup à changer une la tragédie le tour d'es- a contribué pour série de conversations qui pour- raient être plus animées en plaidoyers tout oratoires, en LE SYSTÈME CLASSIQUE. les règles. LA CRISE 73 en examens de conscience expositions sentencieuses, dans — faits Racine n'est pas aussi lourd là-dessus que Corneille. Mais Corneille a la gloire d'avoir trouvé la for- mule irréductible de tragédie, la crise morale, la lutte la intime de deux passions. Uniquement préoccupé du contre- coup des événements sur l'âme, il a vu qu'il n& suffisait pas de montrer des personnages, qui viendraient exprimer sur la scène des émotions dont resteraient dans la coulisse théâtre même, l'âme humaine devait être ; tout le théâtre; fallait qu'il il y eût plus entre des personnages, mais dans l'âme ainsi que de les luttes combats de l'âme ; ; c'est que se constituait un drame au stoïcisme empruntait qui non lutte même le deviennent pour Corneille les la vie c'est ainsi tout psychologique, tour à tour causes tangibles les et au christianisme une sorte de spiritualisme sublime, le corps n'étant plus compté. A cette beauté d'élévation devait s'en joindre pleur extraordinaire lieu, l'exactitude les : une d'am- circonstances de temps historique des caractères, du et de milieu du décor réduite au minimum, presque à rien, il fallait que le drame sondât la passion tout entièie. Il n'avait et plus à peindre rique animé même idéalement de passions il ; tel ou caractère histo- tel se trouvait en face de cha- -que passion placée dans les conditions les plus favorables à son développement complet. Il ture les traits les plus généraux personnage toutes résumait toute les faces l'histoire la il étudiait à propos d'un passion. Dans une : ; l'humanité peut à toutes naître dans ce miroir crise se ; la patrie, la colère, l'ambition, la piété filiale, la paternelle les tendresse époques se recon- qui ne reproduit d'elle que les traits immuables. Ce théâtre est une philosophie de les proverbes, les sentences, les le ; du cœur humain histoire accession y voit agir l'amour, l'amour ble à tous, claire pour tous de de assemblait pour cette pein- la passion ; règles qu'inspire au génie spectacle de la vie morale s'y trouvent réunis. Beauté de premier ordre, supérieure, inattaquable. LES SYSTÈMES 74 Mais un seul défaut remet à sa vraie place tion élevée de notre esprit rapports avec n'être pas le théâtre français ce ; un drame. Chaque ; cette concep- a trop peu de elle drame sublime a effort de le tort de philosophique l'esprit qui trouvait une à une ces conditions d'une oeuvre supérieure, supprimait sait une condition de du théâtre une fin, le décor tombé, l'intérêt théâtral, chas- classe de spectateurs ; bien qu'à la si costume enlevé, alors que le poète le philosophe commençait à nous initier au développement des passions, les derniers spectateurs restés, les philosophes, les amateurs de belle psychologie, pris de froid dans cette salle demandé l'adresse du libraire et sont rentrés chez eux pour mieux lire dans la solitude et le recueillement du foyer ces admirables études. Le grand défaut en effet du théâtre classique, c'est de vide, devant cette scène déserte, ont n'avoir besoin, pour produire son effet, d'aucune des conditions théâtrales. Quoiqu'il soit agréable d'entendre bien dire ces dialogues, ces il est encore plus sûr monologues éloquents de la passion, de laisser l'imagination seule du lec- teur se figurer ces personnages sublimes et à peine réels. Si à nul signe extérieur Horace, Camille, le ne reconnaît Rome, lui, ? Qui dit théâtre, dit représentation extérieure de la vie. Si de l'homme, de l'époque, vous ne voulez concrets bon assembler une foule devant un et complexes, à quoi rideau qui va se lever spectateur ne vivent pas devant s'ils me montrer que de la vie, des paroles et des senti- ments, je puis partout vous entendre, je vous entends mieux dans le cabinet. Ainsi le théâtre classique s'écartait, par mense, du juste milieu trouvé avant harmonieuse combinaison de réel lui, un de effort im- l'heureuse et et d'idéal, d'histoire et d'invention, de philosophie et de spectacle, de psychologie et de décor, œuvre différente entend avec les qui avait du fait le drame, c'est-à-dire une livre, c'est-à-dire oreilles, de la de la musique qu'on peinture qu'on voit avec les DÉFAUTS LE SYSTÈME CLASSIQUE. 75 yeux, quelque chose qui occupe pendant quelques heures l'homme tout entier, en le plaçant devant le spectacle une œuvre enfin qui par cela même satisfasse le vulgaire et l'élite, ceux qui peuvent comprendre le sublime, et ceux qui ont besoin, pour en être touchés, de le même de la vie, voir, de l'entendre. du théâtre et des systèmes vu pendant deux siècles, en France et à l'étranger, C'est pourquoi l'histoire n'être, qu'une incessante réaction contre lui-ci, gardant pour le théâtre classique les esprits élevés sa ce- : haute valeur phi- losophique et morale, se verra de plus en plus relégué loin de la scène et du théâtre, auquel par sa nature n'a point il droit. VI La grandeur temps singulière système le l'étranger. Mais et les la du théâtre classique imposa long- même personnages antiques, à réaction était inévitable. Cette réaction aida l'Allemagne à retrouver le drame. Shakspeare, comparé à Corneille, à Racine, à Voltaire, parut seul avoir véritable formule, et c'était raison ; car il connu la ne s'agissait pas pour l'Allemagne de trouver du sublime, mais de fonder un théâtre. L'imitation classique, de Shakspeare, l'abandon du théâtre choix de sujets nationaux ou tirés du moyen non que personnages antiques fussent incompatibles avec le drame âge les le et non de moderne, mais l'antiquité, tout cela alla de front les ; héros romains et grecs n'avaient eu tant de succès en France que pour une raison déjà indiquée plus reculés de nous, choisir permettait ils pouvaient rester plus vagues ques cédèrent le : les se contenter du minimum Ce minimum n'étant pas du au poète de d'histoire et de couleur locale. tout l'affaire des ; poètes allemands, les personnages anti- pas aux héros du moyen âge ou des temps LES SYSTÈMES 76 modernes. L'Allemagne put donc créer une forme drama- compromis entre tique qui ne fut qu'un sage Shakspearien et plus rapproché de l'esprit anglais que que que que Le çaises. difficile du nôtre, plus poéti- nôtre, ne devait pas se tromper aussi longtemps le Français sur les système le système classique. L'esprit allemand, le le vice rédhibitoire des tragédies fran- théâtre de Schiller est un juste milieu ; il serait de dire en quoi ce théâtre est inférieur au théâtre Si l'étude des passions y est moins condensée, personnages y sont plus vivants, et d'autres beautés viennent du spectacle plus élargi de la vie humaine. classique. les Ce juste milieu auquel la tragédie est arrivée fut l'œuvre du temps. On ne put profiter des conditions matérielles du genre que quand peu à peu l'imagination fut devenue plus exigeante. L'élément plus lyrique, qui mêle à l'étude des passions les impressions que font les grandes vicissitudes de la vie, était la amené dans drame parla marche normale de le pensée humaine, qui ressentait vie moderne, fertile si contre-coups de les troublée depuis le XViil siècle, si épique, la si en tragédies. D'ailleurs, pour imiter Shakspeare, avec son drame sans règles, planant sur le spectacle du monde d'un vol puissant, Goethe et Schiller n'en eurent pas moins pour modèles le théâtre classique avec ses études pro- fondes, sa concentration intense, Voltaire et son art cher- cheur, avide de quent, mouvement de neuf, déclamatoire et élo- et contrepoids nécessaire à cet art trop exclusivement psychologique. Quelle meilleure époque à sa poésie pour un grand poète qui veut cadre du théâtre le pour profiter des expériences porains un spectacle où cœur humain, poésie de la vie les ils ? Quelle meilleure occasion faites et trouveraient à la fois l'étude du coups de théâtre des héroïque ! au large, la événements et la Et je ne parle pas de cette petite cour de Weima»*, une cour de Louis la poésie est montrer aux contem- XIV en petit, mais où paix à côté du volcan de la Révo- — LE SYSTÈME ALLEMAND. Ton contemple de lution qui s'allume et que un beau et terrible spectacle qui encourage l'art, rend ses égaux, SHAKSPEARE COREIGÉ ; comme loin et puis la protection mais surtout est l'ami des 77 du prince artistes, les premiers ministres ou conseillers les fait ; nul sacrifice à faire à la foule, un public éclairé qui admire et se laisse conduire de sie fois génie souverain n'ayant nul besoin de plus se rencontre l'accord et de la grande poé- parlant une langue faite et des procédés du théâtre, d'où résulte le plus beau spectacle qui se puisse imaginer ainsi présentée, yeux, par la le prince ou sujets. flatter Une ; le la jeu des passions, par couleur de les musique des vers, par la mise en scène, par la car ; poésie dramatique émeut l'âme et plastique des atti- la tudes et du geste, en un mot, confond et résume autant qu'il est possible les jouissances variées diverses formes de que peuvent donner poésie, peinture, sculpture et l'art, les mu- sique. Il semble donc qu'avec Schiller surtout, et nous verrons jusqu'à quel point avec le drame ait théâtre romantique en France, le réuni pour la première fois toutes ses conditions d'existence et d'action complète. Le théâtre de Schiller, c'est le système de Shakspeare un peu corrigé par Corneille. Schiller mieux que Goethe distingua ce que devait être pour modèles, parmi dies, et non pièces les les pièces vraie tragédie la ; il du poète anglais, sut choisir tragé- les demi-comiques, demi-féeriques qui ont inspiré à Goethe la forme de son Faust. Comme il présente Shakspeare, Schiller peint le l'histoire, dans sonnages, tout en tité de destinée humaine ; tableau de la vie, sans tout ramener au contre- coup sur l'âme humaine dans la réalité, la ; comme légende, il Shakspeare, idéalise les laissant vivants. Il choisit il quelques per- conserve la quan- de détail typique, de couleur locale et de costume qui peut s'allier vivre sur la scène. Il va à son tableau idéal et qui du réel à l'art, au le fera lieu de partir> 78 LES SYSTÈMES comme les classiques, d'un art abstrait qui ne peint que les passions et ne se sert pour ainsi dire des personnages que par nécessité. Quant aux corrections Shakspeare, faites à elles consis- tent surtout à ne pas admettre le grotesque pour ainsi dire supplémentaire, concession du poète anglais au goût de son temps. Le drame de Schiller est aussi plus serré que celui de Shakspeare, n'admet que il personnages nécessaires, et les tout ce qu'ils disent est nécessaire au s'amuse souvent pour donner à nous ; ses personnages un oublier que nous fait La concentration de nages y ont drame la vie réelle, « nature », air plus il sommes dans un drame. Schiller est plus forte plus occupés l'air Shakspeare ; pour mieux nous placer dans : ; person- les c'est l'influence du théâtre français. Schiller fait aussi un emploi plus discret du temps ; il corrige parfois les libertés un peu exagérées de Shakspeare il va sans dire que nulle part il ; ne s'astreint par parti pris à l'unité de temps des classiques. Il profite, en la restrei- gnant un peu, de la liberté en cela un progrès à des lieux, laissant tiques français. Le dans un acte le à fait adapté ; lieu de la scène drame faire le ; comme ou à peu près ; décor d'un appartement pouvait servir d'un palais, chambres ou fois n'est pas encore sur ce point tout Schiller se passait de décors moins faire et les aux roman- change jusqu'à cinq pour indiquer un autre appartement. Ce qui sortir diversité la aux conditions matérielles du théâtre Shakspeare, tout au de Shakspeare sur salles la fait que, sans scène peut se trouver dans plusieurs Un de ce palais. romantiques le feront : progrès reste donc à rendre la scène fixe pen- dant un acte, ne point faire trop voyager le spectateur. Pour Schiller, il est bien évident entendue de Shakspeare la multiplicité que ce fut paradmiration mal qu'il des scènes et conserva ce détail matériel de méconnut le progrès réel con- tenu dans l'exagération classique, à savoir les cinq lieux, — LE SYSTÈME ALLEMAND. que un SCHILLER 79 théâtre classique avait eu tort ensuite de réduire à le seul. Voilà tout ce que le théâtre allemand a d'original, au Frulpointde vue qui nous occupe, des conditions du genre. Un grand pas avait été reconnu avait les fait dernier progrès s'était dans le fait on allemande la poésie laissait peu à désirer. Ce en Allemagne grâce au dévelop- pas été acceptés n'eussent : Shakspeare, à constituer un système de drame moderne qui pement de dramatique l'art excès du système classique, et on était sous l'invocation de arrivé, par si ; car les progrès du genre grande poésie, entrant la cadre du drame, n'avait eu la puissance de les im- poser. VII C'est ce qui nous expliquera pourquoi ce accepté en Allemagne, ne une admiration peu le fut éclairée même pas en France ; progrès, pourquoi pour nos classiques nous attachera pendant deux siècles à un système si défectueux, tant que la grande poésie ne sera point revenue au drame, même fût-ce De pour un temps et sans sique avait de grands défauts, et riger y bien réussir. plus, les Français sentirent bien que le système clas- mais ; ou plutôt ils se essayèrent de les cor- ils refusèrent à voir son défaut l'esprit français capital, ne pouvait avoir conscience de ce défaut capital, une manière trop philosophique de concevoir avec le le drame, "que quand temps et aussitôt après elle les il se serait révolutions de la pensée. Racine, pour La tragédie, sentit qu'elle avait à se modifier, et s'obstina à vivre, à se corriger lité, ses efforts lui-même transformé se rajeunir, : de là sa grande vita- ses transformations inté- ressantes mais incomplètes. Incomplètes, parce que l'amour- propre national empêcha longtemps d'avouer ce qu'elle LES SYSTÈMES 80 devait reprendre au drame dont longtemps Elle avait rieur la elle ; lui elle était sortie pour vivre de l'homme inté- pris l'étude eût dû lui reprendre, dans une certaine mesure, peinture de la vie extérieure. Nous l'avons avec Voltaire, avec vue, Lamotte, de Belloy, se débarrasser, quoiqu'à regret, des plus gênantes de ses entraves la ; on cherche à mouvement, la pompe du donner tantôt lui prose, tantôt la diversité et la spectacle au décor, on cherche peu à peu s'imagine enfin que moyen âge ou Eustache tragédie ait fait la A la veille de de liberté ; on donne quelque rôle du costume la vérité ; on le choix exclusif des personnages an- tiques est le défaut capital que la vérité des lieux, tantôt le la le ; on va donc chercher dans de Saint-Pierre, ou le Zaïre, sans moindre progrès. révolution romantique, on ne craint plus depuis longtemps d'emprunter des sujets à Shakspeare à Schiller, dût-on comme les sur la manies les accommoder à les Marie Stuart de Lebrun les plus ridicules ; la manière française mais on reste ferme sur du système vieilli, par exemple questions de versification, de périphrases, de style noble. Les concessions qu'a faites la tragédie ne lui ser- vent à rien, parce qu'elle ne redescend pas jusqu'à réelle pour s'en l'idéal. faire un point d'appui dans Aussi un des coups d'éclat qui débauche de réalisme : la la la vie recherche de tueront sera une V Henri 111 de Dumas. LIVRE III LE SYSTÈME ROMANTIQUE Les précurseurs et les combattants. — II. Victor Hugo. La pré- — Examen des divers points de réforme. — théorie romantique. — Le grotesque dans III» Le grotesque dans drames. — IV. Le drame théorie Cromwell. — V. Le sysface de Crorawell. la la les : tème corrigé par les œuvres. Les deux grandes différences entre 9 le drame classique et drame romantique, c'est le retour au caractéristique, un art de présenter des personnages plus concrets et vivants c'est aussi l'intention de mêler « le drame de la vie au drame de la conscience. » le c'est-à-dire à ; Toutes les autres réformes s'ensuivent caractéristiques appellent le Les personnages mélange dan3 une certaine et du décor; mesure du grotesque, l'intervention du costume le lieu, lui aussi, se caractérise, et les unités deviennent fa- cultatives. 11 ne faut donc compter parmi les précurseurs du roman- tisme que ceux à qui est apparue cette lacune essentielle de la tragédie : l'absence de caractères au sens étroit LE UkAME ROMANT. du mot, 6 et LE SYSTEME ROMANTIQUE. 82 cette autre lacune l'absence : du drame de opposé au la vie drame de la conscience. Quant à ceux qui ont critiqué la tragédie, combattu les unités, demandédu décor, cherché des sujets nationaux, etc., ils sont légion. On en trouvera Un classique ait existé. même avant que la tragédie livre entier pourrait se faire sur les prétendues origines du romantisme, alors que peut-être suffisait d'être ses d'avoir siaste dans la révolution romantique il comme Hugo, racines dans la nouvelle école, d'être enthou- moyen âge à l'antiquité, drame romantique, sans même avoir lu de Shakspeare etde préférer le pour trouver Madame le de Staël. En tous cas l'histoire des revendications de détail, qui se confond presque avec l'histoire de la tra- gédie au xviii siècle, porterait en elle une excellente leçon de l'esprit critique, qui voit l'inutilité les sans le génie qui saisit d'un coup d'œil : défauts de détail, le vice rédhibi— toire. Comme nous l'avons vu, presque tous rent romantiques ; les systèmes fu- théâtre classique seul omit le caracté- le ristique et le concret. Eschyle, Euripide, Lope de Vega, Guilhem de Castro, Shakspeare, Schiller furent des roman- tiques. Les Français ne s'en sont pas toujours douté,au pour les Grecs, que les moins pseudo-classiques prirent de bonne pour des classiques. Les premiers romantiques en France remontent foi Avant loin. Corneille, dès 1628, les théories romantiques étaient affirmées par François Ogier, dans sa préface écrite pour une tragédie de Jean de Schelandre. Il y soupçonnait que Grecs pouvaient bien avoir été des romantiques, l'affirmait Stendhal, quand après, le romanticisme. il définissait, juste « l'art de présenter deux les comme siècles aux peuples les oeuvres littéraires qui, dans l'état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner plaisir possible », et qu'il ajoutait furent : éminemment romantiques » Ogier . le plus de « Sophocle et Euripide répudiait les règles FRANÇOIS OGIER. et déclarait que l'art tragique devait admettre tique etle comique, en un mot le « Dire qu'il est malséant de pièce mêmesparsonnes les caractéris- en une faire paraître même incontinent après, de choses et, et comiques, hommes, de qui des la vie le grotesque des romantiques. traitant, tantôtd'affaires sérieuses, importantes et tragiques, communes, vaines 83 ignorer c'est les jours et la condition de heures sont bien les souvent entrecoupés de riset de larmes... »(1). On Ogier voit, le Cromwell ; il aussi audacieux est que l'auteur de ne met nul correctif à sa théorie, et n'indi- quant pas dans quelle proportion le comique doit être em- mélange exact des deux éléments ployé, semble approuver le que voulait l'Hugo de 1827. Un des premiers romantiques fut aussi quel Ogier tement mettre sa préface comique le comme fit et le Shakspeare, ; il manquait ; tragique ; il ce que tout poète pour le- mettait sur la scène, l'imagination peut y son gré. Malheureusement la transportait à le le Jean de Schelandre mêlait exac- il lui génie, en sorte que sa tentative rentre dans les innombrables tentatives inutiles. Avançons jusqu'à la fin du xviii 8 siècle. Nous trouverons dès lors deux sortes d'ancêtres du romantisme dramatique : ceux qui introduisirent, sans taire, les les comme Vol- défigurer poètes dramatiques de l'Allemagne ou de l'Italie ceux qui luttèrent par les théories. viennent de Mercier et de Madame Les uns ; et les autres de Staël, surtout de cette dernière. Mercier, en 1773, exposait déjà avec violence des idées alors singulières par la forme, très sensées condamnait absolument délie et les l'imitation antique, et premiers qui, copiant servilement faitregretter les (1) au fond, quand c( Mystères». Pour Mercier, Voir Petit de Julleville 1893, page 105. : Le il maudissait Joles Grecs, ont d'ailleurs, toute Théâtre en France, 3e Edition, LE SYSTÈME ROMANTIQUE. 84 la tragédie est du comique non avenue ; son idéal, c'est aussi du tragique qui et manque supérieur. Mercier voyait bien au fond que ce qui au théâtre tragique, c'est le caractéristique et le grotesque* tout cela d'instinct. Mais qu'eût-il produit avec Il voyait le mélange du comique qu'un côté de la question M me de Staël, de la Or, ce qui génie de cette il : ? Tout dépend delà eût fondus. les ne voyait Il comme ne s'occupait point, il grande poésie. valeur de fait la femme en nous révélant du tragique et proportion dans laquelle le fusion la du drame un spectacle ferait M rae de Staël, ce qui prouve étonnante, c'est qu'elle fut à la fois, l'Allemagne à sa un ancêtre du façon, lyrisme romantique et un ancêtre du drame romantique. M me En somme, Allemagne régner grande poésie dans l'ode la et qui excite l'émulation delà grande cette les au théâtre, partie notre la rêve- de la sensibilité de l'Allemagne et de l'Angleterre est entré dans nous et France en nous commentant Ce qui distingue en poésie. qui a vu en romantique, c'est que quelque chose de poésie rie et femme de Staël, c'est une le le tempérament de verrons, commotions développé aussi fait le il de les résultats et moi et la sensibilité comprendre à la France rêveuse et sentimentale du nord, par contre-coup à Comme la poésie française. faut en chercher certaines causes dans Révolution, qui ont la mais ; las et, M me de Staël a modèles de la poésie ce faisant, elle a excité ressemblance et à l'imitation. la En fai- sant remarquer que l'âme moderne ne ressemble pas à l'âme antique, que les modernes ont puisé dans tien l'habitude mêmes, que jets comme de se la poésie par les replier le repentir chré- continuellement sur eux- allemande est nationale par les suque la littérature romantique idées, est la seule qui soit susceptible encore d'être perfectionnée, parce qu'elle a ses racines dans notre pour le théâtre qui devait se nourrir de la sol, elle travaillait poésie romantique. Quant au théâtre allemand comparé au théâtre français, MADAME DE vu parfaitement elle avait d'abord que les donnée une abstraits 85 Elle comprenait fort bien clair. tragédies françaises sont trop abstraite, elle disait, ; STAËL. que bâties sur personnages y sont trop les reprenant un mot de Benjamin Cons- tant dans la préface de Walstein, que « les Allemands pei- gnent des caractères Français et les seulement des pas- sions ». C'était le caractéristique qu'elle réclamait ainsi. Elle comprendre aux Français regrettait aussi qu'on ne pût faire qu'une scène comique est destinée à faire ressortir une tuation tragique. Dans le même du procédé d'abstraction pos dans ordre d'idées, classique, elle à pro- disait que tragédie française a les situations ne sont pas pré- la sentées dans toute leur force » ; et elle ajoutait, fort bien que le théâtre ne doit pas oublier le du drame de vie à côté assez si- comment la la conscience : « On indiquant drame de la n'y voit pas créature semblable à nous se débat avec y succombe, en triomphe, s'abat et se relè e puissance du sort ». Elle remarquait aussi, dans les la souffrance, sous la drames grecs, hommes que la » ce Ce . toujours qu'elle le planant sur destin demande grande poésie reprenne la vie des aussi par ces paroles, c'est place au théâtre. Elle sa constatait qu'aucun de ces perfectionnements n'était possible avec les unités de lieu et de temps, et « sans l'exacte ob- des servation peindre )> ; factice: « ou qu'on elle On mœurs du temps du pays qu'on veut et reprochait à nos alexandrins leur pompe ne peut dire en vers alexandrins qu'on entre sort, qu'on dort ou qu'on veille». Elle préférait aussi les sujets nationaux, et pris dans le passé; enfin dans ce même chapitre sur l'art dramatique, où se trouve à peu près toute la Préface de Cromwell, elle attaquait l'imitation à outrance de nos chefs-d'œuvre, doutant que cette imitation en pût faire croître de nouveaux : « doit être stationnaire, et l'art est pétrifié Rien dans quand il la vie ne ne change plus ». Victor Hugo dans son autobiographie raconte que Talma LE SYSTÈME ROMANTIQUE. 86 las des tragédies réclamait avec plus de Mme de un réalité, un vrai rôle, autant de Staël fait l'éloge de Talma sant dans ses rôles, par son jeu, l'homme trouve entier, et le le ; elle le montre introdui- romantisme, c'est-à-dire Ducis déjà romantique. M me Schlegel avant quand il elle le Farhan dans Abufar, de Staël avait combattu gédie française, lui reprochant de négliger vie, grandeur Précisément curieux qu'un des rôles où plus admirable soit celui de cette tragédie de W. est il un homme. roi qui fût disait le drame de la Plusieurs tragédies françaises font « : la tra- naître aux spectateurs l'idée confuse que de grands événe- ments ont lieu peut-être ». Stendhal avait compris que le nal ; nous avons cisme. Il système il quelque part, mais témoins placés pour en être les cité plus voit avec raison à imiter pour le mal qu'ils sont théâtre devait être origi- haut sa théorie sur dans le romanti- Pinto de Lemercier un le mélange de comique et de tragique veut aussi qu'on exploite l'histoire nationale, et il ; n'est pas loin de prendre Joseph Chénier pour un grand tra- gique parce qu'il a choisi comme sujet la Saint-Barthé- lémy. Stendhal n'a pas d'ailleurs le mérite d'avoir vu d'avance ; un combattant, non un prophète. Parmi les livres qui aidèrent, en tant qu'événements, à c'est préparer ou établir le romantisme, il faut surtout citer la traduction de Schiller donnée par de Barante en 1821 même année paraissait le ; la Shakspeare de Letourneur revu par Guizot. Le jour où tous ces desiderata, où tous ces retours au système rationnel, réunis dans la Préface de Cromwell, for- cèrent l'attention du public et du théâtre, la lutte s'engagea. Non pas sur le terrain élevé. A peine si dans toute l'Eu- rope trois ou quatre esprits supérieurs auraient pu discuter entre eux la question de caractéristique tesque. et celle du gro- LES ENNEMIS. Elle se livra gneur sur questions secondaires, les madame, sur et les 87 sur les sei- les unités. Les ennemis furent nombreux. Il n'entre pas dans notre plan de faire de l'histoire anecdotique et de raconter ces ba- romantiques. Elles ne sont qu'un épisode comique tailles de l'histoire littéraire du xix e siècle. Il nous suffira de dis- tinguer les divers mobiles qui poussaient les combattants. D'abord tragédie était en possession du théâtre. la tradition, en 1828, avait deux siècles de durée. tragiques étaient donc parfaitement sincères comme Manzoni, spectateurs dont parle les La Les poètes ils ; étaient prévenus qui, en faveur des règles, ne pouvaient plus juger impartiale- ment. Quand on pensera qu'à ces raisons s'ajoutait la concurrence aux qu'allaient faire talents classiques les talents romantiques jeunes et en possession d'un système meilleur, et le dépit des vieux auteurs, rend ait été bruyant. De plus on comprendra que les le diffé- tragiques, devenus acadé- miciens, fournisseurs ordinaires du théâtre français, censeurs pensionnés par le roi, firent cause pouvoir qui se défendait contre Cromwell partistes les ; les commune les idées avec le Dès nouvelles. tendances romantiques étaient un peu bona- dans Hernani elles sont déjà révolutionnaires ; drames romantiques effrayaient donc autant par leurs audaces politiques que par leurs audaces acteurs même s'en mêlèrent. La littéraires. putation, leur fortune, leur talent à la tragédie compromis soudain était ; Les plupart devaient leur ré; tout cela de jeunes comédiens pouvaient plus facilement acquérir le genre de talent nécessaire au drame, où les autres se trouvaient dépaysés, avec leurs ha- bitudes prises. C'est ainsi que tout fut sujet à combats et à escarmou- ches ; pied à pied les classiques défendaient et les sujets antiques, et les personnages nobles, et la tirade pompeuse, et le vers sans enjambement, et phrase. la majestueuse péri- LE SYSTEME ROMANTIQUE. 88 D'ailleurs le drame romantique ne remporta pas ce qu'on En somme, le système passa, le théâtre appelle une victoire. se trouva émancipé, la tragédie morte, les règles étroites ruinées, mais les œuvres nouvelles restèrent discutées ; le drame romantique avait contre lui d'abord les défauts énormes du chef de la réforme, puis surtout sa portée po- mêmes destinées que litique et sociale. 11 eut les révolutionnaires avec lesquelles il les idées revendiquait une parenté étroite. II La chaleur de explique l'importance que prirent la lutte tout à coup des idées bien simples, déjà exprimées, mais émises de nouveau avec éclat dans la Préface de Cromwell. Il ne faut pas nous attendre critique écrites par un homme savant prétention de l'auteur, — éblouissantes, écrites par que l'histoire un poète dont de la pourtant le la polémique génie n'a d'égal Préface la poésie qui est lyrique, en les prétentieuse est celle qui consiste à époques trois l'époque temps modernes par le : drame, diviser l'époque primi- antique, qui l'époque moderne, qui est dramatique, mer c'est pages de plus risquée, la plus vague et la plus des théories de tive, mais des — jeunesse. la La trouver des pages de ici à est épique, pour arriver à résuet le drame par Sha- kspeare. L'époque Cet homme pastorale, primitive est caractérisée fort poétiquement. qui s'éveille, qui, laisse ;a divinité, est une Genèse est tout, heureux d'une pensée s'en aller jolie description les ; vie libre et en hymnes mais pour le vers la poète la Juifs seuls ont existé à l'époque pri- mitive. L'époque prétendue épique est caractérisée plus vague- PRÉFACE DE CROMWRLL. r,A ment encore « les migrations de peuples, les voyages, les ; chocs d'empires, moyen mine toute la guerre », se retrouvent aussi dans Homère, selon âge. 89 Hérodote l'antiquité. le théoricien romantique, do- le un Homère, est théâtre le antique est épique par ses sujets pris à l'épopée, par ses per- par ses ressorts qui sont des héros, gonnages oraoles, fatalités, par ses tableaux qui sont des ments, des funérailles, des combats, par le songes, : dénombre^ chœur qui est les propor- tions gigantesque de la scène et de l'hémicycle, le nombre la commentant son œuvre, par voix du poète des spectateurs. Il ya là une idée juste : c'est qu'il n'est genres littéraires de vraie barrière, que pas entre drame le n'est les que l'épopée et l'ode mêlées, c'est-à-dire la grande poésie au Mais tout ce que théâtre. tableaux, la le poète fatalité, les batailles, du théâtre an- dit s'appliquer à Shakspeare tique pourrait les ; les ressorts, les tout funérailles, Les cela est dans Shakspeare, dont le théâtre est épique. drames historiques, Richard III pée du moyen âge héroïque. % D'ailleurs les trois époques selon théoricien le germe l'épopée un : Henri, sont l'épo- les se pénètrent mutuellement Bible, c'est-à-dire l'ode, renferme en la drame l'épopée homérique contient un commencement de drame le drame et le reste d'ode et ; ; contient en développement l'ode et l'épopée, qui ne le con- tiennent qu'en germe. Mais l'auteur infirme que cette proposition la théorie des trois époques par phases de l'humanité (ode, les trois épopée, drame) 3e retrouvent tour à tour dans chaque Or térature. masse », ment, dès les littératures comme il les lors, cette ne peuvent être examine ; elles se lit- prises « en Com- sont succédé. succession des trois phases dans chaque retrouver dans Sans littérature peut-elle compter tour de passe -passe qui consiste à représenter les trois le phases de se la littérature française l'ensemble ? par Malherbe, Cha^ LE SYSTÈME ROMANTIQUE. 90 pelain, Corneille, qui sont à peu près contemporains ; Cha- de représenter l'épopée française au étonné pelain fort détriment de nos épiques du moyen âge. Mais le poète se gardait bien de jeter sur notre littérature un coup d'œil trop curieux. Les affirmations romantiques sur la divinité de la religion chrétienne, « complète parce qu'elle est vraie » sur les deux vies, la passagère et l'immortelle, ne sont pas de celles que nous ayons à discuter et corps, n'est pas un ici. la lutte entre les appétits que, comme le veut La le mais un ; poète, partie nature. Et les s'impose âme divine, soit devoir le , paru en cette dualité a toujours Le , la par notre instincts nobles acquis plus grands effets dramatiques. : soit immatérielle de notfe résume simplement l'éducation convention sociale, fait de l'animal et l'intelligence, être, elle représente la conscience de notre qu'elle humain, âme dualité de l'être article de foi effet la source des poète sera ainsi conduit à du grotesque, que nous examinerons. Notons pourtant sa théorie fort ingénieuse du christianisme source sa théorie de la mélancolie, sentiment nouveau, qui est « plus que gravité et moins que d'examen, qui, la tristesse » lui aussi, est et la source de l'esprit nouveau. La mélancolie serait venue de ce que l'Evangile a montré à l'homme l'âme à travers les sens, l'éternité derrière la vie ellfe ; augmentée de l'ébranlement, du bouleversement par la se serait social causé nouvelle religion, les nations avant été précipitées pêle-mêle les unes sur les autres ; le peuple, que les catas- trophes antiques, les chutes de rois, les chutes d'empire ne troublaient guère, est remué jusqu'aux entrailles. L'homme, lui-même, en présence de cette instabilité des choses, commence à prendre en pitié l'humanité, à méditer sur les amères dérisions de la vie. De ce sentiment pouvait se repliant sur naître dans l'antiquité nisme en a tiré la le désespoir d'un Caton ; le christia- mélancolie. Ces vues sont ingénieuses ; mais les erreurs sont capitales. LA PRÉFACE DR CROMWELL. La première qu'aient faite les poètes romantiques consiste à confondre avec avec une foi 91 le christianisme primitif celui du xix e siècle, vigoureuse et instinctive, la foi spiritualiste et philosophique, avec une religion grossie de dogmes, aussi et aussi grossière positive épurée par tout La foi paganisme, une religion le pensée humaine. la de 1830 est réellement meurt qui se que de le travail elle est ; le réaction la dernier éclat d'un feu contre le grand boule- versement de 89. Ceux qui étaient catholiques en 1820 ne l'étaient plus en 1830. Quant au christianisme primitif, il n'a pu engendrer mélancolie la primitive, robuste, toute avec la foi au contraire suscité une d'élan, et mépris de cette vie terrestre, chair, a l'humanité. Quel rapport entre cette seconde jeunesse de foi il ; la mélancolie? Le mépris du corps et de le invincible dans n'est pas la mélancolie, qui, elle, est faite, à l'insu ceux qu'elle prend, de doute et non de De plus, c'est dans le cœur du Hugo de 1827, s'éveille cette la une éternité heureuse, même de foi. peuple que, selon le Victor mélancolie nouvelle elle ; n'y avait aucune place du temps des catastrophes antiques. Mais est-ce peuple qui le ils lité ? Les poètes antiques n'ont- pas éprouvé la commotion des chutes de rois La ? fata- qui s'attache aux familles héroïques ne les a-t-elle pas frappes de mélancolie timent de foi drames, au temps d'Eschyle fait les comme au temps de Shakspeare ? La pitié pour l'humanité, robuste dans l'immortalité future traire : si vous songez à qu'elle produisit sur la les la foi ? âmes, à ce foi au droit la de là ; c'est s'é- divin, la foi à une providence sûre de ses desseins, firent, de sang se versa pour un résultat qui parut lendemain de la secousse moment unique où à cette heure terrible où tant de ruines se colie sen- Non, bien au con- Révolution française, à croula pour l'homme qui pense la aux dogmes, le vanité des choses est-il la conséquence d'une la où tant dérisoire au Terreur, nous comprenons alors la mélan- que date cette grande maladie dont l'huma- LE SYSTÈME ROMANTIQt'E. 92 du doute, nité pensante est désormais la proie, la mélancolie de perdue, la foi mélancolie de l'âme que nul rêve, nulle la espérance religieuse ne console plus de la justice la force, force L'auteur des armes, force de l'or ou force donc a même du résultat pour un pris où du nombre. sentiment chrétien le doute, et des commotions sociales, mais de ces commotious intimes qui, même vie terrestre la semble définitivement destinée à succomber sous est vrai, il secouent l'âme d'une nation, qui ébranlent un peuple enivré de progrès, de fraternité, instant de liberté, et un retombé bientôt à la tristesse de l'effort inutile ou mal récompensé. Sur d'examen l'esprit Cet esprit, dans sa ; les haute portée, mense cadavre le xvin poète le date la fait même. du dix-huitième nuées de rhéteurs, de grammairiens, de sophistes qui « viennent s'abattre e de curiosité dont d'une poésie nouvelle, l'erreur est l'autre base siècle et comme des moucherons sur Tim- du monde antique, î> siècle, et au plus depuis le c'est surtout depuis xvi° que nous les avons vus. Nous commençons à voir clair dans la théorie de la Préle poète romanface, et voici comment il faut la résumer réalisé dans drame très marqué du avoir un tique, qui croit sio-ne contemporain l'idéal du drame moderne, a éprouvé : le besoin de s'autoriser de Shakspeare sentera doac tout reproduira le drame moderne, monde moderne. le Il ; Shakspeare repré- et le drame moderne fallait donc attribuer au monde moderne les deux caractères principaux qui sont ceux du nouveau drame romantique, comme de toute la littérature men qu'il romantique, eût la mélancolie et l'esprit d'exa- pourtant avec plus de gloire revendiqués le romantisme lui-même. Quant à Shakspeare, le poète, content d'avoir personle drame nifié en lui le drame, l'abandonne prudemment de Shakspeare avait, en somme, peu de rapports avec le par ; drame dont la théorie vient ensuite. Mais il fallait un LA IMŒFACE DE CROMWELL. patron inattaquable, dans et, colossale théorie des trois du débutant, l'idée époques, 93 en Shakspeare, devait mettre hors de combat en cette troisième résumée la les dissidents les écrasant. C'est la partie faible, enfantine presque, de la Préface la généralisation bien d'un jeune homme : Ces pages sont est hardie et ignorante. y de vingt-cinq ans. Nous examinerons à part les théories que la critique la question du grotesque dans œuvres romantiques. Disons un mot de et les fait le poète du système classique, et de sa polémique au sujet des unités. La question des unités a fort vieilli. Nous avons essayé de montrer et leur inutilité et l'emploi judicieux qu'en ont étant donné fait les classiques, préface dirigées contre les système. Les pages de la le tragiques de l'empire qui traî- naient encore dans la Restauration, sont parfaites d'esprit, de verve et de raison extrême rigueur et . Les unités, en effet, prises dans leur imposées à perpétuité, étaient bien de- venues de ces « chicanes que la médiocrité, l'envie et la routine font au génie ». C'est aux conditions matérielles du genre qu'il faut demander une sentence définitive contrôles unités. Comme un spectacle qui dure deux ou trois heures doit contenir des repos, le spectacle se trouve coupé néces- sairement en actes Mais : trois ou cinq, la question est secondaire^ demander au spectateur qui s'est distrait un quart n'est plus nécessaire de il qui a vu le rideau se baisser, d'heure, de revenir à sa place pour retrouver l'action juste au même point, précédente. pour entendre Il est très écoulé quelque temps entre le lieu de l'illusion, la suite de la conversation admissible qu'il se soit, dans les deux actes ; il drame, que scène pendant l'entr'acte ait changé. Et même non seulement s'accommode d'un certain temps la écoulé dans l'entr'acte, mais exige presque cet dans le l'est aussi l'action. Et puis, après tout, quand même intervalle certaines LE SYSTEME ROMANTIQUE. 94 convenances matérielles n'exigeraient pas que coupé par quelques repos, fût que repos, parce même une la tion vivante de la serait pas nécessité de vie, même compensée par spectacle tenir une action, faire dans un seul lieu gênerait crise, le eût fallu inventer ces il idéale, et représenta- la que cette gêne ne plus grandes beautés d'abstrac- les tion et d'analyse. Les classiques, d'ailleurs, éludèrent fran- chement l'unité de lieu, et la médiocrité Ne pouvant ne s'en aperçut pas. dérouler toute une action dans un lieu unique, Et cette indécision fat le comble de la logique. « Où a-t-on vu vestibule ou péristyle de cette sorte ? » demande l'auteur de déroulèrent dans un lieu indéfini, indécis. ils la Cromivell. Nulle part assurément, et c'est poète classique. S'étant laissé une pouvait-il La mieux ce que veut le imposer fois la règle, faire ? préface attaque avec assez de raison les récits qui remplacent pour les spectateurs ce qui est « trop caractéris- pour se passer dans tique, trop intime, trop local, chambre ou carrefour, c'est-à-dire tout le Ces moyens avaient en effet plique pas qu'ils classique. Il fait n'aient été leur temps excellents l'anti- drame». le ; ce qui n'im- dans le théâtre avait d'ailleurs, et nous l'avons montré, y une grande exagération à dire que ces scènes «caractéristiques» sont tout le drame. Dans Corneille et Racine, la plupart pas du récit de des récits étaient nécessaires. Je ne parle Rodrigue dans tre les le Cid. Mettre sur la scène la bataille con- Maures, étrangère à sultat dans la pièce l'action, et n'ayant d'autre ré- que de grandir Rodrigue, classique Ce récit d'un exploit au drame que la scène Corneille, l'eût-ilpu, n'y eût pas songé. fait en présence du en question. Il conte Cinna ; ces importait roi est plus utile en est de la même subterfuge la conjuration que ra- ; tout au plus faire passer plus adroitement peu à une étude psychologique dira-t-on que Corneille eût le pour vue du combat des Horaces et des Curia- par lequel pu il fait croire d'abord au vieil LA PRÉFACE DE CTCOMWELL. Horace que son fils a fui. scène sur les murailles de Le drame moderne eût placé la Rome, et l'erreur que fait le vieil Horace eût paru naturelle; à la vue de son raille fils 95 le en quittant la mu-' vieillard n'en voulant pas fuite, voir davantage, prononçant son admirable imprécation, eût été peu à peu détrompé, à mesure qu'on eût vu, des remparts, Horace revenir sur ses pas et courir de victoire en vic- toire. semble que Il le brisement des idoles, dans Polyeucte, pou\ait s'accomplir devant le l'empoisonnement de Britannicus. Mais où toutes les occasions rieur au spectacle scène rendait en le personna- spectateur, et les ges présents exprimer alors leurs passions de ; même pour poètes fuyaient les spectacle réel risque d'être infé- vu par l'imagination, effet risible, un peu et l'étroitesse de la plus tard, le fantôme de Ninusdans Sémiramis. Et puis, rappelons-nous que Phèdre empoisonnée parut ridicule aux grands seigneurs non seulement elle devait boire le poison dans la coulisse, ; mais elle ne devait pas reparaître mourante. Et Phèdre, après avoir pris de la Vieût eu se confessant mourir sur Le poignard mort aux rats, le théâtre. seul était assez noble pour certains spec- tateurs. Il faut, ces réserves faites, reconnaître que la préface de Cromwell a pleinement raison de ne plus accepter pour l'art dramatique ces théorie, le poète restrictions donne gênantes. en Pourtant, trop de place au spectacle ; le non pas uniquement psychologique, mais or l'assassinat de Henri IV, avant tout psychologique celui du duc de Guise, l'exécution de Jeanne d'Arc, la drame doit être, ; décapitation de Charles I er et de Louis XVI, qu'il cite pour des spectacles nécessaires au drame, ne sont que des tableaux vivants déplacés dans tout système dramatique, LE SYSTÈME ROMANTIQUE. 96 bons pour mélodrame. Schiller a su à le mettre de pa- la fois épargner aux yeux des reilles scènes sur le théâtre et les spectateurs, par exemple dans l'exécution de Marie Stuart, qui est un modèle en ce genre. Le poète romantique Shakspearedans toutes n'a pas d'ailleurs prétendu imiter ses libertés aux Anglais, Hugo Espagnols et qu'il s'est amusé, dans son ; malgré lui, comparé aux est classique. Sans compter invraisemblable Cromwell, à observer rigoureusement l'unité des saura bientôt, dans il aux de traditions le vingt quatre heures, reste de son théâtre, rester fidèle l'esprit français, conditions scéniques où il se trouve L'argumentation contre l'imitation gros mots pour les pédants qui tenir et au XIX est e compte des siècle. dure jusqu'aux la conseillent. L'artiste, £Ûr de son originalité, distingue spirituellement deux sortes de modèles lesquels : ceux qui se font d'après on diocrité et ler fait les règles les règles et ceux d'après prend de haut avec n'y avait que des génies pas sur la médiocrité.» ; le avec le Il est dans : « L'art le vrai, et la mé- Nouveau du ne compte question était génie una pièce classique est une tragédie sans le génie, c'est quelque chose de vide et ; d'ennuyeux. Bellay, le héraut de la Renaissance romanti- que, sonne l'assaut de la citadelle pseudo-classique le la répond vertement à ceux qui l'accusent de par- comme s'il bien là ; il marteau dans les théories, les jetons bas ce vieux plâtrage : « Mettons poétiques et les systèmes qui masque la 1 façade de l'art! » La nature et la vérité, voilà les seules règles qu'il reconLe drame réfléchit la nature, mais comme un miroir de concentration. Ces métaphores sont commodes, elles sont naisse. élastiques. Ce que que le poète, en somme, les passions politiques ou avait devant les yeux, l'idéal littéraires, que les excès de son génie touffu l'ont empêché de réaliser nettement, c'est drame mitigé ; un mélange de Corneille et un de Shakspeare, LA PliKFACE DU CROMWELL. que Schiller, sauf sliakspearienne des lieux, la multiplicité avait déjà réalisé pour son pays. !>7 Ce drame, moins abstrait que le classique, « illumine à la fois l'intérieur et l'extérieur de l'homme croise « dans le » il ; môme La formule vie et celui delà conscience ». Le vulgaire la et le trivial môme tableau le drame de la est inattaquable. n'entrent dans le drame qu'à condition d'avoir un a accent». Nous examinerons la question du vers dans un chapitre spécial. Le poète s'arrête un moment sur la langue. Une école qui a longtemps duré prétendait alors que l'époque de perfection de la langue et de la littérature française est le XVII e siècle, ce qui est probablement vrai, en un sens en conclusion, qu'au xix e siècle tirait cette , et faut parler la il langue du xvn siècle, ce qui est exagéré. S'il est vrai qu'il y a pour les langues et les littératures une époque de perfection, comme il y a un âge mûr pour les sociétés s'il est e ; permis de déplorer dans notre temps la décadence d'écrire et de composer, œuvres littéraires, lité n'est le manque de de regretter les la mander aux sensibi- la ne faut pas non plus de- il écrivains contemporains d'écrire dans gue passée de mode. « Les langues ne critiques arriérés l'auteur de idiomes humains comme de tout en emporte quelque chose Fatal, en où époques langue n'a pas à se torturer pour exprimer mille nouveautés, et effet, et il affirmait : Cromwell ; chaque ; « il siècle qu'y faire? Cela avec une lan- se fixent pas », Il la répond en est des y apporte est fatal ». raison que les langues fixées sont des langues mortes, et que le français des ques de l'art pas encore maladive ou prétentieuse, où les effets simples ne sont pas usés, où aux de sincérité et de foi des tragi- Restauration était un français mort. n'a pas tout à fait aussi raison à propos du goût. Il est facile de rejeter bien loin, à cause de leur goût affaibli, certains écrivains de l'Empire et Restauration, et de proclamer que génie. Mais le du commencement de le goût est la raison génie n'a pas toujours la raison. LE DRAME R0MANT. la du Le goût 7 LE SYSTÈME ROMANTIQUE. 98 chez le poète romantique n'était pas sûr, il le fut de moins Le goût, raison du génie, est sentiment des excès qu'il faut éviter aucun en moins avec avant tout le temps. le ; de nos grands poètes n'a plus gâté son génie que celui-là. C'est une disposition que de se croire commune aux directement les poètes romantiques interprètes de la Divinité et d'en tirer une conclusion agréable pour leur vanité ou leur orgueil, à savoir que cet interprète inspiré ne peut se trom- nous ajoutons que per. Si l'esprit critique de ce siècle est porté à ne plus juger, à faire taire son goût pour être tout entier au plaisir de connaître, à considérer avec intérêt et pour eux-mêmes les accidents, le caractéristique, prendrons que l'auteur de content de repousser les la préface et les genres, et règles cepter que les principes immuables de critique de juger de leur organisation personnelle et », de « regarder vains. de n'ac- demande à l'art, la de se placer au point le sujet Admise, cette manière de voir mènerait au despotisme de non écrivains « d'après les lois spéciales les de vue de l'auteur, nous com- de Cromwell, avec ses yeux ». loin et substituerait l'omnipotence des écri- la critique étroite Or-4'écrivain écrit pour être lu et compris, de là pour ses œuvres une conditition d'existence. ble ; que les que d'ajouter Il est juste incontestablement le goût public, dont relèvent les écrivains, est un critérium fort varia- contemporains ont souvent de mauvaises habi- tudes, que la raison universelle est souvent en retard, que le temps seul efface le choquant des nouveautés et prépare une moyenne de goût plus favorable aux productions qui ont étonné tout d'abord. Il est donc» parfois fort dur pour les écrivains et qui œuvres de se soumettre à un goût public gâté, injuste, ne sera que dans un demi-siècle à qu'il juge ; la hauteur des de n'être appréciés que par quelques esprits élevés qui seuls fondent le goût sur généraux, échappant à l'influence de théorie de la préface ne s'arrête la les principes mode. Aussi la pas à moitié chemin, elle LA PRÉFACE DE CROMWELL. à l'usage des médiocres, l'apologie fait, somme génie, elle les nie, en patibles abrupte, la flamme qui ; du génie le ; génie est ne va pas sans fumée » « montagne la bouche en on prouvant que lui « s'effarouche » des hardiesses cet aigle, et, « s'abattre lui il : pure image « la médaille qui a son revers ». est il critique n'est pas satisfaite, comme du défauts chêne au tronc ridé, aux rameaux noueux le de versificateur, si la des défaut et génie sont incom- car ce que le vulgaire appelle défaut devient la ; condition sine qua non est la 99 Et ferme définitivement son infirmité » qui c'est « du génie, faute do pouvoir, sur les esprits avec une aussi vaste intelligence ». La vérité La mots. que est le poète trompe lecteur le sublimité continue est impossible avec des mais ; mor- les ceaux sublimes se détachent sur un fond, et pourquoi ce fond, qui peut au moins être neutre, serait-il mauvais, pour- quoi la Les trame serait-elle affligée de taches et de déchirures ? esprits élevés consentiront toujours à « quitter la critique des défauts pour beautés » ; la grande et féconde critique des mais à condition que prétention de lui faire prendre les les auteurs n'auront pas uns pour les autres. peut rejeter bien des défauts de Shakspeare sur ses contemporains, breux qu'il et ne de jeune qu'il a pour cette théorie donnera la facile vanité le poète romantique, d'avouer grossiers défauts de ses ouvrages les Et corrigera pas. homme ; posée. « l'artiste Il ce n'est point mûr est resté vaut mieux, dit-il, ; », ici fanfaronnade fidèle passer à cette loi le temps à les défauts ce sont les défauts de l'auteur qui ont pro- si duit les défauts du du nom- on ne corrige un ouvrage que dans un autre ouvrage. » Mais livre, il semble que corriger livre c'est corriger les défauts livre, les « pour déclarer dépouiller son esprit de ses défauts qu'à corriger de ses livres On goût de mais ces défauts existent. La conclusion de c'est qu'il se le la en améliorer la les défauts de l'auteur. Corriger un composition et l'expression, suppri- 100 mer LE SYSTÈME ROMANTIQUE. les fautes d'art en laissant subsister nesse, empêcbe-t-il d'ailleurs d'en les idées de la jeu- un nouveau faire ? Et puis l'ouvrage qui en corrige un autre, est lui-même corrigé par un autre, et la perfection étant Etrange livres tous imparfaits. nous a habitués, car la difficile une se trouvera avoir produit atteindre, l'auteur résultat auquel ce à de suite siècle théorie romantique est devenue celle de toute une génération. pour laquelle une chose Et quel respect de la postérité jugement des con- écrit, puisqu'il récuse le il temporains, quel respect de devant laquelle la postérité se présentera volontairement avec tous ses défauts, il et qui à ses éloges joindra l'éternelle restriction d'un blâme sévère. L'origine de cette erreur est dans la maladie romantique, que nous avons décrite siècle. l'élite Dans démocratie moderne, la des gens dégoût, mais la solide, et le le l'engouement d'un public n'étant plus foule des médiocres, l'ad- miration est devenue moins éclairée souvent acceptés en bloc; immense des L'orgueil ailleurs. poètes a été d'ailleurs encouragé par ; beautés et défauts sont poète, s'il n'a pas le goût prend pour des envieux malveillants ceux qui louent avec restriction. Le poète des Orientales en particulier a toujours affecté de ne plus tenir compte de ses œuvres publiées et de laisser à ses amis le soin de sa réputation. A la fin de sa vie, à propos d'une édition ne varietur fort pauvre en variantes, nous avons vu l'ouvrage, le poète déclarer qu'il ne s'occuperait pas de comme si les plus grands génies n'avaient pas tenu à faire eux-mêmes cette toilette in extremis de leur œuvre, à disposer eux-mêmes l'édition testamentaire, celle qui doit faire foi pour la postérité. Les auteurs du xvir5 il s'agissait siècle étaient plus de leurs défauts : ils les craignaient point de revoir et de corriger pas d'avoir écrit tel drame en quinze modestes quand reconnaissaient, ; ils jours, point à faire croire que des vers travaillés à ils ne ne se vantaient ils la ne tenaient lime fussent LA THEORIE DU GROTESQUE. au contraire 101 armés du cerveau de Jupiter poète. sortis tout Notre admiration pour le plus grand des poètes de ce temps ne doit pas nous empêcher de signaler cette vanité exubé- Combien rante. noble fierté la de Corneille est modeste auprès de l'orgueil emphatique et mystique de Lamartine et comme de Hugo, et auraient eu besoin de l'amitié d'un ils Boileau qui eût noté les vers durs, chevilles épiques, les strophes redondantes, les traits et les métaphores qui les sont sur la limite qui eût dit Hugo, Ce « : des défauts ! » du sublime livre n'ajoutera rien à Et puissante et condensée, fait et repris plus tard, des que votre gloire œuvre magnifique que quelle médiocres, des volumes qu'on au rebut du grotesque, d'un Boileau et celle débarrassée des d'un pièces de fragments mis d'abord ouvrages séniles éclos dans un cerveau usé par soixante ans de production incessante Mais à la postérité fera le triage, et c'est préparer à nos ! de la critique ce plaisir sans mélange. fils III La du grotesque théorie romantique est fondée sur amène à la vérité la poésie apparemment depuis l'origine sans christianisme. C'est lui qui « elle cherchait la trouver. Le christianisme, soit, a montré dans l'homme le » ; la la bête et l'ange, la chair et l'âme, la matière et l'esprit. Mais est-ce pour les glorifier ler l'une à l'autre, également? pour enseigner mépris de ce monde. Et veut que le drame Etrange raisonnement pas de le droit rectifier le ; pourquoi pour immo- c'est néant de glorifie le grotesque, bête, la chair, la matière à côté du bien, c'est Non le le la terre et le christianisme c'est-à-dire la ! ! Parce que Dieu a créé le mal difforme près du gracieux, l'homme n'a de procéder autrement dans ses Dieu. Le mal existait aux temps grecs créations, ; comment LK SYSTÈME ROMANTIQUE. 102 les dramaturges grecs n'ont-ils pas cherché à mêler, eux que artistes, et que C'est aussi, lu bête à l'esprit? l'art choisit Grecs étaient des les en vue de l'impression qu'il peut produire. Le christianisme Rien comédie. emporte avec comme Hercule lui, Pygmées cachés dans sa peau de lion », moins vrai qu'Aristophane cent comédies, que Aristophane ; qu'elle s'est Cratinus, près de écrit se borne pas au contraire développée a duré plus qu'elle Eupolis, comme eu plus de poètes que la longtemps. Hugo Ménandre Diphile, Philémon, remonte pas jusqu'à Epicharme je ne ; littéraire l'eût l'histoire ; ignore garanti contre ces théories démesurées qui sautent gement par-dessus des siècles les n'en est pas il a existe, qu'il qu'Homère emportait comédie grecque ne la qu'elle a peut-être tragédie, homériques, Eschyle, colosses ajouter agréablement Sophocle, Euripide, et à la avec assurance qu'Aristophane et Plaute beau nous dire la tragédie, l'art évidemment. L'auteur a faux ne sont rien auprès des « les amené dans aurait par suite de plus entiers. A Rome si non lar- plus, Plaute n'est pas seul. Le poète de vingt-cinq ans ignorait sans doute aussi le drame satirique où le grotesque se don- nait carrière à propos des personnages et des légendes de la trilogie, si bien qu'il semble que les Grecs, après avoir pleuré pendant trois tragédies sur leurs héros, aient éprouvé le besoin d'en rire avant d'aller souper. pas mêlé tragédie et drame satirique, Mais ils n'ont ils s'en seraient gardés. D'ailleurs l'auteur n'ignore pas tout sur ce sujet, d'ignorer ; il avoue partie de l'art est le grotesque, modernes, il « le le grotesque antique, mais, il feint dit-il, cette encore dans l'enfance, l'épopée étouffe se dissimule. Au contraire, dans les grotesque a un rôle immense Et d'abord dans horrible ou bouffon la religion, : traditions le temps ». grotesque est partout, populaires, êtres fantas- J.A THEORIE DU GROTESQUE. 103 gnomes et les lutins, le par l'imagination, les tiques créés diable et l'enfer, les tarasques et les gargouilles. encore on ne peut nier que l'antiquité Ici cela mais l'auteur ; Lerne dégage galamment se peuple l'hydre de Pourquoi? C'est une gargouille est « banale », dit-il. inventée par un eu tout ait ; un peu plus esthétique et plus éclairé. Les Cyclopes sont des géants ; les gnomes sont des nains l'auteur en conclut qu'ils sont supérieurs avaient des nains aussi, et le moyen âge ! Mais les ; Grecs ses géants. Tout ce grotesque est de tous les temps, de toutes les civilisations primitives. Négligeant ainsi nous montrer pour dans les l'antiquité, le poète a beau jeu grotesque régnant exclusivement le temps modernes. C'est surtout dans l'architecture gothique qu'il lui sup- pose un rôle exagéré sur les enfers, ; tympans, peints sur les général du grotesque ; est-ce pour Non, figurent sur les cathédrales? ment ; l'enfer est là les purgatoires, sculptés vitraux, ne sont pas en ce n'est pas l'enfer qui est grotesque, Et puis c'est le diable. les l'art que c'est les pour effrayer, non pour plaire. Les coutumes bizarres du moyen âge, que gue, n'ont pas plus de rapport avec l'art ; grotesques pour l'enseigne- le poète allè- prouvent elles la barbarie, tout simplement ;aux temps primitifs, la populace impose à ces la loi sions étranges où « cérémonies singulières, la religion les superstitions, le ces proces- marche accompagnée de toutes sublime environné de tous ques ». D'ailleurs, ajoute le poète, « le type les grotes- du beau re- prendra bientôt son rôle et son droit, qui n'est pas d'exclure l'autre principe, mais de prévaloir sur lui ». Cet accord harmonieux du grotesque Shakspeare qui va cela veuille dire le réaliser. tout et du beau, simplement : Shakspeare encore à ses belles conceptions une part de du moyen âge, et c'est pour c'est Nous avons bien peur que la mêle grossièreté satisfaire la foule qui est gros- LE SYSTÈME ROMANTIQUE. 104 Shakspeare avait eu un public plus élevé, sière. Si gardé de grotesque que pour la quantité nécessaire n'eût il le con- traste qui rend le tragique plus tragique. Toutes ces affir- mations de aucun; Préface sont gigantesques et sans fondement la telle celle-ci: drame du diose, le «L'ode vivrait-elle pas de l'idéal Et ? rapprocher davantage de de vit drame le résume contient, d'idéal et de grandiose ? et devient visionnaire ; les ouvrages modernes. est un lui faut se là nous admettons cette si suit, à savoir que donc théorie grossit de plus en plus poète verra Il il l'ode" et l'épopée? Il vit La le ne elle aussi, Certes ? que devient l'affirmation qui classification, le l'épopée du gran- mais pour s'élever de la réalité, au plus haut idéal possible. Et drame l'idéal, Pourquoi l'épopée, réel ». le prouvera que drame dans tous le Paradis perdu draine, parce que Milton a reconnu le sujet impropre au drame, que l'œuvre de Dante Dante est un drame parce que l'appelle Divine Comédie. Donc christianisme a créé le le drame parce que chris- le tianisme a montré à l'homme qu'il est à la fois périssable et immortel, tien Et ; et boue. Ainsi le drame devra même drame veut précisément supprimer que l'âme, pour détacher l'homme de la le si voir âme poète lui impose toujours la le aura pas le droit. Il mort ! et Allons dîner : Autre affirmation comme le dans l'art l'art. triomphe bouille ait ; le côté le visage : Tout ce qui de le de est l'art, dans car la vie qui consiste là à aucune impres- poète tient à ce qu'Eli- à ce que César sur son char de peur de verser d'encre man- juge dira non prouvée, énorme, ingénies... « ou morale. Mais sabeth jure et parle latin « le » persuadé qu'il ne tirera de sion esthétique : ne et terre ? Il n'en » C'est la négation néglige précisément aller dîner, ! et qui reste là minœ murorum la nature est boue la faudra donc montrer les héros geant et buvant, pour qu'ils soient complets A la être chré- leçon morale. ; à d'un ce que Cromwell bar- régicide « qui le lui LA THÉORIE DU GROTESQUE. en riant rendra Certes ». de procéder poète a raison de dire et le une des suprêmes beautés du drame que « c'est que manière cette pourra amener des beautés, 105 Mais ». dégage la faut-il toujours môme l'homme adopter cette formule d'où se philosophie, à savoir la diversité de l'homme et la dualité de sa imposer au : grotes- le nature? Non! mille drame âme, ni qu'il est bête et On non fois ne peut morale, ni celle de rappeler à nulle de celle lui montrer qu'il ne doit être qu'une âme. du grotesque, exagérée, incohéun drame monstrueux, Cromwell. est cette théorie Telle rente, aboutissant à La question se trouve fort embrouillée. En réalité, elle se subdivise en plusieurs questions. La première est celle-ci Y a-t-il un genre tragique ? Y aun genre comique ? Tous deux doivent-ils et peuvent-ils : t-il ne faire qu'un drame, où tous aspects de la vie sont les rendus? La Préface prononce là-dessus un oui catégorique. Il est vrai qu'elle est démentie par œuvres de les Nous avons déjà admis qu'on ne pouvait Shakspeare question est celle-ci : peut-elle admettre le caractéristique Une œuvre ? car l'auteur de Cromwell n'est souvent que Là-dessus, nous la fois Eschyle et Aristophane. et Molière, La seconde l'auteur. à être le tragique grotesque de du caractéristique. sommes tombé d'accord que le défaut du théâtre classique est de n'avoir pas admis assez de caractéristique. Le caractéristique est donc mis hors de cause. Reste tesque le grotesque le ; Et d'abord, mettons terrible il y a, drame doit-il admettre le gro- ? Ugolin, : en différent effet, les aussi hors de Sorcières un grotesque qui du tragique. Sous entendre tout détail de le la vie cause de Macbeth, nom le grotesque Don Juan , n'est pas a priori bien de grotesque basse, familière, propre à la comédie et non à la tragédie. il faut qui paraît LE SYSTEME ROMANTlQl'E, 106 Ce grotesque peut comme ; être. si merveilleux nous nécessaire, soit sont moins nécessaires que les traits vraisemblance et la vie Mais que jet effets. nierons absolument, le surtout pour les personnages entièrement la un délas- impression du drame convenu qu'elle le doit il est employé dans Alceste avant que Sha- l'a kspeare en vînt tirer de accessoire 1 et comme tragique, Euripide contrepoids, un repos sera il sement du tragique, pourvu que reste comme amené être caractéristique le comiques, qui comiques ajoutés pour un caractère tragique. Nul à doute qu'on ne puisse animer, passionner un tableau de vie tragique sans le secours du comique le caractéristique, c'est-à-dire Une suffit. tragédie vivante, le détail et la du grotesque à la façon de ; humain, familier, Shakspeare, sans grotesque toutefois, n'est point inconcevable. Concluons but de l'art, la plus pièce également tragique et comique parce qu'elle produirait une impression am- comique y affaiblirait le sublime. Le en effet, est, non la peinture exacte de la vie, parce que biguë, mais une : est impossible le grande impression sublime que possible, ou sible. le possible, le sublime aussi comique aussi comique que pos- Le poète pourra au tableau de la vie sublime mêler quelquesTr^îts_ole_Ji^yieIxeëITèTpuisque c'est par la repré- drame peut produire son effet, il devra donner l'impression du vraisemblable à côté de celle du sublime, pourvu que l'une ne nuise pas à sentation extérieure de la vie que Ces l'autre. traits le personnages vulgaires, de vie réelle, scènes comiques ou grotesques opposées aux scènes tratraits caractéristiques giques, soit vulgaires, soit grotes- ques, peuvent apporter la vraisemblance, étant donné que l'homme idéal est réel par quelque côté! ristique, ce quantité à rendre le la comique, pièce en très petite ou aux caractères, devra concourir à sublime plus frappant en semblable, dans Mais ce caracté- ce grotesque mêlé la limite où cela le rendant plus vrai- se peut faire sans que le LE GROTESQUE DANS HEftXANt. sublime s'abaisse, sans que la 10? force de l'impression tragique diminue, personnages, scènes, ou mots grotesques traits n'étant là que pour « lester » l'idéal. Comme nous nani; remarqué, entre ces théories et l'avons drames nul rapport ; poète revient à le la doctrine de la Préface ne convenait qu'à la les Her- raison avec Crom- well, où. la réaction contre la dignité classique dépassait le but ; elle n'est réellement l'expression théorique du point drame romantique. Une courte revue des scènes grotesques du drame nous montrera facilement que dose. Dans le grotesque est JJernani, la première giques de 1830 le utile, mais à petite scène fut pour les tra- suprême du grotesque nous trouvons ; aujourd'hui que don Carlos y est un peu cavalier, que duègne une duègne peut-être un peu trop vraie est la nous ; une complice bien peu honnête duègne trahit don ïfcuy, elle peut pensons que dona Sol a là mais, après tout, cette ; Ce personnage, qui ne reparaît plus, ne peut faire grande tache sur le drame. Quant au comique de la scène, c'est un comique pour ainsi dire tragique don Carlos y plaisante comme plaisante un grand seigneur avec un valet il n'y est point comique, à vrai dire. La scène des courtisans qui au II e acte accompagnent le roi et « protrahir dona Sol. ; ; fitent de ses distractions mais une satire sont un peu forcées, théâtrale ; les avec naturel, et s'ils ? invités tement par une de sa de Juliette, pas une scène comique, est vrai que les couleurs en en tenant compte de l'optique s'égayent dans un bal de noces, Non ; sont drame qui s'épanouit en sières il mêmes courtisans au bal du V e acte causent comme le ferait le chœur antique, des événe- peut-on y redire des ; même ments survenus, licieuses », n'est méprisante ces gaîtés plus bonheur pour catastrophe. nourrice les allusions dans utiles n'otent Si les rien à ou moins mace ve acte du clore subi- plaisanteries gros- la se pureté tragique un peu gaies de don Francisco ne LE SYSTÈME ROMANTIQUE. 108 diminueront pas dona Sol. Ces gens-là sont des comparses, destinés h. faire effet de vraisemblance et de contraste, à nous informer de ce que nous ignorons besoin de se guinder, office sans avoir En somme, classiques. de ce fameux grotesque de personnage comique ; confidents les poète n'a gaère mis dans Hernani le : font leur ils : comme aucun personnage n'y joue le rôle un ou deux traits épars, et c'est tout. Marion de Lorme est celui des de personnages et de traits on y sent mieux ; fut y a le plus composé avant voisinage de le il ce qui s'expliquo Lorme peut-être par ceci que Marion de Hernani drames où comiques, Cromwell et des théories du grotesque. Mais Saverny est un personnage comique sans être un personnage de comédie seigneur jeune repoussoir pour Didier, profond et au ; comme on gai, jovial, élégant, er 1 acte, la fait à... le il léger, héros sévère, fait la triste, en action Le e côté le ; c'est un taciturne cour à Marion de Lorme, Marion, tandis que le sombre Didier, comme on qui blesse en aimant, adore la courtisane une vierge ; merveilleux adore peut-on mieux montrer que par ce contraste changement qui comique du rôle de s'est fait en Marion de Lorme? Saverny s'accuse davantage au Pour échapper à la mort, il a fait le mort, et dès lors il joue un rôle burlesque, mais ce n'est qu'épisodiquement du moment où Didier, poursuivi comme duelliste, est poursuivi aussi comme homme du peuple assassin d'un marle burlesque officier du quis, Saverny reprend son vrai rôle régiment d'Anjou redevient le gai, mais élégant, généreux ar acte. Ainsi, un et héroïque marquis qu'il se montre au personnage tragique a pris, pour une raison tragique, un III acte. : ; i masque grotesque sa : admirez comment propre théorie, tellement d'ailleurs que la crainte d'être infamante, n'est peut-être le poète ruse avec On peut dire condamné, même à une mort il s'en défie. pas suffisante que Saverny consente, malgré les pour expliquer prières de ses amis, à *- LE GROTESQUE DANS MARION DK LORME. gratuitement son oncle dont affliger désespoir qui Dans le ce Saverny vivant, plaignant son pauvre oncle ; pleure mort, c'est du le endurer lui faut il 109 môme ce drame de qualité inférieure. drame, quelques épisodes comiques ont marche de trop de longueur et alourdissent la l'action : ce sont l'arrivée des comédiens et leur comparution devant Laffemas ces traits comiques ont ; plupart pour but de la ridiculiser par ricochet l'odieux lieutenant criminel, et sont ainsi justifiés ; mais poète s'y arrête trop. le Enfin nous trouvons encore dans Marion de Lorme un personnage de bouffon. Si sa justification, quand le le grotesque porte en lui-même que alors, le roi, que le se le rire de cour, grotesque corrige sophie supérieure de l'art, le tragique ; montre avec raison à côté des larmes, qu'on peut invoquer pour les ces fous poète n'en abuse pas. Alors, oui, l'on peut dire que bouffon corrige c'est le évidemment dans c'est les rappeler rapprocher une philo- le difforme sculpté sur cathédrales gothiques, se réclamer du peintre qui mêle aux pompes royales, au triomphe de la beauté une hideuse figure de nain, du christianisme qui mêle sans cesse à l'idée de la grandeur de l'homme, l'idée de sa misère, du paganisme qui fait injurier le triomphateur par ses soldats, du moyen âge qui fait bafouer les grands et le roi lui-même par un bouffon. Dans Marion de Lorme, Hugo a fait avec l'Angely une scène parfaite (iv 8), où il éclaire à l'aide du , bouffon si les profondeurs mélancoliques de ce caractère royal complexe. Mais ce personnage du bouffon de cour, et le grandir et démesurément pour en faire il va le reprendre, un héros étrange gigantesque de tragédie. Nous n'avons pas ici à faire l'analyse du caractère de Triboulet, mais à distinguer seu- lement le rôle du grotesque dans quantité de grotesque ne le y a t-il le caractère. Or quelle dans Triboulet? Moins qu'on penserait à première vue, moins peut-être que ne pensait le le poète. Triboulet n'a de grotesque que l'apparence LE SYSTEME ROMANTIQUE. 110 physique et la situation sociale qu'elle aux situations comiques où comiques c'est qu'il il lui a faite. peut avoir, tout cela est son rôle de fou, un masque sur vrai le Triboulet ; en réalité, c'est un grotesque peu comique qu'un personnage forcé grotesque provoquant au la pitié. cette sur l'effet ; que poète a pu avoir tort d'accoupler le apparence physique et cette situation sociale une passion tragique. Toute fallait-il le les question est là. avec Mais ne face d'un roi, montrer le roi petit corrompu? et Il morale qui prétend nous montrer dans aussi la thèse parias et les la un bouffon en pas placer bouffon grave et terrible, y a d'être spectateur est une réflexion triste le du personnage un sentiment tragique, profit reste Il Quant aux mots peut se trouver, monde de ce grotesques des amours et des douleurs dignes de la tragédie. Mais là encore le gro- tesque ne dépasse-t-il pas l'homme du peuple du et roi aurait séduit la fille et le roi, but? Pourquoi l'antithèse de un homme du peuple dont à la passion révolutionnaire, et pourquoi, ici cherchant des douleurs dignes de la tragédie, le pas aux humbles, aux aux opprimés, au méprisés, d'aller jusqu'aux bossus et poète ne s'arrête-t-il lieu aux nains? L'exagération est sensible. Les cas d'exception, voilà défaut fréquent dans combien le le ception, et il faiblesses de l'art ; et ce le qui montre que ce génie a dans un cas d'ex- mettra une quantité inattendue de vérité générale humaine. Triboulet s'est théâtre d'Hugo, génie en lui était grand, c'est beaucoup suppléé aux le qui se vengerait, ne suffit-elle pas trompé en le est peut-être invraisemblable concevant ; le génie l'a ; néanmoins l'art fait vivant, quoique d'une vie étrange. Ajoutons que dans l'exécution du s'étale parfois inutilement. Ainsi détail, le grotesque quand, pour accentuer la leçon morale, l'auteur nous montre Triboulet aidant lui- même à enlever sa deau sur les yeux. fille, sans voir qu'on lui a mis un ban- LE GROTESQUE DANS RUY BLAS. 111 les drames d'Hugo qui s'approchent le du mélodrame sont ceux qui contiennent le moins de grotesque. Il n'y en a point ou presque point dans Angelo, Chose bizarre, plus Marie Tudor. Dans Ruy Blas, don Guritan, personnage grotesque, tout son rôle est froid. est peu nécessaire au drame ; Si don César qu'il est, et se contentait que d'être poète eût le fait personnage comique le de un usage tragique, lui on pourrait admettre dans une tragédie ce type fort curieux du bandit grand seigneur de Malheureusement il joue dans complication étrange la pièce un rôle bizarre, d'une remplit il ; Hernani burlesque. race, cet le acte qui est dans sa IV première partie une farce truculente, et dans imbroglio italien, comique dans dramatique, proquos. si aux l'on pense On peut accepter le trueuse de don Salluste utile à la machination mons- cour un parent disparu depuis longtemps, que nous n'avons pas à apprécier mélodrame), il ; ici ressuscite à la et, (voir dans un but du chapitre le du vrai parent qui ne veut point donne les noms et titres à un va- se débarrasse servir son plan, et dont let seconde un résultats terribles de ces qui- un grand seigneur ; la apparents, mélo- personnage au début du drame, comme on peut l'accepter ses effets il tout cela est compatible avec une tragédie, mais les choses vont s'embrouiller singulièrement. Remarquons que le vrai don César est vengeance de Salluste prouver à désormais un personnage inutile à la pour ; le drame peut finir sans lui, et Ruy que la reine luste ne se sert pas en ce don César qui revient quer la reine qu'elle ne doit pas par cela seul que ? ; : Ruy précaution que sont pris dans les Blas est son valet, don Saldu vrai César à quoi bon alors il fait manà bien peu de chose effet filets Blas avait prise d'écrire à venir. Mais Ruy Blas et la la reine de Salluste, et n'en sortiront pas, est le valet de Salluste, et que Ruy Blas Salluste peut le dire. Si le poète veut sauver la reine, ilfaut faire tuer Salluste par Ruy Blas, qui se tuera ensuite ; s'il LE SYSTÈME ROMANTIQUE. 112 veut sauver avant deux amants, Ruy Blas tuera don Sallnste les la situation : il régler ce compte avec sa quitte à qu'il n'ait parlé, conscience ensuite. Au commencement du est clair que Ruy Blas don V e acte n'aura pas changé, comme on drame le iv 9 et, un acte est tiroir subsiste tel qu'il était. Salluste. ; sauver la n'a qu'à reine en se sacrifiant, en tuant marquer, e IV acte, telle est La l'a situation au déjà fait re- on peut l'enlever, Or un le acte tout entier en hors-d'œuvre, c'est trop. Encore pourrait-on faire grâce burlesque du rôle de César qui est de pur orne- à la partie ment, en faveur du comique qui s'y montre ; mais dès que César devient un ressort mélodramatique, dès qu'il sert à le factice saute aux yeux et le percondamné non comme grotesque, mais comme ressort de mélodrame indigne de la tragédie sérieuse. Par ce court examen on a vu que l'auteur de la Préface deCromwell a singulièrement restreint le rôle du grotesque qui « se contente d'un coin du tableau ». En général, le grotesque épargne les personnages principaux. Ni Her- embrouiller l'intrigue, sonnage ; est nani, ni Carlos, ni dona Sol, dier, ni ni Marion Delorme, ne sont grotesques même par le plus petit côté que n'atteint que des personnages peu près, L'emploi comme dans qu'il secondaires ni "Di- Ruy Angelo, ni Tisbe, ni Lucrèce Borgia, ni ; le il ; Blas, grotessert à Shakspeare, de contraste ou de repos. du grotesque a fait défauts réels du drame romantique ; n'est point un des Terreur de Le Roi muse, nous l'avons vu, est plus imputable à la s'a- passion ré- du grotesque. Nous avons précisément fait cette constatation afin de ramener les théories à leur juste valeur, ainsi que le drame de volutionnaire qu'à la théorie Cromwell ; il suffit de les plus brillante que juste. analyser comme une variation, 113 IV Quoiqu'il s'en défende, Hugo a fait dans Cromwell « de poésie d'après une poétique », la comme ceux des ouvrages dans leur système » artificielle » qui « n'existe il ; pas pour c< qui font a composé « l'œuvre l'art », c< une théorie et non une poésie. » La du première conception sujet, c'étaient La défectueuse. est les révolutions, les rois poésie descendus de leur piédestal, dépouillés de leur caractère sacré, traînés à l'échafaud, et en face d'eux le politique profond et impi- toyable, l'hypocrite raffiné de Bossuet faire un Cromwell en vie à côté de ce drame, quel qu'il ; le c'est : une erreur de prenant à une autre époque de sa soit, se dressera toujours l'image grandiose du drame qu'il fallait faire. Cromwell Cromwell rêvant le trône est renversant las rois est grand ; vulgaire le l'auteur ; vulgaire âme, il le fait l'étude non l'étude et titesse. ; met grand à l'arrière-plan et prend d'une petitesse dans une grande d'une grande Dès lors quelque génie manqué. âme qu'il déploie, qui a une pe- son drame sera froid et Cela donné, préoccupation qui la de faire un portrait qu'un drame est de il ; le domine mêler au tragique beaucoup de comédie ; de mêler à la psychologie beaucoup d'histoire et d'érudition. ment ne pas faire est tenu, comme sion (!) il ; une œuvre confuse tout ce qui est art, ne peut, pas plus que mille faces d'un être d'un côté et que humain le reste soit Ce qui manque à Cromwell, (1) Ce sont les propres LE DBAMK ROMANT. ; il dans c'est L'art ? à Com- dramatique l'unité la peinture, doit plus est en a une autre qui d'impres- montrer les éclairer son portrait la demi-teinte et l'ombre. c< l'unité d'impression ». termes de la Préface. 8 LE SYSTÈME ROMANTIQUE. 114 L'auteur perdu dans cette complication de s'est embrouille veut peindre, à plaisir. Il hétérogène, multiple, composî de tous Dandin traits dit-il, « l'être qu'il complexe, les contraires », un Cromwell tyran de l'Europe, Cromwell jouet de sa famille, Cromwell régicide, CromCromwell austère et well père d'une jeune fille royaliste Cromwell entretenant quatre sombre dans ses mœurs un « Tibère » et « », ; ; Cromwell mauvais poète. Il ne sera pas conne nous montre encore un Cromwell sobre et frugal, fous de cour tent s'il ; même temps en qu'un Cromwell guindé sur l'étiquette, un Cromwell grossier soldat et politique orateur lourd, diffus, obscur, Cromwell un était et les proscrivant défiant à l'excès, ; Il nous apprendra visionnaire « dominé par aux astrologues toujours menaçant, rare- croyant de son enfance, fantômes un Cromwell et un de tous ceux qu'il — donc excellent orateur. Cromwell encore que des parler le langage habile à voulait séduire, délié, — donc mauvais orateur, ment sanguinaire rigide observateur des prescriptions puritaines, perdant gravement plusieurs heures par jour à des ; bouffonneries... trompant ses remords avec des subtilités, rusant avec conscience sa pièges, en ressources intelligence Il y ; en adresse, intarissable ; en maîtrisant son imagination par son ; grotesque et sublime. » a la tant de traits qu'il n'y a plus de figure. Même chacun de ces nous montre le traits est soldat bourru, est trop hypocrite trop raisonneur. trop accusé. fécond, l'orateur est trop ; On ne peut pousser à défauts ou toutes les qualités à l'extrême balance cela. Pour une bougie qu'il souffle, le voilà poète le casuiste la fois tous les il ; aucun équilibre dans Or, Si le bourru, l'hypocrite est trop il faut que ceci ce Cromwell. grotesquement sen- tencieux. Par la de prétention faire l'étude époque, l'auteur se condamnait, une un mauvais drame ; « fois historique d'une de plus, à faire fureter les chroniques, fouiller au — CROMWELL. 115 e hasard ne LA MATIÈRE DU DRAME. mémoires anglais du XVII siècle»... Corneille ni ne furète. Le drame ne dure que vingt-quatre les fouille heures ; Hugo s'en vante dans Or, dans ces préface. sa vingt-quatre heures, voyez ce qu'il veut faire tenir a « Il : cédé au désir de peindre tous ces fanatismes, toutes ces superstitions, maladies des religions à certaines époques hommes, comme l'envie de jouer de tous ces dit à ; Hamlet ; d'étàger au-dessous et autour de Cromwell, centre et pivot de cette cour, de ce peuple, de ce monde, double et cette conspiration, tramée par deux factions qui s'abhorrent, se l'homme qui liguent pour jeter bas sans se mêler ; les gêne, mais s'unissent sombre, et ce parti puritain, fanatique, divers, peu désintéressé... et ce parti des cavaliers, étourdi, joyeux, scrupuleux, insouciant, humbles devant soldat de fortune dédaigneux oubli de que le et cette famille dont Cromwell rabbin et le dévoué... et ces et ; juif, astrologue, sième ; l'histoire permettait chaque membre vil de deux côtés, naïf, de gagner pourvu la partie, ; de et ce usurier espion, sublime par vage Carr, dont jouant sa tête troi- le l'histoire tout ordre et de tout genre ne dessine qu'un : assassin Ludlow ; Syndercomb, tueur larmoyant et dévot; qui alla plus tard laisser sa épitaphe à Lausanne ; enfin qui avaient de l'esprit », mais trait, et les fanatiques de un peu déclamateur colonel Overton, lettré ce sau- Harisson, fanatique pillard Barberone, marchand fanatique Garland, ; peu et se souciant qu'elle l'amuse... et bien caractéristique et bien fécond Et plaie élégant et crapuleux, mauvais poète et bon gen- tilhomme, vicieux et rigide une et ce Rochester, ce bizarre Rochester, ridicule et spirituel, gustin est d'imaginer du Protecteur, Ben-Manassé, Israël si et les quatre bouffons ; ce Thurloë, l'Achates cet ambassadeurs, « comme ; le ; ; Au- brave l'austère et cendre et son Milton et quelques autres dit un pamphlet de 1675. » tous ces personnages, en effet, chacun avec son caractère propre ; sont dans le drame, sans compter les autres LE SYSTEME ROMANTIQUE. llfi personnages accessoires : un panorama historique ayant un nom, leurs suites, teurs, crieurs, les gentilshommes, ou- valets de ville, seigneurs et vriers et soldats, le Parlement, etc.. L'auteur a pris que du spectacle où ils le : 61 ac- ; pages, huissiers, toute l'Angleterre. vaste pour le grand. Souvent il n'y a tous les ministres figurent dans une scène ne prononcent pas un mot. Quatre fous apparaissent de temps en temps et chaque fois chantent chacun deux chansons où d'oeuvre le moyen âge Odes recueil des peu l'effet par leurs y a des châte- il des sylphes et des gnomes, laines et des abbesses, hors- qui seraient bien mieux placés dans Ces fous produisent et Ballades. fort qu'en attendait l'auteur, celui de faire contraste folies avec sublime tragique. le Les personnages tiennent à chaque instant un langage biblique incompréhensible ; si quelques énigmes de ce genre étaient indispensables pour la couleur locale, suffisait, deux au plus. De même La scène des ambassa- qui reviennent à chaque entrevue. deurs est trop longue ment Comwell ; traitait d'une seule réception celleries de l'Europe, ; l'histoire qu'il mais nous voyons faire défiler les chan- nous assistons à un chapitre d'histoire : Des rapports de Cromwell avec L'auteur se croit met dans discours qu'il ne pour nous montrer com- envoyés des nations étrangères, les mis en action, et intitulé les puissances. suffisait il un exemple de dogmes les discussions la bien obligé si bouche de à suivre ses personnages des comprend pas lui-même et ; pour nous toucher du doigt ce Cromwell « orateur, lourd, diffus, obscur », il lui fait en effet tenir une harangue lourde, diffuse et obscure, laquelle, par surcroît d'exactitude, dure non point, à la vérité, trois heures, comme chronique trop exigeante, mais pour le le demandait la moins une bonne heure. A l'imitation faire entrer de Shakspeare, dans son drame le poète français a voulu la foule, avec ses mille voix. CROMWELL. — LES RÔL' L'essai tenté est malheureux. DE FEMME. S Peu importent, non pas seu- lement à des spectateurs, mais à des lecteurs, du peuple qui attend causeries il ; l'a les cris et les n'est pas nécessaire nous sachions que tel ckoyen étouffe, que avec son voisin qui 117 que autre se tel bat poussé, que nous connaissions l'effet produit sur la populace par les colonels qui passent au femme du Protecteur que tel juge épaisse, bonne femme nous dirons à l'auteur, qui nous galop, ou par la tel autre ; cache trop longtemps le vrai drame, ce que bourgeois au soldat qui contient dit un bon des spectateurs la haie : Laissez- moi voir un peu, seigneur pertuisanier. Tout il les cela, n'est pas jours de grande fête, se trouve dans la rue ; besoin de dépenser tant de talent à nous Notez que « ces voix de la foule » ont toute dire en vers. le une scène, plus de quatre pages. Il n'y a pas de femmes dans ce drame, ou celles qui passent devant nos yeux ne laissent point de trace dans notre esprit. La femme du Protecteur est qui ne peut se faire aux grandeurs assez comique, ni assez tragique non un ; une bonne bourgeoise : c'est caractère terne, portrait. Prusias, dans Corneille, est vulgaire, ce qui est encore une physionomie, à tout prendre Bourcier est insignifiante dans Il existe peut-être, Cromwell ; vaut point la la fille de la sottise, ne peine d'être reproduit. Elle ignore que son la dramatique qui était Une Rochester, aussi, arrive Elisabeth vie réelle, des jeunes filles que lady Francis, mais ce caractère, qui confine à père est un régicide détrompée. ; et nulle. aussi candides et aussi naïves et ni une photographie, ; mais nous n'avons point là en germe : la situation lady Francis n'est point scène, assez amusante d'ailleurs, entre elle fait ressortir une niaiserie virginale, qui, elle au grotesque. Presque tous les autres personnages sont tragiques et LE SYSTÈME ROMANTIQUE. 118 même grotesques par doses égales, de qu'en général une scène comique alterne avec une scène tragique. Beaucoup sont plutôt grotesques. Rochester est trop burlesque, la fureur de Carr est trop burlesque des caricatures. semble que Il ainsi : poète se soit une scène où Cromwell, pensif guant, exprime ses remords, un devoir et monolo- manque absolument son effet Cromwell pour un parce que Rocbester est là qui, prenant ro)^aliste^ interprète grotesquement toutes le toujours ; fait exclusivement tragique, préoccupation de ne jamais être exagérée le ses paroles. Là, grotesque, non content de prendre une place, ne laisse plus même au lui, le suit Cromwell est aussi tragique son domaine propre partout pour croit son fils s'attache à il ; La neutraliser. le scène où parricide, puis reconnaît son erreur, rendue grotesque par Ro- bouffonneries de les chester. Le drame s'interrompt à chaque à une étude de mœurs place ». Dans une foule de la même ; de l'anecdote pure. de Milton se vantant de ses vers latins sur est de Parlement le ; pein- la en 11 Cromwell des textes de comme pour montrer, toujours sanction puérilement choisis, d'une manière anecdotique, Tout a piétine il ne servent ni à l'action, ni à c'est vient proposer à la lois ; instant pour faire place n'avance pas, scène où Cromwell ouvre son courrier, détails ture de Cromwell il les se passe sur le théâtre de mœurs du temps. ; l'auteur donnera ainsi des proportions énormes au moindre incident par la pompe théâ- trale déployée. Pour nous montrer ces discussions bibliques qu'aimaient Anglais du temps, il tions, les et cela plusieurs fois. ractère de Cromwell, de tous En les il introduit des députa- Pour indiquer un montre par le trait menu une du ca- réception ambassadeurs. dehors des imperfections qui tiennent à une mise en œuvre désordonnée des théories de normesqui tiennent aux défauts du la préface, il y en a d'é- poète. Ainsi son intrigue — CHOMWELL. LINTRIGl'K. 119 du pur mélodrame et contient de quoi défrayer plusieurs drames du boulevard. L'amour du grotesque le pousse à est utiliser toutes les ficelles du drame, de comédie pêle- la mêle, substitutions, erreurs, quiproquos, narcotiques. Il donner une idée de cette intrigue ourdie faut pourtant pour un drame sérieux. Des conspirateurs royalistes ont juré de s'emparer de le tuer. L'ordre du roi, porté par l'un Cromwell sans dans son chapeau, est que Rochester s'introduise d'eux chez au Cromwell, l'endorme, roi. un Voilà cliester so roi le présenter à Cromwell fait prendre et l'amène fasse en humeur de mélodrame. Ro- comme un nouveau chapelain. Or, ce Rochester est un fou qui s'amuse à cour- voyez le rôle tragique le le : Comwell de tiser la fille grotesque de pieds de sa et fait mille excentricités ; vous du grotesque balançant exactement le rôle du conjuré chargé de l'exécution du complot est la fille, Cromwell aux pièce. Il est surpris par et s'en tire en épousant une vieille duè- gne. Cependant une lettre avertit Cromwell d'un complot tramé, avec quelques détails, mais insuffisants mais non instruit. il ; est Remarquez que nous sommes prévenu, au mi- ici du deuxième acte, les deux premiers actes comptant 160 pages, quatre fois autant que deux actes ordinaires. Mais lieu nous avons déjà fait connaissance avec toute l'Angleterre, toutes ses sectes religieuses, tous ses partis politiques, ses corp3 constitués, et nous savons exactement les relations politiques de l'Angleterre avec toute l'Europe. Donc au moment où Cromwell est averti de la conjura- on doit proposer au Parlement un décret qui rétablit la royauté en sa faveur. Cromwell est bientôt plus instruit un tion, ; sectaire qui le nonce les conjurés, sauf ceux de sa secte, et prend que son il hait, mais veut sauver l'Angleterre, fils conspire n'a en réalité rien fait ; ce fils n'est lui un Juif lui ap- qu'un débauché, que boire joyeusement avec conjurés, ses amis de débauche. dé- et les Cromwell délibère en son 120 LE SYSTÈME ROMANTIQUE. conseil privé prendra s'il la couronne, et ne résout rien. Cependant ce fou deRochester, qui a trouvé moven d'obtenir une entrevue avec Francis, la fille de Cromwell, lui donne, au d'un quatrain, lieu pour endormi. Ressort dramatique entré en possession de conjuration quand ; le cette lettre, tient les le examinera, car qu'il préoccupations à lui qui reçoit les la fois. le le il se de roi déguise en soldat conjurés et les laisse passer se réveille Parlement en titre ; portant Rochester endormi, et cro}'ant tenir Rochester la apporte ; il ne veut pas avoir trop de il Puis de fils lui force à boire lui-même, Cromwell offrir à Cromwell Cromwell, faux chapelain Rochester Rochester qui s'endort. Cependant grande pompe vient répond livrera il douteux. assez un breuvage préparé, Cromwell et c'est aux conjurés la lettre qu'il écrivait convoquer au rendez-vous où les ils le c'est ; reviennent Protecteur. avec mille bouffonneries, Cromwell se démasque et les fait arrêter. Cependant la grande salle de Westminster se prépare pour le sacre. Cromwell a accepté la couronne, et moment où les la il républicains s'apprêtent aie poignarder au prendra gnant pour son mémoire le ; mais le tapissier Barebone, crai- et ne voulant pas voir tacher de sang velours du trône, louépar lui pour la cérémonie, les dénonce. Le peuple est hostile à l'usurpation de tecteur entre au et, on ; harangue le moment de prendre la ; il met couronne, seulement l'hérédité du Protectorat complot et le déjoue ainsi. Cromwell. Le Pro- la robe, ceint Il ; il la refuse, a été prévenu du Le peuple enthousiaste applaudit. Et Cromwell murmure Quand donc serai-je roi ? dé- : En somme, à part les épisodes plus ou moins burlesques, l'intrigue se réduit à ceci, ter, epée, arrête les conjurés, leur fait grâce. solé 1 acceptant Cromwell déjoue well est empêché de républicaine. Voilà la que par l'étourderie de Roches- conjuration royaliste ; mais Crom- une autre conjuration mince dessin de la pièce le reste du se faire roi par le canevas est rempli par des tableaux de mœurs. ; — CROMWELL. LA CRISE. drame Sil'intrigue est mince, peut-être le est-il riche en en psychologie? Pas davantage. L'auteur en con- situations, cevant une crise appelle classique, et sur ce point spectacle, de décor, de la 121 comparaison avec la tragédie a tout le désavantage. Trop de la il mouvement, d'accessoires multiples ; trop grande foule des comparses nuit au drame psycho- logique. La crise classique était duraient deux heures ; renfermée en cinq actes renfermée en cinq actes, dont jour vingt-quatre heures ; deux représentation dure un la morales étaient condensées en réelles par le théâtre classique dureni au moins douze heures chez en sorte que le le temps réel doit réel et le Cromivell temps mis à ; est nuisible à il temps idéal de chose la produire et de l'effet confondent la refuser même, ; il à cause le la du réduit à peu se fait et n'ose l'accepter d'abord, puis parce qu'il soulèverait théâtral un temps des hors-d'œu- elle se roi, ; idéal. Ainsi la multiplicité Croimvell voudrait être : couronne, tout se bien plus lâche, paraît vre qui la coupent. Cette crise la poète romantique le condenser beaucoup plus de temps dans crise vingt-quatre heures ; spectateur ne peut croire que l'action qu'il a vue n'a duré qu'un jour que qui de l'auteur romantique est la crise est peuple contre proposer forcé de lui. Voilà en réalité, nul combat intérieur, à part quelques ; vagues remords d'avoir poussé à veut régner, c'est la mort du une ambition vulgaire, moment roi. il Cromvvell paraît un sur lui-même il lui échappe s'en rendre compte un mot de pitié, mais il n'en continue pas moins à vouloir être roi. Ce n'est pas là un caractère digne de la tragédie il est trop vulgaire, en somme. S'il y a à peine crise morale, il n'y a point non plus ; ; concentration suffisante, la préface. tout un dans le Dans la malgré formule excellente de la crise morale, caractère, toute une vie. les classiques Néron résument tout entier est personnage de Racine, toute sa vie dans les vingt- LE SYSTÈME R0JÎANTÎ<3ÛÊ\ 122 quatre heures où nous même pour Oromwell, moment de celui, quoi fruit agir. la qu'en dise l'auteur, où il de son régicide, mais celui où et arrive au pouvoir. n'en est pas de choisi Oromwell de vie Il moment cause du à dans crise voyons le le ; point n'est cherche à recueillir il commet le le régicide y a pourtant dans Cromwell une un joli tableau Il excellente étude des contradictions humaines, de la vie politique, des tracas, des hypocrisies, du jeu double, même un des mille habiletés d'un démagogue, mais pas démagogue caractère de ; autant de petitesses que juste de grandeurs ne forment pas un caractère tragique. Cromwell d'après Si nous jugeons critérium du juste le milieu que nous avons trouvé plus haut en définissant ainsi le drame tragique idéal — des passions : avant personnages qui auront un caractère poétique tiques qui les donnera quelques on quels cependant planches les ; juste des aux- traits rendent vraisemblables et extérieurement sur tout, et idéal, caractéris- les fassent vivre ce qu'il faut de mœurs, de personnages épisodiques et de décor, etc., pour que le drame paraisse vraisemblablement se passer dans un milieu réel si donc vie réelle, de d'histoire, ; — nous examinons Cromivell à ce point de vue, nous rons un drame où le personnages épisodiques, un caractère, le défini- milieu, les détails caractéristiques, les la peinture des mœurs, et dans les traits réels, le côté anecdotique, ont tout envahi, un drame, en un mot, où l'accessoire a remplacé le principal, où a tué l'action. pour devait voir, mœurs anglaises, mais la a chassé le réel Dans un drame la le où l'épisode poétique, sur Cromwell, certes, seulement ce qu'il en faut pour vraisemblance, pour qu'il ne fût pas dit que est peint çais. comme Mieux Cromwell où Londres Paris et que ces Anglais sont des Fran- vaudrait, les on vraisemblance, l'Angleterre et les à défaut de juste milieu, héros fussent des Français du xix° un siècle, mais avec une forte étude des passions, avec un beau ca- — CROMWELL. ractère de ivell démagogue, de profond arrêtant l'essor empêchant la du Plus tard, son génie formé, qu'un Crom- mœurs réellement poète, concentration de 123 politique, avec des personnages et des toriques, et RKSUMÉ\ his- rabaissant au réel, le la vie morale. poète sera moins intempé- le rant. Il saura peindre l'époque dansses traits caractéristiques sans compiler chroniques et mémoires. dans Hernani, scèneoù Cromwell maître de les conjurés, celle où il les Hugo mettra un Delorme, Nous retrouverons réduite à des proportions raisonnables, la — Corneille jugé par la conspiration se fait énumérer punit ; écho de dans seigneurs à les le cadre de Marion la vie littéraire tion de ce qu'il avait fait pour Milton la ; mode, du temps, — à l'imita- les ouvriers qui tra- vaillent au trône de Cromwell reparaîtront dans Marion Delorme travaillant à l'échafaud de Didier, et au lieu d'une scène minutieuse et invraisemblable, nous aurons une opposition tragique. amusant Rochester s'incarnera dans Saverny, aussi et distingué cette fois qu'il était dans Cromwell insupportable. Les fous de Cromwell céderont insipide, la place au fou l'Angely et à Triboulet. Cromivell résume exagérée toute la théorie romantique. Des drames sont venus ensuite qui n'ont rien ajouté à cette théorie, mais qui installèrent le romantisme à la scène.» Le More de duction et Christine, des ouvrages originaux Dumas Vigny, Venise, d'Alfred de Henri III ; n'était point ; n'est d'Alexandre qu'une tra- Dumas sont mais leur rôle a été fort restreint du tout un novateur, il ; n'inventait rien son le reste, il le prenait aux autres un Didier plus sauvage. Quant au système employé, Christine est une imitation de Cromivell que des intrigues Antony même ; ; est ; l'auteur y inséra bles d'Hernani. même plus tard des imitations trop visi- Henri III était une imitation des scènes LE SYSTÈME ROMANTIQUE. 124 de historiques nalité de ces physique où se montre par Mérimée Vitet et de deux drames, (1) ; la seule origi- c'était la peinture de parti pris le 1 moyens violents et un peu en dehors de Henri III ne souleva point de bataille, la des D'ailleurs, l'on voit par réussit, et pour cela admis mais Henri III était ; à'Hernani que la bataille blic n'avait pas torique agonie d'exciter l'émotion on n'avait nulle objection à le le pu- tragédie romantique la une pièce en prose, temps que Pinto avait donné l'art. pièce et ; une pièce his- faire. Il y avait long- modèle de ce genre de La difficulté ne drame prétendit se substitragédie en adoptant les vers, le jour où le sys- pièce, sans aucune rébellion commença que tuer à la le jour où tème de Cromwell du parterre. le qui arriva se présenta sur la scène, ce avec Hernani. V Ni la Préface ni Cromwell ne donnent système romantique théories et ; si l'idée exacte nous passons par-dessus que nous examinions le la lutte du des système dans Hernani ou Marion Deiorme, nous verrons que toute cette bataille était pour faire adopter aux Français le système de Shakspeare et de Schiller. Otez en effet dans tique l'antithèse d'Hugo, il classique, et tout ce restera le qui vient le drame roman- du génie particulier drame allemand mitigé par des passions, des le drame caractères vivants, concrets, Ces scènes historiques de Vitet, ces comédies de Mérimée, qui nouvelles dialoguées, n'ont pas un grand rapport avec la tragédie romantique, même le Théâtre de Clara Gazul, qui précéda Cromwell. Il n'y a là de nouveau que l'emploi de l'histoire et de la couleur locale. Une traduction de Schiller fournissait plus à Hugo. Depuis longtemps, le Pinto de I.emercier était connu. Mérimée ne fait guère que le mal imiter. (1) sont des LE SYSTÈME CORRIGE. le souci du détail 125 d'une certaine caractéristique, cou- leur historique, d'une certaine quantité de décor et d'acces- Hugo soires. n'a point profité drame a cinq le modéré et Schiller changements fréquents de des même dans : il son lieu, change pas dans un actes, le lieu ne Ainsi se montre, tique, Shakspeare assagi a acte. excès du drame roman- les caractère français, modéré avant tout, amoureux de clarté et d'unité. Le drame romantique a réglé l'emploi du grotesque, l'emploi de Hugo n'a plus l'histoire, Shakspeare avait donné en Espagne. Si vous le car depuis Cromwell ces drames-chroniques essayé de modèle faites et dont qu'on trouve aussi abstraction des passions du temps, du tempérament propre au chef des romantiques, de son amour pour le mélodrame, en somme, Hugo, une façon de Shakspeare retouché par Corneille. Si œuvres sont singulières, ce n'est point le système qui c'est les a égaré l'auteur et c'est l'a conduit à la son impuissance dramatique temps ni : chute des Burgraves il ; ne saura pas long- imaginer une crise et étudier consciencieusement des caractères, ni combiner une intrigue poétique, fût-ce une brillante ballade à délecter l'imagination tuera vite à l'étude morale, drame, le l'ode, et la prédication. ; tableau vivant, il le substi- mélo- LIVRE QUATRIEME L'ÉPOQUE L'influence du temps : au théâtre. la politique comment — La JI. passion romantique, sujets, intrigues, personnages. III. La maladie romantique maladie religieuse, maladie politique, maladie de l'amour, mala- révolutionnaire ; elle fait dévier la tragédie — : — die de l'ambition. IV. Les héros de la tragédie atteints de la maladie romantique V. La Hernani, Didier, Ruy Blas. maladie romantique et le drame bourgeois Antony. VI. La maladie romantique dans Chatterton. — : — : Il de la semble d'abord que xix e le Révolution, puisse donner des poésie ; mais au contraire, Restauration. La au plus haut point en serait-il la loisirs et les troubles du calme à la moins san- et plus décisive à la fois dès au théâtre que pour y portent ainsi dramatiques œuvres poésie livrer des batailles, et les après la lutte politique, glante, devient plus ardente la siècle, n'alla marque des luttes politiques. autrement, quand déjà Comment les plus belles inspira- tions de la poésie lyrique sont les mélancolies, les tristesses ou les exaltations gieuse. causées par la Révolution politique et reli- l'époque. 128 De là, sans aucun doute, pour la poésie dramatique de graves défauts, compensés imparfaitement par l'intérêt qui des luttes sociales. Il est juste aussi s'attache à ce reflet d'ajouter que les romantiques gâtèrent tout par des défauts personnels, par une trop grande hâte de produire et de lutter ; leurs compositions sont incomplètement mûries ; la matière poétique tirée des événements contemporains n'est pas suffisamment digérée dans l'œuvre dramatique, en sorte que non seulement mais poèmes lyriques, ce qui les est naturel, drames réfléchissent jusqu'aux changements pas- les sagers de l'opinion. En 1827, quand- Cromwell fut composé, mençait à s'éprendre de l'opinion en France, la France com- la légende Napoléonienne toujours dominée ; d'ailleurs en réalité par la grandeur des souvenirs Napoléoniens, n'accepte que mo- mentanément les Bourbons. Bonapartisme ne faisaient qu'un alors ; de ne pas contrarier ces sympathies pour l'empire ; fidèle le libéralisme souvenirs de les gouvernement termina l'Arc de Triomphe le rapporta de Sainte-Hélène sionnait et Louis-Philippe aura soin après 1830 les cendres du héros La pensée de Victor Hugo pays. de l'opinion. Royaliste à 16 ans, à 21, en 1823 ; il écrit l'ode à l'Arc de d'une politique éclectique, de le fut poète ne et qui pas- un écho l'est plus Triomphe, expression la politique d'un poète, qui tient à tous les partis par leur côté esthétique ou humanitaire. En il Il 1827, il écrit l'ode à la Colonne de la place Vendôme, où. admire trop l'empire pour être encore royaliste au fond. devient libéral. Mais le poète était obsédé par le grand fantôme impérial jusqu'au jour où cette obsession céda place à une autre, de Napoléon quand le fantôme prit à ses yeux la la forme le Petit. Cette obsession se retrouve dans son théâtre. Le choix du sujet de Cromwell est caractéristique de l'époque. L'espèce d'usurpation de Cromwell ressemblait, surtout pour des royalistes, au rôle que joua Bonaparte vis-à-vis des Con- 129 LA POLITIQUE AU THEATRE. seils que l'homme ; le comme dans un moule, la XVI, la Révolution, voilà ce poète versât dans ce drame, poésie contemporaine. Louis dans Charles 1 n'osa pas traiter le qu'il devait voir reusement il dramatique sur tous, et et crise il er et l'avouait pas glants, car il ; ; il imagina ce bizarre moment de n'était plus royaliste il pas Il n'osait au fond, mais ne voulait pas réveiller eût fallu prendre les royalistes et Malheu- Cromwell. vrai sujet, le sujet épique dont l'intérêt est vraiment trop mince. prononcer se parfaitement choisis pour et l'époque étaient ne se il souvenirs san- les parti. Il raillera donc à Cromwell en répandant sur eux la fois grotesque le à pleines mains. Qui sait quelle part n'a pas eue dans sa théorie du grotesque camps et le désir de mettre de voir tous le régicide, le les deux ? Cromwell sera donc non mais l'usurpateur. Pris par ce côté, penseur, Cromwell est le a il comme Milton est le grand grand homme d'action qui triom- certes les sympathies de l'auteur phe facilement de les hommes, de quelque parti qu'ils fussent, à la fois grands et petits plus grotesque dans ses faibles ; ennemis. Royalistes et révo- y a là comme Cromwell est parfois burlesque, mais la force d'un homme impose, en dehors de toute moralité. C'est la faiblesse de ce drame lutionnaires lui sont également un scepticisme à qui non éclectique ; la passion lui la sacrifiés. Il grandeur, car manque ; impartiale de deux fanatismes opposés la piété trop la peinture c'est ; royaliste qui animait les odes, lui il ou faudrait ou le souffle révo- lutionnaire qui galvanisera les drames suivants. A part ce défaut capital et qui même reléguerait Cromwell, réduit pour la scène, au rang des ouvrages de second ordre, toutes les passions de l'époque se reflètent dans le drame. L'opinion du poète sur Napoléon passe dans tout le rôle de Cromwell, opinion mixte, encore indécise, faite des jugements que portaient alors sur l'homme les royalistes, les révolutionnaires, les admirateurs. Voici l'opinion mixte LE DRAME ROMANT. 9 : l'époque 130 Ce grand Cromwell que rien au monde n'égala, Ce fameux général, ce profond politique A qui l'Europe chante un éternel cantique, Ce maître, ce héros pour qui le monde croit Le sceptre trop léger, le trône trop étroit, Se laisse prendre enfin... Voici l'opinion royaliste : Cromwell, un vagabond, à peine gentilhomme, Là, régner sur des rois comme un césar de Borne Voilà quinze ans qu'on donne à cela du génie Concevez-vous, mon cher? Parce qu'il a gagné Je ne sais quels combats... Un mince aventurier, t ! (Cromioell, IV, 4.) de voir Il est facile ici où raille les royalistes. Ailleurs, est la sympathie du poète Cromwell humiliant ment c'est le despotisme de Bonaparte domptant conventionnels le les : il Parle- anciens : Charle, ô roi martyr, comme Olivier te venge Quel fouet honteux succède à ton sceptre éclatant 1 Une ! autre tirade est réellement l'apothéose de Napoléon, est l'oint du peuple Révolution ; et l'oint c'est le discours mauvais discours, très de Dieu, le modérateur de de l'orateur du Parlement, beau morceau lyrique : On voit peu de mortels, maîtres des factions, Qui sachent gouverner le pas des nations. Il roule lourdement, le grand char où nous sommes, Que les événements traînent tout chargé d'hommes, Et pour le bien guider dans les câpres chemins, Il faut un ferme bras et de puissantes mains. Souvent, marchant la nuit sous un ciel peu propice, En évitant l'ornière on tombe au précipice, Car ce char, dont la terre entend l'essieu crier, Ne se dételle pas et ne peut s'enrayer Il faut qu'il marche, il faut qu'il roule, il faut qu'il aille Il faut qu'on voie, ardents comme au jour de bataille, Ruer malgré le fouet, courir malgré le frein, Les coursiers que Dieu lie à son timon d'airain, ! ! ' LA POLITIQUE AU THEATRE. 131 Et qu'enfin, écrasant rois, peuples, capitales, Sa roue aveugle passe en ses routes fatales ! Quand on laisse au hasard courir ce char pesant, Dans sa profonde ornière il coule tant de sang Que les chiens, s'ils ont soif, sur sa trace l'étanchent Le monde alors chancelle et les royaumes penchent. Aussi quels soins De il faut pour choisir cocher le ce lourd chariot qu'on tremble à voir marcher! Il faut qu'un double appel l'ait fait monter au faîte Elu par deux pouvoirs, il faut que sur sa tête Le choix du peuple tomba avec le choix de Dieu... Ailleurs, Tous fit ; un touche trait qui ces républicains sont les mon leur vertu de cire à les ; révolutionnaires : mêmes au fond, soleil se fond. (Acte II, Se. 10.) Le poète montre quelque méprisant populaires qui, courtiser telle la ; part la situation des pouvoirs le peuple, sont forcés Convention obligée de subir tions des sections. Carr le auprès pur, de le les députa- de qui les plus farouches sont des tièdes, qui annonce tranquillement au protecteur son intention de l'immole rà en attendant le complot le Le Révolution, mais lui révèle comme une injure les des saints repousse et remercîments du tyran, mystique la sauve pour sauver l'Angleterre, est la caricature de la Terreur et féroce. de rôle la foule dans les révolutions est peint dans une scène assez shakspearienne, quoique noyée dans trop de détails à effet, celle où le peuple crie tour à tour Vive Mort à Cromwell Cromwell ! payés, magistrat qui le et femmes qui voient dans d'un prince, seurs qui, plus le la fin de la voit les hurleurs les pouvoirs, les terreur et l'avènement retour des bals, des toilettes, les fournis- comme Barebone, au sanglantes, On y ! harangue tous milieu des tragédies les n'ont d'autre souci que leur fortune et , 132 l'époque. révolutionnaires farouches, vendent au prétendant le qui, velours du trône et le sauvent de la conspiration pour sau- ver leur facture. La révolution de 1830 donna le signal d'une foule de drames sur Napoléon, pièces à tableaux et à déclamations révolutionnaires. Hernani composé avant 1830. L'em- était pereur, dans la personne de don Carlos, y est opposé au roi ; grandi déjà par l'ambition d'être empereur, et rempli de pensées graves à mesure qu'approche Don Carlos devient tout à fait le moment grand quand il décisif, tient dans main les destinées d'une partie du monde. Le monologue lui-même évoque Charlemagne, le puissant empereur, la sa grandeur si fugitive de son œuvre, humilié des rois qui « sont à rôle secondaire et le la porte » Respirant la vapeur des mets que l'on apporte... Il n'y a pas d'empereur dans Marion de s'amuse, dans il y a un roi ; Ruy Blas partout pour sa mémoire, faible et L or me, dans le Roi mais dans chacune de ces pièces le roi, sans grande injustice d'ailleurs est effacé ou odieux. Louis XIII dominé par son ministre, son caractère avec finesse et, quoi qu'on ait malgré que l'auteur moindre ; se soit dit, avec vérité défendu ; est est tracé néanmoins, sincèrement de la allusion, le pouvoir d'alors vit parfaitement dans ce caractère de roi faible un signe des temps et un danger. Le Roi s'amuse fut aussi interdit à cause du portrait sati- rique d'un roi de France dont le poète ne cache (V, 3) ni la bravoure, ni la chevalerie, mais dont les passions politiques^ ne le drame, inspiré par met en lumière que le cynisme et les vices. La grande figure impériale est encore évoquée par Ruy Blas dans son monologue, en face d'un roi fantôme, d'une monarchie pourrie de vices, et relevée un moment par un ministre ué du peuple. Il y a là une vigoureuse satiro LA POLITIQUE AU THÉÂTRE. par inspirée modernes, par de l'argent dans rôle le mépris de ces le gouvernés par des banquiers du grand poète qui pleure Que le <r gouvernements les trois cents avocats » admirable ; 133 cri grand empire de détresse : tombe, ô puissant empereur Les bons font place aux pires Ce royaume effrayant, fait d'un amas d'empires, Penche Il nous faut ton bras! au secours, Charle-Quint !... Hélas ton héritage est en proie aux vendeurs... Oh t fais-tu dans ta lève-toi ! viens voir ! I — ; ! ! Enfin l'empereur redevient et gigantesque drame des il revient d'Elbe, (comme comme est les rois de Sainte-Hélène, revenu une le l'homme de fois l'île craignaient de le voir encore revenir comme il sur les bords de la Seine). en est revenu enfin pour reposer La légende y mais on reconnaît bien tique, protagoniste de l'étrange le Burgraves. Mort ou cru mort, atteint le fantas- encore, fût-il inconscient, là souvenir de Napoléon dans cet empereur abhorré des princes dont a ruiné les châteaux. il de Frédéric sur honoré par magne le défaite la situation de Voyez le monologue l'empire sans chef, dés- séjour de l'ennemi, sur l'œuvre de Charle; voyez encore le discours aux Burgraves. (Partie II, Se. vi.) Vous m'entendiez jadis marcher dans ces vallons Lorsque l'éperon d'or sonnait à mes talons Vous me reconnaissez, Burgraves, c'est le maître, Celui qui subjugua l'Europe... Et qui donna, touchant leurs fronts du sceptre d'or, La couronne à Suenon, la tiare à Victor... Celui qui, comprimant Gênes, Pise, Milan, ! Etouffant guerres, cris, fureurs, trahisons viles, main l'Italie aux cent villes. démembré Henri le Lion de mes mains, Prit dans sa large J'ai Arraché ses duchés, arraché ses provinces, Puis avec ses débris j'ai fait quatorze princes Enfin, j'ai quarante ans, avec mes doigts d'airain, Pierre à pierre, émietté vos donjons dans le Rhin... ! Rien ne manque à l'analogie ; l'empereur apostrophe les l'époque. 134 grande armée qui servent maintenant sous vétérans de sa ceux qu'on appelle Vos les fils <l soldats m'entendront ! des grands barons. » sont à moi, j'y compte Ils 1 étaient à la gloire, avant d'être à la honte. Ils moi qu'ils servaient avant ces temps d'horreur, Et plus d'un se souvient de son vieil empereur, N'est-ce pas, vétérans, n'est-ce pas, camarades ? Bans doute vous croyez C'est sous Nous sommes vous vous dites Etre des chevaliers fils des grands barons et des grands gentilshommes, Nous les continuons... Vous les continuez : ! Les ! Cette dans D'un le passion politique qui se montre perpétuellement drame a deux côté elle superbes de ses vers, tue le tion, drame, malheureusement opposés. résultats inspire au elle poète les accents vrais, émus, vivifie sa poésie ; de l'autre pour un personnage, pour donner carrière à piration lyrique. De pouvant il tirades auraient pareilles dans un drame emprunté à raine, mais était trop tôt l'histoire pour un Napoléon, a faire elle trop voir qu'il est fait pour une situa- elle fait le l'ins- mieux fait presque contempo- tenter, et le poète, ne fait un Frédéric ou un Charles-Quint. II Mais la passion politique a graves encore pour le eu des conséquences plus théâtre romantique. Nous avons vu dès 1827 le poète conquis à l'idée démoelle commandera dans son drame le choix la hié: ar- cratique ; , chie des personnages ; elle sera la base de tout un système. Les romantiques étaient fatigués des rois de tragédies. Les abandonner tout à fait, il n'y fallait pas songer les ; rois sont trop les ils mêlés aux grands événements où se trouvent grandes passions ; les rois furent donc conservés, mais furent mis au second plan, et le peuple au premier. Ce l'idée révolutionnaire dans le drame. qu'on appelle en style de théâtre grand premier que de normal ment plus les rois s'en ; En sont môme inférieures hommes, le trône. la liberté, les déploie, La Révolution a un homme nouveau fait les la vie politique et ; énergies qu'elle du peuple aux grands grands problèmes de auprès soutient ou ren- la foule, ambitions qu'elle autorise, l'initiation est terne le roi ; du plébéien de génie qui dompte verse cela, vont, leurs passions ne nous intéressent spécialement, elles sont celles des autres elles leur le ne pouvait faire autre- la tragédie ; et Us furent ont l'avantage. ils 135 jeune premier furent des héros plébéiens. rôle opposés aux rois sur lesquels rien le secrets, aux sociale, tout cela un nouveau protagoniste tragique. Marion de Lorme s'éprend d'un amour véritable qui devait s'incarner dans la transfigure moralement, donnée pathétique certes où nous ne voyons rien de trop peu vraisemblable, quoi qu'on Elle n'a connu jusqu'ici que des gens de cour aimer de cet amour vrai un gentilhomme, sionnel ne s'en déroulerait pas moins ; le : elle et le ait dit. pourrait drame pas- duel pourrait venir, Didier, qui serait alors Didier « de quelque chose », serait arrêté, puis s'évaderait, et le reste. Mais, n'y eût il pas d'autres raisons, la passion révolutionnaire veut que Didier ne soit pas gentilhomme, ou que, soucie peu; car compter avec il s'il l'est, il l'ignore et s'en faut remarquer les ruses de cet art qui doit l'aristocratie une allure plus héroïque pour donner à et avec la ses personnages démocratie qui leur donne des passions fougueuses: Didier peut donc tilhomme, étant enfant trouvé dédain. Ce plébéien vêtement noir et se son ; mais il est être gen- plébéien par détache vigoureusement avec son âme profonde sur ces seigneurs au costume éclatant, au cœur léger. La même le habileté laborieuse saura dans JLernani concilier besoin d'une antithèse politique rabaissant de l'homme du peuple, et à ce dernier. Hernani le le le roi à la taille besoin de laisser une noblesse bandit est préféré par dona Sol l'époque. .136 au Hernani roi Carlos, générosité bandit brave le le roi, l'écrase voilà pour la passion politique : de sa mais ce bandit ; un brigand vulgaire ce héros, cet amant de un grand seigneur qui a pris les montagnes pour venger son père. L'habileté du poète romantique a sa n'est pas dona ; Sol, c'est On faiblesse. peut l'accuser d'avoir mis un bandit et en facile, effet, là de où exagéré l'antithèse, un plébéien. suffisait sur cette faire, eût été Il donnée moins anti- même drame, plus humain peut-être. Hernani un Didier espagnol. Le poète eût évité bien des thétique, le serait reproches; le rôle gination et le de bandit drame permet des excès d'ima- lui mêlé de mélodrame. Les passions est politiques conspirent ainsi contre l'auteur, elles exagèrent son défaut: génération la disposition réaction immodérée la l'antithèse, et le défaut de sa à tendance au noir, au la : contre les fatal, au fantastique ; dont classiques, rois l'acharnement des pseudo-classiques de 1820 à 1830 est responsable, s'ajoute à ces causes pour transformer héros plébéiens en bandits, en ouvriers, et, car les défaut le va s'accentuer eucore, en personnages misérables et difformes. Il les y a dans deux drames l'autre : comme deux, ; le : du la satire l'indique le titre. Roi De roi ces s'ayjwse, Tribonlet s'amuse. satire de la luxure royale, c'est celui-ci homme n'a qu'elle lui les l'un pourrait être intitulé Le premier, pauvre il Roi s'amuse deux drames le domine tous prend a une fille, au monde et et la déshonore. : Un sa seule joie, sa seule richesse ne vit Une que pour soif de elle. Le ; roi la vengeance, plus grande encore que son impuissance, pousse ce serf, cet une entreprise insensée il s'arrange pour attirer le roi libertin dans un coupe-gorge et l'y faire assassiner. Il croit un moment, épouvanté lui-même de ce succès surhumain, tenir sa vengeance, mais il avait compté esclave, à toute sans sa fille qui, ; avant d'être déshonorée, avait aimé le l'idée révolutionnaire dans le drame. séducteur déshonorée, l'aime encore et donne- roi, et qui, pour rait sa vie Elle la donne, en effet lui. projets de vengeance de son père, les jette dans piège à le la place qui devait frapper le roi et ; satisfaite, et qui croit tenir à l'eau, le 137 elle-même meurt sous du roi, le père, a deviné elle ; et vengeance ivre de dans un sac, prêt à être jeté cadavre du luxurieux tout-puissant, tient cadavre de sa fille ; se couteau le et c'est sa fille foule qu'il le aux pieds dans son accès de fureur. Ce drame Mais ici humain. est simple, intervient dans ce grotesque, dont la part le drame, depuis Hernani, augmente sans cesse. Ce n'est plus seulement dignité enfant plébéien le devenu bandit, que trouvé, le grand seigneur romantique opposera à la réaction du prince tragique, que la génie démocrate et com- le patissant pour les faibles dotera des grandes passions, des nobles sentiments enlevés aux rois, ce sera, mieux encore, bouffon de cour, l'homme difforme, bossu, contrefait. Et le voilà Quasimodo dans voit double avantage y drame. Cet excès évident, le il ; tourne au profit de le l'idée huma- Il a nitaire ce qui était réaction littéraire et politique. plus trouvé sa formule poète de pour forcer par des combinaisons inattendues l'émotion d'un public blasé « transfigurer : la laideur physique par la beauté morale », et ce sera bientôt même : un amour, racheter la laideur morale par passions monstrueuses et tous les les toutes crimes par un bon sentiment. Voici donc parce fille ; qu'il aussi, est et second drame le malheureux pour : Triboulet est de plus ; il royale, il Vallier, le lui jette en proie passions du un père dont roi ; les il le roi a maudit. Triboulet sera puni : pour sa craint de faire du mal aux le plaisir reux et pour détourner de sa propre famille attise les méchant la heu- luxure femmes des seigneurs ; il insulte le comte de Saint- déshonoré la fille, et sa propre fille ce père sera la proie LEPOQUK. 138 du roi, cuai.no le comte, et, se venger, mais tuer le roi ; déshonneur le sera impuissant il lui-même tuera il et sa fille sang de sa le veut il ; en voulant retombent fille sur sa tête. On voit quels romantique, politique et la faire accepter, que de effort de dirigeant l'Etat, relevant le dépensé pour est dans va Mais voie. sa démocratique l'idée réaction la l'étrange grandit à mesure une reine amoureuse montrer Comme génie quel comment romantique théâtre le suprême et produit complexes effets un d'un valet, royaume que le au théâtre sera le roi valet abandonne. de l'antithèse, toujours, sous les exagérations il ne nous y trompons y a un drame simple et humain la reine pas. Le drame n'est pas, d'ailleurs, un pamphlet le pamphlet sera amoureuse d'un valet, sans le savoir voici le l'eût montrée aimant son propre valet. Donc un homme du peuple, qui n'a drame simple et humain ni noblesse, ni richesse, mais une grande intelligence et ; : ; — — un grand cœur, aime secrètement sa reine qu'il sait seule, il rêve d'être le abandonnée, souffrant de cet abandon aimé d'elle, de femme, d'être protecteur et l'ami de cette ; relever par amour pour tres, d'être pour amour connu, son cœur cette reine, il l'Etat exploité par les minis- elle elle le vrai roi. devient ministre, favori, rêvée, relève l'Etat, et un jour, ouvre son cœur le hommes, pour lui elle : elle il sent son l'admire et l'aime il il accomplit l'œuvre cette reine vient à lui, lui voit plus qu'une femme, dont elle le baise Tout à coup, apprécié, son mérite distingué par ; grand que les autres reine pour tous, elle n'est est le soutien et le refuge, et au front. Mais par un autre coup soudain, ce un ennemi mortel de la reine et qui sait leur secret les fait tomber tous deux dans un piège infâme pour déshonorer sa souveraine. Le grand ministre bonheur tue le s'effondre, misérable et s'empoisonne pour que jamais pure de tout soupçon. la reine, soit à. l'idée révolutionnaire dans le drame. 139 Voilà l'esquisse idéale du drame. Ce dessin fournissait siècle l'occasion de à l'auteur aussi bien développer l'idée du les passions n'en étaient pas diminuées. ; était pris ; Mais le pli l'exagération, la réaction violente, la théorie du grotesque et des antithèses stupéfiantes triomphent une dernière reux de fois formule est bien trouvée la ; la reine il ; eu est, effet, difficile à : le valet la poésie amoudémo- cratique d'exprimer plus énergiquement cette idée, que génie est le valeur de l'homme et qu'il a seul droit au la seule gouvernement des Etats. La préface affirme d'ailleurs la voRuy Blas quelque chose de grand, lonté de montrer dans de sombre, d'inconnu, (( le peuple, le peuple orphelin, pauvre, intelligent et fort, placé très bas et aspirant très haut, ayant sur dos le les marques de la servitude et dans cœur le préméditations du génie... » et un peu plus loin le les poète lui-même distingue dans son drame un sujet philosophique le peuple aspirant aux régions élevées, un sujet hu: main : tique : un homme qui aime une femme, un sujet dramaun laquais qui aime une reine dramatique, en effet, ; mélodramatique même. Pour mettre debout une mélodramatique, la féerie coup de baguette fait telle du domestique un autre coup de baguette la s'écroulera. féerie pour faire jouer cette quée qu'on ne le : le lui le procédé Un comte de Garofa, rendra ses habits de valet, et il faut inventer immense machine, bien pense encore (1) ! Certes il plus compli- naît de cette emmêlée des beautés incontesta- retour de Salluste en laquais, l'écroulement subit du bonheur de Ruy Blas qui ne mier ministre qui doit vivait qu'en rêve, ce pre- ramasser ce mouchoir, tout cela frappe, étonne, saisit. Mais (1) le Mais quels ressorts formidablement intrigue o blés invraisemblance, n'ont pas effrayé l'auteur. nous-mêmes nous nous frottons Voir l'analyse du rôle de don Salluste dans notre chapitre sur le mélodrame. 140 les l'époque. yeux devant de métamorphoses pareilles à l'auteur, pourvu qu'il puisse à la du peuple, bizarre apothéose faire antithèse suprême, fin, démocratique apportée dans Concluons. Si le grandes beautés elle ; die, les passions qué suprême l'art de d'une l'éclosion le dominer contenir, pouvait et source la des personnel de la plus tragé- le produit d'une époque démocratique. d'un génie intempérant, à qui a man- les défauts côté, l'ardeur drame. un théâtre à tendances démocratiques ; était naturellement Mais renouvelait mot de dernier démocratique l'idée de son théâtre, être l'âme devait poète avait su se populaires, passions les le le Dieu devant bénir, invoqué, cette reine par ce laquais. Voilà la passion Qu'importe ! : la mesure, la lutte la proportion, et, d'un autre politique et littéraire, ont calme tragédie et reflétant empêché comme un miroir tranquille l'âme humaine et contemporaine. Le poète, avec sa thèse politique, se substitue trop souvent à ses per- une antithèse grimaçante met face à face les rois l'homme du peuple, les puissants et les grotesques, sonnages et les ; heureux La tragédie en et les difformes. dans sa grandeur. D'un autre côté, quand la est atteinte passion poli- tique s'apaise et permet au poète d'être seulement specta- teur des grands spectacles de ce monde, elle inspire à la tragédie de grandes scènes, plus belles réflexions le lyrisme sur la fragilité puissance, de la gloire, comme popée napoléonienne, de la lorsque le plus élevé, les des empires, de la le Révolution, souvenir de élève l'é- jusqu'au sublime des scènes (THernani, de Le Roi s'amuse, des Burgraves, de Marie Tudor (1) ; beautés aussi lyriques que (1) La belle scène où Marie Tudor exhale sa fureur impuissante devant la colère juste et irrésistible de la foule. C'est aussi beau que les imprécations de Camille « Oh! l'Angleterre, l'Angleterre à qui détruira Londres!... » On j^ense aux rois des Tuileries; ils ont dû souhaiter aussi bien des fois la destruction de ce Paris, qui n'avait qu'à se soulever pour faire crouler une royauté. : LA MALADIE ROMANTIQUE. dramatiques, certes mais ; 141 n'est point il interdit à la tragédie de se placer parfois à cette hauteur et de cher- cher à produire cette émotion puissante. Les héros tragi- ques ne doivent point trop philosopher, mais même peut parfois se placer au-dessus une sorte de tragédie la de ses héros, dans parabase tragique qui a sa grandeur et son intérêt. III On s'aperçoit clairement aujourd'hui des malades et furent dans la littérature que sensibilité la les romantiques exagérée était Commençons par de 1820 à 1840. que moquerie ou dédain seraient die est que ici fort injustes une des noblesses de cette génération qui arriver à la vie intellectuelle au moment le dire sa mala- ; se trouve plus critique dn monde moderne. Et puis, n'est-ce pas le développement anormal de la sensibilité qui fait le grand artiste, et dans combien d'organisations réglée par la raison absolue et ment équilibré ? Il semble cette sensibilité un tempérament même que la est-elle parfaite- sensibilité, en France, s'exaspère et devienne morbide de plus en plus dans l'énervement de l'existence. est Il la sensibilité et passions et les la vie à la vapeur et de la lutte pour intéressant d'étudier cette affection de comment elle a, dans le drame, modifié les caractères. La maladie romantique sévit d'abord sur la génération qui arrive à l'âge d'homme au moment où la Révolution finit. Des hommes qui se sont mêlés à la Révolution, les uns en ont profité, les autres avant de périr elle-même tous ont péri. Elle les a grands esprits dévoré et les grands cœurs. Ceux qui étaient trop jeunes encore pour y être mêlés, qui en furent victimes par contre-coup ou restèrent spectateurs attristés des horreurs et des bassesses de 142 la l'époque. commencent ceux-là fin, Chateaubriand, avec l'immense partout, génération la de courir exilé, est obligé que tristesse romantique. monde, seul le lui causait ce bou- leversement immense. Disciple de Rousseau, comme tous esprits de son temps, il contemple la vie sauvage, et Doué d'une à jamais du contraste qu'il voit ou qu'il imagine. grande sensibilité, il mentdes croyances, ressent toute la le scepticisme, qui perd et regrette sa le commotion : l'ébranle- vide envahissant l'âme du passé foi, l'horreur les s'attriste découra- et le gement en face de l'avenir. En même temps, ruiné, pauvre, il souffre le tourment moderne, celui de l'homme qui se sent noblesse et de la force et déchaînement obligé génie, des conflits au premier moment du grand démocratique ne , un grand d'abaisser au milieu des qui, et vices, trouve pas place, sa au souci des esprit besoins journaliers, à la fatigue déprimante de la lutte pour la vie. Mélancolie, tristesse, pour longtemps de l'amour-propre qui pération conscience d'avoir une vanité souffrante physiques souffrances tempérament tout le , finit par transformer la valeur en orgueil irritable et en découragement profond l'écroulement de tout, écroulement de la foi causé par qui soutenait du trône qui supportait la société, écroulement du nom et du manoir des ancêtres, voilà le trône, de la famille, l'homme romantique, chassé de de sa maison, en butte à et qui a atteignant longue exas- entier, vu mourir ou par l'effrayant les siens la sa persécution et par couteau de le des morts contre-coup voilà Chateaubriand, le Chateaubriand de la littérature romantique. Telle est la cette génération et la suivante la événements et la de son église, patrie, au malheur, la guillotine domestiques, René, le père de maladie qu'excita chez commotion des mêmes commotion des oeuvres où s'exhalaient le scepticisme douloureux, les souffrances orgueilleuses de ïa poésie Mme persécutée, du génie méconnu. de Staël, Benjamin Constant, de Chataubriand, Sénancour, nés de MALADIE DE LA 143 FOI. en littérature, une première génération 1770 à 1790, voilà, romantique Lamartine, Vigny, Michelet, Hugo, Sainte- ; Beuve, George Sand, de 1790 à nés Presque tous sortirent de seconde. la 1805, sont de avec l'apparente renaissance sociale, avec momentané qui donne dogmes des les forces le rétablissement religieux et politiques, avec l'âge physiques, calme l'orgueil des satisfactions, apporte à les nerfs, aux besoins d'amples richesses mais de jeunesse en jeunesse la et se transmet, livres, passe la maladie romantique maladie, et propagée par ; les chez tous ceux qu'elle a frappés laisse des traces. Le premier phénomène de cette maladie est la fièvre religieuse, qu'elle soit le doute, le scepticisme le plus loureux, marasme de de le la sensibilité, dou- perdue, ou la réaction violente la foi de l'appétit de foi contre le matérialisme qui effraye. Dans Rousseau déjà, foi spiritualiste, la l'éducation tout idéale de l'humanité matérialisme frappée, ; mais être ébranlée dans qu'au fond de la souffrance dont la foi est passer du l'esprit la sensibilité, la réclament contre le déjà maladive, elle n'a pu être catholicisme au tout son être, et révolte spiritualiste spiritualisme, il est sans vrai de dire de Rousseau il y a du doute. Etat éminemment maladif, doute humain ne sortira que par le retour à la foi ou parla négation complète. Cet état domine toute la Révolution. Les hommes qui ont épuisé leur foi et cherchent à s'arrêter au spiritualisme, comme sur une planche entre deux abîmeg mais, tournant le dos au vide, ils en voient un autre la la font ; ; souffrance persiste et le spiritualisme vacille. malgré nia ; mait entre ses efforts elle et les autels La Révolution, élevés à l'Etre abandonna Dieu à l'ancien monde qui suprême, le récla- comme sien et l'emporta en exil. La religion n'est mains do Napoléon qu'un joug à mater les les hommes, et Dieu, un -pape qui le sacre pour la foule. 144 l'époque. En avec 1815, le pour Rapportée de toutes pièces, la religion rentre. moyen âge et la cérémonie du sacre, les politiques qu'un drapeau, verneoient. Mais cette religion, des poètes s'en empare on veut moyen le du la foi fait siècle monde on l'accepte, on court de couleurs. marche, guère des artistes et la veut, entière, âge, les cathédrales, les chevaliers fortune pour l'art à l'esprit ; et le elle n'est un moyen de gou- ; bonne Puis tout s'use, oripeaux sont abandonnés, les de plus en plus place au spiritualisme, flottant du déisme au panthéisme, et à l'heure de la mort, il ne reste au dernier, au plus grand et au plus longaeve des romantiques qu'une foi en un Dieu vague, au-dessus de toute religion, de tout culte et La romantique foi même est de toute philosophie. donc un besoin de croire qui cherche à triompher du doute, né des bouleversements de la Révolution. Car la divinité avait elle pu permettre tant de crimes, et tout désordre pouvait-il rentrer dans un ce ordre voulu par une providence peut-être un moment doute le ; ? — La Restauration calma Tordre ramené, noblesse la maladie rétablie, puis l'ardeur de la lutte substituèrent à du doute une santé Le doute est étouffé par un élan à dessein. Dans les Méditations sur- factice. religieux qui s'exalte tout, V Homme, la le Désespoir, la sont caractéristiques de cet état. l'optimisme venu du succès ; Providence à l'homme, Puis la foi s'accroît on arrive à l'âge où. les avec idées se figent, et chez Lamartine magnifique tient alors le milieu entre la foi catho- lique et ; elle un panthéisme la foi se spiritualiste en poésie cristallise qui est la dernière expression de l'esprit religieux dans ce siècle. On voit combien ce qu'on appelle la foi chez les roman- tiques fut quelque chos9 d'agité, de douloureux, et quelle secousse dut imprimer aux génies licisme au spiritualisme, doutes, réactions et exaltations de fébrile et de maladif. la transition efforts, du catho- découragements, mystiques, partout quelque chose LA MALADIE ROMANTIQUE. Le second l'incertitude caractère de la que de les maladie romantique, c'est comme comme au sujet des dogmes politiques. Là, en religion, on peut dire que celle 145 la libre la cause de la liberté, pensée, était gagnée d'avance hommes de même de et ; génération romantique parvinrent la insensiblement avec leur siècle à un spiritualisme dégagé de dogmes, de mêmeen politique ils partisans de la cause du peuple mandé un quart de siècle, et, se trouvèrent tous, ; en 1848, mais ce résultat avait de- pendant ce quart de siècle, ils Pour les esprits élevés etqui, après préoccupent encore du problème « cherchenten gémissant ». le problème religieux, social, quelle série se de douloureuses questions, de méprises, de déceptions cruelles, de cas de conscience insolubles que cette phase de vie française de la 1789 à 1848! Cette révolu- tion, qui se réclamait de principes l'admettre, renier des siècles ; il élevés, si il fallait, des fureurs sauvages, tant de sang versé terribles, parte? ce n'était pas droit divin, le pour accepter des erreurs fallait ! Bona- tradition de l'an- la cienne France, ce n'était pas non plus la liberté au moins, ; vis-à-vis de l'étranger, c'était la victoire, la gloire du nom français, une épopée. Enfin trône ré- tabli se avec Restauration la l'autel, l'esprit français, si agité calmer ses anxiétés ; voici au moins faite, le de fièvres, la paix, le on va se reposer du despotisme militaire et de sanglante a le ? Non ; manque royauté la la va voir mal réparé, démagogie à ses promesses, trône et l'autel, on n'a ni liberté, ni dignité ; la on Charte n'est pas exécutée. Respecte-t-on l'Empire tombé, la gloire de française, les débris pouille, on juge, on insulter nos marche, il se est le droit ? la fusille grande armée?... Non sans jugement héros. L'esprit débat dans Aimer le les roi, pauvres, les mélancolie, ajoutée à LE DRAME ROMANT. la on dé- moderne veut continuer sa monarchie. Où menottes de c'est bien cause de celle du peuple, du pays opprimés, ne ; l'étranger vient ; faut-il ? ; Et pas la mais les les sépare sa s'il malheureux, aimer ? les Immense mélancolie religieuse. Enfin, voici 10 l'époque. 146 encore une fois le en question, le la trône renversé, les rois en exil, tout remis On foule maîtresse, le vaisseau à la dérive. gouverne pourtant Lamartine apaise des tempêtes ; ; mais voici un autre Dix-Huit Brumaire, un empire, sans noir de la corruption croissante des gloire, avec le point mœurs, de l'abaissement des consciences ; cette fois, des deux grands malades romantiques l'un se résigne et se l'autre s'exaspère, et il écrit à tant la ligne pour vivre tait ces superbes, ces furieux, ces délirants ments : névrose romantique la le suit ; écrit ; poèmes des Châti- dans fausse son l'exil, génie, pour ne s'apaiser que plus tard dans une tin de vie patriarcale et voisine d'une seconde enfance, où le vieillard espère enfin la réalisation de l'idéal humain, de la paix universelle : dernier reste de réalité, les menaces de Ce malade romantique, déjà ? Non, le si la tourmenté, verra-t-il- clair de la vie intellectuelle et porte en lui il toute souffrance et qui fait rance un délire qui cache Se consolera-t-il par l'amour des tristesses et des incertitudes ? lui l'avenir. au moins dans son cœur vie publique romantique qui la foi même fatigue. la fièvre qui de la grandit de toute joie, de toute espé- L'amour lui causera des joies hommes d'autrefois, mais aussi des douleurs qu'ils ont ignorées, et, comme toujours, c'est la douleur qui subsiste et chasse le reste. De quelque côté qu'il se tourne, inconnues aux l'homme romantique Pour les autres est destiné à des souffrances nouvelles. siècles, le la foi sincère, en dehors de de la problème de résolu tait pas, puisqu'il était la fin du mariage faiblesse, de la , L'amour, dans j'entends ; l'amour, et de la famille, c'est-à-dire ne comptait pas ; il était un nature, une concupiscence de la chair qu'on avouait à peine, et dont repentir. la vie future n'exis- la foi d'ailleurs, excluait tout attachement terrestre reproduction des êtres péché, une : le il fallait plus tard se théâtre classique, est-il autre chose qu'une noble galanterie ou une passion coupable ? Il LA NÉVROSE ROMANTIQUE DE L'AMOUR. 147 aucun rapport avec l'immortalité et la vie future. Le thème, c'est Aimons, jouissons de la beauté la vie est courte, et au bout c'est le tombeau. Thème païen ramené n'a là : : par Renaissance la L'amour dure jusqu'au XIX la vie conscience de sa la au moins nalité immortelle, siècle. plus de spiritualisme possible. le que jamais, sinon a, plus e pour l'homme romantique. est bien autre chose mis dans toute Il a Il et qui person- désir sans borne de cette le immortalité, seule idée consolatrice des tristesses de cette vie plus et ; ne rien un elle doit s'unir, désir infini quoi bon exister Que ? il Il s'est ; qui trompé ou un jour ; cette mais femme faut femme elle ; par son égarement et consolera. si l'homme romantique, aime, qu'il le cette vie : croit se aimer ailleurs, mariage éternel ; elle elle lui ? gémis- celle qui lui doit être faible, ? unie méconretarde se ravit le pourquoi vivre plus longtemps seuls ? résigne pourtant à vivre, l'homme romantique trouve dans sa branlable pour faite à chercher en malheureux,, puisqu'on doit être unis S'il perd soudain la donc pas recommencer est bien ? le pauvre âme, aveugle et la à lors, de cette vie où tout est néant Dieu qui trahit n'était le ? Il naît sa destinée bonheur dès cherche avec la condamné. Dès serait Quelle plus grande souffrance, sant pas trouvé l'âme-sœur l'âme romantique faire aller vers après avoir trouvé la La femme s'est y voit il l'amant sans son amante pleure et craint la ; solitude éternelle à laquelle Mieux vaut il : ; confondent se trouvent, s'embrassent et se la vie et l'éternité. Si elle n'a à laquelle l'amour deux corps voir l'union passagère de y deux âmes qui le doute de l'immortalité s'il console plus. Vienne donc l'en refusé à pour ; augmente plus à la vie future, croit il dégoût des misères terrestres qui foi à la le rend réunion éternelle une patience iné- mondains. les obstacles sans crime femme mariée la jusqu'au fidèle aimé, malgré à un tombeau à Il autre, l'objet peut ainsi aimer s'il ne la désire 148 l'époque. plus pour ce monde attend, il ; attendent tous ils deux l'heure de la réunion. arrive que la mort ait tout à S'il cher, le désespoir et solitude de la mort prochaine. font croire et désirer la Un seul être vous Qu'importe coup enlevé l'être l'homme romantique lui manque, et tout est dépeuplé... Je n'attends rien des jours... le soleil ? Je ne demande rien à l'immense univers... ma dépouille à commun entre la Si je pouvais laisser Il n'est rien de la terre... terre et moi. (Méditations, I.) De là à se figurer, poétiquement du moins, par du dégoût de lement mourir, pas ; il est le maigre la comme c'est la raison qu'exhale de la vie, névrose physique, il souhaite le de cette éternelle plainte poète romantique de 20 et porte la pour nature ; c'est la vigueur de l'âge ôtent qu'il voie se l'époque où il écrira Y empreint d'une belle mélancolie, où reste trop de Millevoye. il grands et la foule état d'esprit (1). Hugo, si Il des disciples va mourir (Odes. V, par ses parents de sa fiancée est « Et 1). pièce composée d'imagination et lui trop avec Automne (Médita* Chrétien mourant passèrent par cet robuste depuis, n'a pas échappé une séparation passagère, tout il que l'au- le à cette névrose poétique. Pour une peine vie, » suffit déjà dépérissant tions) Les qu'un a de mourant à 30 ans, à l'âge où toute créance à sa prédiction funèbre. l'attriste l'effet va réel- de longs cheveux sur un visage pâle, jusqu'à ce que l'embonpoint et tomne n'y il , qu'il il d'amour, ne s'agit pas pour dans sa et fatal ici d'une le jeune poète a été séparé on les trouvait trop ; ; sombre pauvre encore pour le mariage jeunes et la famille. (1) Nous-mêmes y avons un peu passé, nourris tout jeunes de poésie romantique. La province y passa aussi. Madame Bovary, c'est l'étude du ravage que fait la maladie romantique sur une petite bourgeoise. LA MALADIE ROMANTIQUE Rien hommes langueurs chez des martine, à une vie pleine de 149 que ces désespérances n'est plus curieux à constater ces et L'AMBITION. : comme La- destinés, de gloire, et qui jours et ne devaient ignorer aucune des joies du succès, du luxe, de la popularité, de la gloire. Quand l'homme romantique a passé la courte saison de passion juvénile, que ces rêves d'amour éthéré, d'union la mystique des âmes font place au besoin de la vie réelle, france commence pour du temps. Il œuvres laissées grande aux hommes, fait après soi faut-il pas commencer dès ne faut-il pas que l'artiste route sa il veut la gloire des grandes monde à ce apprécié, être vienne un peu sur cette terre ? a besoin d'être encouragé, d'être dirigé dans et ; la gloire et élevée, la maladie la mais, pour avoir une action, ; ne Car une autre souf- une autre phase de lui, a une ambition, du bien gloire au sentiment plus net de s'y faire place, 1 produit sur les effet hommes est pour lui un critérium nécessaire de lui-même, de la valeur de son œuvre à mesure qu'il travaille, il faut qu'il apprenne où il doit diriger ses efforts. Mais que de temps pour être ; aperçu cie, hommes des méconnu, puis, alors que d'années ! même que le regardé dédaigneusement par à rester inconnu, bon public vous appré- les grands, les riches, les puissants de la terre, jusqu'à ce que l'on soit devenu soi- même un La de ces puissants dédaigneux démocratie,- pour laquelle tard une qui lui donnera plus il ! va s'enthousiasmer, et inconnue aux popularité écrivains des siècles précédents, est d'abord pour le jeune homme romantique Dans une que, il prince une il la multitude immense où aristocratie, sous suffit à l'artiste ou d'un grand élite ; lui suffit il sait : de posséder il est perdu. les bonnes grâces du apprécié, r^çu, choyé est d'ailleurs de plaire et il un gouvernement monarchi- restreindre d'être par son ambition admis dans la : familiarité l'époque. 150 des puissants et des nobles peut anobli, être autorité ; il son coin de Il quant à ; lui, il sait qu'il reste à sa place en dehors de la politique, dans toute faite. la société même n'en est pas de dans une société qui tend à devenir démocratique. La vie est une bataille l'homme ; romantique a maintenant conscience de sa dignité, que tous peuvent prétendre à tout bornes. Or, ne ne peut avoir ni puissance ni qu'il si : de il sait une ambition sans là quelquefois la noblesse de sa famille, l'aisance, un monde de choix tout prêt à l'accueillir, salons ou- si les verts lui rendent faciles ses débuts et lui permettent de vivre tout entier dans l'idéal, souvent aussi son génie n'est point pressenti, ni des médiocres qui ne voient rien, ni des illus- ne voient qu'eux. Fût-il né, tres qui comme Hugo/ d'un père général, d'une mère Vendéenne, avec des relations dans les lui faut deux partis, il entre dans la vie sans ressources d'abord, c'est la loi organisé, l'exercice libre de ses facultés, et pour écrire peut stimuler et, le loisir moyens de vivre partant, les l'activité, si il ; impérieuse qui pousse tout être d'abord on a le pour penser : besoin le nécessaire : Magna; mentis opus nec de lodice paranda Sollicitai... Or le plus grand des autobiographie, poètes romantiques, d'après son vécut une année avec sept cents francs peut-on douter que la gêne caractères moins robustes la surtout sont impressionnables noblesse et la qualité, comme : augmenté chez d'autres maladie du siècle ? Les poètes n'ait ; leur travail, qui vaut par les pierres précieuses, la n'est pas, il laisse beaucoup à la ramène souvent l'esprit à la réalité pas continuel et n'absorbe rêverie, c'est-à-dire qu'il alors : que des hommes de talent, philosophes, historiens, savants, ont supporté la gêne sans trop en pâtir, absorbés par leur travail d'esprit sans relâche, beaucoup de temps pour souffrir. Et le ici, poète de génie a disons-nous que la LA MALADIE ROMANTIQUE : l'aMBITION. 151 critique ne doit point être trop sévère pour ces souffrances des poètes; l'héroïsme lui est facile à mais ce n'en elle, moins un moment dur que celui où est pas génie, jeune le encore mais jugeant déjà de haut voit pauvre, gêne la et d'hommes reux la foule des hommes, se méconnu, menacé dans ses facultés même par l'indifférence du public, quand des millions qui ne vivent point par l'intelligence sont heu- et satisfaits. commencé, Si la célébrité a les jalousies, les Aux vient éclipser. elle amasse inévitablement haines féroces des médiocres que moqueries se joignent le génie calomnies: les que de blessures d'amour-propre, que de coups portés à La l'orgueil, à la vanité. dura plus de lutte romantique, qui vingtans, développa singulièrementlirritabilité d'orgueil du chef d'école et des autres poètes. Cet orgueil était, a priori, immense dans nels, sombre naïf dans et triste et résigné même des défauts person- Chateaubriand, irritable et Vigny dans ; mystique et dans Hugo, cet orgueil et à l'école est imputable pour une part à ce spiri- tualisme romantique, ment, dans Lamartine, énorme amer superbe, commun en dehors l'éccle et parce si sublime et à son qu'il croit si exalté. C'est sincère- âme immortelle, à son essence divine, parce qu'il croit tenir son génie de Dieu, que le poète se regarde comme un se vénère être supérieur à l'homme, c'est sincèrement que ce poète lui-même comme une chose sainte, parle de ses détaché en mission ici-bas ; ailes, se prend pour l'orgue dont Dieu ébranle pour prophète envoyé aux révolutions, et croit sentir dans le ses cheveux, avec céleste qui le fait vibrer que ce poète travail, et, est un le ; vent qui c'est les touches, les agite, le souffle sincèrement peut-être aussi artiste incomplet, dédaigneux du ne pouvant admettre que des oeuvres inspirées d'en haut soient imparfaites, se croit incompris parce qu'il est critiqué, et se garde de retoucher ses vers, sacrés pour lui-même. Vraie maladie encore, intéressante peut-être chez l'époque. 152 génies, beaucoup moins chez la foule des imitateur?, qui les se donnent, eux aussi, des Ainsi, de prophètes. airs contre-coup trop fort des événements le siècle troublé, l'ébranlement moral causé par un l'incertitude religieuse et politique, la d'un Révolution, idéal trop élevé l'amour, un orgueil exagéré, irrité par les difficultés de lutte pour la vie et rend sante, pour la gloire dans une démocratie hommes romantiques les fiévreux, de la nais- malades. Tels sont les auteurs, tels seront leurs personnages dans le drame. IV Dès le pre mier abord. J e^Jiérosr oman tiques se distinguent aujourdIhuj_ pour nous par une se nsibilité exagérée et maladive ceux surtoutqui représentent plus spécialement ; sur la vie et la destinée, le poète, ses idées « Salluste, Ils c'est-à-dire les non pas don Carlos, François I r don mais Hernani Didier, Ruy-Blas, par exemple. jeunes premiers », , , ont to us plus ou moins le /atoZi^pjmme^n^dis^ italors i ; mélancolique et carac tère et caractère, ce ils l'ont, : en dehors des passions qui vont aux événements qui Jgs__ypnt les préalablement agiter, attrister, a priori, La par une intui tion de leur des tiné e mauvaise. comme tristesse de leur situation__d'homme du peuple, de bandit, d 'enfa nt trouvé, leur_ajjonné une m anière d'être inégale, irascible; l'amoureux romantique passe brusquement de l'adoration à ]a colère, à la de l'enthou siasme aujJésespoir, de ina^vaJSâ—Jmmeur. vient chez dona Sol sa tristesse à lui vous avez ; froid... elle : il l'a à peine vue qu'il s'empresse tendrement Ce manteau ruisselle la tendresse Hernan i. quand Considérez !... » : il s'exclame sur « Dites-a.oi si — Lui ne répond LA MALADIE ROMANTIQUE pas, il ne sent ni Un ange vous Et comme froid ni la pluie et le ment à son amante LE HEROS FATAL. : cette question il adresse brusque- : combien vous êtes douce?... dit-il surle manteau qui ruisselle, elle insiste prime prétentieusement cette antithèse sur cœur opposées à celles de la nature Ah quand ! ex- : se gonfle et s'emplit de tempêtes, Qu'importe ce que peut un nuage des airs Nous jeter en passant de tempête et d'éclairs Sol est toute à la joie qui veut épouser dona Sol, et d'ailleurs ! de l'heure présente s'exaspère de n'avoir qu'une heure Comment il tempêtes du les l'amour jaloux bouillonne sur nos têtes, Quand notre cœur Dona 153 il ; ; mais lui ne pense qu'au duc, il est bouillant l'homme romantique de fureur. calme serait-il ? N'aime^Ml pas^plus^aiii que lui ? Enfant trouvé, horcme du peuple, ouvrier, brigand, il faut qu'il paie de bien des ces quelques désespoirs trouve dans un quille est quand, à menacée, de banni ! il Le amour moments de idéal. joie délirante qu'il He rnani peut-il être tran- d'un mari^ej)rm^^lL cionJt dona Sol la veille de est forcé lui j)ffrirj?a roi vient traverser pauvreté, sa nani est proscrit, sa têteest misjsi^ymxj\_i\ arrive enlever dona Sol Il ; veut partir, tout à coup elle Et tandis que dona Sol calme, sachant ce voilà que vision de il la la sensibilité mort, veut le ! aimant qu'elle veut, suivre malgré tout, du héros romantique l'échafaud grandit dans son cerveau s'exalte, ; il che dans l'ombre » >),c< ; la ne veut pas « emporter dans son antre » ce trésor da beauté voit que « ténèbres pour refuse. n'est plus temps, je vois l'échafaud de trop près jusqu'au bout, jusqu'à vie encore cet amour. Her- : il ne uj^orribre dénoûment qui s'appro- comme un mourant il bénit dona Sol l'époque. 154 d'avoir aimé « son front maudit » sa nuit » veut il ; se lève, fuir, et, comme dona cerveau cède à il reste, il s'asseoit, la folie Sol là, sur ce voix étrange et qui sonne le marche, banc de la folie, réel, le pierre, il fait murmure, d'une des prières d'amour comme son revient, il ne voit plus : parfois le soir chantais, avec des pleurs dans ton œil noir. Soyons heureux Puis il ses pieds, lui Chante-moi quelque chant, Tu m'en veut « rentrer dans rappelle, le le tente, met à il se relève, s'écrie, qui veut rester asseoir son amante, se ; I buvons tocsin éclate, ! car la coupe est remplie... ne l'entend pas, il la folie est venue. .. Eh non c'est notre noce Qu'on sonne... Nous aurons une noce aux flambleaux!... ! montagnard, L'arrivée d'un réclame met seul fin le ! devoir impérieux qui le cette scène d'hallucination à amou- un peu énervé du xix e siècle. A chaque entrevue il repasse par les mêmes alternatives de découragement et d'exaltation, de fureur et de tendresse dans ce délire sombre il fait tout pour se faire reuse, très belle et d'un pathétique propre à l'homme ; haïr, se traite méchant se dit « l'exil, les <£ l'écrin il est il est (( <i lui-même de fou furieux, de sombre insensé, fers, la il rappelle encore mort, l'effroi, « la le sang, les pleurs, dot de douleurs » r de misère et de deuil » qu'il offre à sa fiancée funeste », il Une ». et sourd de mystères funèbres, âtne de malheur faite avec des ténèbres sa terrible hallucination le reprend, Où souffle il voit ! rouge mais je me sens poussé impétueux, d'un destin insensé. vais-je ? Je ne sais, D'un ; porte malheur à tout ce qui j'entoure, une force qui va Agent aveugle Et », : LA MALADIE ROMANTIQUE Je descends, je LE HEROS FATAL. : descends, et jamais ne m'arrête 155 : Si parfois, haletant, j'ose tourner la tête, Une voix me dit Marche et l'abîme est profond, Et de flamme et de sang je le vois rouge au fond. Cependant, à l'entour de ma course farouche, Tout se brise, tout meurt Malheur à qui me touche. Oh fuis détourne-toi de mon chemin fatal. Hélas sans le vouloir je te ferais du mal : ! ! ! ! ! La ! fin est très belle au reste, de folie parce qu'il est malade d'amour on ne peut s'empêcher de penser que du héros ; quant cette sorte mieux justifiée dans Hamlet, dont fatal est tiennent un peu ces héros romantiques. Quelque chose de la sensibilité Hugo septentrionale est entré avec comme on poésie française, et, dit, l'a dans la est un endurer les Hernani héros de ballade allemande. Il faut une femme fortement éprise pour brusques accès de l'amant romantique. comme tqus les jaloux, méfiant et est Il caractères sombres. Hernani, revenu dans son déguisement de pèlerin, témoin des apprêts mariage, se croit trahi devoûment de dona sitôt, et où il lui ; Sol, veut livrer sa tête, qui refusait tout il doute Il insulte ensuiieJa il arrêter par iemme ofl^àr_jorj_s^n^_ej_exjna^[oji^[e Ilja'est pas les aime, qu'il valets otag e , il e acte^ devant court à lui, pelle et lui « il le la fait Madame », et, l'air a quand il la revoit au elle reculer d'un regard de défiance, l'ap- attendant, pour l dire garde son honneur. d'une caricature. : ui_aitjnqntré défian t, qui pr end tour à tour les a plutôt le roi tombeau de Charlemagne, quand tendre-Ies—bms^-qVelle pris aujgijjt q ui justifie, accè s_de jalousie. son pas sûr qu'elle n'ait pas n'es t succombé_aux_ieniations royales, IV de l'accable guérj_encore ^séparé de dona Sol que emmenée comm e le désespère aus- de 3on mépris, pourjtomber^à genoux dès qu'elle se jgjb du l'heure beau coup de théâtre dans ce tente en vain de se faire don Ruv. d'elle, à deux Un « Mon amie » poignard personnage si le attitudes contraires, l'époque. 156 Le pardon de don Carlos supprimera C~ malade d'ailleurs le en ôtant de sa vie tout ce qui dans Hernani, faisait la sombre, son devoir de vengeance, sa haine contre un rival d'amant désespéré. et sa douleur En un seul jour il redevient grand, riche, honoré, reprend son rang, épouse son amante. Mais sa maladie, pour s'évanouir tout d'un coup, n'en était pas L dit et moins et explicable réelle ; sa situation de ban- de banni admise, ses souffrances sont bien humaines. la même situation qu'Hernani, cette situation de « ver de terre amou- Didier, placé vis-à-vis de la reux d'une mêmes coupable envers la vie drame. Comme duire chez la « son souffle de lumière femme croit soupçons, ce mépris, ce dégoût trompé deviennent bientôt tout candeur de cet parler de sa « nuit » et de sa « la vie de Fange. un misanthrope, pour des Seul, à vingt ans, Didier, « brume de ange » qu'il comme Her- raisons différentes. amère la vie était le s'intro- qu'il croit sienne, parler lui aussi » qui ternirait la ne veut pas mêlera nani, est l'a soup- qu'il Hernani, voyez-le hésiter avant de impur », mêmes mépris par son amante lui, et ces où l'amour chaque instant des mêmes désespoirs sombres, des même çons furieux, du de est pris à étoile », scrupules, des femme aimée dans et triste ; Je voyageai je vis les hommes, et j'en pris En haine quelques-uns et le reste en mépris Car je ne vis qu'orgueil, que misère et que peine Sur ce miroir terni qu'on nomme face humaine ; ; ; me voici, jeune encore et pourtant Vieux, et du monde las comme on l'est en sortant. Ne me heurtant à rien où je ne me déchire Si bien que ; Trouvant le monde mal, mais trouvant l'homme Or je vivais ainsi, pauvre, sombre, isolé, Quand vous êtes venue et m'avez consolé. Il craignait d'aimer, tout à l'amour, amour comme il le ne il a fui sait s'il sien, ; maintenant trouvera profond et pire. même qu'il est dans une femme un sombre, lui, le plébéien désabuse du reste, qui souffre de son isolement, qui juge LA MALADIE ROMANTIQUE amèrement LE HEROS FATAL. : qui interroge anxieusement la vie, 157 destinée, la qui vit et pense en poète, inquiet sur Dieu, sur l'âme, sur la fin de l'homme. Pareil amour est aussi maladie peinture qu'il en la Vous m'aimez fait ; voyez : prenez garde, une telle parole, pas d'une façon frivole. Vous m'aimez Savez-vous ce que c'est que l'amour ? Qu'un amour qui devient notre sang, notre jour, Qui, longtemps étouffé, s'allume et dont la flamme S'accroît incessamment en purifiant l'âme, Qui seul au fond du cœur, où nous les entassions, Brûle les vains débris des autres passions? Qu'un amour à la fois sans espoir et sans borne, Et qui même au bonheur survit, profond et morne Hélas ! ne se dit ! ! ! Comme Hernani, Didier semble prendre à tâche, dans sombre inquiétude, de dégoûter de sa ; amer, « glacial » ses lui femme la qui au moindre prétexte, l'amant soupçonneux devient l'aime ; le jeux de scène : poète prend il peine de l'indiquer dans la rebute l'amour comme il rebute à dessein la reconnaissance par ses façons bourrues, et sauve les gens sans vouloir s'emplir, pour un les connaître. rien, de jalousie ; Cette le âme sombre va jour où il a soupçonné que Saverny peut avoir remarqué Marion, Didier va devant lui, tout à sa fureur, et c'est dans cette posture de jaloux ténébreux que nous le retrouvons à l'acte suivant. Aussi se battra-t-il à première occasion et se la laissera-t-il arrêter sans résistance, ces sortes de caractères acceptant peut encore assombrir leur avec joie tout ce qui somme, Marion a adieu (acte II, sort dont il est La marche se. iv) ; ni son soupçon menacé, ne En commençant, ni le le justifient. des deux intrigues a d'ailleurs une ressem- blance qui s'ajoute à Hernani ne vie. raison de ne pouvoir s'expliquer son froid voit la similitude des caractères. dona Sol que pour la Comme torturer de ses soupçons, de sa douleur, pour refuser de l'entraîner plus longtemps dans sa nuit, de même Didier, sauvé par Ma- 158 l'époque. ' refusejlus que jamais de fugitif avec elle, rion, femme sort fatal la vie de cette mener avec ce il la lui « à l'abîme profond roue » de sa destinée vient de l'enfer et Qui descendit du Le », de son la la faire briser .par lui aussi se dit fatal et méchant ; : me pour ciel donne à ciel te ; y va il lier à innocente et dévouée, de suivre aux enfers moi,, l'enfer à moi te lie. ? (III, 6.) (III, 6.) Son amante ne peut comprendre cet homme qui se dit méchant quand il est bon, qui s'accuse delà perdre quand mais lui suit des elle met son bonheur unique à lo suivre astre mauvais » il n'a même point yeux « son le courage, ; ; l'amour de se mieux cacher des sergents et de la pitié, fuir avec elle ; bonheur de ce héros romantique semble le amante, qui éclate en sanglots être de torturer son Ah ! tuez-moi, Parler ainsi : vous voulez encore si ! Et l'amant, ayant comblé la mesure, s'agenouille alors, boit les pleurs qu'il a fait verser. . Je ne parle pas ici des tristesses de Didier qui sont jus- drame même désespoir, quand il apprend tifiées par le quand, pour la seconde fois, pèlerin se livre lui-même, dont il pourrait déjouer piège toutes ses illusions écroulées, voir que la mort, quand qui s'est prostituée pour dernier moment, il il le dans naturel son nom de son amante comme Hernani déguisé en le ; se livre lui aussi à il le est il : il ; ne voit plus et ne veut plus amoureuse insulte la courtisane sauver ; Laffemas naturel encore quand, naturel aussi quand, au secoue tout préjugé, comprend l'héroïsme de Marion et lui pardonne ce ne sont pas les tristesses du drame que nous trouvons exagérées, mais seulement ; cette tristesse a priori, romantique, cette maladie Ruy-Blas a aussi la malade comme amant maladie romantique : le haut rang de ; il du temps. n'est point l'amante lui LA MALADIE ROMANTIQUE interdit atrabilaires de Didier allures les pendant est, ; 159 comme et au comble du bonheur, actes, trois LE HEROS FATAL. : il n'a il nulle raison de souffrir et de faire souffrir les autres. Mais nous retrouvons en lui l'homme romantique, plébéien le plein de génie et de rêves, qui sent sa noblesse, souffre de son origine basse et de son rang infime, qui Orphelin, par pitié nourri dans un collège, est devenu, au lieu d'ouvrier, un rêveur, puis un poète (I, 3) qui dit « A quoi bon travailler ? » découragé de bonne heure par le doute, par les « méditations sur le sort des humains », qui pensif et paresseux, amoureux de luxe : et de beauté, passe son temps Devant quelque palais regorgeant de richesses, regarder entrer et sortir des duchesses. A Bref, de la misère dorée un tombé à rêves, il est vivre : détail jamais la l'époque romantique, de caractéristique n'y eut plus de dévoyés, de il plus de suicides jamais moment par la liberté et les comme Rousseau, pour domesticité, rare, hors du théâtre, poètes c< Entendez-vous s'écrie Alfred le drame que Ruy-Blas se trouve, sa reine, cœur il cet y a toute l'ambition la qu'en l'aimant ; aucun respect dans les la fait distances que supprime les On mots : : aussi ? » vraisemblance, homme du d'égalité, hauteur d'une femme, ou bien on ne subsister, l'amour les domes- besoins du les et d'intelligence, osant porter les jouissance de la démocratie nouvelle. soi, pour contre Dans sous la livrée d'un laquais. plein de être bruit des pistolets solitaires de Vigny. C'est donc est il au théâtre qu'ils se fassent valets, et, même, Chatterton s'empoisonne pour ne pas tique. misérables, d'auteurs au désespoir, car peuple, yeux sur tout l'appétit de ne se hausse à la descendre jusqu'à le désir laisserait Ruy-Blas dit-il, sans l'époque. 160 jaloux du ...Eh oui Puisque j'aime sa femme. roi ! sans doute ! Lui aussi, effrayé de lui-même, noir que le crime ». a, comme les autres, la qui l'entraîne, d'un abîme « plus vision d'une « fatalité s Quelle plus grande maladie que de sentir se Sous l'habit d'un valet les passions d'un roi ? Guéri, transporté au ciel par l'accomplissement fantastique de ses tout son la il rêves, bonheur il que songe le dans cru les roi, il était grand choses humaines il ; ; si et ; entrait par lui la justice idéale dont avait l'amante l'amour emplissait son cœur, dont sait d'un fiévreux Dans son hallucination, dernière crise va l'emporter. s'est comme retombe dans sa maladie, n'était beauté royale ravis- la son imagination ambitieuse, puis tout s'est écroulé ; c'est le réveil, la fièvre -qui se rallume, puis l'agonie. Je suis fou, je n'ai plus une idée en son lieu Ma raison, dont j'étais si vain, mon Dieu, mon Dieu, Prise en un tourbillon d'épouvante et de rage, N'est plus qu'un pauvre jonc tordu par un orage. ; Il n'a pas d'ailleurs à cette fatalité frénésie Il une quand ; le il un seul instant l'idée de se soustraire héros romantique embrasse Didier, en venant au monde. il femme aimée, Buraraxes) ; il est ouvrier, elle il ; un obstacle fatal est bandit, elle est noble ; est atteinte est libre, elle est elle est mort à est enfant trouvé,orphelin, comme honnête, c'est une courtisane est valide, n'a son père S'il Ruy-Blas, Otbert, Gennaro sépare de la il mort avec semble donc que tout héros romantique doive traîner fatalité venger comme Hernani, il la a perdu l'amante prédestinée. pairesse il est valet, c'est ; il le est une reine ; d'un mal mystérieux [Les mariée au tyran de Padoue d'Angleterre. ; LA MALADIE ROMANTIQUE Ainsi dans ce jeune premier nous retrouvons le poète, au début, perdu dans ANTONY. : des drames romantiques l'homme du XIX e la foule, à tout, peut aimer au-dessus 161 siècle, pauvre qui aspire à tout, se sent égal de lui, malade que enfin ce nous avons étudié plus haut. La maladie romantique qui génération de poètes affectait cette au théâtre, s'est traduite dans l'intrigue par l'invention d'une situation exceptionnel- lement triste, celle société, de bandit, d'enfant trouvé, banni de la de déshérité, voué à une destinée fatale, et dans le caractère par les brusqueries, les fureurs, les désespérances morbides que nous avons analysées. Nous venons de par la Hugo et voir des esprits de premier ordre atteints maladie romantique et au grand premier rôle, qui représentent plutôt nité jeune et idéale, représentent satirique. et Ils que tandis leurs défauts, nerveux, Hernani, énigme douloureuse ; ils vie la sont position dans la société, comme Dumas desc end d 'un degré, à" 1 L'auteur Blas, sont qui est il et poétiques. victimes des événements, Antony non de leur Avec et Chatterton. de Vigny, l'art romantique soutient une thèse sociale. Antony, dont le talent devait prendre bientôt tous les caractères delà santé exubérante, ne fut temps atteint de la maladie romantique ; trop vite peut-être ettropcomplètement. ne rêva guère sur les il s'en pas long- guérit vite, Ce cerveau robuste problèmes religieux, ou moraux, ou sociaux, dont les autres romantiques furent troublés. LE DRAME KOJ1ANT. la pour eux une leurs propres passions, des circonstances, de ces deux drames de personnages ces héros, trop sensibles Ruy Didier, de n'attendent rien les autres l'huma- souvent avec une intention telle qu'elle est, et Malgré communiquant comme la principalement au jeune premier à leurs créations, Mais 11 l'époque. 162 moment un connut il la pauvreté, ses humiliations, les tracasseries lâches et imbéciles de la vie administrative, la moquerie sotte, le dédain du bourgeois, toutes dures au jeune auteur qui a conscience de sa un moment de C'était assez pour se trouver pris colie romantique, qui était dans que l'air et le choses valeur (1). mélan- la génie rendait séduisante. Si nous en croyons l'auteur lui-même, si plication à.'Antony est dans drame. Le le une pièce de vers qui précède fait, s'il est réel, sur lequel pour une femme qui un amour c'est curieux de voir ce que la L'amant élégie. effrayant sourire. *> poète a brodé, le est mariée. est Il maladie d'alors inspire de délire à un esprit vigoureux et sanguin. Tout dans cette l'ex- Cette drame le femme est déjà à noter « son complaît s'y aime, un autre qu'il l'a déjà possédée, sujet de fureur sombre, et, après lui, tout à l'heure, cet autre la possédera encore reur sombre. Lui ne reconnaît pas sujet de fu- autre : les lois de la terre, celles un qui vendent par contrat les caresses et font des baisers devoir ; il ne reconnaît pas non plu9 meurtre le ; et voilà le de crime et poète (?) qui rêve d'échafaud, car quel remède femme celles qui interdisent à sa folie furieuse Tuer ? la qui ne peut être à lui seul. Sincère ou affecté, ce délire montre assez ce que devient dans un tempérament de créole ici l'homme romantique, au amante, doit le réunir à son la poésie d'un Lamartine : lieu d'attendre l'éternité qui la sommes poignarde. Nous en face non d'une maladie morale, mais d'un accès d'hypocondrie furieuse. Cette dans le rage, sauvagerie, cette drame. Le Didier de avoir encore été joué ; il une : connu, sans Dumas société qui Voirie fragment d'autobiographie intitulé auteur dramatique. justifier la fallait était déjà de l'enfant trouvé, enfant naturel, mais dans (1) Hugo ne fit leur Comment un fait je devins LA MALADIE ROMANTIQUE homme aucune place. Cet paria qui ne peut dire même qui ignore la ANTONY. : 163 un intelligent, passionné, c'est nom son source ni de sa fortune une femme, à l'offrir un ; sujet bien pour y épancher la bile noire du romantique d'occasion, du poète employé de ministère, du plébéien venu trouvé un monde encore trop tôt dans de préjugés aristo- plein cratiques. Antony Ce est que un maniaque veut-il : lui le ; de l'hystérie c'est ; ressemble d'ailleurs: toute matérielle possession seule est la peinte sur a la folie Didier un rêveur, un poète posséder, posséder seul ? romantique. Adèle au fond il ; comme n'est point visage. le sujet de scrupules, ses Leur entourage de ses désirs, de ses remords. est comme Le problème romantique est transposé du monde de Antony n'a pas seulement les l'âme dans celui des sens yeux fixes et sombres »,, « la fièvre »; l'homme fatal a un eux. <r ; poignard, caché dans son portefeuille, et dont de cachet lui sert ce poignard, garde dans les ; un peu plus aux moments de rage, les tables d'hôtel les éclats et de voix subits ricanement satanique, les ; il il le pommeau dans un crâne boirait le ; l'enfonce jusqu'à la en tuera Adèle. Toutes poses du héros poétique, de Didier, d'Hernani, amère, le il et furieux, les l'ironie yeux fixes, grincement des dents, Antony prend, mais en habit noir et dans un salon moderne. Antony aimait Adèle dès que le colonel d'HervaxîL la demande en mariage, Antony disparaît (il ne peut lui offrir un nom, il n'en a pas). Adèle mariée, le colonel en ; voyage, il il reparaît, avide de possession ; il explique sa fuite y a trois ans, sa naissance, sa vie de paria, sa passion sauvage et capable d'un crime. Dans les bras de ce Satan en redingote, Adèle mari. Antony berge où elle faiblit, la poursuit, va passer et prend peur et la organise son guet-apens chambres communiquent entre elles Adèle retiendra l'autre la nuit -, fuit vers son devance, l'attend dans l'au- ; il venue, : deux en retient une. pénètre chez il 16*4 elle, l'époque. par balcon. le porte à Paris proie Il tient sa envoyé à Strasbourg avec liera se elle se livre. ; précautions a pris ses il ; ; chain. Adèle s'est abandonnée, elle est sa plein bal Antony, en ; prenant sa du retour pro- maîtresse : bonen humiliée déshonorée, est l'em- domestiques les colonel et reviendra l'avertir, dans lô cas d'un heur empoisonné, car Adèle Il son domestique défense, la déshonore encore davantage. Le domestique d'Antony survient, précédant de quelques heures critique Adèle : chez s'enfuit tente de l'enlever ; de sa l'idée colonel. Voilà le Antony elle. fille fait moment le l'y poursuit, Adèle au résister bord du précipice de l'adultère public. Antony va peutpourtant, quand l'entraîner être porte : Antony veut pas sa proie, lui il mais il propose de la fuir, frappe à colonel le se ravise, tuer, il ne la lâchera de sous prétexte sauver sa réputation, qu'il pourrait sauver encore rien qu'en fuyant y consent, elle ; et se déclare meurtrier sinée Dénoûment » ! naturel, il tellement la tue, la me « Elle : violent donne pour innocente résistait partout personnages les je l'ai assas- : ailleurs, ici fort nous ont habitués à leur folie furieuse. La maladie romantique une plus grande vrose bizarre, vulgaire, romantiques, victime. cœur ; il dieu, est le donné aux autres héros basse. mais non Dans beaucoup héros est une sorte de dieu, la cette né- d'oeuvres femme sa un grand esprit, un grand à son âme immortelle. Antony, au lieu d'un Mais ce héros croit avait sensibilité nerveuse, est un démon épouvantablement jaloux, qui s'immole une victime tremblante. Qu'une femme pure, une Catarina, une Maria de Neubourg, une dona Sol, s'abandonne, faible et tremblante, à à tous, à jours, soit ; romantique les l'amour d'un l'âme duquel elle homme qu'elle juge supérieur croit son âme liée pour tou- mais quel rapport entre ces héroïnes de l'amour et cette Adèle, excuses de l'autre : une Madame Bovary qui n'a pas Emma tombe et retombe dans car LA MALADIE ROMANTIQUE romanesque l'adultère par soif d'idéal de ses sens ; quand quand il du style, musculaire, cet amant fatal elle ; sa tremble même l'exagération ; déploiement de force le au torse puissant frappaient d'exaspérer Mais bourgeois. le aux rapins, plaisait aux jeunes gens chovelus de 1830 dont grand est la victime sens de l'autre dans ses bras forcenés. la saisit de joie Adèle 165 de terreur et de désir frissonne elle L'allure furibonde la foule ; les DE VIGNY. aux rugissements d'Antony, la tutoie, il contre elle est faible tête se trouble A. : plaisir le cette était ardeur de réaction contre l'art classique, qui après cinquante ans teinte de ridicule les grands .ouvrages, rend grotesques les mé- diocres. VI jChattertoix_ est aussi La maladie de Alfred de Vigny, Le sortir. un malade romantique. il s'y est même que sort injuste pensée, la tristesse de vision ou hostile aux hommes de médiocres rois du monde, démocratie de plus en plus dans l'avenir à voilà les préoccupations lectuelle, foule grand poète méconnu du voir le douloureuse d'une indifférente confiné sans en vouloir la fait peuple, haï des pouvoirs, et les la point épargné et d'orgueil n'a tristesse la supériorité intel- habituelles de l'auteur VEloa. Le poète le est le martyr perpétuel à qui pain et ne laisse que lui le suicide. la société refuse De Vigny réclame pour droit « d'écouter les accords qui se forment lente- le ment dans son âme, et que le bruit grossier d'un travail positif et régulier interrompt et nouir la ; la vie et pensée, le fait infailliblement éva- pain et le temps ». Les infortunes de Gilbert, de Chatterton, d'André Chénier, de Tasse et de Dante, tout le secours de son plaidoyer. martyrologe des poètes vient au l'époque. 166 En théorie, il a raison : de leur vivant, suffiraient à les reconnaître Oui, certes y regarder. gens délicats, les jeunes et les main mais qui ; mais délicats ? est Les ? Les rien, égoïstes et jaloux ne passent point leur temps à prendre en On nourrir aux frais de l'Etat tant, la société savait l'on y regarder Les jeunes gens ne peuvent cause d'un poète. la sait si ? connaisseurs, confrères, prétend que quelques vers il les ne peut humaine n'a jamais eu de base née du désordre désordre. Mais si et bonne au fond, la médiocrité, contre cause de la pensée et ; n'est encore qu'un ne îéforme pas l'on est c'est le pour faire des lois jeunes talents qui prometidéale, elle moins grand la société, la cause un mérite de soutenir contre pouvoir égoïste et malveillant la l'invincible mélancolie qui n'a pas quitté Alfred de Vigny en présence de cette pensée, négligée ou opprimée à jamais, désespoir calme et non tapageur qui le a fait sa vie chaste et pure de tout trafic, le mettent à un rang supérieur. Cependant à de cette attitude s'ajoute l'élément la noblesse morbide d'orgueil etd'égoïsme qui distingue Alfred de Vigny eut, d'autres finit ; il par se souffrit il est vrai, la en silence, s'absorba stériliser. De 1835 le romantisme. dignité qui manqua en lui-même à 1863, près de trente ans, l'auteur d'Eloa ne produisit qu'un volume de poésie journal d'un poète. La pensée, trop élevée, a refusé poésie d'autres inspirations que les plus sévères. que Les Destinées et surtout à et La Il et le à la faut dire liaison du Berger sont d'un poète qui n'a pas de supérieur. L'orgueil mystique et souffrant se montrait déjà chez Alfred de Vigny dans des Poèmes antiques tifiée d'ailleurs, et la préface mise en 1837 au-devant modernes, par d'avoir été le dans Eloa même, où, suivant femme et la prétention, mal jus- premier à innover, dans Moïse, les habitudes romantiques, la qui aime est uuè victime fascinée, où le héros fatal sombre, Hernani ou Antony, qui fascine la femme, LA MALADIE ROMANTIQUE : DE VIGNY. A. 167 devient cet ange déchu, au « front inquiet », au « geste impatient ténébreux », si Peu de et si beau. poètes se sont autant pris que celui-ci pour des inspirés d'en haut. Il montre au commencement de se austère dans la silence de préface, achevant son dix-sept nuits frémissant encore des souffrances qu'il m'a ; « travail le causées et clans un recueillement aussi saint que la me demande s'il hommes ». Cette émo- prière, je le considère avec tristesse et je sera inutile ou sera écouté des s'il tion n'est pas feinte tisme ; mais de Christ, et il du roman- elle est caractéristique poète s'apparaît à lui-même le ; comme une sorte chante son martyre perpétuel et sa per- pétuelle immolation. Le poète idéal, celui qu'il veut défendre, c'est le rêveur incapable de lutter, trop rêveur, trop souffrant, inférieur au grand écrivain, qu'il Vigny d'accord tomberait-il douteux cache a pour et ; il ; <i répand ses grand écrivain entière une conviction « œuvres souvent ingrat». philosophie »; Il et un sol a « médité dans la retraite sa au peuple, parle il profonde « à larges flots sur dans sa voie ceux qui croient en lui » de grandes révoltes peut-il et des haines larges et y avoir L'auteur va nous le dire : ; homme de d'un Hugo, d'un Lamartine, n ment est sain, est et calme pas malade chemin, « quelles il qu'il cher; il est stu- son exacte raison domine et dissimule voltes et les haines qui le ? « son juge- ; exempt de troubles autres que ceux ; ». à celui-là génie, qui a tout l'air che, de passions autres que ses colères contenues dieux son cœur a ; sublimes un homme supérieur cet conduit il « l'ardeur d'un perpétuel combat enflamme sa vie et ses écrits Comment C'est ? peut-être dans cette distinction que se distinctifs traits Alfred de part. de cette infériorité plus de vanité. Celui qu'il appelle le le grave » dur et c'est caractérise à rongent en secret enchaîne ses idées et ses livres », : il il œuvres pourront s'attacher à toutes les ré- se trouve sait un d'avance ses œuvres 168 l'époque. dans l'avenir ». d'âmes, entraîne du nord au sud selon son bon vouun peuple dans sa main ». Celui que Vigny loir ; qu'il tient il appelle maître de est il Dieu et souffre un prêtre est directement il de cette inspiration qui un malade. et de beaucoup lui et poète n'est rien de tout cela, mais le inspiré de C'est Enfin, « le trouble. d'une nature « plus Il est passionnée, plus pure et plus rare», d'une nature « divine», grand mot, voilà le pas l'œuvre divine et, ; par suite, inhabile à tout ce qui n'est son âme, « volant au plus petit souffle, erre dans l'espace qui n'a pas de routes humaines » hommes qui ne lors plus de rapports avec les ou rompus sur quelques points veulent dire par que là divins. pas la critique n'a — : «tendresses écrasantes et disproportionnées un sa tête brûlée » moments il ; où « volcan » se est « va il la irritable il est assez et s'y clair ; commune secrètes et des malade, et ne la maladie romantique à tous les particulière il a poètes, s'a- au tempérament vie, « se tait, s'éloigne, se retourne renferme comme Cet orgueil d'archange ; des enthou- dans l'intérieur de comme un va « nerveuse heureusement tout Vigny « de l'homme qui, lui aussi, toute sa son poète idéal, même, forme », « meurt des peines se apparue aussi complète, aussi intense. C'est qu"à maladie la il consumé par des ardeurs noble maladie d'esprit joute « ; ». Ce diagnostic n'e-t jamais du « dès « le feu couve dans ce cratère», à d'autres langueurs inexplicables », sait divinité dès lors une sensibilité trop vive, des siasmes excessifs qui l'égarent » ; la poète est plongé dans a des extases involon- le taires ». Il conserve des autres » défauts leurs commence elle : droit de les le Voilà donc pour poète. Voici maintenant sa maladie l'enfance » « dès Les poètes romantiques ». juger, et qu'elle peut bien prendre pour des traits les plus ; soient altérés et dans un cachot cette maladie comme sur lui- ». ne sont pas comprend Alfred de encore une imagination puissante, une âme qui le poète, tel que le LA MALADIE KOM ANTIQUE: CHATTERTON. 169 retient et juge toute chose avec une large mémoire, avec un sens droit et pénétrant, une nature d'élite, impatiente de a les dégoûts, les froissela méchanceté et de la médiocrité ments et les résistances de la société humaine le jettent dans ; des abattements profonds, dans de noires indignations, dans des désolations insurmontables, parce qu'il comprend tout trop complètement et trop profondément, et parce va droit aux causes, oeil d'autres yeux qu'il à s'arrêtent n'est pas là le vrai poète de Vigny lui-même, sur la limite où penseur trop attristé, et se choses. il Le montre « où le ; la surface. ces dispositions d'esprit est sorti rialiste Alfred vrai poète, d'ordinaire, ne voit pas aussi loin Chatterton. Ily gence comme poète devient un le par dégoût du fond des tait enfin chante parce qu'il ne voit que De combattent ». Ce qu'ils l'effet celui-là est surtout, : que son déplore et dédaigne, quand drame-thèse de le par une société maté- l'esprit étouffé calculateur avare exploite sans pitié l'intelli- et le travail. Il a c'est l'histoire et qui attend la d'un voulu que sa fable fût très simple homme qui a écrit une lettre réponse jusqu'au soir ; elle arrive et : le matin le tue ». Fort heureusement d'autres personnages sont mêlés à cette histoire, sans animer assez glais, avait le tempérament romantique, le drame. Chatterton, le le comme An- plus apte à recevoir la maladie spleen des poètes français. Pour peindre sa misère, l'auteur le montre logé dans une chambre garnie chez des marchands promis par : traité là à n'y pouvait réussir, il s'efforce de finir à jour fixe le un il libraire a pris le ancien ami de son père, et de attend tel le résultat chez ; le parti d'écrire au lord-maire, lui demander protection. Il de sa démarche. Le dégoût de lui qu'il est prêt au suicide réussit pas. 11 se tue en effet poème jour venu, voyant qu'il cette si quand la la vie est démarche ne lettre attendue lui apporte une place de valet de chambre. A peine paraît-il, que nous visage pâle, il est « faible voyons la maladie sur son de corps, épuisé de veilles et de / 170 l'époque. pensées », malgré bottes molles et son air à la fois ses militaire et ecclésiastique, petite vanité de l'auteur qui à fait ressemblance, sa pareil cas. Le caractère ni Le le principal est trait scepticisme absolu sur est bien plus le homme où il découragement le vie et la ; ne veut même pas éviter les coups de ses ennemis ; Dieu ; lui, cette force persuadé que choses qui des c'est la volonté divine et~ctes~ vie des la force lutter, se raidir contre les obstacles, c'est résister à pour il ; est : au suicide par et Chatterton son caractère. Dans cette situation, ilji e lutt e choses et plus, au que tout commencement la pièce moment morbide dans la est acculé il homme autres héros romantiques les précisément l'étude de ce d'un monde le malade que au suicide dès est décidé et est beau, quoiqu'il ait le défaut, point de vue du théâtre, d'être celui d'un éloigne d'agir. l'a militaire l'air molles aient rien à voir en ni les bottes ecclésiastique, que sans : pousse au suicide, le pourquoi résister ? Chatterton est vocation poétique est d'inspi ration c éleste, la comme une considère lo rs~~se que l'inspiration plus forte lui ; victim e c'est le fatale de thème ro mantique par excellence. Chatterton dit un des plus beaux mots qu'ait aux inspirés nature divine poètes ; mais qui est âme Il romantiques y a aussi de l'ai la Il la louée à l'heure et vendue. » maladie dans est sorti tude, celle de la poésie ou plutôt, tout à vivre. Enfin, <r : immortelle, je de Chatterton. le : muse, il il le soit-elle, s'est plus le libraire il rappelé qu'il fallait sans pitié dont il est s'acquittera à jour fixe manuscrit d'un ouvrage nouveau. L'ouvrage n'est pas prêt : le désespoir l'envahit- Ce désespoir vient vite. Si Chatterton n'était pas déjà malade, ger noble ; ne a signé avec il la fierté, si du collège avec une seule aptia donc voulu vivre de sa muse débiteur un traité par lequel avec vénération de leur la mot d'un sublime qui confine au ridicule, sublime J'ai manqué de respect à mon la situation ; il obtiendrait un il sursis. trouverait à arran- Ce qui te menace, LA MALADIE ROMANTIQUE! CHATTERTON. comme une c'est la prison, qu'il considère méprise, les courage cette persécution de comble pour Chatterton lutterait encore, la vie le Il est âme immor- n'aura pas davantage lord-maire et son offre d'accepter cette place, où celle avec mesure connaissant les revirements possibles de vite supérieur à sa situation, montre impropre à ridicule, se il la force encore montrerait si qu'une meilleure en sortirait fatalement. Chatterton d'ailleurs ne le la un homme dune santé ordinaire ; pareil traitement. de mépriser moins Mais la société. Chatterton ne peut supporter pour son : un telle fond des le qui devrait envisager et i un dés- honte, honneur, idée étrange chez un poète qui voit hommes, qui 17 la lutte, pouvait vivre. Ce qui c'est son début poétique. Il porte la peine, presque méritée, de la supercherie qui lui valut une célébrité prématurée. L'orgueil de frapper vite un grand coup sur une son style et société blasée l'amène à travestir son nom, idée romantique, Delorme, mais dont sera victime il ; celle à être mystifiée. Aussi Chatterton, après avoir de Joseph n'aime pas société la admirer fait nom du moine Rowley, voit le doute s'élever prétend de lui, et un Zoïle nommé Baie prétend ses vers sous le quand il même savoir que les vers n'ont été que traduits par les d'un moine du x* les siècle bourgeois de croire poser qu'un jeune aussi cette Il y lui et les rôles. ; le les un grand nommé quand ; car comment sup- du génie ? dernière goutte du calice.. de dix-huit ans cri quaker ait est aussi la misan- misanthrope que hommes. L'auteur a même c'est le ; fort quaker qui s'en charge. Cette la véritable beauté de d'alarme poussé. dramatiques ont souffert un puis, Baie Chatterton souffre et émeut, mais ne misanthropie est d'ailleurs a là Rowley Chatterton n'empêchera pas est-elle la accuse autant soutient pas la thèse y et de maladie certainement dans thropie de Chatterton bien divisé le homme amertume a moins ; elle leur a moment de apporté des la pièce : il Les autres poètes rn.Ulio.ns. la démocratie ; de lecteurs et L EPOQUE. 17 2 une fortune, et avec réconciliés il la réputation et la popularité, elle. père de nos pessimistes actuels. est le viendra comme d'or pour souverain et hommes reaux ï>. se ton cœur, elle pontife se sont <r La ; société de- aura pour Dieu un lingot un usurier sont divisés en deux parts La ils Alfred de Vigny esc resté triste : Les juif... martyrs et bour- pièce est par-dessus tout une satire sociale. Cette satire aurait plus d'autorité si moins d'orgueil montrait. Mais l'orgueil est une maladie romantique. s'y LIVRE V LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES L'AMOUR I. L'amour classique et l'amour romantique. L'amour roimntique est un retour à l'amour chevaleresque, né des mœurs germaniques et du christianisme. C'est plus exactement le spiritualisme dans l'amour. que. — Jean-Jacques. Naissance de l'amour romanti- II. L'amour dan3 Lamartine. Jocelyn. — III. L'amour roman- Marion. La l'amour passion purifiante courtisane amoureuse chez La Fontaine, Lamartine et JeanJacques. Réhabilitation de la courtisane. IV, L'amour jaloux Hernani, Ruy Gomez, Marie Tudor, Christine. V. L'amour ingénu Blanche, Catarina, Marie de Neubourg, Ruy Blas. au tique théâtre : : — : — : — VI. mour L'amour libertin : etle devoir conjugal clusion : la . — : Différence entre l'amour classique et l'amour romantique. L'amour dépeint dans férent de — VII. L'adon Carlos, François L* r ConCatarina, Marie de Neubourg. le drame romantique est bien dif- passion qui parle dans les tragédies classiques. Habitués que nous sommes aux passions de notre époque et de notre littérature, mesurer la il nous faut faire un effort pour transformation. Elle peut s'indiquer d'un mot. tisme en poésie est un retour aux De même que le romanmœurs et aux sujets che- valeresques, qui se combinent avec l'inspiration moderne LES PASSIONS ET LES CARACTERES. 174 même de spiritualiste, et l'amour romantique retour à l'amour chevaleresque, modifié par lisme du XIX e pris de l'amour femme, le méL'amour cheva- chair et glorifiait la virginité. germanique leresque, c'est l'amour de n'est pas véritablement l'amour doctrine chrétienne n'enseignait que la ; la un c'est spiritua- siècle. L'amour chevaleresque chrétien le antique, et le prix Marc-Girardin c'est et ce qui le distingue ; respect le grand plus de la singulier attaché à sa défaite; Saint- définit dram. xxxv) bien [Littér. très le caractère particulier des Walkyries, leur chasteté farouche qui n'épouse que leur par On la saisit la tendance sera vaincues le est la vie fini. arrive à des idées dégagées sur Le prix attaché d'abord à vénération pour la la virginité Au désirée femme Et fatalement, le but de le drame de l'amour moyen âge en même. La ""femme la vertu du chevalier et vaincue, la fois déjà, là, une tendance à spiritualiser l'amour. moyen âge fait la Une vainqueur. « passion, ce n'étaient plus que de simples femmes. » par le ; le la mariage. christianisme, Vierge mère de Dieu, sont des éléments chrétiens qui peuvent entrer aussi dans l'amour chevaleresque mais n'oublions pas que c'est aussi bien l'esprit ; germanique qui s'empare de Marie et lui donne l'importance qu'elle a au moyen âge. Car c'est plutôt dans sens du platonisme que le le christianisme modifia l'amour germanique ; la vieille poésie germanique donne pour but au chevalier de poursuivre et de vaincre la Walkyrie la récompense attachée à sa défaite ; fait le prix de la vie christianisme, sa dame, même lui de son donne. faisait et « dans la ne veut pas la propre amour La chevalerie modifiée contente se chevalerie défaite et , ; de il des vertus dit par le l'amour de se contente que l'amour Saint Marc-Girardin, une tentative qui n'a jamais réussi quoique sou- vent essayée, maines ; chevalier le et la tentative particulièrement de se servir de l'amour des passions hu- pour conduire L'AMOUR PAÏEN l'homme à jusqu'à Dieu, un acte d'abnégation On saisit bien là échapper à et surtout fait au-dessus des de l'amour pour sens, satisfait et se en amour un but un faire qu'il n'at- Le platonisme, celui de Pétrarque, celui de du moyen âge enlaçant étroi- teindra jamais. est le dernier effort tement, dans un embrassement où tinguer, la femme Mais avec et la croix, ; ne veut plu? il les dis- l'amour et Dieu. Renaissance l'amour redevient païen la platonisme n'y est plus qu'affecté poésie moyen âge femme et dame sert de l'homme des temps effort idéal, c'est-à-dire se proposer Dante, sa pas N'a-t-il s'élever tristesse la la de sacrifice ? grand le pour chevaleresques sauvé. est le pour bien qui sert celui ; il 175 Aussi id.) l'amour identifier Dieu l'amour pour bien son dram. la vertu. » {Litt. allé est-il RONSARD. : : c'est un mot ; le d'ordre en l'amour platonique est un thème que l'on rebat sansr. conviction. On encore de aimée, tout en étant capable mort des sonnets pour une dame en cette prière toute païenne femme plus pour désirer la ne se cache idée. faire jusqu'à la On lui adresse : Cueillez, cueillez votre jeunesse Ronsard répète sur tous les ! tons ces vers de Catulle : Vivamus, mea Lesbia, atque araemus Nobis, Nox Dès dédaigne on terie règne à le littérature plus occidit brevis lux, perpétua una dormienda. lors la chevalerie est âge, la quum semel est la il on ; cour, les morte mœurs y n'y a .plus un du but en amour, parce est la satisfaction des sens. à l'idéal chevaleresque ; les on s'éloigne du moyen ; redevenu païen. La galan- est qu'il M" e sont légères. d'amour idéal est ; Dans on ne parle entendu que ce but de Scudéry seule s'attache autres écrivains étudient canisme de l'amour, sa psychologie ; le mé- mais on s'arrête au 17G LES PASSIONS ET LES CARACTERES. moment où la passion est comme au vaincue ou victorieuse seuil de ce qu'on ne doit pas dire poète étudiera avec le ; mouvements de la passion mondaine et termais quand il l'aura fait, il s'en confessera et se restre retirera dans la dévotion. Le siècle est, en amour, dévot et galant, rien de plus l'amour ne sort plus guère du boutout au plus doir et du salon, surtout dans la tragédie génie tous les ; ; ; s'aventure-t-il sur les dans le imaginaires rives pays de Tendre. ignore Il s'il de pastorale, la y a un Dieu et une nature. Rien de plus noble que Lafayette roïque ; mais l'amour Ils Mme de héros de Corneille et de triomphent de l'amour après une lutte hé- ils : les sentiment du devoir est élevé chez eux, si le l'est moins, et c'est pourquoi n'ont point un idéal de l'amour. Racine exprime toute ils triomphent. en Certes l'Hermione de violence déçue, toute la fureur ja- la louse de l'amour qui cherche en vain à se tromper en représente toutes tendresse délicate amants ne voient , de Racine dont la ; ; Junie grâces, toute la douceur, toute la les au mais, pensée aille de delà rien. Il n'y a pas la possession, les un héros ou une héroïne au delà de l'aveu et du bon- heur charnel. Au dix-huitième siècle, a galanterie les femmes même s'y font les sens sont tout dans l'amour; disparaît devant moins André Chénier peindre la volupté la des mœurs hommes se mettent prier, les moins en dépense de délicatesse épuise avec la facilité et La d'esprit. couleurs les les plus plus enchanteresse ; ; poésie tendres à tout ce que l'amour sensuel peut encore avoir de plus suave et de plus exquis, il l'exprime et le respire, mais enfin il n'y a là qu'un poète aux pieds d'une courtisane ou d'une mondaine facile. André Chénier, génie par que la la arrivé à trente ans, frappé en plein Terreur, trouva à Saint-Lazare une autre volupté : l'indignation ; il l'étreignit port f.irouche avant de monter à l'échafaud. muse avec un trans- LAMOUR DANS ROUSSEAU. J. J. 177 II Mais J.-J. Rousseau, qui appartient à un monde nouveau, fait la renaître l'amour idéal, du spiritualisme, Aimer une femme, quoique épurée par foi, la idéal qu'il avait oublié. comme au moyen bientôt, tout vertu. la que l'imitation de romantisme, l'avènement ramènent l'amour à un raison, ne Et retour à le même avant littérature chevaleresque par le une âge, l'amour sera sera aimer Dieu. ce C'est de Rousseau que date pour la seconde fois ce paradoxe romantique qui consiste à foi supérieure. C'est faire de l'amour une religion, une quelque chose d'absolument neuf que passion pleine d'idéal et de volupté à la le cœur de et osé ; cerises, ce jeune vagabond, de ce petit bourgeois, timide à respirer filles, me charme beau jour plus au cœur, ma goûtés en j'ai la verdure et à que que sais plus, me celle d'aucuns mes vie... comme les vôtres, comme dans en la mémoire d'un plaisirs plaisir passion, ; même il trouve que j'aie que vous n'en aurez commençant tout au plus par madame Basile, amours de Rousseau pour ma- dame d'Houdetot, si les sens ont une part, ils part. L'amour est à lui-même son but, de lui-même si revient y trompez dans mes amours scène muette avec plus tard dans les me lecteurs, ne vous peut-être eu plus de jamais dans la touche plus, en finissant par cette main baisée, là. » Ici, des cueillir emportait dans son cœur un bonheur singulier il pour une main baisée. « Je ; la qui remplissait après une journée passée en tète à tête avec deux charmantes pas fois, n'ont que leur il se rassasie en lui-même son bonheur repoussée, est une félicité, ; la l'amant adore, et peut se résoudre à brûler en silence et à jamais pour un objet impossible à atteindre. dans la On voit pour Nouvelle Héloïse une passion LE DRAME ROMAJNT. la première luttant fois victorieu12 LES PASSIONS ET LES CARACTERES. 178 elle-même et renonçant à son sèment contre arrière-pensée, pour l'éternité, parce qu'elle se même. Dans les romans du sacrifier sa passion à XVII e son devoir ; un lui-même à sa passion ; l'amant de Jean-Jacques son amour effort héroïque, anéantissait lui rien céder, le nourrit et l'exalte nier de l'orgueil et de la foi et la destinée immortelle immortelle elle et tire : l'un ni l'autre, se sa- premier domptait le ; il le ; y a et, dans ce der- dans l'essence divine la foi âme comme de l'âme, l'orgueil que cette d'un sentiment qu'elle sent immortel qui l'élève au-dessus du corps et de ses désirs L'amour de Rousseau Révolution qu'il par second, sans amour-là peut rester tout-puissant dans l'âme sans l'autre à elle- l'amant savait siècle, Rousseau veut, sans compromettre ni crifier sans objet suffit était ; cet l'avilir. né du spiritualisme et de la inaugure, l'un redonnant un essora l'âme, ouvrant au plébéien les portes la vie publique. de C'est le grand qui aimait auparavant, c'est le peuple désor- mais ; et l'amour puisera en lui des aspi- des énergies, rations toutes neuves. Mais bientôt Dieu lui-même, menace doute, qui a tué les dogmes, le et la foi, douloureusement ébranlée, déses- pérément retenue par ceux à qui elle échappe, devient ce que nous avons appelé la maladie romantique. Les poètes se pour grandir l'amour travaillent alors lui-même une foi l'amante en Dieu . : l'amant Il est ; il tend à être aime Dieu en l'amante et certain qu'il y eut un moment de l'époque romantique où l'amour fut plus grand, plus divin qu'il n'avait jamais été que l'amant, et c'est là l'excès, ; plus pur, mais aussi peu s'en faut dans la conscience de son origine céleste, ne s'adore lui-même dans l'âme à laquelle il unit et identifie la sienne. Lamartine qui l'occupe et il est plus rempli de ; il est plus fier lui-même que de la femme d'aimer qu'il n'en est heureux, ne peut s'empêcher, dans l'expression de sa tendresse, de faire réflexion sur le boûheur de celle qui est aimée l'amour romantique avec tant de génie. Heureuse la 179 jocelyn. : beauté que poète adore. le ! s'écrie- t-il, Tu peux, tu peux mourir ! Dans la postérité lègue à ce qu'il aime une immortelle vie, Il Et l'amante et l'amant, sur l'aile du génie, Montent d'un vol égal à l'immortalité ! Jocelyn est le poème dont Lamartine voulu faire a l'épopée de l'amour, tel qu'il l'entendait et tel que par lui des milliers d'amants l'entendaient à son époque harmonie préétablie de deux âmes entre à cette formule qu'aboutit l'excès a choisi élève entre les parmi deux âmes vœux du traqué par les devoirs le la Une sommets des Alpes. On sinue dans son la plus saint, celui qui sait il renoncement du un cloître ; trouve une retraite sur les comment il partage bientôt cette un orphelin vie avec l'orpheline qu'il prend pour sous l'apparence de révolution vient arracher solitude et au bourreaux, les et Révolution. la barrière la plus infranchissable: la sacerdoce. jeune diacre à car c'est du spiritualisme ferveur amoureuse après les tristesses de Le poète union et : elles, ; comment, trompeuse d'une amitié fraternelle, âme un amour qui la s'in- remplit tout entière, qui bientôt, partagé, s'exalte chez tous deux par la solitude, sous dans de Dieu censé présent, amour violent mais calme l'qgil la certitude rien de la terre de l'union et de la amants, frappés soudain dans cette jamais par les vœux indissolubles et bientôt par la souillure deux possession éternelle que ne viendra troubler comment ; félicité, du les deux sont séparés à prêtre, par l'absence de l'amante qui, incapable d'aimer a cherché dans l'ivresse malsaine, dans le dégoût amène, dans une mort de soi-même cherchée avec fois, qu'elle désespoir, l'oubli de la douleur éternelle rapproche comment les le deux amants au lit ; comment de mort le hasard de Laurence, prêtre Jocelyn absout et envoie au ciel la péche- resse dont l'âme, sauvée par l'amour, est restée pure. Mais LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES. 180 ce pardon et le suprême de baiser point seuls réunis ; Jocelyn mort, seulement associés dans point âmes doivent pas assez corps, et, du poète, : deux âmes, dans une vision, et les au ciel ; fait ont les deux ce n'est même ; retrouvent leur ainsi unies, elles resplendissent aux yeux se déifient dans l'immortalité mains l'amour a les deux corps ne sont même tombe la s'unir et s'identifier ces mourante ne la ! De deux hu- des dieux, Vêtus d'air et de jour au lieu.de vêtements, Se tenant par la main ainsi que deux amants... Et, comme pour venir assister à leurs jeux, Tout ce qu'ils appelaient ressuscitait pour eux; Et les plantes croissaient à leur seule pensée. Puis le monde entier accourt à ces noces célestes, que célèbrent des millions de génies, deux anges descendent, et c'est l'apothéose finale Et pendant Aux : qu'ils chantaient, les anges du Seigneur doigts des deux amants rougissants de bonheur le double anneau des noces éternelles, Et sur leurs fronts baissés ouvrant un peu leurs ailes, Laissaient percer du ciel un rayon de l'amour; Et mes yeux, foudroyés de ce céleste jour, Virent les deux amants ne former qu'un seul être Passaient Où l'un ne pourrait plus de l'autre se connaître, Et, dans un lumineux évanouissement, Fondre comme une étoile au jour du firmament. Et comme, pour mieux voir, je détournais la tête, Tout le lac frissonna du vol de la tempête, Et roula dans ses bruits, avec solennité Laurence Jocelyn Amour Eternité : ! ! Je ne parle pas de ce ! ! qu'il y a de puérilement théâtral dans cet épilogue, ajouté d'ailleurs après coup, dans ces anges qui couvrent soin de laisser haut ; les amants de passer par je ne parle pas non un leurs ailes en ayant bien petit coin la lumière d'en plus de ce caractère sacré que le poète a donné à Jocelyn, de cet orgueil égoïste d'un amant L qui aime pour AMOUR ROMANTIQUE lui-même : et se laisse JOCELYN. 181 — on souffre aimer, d'entendre Laurence mourante parler de Jocelyn d'un Dieu dont à tout prendre, <r il y a bien là, dans cet hommee, de petitesses, un idéal regard de Dieu, loin des le haines et de leurs crifice renoncement obscur vie de le fait y il a dans ce sa- à la religion, dans cette de charité, une grandeur et ; de même on trouve dans cette entrevue prêtre pardonne, dans cette réhabilitation morale incontestable suprême, où leurs villes, de leurs ; de l'amour que Jocelyn comme — âme » mais amour épuré sous l'image a consacré son de l'amante qui a souillé son corps, dans cette apothéose de Laurence transfigurée, de Laurence pure fut jadis avant sa chute, tienne ! une idée noble chré- un peu impressions que donne le Peut-être, car, avouons-le, tout cela est visionnaire. Mêler à l'amour les spectacle de la nature, c'est bien pris et qu'elle et telle et peut-être ; mais n'y a-t-il pas parti procédé à faire vivre des amants dans cette solitude, au milieu des glaciers, sur lesommet des montagnes, pour nous les montrer déjà flottants dans le ciel ; comme n'y a-t-il pas excès à mettre ainsi l'amour au-dessus de toute chose humaine, à diviniser les égaux de Dieu Voilà l'idéal les romantique. Que de vies au rêve de l'impossible plus qu'une le veulent c'est amants qui deviennent presque ? ! Prenez monographie de les réalistes il jettera en proie Madame Bovary, c'est l'adultère bourgeois, qui font de Flaubert un des bien comme leurs ; l'admirable peinture des ravages faits dans l'âme d'une jeune bourgeoise par l'idéal amoureux de Lamartine. III Ainsi la grande ambition des poètes romantiques, c'est transformer une d'agrandir, de purifier l'amour, c'est de passion qui était une source de faiblesses en un sentiment LES PASSIONS ET LES CARACTERES 182 vertueux qui ramène l'homme à Dieu, à conscience de théâtre du temps tous les la son immortalité. Nous retrouverons dans traits caractéristiques le de cet amour, moins les exagérations lamartiniennes. Pascal a dit: « Cet oubli de soi que cause l'amour fait naître des qualités que l'on n'avait pas auparavant » lui. Ce il ajoute ne peut subsister à côté qu'une mauvaise passion ailleurs de et ; pour les romantiques que, né dans n'est point assez une âme bonne ou neuve, l'amour soit le mobile de nobles il faut encore que par une conséquence toute actions ; naturelle, jeté dans la rachète et disse, une âme légère ou purifie la souillée, sorte de ; il l'agran- transfiguration morale. Marion de Lor'me est le meilleur drame de Victor Hugo, le le plus moral; c'est le seul des drames mo- plus pathétique et dernes qui soit comparable aux drames d'Eschyle et écrase l'âme par l'idée Ajoutez que tithèse y d'une fatalité inéluctable. c'est celui qui a le est supportable ; moins de défauts. L'an- plus tard le poète essaiera de rendre sublime un bouffon, d'apitoyer sur une scélérate seul dans Marion de Lorme au moins, l'amour chasse elle ; avec un bon sentiment il voudra faire oublier les crimes et incestes ne reparaît que par héroïsme, et alors amour nous émeut, sans nous révolter la ; la courtisane, courtisane par comme une énorme invraisemblance. Donc Marion aime qui n'a connu que et mal né. Elle ; la richesse, ne vit plus du peuple qui persécuté par bat, le voilà qui a vécu dans les fêtes, s'éprend d'un homme pauvre quitte tout pour le suivre. Didier veut Paris, se réfugier à Blois elle femme la elle quitte ; fuir Paris et vient à Blois que pour cet enfant trouvé, pour cet ; homme comme un homme. Pauvre déjà, il sera une fatalité insulté par un noble, il se arrêté, proscrit. Marion n'avait jusque-là est que du désintéressement ; ; du jour où elle accepte la vie AMOUR PURIFIANT: MARION DR LORME. L avec ce proscrit, c'est à deux, sous la fuite Pour et errante. elle bonheur ne dure le dévoûment qui commence, c'est un déguisement, la vie hasardeuse a y il est repris, jugé, Elle se traîne partout suppliante, gardes, devant n'est rien puisqu'elle aime, ; il à genoux ne peut dona cette les cela est juste qu'elle soit mal- même avec cardinal. le heureuse avec celui qu'elle aime, qu'elle meure lui si elle devant Tout devant roi, un bonheur. Ce condamné. encore là pas. Didier le 183 sauver. Marion n'est jusque-là qu'une le Sol. Voici le tragique ; voici ce qui arrache la pitié femme, qu'un grand amour a ne sera pure purifiée, pour personne. Son passé, ce passé qui n'est plus pour ce passé devant la : elle, expié par la passion, se dressera à chaque instant elle, pour courtisane l'insulter, pour lui refuser le droit abreuvée de montera, le fiel, d'aimer; de calvaire l'amour. Son Saverny passé, c'est qui Marion, Saverny qui la qui ne peut plaisante, croire à la pureté et à la sincérité de ce nouvel amour courtise, c'est-à-dire de méprise la ; mensonge qu'elle fait à Didier, qui vient d'entendre la voix de Saverny et qui soupçonne, mensonge qui vaut à Marion son propre mépris à elle. Son passé, son passé, c'est le de refuser que mariage c'est l'obligation qu'il lui Didier qui lui vaut la colère, les soupçons, les lui offre, refus fait doutes de Didier; c'est ce livre « oublié sur sa table, Lorme Ah Son La guirlande d'amour que Didier trouve par hasard vaut l'insulte que Didier, sans de le la connaître, fait : il » lui à Marion : ! vile créature, impure entre les femmes ! passé, c'est Laffemas, la convoitise féroce, qui torture l'amante pour avoir la femme. Son passé, c'est le Didier, qui enfin l'insulte en face, dans la mépris de cour du château découvre Marion sous Marie. Ce passé de Nangis, quand il la poursuit sans relâche, il lui crie à la face : Tu es une , LES PASSIONS ET LES CARACTERES 184 courtisane, et tu ne seras, quoi que tu fasses, tisane tu n'as pas le ; qu'une cour- droit d'aimer, ou pour aimer, tu te prostitueras. Ce passé ne la frappe pas seulement la frappe, Didier, parce qu'elle ne veut pas dégoûté, de la vie en duel, s'échapper de sa prison, n'était que malheureuse, délicat il elle ; il se fait arrêter, pouvant à la mort. Marion livre la il amant. l'épouser, va se battre se devient sublime. on peut trouver osée ; en elle-même, douleur plus grande encore, dans son Le point est conception romantique ; après tout elle n'est pas inadmissible. Marion se résigne à amour. La situation souillure par la comme Euripide, Hugo frappe fort est il ; extrême, mais faut trouver du cette pudeur que nouveau. Elle sacrifie donc à l'amour jusqu'à l'amour redonnée. Suprême et écrasante victoire lui avait de son passé sur elle, que personne ne coup de grâce de reproche, lui souffrances éprouvées. lité toi Ce n'est la fatalité effacée à défaite ; l'avance par pasLaffemas, c'est la les fata- qui lui crie jusqu'au bout: Vends-toi pour aimer, vends- pour sauver l'homme que ton amour a perdu bourreau. — et livré au Elle se vend. Avant de céder, à genoux devant la porte de la prison qui ne s'adresse pas à fait une prière jnuette elle Dieu, mais à Didier, et voici, sans doute, ce que, dans pensée du poète, dit Marion : <r pardonneras pas, peut-être, mais mon Didier, tu ne je t'aime plus que la me moi- même, je t'aime pour ton bonheur et non pour le mien, j'aime mieux ta vie que ma pudeur, j'aime mieux que tu mais il sois vivant et moi misérable. Vis et méprise-moi : faut t'aimer plus qu'aucune femme ne t'aimera pour faire ce que je fais, pour te sacrifier la virginité que je tenais de ton amour et me refaire infâme pour C'est sublime et cela frise le grotesque, toi. » comme presque toutes les idées romantiques. Mais Marion n'est point au L'AMOUR PURIFIANT bout de son calvaire leur en douleur, n'aura pas : Et il ; elle même la joie amère comme elle : la prison s'ouvre ainsi, ici ? pour n'être l'avait prévu, jurer amour pas crue que c'est par le de son sacrifice qui vous êtes-vous prostituée faudra, lui 185 suprême expiation, lorsque, de douest parvenue jusqu'à la prison, elle Pour que devant vos pas A MARION DELORME. qu'elle a tout fait, et accepter mépris de Didier, et voir son sacrifice refusé. Frappe-moi, laisse-moi dans l'opprobre où je suis. Repousse-moi du pied, marche sur moi, mais fuis. Ne me refuse pas, tu sais ce qu'il m'en coûte. Cette malheureuse sera-t-elle repoussée jusqu'au bout Mourra -t-elle maudite par celui à qui elle Le poète l'avait voulu ainsi d'abord Didier : se traîner la sur les genoux, et, mort. Puis il changea Didier pardonne fort que le qu'il Marion avec passion lui pardonner, A il lui ; il lui pardonne demande pardon à ; il fait ; il étreint plus que de : l'heure où je suis, cette terre comme une ombre Au nom du Dieu vers qui te allait un second dénoàment; veut avoir et qu'il n'a pas S'efface Je fit ? Marion son amour éclate invinciblement, plus ; mépris une parole, sans d'avis, a tout donné laissait ? bouche est sincère... mort va m'entraînant, et la la pardonne. MARION ciel ! DIDIER A Pardonne-moi ton tour maintenant, ! Lequel des deux dénoûments est rêter, car enfin, vrai dire, le le meilleur ? auquel s'ar- pardonner ou ne pas pardonnersontdeux? A drame n'est pas dans la fin, il commence avec la première scène, avecla première insulte qu'endure Marion. LES PASSIONS ET LES CARACTERES 186 D'une manière spectateur le ; de l'autre et Marion poète pardonne et aussi le est lavée parce qu'elle a souffert premier dénoûment, Didier plus antique, car gardant à jamais outragée et y a dans ce drame quelque il impitoyable des anciens la fatalité Montrer ! jusqu'au femme amour qui aime romantique drame bourgeois première faute suite, , il ; et le Marion de Lorme, la que roman vont la quoique ce sujet du poète, la respect humain, avant tout vaincre la fatalité et amnistier Euménides le tribunal des la fatalité la originelle qui suit c'est , nom victime hommes, triomphe de après Oreste. Eschyle dit aux dieux, à ; la dans ainsi Athéné la religion au monde Tu ne : seras les et acharnée fatalité : Vous ne serez point implacables daus votre vengeance. Victor dit en- de l'amour pour de tolérance, représentée par l'idée le premier dans l'intention intervenant au pitié Didier-là ce exploiter. souillure soit le cette aime d'un une thèse que soutient déjà c'est aux pieds de parce qu'elle lui, en Didier fondant juste, s'humiliant fier, plus sans bornes et sans est bien femme méconnue grandir peut-être bout, c'était la encore, c'était en faire une victime. amour, Didier pur, chose de cette mépris de Didier mourant, le ; plus grand, est inflexible, le mais Hugo dans ton point inflexible mépris. L'idée de Marion pas même Boccace deLorme n'est pas inouïe ; elle n'est neuve. et La Fontaine ne d'élever trop l'amour génie à idéaliser la ; sont pas soupçonnés certes ni l'un ni l'autre ne sont portés par passion, à la plier par force à des thèses sublimes et chimériques; et pourtant ils ont placé l'amour dans une courtisane. La Courtisane amoureuse de La Fontaine est un modèle d'étude délicate. Il veut conter Comme une de ces femmes Qui font plaisir aux enfants sans souci Put en son cœur loger d'honnêtes flammes ; LA FONTAINE ET LA COURTISANE AMOUREUSE. et cet amour est profond, ajoute-t-il. Jusques au vif La et des 187 voulut la blesser (L'Amour). il courtisane est, comme celle de Hugo, des plus riches mieux apparentées. Mettre à ses pieds la mitre avec la crosse, C'était trop peu. Comme la dans Marion, quand pudeur la passion vraie Ta purifiée, reparaît. Constance n'eut Que l'amour au cœur devenue. sitôt la voilà craintive Elle n'osa déclarer ses désirs D'autre façon qu'avecque des soupirs. Auparavant pudeur Ne Elle ne sait comment aborder l'homme teux d'elle et de sa la ni retenue l'arrêtaient. vie, rougissant au qu'elle aime, nom courtisane est transformée, elle a disparu On Chez n'en est plus dès le elle aussi, la moment fuis d, dit ; : qu'on aime. honte cède à l'amour marche sur moi, mais hon- seul de l'amour Marion Constance vous adore «Méprise-moi, : ; et la Romaine : ; Méprisez-la, chassez-la, battez-la, Si vous pouvez, faites-lui pis encore : Elle est à vous. Le même sort l'attend ; celui qu'elle aime l'insulte. Femme qui vient se produire elle-même N'aura jamais de place à mes côtés. Enfin, quand Constance a passé par cette torture et de plus grandes encore, et qu'elle éclate en sanglots, que fait Camille? Il lui pardonne; mieux encore r touché, malgré-lui, LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 188 par la tour ; puissance irrésistible de l'amour vrai, mieux encore, il la veut pour il femme l'aime à son : Je me déclare aujourd'hui votre amant Et votre époux, et ne sais nulle dame, De quelque rang et beauté que ce soit, Qui vous valût pour maîtresse et pour femme. Voilà l'estime, l'amour, dans le XVII e dit la le pardon, les limites la réhabilitation de ce sentiment tel même par que l'entendait La Fontaine, dans son épicurisme gracieux, même chose que l'ardent spiritualiste de 1830 siècle. : Ce que la belle avait donné de plaisirs en sa vie, Compter pour rien jusqu'alors se devait ; Pourquoi cela ? Quiconque aime le die. Pris et On trouvera une analogie plus saisissante, sur tion morale l'épopée du pardon accordé, entre qui un amour la ques- drame de Hugo et lui aussi a mis en scène une non pas une courtisane souillée d'abord, en de Lamartine, qui courtisane, et le ensuite la souillure efface c'est la souillure qui vient ; dans Jocelyn après l'amour, et l'amour repa- malheu- raît sous cette tache pour témoigner en faveur de reuse, que le désespoir d'amour a seul pu précipiter dans la boue. elle est Un jour enfin, elle rencontre celui qu'elle a mourante homme, un aimé ; homme est à présent plus qu'un non seulement parle au nom de Dieu et cet prêtre, l'amant, mais la il ; prêtre pardonne, purifie la créature salie le et en même temps que' le prêtre absout, la relève l'homme demande pardon. Je cite cette scène où l'on sent dans la conception générale l'influence des idées de Hugo. et ; Laurence parle : Oh oui, je me repens mon cœur reproche à ma pensée, prodigués, de ma vie insensée, ! De tout De mes ce que jours soupiré pour rallumer ailleurs Ce que Dieu n'alluma t/u'une fois dans deux cœurs, D'avoir tant MARION DE LORME ET LAURENCE. 189 De cet oubli du ciel dont je fus prévenue Par cette grâce même, hélas qui m'a perdue De ce temps en soupirs pour du vent consumé, Je me repens de tout, hors de l'avoir aimé ! Et si devant ce Dieu mon amour est coupable, Que dans l'éternité sa vengeance m'accable Je ne puis m'arracher du cœur, même aujourd'hui, ! ! ! Le seul être ici-bas qui m'ait fait croire en lui ; Et dans mes yeux mourants son image est si belle Que je ne comprends pas le ciel même sans elle. Oh s'il était là, lui Si Dieu me le rendait Même à travers la mort, oh s'il me regardait Si cette heure à ma vie eût été réservée, Si j'entendais sa voix, je me croirais sauvée Sa voix m'adoucirait jusqu'au lit du tombeau ! ! ! ! ! : ! — « Laurence, entendez-la » criai-je. Le flambeau comme un éclair du ciel dans l'ombre obscure; Elle se souleva pour fixer ma figure Dieu, c'est bien lui dit-elle. Oui, Laurence, oui, c'est moi Ton frère, ton ami, là, vivant devant toi C'est moi que le Seigneur au jour de grâce envoie ! Jeta : — ! ! ! Pour te tendre la main et l'aplanir la voie, Pour laver plus que toi tes péchés dans mes pleurs Tes fautes, mon enfant, ne sont que tes malheurs. C'est moi seul qui jetai le trouble dans ta vie Tes péchés sont les miens et je t'en justifie ! ; ! communs entre nous prends tous sur moi pour les expier tous J'ai du temps, j'ai des pleurs et Dieu pour innocence Va te compter là-haut ma dure pénitence. Ah reçois de ce cœur au tien prédestiné Le plus tendre pardon qu'il t'ait jamais donné Reçois de cette main, que Dieu seul t'a ravie, Ta précoce couronne et l'éternelle vie Réunis à l'entrée, au terme du chemin, Tous lesdons du Seigneur t'attendaient dans ma main. Aime-la pour les dons de Dieu crois, aime, espère Laurence, cette main t'absout, au nom du Père Peines, crimes, remords, sont Je ; les : ; ! ! ! ! ! ! L'analogie aussi est frappante ; car, dans le drame, c'est un pardon au nom de Dieu, que Didier prononce ; LES TASSIONS ET LES CARACTERES 190 deux poètes et le plus hardi des il est encore Lamartine; car au nom de Dieu prétend parler ; aux hommes c'est que Didier dit Pardonnez c'est la pitié que le poète demande. Dans Lamartine remarquez cette doctrine: Dieu-, dit Laurence, n'allume qu'une fois l'amour dans deux : cœurs ; donc cet amour ; respecter et à le il s'engage, pour ainsi serait rien sans l'amour, ne Laurence n'a cru en parce qu'elle a cru en Joceljn Ainsi Brizeux à dire, le récompenser. D'ailleurs, Dieu lui-même ; l'amour lui que aimer Dieu. fait : Souvent je me demande et je cherche en tout lieu Ce qu'est Dieu sans l'amour ou bien l'amour sans Dieu. Aimer Dieu, A n'est-ce pas aussi nourrir son âme l'humide baiser de quelque jeune femme? Dans cette femme Aimer visiblement aussi, n'est-ce point ici-bas le Dieu qu'on ne voit pas ? Ainsi, ces deux amours, le céleste et le nôtre, Pareils à deux flambeaux s'allument l'un par l'autre ; L'idéal purifie en nous l'amour charnel, Et le terrestre amour nous fait voir l'éternel. Marie. Donc le lavées. Idée prêtre pardonne, humaine, et, Marion et Laurence sont aprèstout, évangélique. Pourquoi ? Le christianisme veut qu'il y ait au ciel plus de joie pour un pécheur repentant que pour un juste. Jésus avait plus de tendresse pour la pécheresse convertie que pour non les femmes d'une vie sans reproches. ses péchés à Madeleine, elle n'était Et quand point encore il remit la cour- tisane par aspirations idéales, qu'ont imaginée, très poéti- quement Pour d'ailleurs, des poètes être complet, Hugo remonter de la il contemporains. faut toujours à Bousseau. de Lamartine La première et de idée romantique prostituée qui se refait une virginité par l'amour vrai LA LAUKE DE ROUSSEAU de purifiant vient et Les poètes, lui. des feintes d'amour vérité ils ; Rousseau et surtout, s'obstinent toujours à l'illusion à la 191 l'est veulent croire ils ; veulent voir dans les femmes quelque chose de ce qu'ils ressentent, et ils ne peuvent admettre une courtisane sans quelque vertu la beauté ; est si forte, et aiment tant à être trompés ils des quelques délicatesses qui restent ! Aussi, témoins parfois encore dans les âmes avilies, ont-ils facilement rêvé la métamorphose de la somme cru jusqu'au bout à la délicatesse pour moitié illusion, moitié paradoxe, grandes dames qui des Rousseau courtisane en amante vertueuse. pas en dans sa Laure, publique purifiée par l'amour à une la fille d'elle, parce qu'il égare. Laure aime, elle est refuse de se donner à celui qu'elle aime, en la traite délicatesse nouvelle, vertueuse qui mettre au-dessus dédaignaient? aussi oppose-t-il, la femme honnête que l'amour honteuse la n'a-t-il de Thérèse, lui fille le ;elle l'çtonne monde déserter le fait par sa fierté, sa séduit par la force d'une passion et fuir dans un couvent. Elle se refuse d'abord parce qu'elle n'est pas aimée. aimée, elle se Son amant, refuse pour ne lui, veut l'épouser jusqu'au bout. L'honneur du l'amant pour cette et douce. le vie, qui lui sera Rousseau ne pardon religieux cisme lamartinien ; ; Rousseau n'ose pas la joie ; fait on ; la lui réhabilisuffisent désormais éternellement amère pas encore intervenir n'en est mais l'amour, Dieu ni pas encore au mysti- même chez cette courti- sane, a déjà toute la dignité que lui donne une telle aller ce mariage, de sa de sa nouvelle vertu conscience tation et la ; monde défend Laure refuse s'avilirait. ; pas avilir celui qui l'aime. conscience de cette dignité âme immor- lui suffit et lui fait trouver des charmes au plus grand désespoir. Ainsi Rousseau n'est pas seulement l'initiateur de l'amour romantique, (1) le modèle de Goethe Dans Werther. (1), de Lamartine, il est LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 192 aussi l'initiateur de cette thèse romantique que l'amour vrai purifie. Le défaut dans que c'est le ces créations de courtisanes vertueuses, poète ne montre pas assez la courtisane pour que son personnage ait deux femme aimante, presque âme, qui aime sacrifie et qui en aime une autre, puis est qu'elle en est une et injurie une pourtant il amour à celui qu'elle vient nous dire courtisane elle-même ; : cette s'écrie honnêtes femmes. C'est les voilà soutenir une thèse à ; prend une il vertueuse, dévouée, d'une grande sa jalousie et son femme factice Dans Angelo faces. bon marché ; et le résul- On nous fera avouer facilement que des courtisanes comme Tisbe sont bien intéressantes et dignes d'être aimées mais nous nierons que des femmes comme Tisbe soient, tat? ; puissent être des courtisanes ; pour nous faudrait, il admettre, une étude spéciale qui prendrait tout Le caractère de Tisbe est que, affublé d'une robe un le faire l'intérêt. caractère tragique quelcon- de Bref, courtisane. le mérite de Tisbe, c'est d'être, non une courtisane, mais une amante romantique fice absolu, que la force souffrir ; on ne sait s'il une vertu. Aimer lui, ainsi, fait le l'amour romanti- ; bonheur lui terrestre, rend doux de aimer encore plus, et de l'homme un Dieu meurs, mais comme c'est divin la divinité, ils l'amour ; je souf- l'amour a ; meurent en témoi- dernier terme de l'amour humain. c'est tout différent de dans Corneille, perd récompense, son propre but, l'amour est c'est divin; je ainsi ses martyrs, gnant pour rend capable d'un sacri- quel espoir divin qui se sacrifier ainsi, c'est est ici sa propre mais la renoncement l'inspire, parce que, lui reste fre, de l'amour d'un renoncement chrétien. L'amour romanti- seul est capable de ce que seul il ; On le voit, l'amour classique. Ce qui est grand c'est le devoir ; ce qui est grand dans Hugo, le bonheur un ;dans Hugo, l'amant sacrifie son bonheur à l'amour Tisbe meurt pour aimer; Marion sacrifie à son amour même c'est sont l'amour; dans Corneille et Racine, l'amour et ; L'AMoUR JALOUX sa pureté Hugo donne ; à 193 IIERNANI. : passion la sublimité qui la un sublime effort de l'âme Dieu peut mourir, moderne, son suprême acte de foi au devoir, éiait réservée c'est : l'amour est Dieu. IV Le romantisme l'amour les violences non seulement dès Racine, mais dès : se montrait capable de toutes les morts être pu renchérir sur n'a même mépriser tous comme est-il juste les de l'antiquité il dangers, de braver de commettre tous crimes. Peut- les de dire qu'en s'épurant, en préten- dant au titre corrigé. Néanmoins on trouve encore dans de passion sublime et de vertu, l'amour s'est le théâtre roman- tique une vive peinture de ce que peuvent dans l'amour la jalousie, le désespoir. ^ fjpmn"! Tarons vu, La n la maladie romantique. est un des effets de çette^ maladie. En même Ru y, temps_qne_don jalousie, le roi est jon rival, et nous Her- nani en est plein d'un e joie sauvage, car son, devoir de ven- geance se confond avec sa jalousie, et contribue à donner à ce dernier sentiment une énergie singulière cherchait vie nt da ns son cliemip, cerival : ce roi qu'il rencontre face le ù face^le^Jiniyjej^^sjm^ fois d'une un amant, en déclarant qu'Hermonde sait par cœur cet admira- situation embarrassante pour nani est de sa suite. Tout ble et furieux couplet : le « Oui, de ta suite, ô roi... » qui ex- prime tout ce que peut avoir de plus sauvage, déplus farouche la haine d'unchevalior à demi barbare. C'est autre chose que l'expression classique de la haine emporté, plus désordonné, tigre, et il c'est ; c'est plus plein y a quelque exagération dans d'images surtout ; lyrique, plus de soubresauts de les images, trop mais ces images, ces désordres, ces bonds de fauve, c'est de la vie, LE DRAME ROMANT. c'est fort pittoresque. 13 194 LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES Son peut son épée lendemain, et le mépris, son violentait et une femme même au il ; brise haine n'éteignent jamais en la grand seigneur, qui il traiter fer contre le roi, qui refuse, et le la jalousie ; de roi le celui qui et de lâche veut croiser lui le rencontre dès le son aise écraser d'impudent il Hernani rival, à est sous le bandit d'occasion ; manteau pour le sauver des poignards, et se réserver pour lui-même le châtiment. Chevaleresque avec le roi, Hernani paraît l'être moins avec don Ruy, puisqu'il s'introduit chez lui sous l'habit d'un pèlerin et qu'il abuse de l'hospitalité dans un moment d'oubli mais, ce déguisement de pèlerin il ne le garde pas longtemps, et il fait bon marché de sa vie en l'offrant aux valets du duc et quant à son oubli, il le il jette son roi ; ; reconnaît, l'amour l'a égaré, l'amour et la fatalité qui le poursuit, et don Ruy est aussi droits d'offensé pour lui offrir il grand que il lui, désespoir plutôt ? le offre sa vie sans rien en expiation ; perdre de ses sauve du roi celui qui est encore son hôte après le jugement de Dieu. Hernani, l'honneur, refuse ce duel et tend sa tête ; filèle à mais on voit que ce n'est point le chevalier repentant, c'est l'amant désespéré qui demande la mort. Mais comme il apprend que dona Sol vient d'être enlevée, la jalousie et le besoin dans son âme il offre à ; son désespoir don Ruy de rir, et alors se altérés de conclut les le lui le délai dessus : venger tous deux avant de mou- pacte du cor. Ces deux la la hommes, même femme, l'un ne de vie pour se venger, l'autre qu'il faut pour le avait fait oublier sa haine vengeance au sujet de demandant que ce accordant de vengeance reprennent vengeance, incarnent ce que l'amour jalouxade plus furieux, et quand est sorti de l'urne des conjurés, refuse de céder sa place à don il le nom d'Hernani est superbe Ruy Gomez, de joie ; il celui-ci lui oilre ses biens, dona Sol et la vie. Et pourtant sa haine tombera quand don Carlos l'unira à dona Sol ; il n'a plus que son , L père AMOUR JALOUX à venger qu'un 95 héroïque jalousie la un type est type d'honneur castillan, dans son premier disait le poète est Hernani la jalousie. d'amant jaloux, plutôt Hernani ] nous ne nous en étonnons pas, car cette ; haine était surtout de comme UUY GOMEZ. : ; titre. Rny Gomez don représente la jalousie touchante du vieillard sacrifié. L'amour chez un ou odieux, dire du poète qui vieillard est considéré conséquent et par l'essaie ce que à traiter. se dit à lui-même drate de Racine, un de ces vieillards Ah En Ne déjà glacé par il la son ; et royale. Victor Hugo ; amour Au vieil « est ! nous paraît jeune, ce n'est est une a abordé d'homme faiblesse cette faiblesse même la difficulté à rendre poétique, touchant, terrible cet : Mithridate est un caractère ; qu'il amour ridicule de vieux des années le froid question grand est si point un vieillard non un Mithri- ! Racine a éludé ; amoureux le qu'il eût mieux vain, plus sage et plus heureux, repoussant les traits d'un amour dangereux, pas laisser remplir d'ardeurs empoisonnées Un cœur héroïque comme ridicule On peut difficile même reste noble il ; a cherché à l'occasion, des vieillards. contraire de Guritan, qui n'est qu'une caricature, oison », don Ruy est touchant, d'abord tendre et non furieuse voir pitié et regretter Ait oublié Il est et le ; parce que sa passion nous ne pouvons qu'a- que cet amour corps en rajeunissant l'âme. touchant, parce qu'il est mélancolique. dans l'Odyssée, voudrait revenir à qu'un laboureur. un la vie, fût-ce Don Ruy voudrait retourner à Achille, pour n'être la jeunesse, fût-ce pour n'être qu'un pâtre des champs. Quand passe un jeune pâtre, eui, c'en est là, souvent, Tandis que nous allons, lui chantant, moi rêvant, Lui dans son pré vert, moi dans mes noires allées, Souvent je dis tout bas mes tours crénelées : — LES PASSIONS ET LES CARACTERES 196 Mon vieux donjon ducal, que je vous donnerais, que je donnerais mes blés et mes forêts, Et les vastes troupeaux qui tondent mes collines, Mon vieux nom. mon vieux titre, et toutes mes ruines, Et tous mes vieux aïeux qui bientôt m'attendront, Pour sa chaumière neuve et pour son jeune front Oh ! ! touchant tant Il est demande de qu'il des « pitié, la semblants d'amour », plutôt que de l'amour Hélas quand un vieillard aime, il faut Tépargner. Le cœur est toujours jeune et peut toujours saigner ! tant ne veut qu'une qu'il nous sentons que ce qui désir impuissant que tude, de l'abandon. cule dans son la le affection de sœur, navre surtout, !... que tant moins c'est le douleur de sa vieillesse, de sa soli- Il est touchant tant qu'il se sent ridi- amour comme dans jalousie, et qu'il en sa demande pardon. Ecoute, on n'est pas maître de soi-même ... ...On est jaloux, on est méchant, pourquoi ; ?... Parce que l'on est vieux, parce que beauté, grâce, Jeunesse, dans autrui, tout fait peur, tout menace Parce qu'on De est jaloux des autres et ; honteux soi. Ce vieillard amoureux reste même grand, tant que cet amour cède à la fierté féodale, à l'honneur, au respect de l'hospitalité il ; Hernani avec dona lorsque, surprenant impose silence à sa vengeance parce que Hernani hôte ; offre à lorsqu'il proscrit,, et qu'il don Carlos sa consent à laisser le roi tête pour Sol, est son du celle emmener dona Sol plutôt que de lui livrer Hernani. reste Il une soif norer en dona grand quand son vieil de vengeance contre le rendant parjure à Sol. Il laisse pour ne voir que amour le roi failli le place à désho- l'hospitalité, et qui lui a pris vivre Hernani, le trahi fait qui a oublie compagnon de sa en lui le vengeance rival ; il L'AMOUR JALOUX Quand conspire. le droit il lui de frapper lui-même co qui domine en MARIE TUDOR. son rôle le roi. Alors si, il reste noble, car moinsle vieillard amoureux que le lui, c'est finissait là, la abandonne dona Sol pour avoir vieux seigneur insulté par don Carlos. si 197 désigné Hernani pour exécuter le sort a sentence des conjurés, : lorsque le roi Don Ruy serait parfait a pardonné, uni dona Sol à Hernani, don Ruyrestait sur ces mots qu'il prononce Moi soûl, je reste çant à leur tyrannie. Mais il l'enfer, Sol. avec l'aspect vienne, anéantir tout Don Ruy, le On geance, on l'admettrait, que le si, à démon d'un si ; sa fureur espagnole, bonheur d'Hernani touchant et si le ridicule et l'odieux. lui sacrifice, de drame n'y aurait plus faut que, tout entier désormais don Ruy un commun royauté rentrant dans leur devoir, renon- la vieillesse et la il ! don Carlos dans à s'unissait s'il condamné : sorti et de de dona noble d'abord, frise comprendrait encore sa vensans le voir, on n'entendait de son de son cor, éclatant tout à coup dans les ténèbres. Mais non ; il vient, son amour de vieillard n'est plus que vulgaire, sa jalousie s'est rapetissée Et que : ferais- je, moi, cette nuit ? J'en mourrais. Je ne l'aime point non plus, quand il envie jusqu'à l'embrassement suprême des deux amants. La réflexion est tragique, mais elle est placée dans la bouche de ce vieil- lard jaloux. Deux femmes de Victor Hugo, croire chez le représentent l'amour jaloux dans et la passion politique poète à une qu'elles soient le théâtre du temps peut intention de les opposer, dans des drames différents. A faire quoi- Marie Tudor, LES PASSIONS ET LES CARACTERES 198 la reine passionnée, impudique et jalouse, s'oppose laTisbé, pure et jalouse qui se la courtisane sacrifie. Le poète dans Marie Tudor a voulu peindre une reine qui soit « une femme grande comme reine, vraie comme femme ». ; Mais ce qui Ta surtout tenté, sar la c'était fatal, c'est d'abais- reine au niveau d'une simple femme ; car l'Her- du Ce que montre le drame romantique, c'e?t une reine qui aime un simple chevalier, comme Marguerite de Bourgogne, un écuyer comme Christine, un favori. sorti de rien comme Marie Tudor. L'art trouve évidemment un plaisir démocramione de Racine, sa Bérénice et toutes les théâtre classique sont amoureuses, mais d'an femme tique à montrer ainsi la temps huma qu'il y fait reines roi. effaçant la reine, en même une étude, certes intéressante, du cœur n. Mais, pour triompher des raisons qu'une reine a de garder un amour bien grand et bien pur ou une passion bien sensuelle et bien violente pour un homme qui ne mérite pas davantage. Le premier cas, le théâtre romantique le montre dans Maria de Neubourg. Dans Marie Tudor, au contraire, dans Christine, Marguerite de Bourgogne, la passion ou son objet abaissent la reine pour la reine de Suède, c'est l'objet, car son amour est assez noble; pour Marguerite, c'est la passion, qui est de la débauche Marguerite est une reine courtisane pour Marie Tudor, c'est l'objet et sa dignité, pour un il faut ou homme qui en est digne, ; ; ; la passion qui ne sont point du genre élevé débauchée, mais elle n'est qu'une femme ; elle n'est point sensuelle, éper- dûtnent éprise. Ces amours-là sont assez jaloux d'ordinaire, et la reine l'est favori l'est. beaucoup, Quand la une comédie, elle quand il elle n'est plus très jeune et apparaît pour la première son fois ; elle trahison de Fabiano, et elle joue avec lui a déjà appris et elle lui est parti, fait faire — ce des protestations d'amour, mouvement de scène est très l'amour jaloux — beau, comme une bondit elle la mort du coupable qu'il lionne blessée, altérée : c'est du moins. pour une trahi- lui faut. Elle le croit ne peut l'obtenir de elle 199 est reine. impérieuse et offensée de vengeance. Elle Mais MAKIE TUDOÏt. : la justice Simon B e rnai d l'homme de mélodrame qui sait tout et ourdit tout, lui offre un instrument de vengeanco terrible, l'homme même dont Fabiano a souillé Gilbert. Que va faire la reine? Faire assassiner la fiancée son d'amour ; alors - -, : Fabiano venge ? amoureuse C'est ainsi qu'une reine et trahie se ce serait un crime, qui trouverait son excuse dans ; un trop beau drame serait fini fureur de la reine descendra donc jusqu'au mensonge à l'infamie. Ce Gilbert, qui pour se venger donne sa vie passion la pour rôle la et mais ; âme, et son prend elle les lui la reine parce qu'il aura conclu avec la reine dévoué corps La femme gaire en ; le que même pas : ! après ? C'est bien ce Et ; majesté offensée, la toute justifier hauteur commis. Fabiano ne pourra la de que reine; elle répon- lui que qui m'a trahie est sais bien me venger tuer par un sbire ou le est à mort, tu es bien puéril qie j'emploie pour sinat Tu « payé tout cela pacte de lui être le semble adresser de reproches à dra d'un regard condamné il se dira fera relevé que par la n'est et la passion avec laquelle il il ; toute honnêteté vul- ici rien l'amour, crime, bas, ; vengeance. jalouse a dépouillé même temps infamie la moyens ne sont plus les ; et âme pour le mentira, il ; Fabiano pour assassiner par sans doute la reine aurait poète démocrate, et puis le de t'occuper du toi je : veux ; que moyen un oui, c'est je te assasfasse bourreau, que t'importe? Je préfère le bourreau parce que je veux une vengeance plus éclatante. puis d'abord n'es-tu pas et se défend, assassin courbe ? la x> Et Fabiano, qui résiste quand il reconnaît tête Gilbert dans l'homme qui l'accuse, et qu'on lui présente poignard avec lequel que ces il a tué effets sont fort le juif. le Remarquons en passant dramatiques: son crime poursuit 200 le LES PASSIONS ET LES CARACTERES criminel innocent devant Tudor dressant devant et, se bouche pour se dire innocent en C'est effet. le courbant criminel superbe parce que dans femme avec hauteur d'une majesté souveraine la tête la reine orgueilleuse on la sent la gira de rien la est il aux mains du crime. La rage de Marie la justice est l'empêche d'ouvrir lui, d'un autre crime, dont qui aime encore. Elle avoue ses faiblesses ne rou- et qui parce qu'une reine ne rougit pas aux yeux de ses sujets. L'orgueil sauve tout, a Pardieu, messieurs, vous n'avez pas besoin de vous éloigner... voix, il me semble! » Elle s'humilie mieux abaisser l'homme qui pardon de vous encore, sa rage le dit. la vie et furieuse, mais orgueil, pour trahie : Il Je vous demande « par cet homme-là, aux pieds, mais ellel'aime le foule semble qu'elle ne hache que pour la honneurs, les ne baisse pas avoir fait coudoyer inylords!» Cet homme, elle chafaud et de l'a je même par menace de le rendre d'un seul coup lui son amour. N'est-ce pas aimant encore, qui le fait maîtresse la mettre à genoux de force devant elle, qui se trouve humiliée de son basse et s'écrie : de satin, homme je ne relèvera seulement pas femme amoureuse encore N'est-ce pas la beau jeune « Il veux blant, pieds nus, insolent, que j'ai un cou blanc où j'avais mis une corde. liées, qui manié par collier d'or, dit effaré me ble Je ! l'aime elle que dire, le sais « : j'y « ! » Ce et trem- Ce veux mettre vil, explique tout : » Elle ne peut ce que ; nous et vous mais je l'aime, elle ajoute peut-être elle un lâche, un miséra- vous, et j'en rougis « J'aimerais : Fabiano aime je sais tout un homme c'est comme Tenez, que voulez-vous que j'y fasse? » Et homme. : bourreau. le Aussi son changement n'étonnera-t-il guère allez tête » explique alors elle-même pourquoi elle comment attitude la couvert de velours et en deux, voir plié le mains l'é- ce mot qui moins un honnête mieux marquer quelle passion sen- iuelleet malsaine la possède. Et ce trait est. vrai. Gilbertaussi, L'AMOUR JALOUX GILBERT. : 201 qui aime mieux, dit en parlant de Jane infidèle :« J'aimerais femme peut-être moins une tuerez la femme fidèle. Vous croyez que vous trompe? Non, vous ne vous qui tuerez pas, vous vous coucherez à ses pieds avant seulement vous serez ; pardonné à Fabiano La « : triste. » vie de cet La reine Marie a homme la comme après donc est nécessaire ma vie. » Dès lors elle est de nouveau possédée par l'amour comme elle l'a été un moment par la vengeance ne trouà ; vant autour d'elle que de la haine pour son favori, sert de sa propre rivale, de celle qui, croit-elle, elle se aime encore Fabiano. Mais son projet de sauver son favori ne s'accomplit peuple veut pas facilement : avons alors spectacle d'une le le sa couronne pour sa passion. évader Fabiano faire le et de mort de Fabiano, la lui substituer Gilbert, et désespoir de Jane elle a d'abord sion : « Que m'importe » ?... le cri son amant se trouve menacé, « : nous Elle s'attendrit la devant égoïste de la pas- comprenant ce qu'on souffre quand on aime reparaît dans la reine et femme passionnée qui risque Elle a songé au moyen de ; pourtant, mais dès que passionnée et Tu ne bougeras la furieuse pas. Ah ! ton amant Que m'importe ton amant ? Pardieu je sauve mien comme je peux, aux dépens de qui se trouve là. » En somme, Marie Tudor est une belle peinture de ! ! le la passion jalouse. Les réserves ne peuvent porter que sur un point, traité à son heure dans cette étude : la réaction politique qui oppose l'amour sensuel d'une reine à l'amour plébéien, généreux et grand. A côté de Marie Tudor, en effet, se trouve un type d'amour jaloux tout à fait opposé, pur, noble, capable c'est chez l'ouvrier Gilbert que le de tous les sacrifices : poète romantique l'a placé. L'amour de Gilbert et la passion de points de ressemblance vengeance ; : le la reine ont deux premier est un désir âpre de mais Marie Tudor veut se venger de son amant coupable, et Gilbert de celui qui a séduit sa fiancée. C'est LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 202 La tout différent. seconde ressemblance, que c'est la passion persiste chez tous deux, malgré la trahison de l'être aimé. Mais ce qui est une faiblesse, dramatique d'ailleurs et vraie chez la reine, est une grandeur chez Gilbert. roman- Gilbert est un des beaux caractères de la tragédie meuve dans un ensemble de tique, quoiqu'il se mélodramatiques qui lui élevé une orpheline, Jane d'abord, il aimée comme il l'a comme une amante Ses sentiments ont douceur de Prends garde, lui dit Joshua, qu'il n'est amour pas aimé qu'il n'est pas tout dans un langage un enfant, à est inquiet d'ailleurs, comme il pour elle, et il d'amour lui charme plein de il voudrait et reconnaisance que Jane plus de ; est la tendresse. imprudent c'est femme, ça ne s'aime pas tant que ça heure. » Son fille elle ; de l'amour pater- la force nel, la violence de la passion et la « sa ; l'aime à présent sa fiancée. ressorts Gilbert a recueilli et font tort. ; la a en voir croit il bonne vaguement sent il une ; pressenti exprime ses soupçons et de vérité. Il y a là une manière de sentir l'amour toute moderne, non classi« Sans doute je que, et qui ne doit rien à l'Allemagne : voudrais être un voleur et un assassin, et être aimé de Il n'y a que cela au monde, être aimé... d'amour de Oh ! toi Jane, , que je t'aime! Tous toi. Je dit. Il est tard, c'est triste Bientôt sance ; il les toi... mot seul reconnaissance de côté. jours davantage. Je voudrais Aime-moi ou ne m'aime pas, tu en es bien Pardonne-moi tout ce que je t'ai il faut que je te quitte, adieu. Mon Dieu mourir pour la maîtresse. que laisse toute la Un suis fou. I de te quitter apprend à ! » la fois la trahison de Jane et sa nais- donne sa vie pour se venger mais s'il la donne, tient plus, Jane perdue pour lui. Avant de pacte pourtant, il a essayé de se sacrifier aux deux il ; c'est qu'il n'y faire le amants, car demandé à n'est repris il croyait encore Fabiano épris de Jane la reine, pour prix de sa vie, leur il a bonheur, et il ; de sa soif de vengeance que quand Fabiano a l'amour jaloux Maintenant renié celle qu'il a déshonorée. 203 Gilbert. : dans sa est il Que pense à présent cet homme qui aimait une fille indigne ? Remarquons d'abord que ce genre de situation tragique a été négligé, en général, par les poètes du xvn" prison Les amants, dans siècle. n'aiment pas ; Le trahison accomplie. interdit, et la tragédie pas sur rait une tragédie classique, aiment ou s'était fait tolé- à un Je baiserais derais par.JoD autre, à humain que aime encore s'il ; Jane déshonorée est: « A elle vient il ? pour le faire : Ta « Cette voûte s'appuie sur Fuyons ma vite ! vivre, moi, je suis aimé! » ; la ma ; il L'homme se sacrifier à son ne ainsi s'y vie, d'hier. D'ail- Jane, si vous ne lui a-t-elle dit Je veux : mon pour « Je éva- Jane m'aime la vie, viens-nous-en, Jane. Et il ! Je veux reconnaît en Jane repen- l'homme qui aime, femme pardonnée C'est qu'en effet, pour un plébéien est toute la vie Jane tête et l'écrase. J'ai besoin d'air. tante son épouse. Ainsi, pour n'empêche pas l'amour majesté. le évader, son premier mot as tout préparé sion, dis-tu ? Vite, vite, la vie. ici. dans Jane, c'est que der- ainsi Mais à peine Jane » t'aime », qu'il s'écrie Je meurs serait mais deman- cœur. » Voilà qui persiste à voir la quoi bon vouloir sauver m'aimez plus lui n'en est pas moins beau. Car ne prenez pas et quand y je le sais. brisé, sont que je la ramas- mon je la serrerais sur au mot Gilbert leurs, cœur de moi. Elle voulait si elle ne s'y oppose. un misérable, bas de sa robe et je le ruisseau de la rue avec celles qui serais là et faute devenue la égal, je l'aime. J'ai le c'est ! je l'aime. rière l'eût dans sa prison aime encore Jane qui « Jane s'est donnée à est royaux une majesté qui ne respect des adultères déshonorée, nulle dignité classique bien en face d'une se trouve scène une allusion la réalité. Gilbert s'est Eh la mais rarement on comme mêle pas de amoureux est Gilbert, l'amour ou de vaine heureux de pouvoir fierté amour, ce que ne pourrait pour qui une raison d'Etat dominerait la faute est épousée. l'homme Le pardon faire la passion. LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 204 de Gilbert pour Jane séduite est aussi un effet de romantique qui tombe La : pour pitié courtisane la ! doctrine la pour pitié femme la ! Tisbe est le pendant de Gilbert pour le se sacrifiant donnant pour époux bonhéhr de celle qu'il aime, l'homme qu'elle aime. La comédienne de la pièce représente l'amour héroïque la grande dame, Catarina, ne représente que l'amour ingénu. Tout d'abord Tisbe aime passionnément cette femme de théâtre qui s'est refusée aux et lui ; ; podestas et s'est ne supporte pas son amant homme donnée à un jeune l'idée d'une rivale : qu'elle elle la tuerait la tuait et la pleurait, elle serait ; aime, mais si heureuse. Vient pas de repos que, servie un soupçon dans le cœur elle n a par Homodei, elle ait acquis la preuve que son amant trouve chez le moment où on lui jette : se Catarina moment, surprend Catarina vient à ce et sur- elle ; manteau do le Rodolfo, écrase la grande dame, surprise, de sa haine et son mépris, puis tout à coup grande dame est la lui La de celle qui a sauvé sa mère. fille de- pardonne parce que cette preuve complète que son amant ne l'aime pas, ne tarde elle pas à l'avoir dans une lettre écrite par Rodolfo à Catarina et où celui-ci dit de Tisbe femme « Cette : Dès lors, sa un type d'hé- » !... résolution est prise, l'amante jalouse devient roïsme, c'est elle sauve de elle la qui mort se la sacrifiera à ceux femme du podesta ; qui s'aiment ; a une der- elle nière entrevue avec Rodolfo qui croit qu'elle a aidé le po- desta à empoisonner Catarina. tuer. La t-elle pas qu'il tire un poignard pour Tisbe est heureuse de mourir; aussi ne : que lui importe ne l'aime pas, qu'il ne là qui la tue. retourner le justifier, car Elle se le ? Il suffit l'a fait le ; lui crie c'est ce mot- comme on répéter détrompe- que Rodolfo jamais aimée îa se ferait poignard dans une plaie; puis, sans daigner se elle veut mourir et par frapper. Alors seulement, gie, elle Il lui, elle quand Catarina avoue qu'elle a préparé leur fuite. le force à la sort de sa léthar- La scène est belle l'amour jaloux et tragique. Il est à regretter Tisbe se finir que et touffu, tel et je ; il faut citer la Christine caractère de reine complexe voulu dessiner l'a fausse de Cromwell reuse. le la trop mélodramatique. avec l'amour jaloux, de Dumas. Je laisse de côté 205 seulement que ce rôle de meuve dans un milieu Four en Christine. : Dumas d'après la formule la femme amou- ne prends que abdique pour aimer, pour n'être plus qu'une Elle femme, pour visiter Paris et Rome avec un amant ; mais cet amant, Monaldeschi, n'est qu'un fourbe et un ambitieux qui rêvait de se faire épouser parla reine. Elle semble en avoir quelque doute quand à conserver de ses droits royaux elle tient celui de haute justice sur les gens de sa maison. déçu conspirait aussi contre Gustave une récompense de elle constate plus vil des le punir à tirer Monaldeschi de Charles sa trahison. Christine l'apprend en outre que son écuyer est le ; pour elle le ; plus lâche et hommes, qu'il accuse un innocent et s'offre à condamne à mort et le livre pour l'exécuter elle le celui qu'il accusait ; mais 'suffit il se jette à ses pieds, implorant, lui pour quelle faiblisse et pardonne encore que Monaldeschi rappelant leurs amours, tout. Il lui faut une autre infamie de l'écuyer, infamie qui prouve une fois de plus trahison de l'amant d'une maîtresse qui Monaldeschi se débarrasse par : le gêne ; la reine alors venge sa elle-même en donnant l'ordre de frapper. blessé, se réfugie à ses pieds; mais elle l'y fait le la poison rivale et Monaldeschi, achever quand elle voit expirer Paula. La scène est saisissante, d'un pathétique violent reine, qui devant elle fait assassiner tableau à sensation ; mais médiocre. Christine est une pire dont peu d'intérêt parce elle le : cette son favori, c'est un caractère en lui-même est femme qu'elle est faible, qui nous ins- dupe d'un homme bas devrait voir la bassesse. Trahie, elle n'a ni les emportements de fureur hautaine, ni la faiblesse hardie de Marie Tudor, qui est une Christine refaite et meilleure. En somme, Dumas a voulu excuser, laver Christine quand ; LES PASSIONS ET LES CARACTERES 206 elle condamne définitivement Monaldeschi, c'est moitié par pitié pour Paula, victime de l'écuyer. Christine n'est pas un type de dans ailleurs, de la A passion jalouse la est jette Monaldeschi. mort côté de ces passions violentes, a peint de la fin l'intérêt ; peinture de l'angoisse physique où la peur la le théâtre romantique l'amour roma- l'amour ingénu et plus rarement nesque. Blanche, dans Roi s'amuse, le même ingénu, trop ingénu maison en allant à l'église Blanche Il a raison. homme, elle ; ; un type d'amour n'est jamais sortie de sa jamais vu de Paris que n'a et est ce qu'elle en voit encore Triboulet n'est-il pas rassuré. dimanche par un jeune est suivie le et elle adore son air noble et fier pleine d'illusions ; sur ce beau cavalier, elle les exprime à sa gouvernante d'une manière qui peint bien la naïveté suprême d'une innocente Oh ! cela se voit bien, femmes que moi ne le touchent en D'autres : rien : pour lui Di jeux, ni passe-temps, ni fête, ne pense qu'à moi. Il n'est Il Suit une de scène Blanche sort s'en faut de peu. sans tache encore la poésie. acte iïHernani. Ici l'ingénuité mais ; on sent de qu'il Le poète aime à pousser jusqu'aux limites ce genre de scène, et un peu de d'où séduction Tel il ne le tout Blanche le fait est génue vulgaire qui tombe dans pas sans s'écarter à Vheure, le du cinquième trop exactement piège ; c'est l'in- du drame une petite provinciale qu'un galant veut embrasser à chaque instant et qui résiste un peu, mais bourgeois ; on voit là pas trop. Elle n'a qu'un Ah ! vous me joli vers : tromperez, car je trompe mon père. L'AMOUR INGÉNU Quand a été enlevée et qu'on elle trop ingénue elle reste que deviendrait la ; innocemment l'offre le roi présente au séducteur royal le ; mais prend ; elle ne sait crier, comme scène du jardin, qu'un laissez-moil bien vulgaire la Elle en sort déshonorée, et roi. honte « devant tous ces sa Triboulet fait sortir les seigneurs et interdit lui-même sur un ton superbe grandi par la dominer roi libertin le ; une chambre qui dans elle s'enfuit précisément celle du ne veut pas exprimer dans roi, semble-t-il, trouver offre d'être sa reine, et elle lui au sérieux pour tout sauver, est 207 pièce? Aussi faut-il qu'elle reste gaucLe et maladroite et la elle devrait, ; des accents qui feraient reculer dans BLANCHE, : ici, ; hommes». porte au roi la d'ailleurs, le bouffon, majesté paternelle offensée et affligée, peut la ; scène serait mais belle, il y a confession de Blanche à Triboulet, je ne sais quoi la de peu délicat qui choque spectateur le ; Blanche y pleure surtout, quoiqu'il lui échappe des exclamations qui sentent encore y autant que l'ingénuité, mais Triboulet la niaiserie trop. Il faut parle le spectateur, qu'un père d'être ridicule, surtout quand sa en pareil cas, devant soit sublime ou ridicule. Triboulet a bien fille, avec répond à ses imprécations contre nuité, vient de la souiller la même l'air ingéqui le roi libertin : Dieu, n'écoutez pas, car je l'aime toujours. Voilà point le le plus faible de ce caractère et cet amour elle connaît à présent la bassesse. amour est persistant de Blanche pour le imaginé pour de Triboulet. Et mois Ainsi elle la leçon le père travaille étrange », rendez-vous comme trop que le roi la cet punition pendant le pour préparer sa vengeance. à laver du voit morale qui est continue à aimer qu'il faut à Triboulet accepte des On du drame, séducteur dont roi son honneur, et : « c'est la unique, dit Triboulet, encore bien fille c'est près d'être LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 208 comique, quand il apprend tout cela avoue, lui le elle roi, adore oui, sa fille : mourrait pour elle déshonore. Et pourquoi? L'ingénue se croit aimée, le lui les a juré femmes, dit cela si bien, il : c'est père aime aussi blant ! Un beau si le roi, dit Triboulet. — hier soir qu'il l'adorait ingénue bien risquée roi comme : ; cela lui dites, et, s'écrie à cette roi Hier suffit. l'air elle soir ? sem- fais encore lui a dit Voilà une de s'être faite à voit le roi plai- ingénu- s'étonne, toujours des choses qu'il lui # a déjà fille cachant sa tète dans poitrine de son père, elle la : Et Le mot femme, cette est tragique et exact, le sacrifice est-elle effrontée! il est photographié, de Blanche incorrigible finit par une l'est c'est bien meurt, ce n'est point expressément, désespoir de n'être pas aimée, sait qu'elle fait mal c'est mon -et elle ; : pour comme est il la peu ingénue cette elle meurt lui qu'elle Tisbe, par pour sauver l'ingrat. : Je ne veux pas mourir pourtant J'ai mais trop ingénuité énorme pour son infâme séducteur. Et Elle la roi doux avec si — Je l'air. le Quand roi. santer avec Maguelonne, elle qu'il dise en a a tout elle le Elle espère bien que son ! il D'ailleurs ee métier de maîtresse de ment, a des yeux il le qui roi le j'ai ; mieux à faire, père à soigner, à consoler... tombe en souhaitant longue à celui pour qui elle meurt vie et toute prospérité c'est lui souhaiter de faire encore beaucoup de victimes comme elle. Mais l'ingénue ne voit pas si loin. Hugo est lourd, on le voit, quand il veut représenter la jeune jusqu'à la fille ; ingénue ; il force la note et va caricature. Catarina représente aussi l'amour ingénu de non plus de la la femme et vierge trop naïve. Elle est mariée, mais sans L'AMOUR INGÉNU amour un tyran comme n'y en a pas dans il lodrame. Ce tyran elle mé- tremble devant lui, Catarina, à l'honneur est il mariage, ont Rodolfo, elle voit furtive- elle le manquer l'amour ingénu qui continue après le romantique. Cela dure depuis sept ans. Mais trait failli pour pour elle est ; mille dangers. Ils s'adorent sans c'est ; ne se connaissent pas Ils fille. ment au prix de ils elle le redoute, elle et quel tyran! plus truculent le ne peut l'aimer. Elle continue à aimer celui qu'elle a aimé jeune lui 209 non un mari, mais un tjran, elle a, ; CATARINA : ne plus se voir ; depuis un mois elle est sur- enfermée. veillée, La pauvre femme, pauvre jeune la voit plutôt, se fille avec terreur séparée à jamais de celui qu'elle adore, séparée du monde, et, n'ayant plus de mère, privée de toute affec- tion. Elle pleure et souffre. enfermée, suis Dieu ! Et « ne je verrai plus. Je le gardée, en prison. C'est fini. Cet amour était donc bien coupable !... une heure, de temps en temps. Cette heure, fermée, vite si -c'était le seul un peu d'air et suis pas comme les de ma si par où étroite et tout cela ne me entrait il Et puis moi vie... ferait rien : mon ! voyais le autres femmes. Les plaisirs, les distractions, soupirail dans soleil Hélas Je je ne les fêtes, moi, Dafné, cœur qu'une pensée, l'amour depuis sept ans je n'ai dans le qu'un sentiment, l'amouf qu'un nom, Rodolfo. Voilà sept ans que je l'aime. marie sans pitié seulement pas Dieu ! ; Ce bien-aimé, une nuit il pénètre elle le voit dans mais regarde-moi donc que je que depuis cinq te dise Comme ; on vous n'ose je Crois-tu que cela fasse une vie bien changée, n'est-ce pas que je toute jeune. J'étais Par exemple, mon mari, eh bien, lui parler. bien heureuse. » miracle ! ; ? sa enfin chambre te voie ! par un : Tu me Oh (( trouves je vais t'en dire la raison : c'est semaines, je n'ai fait que pleurer. Il faut bien des choses. Par où commencer ? On m'a enfermée. Je ne puis plus sortir. J'ai bien souffert. Vois-tu ? il ne faut pas t'étonner LE DRAME ROMANT. si je n'ai pas tout de suite sauté à 1-i 210 LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES Non, ton cou, c'est que j'ai été saisie. mon âme der, laisse-moi penser que ! l'heure je te répondrai. où tu sais, dire 1 me ne On a tu es là. parle Tout à moments comme des on veut regarder l'homme qu'on aime regarde Tais-toi, je te : tiens, rassembler mes idées, laisse-moi te regar- pas, laisse-moi je suis heureuse ! ! Tais-toi, je t'aime cela, et lui Tais4oi, ! » y a là, en dépit d'une affectation de réalisme qui sent drame bourgeois, une peinture vraie et touchante de Il le l'amour ingénu qui ne voit que son objet, ne rêve point, ne raffine point. Rodolfo auprès de tout cela est n'est, lui, ni Didier, ni héroïque les côtés odieux de son rôle. Car l'aime, est son et il il faible, il fait croire à amant, alors que son cœur parle d'elle avec un mépris injuste est à Tisbe qu'il une autre, quand il écrit à Catarina. Mais les héros romantiques sont ainsi faits peut être l'amant d'une tresse, semble-t-il, est elle est elle, l'âme sœur ; femme pour et les sens, passe pour la n'est pas forcé d'avoir croit-il, a on l'amante pour l'âme ; femme mariée malgré N eu bourg ; une maîtresse pour mais voulu se venger de sa rivale ; même un la trahir Rodolfo arrive ainsi à tuer sa maîtresse parce que c'est lui le ; aimer une autre. La maî- pour Catarina, pour Maria de homme il comme Otbert, ni profond comme et jaloux comme Hernani, sans compter ingénu ; celle-ci, dans ce cas coupable. Les mensonges et les aveux de Catarina à Tisbe, qui a découvert leur intrigue, sont encore de l'ingénuité. L'ingénuité de Catarina est dans toutes ses actions, dans toutes ses paroles, c'est soncaractèrespécial, et cette ingénuité fait d'elle une des créations les plus typiques du drame romantique. mieux mourir que de nommer son amant mais, ce qui est bien ingénu, en face du danger, de la mort, elle est faible. Et Saint-Marc Girardin a tort de la Elle aime blâmer. sanglote, ; Quand il s'affole, lui faut mourir, elle supplie, elle pleure, elle demande du temps, beaucoup de l'amour ingénu temps elle ; maria de neubourg : veut un jour, puis lendemain elle 211 sent qu'elle sera demande un aussi cloître. Il y a des mots frappants d'ingénuité, l'ingénuité dans la terreur faible le elle ; ; demande de dénoncer son amant. Elle crie Mon Dieu Et comme î\.ngelo lui dit Vous ne répondez pas elle dit Si, je vous réponds Angelo Mon Dieu! on lui : ! répétant Décidez-vous : bien Laissée seule avec elle crie grâce ! grâce elle ! ! le billot et la mépris leur lâcheté, de Venise et de à la société un mot de se laissera puis tout à coup, elle prononce que pitié massacrer à coups d'épée, mais elle-même au-devant de la Neubourg Catarina. Elle est aussi par fléchit, en déses- elle n'ira elle point mort. Rien là de l'héroïsme violent, cette terreur de la mort, c'est reine Maria de de son Tisbe, la convenu des tragédies. Malheureusement, La bourreaux, écrase révolte contre les lois injustes se ; ses elle ; appelle sa mère, elle s'accroche crie, elle pérée elle la hache, elle s'égare, Par moments, devant retrouve l'énergie de l'innocence moment par perd eu froid a s'écrie qu'elle Elle froid. raison. elle — : dans l'oratoire, elle ! : : ce pathétique du mélodrame. a quelques rapports avec certains côtés l'ingénue qui aime, mais c'est une femme, tandis que Catarina est restée une jeune Elle n'est guère plus mariée que fille. du tyran de Padoue, mais l'aime point, il ne elle est reine, et si la terrorise pas. Elle mais femme garde une majesté mélancolique qui convient à son rang, et que l'étiquette, la son mari ne commande confie à sa suivante favorite Casilda, elle sa peur de don Salluste, qu'elle a exilé et qui la hait, son désir d'amusement, ses sa ingénuités de femme, répulsion pour les son ennui, grandeurs, pour la présidence du conseil, ses souvenirs d'enfance, Que ne suis-je encor, moi qui crains tous ce3 grands, Dans ma bonne Allemagne, avec mes bons parental... ... l'envie qu'elle porte aux libres lavandières qui chantent. LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 212 comme n'a point gardé, Elle des quinze ans, qui mais elle fait commence neuve encore ; Catarina, l'amour ingénu vierge reste dans la femme, la âme de aimer, son à qu'un jeune suffit il que vie et se soit blessé en lui apportant pour qu'elle perde tout repos le bout de dentelle ensanglantée et inconnu. Ingénue, ait risqué cœur en se trouble elle aussi, elle la fleur, de l'amoureux lettre la sa d'Allemagne, fleur lit a sur son elle ; vingt ans est homme le recon- naissant dans le messager du roi, elle perd contenance en le voyant blessé et elle se trahit : Puisqu'il avait écrit la lettre, L'apporter, n'est-ce pas il pouvait bien ? Casilda Mais n'a dit en rien il Qu'il eût écrit la lettre. Elle est ingénue encore, en une amante, quand qu'elle saute tenir la ingénue, c'est scrupules honneur ont qu'elle revoyons, aime Ruy comme Blas et les plus nobles sa dignité d'épouse, son ; lutté avec l'amour et ont ; elle ne lui sûre d'elle et de homme Blas est devenu par sa ; lui et qu'elle plus grand. Elle le forte ; triomphé elle a fui , elle est l'homme avoue son amour que quand ; la force à parler, elle avoue comprend, et qu'il est redevient ingénue pour de son amour, et redevient elle un jour, l'admiration pour ce génie qui soutient l'Espagne femme et reine confiance qu'elle a dans son honneur. la fine Ruy amour premier ministre elle n'est plus une une femme qui aime, mais qui a passé par devenue une femme noble à cet que duel de au cou du vieux don Guritan pour en ob- Quand nous est le ce qu'elle veut. C'est la coquetterie d'une ingénue. faveur et son les même temps apprend elle pour elle le dire l'ingénuité pour Elle lui dire la reste dès lors femme qui aime d'un amour pur, gardant intacte la l'amour ingénu maria de neuboukg : 213 majesté royale, quoique prête à tout compromettre héroï- quement si elle voit qu'elle mettre les moment a aimé données du poème), atterrées s'empoisonne, et reine et la la la reine refuse ; femme la pardonne, elle aime court un grand danger. Quand un laquais (il nous faut bien ad- celui qu'elle qui aime reparaît la faiblesse jamais sur qui juge bien les tion à l'ingénuité. », qui, forcé il cœur ingénu. Les insensées », ce c< il il génie », âme la vie, cet un collège homme d'Etat tout, casse les minis- de préten- a l'esprit puissant, s'il ! de se mettre laquais, la des choses, une grande ambition, rêveurs » le sont vœux espère tout du vers sort souvent. Jeune le ciel en strophes pensif et paresseux, ; qui distingue bien les ingénus des habiles, qui sont passe son temps à regarder à la porte des palais entrer et sortir il En il et jette « ses pensées et ses actifs, cette pas au premier abord n'a Et pourtant, hommes vue nette des a le Quel abîme de donnée dramatique. la hommes, réforme tres prévaricateurs, Blas nettement qu'apparaît se le figurer ne paraît plus avoir d'illusions sur si Ruy que nul ne Blas, l'orphelin « par pitié nourri dans de science et d'orgueil il au palais, voile de tristesse. précisément l'invraisemblance de Ruy ; de désillusion désormais dans quand on cherche à Blas épouvantée mais qu'elle portera à tout la reine, visage un le déception et C'est de sont un Ruy ; supplie, elle se désespère. elle mort, on sent qu'elle va retourner devinera femme de pardonner se perd, « crédule marchant pieds nus dans manque à l'Espagne et du génie naissant. Valet, guéri de son ingénuité, l'orgueil ». est il ; les à son chemins, méditations sur le sort des humains, croit qu'il l'ingénuité des duchesses Il se il dit avoir il c'est qu'il est le là paraît désabusé, perdu trompe. Moins ingénu, qui est instruit, une position dans propre à tout, au monde. C'est il « la joie et eût trouvé, lui monde ; s'il est im- ingénu. Mais quelle ingénuité LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 214 nparable à ' amoureux d'une reine? Ce qu celle d'être ambition ou libertinage, ou enfin passion admissible serait homme chez un de cour, approchant sa souveraine, n'est- immense ingénuité chez ce jeune poète vêtu d'une livrée ? Il cherche à justifier son amour et il trouve que cette pauvre femme, la reine, est bien malheuil juge le roi en deux mots, et reuse avec un tel mari ce pas une ; il une voit que c'est génu « famille qui s'en va C'est bien l'in- ». un bouquet qui fait une lieue pour trouver aussi qui risque sa vie et à s'introduire dans le parc royal. C'est bien aussi l'ingénu qui se laisse équiper en don César et prend personnage que le lui impose don Salluste, sans réclamer, sans avoir de scrupules, sans prévoir que songe ne peut que s'écrouler un jour. qu'il en a le costume, Tout à coup verte, peut l'aimer, il ridicule il ; quelle féerie! mais non pas comte se croit reine passe, la il et Au grand d'Espagne devant est là ce contraire, dès sinon sans échec, elle, tête ? cou- au moins sans Le jeune grand homme en est ébloui, Ecuyer de la reine, il stupéfait ni effrayé. joue cette fois avec espoir son rôle d'amoureux ingénu qui marche du parc la main ensanglantée pour avoir escaladé royal. Devenu ministre, il les grilles garde l'ingénuité qui s'appelle en politique l'honnêteté, et qui condamne à une chute rapide les ministres qu'une reine amoureuse ne soutient pas. Il veut, les comme quand impôts, brigandage, rielles, il les finances, les sortait du collège, réformer décharger malversations, le concussions les », le ministé- rendre honnête l'homme de police qui, « dur au pauvre, au riche s'attendrit », punir « tous dus l'Etat, peuple, supprimer monarchie de Charles-Quint. Don voir que c'est pure ingénuité que juges ven- peut d'une minute à Salluste lui fait la bien de prendre cet air de redresseur d'abus, de « faire sur tout alors qu'on les rendre riche l'Espagne épuisée, refaire bref, un bruit démesuré l'autre sentir s'écrouler ministère, duché, grandesse et blason. », sous soi L'AMOUR INGÉNU Quand tout s'écroule en du maître, jeune homme, le poète, ingénu, reparaisse. sion, alors semble, danger que Ruy effet, un homme d'Etat assez ingénu pour voix RUY BLAS : Blas paraît rester semble qu'à il ; manque absolument de Il Je sais bien qu'il expliquer, révéler sa naissance, et cela lui coûte, il est encore ingénu car ; rina,lecoup en fermant cautions qu'il prend que page attend, les quand Ruy Blas, de ne point Ruy Blas compte sans veut jours, qui ne pas Catapré- les Mais quand ? comme reine, la du palais sortir de l'étonnement de pas, sans l'amour de comprendra en quoi d'envoyer chez Guritan un préviendrait il" lui tout le ferait yeux. Que signifient celle ? comme vieux fou n'écoutera le écouterait, il du reine pour faut, déci- pourrait, ce Il courir au palais avertir lui-même la qu'elle court. la domestique, rêveur, le minutes sont précieuses. les 215 il le trois la reine reine qui peut la s'inquiéter, sans sa fierté qui ne se figure pas avoir à crain- dre. La première précaution ter par la police de d'exil? la la journée, projets les N'obéit-il pas, sort jour. le et va prier dans quel- s'en Il paralyse de Salluste comme toujours danger instinct qui fait fuir le le et ainsi, En ! le mité est tout. et qui mais il rentre Ruy n'est point aussi il Il sûr? l'imminence il lui moment pour l'homme échappe à l'extré- Blas agit d'une façon très vraisemblable montre que ici ; aux armoires, poète connaît la nature humaine, le ingénu ne paraît changé clefs or ce ? pour est-il l'homme menacé théâtre de cette catastrophe, pour un moment dit-il, ferait Catarina, à cet qui, dans des grandes catastrophes, fait croire à qu'en fuyant de faire arrê- reine ce don Salluste en rupture Non. Ruy Blas que église tout n'est-elle pas énergique ou héroïque. Le soir qu'il était parti. il la voit les meubles maison dort, ne sent pas autour de n'a revu personne, A il lui il son arrivée rien à leur place, les tout cela le rassure, l'ébranlement d'un malheur. ignore tout ce qui s'est pu passer, LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 21(3 cela lui suffit, il ne cherche pas plus loin ces gens qui, recevant une ; ressemble à il soupçonnée lettre d'apporter de funestes nouvelles, restent un jour sans l'ouvrir. L'idée Car de mourir alors est bien ingénue. mort peut au sa contraire parler pour Sallu^te contre la reine. à prendre était dès Mais il le matin ne veut pas garder : bout avec la je poète et de se dire naissance ? Rien ; je la En Il son origine reine n'est pas l'affaire tragique. révolutioonaire jusqu'au après tout qu'est-ce que : tout cas, d'ailleurs passer pour grand seigneur, Là s'il Le Blas est le point faible. devenu premier ministre époque démocratique et, valet qui s'est fait n'était ingénu, et aimé d'une il plaît de notre temps s'y reine, même un il n'a à notre en dépit des énormes défauts de donne un charme poétique tout Comme poème Ruy serait Car quant à ce conte d'un lien d'invraisemblable en lui-même, lui Ruy le fait. tous deux ingénus. ici Blas est donc un ingénu. il il Ce sans lui rien raconter et elle pardonne sans rien comprendre. Ils sont la pièce, tout. du poète, que ce dénoûment simplement mourant meurt valet habile, faut qu'une reine pardonne au laquais donne un baiser d'amour. Elle malfaiteur. plus mort laverait sa ; et lui Ruy de Bazan, mérite d'être César César de Bazan. reste tairait à Scrupule peut-être exa- ? n'a-t-il l'ingénuité d'être le seul parti attachés à son les bénéfices faux nom, sa noblesse est volée géré que Le de tuer Salluste, particulier. un ouvrage immortel, le rêve retrouve, il résume la poésie des aspiBlas est rations démocratiques. VI Don Carlos ne représente plus l'amour profond qui remplira le cœur de l'homme de peu, de celui qui n'a que son amour pour tout bien au monde. Le prince et i'em- L'AMOUR LIBERTIN DON CARLOS : pereur ont bien d'autres pensées en tête une 217 l'amour sera donc : distraction. Don un Carlos avant l'empire est despote ; secrètes, et avoir espionné s'introduit, après il prêt à jouer du poignard; chez gneurs qui ont une nièce belle pris tous ses libertin doublé d'un renseignements il ; et jeune; que sait entrées les vieux sei- les il est vrai qu'il a la grande dame a barbe du vieux », un amant comme un libertin cynique il en a conclu que toute dame qui a un amant peut en avoir deux, et, en chevalier mal appris, brutal et insolent, il le dit devant elle, avec une sans barbe*qu'elle reçoit <( à la ironie qui est plutôt d'un goujat que d'un roi. Partageons, voulez-vous ? J'ai vu dans sa belle âme Tant d'amour, de bonté, de tendres sentiments Que madame, à coup sûr, en a pour deux amants. Tant de discourtoisie démocrate pour les rois. Enfin don Carlos, avec une pres- surpris sans égale, tesse ouvre son manteau le ; une sévérité grande du poète est par adorablement du vieillard trompé tance sévèrement le vassal, et, tique, se fait héberger les amants, le ; libertin c'est lui qui : la convenu, repoussé, il il et dame, se joue et maintenant après une conversation poli- la nuit. D'ailleurs lendemain sous Hernani; reconnu, pire le le espionne il surprend l'heure du rendez- vous donnent, arrive fait le signal pour oncle de le vieil sauve roi qu'ils se balcon de dona Sol, cherche à se faire passer pour emploie la persuasion, emploierait la force J'ai là pour vous forcer trois il offre son em- : hommes de ma suite... Hernani ne surgissait tout à coup. Il manque absolument de grandeur d'âme et de délicatesse en amour. Hernani est son rival, et aimé de dona Sol ce serait assez, si ; selon la casuistique chevaleresque, croisât le fer avec lui, sans se pour que don Carlos déshonorer ; mais, tout au LES PASSIONS ET LES 18 CARACTÈRES met au ban de l'empire, jusque chez don Ruy, exige qu'il lui contraire, il l'hospitalité reux se et le le ; saisit comme don Ruy et poursuivant soit livré, malgré le délicat amou- refuse, de dona Sol, qui fort heureusement est aussi Espagnole que lui et porte un poignard sur elle. Il n'est point étonnant que ces passions de libertin, car c'est bien l'amour libertin qui est dépeint dans don Carlos, s'en aillent, soit avec l'âge, soit devant des préoccupations mot de regret sur doux collier des bras de l'amante, « qui manque au rang suprême ». er Carlos est un roi libertin, François I sera un rci dé- plus graves; empereur, à peine a-t-il un ce bauché. entouré de gens qui encouragent ses vices Il est boulet pousse dans le femmes de caprices ; la belle le sentiment sa course ! les de ses est riche et tout- il qui domine en lui, qui met il ; ne s'arrête parfois que pour exprimer cette satisfaction, ce contentement de soi et des autres Ah Tri; cette corruption, c'est la joie vul- gaire de vivre et de courir au plaisir au milieu de ; ; lui la satisfaction rien ne s'oppose à ses désirs humeur dans moque de turpitude, et se sa cour lui rendent facile aussi puissant, de la n'importe, excepté ce jaloux, tout : me plaît. Tout pouvoir, tout vouloir, tout avoir! Triboulet, Quel plaisir d'être au monde et qu'il fait bon de vivre Quel bonheur ! ! TRIBOULET Je crois bien, Un sire, vous êtes ivre. mélange de délicatesse chevaleresque ne mal pour l'exactitude historique : LE ROI Tu ne m'as pas encor redit que tu m'aimais. fera pas L'AMOUR DÉBAUCHÉ FRANÇOIS : 1 er 219 BLANCHK Oh ! c'est fini. LE ROI Je Ne Oh ! sans le vouloir, blessée t'ai, sanglote donc pas comme une délaissée ; ; plutôt que de faire ainsi pleurer tes yeux, J'aimerais mieux mourir, Blanche.' j'aimerais mieux et dans ma seigneurie courage et sans chevalerie. Un roi qui fait pleurer une femme ô mon Dieu, Lâcheté mon royaume Passer dans Pour un roi sans ! ! De séduisant qu'il paraissait presque d'abord, terrible et odieux, devient bientôt la jeune du peuple, pure fille et débauché François I er comme pauvre, le va chercher lorsqu'il va chercher Blanche dans sa retraite ignorée, puis, après l'avoir déshonorée, l'écrase de cette que l'insulte. Qu'est-ce le pauvre le une proie pour ? père! s'écrie avec ironie ce nom pour Ton Ton Il même puissance le le puissant et roi, le riche père ! père ! mon il bouffon moi veux est à veut ce que je 1 ! mon fou ! mon Triboulet j'en fais ce qu'il Oh entier ! ! sais-tu qui me Ton le débauché de la bête contente ! nous Bomraes : quinze millions d'hommes, pour moi, tout est à moi, je suis Lorsque rire « plaît. Richesse, honneurs, plaisirs, pouvoir sans frein ni est : lorsque Blanche prononce s'en protéger, La France, uu peuple Tout et peuple à ses yeux, qu'est-ce que tient sa proie le loi, Roi. dans ses bras, il a le : BLANCHB. Comme Enfin le roi le dans il rit ! Oh 1 mon Dieu, je voudrais être morte. dernier trait de cette étude de débauché, le bouge de Saltabadil. c'est LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 220 VII L'amour romantique peut i'i même résister à l'honneur et jurée (Hernani), ce qu'il ne faisait pas aux temps la foi amour romantique, au nom dont il se réclame, se met au- chevaleresques, parce que cet de Dieu et de l'immortalité dessus des préjugés de ce monde. à remarquer Il est voirs ; dans tère parce dans pourtant Hugo, que l'amour romantique l'esprit même qu'il respecte théâtre de Victor le il les vrais un sentiment est de l'âme (Marion de Lorme). Cet amour conjugal doit être sacré pour encore devoir social, fille, la eu qu'elle a pureté de résister quand le lui ; ; le ; la femme qui n'est point encore mais Julie, précisément parce courage d'obéir à son amour, saura le vrai devoir sera là. Que dure et pénible, pleine de luttes, c'est pourquoi est méritoire ; retomber du devoir à qui la même classique n'oserait pas, ; elle mais Julie mourante, délivrée de ce devoir d'amour pour l'homme domptée lui cette résistance un qu'elle a respecté, pousse avec son dernier soupir telle devoir déjà, dans Rousseau, succombe, car ce qui passe pour un mariée, cède à l'amour soit qui, des poètes, ne peut que purifier, qui. lave les souillures ne peut donc devenir immoral et déshonnête Julie, de- n'y a pas d'adul- si mort dans la la rend. Une délivrance de longtemps gardé dans cri héroïne la mort, la faiblesse pour l'héroïne romantique, l'amour, union immor- des âmes, reprend ses droits dès que le devoir con- jugal, chose passagère et terrestre, n'est pins. Est-ce à dire que tous les auteurs romantiques soient restés dans ce juste milieu, dans ce respect du devoir sur terre concilié avec le respect d'un le amour immortel cas de Pauline et de Julie est étudié de George Sand, et, comme Saint-Marc ? Non. dans « Jacques Girardin l'a » fort l'amour romantique et le devoir bien remarqué, l'auteur nouvelle, toute aussi 221 du roman y prêche une morale qu'odieuse claire ; au nom d'une au nom que peu sincère au fond, voici supprimé d'une conception de l'amour doctrine mystique, aussi bizarre devoir du mariage la : ceci, n'est pas tenue à femme, et c'est une femme qui le écrit aimer plus longtemps qu'elle ne peut aimer, ni à rester fidèle lorsqu'elle n'aime plus. Le mari l'amant de n'est que l'amant du jour. qui doit céder sa place à la veille, Voilà l'excès. Aussi, depuis, l'adultère a régné dans la littérature, s'y glorifie il mais ; il n'y a pas un adultère dans toute l'œuvre dramatique de Hugo. Si l'amour s'y élève au-dessus de tous les inonde, la richesse, la fortune, devant vrai devoir. le jamais devant par la lui, Ou le plutôt préjugés du rang même, il s'arrête devoir ne se dressera le car le devoir n'aura jamais été oublié passion naissante ou grandissante. Hugo, aiment un autre homme que leur mari, Catarina, et Maria de Neubourg. Toutes deux ont les excuses que mettent en avant les Deux femmes mariées, dans le théâtre de Victor femmes coupables, si le poète avait pour les adultères la pitié qu'il a pour Marion de Lorme. Catarina n'a pas pour mari, comme Fernande, un honnête homme sincère et épris, que la trahison désespérera noble, a été, malgré elle, ; non, Catarina, fille mariée au podesta Angelo, vil et cruel, instrument aveugle de Venise, qui gouverne par le poison et le poignard. Comme Pauline, elle aimât un jeune homme, quand est venue cette union forcée homme, elle l'aime toujours ; son mari, elle peine. Il n'y a pas dans Catarina lointaine de même la le : ce jeune connaît à pensée la plus faillir. La reine Maria de Neubourg est le type de ces pauvres femmes mal mariées, qui, froissées par l'indifférence ou la grossièreté d'un mari, languissent le reste de leur vie. Elle s'ennuie : l'étiquette lui défend de sortir quand elle le LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 222 veut, déjouer, sinon avec les parents même Elle ne peut Que de du roi, qui n'en a pas. inviter à sa table sa suivante favorite. regrets alors, que de regards mélancoliques jetés sur son enfance si heureuse, passée dans cette petite prin- cipauté bourgeoise, sans la gêne des grandes villes et des cours royales Dans sans situation, dire. Elle voit lui le ! cette un homme l'aime. Elle l'aime, en lui un soutien pour la cou- ronne, un appui solide pour ambitions qui se royaume. Un tueux chez cet aveu partagent elle, seule le au milieu de ces pouvoir et l'argent du jour, l'aveu s'échappe, passionné et respec- Ruy Blas, chaste et triste chez la reine. Mais est leur seule faiblesse. Maria de Neubourg ne pense à son honneur en jeu que pour exprimer sa confiance dans Ruy Blas : Reine pour tous, pour vous je ne suis qu'une femme, Par l'amour, par le coeur, duc, je vous appartien ; J'ai foi dans votre honneur pour respecter le mien. RUY BLAS Devant Dieu qui m'entend, sans peur, à haute voix, Je le dis, vous pouvez vous confier, Madame, A mon bras comme reine, à mon cœur comme femme Le dévouement se cache au fond de mon amour Fier et loyal L'amour les les comme gne ou dans Allez, ne craignez rien. ! me semble, les hauteurs moraRuy Blas ni la reine ne sont pas atteint là, ce plus élevées pourtant, ! les ; et héros de Lamartine, sur une monta- les nuages. Pour bien juger l'amour romantique, il faut toujours revenir à l'amour classique, et voir combien il y a loin de la galanterie suelle et noble et touchante du Cid, de la passion sen- impérieuse d'Hermione, au sentiment profond, à la vertu d'aimer qui est dans Marion de Lorme, Blas, Angelo, Marie Tudor. Ruy l'amour romantique et le devoir Même dans notre époque prose, pour nous, sorte de vertu, fils et 223 plus pratique et revenue à la de romantiques, l'amour est resté une on se glorifie encore de toutes les fai- blesses qu'il inspire. Un héros classique ne dirait pas ces vers Oh béai soit ! Il ne la vie dans de et de spectres suivie, Mais qui permet que, las d'un si Je puisse m'endorinir ma bouche pas parce que, le dirait par désespoir d'amour, d'un côté et il rude chemin, sur ta est s'il la vie, que main ! capable do se tuer n'osera pas ainsi mettre en balance l'amour de l'autre, et dire que mourir bras de celle qu'on aime, les : qui m'a fait une vie le ciel, D'abîmes entourée d' Hernani c'est là dire de telles paroles, une félicité croire à rachète les malheurs suprême. Il faut, un lendemain ; pour héros le classique désespéré sort de cette vie sans que rien le console. Marion refuse d'épouser Didier, parce qu'elle gne de l'amour qu'elle a offensé ce n'est point est indi- ; cause du monde, comme la même Laure de Rousseau quand refuse d'épouser son amant, mais à cause de la divinité mariage dire de l'amour. et Une à elle du héroïne classique ne pourrait : Frappe-moi, laisse-moi dans l'opprobre où je suis, Repousse-moi du pied, marche sur moi, mais fuis... car l'amour classique n'a il est égoïste Marion est avec une comme sublime infinie ; il s'en douceur, pour ces amants que se point cette toute passion.' force de sacrifice Le dernier dégage une angoisse parce la fatalité pareille tout sépare, au moment où trouvent dignes l'un de l'autre, où chacun voit une infinie que l'amour est ce qu'il perd était unique et prédestiné pour lui. ; acte de ils comme Jamais émotion ne se dégage du théâtre classique, LES PASSIONS ET LES CARACTERES 224 dans Polyeucle peut-être, sinon, l'amour et Aimer sans espoir et y trouver une amère romantisme chrétien en la est et pour des plaisir ni sens, spectateur le Les amants romantiques peuvent l'art. Le platonisme le par convenance, par respect pour c'est douceur qui chevalerie. humain, moins théologique. Les amants classiques ne parlent pas du mais la Dante reprendre à allé faisant plus le dans existait vie, moment parce qu'un , faire qu'un. semblent n'y remplir à suffit la foi mettre se au-dessus des sens parce qu'ils espèrent en l'autre vie. Le théâtre classique n'a rien de pareil à l'amour de Rodolfo et de Catarina, de Ruy mour romantique Blas et de Maria de Neubourg. est capable de tous classique n'était capable que somme, romantiques ont les de respecter fait les quelque chose de grand et de pur longtemps L'amour est la le grande d'Etat, une et le de "l'amour nous ont tout entier aimer. Otez l'amour, ne elle ? inspiré. l'amour romantique ; Qu'importe au plébéien force. monde faiblesse En nous aurons encore respect de l'amour qu'ils classique est l'honneur. premiers et ; L'a- L'amour les sacrifices. La vie vaut plus la pour la raison lui, c'est peine d'être vécue. Pour tout dire, dans l'expression nous rencontrerons de l'excès, de l'affectation, une religiosité risible aujourd'hui. Les personnages chargés de soutenir la thèse à savoir que l'amour est saint et divin, la romantique, soutiennent as*ez maladroitement pour qu'on voie qu'il y a thèse. De là l'air amoureux aux moments La conscience de remplir un sacerdoce en prétentieux, la pose vaniteuse des pathétiques. aimant n'abandonne jamais les jeunes premiers et on dirait, aux moments religieux où l'amour est en jeu, que les Jeux amants réunis officient, accomplissent un acte sacerdotal dans Deux âmes comme les nôtres qui s'épanchent l'une l'autre, dit Rodolfo, c'est quelque chose de limpide et : « de sacré que Dieu ne voudrait pas troubler. » Les amants l'amour romantique et le devoir « même posent se 225 en égaux de Dieu et tutoient Je t'aime, tu m'aimes, et Dieu nous voit. l'Eternel Il : n'y a que nous trois d'éveillés à cette heure. » Tout cela se dit avec accompagnement d'yeux a levés au ciel i>, selon les indica- On tions dont les poètes romantiques sont prodigues. yeux au les avant de faire un aveu, par exemple ciel Ruy Blas; dans l'amant à qui l'amante dit croit voir le ciel s'ouvrir née I, que je vois Ruy scène v). romantique. Blas Mais cela » 1 : tous vœu le Oh ! ; « Devant mes yeux c'est le ciel simplement la phraséologie Rodolfo de et trop l'extase a Les Catarina ici les amants romantiques Vl) qui est tout allures d'un font aussi de mourir à ce moment-là. Hernani peut encore avec assez s'écrier « risible hystérique. état », c'est s'embrassent (journée III, l re partie, scène près d'être la reine Je t'aime (romance de Marie Tudor, jour- de L'extase a : lève de naturel III* acte, ( qu'un coup de poignard de toi me scène IV serait ) : ! » doux parce qu'il souffre et ne voit pas d'issue à son désespoir mais que la charmante dona Sol, dans de cette nuit de noces, alors que mauvais souvenir, il faut pour cela profondément bonheur que le n'est plus qu'un « ; en somme, elle craint tout l'affreuse angoisse de dé prévoir une si âme romantique, amie des images de la vie, et fin si la qui ne trouve à ou une diminution au remède de mourir au moment où. il complet. le dua.m:; humant, ; rêveuses délices Et j'aurais bien voulu comprend moins aujourd'hui : bien connaître cette triste mort, tellement le malheur le dise, elle aussi mourir en ce moment »,on les lo est LIVRE VI LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES (Suite.) — II. L'amour L'amour paternel dans Le Roi s'amuse, Triboulet, Le comte de Saint-V allier. IV. L'amour Les sentiments de la famille depuis la Révolution. paternel dans les poésies de Hugo. — III. — — maternel dans Lucrèce Borgia. V. L'héroïsme. La La religion du serment et de l'hospitalité. VI. Le et l'expression de la passion. Expression de l'amour, de et du désespoir. L'émotion physiologique, les excès, la peur de la mort Triboulet, Catarina, Monaldeschi. — clémence. pathétique la douleur mort et la ; Mon où les sujet devrait pères et est nécessaire, les me renfermer dans l'étude des drames mères ont un avant d'aborder rôle la au théâtre, de montrer un peu ce la ; mais, ici encore, il peinture des sentiments qu'ils sont devenus dans poésie depuis l'époque classique. L'enfant, à l'époque classique, ne compte qu'à l'âge de paraître en cour et de faire figure race ; jusque-là, il n'est est comme héritier de la pour ainsi dire qu'un devenu homme, fils pré- somptif. Quand il attention à lui mais l'amour paternel est peu tendre ; son père fait : LES PASSIONS ET LES CARACTERES 228 c'est complaisance du chef de famille pour la l'héritier, Voilà c'est l'ambition paternelle, c'est la fierté paternelle. pourquoi don Diègue, Horace, sont le vieil ont autant d'héroïsme que de tendresse, cette différence ; nom ils ; ne sont guère ils Saint-Marc Girardin a vu faibles, et c'est là leur beauté. juger sainement, dignes si mais, trop voisin du romantisme pour le n'en a pas démêlé il les raisons de cette dignité des pères classiques, blâmé la au a, il ; tendresse quelquefois la faiblesse des pères modernes. Pourquoi et ne pas admettre sont dans la deux faces du caractère paternel qui les nature ? Pourquoi un guerrier ou un pontife La Révolution, en supprimant l'aristocratie, a supprimé de l'idée la race et des devoirs héréditaires. Plus d'aïeux famille est plébéienne cour ; l'enfant est le plus intime l'a il ; ; le ; le ; genoux, de la ; il il l'a ; vu les ; loin la faire ses le des- siècle le père disait premiers il l'a : ; ; il a été, lui du père héroïque, rapports entre ont pris quelque chose de moins raide au xvii* la a été de moitié avec la mère un peu mère nous sommes bien majesté patriarcale ; non plus à peut-être bercé, nourriture et l'éducation du petit être la aussi, lui, foyer est plus étroit, l'affection l'enfant né, le père lui a pris sur ses vu grandir chaque jour dans père vit chez de son père, et non plus fils cendant des ancêtres pas père resterait-il toujours le ? père et le se ils le fils tutoient j vous. Il L'enfant, comptant dans la famille, poésie ; et cette poésie de l'enfance comptera dans temps, et dans ce temps surtout à Victor Hugo. l'enfant pour lui-même, trouver grâce délicate qui est faite candeur, de beauté frêle l'espoir de la vieillesse, ; la est particulière à notre et apprécier en lui Aimer cette d'innocence, d'irréflexion, de voir en lui la joie c'est du présent et ce qui était réservé à une LA POÉSIE DE L'ENFANT DANS HUGO époque où la vie de famille s'est 229 développée grâce à Révo- la lution. Les émotions du foyer modeste, plébéien, dont lesses de l'enfant, la joie qu'il y En ? Hugo en partant, Victor laisse Comment remplit il la Qu'est-ce que la qu'éveille la première culture, c'est ensuite l'amour, c'est l'union du l'affection deuil traduisant ses impressions à lui, et chacun C'est l'imagination, ? le a exprimé tout cela. s'y reconnaît. Il suit le cours de sa vie. vie gentil- les maison, foyer, la paternité ; avec c'est femme la choisie, l'homme devenant citoyen, servant son pays de son intelligence, entrant à son tour dans la grande œuvre du progrès, s'intéressant aux problèmes sociaux ramène au dont enfants sont les dans elle est c'est ; peu à peu les Odes hommes et vieillesse qui la foyer, au milieu des petits enfants, le grand-père, à leur tour. L'imagination, Ballades ; avant d'être un homme, l'auteur était déjà un novateur littéraire de génie il dans est épars tomne d'automne, les les drames, ; l'amour, Odes, les Orientales, les Feuilles d'au- émotions du les ; les remplissent père Chants du crépuscule les discours, les ; le les Feuilles citoyen est dans Voix intérieures , les Châtiments, les Misérables, qui reflètent tour à tour les élans, les orages, les inquiétudes, les découragements et les colères de la vie politique ; les douleurs du père attristent les Contempla- tions, et les dernières joies de la vieillesse éclairent Y Art grand-père d'être : avant à les le poète mères ce qu'elles allaient ne l'invente pas, dire. Qui ne s'est il dit trouvé conversation autour du feu, coupée soudain par une l'entrée de l'enfant ? rompt d'Hugo dans son déroule- voilà l'œuvre ment simple et naturel. La grâce de l'enfant, ; voilà tout le yeux bleus Chacun s'arrête, la causerie s'intermonde occupé de la tête blonde et des : Lorsque l'enfant paraît, Applaudit à grands cris le cercle ; de famille son doux regard qui brille LES PASSIONS ET LES CARACTERES 230 Fait briller tous les yeux, Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être Se dérident soudain, à voir l'enfant paraître Innocent et joyeux c'est de la poésie exquise. Le père bruit travaille jouer ailleurs pour ! à côté les enfants jouent et font mais mère la père s'insurge, le pour sa poésie lui et Oh ; ; un domestique ou survient ; : réclame il du faut aller il enfants les : que j'aime bien mieux ma joie et mon ma famille avec tout mon loisir, plaisir, Et toute Dût la gloire ingrate et frivole, Dussent mes vers, troublés de ces ris familiers, S'enfuir, comme devant un essaim d'écoliers Une troupe d'oiseaux s'envole. mes amis, l'enfance aux riantes couleurs Donne la poésie à nos vers, comme aux fleurs L'aurore donne la rosée. Après travaux du jour, vient l'heure du repos. Le les père prend les mains de l'enfant, les joint et lui dicte la prière touchante qu'elle fera pour tous, pour la mère, pour le père, pour la famille faite, l'enfant encore rêvant de là, vivante et s'endort dans la famille morte son berceau, et la vie qu'il fera à sa pour tous » (Feuilles d'automne, xxxvn) la famille. Ainsi partout, de ces le fille. ; la prière poète reste « La prière poème de scènes intimes autour du est le foyer, dans le cabinet, dans la chambrette de l'enfant, naît une poésie suave et si naturelle qu'on a peine à toute nouvelle pour notre âge. Partout aus-i son bonheur paternel exprime un une crainte et vœu le la poète dans touchant qui paraît comme un pressentiment des malheurs Moi, quel que soit le monde, et l'homme croire et l'avenir, Soit qu'il faille oublier ou se ressouvenir, Que Dieu m'afflige ou me console, Je ne veux habiter la cité des vivants futurs : L ENFANT DANS LA POESIE LYRIQUR 231 Que dans une maison qu'une rumeur d'enfants Fasse toujours vivante et folle. (Feuilles d'automne, xv.) Seigneur, préservez-moi, préservez ceux que j'aime, Frères, parents, amis, et mes ennemis même Dans le mal triomphants, De jamais voir, Seigneur, l'été sans La cage sans oiseaux, la ruche sans La maison sans enfants. fleurs vermeilles, abeilles, (Feuilles malheurs Ces d automne, vinrent pourtant pressentis : le xix.) poète devait vivre toute la vie, joies et douleurs, et tout chanter. Les Contemplations sont Il est poème de le temps que je me la douleur paternelle : repose, Je suis terrassé par le sort, Ne me parlez pas d'autre chose Que des ténèbres où l'on dort ! Que veut-on que je recommence ? Je ne demande désormais A la création immense Qu'un peu de silence et de paix. L'humble enfant que Dieu m'a ravie .Rien qu'en m'aimant savait m'aider C'était le bonheur de ma vie De voir ses yeux me regarder. ; Si ce Dieu n'a pas voulu clore L'œuvre qu'il me fit commencer, S'il Il veut que je travaille encore, n'avait qu'à me la laisser. Cette douleur des Contemplations n'est pas aussi héroï- que que blesse ! Au quement roi, celle la à qui du vieil e xvii siècle, mort de ils ses : le ; elle est peut-être une fai- vieux Corneille supportait héroï- deux fils ; il appartenaient, d'après Malherbe, frappé du Périer Horace même rendus au du temps. à son ami du les avait les idées malheur, disait LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 232 Pour moi, déjà deux fois d'une pareille foudre Je me suis vu perclus, Et deux fois la raison m'a si bien fait résoudre, Qu'il ne m'en souvient plus. Le père moderne Mais gentilhomme. n'est pas aussi petits-enfants ont remplacé pour le les enfants partis sa maison ; poète les n'a point été jusqu'au bout la cage sans oiseaux. Le grand-père chante alors ses petitsfils, et nous entendons encore de douces chansons. L'en- fance, dans Y Art d'être grand-père, n'est plus dépeinte par un poète de trente ans ; mais on y écoute encore son babil- lage charmant, mêlé au radotage de génie du vieil aïeul. Un père aime à voir marcher son fille ; mais jour. coin du feu, ils aiment l'enfant plus de l'âge rapproche luttes, ils petit, l'âge fort : ils le vivent au le bercent, du plus jeune avec un attendris- plus vieux le grand-père écoute et admire l'enfant sement inconnu à il à entendre jaser sa devoirs de la vie l'éloignent presque tout les Les grands-pères ont renoncé aux la faiblesse le fils, ; aussi le connaît-il mieux, et n'y a qu'un grand-père qui puisse peindre l'enfant avec son langage, le mots charmants, photographier, pour ainsi dire, avec ses moues, ses ses dévouements naïfs, ses pré- tentions amusantes àjouer l'homme. III Ainsi le poème de l'enfant et dans l'œuvre lyrique d'Hugo ; de en la famille est-il de moderne même dans est le théâtre? Tous les pères et toutes les mères se reconnaîtrontils dans Triboulet Non certes : et Lucrèce Borgia nulle part le que dans l'amour paternel l'idée ? poète n'a plus peint l'exception et maternel. C'est qu'il avait préconçue de représenter des antithèses vivantes, l'amour paternel triboulet : 233 de montrer le père et la mère dans le monstre. Tl faut évidemment admettre son point de vue ; nous avons déjà nos réserves. fait y a dans Le Roi s'amuse, avant tout, une satire la sadu pouvoir absolu, la satire d'un roi immoral dans sa et dans ses mœurs, la satire de la débauche toute-puis- Il tire vie : sante, qui times ; il opprime y donc croire à doit et sans recours pour ses vic- déshonore, a ensuite une moralité la pureté de rupteur du roi il ; punition terrible : tales qu'il excite. fille encourage l'immoralité Le Roi s'amuse d'un cas psychologique spécial de ; victime des passions bru- sera la Enfin, dans fille, il et aurait besoin or, Triboulet est le cor- ; favorise et sa Triboulet a une femme la hommes croire à l'honnêteté des : : il y a l'étude mettre l'amour paternel dans l'âme de ce bouffon, de ce bossu, de ce déshérité, source Ce dernier deux premiers, amuse ; ce n'est nouvelle d'effets et de situations dramatiques. élément du drame ne vient qu'après comme l'indique bien le titre : les Le Roi s point, avant tout, le père que le poète a voulu peindre dans Triboulet, mais Néanmoins le bouffon difforme posé en face du roi c'est son rôle paternel ! que nous avons à exa- miner. Il ne faut pas en vérité lui comme demander, Saint-Marc Girardin, d'être droit puisqu'il un seigneur puisqu'il qu'il est bouffon ; pour la fait est valet, d'être plein de dignité puis- n'exigeons pas non plus de lui qu'il se console facilement lorsque déshonorer, le est bossu, d'être comme les le roi lui pères à qui a pris sa le roi fille, pour prend leur la fils défense du trône. Triboulet n'a point là d'aïeux pour un devoir de l'héroïsme, il n'a pas de race, lui, il du peuple? Il n'en est même pas; il n'a pas de famille il n'est même pas un serf, il est presque un lui faire est du peuple ; ; chien de palais. Est-ce que franchement, si droit d'attendre de lui de l'énergie et des cris, lui demander la vous avez le vous allez dignité de celui qui se sait fort ? Est-ce 234 LES PASSIONS ET LES CARACTERES qu'un père comme ressemble à d'autres? Ëst-c6 celui-là qu'un misérable, un opprimé, un esclave, n'aime pas son enfant avec un grondant, s'il amour plus jaloux, plus farouche et plus que n'est l'amour d'un Horace est outragé, ou d'un don Diègue? Triboulet, selon Saint-Marc Grirardin, n'est pas seulement trop amant, trop jaloux, il est trop tendre. Mais cet enfant, c'est une précisément une qu'on aime un Le fils. de fille la même fils, façon est fort, s'il est intelligent, fils, s'il est grand, flatte l'orgueil s'il non pas un et fille et l'on n'aime pas du père; Horace, si si Ro- drigue meurt avec gloire, rien n'empêche et on trouve beau que douleur paternelle soit tempérée et consolée par la la du chef de point d'orgueil enjeu le race. Mais de la fille au père, père aime dans sa fille, non lui-même, non sa race, non résignation du citoyen et l'honneur satisfait : sa force, -non son génie, mais elle-même, sa mère, et le sou- de l'amour, elle-même, c'est-à-dire sa beauté, venir grâce, sa tendresse, sa faiblesse surtout ; de même sa que la mère est plus tendre souvent ou tendre d'une autre manière pour sa le fils, parce qu'il est un autrement que son fille fils, Le malheur qui enlève une lation ? rable, Le fils homme, ; la fille sa fille pièce « Ce n'est point la un souvenir hono- meurt tout mort de son qui a inspiré à Victor A Hugo que sa fille est son seul bien, être qui lui rende son amour, ; entière, la fils, mais la mort de du marquis Fabrice qu'il n'a plus sa comme perte est irré- ces Contemplations et la Villequier » et la a Confiance Ajoutez que Triboulet est veuf, quelque conso- souffre-t-il meurt ce qui n'est que grâce et jeunesse parable. père chérit parce qu'elle est une femme. fille a pu laisser une oeuvre, un nom glorieux le sa de sa ; le seul triste vie. seule affection, la seule joie ». femme Sur ces données, je ne m'effaroucherai donc pas si pour fille est une ivresse, un paradis, si, de même qu'Andromaque dit à Hector « Tu es pour moi un Triboulet voir sa : père et une mère vcnérable, un frère et un époux superbe », l'amour Paternel triboulet : Triboulet dit à Blanche, pendant fiévreuses qui les réunissent 235 entrevues courtes et les : D'autres ont des parents, des frères, des amis, Une femme, un mari, des vassaux, un cortège D'aïeux et d'alliés, plusieurs enfants, que sais-je Moi, je n'ai que toi seule Un autre est riche ! Toi seule Un es mon trésor, et toi seule es mon Ils ont l'orgueil, l'éclat, la Us sont beaux. Moi, Chère enfant Mon Mon épouse, bien l ! âme femme, ; grâce et la santé, vois-tu, je n'ai que ta beauté, ma cité, mon pays, ma famille, ma mère, et ma sœur et ma fille, ! univers, c'est toi, toujours toi, rien que toi Je ne m'effaroucherai pas comme eh bien ; autre croit en Dieu, je ne crois qu'en ton D'autres ont la jeunesse et l'amour d'une font, ? — ! joies de l'amour paternel si les feraient celles d'un autre amour, oublier au bouffon son esclavage, sa tristesse, son abjection, sa laideur, dont on l'abreuve, les insultes ceté. avec une terreur jalouse, ceux et jusqu'à sa propre méchan- Je ne m'étonnerai pas non plus même s'il ce père garde sa si redoute — ce père, qui est un bouffon, rité ? Il aura la fureur et douleur de la un esclave bafoué, un déshé- désespoir de l'esclave impuissant, le rage du misérable opprimé, qui voit dans tous le défi, et l'insulte, même I vil, il yeux au que cette rage sauvage, tantôt sourde, tantôt éclatante et rugissante Enfer les surcroît à son malheur. N'est-ce pas, contraire, la nature Est — au vice. qu'il excite Aussi de quelle sorte sera l'indignation et la fille juste châtiment m'a tout pris ! — Oh ! : que ce tour charmant atroce, horrible, et s'est fait lâchement ! Scélérats, assassins, vous êtes des infâmes, Des voleurs, des bandits, des tourmenteurs de femmes ! Messeigneurs, il me faut ma fille il me la faut A la fin 1 Allez-vous me la rendre bientôt ? main qui n'a rien d'illustre, Oh voyez Cette main, Main d'un homme du peuple, et d'un serf et d'un rustre, ! — ! ! — Cette main, qui paraît désarmée aux rieurs, Et qui n'a pas d'épée, a des ongles, Messieurs ! — LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 236 — Voici déjà longtemps que j'attends, ce La porte, ouvrez-la Rendez-la-moi ! me semble Oubliant son rôle de singe royal, à la face des jette il seigneurs des menaces et des insultes qui venaient d'un égal. Triboulet est grand comme la mère à qui on arrache son enfant, à qui on prend son bondir les feraient si elles même que ! ! grand là, comme petit. N'est-ce point aussi la bête la nature ces faiblesses, ces attendrissements de ce monstre qui se fait suppliant, qui pleure, quand sa rage s'est en vain heurtée au rire des seigneurs Dira-t-on que ses paroles ? et ses sentiments sont conformes à sa situation, mais que le poète pouvait ne pas venir réclamer sa noble mais ; On viole? le roi la fille mettre dans cette situation de le aurait raison Voyez : est supériorité dans Le Roi n'est-il pas s Triboulet, a pour prix de ; ne les poètes ne se contentera pas, pourquoi Saint-Marc Girardin ? confronter avec don enlevée et déshonorée par grâce que la le Le comte de Saint- Yallier, fille le roi qu'il insulte lui a faite maudire il ne François I er sur le ravisseur, espé- lui fera ôter la vie qu'apparaître dans la pièce, fait tel qu'il est, où. d'un père il y a des pères d'Hugo qui fameux père noble classique, il l'échafaud. Il vient, lui aussi, las. Il chambre Soit, ! le Horace vu sa et le rant que la déshonneur de sa race. prendre pour Diègue vieil ; amuse allé le comme le roi le de s'agissait pères de Corneille, répète Saint-Marc Girar- les quelle supériorité ont cette s'il. s'agit de Triboulet, qui il certes, de pleurer chez lui din même à la porte ferait pas honte il dont y passe il ; est mais au père de don Juan ; modernes ne sont donc pas impuissants à con- cevoir et à rendre l'héroïsme tragique. Est-ce Corneille ou Hugo qui parle ici : Sire, je ne viens pas Quand on redemander ma fille ; n'a plus d'honneur, ou n'a plus de famille. aime ou non d'un amour insensé, Je n'ai rien à reprendre où la honte a passé. Qu'elle vous L AMOUR PATERNEL ma Sire, au lieu d'abuser TRIBOULET I 237 bien plutôt fille, Que n'êtes-vous venu vous-même en mon cachot Je vous aurais crié Oh Oh ! Victor Triboulet ma grâce pour ! : faites-moi mourir. La tombe et non l'affront. Hugo a si bien voulu se garder de comme un père noble, qu'il a créé Saint- Vallier admettre que un pour établir le ! Faites-moi mourir, grâce! fille et grâce pour ma race, contraste. faire parler comte de le donc faut Il caractère maternel autant que paternel de Triboulet est naturel, étant donné Triboulet, c'est-à-dire le plébéien, le bouffon, le déshérité. Mais pourquoi poète a-t-il choisi le étudier l'amour paternel paternel, mais ce Le un pareil être pour ne voulait pas étudier l'amour Il ? qu'est l'amour paternel dans Triboulet. théâtre romantique part d'une autre idée que le théâtre classique. Celui-ci part d'une idée philosophique dans ses traits généraux autres passions, devoir le ; soit en lui-même, soit exprimer : comme l'amour paternel, les aux prises avec le poète romantique a une idée humanitaire, une idée politique, une idée de réaction contre l'art classique, et une idée de leçon morale. De l'idée humanitaire le déshérité, : apitoyer conception complexe là sa le théâtre sur en montrant l'amour et du le roi au peuple ; du père les souffrances l'idée politique: transporter l'intérêt des grands aux ; petits, peuple, en mettant les grandes passions dans l'idée de réaction contre l'art classique prendre : pour protagoniste, au lieu du prince majestueux, fon trivial et grotesque, et rendre tragique ce L'idée morale est la plus belle, nous l'avons jour. Il ; misérable et le est bien évident raux de l'amour paternel qu'à mettre dans ce bouffon tité et la qualité créer et à créer un le type bouf- grotesque. mise en son qu'avec ce but complexe, romantique ne peut prétendre à exprimer ne peut aspirer qu'à le le poète les traits géné- type du père singulier de grotesque et odieux la d'amour paternel que comportent ; père il ; quan- sa con- LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 238 Le sa nature. dition, un peu grimaçant disparate et pourvu produise un qu'il obtenu est inégal, caractère ainsi ; mais peu importe au poète, A effet violent. la vérité, la gédie de Shakspeare, de Corneille et de Schiller est tra- en moins qu'humaine, est substituée au type grand, largement humain ou surhumain décadence ici l'exception curieuse, ; ; mais poète, même même Triboulet à certains quand on du séducteur qui l'a n'est indécent. mais non On et même or le voit la roi, fille fois. le est Il carac- est tout cela il ses souffrances enfermée avec fille constate sa honte, il : moments. Triboulet émouvant dans son amour gique, aussi, le pour sa cause, à ce que tère paternel soit avili et ridicule réclame sa vérité son idée admise, a erré plus d'une n'y a pas d'intérêt, il A la époques ne se répètent pas. les dans touchant, mais quand ; quand ensuite il éprise malgré tout déshonorée, Triboulet n'est pas tra- pas vrai. Il est pouvait montrer la inadmissible, choquant, fureur du père offensé, rage du père joué et bafoué. la IV Dans Lucrèce Borgia analogue à Ici est développée une leçon morale celle qui avait inspiré au poète Marion de Lorme. encore à l'idée de leçon morale s'ajoute l'idée humani- taire : apitoyer sur le criminel, et l'idée de réaction contre la tragédie. L'idée de âme leçon morale est femme choisir la encore plus chargée la plus tragique ; : dans cette un bon sentiment qui lutte avec les donner à cette femme un fils, lui don- horrible, placer mauvais instincts ; ner l'ambition d'être digne de ce un jour à partir pour la de crimes la fils, de pouvoir lui dire mère », et faire de cette ambition, d'un certain moment, le but de sa vie puis, comme courtisane amoureuse de Didier, montrer aux spec: « Je suis ta ; l'amour maternel : luorèce borgia 239 tateurs que le crime porte en lui sa fatalité, son châtiment préparer ce châtiment par des souffrances, en faire un martyre où la compassion pour ses crimes, inutiles douleur jusqu'à la Mais en punissant cette femme, nous inspirer la catastrophe. de douleur s'ajoutera à la ; comme elle ; en l'écrasant sous récompenser par notre la pour remonter au bien ; poids de le de ses efforts pitié nous attendrir sur la mère, tout en châtiant la femme. L'effet de l'amour maternel qui se réveille dans Lucrèce, en c'est d'exciter regret de ses crimes elle le renonce elle ; à ses vengeances, ou du moins elle croit mour de son fils amène y renoncer; l'abesoin d'être aimée de lui, une le soif d'affection, de tendresse et « Ne de paix. sens-tu pas, dit-elle à Gubetta, que tous les odieux dont on t'accable peuvent aller éveiller le la haine dans un cœur où tu voudrais être aimé épargnez-moi de lui. d'être jamais l'angoisse haïe noms mépris et Dieu, !... méprisée et » que C'est là qu'est tout le drame, c'est de là son châtiment ; son tourment commence déjà, lui il viendra commence par cette crainte qui l'empêche de vivre. La première fils honte de Lucrèce est d'être prise par son pour une femme qui cherche un à la fête de Venise amant. Puis Gennaro frappée au cœur elle est jette à la fille Enfin, atterrée, éplorée, visage devant son rompre avec tueuse, elle se voit au moment fils, que par l'insulte du pape, sans savoir qu'elle est là. nom son même où craché au elle vient de sa vie de crimes. Elle ne pourra plus être ver- mère aimée et respectée, elle n'en a plus l'ayant maudite, il l'insulte, la maudit Gennaro ; l'insulte à la face de son palais, et elle n'a le droit. étale il jamais rien fait à Gennaro que de l'aimer. C'est retomber alors qu'elle sur elle ; veut se le qu'elle se fait livrer par venger. Sa coupable qu'elle don Alphonse, vengeance va fait est son chercher, fils ; elle LES PASSIONS ET LES CARACTERES 210 veut alors sauver le un homme qui La » î homme a Cet : Lucrèce Borgia ? est Marion qui criait à fatalité sauver Don Alphonse votre amant, Ma- pardonner! l'a insultée, ne peut y croire dame mais quoi ; Tu <£ : n'as pas le droit d'être une amante honnête », crie à Lucrèce « Tu ne seras pas jusqu'au Comme aimée de ton tu empoisonneras bout, Madame, « : il sauvé est qui croit le me qui est-ce qui ? » Enfin il fils!... princesse Negroni la ; salle la qui se dresse devant du festin, par son fils faut parler ses Et ; le il pas : <r Je si « : le attend Ah trouvait prise devant sept fois, Pourtant » ? vous êtes ! courage d'achever son aveu. le coup pour résiste-t-elle ? lui il elle parle : ma tante ! » toi, quand : Je La donc con- voilà s'y résigne mère suis ta soit pas un parricide: tu es innocent encore est inadmissible, Lucrèce ne crier elle ! ; et elle Pourquoi pourquoi supplie-t-elle encore un moment? Pour que Gennaro ne par pitié pour fois, pu qu'elle n'a prononce ces mots avec tant d'horreur qu'elle n'aura damnée au couteau de Gennaro, Il fils grands que Gennaro ne peut rien soup- ne comprend pas il encore son elle se mère suis ta fois qui apparaît couteau de Gennaro la menace, crimes sont çonner, fois en flagrant délit de crime? Cette victimes, criera-t-elle son : main. Va-t-elle la son titre de mère, ce titre avouer encore parce que chaque contre- lorsque la mère, c'est couteau à elle, le le Non place encore une à la frontière, fait soudain au seuil de avouer enfin » elle rede- boit il l'empoisonneuse tragique, à la Borgia, à toi. que ce n'est dit cède, Lucrèce a sauvé son : sera au souper de fils malgré fils Gennaro doute des bonnes intentions de pas cela qui est du poison poison, ton Didier doute de l'amour de Marie quand vient Marion, Lucrèce : tu seras criminelle fils, s'écrie pas selon : elle est forcée ! Saint-Marc 4 Je suis ta de verser le mère « Gennaro, » Girardin, », que une première poison à son fils par don Alphonse, qui avec un mot serait apaisé, une seconde fois l'amour maternel Lucrèce borgia : au plus tard quand, Gennaro refusant de prendre poison, Lucrèce éprouve une arracher l'aveu tomber faire Gennaro a enfin lorsque ; le le contre- anxiété horrible qui doii lui qu'un mot à dire pour qu'elle n'a 241 couteau levé et le lui éviter un crime, lui châtiment des mains. Ces objections ne sont pas entièrement justes. Lucrèce, telle que tout une ambition, poète la comprend, lo aimée de son être fils par-dessus tout, être méprisée et haïe par sait déjà que la qu'elle est la Borgia est sa au moment où elle Alphonse : « où précis dans retombe Je Borgia. mère ; Peut-elle une crainte Gennaro or, apprendre lui Peut-elle le lui apprendre ? crime moment au l'empoisonne, elle le lui a par-dessus ; Va-t-elle crier à don ? mère », pour que don Alphonse, douimmédiatement avec ce prétendu fils ? qu'elle n'évite pas à Gennaro, innocent et suis sa tant, la confronte Il est difficile vertueux, cette douleur, qui va empoisonner sa d'un pareil monstre, tant le fils précaire vie, d'être y a un moyen, si de ne pas avouer. soit-il, Lucrèce Borgia obéit à don Alphonse, après tous ses Si qu'elle est la Borgia, c'est qu'elle sait toutes efforts, c'est du crime, les ruses prévoyant pas, le qu'il et qu'elle imprévoyance doute de Gennaro qui est-ce qui me dit Gennaro refuse a c'est cette contre-poison, le frappera au visage la ne dramatique, est : « Qui que ce n'est pas du poison ?» Et lorsque remède, le faut qu'elle épuise toutes les il prières avant d'avouer encore ; Gennaro finit Qu'a besoin Lucrèce d'avouer maintenant ? par accepter. Lucrèce, c'est toujours l'idée du poète, s'est donnée pour tâche de se rendre digne de cet aveu, lorsque dix ans d'expiation auront effacé dans toute drame, c'est l'Italie que ce les s'enchaîneront l'un à l'autre à dire : c< Tu es crimes vœu ne pourra mon fils ; », des Boro-ia. s'accomplir chaque fois l'insulte ; ses Et le crimes qu'elle est prête née do ses crimes passés vient réveiller invinciblement en elle la soif devenir DRAME ROMÀNT. [fi . LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 242 geance, nouveau ce et amène crime une de insulte Gennaro, qui refoule l'aveu maternel. L'idée est dure, impitoyable, mais développée logique- ment ; la situations question est presque celle-ci : Faire naître des où une autre mère : « Lucrèce Borgia ne s'écrierait Mon fils » ! où peut pas, parce qu'elle est Lucrèce le Borgia. Elle ne le peut pas — de Gennaro. même au dénouement, Girardin, je qui pèse sur terreur reconnaisse sous le poignard Madame, lui crie Saint-Marc vous en conjure... Changez en pitié cette « Criez-le donc, s'attendrisse et que votre scène, faites la vous et sur lui-même sur sur vous qui l'aimez à travers tant de remords seul homme au monde qui à qui ce respect doit est plus pénible. Ne soit une serait avec belle drame le que Lucrèce tout même qu'il est Mais conçu. est Il parle. Elle s'écrierait : la « il est dans le Je mère ! : mère seule fin mort la fils est aussi, qu'elle souhaite le » sûre, alors seulement, « C'est : Ce ï> trop tard pour suis ta caractère de Lucrèce l'attende pour oser dire qu'elle la condamne qu'il incompatible mort, craigne cette malédiction, et puisque son qu'elle se en vous. est elle ne maudirait pas sa mère, peut-être mais ; sacré majesté du caractère la que Gennaro n'appellerait pas moins sible ;il : lui, le craignez pas, tout abaissée que vous situation. tel sur tenu de vous respecter, mais cette majesté est sacrée ; ; devenir d'autant plus soyez par vos crimes, d'attester maternel vous fils », pos- efface qu'elle condamné, coup mortel, moi qui suis ta que Gennaro ne pourra plus maudire. C'est alors seulement que cet attendrissement réciproque voudrait introduire : Lucrèce poignardée Gennaro empoisonné par pleurant ensemble pouvait la sa mère, fatalité, peut-être venir que Saint-Marc Girardin par son fils et pleurant l'unsur l'autre, une fatalité juste pour Lucrèce, injuste pour Gennaro, terrible et cruelle à tous deux ! l'amour maternel non seulement Ici c'eût été plus humain, mais drame n'est pas fini saire, car tel qu'il est, le plus rien à dire ;mais Gennaro, que pense-t-il t-il ? Il est commode de trop faire le mère, subterfuge que d'ailleurs mot de Lucrèce, qui de face sur le scène, c'est-à-dire la c'était ? néces- Lucrèce n'a ; Qu'éprouve- tomber expirant sur sa ici doit changer dans l'âme de Gennaro, c'est une catastrophe inattendue que ce cri maternel, bouleverser Gennaro nous voulons voir ; nous sommes venus lui, pas baisser pour cela le poète la relève et l'a éclairée ; pour ; elle lui, nous c'est ici pense-t-il, a, poète ne devait le dénoùment. âme monstrueuse émus de à condition de nous inspirer cette pitié qu'il pitié lui est ; c'est permis de nous présenter un aussi sombre tableau du châtiment taché au crime. C'est un peu là va côté humanitaire, le a pris une il il produit sur l'effet le ; rideau aussi vite, ni brusquer le En condamnant Lucrèce, Au poète n'emploie pas. un coup de théâtre, tout est 243 luorèce borgia : at- de « l'humanitairerie » romantique pourtant Saint-Marc Girardin pousse les choses ; un peu loin quand inspire l'intérêt... il Ne dit : « la pitié qu'inspire l'ex- cuse jusqu'au respect et à l'admiration. de la sa tragédie ancienne, telle que Phèdre c'était l'idée qu'il ne vaise passion pour perdre une l'homme sur qui fait trembler La La conçue Racine dans fallait qu'une seule mau- âme : leçon austère et dure, sa fragilité, et qui lui inspire digne de Port-Royal, leçon morale qui qu'il sort de leçon qui sortait l'avait un scrupule et une surveillance perpétuelle siècle chrétien et aujourd'hui qui C'est le vice poussons pas ; leçon digne d'un comme étaitRacine. nos drames modernes, c'est ne faut qu'une seule bonne qualité pour excuser beau- coup de vices leçon indulgente et qui met ; le cœur de Ce reproche est difficile à admettre la leçon qui ressort de Marion de Lorme et de Lucrèce Borgia n'est pas si indulgente, nous l'avons vu. Le poète veut l'homme fort à l'aise. » nous apitoyer la coupable. ; nulle part Au ; il n'annonce l'intention de laver fond, dans le moraliste humanitaire, il y 244 LES PASSIONS ET LES CARACTERES du nouveau. a l'artiste qui cherche romantique de l'idée comme un rendre Il faut aussi accepter intéressants criminels les résultat de l'esprit de curiosité plus porté à étu- dier qu'à juger et condamner, comme une et tendance de comme en notre temps à reviser l'absolutisme en morale politique. La Lucrèce Borgia a de pires défauts que ceux-là. tion est trop mélodramatique. éloigné son mère ? Quel besoin que Lucrèce ait élever loin d'elle, lui ait caché sa l'ait fait fils, situa- Est-ce que ces Borgia se cachaient de leurs enfants? Cette Lucrèce n'est pas vraisemblable. Surtout mère la est trop ou trop peu dépeinte maternel devait être un des nombreux complexe dans une Lucrèce quelle sorte de mère mois ; deux fois il d'un caractère fils a vingt ans ; ; Hugo Borgia. Maigre non être trouve empoisonné par se n'a fait elle lui écrit faitl'impos«ible pour le sauver, chose fort naturelle tout: voilà l'étude et mère devait la une Lucrèce Borgia qu'une mère banale. Son les ou l'amour eût été intéressant de montrer 11 est ; pour être vraie faite pour nous attendrir outre mesure, ou sérieusement étudiée. traits tous elle, elle ; et c'est du cœur maternel contenue dans Lucrèce psychologie. Et pourtant le problème psychologique se posait avant tout dans un pareil sujet pour nous attendrir sur faire la mère, fallait les De même dans Marion comment la courtisane peut vertueuse gique, que humanitaire le ; : obscure et crimes l'amour maternel était vi- vace. et ; d'abord nous la comprendre, nous expliquer cette âme comment parmi tous fidèle il il se mais non, eût été utile de montrer transformer en amante au problème poète suppose résolu, il au nom d'une formule, crimes l'amour maternel, psycholo- a substitué il la et cette juxtaposition doit émouvoir. Nous sommes plus exigeants. thèse place à côlé des nous LA JACTANCE HÉROÏQUE L'héroïsme est un ressort que gardé de négliger. A : HERNANI drame romantique le l'imitation de Corneille, à exciter l'admiration pour Hugo courage héroïque le 245 Don : et Hernani représentent pour et Saverny ce que j'appellerai l'héroïsme français. dans Hernani de dans sa main la le roi et jactance ; il ; lui déclare qu'il royaume, avec lui met qu'il le obligera il ; un moment lui; avec de ya l'hé- tient croit forcer le roi à se battre et celui-ci refuse de se défendre que Hernani, plus hautain que Il Hernani castillane. triomphe de bandits à l'assassiner Carlos ainsi dire l'héroïsme espagnol, belles scènes cornéliennes roïsme vrai et de s'est cherche il chef le grand est plus au pouvoir du bandit, sa tête à prix, qu'il le met, mettra au ban de l'empire ; lui, il au ban du Hernani lutte de jactance héroïque. HERNANI. J'ai le du monde où reste je te braverai. DON CARLOS. Et quand j'aurai le monde ? HERNANI. Alors j'aurai la tombe. Cela est beau comme du d'images Corneille, autrement. de plus l'ampleur xvn e siècle français n'a pas cela, Il la la Il y romantique poésie de ces mots-là. Il faut, a en ; le pour Shakspeare, Schiller et quelquefois Hugo. y a aussi quelque chose de cornélien et de romain dans scène du complot découvert ; Hernani, qui passe pour un bandit, va être relâché, l'empereur ne punissant que ce qui peut être duc ou comte. Et pourtant pfis et mené qu'il est à la mort désespéré ; comme il réclame. les autres. Il veut être Pourquoi? parce mais aussi parce que sa fierté se révolte, . LES PASSIONS ET LES CARACTERES 246 parce que, son rival don Ruy complices étant arrêtés, et ses et puis ne veut pas être libre ici une préséance, il la réclame il il ; il ; désespoir et celui de la fierté féodale Puisqu'il faut être Dieu, qui donne M'a fait le duc est jette à ; mourir étant du la fois le cri : grand pour mourir, je me lève. sceptre et qui te le donna, duc de Segorbe et duc de Cardona Hugo, qui aime trop les détails d'étiquette, tire ici un très bel effet du droit qu'ont les grands d'Espagne de se couvrir devant Ont le roi. le droit Oui, nos têtes, ô roi, de tomber couvertes devant Et quellejactance épique dans toi. ce cri de rage : Je suis Jean d'Aragon, roi, bourreaux et valets, Et si vos écbafauds sont petits, changez-les t Hernani, il d'ailleurs, n'est fort malheureux en amour est faible, c'est très ; devant la heureux au humain, mais ce mort que quand V e acte, est il n'est plus l'héroïsme cor- nélien. Le vicomte de Saverny çais, léger, viveur, mais bon cœur. tête, opposé à Didier, représente un peu vain de et le 11 est, dans le gentilhomme fran- sa noblesse, mauvaise la pièce, gentilhomme n'y continuellement est pas trop sacrifié par l'auteur révolutionnaire à l'homme du peuple. pourtant, et c'est une maladresse du poète, un gentilhomme de il Une fois manque pour savoir-vivre, en tenant aussi fort à nom de l'amant que Marion préfère. Même avec une femme légère c'est être un peu léger, ou lourd. savoir le Il est encore un peu bien léger lorsque, nom de son sauveur inconnu, sa maîtresse en il pour savoir le poursuit celui-ci jusque chez enjambant un balcon. Mais l'exposition a besoin qu'il agisse ainsi. Autre inconséquence : Saverny L HEROÏSME mort pour fait le ! DIDIER ET SAVERNY dérober à se la justice en lui 247 abandonnant son adversaire, et cet adversaire sera accusé à duel et de meurtre c'est : Mais Saverny, quand il la il doit la vie, se livre à la tard, afin de sauver son sauveur, tager son sort. Dès lors qui méprise mort, ou de par- il est le type de l'héroïsme français rit et plaisante devant elle, qui s'habille de gala pour la bataille ou le billot, qui est aussi grand gneur dans son cachot que dans son château. Il refuse s'évader seul où y veut donner sa de La scène diversement héroïques, est une des plus belles qu'il si Didier est sombre ait. place à Didier. sei- deux jeunes gens, à quelques minutes de l'échafaud, les sont et de découvre que son adversaire dans ce duel de jadis est celui à qui un peu fois conduite. lui ait soufflé cette justice, la encore peu généreux, quoiqu'on son illusion morte, quant à vrance lui, il pleure, non sur sa vie, mais sur la mort, indifférent, au gibet ou à l'échafaud, aspirant après il ; : philosophe sur il est héroïque la déli- parce qu'il ne songe qu'à son amour devant la hache. Saverny est héroïque par sa légèreté même, il plaisante sur l'ennui de ne plus aller au bal, et de fera ne plus voir octobre, ce soir quand sera il il s'occupe de mort ; la pluie son héroïsme d'abord à être assez léger pour ne pas penser à puis à philosopher sur la mort, quoique cela lui pour consoler son ami ! décapité et non pendu, il qui le Enfin, quand il la soifc apprend qu'il consiste mort, pénible, qu'il sera est heureux, tranquille, et Didier, chapitre pour l'encourager, s'aperçoit qu'il dort. moment même où homme de il la foule marche à la mort, il le Au ranger un pour qu'un enfant qui cherche à voir puisse être au premier rang. C'est parfait, un type qui ne fait et Saverny est cède pas aux meilleurs. C'est un marquis de Molière élevé à la hauteur d'un héros de tragédie. LES PASSIONS ET LES CARACTERES 248 La clémence de Don avec Carlos clémence d'Auguste la ; appelle mais, en comparaison la de compte, fin la ressemblance est mince. Auguste est un ambitieux qui est devenu une grande âme. a vu vanité du pouvoir et la découvert, il hésite, comblés ; il à va céder à Les conjurés s'offense et la colère, mesure. la pardonne, coup qui sentiment frappe. sont lui-même, veut ses amis, ceux quand l'aveu d'Emilie met donne A homme complot le ; ; il veut résoudrait pourtant, Il s'y un fait sang et le grand tour à tour s afflige Alors, Auguste et ce qui lui le s'accuse il punir et ne peut s'y résoudre. il ;le en est dégoûté flotte, il descendre du trône. qu'il a L'ambitieux a versé pour arriver au pouvoir sacrifié les siens comble le sublime, effort il cette force, c'est le dernier de l'ingratitude, l'excès de l'avoir méritée, il avec oppose l'excès de le la clé- mence. Don Carlos lui ressemble seulement en ceci qu'il pardonne moment où par un effort de grandeur au bravent le plus; mais, à part ce détail, caractères diffèrent. Don Carlos est loin d'avoir d'Auguste. Et d'abord, est-ce aux conjurés C'est plutôt à Hernani qu'il unit faire d'elle sa maîtresse. C'est le la grandeur pardonne qu'il ? à dona Sol, renonçant à une une amourette. Qu'était Carlos? conjurés les la situation et les victoire remportée sur Un libertin qui voulait une duchesse et l'avait prise de force à son amant. Mais quand il voit qu'il ne peut se faire aimer de mourrait avec Hernani, s'aimer ment, la l'ancien les il amoureux. Si prend lui, la l'ambitieux, et qu'elle laisser Carlos, eût aimé véritable- victoire eût été plus belle. homme, dona Sol résolution de Dans l'homme Corneille c'est jaloux du pouvoir une dernière fois dans la grande âme que les grandeurs humaines ne peuvent remplir et qui va devenir supérieure aux haines politiques. C'est Auguste tuant en qui s'agite LA CLÉMENCE lui Octave. Dans en lui le libertin. Le AUGUSTE ET DON CARLOS '. Hugo il 249 n'y a qu'un ambitieux qui tue théâtre romantique, qui prend ses sujets dans le moyen mœurs, certaines âge, en montre sur la scène certaines vertus, qui caractérisent pour lui l'époque héroïque, et en cela il prépare un clément de vraisemblance et de cou- se leur locale, parfois même un respect de l'hospitalité joue Hemani, Burgraves. les Ruy chez don le se ressort dramatique. Ainsi le un grand rôle dans Hemani et donnant pour pèlerin, pénètre jour où celui-ci va épouser dona Sol ; il y pénètre afin de livrer sa tête, mise à prix, devant celle qu'il croit parjure. Mais voici qu'il a beau tenter les valets de son hôte par l'appât de la somme, son Ruy sacré et don le roi lui-même. La scène est très d'Hernani, qui crie en vain son passions. belle, et nom le d'hôte le rend bandit contre par le désespoir proscrit, et par l'idée Nous sommes émus quand nous voyons le devoir maître des Quand don Ruy trouve les amants embrassés, le du devoir de toujours titre prépare à défendre se l'hospitalité qui plane au-dessus. vieux seigneur est frappé dans sa religion hospitalière l'injure crie vengeance Ruy don le bandit il lutte pourtant, : ; soudain survient sur la les tête ; réclamant ; scène des lui-même pour s'affermir dans sa au roi, mais il se crie héroïques actions de chacun des aïeux peints muraille donner sa cette admirable et la vertu des ancêtres à lui-même roi ne peut se résoudre à livrer son hôte hésite, il portiaits semble lui servir à fidélité à le ; et quand pour sommes émus, même celle si la ; il cite revue est finie, il est prêt à de son hôte. Ici encore nous cet héroïsme, si cette vertu n'est plus de notre temps. Aussi c'est parce que Hernani a qu'il doit sa vie à t-il manqué don Ruy. Le respect de pas un peu trop de part ici ? à l'hospitalité l'hospitalité n'a- Ce sentiment, qui a sa date, 250 LES PASSIONS ET LES CARACTERES pivot de tout un drame Nous ne ? nani ne mourait que parce secouer cette meilleur drame l'honneur, il Le poète pitalité. On a vu qui s'attache à lui cher Carlos et de moment il ; le bonheur le est là. elle Her- de a et s'y est sa vie est de cher; reprend le Le poète a fait celui : ou de périr tuer fatalité, si Hernani ne peut avait pas le droit. n'en la fatalité ; de mourir, nous ne Hernani avait juré de venger son père, et ne Ta pas vengé il pensons pas le qu'il a juré Mais serions pas touchés. abandonné: modernes comme pour des spectateurs admissible est-il a il oublié brutalement. cru faire le un Le drame de la fatalité. tenait à cette religion du serment et de l'hos- retrouve ces deux notes héroïques dans les Bur- graves elles servent au poète à donner une belle idée de la : décadence des mœurs chevaleresques moquer des serments coups de pierres, comment de les et y a d'ailleurs si ici fils se mendiants à nous n'avons qu'un hors- et qui n'a nul rapport peu les tenaient les serments et prati- ils quaient l'hospitalité. Seulement d'œuvre lyrique en voyant leur aïeux rappellent dans de beaux couplets temps leur ; repousser faire avec un drame où il d'unité. VI Le théâtre classique nous intéresse par le seul développement des passions il s'adresse surtout à notre intelligence et quand il cherche à émouvoir notre sensibilité, c'est notre ; sensibilité d'artistes. ; A vrai dire, ce théâtre, essentiellement psychologique, est un enseignement plutôt qu'un spectacle il nous apprend comment qu'il le ne nous les les ; passions se comportent, plutôt montre vivantes et agissantes. décor, c'est-à-dire ne localisant pas Supprimant l'action, plaçant ses personnages dans un milieu idéal plus que réel, ou plutôt ne les plaçant dans aucun milieu, dire, entièrement de la vie il les isole, pour ainsi ambiante pour mieux analyser. DES PASSIONS 251 somme d'émotion qui peut venir L EXPRESSION 1" âme leur Toute seule, la même par les yeux par le geste et par l'attitude plastique, qui faisait partie de l'art supprimée est ; l'expression de la passion grec, ne paraît pas intéresser le poète classique. Les mouvements intérieurs de l'âme ont seuls du prix pour lui. Dans Athalie et Esther seulement, Racine se sert de la musique et un peu du spectacle (la scène dans Athalie est un temple). Les personnages classiques sont donc tout âme ; il ne semble pas qu'en dehors de l'acteur qui leur en prête un pour âme la scène, ils aient toutes morales ; est venu, mais ils et c'est ils peuvent en mourir, quand le n'en sont pas malades, moment en ce n'est Phèdre, si porte avec peine le souffrir moralement, poids de ses voiles. dans Euripide, elle faisait beaux bras parlait de ses la tra- décadence, parce que Phèdre est une ma- non contente de lade, et que, Le passions de leur les pourquoi on a pu dire que dans Phèdre, gédie était en comme un corps que au moins par instants. Leurs douleurs son* affectent Que sup- elle serait-ce, dénouer ses cheveux tragique, que nous voyons bien plutôt sur et ? théâtre classique est conséquent avec lui-même personnage si, la ; ce voyons, que nous entre- scène dans un costume indécis, dans un décor indécis, dans une époque indécise, qui n'a même que rai*ement des sièges pour nage n'est point pas en nous le sujet genre de pitié qui nous éprouvons au théâtre parle Boileau, et Mais si le la s'asseoir, aux misères du corps, et va vers elles est cette pitié ce personil ; n'excitera la pitié que charmante dont terreur y est toujours une douce terreur. théâtre classique est ainsi conséquent avec lui-même, nous avons déjà remarqué qu'il ne remplissait pas toutes les conditions d'existence avons admis comme du genre dramatique ; nécessaires à l'illusion théâtrale nous une certaine quantité de caractéristique, de décor, de costume, et même ques, une petite quantité de ce grotesque des romanti- qui n'est autre chose que les quelques détails réels 252 LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES par lesquels le nité vivante comme Il personnage dramatique l'huma- se rattache à appartient déjà à l'humanité idéale. il faudra donc que, pour être conséquents avec nous-mêmes, nous admettions dans l'expression de douleur quelques traits de la passion et de la la vie réelle, et que cette passion un peu sur le corps, très peu, nous voulons nous en tenir à la théorie et cette douleur se répercutent — certainement, de la pitié pour que si charmante, qui est la passion idéale homme vivante et incarnée dans un grande mesure à garder, d'instinct ; ils juste ce qu'il faut vivant. Il âme et y eût nécessité la contraint les romantiques, venus effet, dégageant passion la presque de l'influence du milieu, avaient pu facilement tracer sa l'est marche idéale, et représenter, bien plus qu'elle ne dans aucun théâtre, ce qu'on appelle l'humanité en général. Aussi ce qu'ils ont fait une fois certain point définitif. de Racine, Il est est-il la passion avec ses inconséquences, ses faiblesses n'est plus à faire. La jusqu'à un certain qu'après Y Andromaqve représentation idéale de la jalousies, ses ne le de toute influence du corps, du tempérament, qu'ils étudient le autorisé passion dans un corps vivant, après les classiques. Ceux-ci, en et une des impuissants. poète dramatique à mettre la là gardent non secouer nos Les conditions du genre n'eussent-elles pas que y a et tous les vrais artistes la veulent remuer notre ressource nerfs, — la vraie, nous paraisse bien réellement et ses fureurs, situation que Corneille a étudiée dans Cid, et, en général, la lutte de la passion contre peut plus guère tenter après se veau, et, ment ; pour tout dire, il fallait lui. le Il fallait devoir, du nou- frapper plus fort ou autre- donner des éditions nouvelles, des transpositions des héros classiques. Euripide, comparé à Sophocle, est un romantique comparé à un c'assique railleries pour pourtant, mais lui ; Aristophane ne trouve pas assez de reprocher un pathétique, auquel il n'atteint qu'en si puissant s'écartant de la l'expression caractéristique de l'amour noblesse de Sophocle, qu'en violentant le 253 spectateur, en parlant à ses nerfs et à ses yeux, en faisant intervenir trop souvent peinture do la la misère, de la souffrance physique pour rendre plus poignante c'est Euripide ; les la Or Hugo, souffrance morale. boiteux, les aveugles et les héros en haillons qu'Aristophane reproche tant à Euripide, ce sont don Juan, duc de Segorbe, en manteau de bandit, Ruy l'enfant trouvé Didier, le valet difforme ïribouîet, le Blas suprême de idéale ne produirait plus. L'effort moyens voilà les ; une émotion que l'analyse répétée de d'exciter passion la drama- l'art tique, allant jusqu'à ses limites extrêmes et dépassant presque le but pour émouvoir un public vieilli et blasé, ce antithèses qui nous montrent le cercueil nous font entendre a banquet, qui dans sont ces la salle la prière des du morts à travers les refrains de l'orgie », qui mettent «la cagoule à côté du masque. » De même le la échapper théâtre romantique donnera aux douleurs, à au désespoir, des passion, le que n'avait pas cris personnage classique, et il peindra laissé même cer- taines passions que le théâtre classique n'aura pas repré- sentées il ira ainsi la peur de la : même mort jusqu'à représenter ce qu'on fait les difficilement sans abaisser la tragédie au niveau et l'amour sortir de L'amour du personnage romantique a des ; ment, il ; son désespoir trouble un sentons dans sa passion et sur son le la vie ; l'art sans et du drame de boulevard. rements, des larmes soudaines douleur de souffrances de l'agonie, cris, pleure de joie, moment des égail sa raison rit ; de nous contre-coup de son tempéra- tempérament le contre-coup de ses pas- sions. Quand Hernani expose à dona Sol ses scrupules d'amant déshérité et pauvre, qui ne veut pas entraîner dans sa vie femme de son âme tourmentée certitude malade ; il la qu'il aime, à s'ajoute le y a dans tout ce qu'il la douleur et à l'in- trouble de son cerveau pense l'e>agération d'une LES PASSIONS ET LES CARACTERES 254 imagination surexcitée, un commencement d'hallucination. Pour l'homme dominé par seulement qu'il cause la le ; malheur devient de simples métaphores vision qui hante la nuit la nuit, la : l'égarement qui l'homme à ôte volonté), « une force qui va. La ; Hernani nous prenons sur la une douleur fondée sur celui de Britannicus), ou tout au moins sur un soupçon sérieux de trahison est presque involontaire ; il a l'âme désespérer du bonheur, et presque sans lui, il trouve comme une le conscience de sa j> est-elle une preuve, un malentendu (comme elle la ; ne sont pas et ce cerveau de l'homme dont l'âme est forte le jalousie de trouble tempête sont bien une et le corps faible. Hernani se croit, (et là fait n'est pas le où Ton s'enfonce une tempête, un enfer vie agitée devient là malheur les nerfs, le perte ou l'accident arrivé, c'est déjà ? Non, malade à force de le vouloir, malgré âpre volupté à souffrir, sans se laisser arrêter par la crainte de faire souffrir. Il l'avoue : II ne sait caresser qu'après qu'il a blessé... Hélas! sans le vouloir, je te ferais du mal. Quand Hernani dit à dona Sol « Epouse le duc » elle « Vous ne m'aimez plus » Hernani proteste répond : lui : ! : , DONA SOL. Je ne vous en veux pas, seulement j'en mourrai. HERNANI. Mourir pour qui Pour si peu ? ! DONA ? pour moi ? se peut-il que tu meures sol, laissant éclater ses larmes. Voilà tout! Cet attendrissement des deux amants, cette ironie y a de la passion et du désespoir, cet éclat de dona Sol, donnent à l'expression de la passion un caractère réel, et nous émeuvent autrement qu'une passion de Hernani, où il l'expression caractéristique de l'amour dessinée seulement même dans ses traits 255 généraux. Je dirai chose de ces manières de parler entrecoupées où la les du trouble de l'âme. idées ne se tiennent pas, à cause HERNANI. Hélas Ne Je Oh j'aime pourtant d'une ! amour bien profonde Que n'ai-je un monde 1 pleure pas, mourons plutôt ! Je suis bien malheureux !... qu'un coup de poignard de toi me serait doux te le ! donnerais ! ! !... Si l'on veut encore mesurer la distance entre le xvii e et le Xixe siècle, dans l'expression de on passion, la lira la 8 4 scène du II* acte, celle du tocsin, cette lutte d'amour, de générosité, ces passionnés, et tout à coup la Saragosse élans, ces cris subits, ces calme et égarée qui s'allume, et cette ironie de Hernani à côté du désespoir de donaSol boka sol tocsin ! le tocsin ? hernani, toujours à ses Eh! non, )u : (se levant effarée). Le Entends-tu, murmures voix du tocsin qui éclate, genoux. c'est notre noce on sonne. Cet égarement, qui est sur la limite où la peinture de la passion serait la peinture d'une maladie, a sa puissance de pathétique ; les montrent peu la comme Macbeth auteurs classiques y recourent peu passion hallucinant ceux et sa délire de Phèdre. On n'avait même ; ils qu'elle possède, femme. Racine a osé parce qu'il avait l'exemple de l'antiquité ; la folie de d'Oreste même jamais vu pour les le héros classiques s'embrasser, se tenir enlacés, avoir de ces élans et les mêler à leur bonheur jusqu'au calme de environne la : Des flammes de tes yeux inonde Chante-moi quelque chant... ma paupière, nature qui LES PASSIONS ET LES CARACTERES 256 Parle-moi, ravis-moi N'est-ce pas qu'il est doux D'aimer et de savoir qu'on nous aime à genoux, D'être deux ? d'être seuls ? et que c'est douce chose De se parler d'amour la nuit quaud tour repose ? ! Hugo, Victor une amoureuse Burgraves, a pu mettre en scène clans les poitrinaire, qui se meurt, quoique la pein- ture de la maladie au théâtre excite en nous une émotion trop physique et nerveuse, parce que cette maladie est pré; une sorcière a un le drame romantique cisément là fantastique et surnaturelle remède qui peut Comme la guérir. l'amour, la douleur a dans une expression plus complexe où entre c'est-à-dire de ici la physiologie. Dona vivre son mari; Marion supplie laisser donner à son amant; Triboulet supplie rendre sa caractéristique, le Sol supplie don fille; les Ruy de par- le roi seigneurs de lui Jane supplie Marie Tudor de laisser vivre Gilbert qu'elle aime. Ces situations sont toutes pathétiques au suptême degré; elles contiennent la d'anxiété qui puisse bouleverser l'âme ; plus grande menace paternel se trouve en face d'une volonté terrible qui passion son d'ôter à la amène par objet. instant l'égarement l'inflexibilité de prendre tous les tons, la La ; la somme l'amour ou l'amour terreur de tout perdre supplication heurtée à personne suppliée, conduit le suppliant à à invoquer toutes les raisons, à tenter tous les points faibles, et finalement le pousse à la révolte désespérée qui ne tient plus compte de sa vie, ou à l'abat- tement de l'impuissance dernière. Dona a juré : Sol repousse que lui raisons qu'on lui donne. Hernani les importe ? Non, non, rien ne te lie, Cela ne se peut pas Crime, attentat, folie 1 Puis c'est l'explosion, chez ! une femme restée jusque-là timide, de toute la fureur d'une passion espagnole douce et innocente menace, le poignard à la main : ; la fille . l'expression physiologique de la douleur Prenez garde, don Ruy Mon si vous portez la main sur femme fille, mon époux ! sentiment de l'impuissance de sa colère, et c'est le toute l'énergie fébrile d'un la suis de oncle!... écoutez-moi, fussé-je votre Malheur Puis Je ! 257 la famille, moment qui tombe, ayant épuisé faiblesse, l'excuse l'aveu de sa à genoux, frêle, et la supplication de son emportement: Pardonnez : nous autres Espagnoles, . Notre douleur s'emporte à de vives paroles !... . et . l'argument le plus simple et amour qui aime, son le plus fort pour la demande plus qu'un sursis femme : Pitié, je l'aime tant!^ Puis, le désespoir qui ne Faites grâce aujourd'hui Puis ! coquetterie et la candeur de la l«i instant possible d'aimer Ruy femme qui croit un deux hommes, qui essaye d'atten- drir don faire prendre pour de l'amour. promet une affection et lui : qu'elle veut lui Je vous aimerai bien aussi, vous... Puis encore une concession du désespoir, qui ne demande plus qu'une minute et qui s'écrie ... Oh ! : pas encor, daignez tous deux m'entendre!... et les supplications haletantes, entrecoupées de reproches, toute la puissance de l'être dépensée pour obtenir moment un seul : Un instant, Vous Un Alors, monseigneur êtes bien cruels ! instant, voilà tout elle fait croire, LE DRAME ROMÀNT. ! mon don Juan — Qu'est-ce ! . que je ! Ah ! deux tous veux d'eux ? . pour le faire croire aux deux 17 LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 258 autres, qu'elle a obtenu ce qu'elle moment de gagné demande, profite d'un et de ses bourreaux pour silence croire tout : Entin, on laisse dire à cette pauvre femme Ce qu'elle a dans le cœur... Et amène enfin le désespoir complet se résigne à ce qu'on agisse sans elle, parlé elle ; demande seulement qu'on une chance, celle de persuader même temps en moment lui de poison fiole le moyen rache de l'idée subite ; avec la elle aura permette de courir : que tout parlé, danger pour le dans un objet qu'Hernani tient à est dona Sol ; mais quand Lorsque j'aurai Tout ce que tu voudras, tu le feras! et calme le femme ruse féline de la main, la le la qui trouve de dissimuler une seconde, dona Sol soudain l'ar- main sans la défiance, et, comprenant alors que tout est inutile, en boit la moitié. même, Cette scène est la vérité et il être n'est pas un de ces étant donné . Les supplications de Marion Delorme au de la situation, qui ne nous remue, trop peut- cris la leur. même puissance d'observation et d'analyse de Le ton le les distances, à leur âge, pour un duel parler, ces appelle qui fait que puissant par ce qu'il a d'humain tour à tour ; la dou- familier pris avec le roi, cette familiarité de la douleur qui supprime prend partent roi ! de le faible son plaidoyer : ces deux raisons qui reviennent l'humilité de éclats ; la femme colère contre qui ne sait le comment cardinal qu'elle un monstre, ces raisons naïves, enfantines, que trouve la douleur extrême : Pouiquoi leur en veut-il Jamais vu mon Didier... ? Qu'ont-ils fait? Il n'a même l'expression physiologique de la douleur, les mères des jeunes gens qu'elle invoque, naïveté avec laquelle elle explique comment on se bat moin, de faiblesse ce cri pour un rien, même mot Oh ! que dona Sol je tâche et se à les assistants pris té- : Nous n'avons que des Que le regard d'un roi le poignante la comment on 259 vous aimerai, pleurs, des cris, et des genoux ploie et brise sous nous ! : sire, si vous le faites ! et enfin l'étouffement de la douleur et des larmes, tout ce pathétique nouveau dans roman- le drame caractérise l'art tique. Plus loin, détail trop violent cette fois supplie les greniers, supplie les soldats, les maîtres, ainsi des condamnés l'amante affolée : comme s'ils étaient que, dans des exécutions à mort, on a vu se refuser à croire qu'il n'y a pas pour eux un recours quelconque, demander une heure aux gendarmes, et supplier le bourreau à genoux. Les mêmes de fureur, d'ironie superbe, alternatives d'imprécation, d'insultes, de menaces, puis soudain de fureur impuissante devenant de la ce ne soit émouvant, ce père fille. que cet homme douleur, qui grandit terrassé froide et jette ce cri Marion dit : plus le On ne peut nier que qui s'humilie soudain, ce Marot en bouffon qui relève la tête et traite la retrouvent dans la supplication, se scène où Triboulet réclame sa frère, vil, efface les parce distances; par l'angoisse, qui sue d'une sueur du corps « J'étouffe » ; : « Je suis cette humilité malade si », comme grande à pré- sent du bouffon qui se fait petit, qui essaye de rire, qui, l'angoisse au cœur, feint de croire à une espièglerie, qui s'excuse, lui aussi, d'avoir été furieux, sur sa faiblesse et sa bizarre nature de disgracié : On a comme cela ses mauvaises Quand on est contrefait Ce pauvre Triboulet qui vous a journées, fait tant rire!... 260 LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES et qui à bout de prières trouve cette exclamation Vraiment, je ne maintenant que vous dire sais plus toute cette joie d'avoir retrouvé sa et larmes, cet homme fille, personne suppliée flatte la pour être méchante » belle ! ces rires et ces qui croit qu'on lui a joué « qu'on le laissera tranquille désormais. Catarina : un de ces tours aux enfants, ce souffre-douleur qui espère joue qu'on vraie si physiquement par ce qui ; lui la t> Vou3 « : pauvre femme arrive « : Un êtes trop est accablée instant, je suis tout étourdie... Je n'ai pas tout compris. » Elle demande, à bout de forces me vous Et « Est-ce que c'est vraiment impossible que : laissiez la vie ? s'épouvante qui x> ce dialogue entre le bourreau et la victime terrifiée, aussi trouvé de tout ce qui peut mécontenter, est le : CATARINA. Mon Dieu ! ANGELO. me Eh bien Si. Je vous réponds ! vous ne répondez pas ? CATARINA. Elle saisit au vol : Mon Dieu un mot de la vainqueur qu'elle donne au tyran femme Oh ! ! ne Madame; vous me dites pas l'avez dit ! Tisbe <r : : comme un argument Vous avez oh! je l'ai dit bien entendu! que vous ne l'avez pas désespoir enfin se tourne de tous côtés, Pauvre : dit ! » Son contre l'idée de mourir, contre Àngelo, contre Tisbe, prend à témoin Tisbe contre Angelo, Angelo contre Tisbe. Le procédé est le même partout : peindre la passion chez d'autres que consiste il des rois esclaves du décorum, puis à mêler dans l'expression de ques-uns de ces traits d'abord à qui rappellent que le la passion quel- héros a un corps LA SOUFFRANCE ET L' AGONIE. 261 une abstraction. L'homme même est là Jane dit « Chacun des coups cloche frappe sur mon cœur »... « Voyez comme je et qu'il n'est pas vivant, criant et gémissant. de cette : Vous voyez bien que baise vos belles mains avec je parle douceur, d En comparant Saint-Marc Girardin avec celle d'Iphigénie, comme de Catarina devant l'attitude compare toutes les fois qu'il les mort, la se trompe, deux époques. Il n'a pas vu que l'héroïsme des classiques ne pouvait être celui des romantiques, et que chacun des deux systèmes a ses beautés, comme ses lacunes. Les héros romantiques ne pren- nent pas toujours facilement leur parti de mourir, qui souffrent pour mourir le disent. Phèdre a pris et ceux un poison dont on ne souffre pas, doua Sol a pris un poison dont on Le souffre. poète a cru qu'une beauté naîtrait du contraste des premières souffrances avec le calme délire et l'extase qui suit. Viens, ô Dans mes ..... Il mon jeune amant, horriblement? bras... N'est-ce pas qu'on souffre Mort dort! c'est non pas, nous dormons. ! mon époux, vois-tu, nous nous aimons... là, c'est notre nuit de noces... Nous sommes couchés Il n'est pas bon, cependant, que drame nous émeuve le trop par ces moyens. Entre la recherche trop idéale du théâtre classique qui dissimule la catastrophe, et un impitoyablement brutal qui nous montrera l'agonie, un juste milieu. Victor Hugo il art y a ne Ta pas toujours gardé. Les deux derniers actes de Le Roi s'amuse nous semblent d'un art inférieur. qu'elle aime, soit écouter à et ; Que Blanche mais que nous la porte, saisir se la sacrifie pour celui voyions sur l'affreuse conversation le théâtre du bandit de sa sœur, qu'elle se résolve à se faire égorger par le cou- teau qu'elle voit aiguiser, et que, sachant l'assassin derrière avec son excessif, fer levé, malgré la elle pousse la porte du bouge, précaution qu'on prend de baisser c'est la toile LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 262 au moment où couteau s'abaisse. Les angoisses de le time qui veut se livrer sentant à l'avance partis, je le le frapper, tous ces traits la veux bien, d'une imagination puissante Encor savait si l'on : comme Si l'on ne souffrait pas Au à cette idée, se repré- et qui résiste coup qui va la vic- ils vous frapperont, mais on vous frappe au front, ! visage Je suis glacée mourir ayant ne sont pas dignes de l'on s'adresse de charmes ; la ; le Il en de est froid ! C'est ici trop à nos nerfs que l'art. terreur n'est plus douce, et spectateur est mal à sur lui une voie de si la pitié l'aise, le n'a plus poète emploie fait. même du que ce sac sur lequel il V e acte ; quand Triboulet découvre piétine, triomphant, contient sa fille drame devrait finir aussitôt. Il continue pour nous mettre sous les yeux une étude impitoyable du désespoir paternel. Il ne faudrait qu'un ou deux des traits qu'il prodigue ce n'est plus la peinture delà douleur, c'en est la photographie. Il faut pour écrire les deux dernières scènes un grand génie, mais un oubli complet des conditions du théâtre. Ce serait très beau dans un roman, le roman admet l'étude d'aprè3 nature mais le drame est un tableau qui doit être composé avec choix parce qu'il s'adresse aux yeux et non pas seulement à l'imagination. J'admire 1 effrayante morte, le ; ; vérité de ces traits : Ne meurs pas, je t'en ... Mon bras n'est pas Que Le prie... bien, n'est-ce pas, n'es-tu morte, hélas ! il te gêne... toute petite encor, jour où des enfants en jouant te blessèrent... etc. Mais je ne peux pas entendre dire cela au théâtre comble de d'une ouvert, l'art serait famille le la mère alors de nous jour où une mort survient, le se jetant sur fille le ; le faire voir l'intérieur corps de sa cercueil qu'on PATHÉTIQUE RÉALISTE emporte. L'effet serait sûr, moins qu'elle ne Hugo la : Une serait salle aussi avec des est faite par un impitoyable et tête... des mots d'une réalité analogue, traits et un modèle en ce genre détestable Châtiments, exciter les à terrifiée pièce des Châtiments: L'enfant avait reçu deux balles dans la c'est 263 se révoltât. poète lyrique est souvent excessif. TRIBOULET haine contre la ; mais le il procès-verbal exact plutôt que dans fallait, massacre de la rue par une œuvre d'art. Quand poète lui-même perdit sa le faute artistique de noter moment que premier ceux-ci ne peuvent Oh! je fus ces dans fou commit les pères, si sans pleurer la pièce lire il la poignantes impressions du connaissent tous comme un fille, le bien que : premier moment... ce qui la condamne. Dans Christine, le seul grandeur de fois à la drame de Dumas qui atteigne partrouve une scène où la tragédie, se l'auteur a. spéculé aussi sur le mal qu'il ferait à nos nerfs et pourtant a montré il est difficile les terreurs de la condamner. C'est de Monaldeschi devant la scène est naturelle d'ailleurs, dès qu'on admet pièce et le celle où ; il mort. Cette la fin de la caractère de Monaldeschi. Je ne dis pas qu'il n'y un poète tragique que de mond'une reine, qu'il trahit, et aimé trer un lâche ambitieux, qui, démasqué, condamné à mort par cette reine, montre à ait pas mieux à faire pour nu pendant un vil acte tout ce qu'il y a de bas, de lâche et de dans une nature d'homme. Monaldeschi croit avoir réussi à faire retomber sa trahison sur Sentinelli qu'il a faussement accusé, tandis qu'au contraire son crime est découvert et son châtiment prêt. Sentinelli, chargé par la reine irritée d'arrêter son ancien LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 26*4 ami, veut s'ôter tout remords. pour mort lui la Il ? Ne serait-il Monaldeschi, qui hait ? prend Sentinelli pour Sentinelli, qui que Sentinelli cherche ainsi à Cet écuyer qui trahit coupable, qui croit le répond l'attendrir, gnarderait lui-même son ami. est point touché d'une ancienne aux supplications amitié, sensible tion les demande à Monaldeschi ce traître à la reine était son ami, voterait-il qu'il ferait si le A ce mot ambi- sa reine, qui sacrifie à sa basse deux femmes qui l'aiment, donc condamné à mort poi- qu'il Sentinelli l'arrête. et qui lui ont tout sacrifié, enfermé dans sa chambre et sans pouvoir s'évader. Paula, qui l'aime, vient lui apporter du poison et lui confie Monaldeschi un anneau double empoisonnera s avec l'un ; moment venu, le anneaux des et enverra l'autre à Paula, qui l'imitera. Monaldeschi ne peut se résigner à cette idée de mourir ainsi une frayerait pas dans bataille, ; mort ne la ou quand l'ef- sera vieux. il le condamné. Monaldeschi demande quelques minutes il veut écrire Bientôt Sentinelli vient chercher hésite, tremble, ; mère pour partir il lui faut ses gants, son chapeau et il se trouble, il demande si ce son manteau manteau est bien le sien, dans cette horrible angoisse du condamné à à sa ; ; mort pour qui tout Il est prétexte à retarder le Sentinelli un poignard saisit deschi ruisselle de sueur ; il et ; le trahie, prise de pitié pour de Sentinelli ; ; Monal- un moment mort et peut- ressaisit anneaux vouloir trahit sa rivale ; Paula s'em- le secret, et Christine mourante, donne l'ordre Monaldeschi s'enfuit blessé au cou par l'épée il Christine qui, au On : aussitôt Monaldeschi, qui veut se débar- poisonne, mais sans : il l'ordre de rasser de Paula, lui envoie l'un des de l'exécution fatal. vêtement a cru que Sentinelli allait l'en cœur de Christine qui révoque être va pardonner le élargit l'agrafe percer. Conduit enfin devant la reine, le moment ne peut avec sa main tremblante agrafer se traîne mourant moment où Paula ; il implore la pitié de expire, le fait achever. voit que, le rôle étant admis, le poète a été logique résumé en allant jusqu'au bout. pour nous émouvoir, Il s'adresse, à l'instinct de conservation peinture impitoyable de 265 mais enfin ; détails mélodramatiques, dont émeut par une il humaine. lâcheté la Dumas De abuse, sont ici petits à leur place. Ainsi, le poignard de Sentinelli, qui sert à élargir les agrafes, comme celui d'Antony servira de cachet, est bien trouvé. En résumé , le processus idéal de théâtre classique n'avait exprimé que la passion ; il s'était le appliqué à conser- ver à l'émotion tragique son caractère bienfaisant, de façon que le spectateur ne fût jamais ému jusque dans son corps par l'expression trop réelle du désespoir, de mais tout se tenait dans ce système ; la douleur ; passion ainsi et la exprimée convenait à des personnages qui ont au plus haut degré le caractère idéal. Etant donné que le drame romantique localise l'action dans un lieu réel et qui change, admet une certaine quantité de décors et de costume, qu'il ajoute, en un mot, à la vie morale de ses héros un appoint de vie physique, qu'il leur donne un tempérament, il était nécessaire que l'expression des passions se modiqu'il fiât, et que la terreur et la pitié inspirées par des héros qui vivent plus réellement de la vie extérieure, touchât plus que notre intelligence et notre âme, théâtrale moins pure peut-être, mais blante. Progrès ou décadence ? et rendît Décadence pour sophe qui cherche à dégager de tout l'émotion plus forte, plus trou- l'idée ; le philo- progrès pour dramatique qui demande que l'étude de l'homme mieux aux conditions du genre. D'ailleurs le procédé romantique est dangereux et conduit souvent les poètes le critique s'adapte trop loin. Si nous considérons que l'important est d'expri- mer la passion aussi prendre à idéale la vie réelle, que possible, et qu'il c'est-à-dire ici ne faut à l'expression réa- LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES 266 liste des passions que ce qu'il faut pour donner aux héros la vie bler souvent le drame mélodrame en cherchant à trou- des planches, nous trouvons que romantique tombe dans ou terrifier le le spectateur, en développant trop des passions qui n'éveillent en nous qu'une émotion physique, comme la crainte de la mort, en montrant des spectacles funèbres ou attristants, agonies ou Ici la comme encore, la vérité sera ; le tableau des entre les deux procédés, romantique en quand l'imagination des poètes n'a pas la le vue des cadavres. classique et le romantique quand complaisamment le est plus près, trahi la formule ou passion de la lutte ne leur a pas fait exagérer cette formule. LIVRE LA MISE EN J. Vil. ŒUVRE dans la conception même du drame romantique drame de la vie à celui de la conscience. Exagération du lyrisme. Il y a un autre lyrisme, le lyrisme dans II. Le l'exécution. Beautés et inconvénients du lyrisme. mélodrame dans le théâtre romantique, dans la conception du drame, dans l'intrigue. III. Les types du héros de mélodrame. Simon Renard, Salluste. IV. Les coups de théâtre mélodramatiques. VI. Hugo imiV. Alexandre Dumas et le mélodrame. tateur de Dumas, Dumas imitateur d'Hugo. Le lyrisme il ; il est consiste à mêler le — : — — — — — — — Nous avons étudié dans les derniers drame romantique, les sentiments qu'il les livres la matière du doit à son époque, passions et les caractères, c'est-à-dire la quantité de psychologie qu'il contient ment On ; il a souvent lancé contre sation de lyrisme. Il est juste sément que mais nous reste à examiner com- ces matériaux ont été mis en le œuvre. drame romantique l'accuen effet dédire, non pas précile théâtre romantique a le tort d'être lyrique, qu'il a le tort d'être trop lyrique, et surtout essentielle- ment lyrique. LA MISE EN ŒUVRE 268 préface de Cromwell indiquait que tout drame est La lyrique dans un sens et ; parle de croiser cience, c'est du poète comme au drame le drame vit la cons- car la per- ; propos du drame de se fera voira son impression sur avec celui de la vie cela veut dire mêler l'ode sonnalité Quand Hugo juste. est l'idée drame de le la vie de personnages, que est évident il : Mais vie qu'il nous donnera. la les passions seront le noyau du drame, et c'est pourquoi le drame est arrivé fatalement à trouver sa plus haute expresdrame psychologique, non pas sion dans le laisse une place au drame de a exagéré la place la vie caractères ; a presque négligé s'est pas assez effacé a revendiqué le droit d'appa- il personnages à travers raître toujours, et de conduire ses vie, qu'il leur fait fertile théâtre romantique il ; Le poète ne celui de la conscience. derrière des Le la vie. du drame de celui des clas- Shakspeare (Hamlet) qui siques, qui l'est trop, mais celui de la en événements, en malheurs, en bouleversements. Dans la tragédie classique, nel que possible il : poète est aussi imperson- le peint la vie dans permettra d'étudier et il les lance comme un dans le ; le crise il ; : voit la il a créé les personnages, dès lors cesse de qu'il ; crise qui lui et qui ils agissent seuls, marchera marcher ; le temps le caractère se poète ne paraît pas. Corneille fait triompher Racine devoir, voilà passion la instrument remonté, prévu jusqu'à ce développe la l'homme imaginé une réfléchie dans la conscience. Il a montre plutôt simplement à quoi la on reconnaît passion maîtresse le : poète dans son œuvre. Le drame romantique n'admettre, comme est bien différent. les classiques, même que ceux qui naissent du jeu jette ses héros lutte avec dans la eux-mêmes, il vie les ; au Au lieu de pour incidents du drame des passions, lieu de les le poète montrer en montre volontiers luttant contre d'autres obstacles que leur propre passion. C'est qu'il a le 2(W LE LYRISME dessein trop large de peindre plutôt la vie que l'homme il ne condense pas, il la déploie à peîne le il ; leur langage : lance dans les comportent, se les suit il voit plutôt il semble-t-il, avant de il sait ce qu'il qu'il peindra semble que le drame pour voir comment le de l'œil, il les écoute, Le poète dehors. le pour ses quatre lutte de la la il note il classique, commencer son drame, a une veut étudier, quelle passion neille d'ailleurs sait, mes, dedans de l'homme, le poète romantique creuse moins l'âme le ; ; drame, vie dans son le croit, la poète classique voit dehors de ses héros ils le ; comme il idée fera agir. : Cor- ou cinq premiers dra- passion et du devoir. Il poète romantique agisse autrement ses ; yeux sont tombés sur une anecdote, une ballade, une légende, un fragment de chronique il les prend jetés et par la force dans l'action Chemin il y voit des héros intéressants de son imagination se les il ; ; suit plus qu'il a une idée beaux coups de théâtre. Pourtant souvent : les il le poète soutiendra une thèse politique, donnera une leçon de morale sociale tenir cette thèse et dirige. de belles scènes, de faisant, se présentent à l'esprit belles tirades, de ne \ c'est donner cette leçon même qu'il a ses drames l'origine cherché un du drame romantique hommes du drame La qu'il soutient il dans tous élever l'âme. C'est tout différent. Déjà donc à : dans la conception les même il pour sou- sujet dans la légende. Sa thèse, Corneille la dissimule, n'en a qu'une d'ailleurs, la : les figure même la personne du poète apparaît de son œuvre et les choses à sa thèse. On : on voit qu'il pliera sentira tout le long la prédication et le prédicateur. thèse morale à développer l'origine dans l'esprit personnages, appropriées : il se croira obligé ainsi fera parler des du poète il ; n'existe pas de développer des thèses se souviendra régulièrement, vieillards féodaux, l'hospitalité antique, toujours à mais à propos de certains quand de leur faire de leur faire regretter il vanter la liberté anti- que, fût-ce indifférent au drame. Si ces drames ne con- LA MISE EN ŒUVRE 270 tiennent pas de thèse, comme une épopée sont traités ils c'est un récit merveilleux de douleurs, de joies humaines, avec l'unique but de charmer et par ce déroulement de poésie. Dans Hernani, ple, y une conception première a-t-il chologique que t-il proposée s'est voulu peindre ? Aucune. mêmes, des passions il ? Où ; souffrances, de d'émouvoir exem- par psy- est l'étude poète ? quelle passion a- le Au lieu de tirer les incidents a d'abord pris et imaginé les inci- dents, et, jetés au milieu, seshéros vont, s'agitent, parlent, chantent,crient, souffrent et tout cela ; C'est ainsi qu'on spectacle attachant. forme néanmoins un compose une ballade, une ode. Bref,l'intrigue préexiste aux passions, dans se développent S6ns où le est-ce l'amour ? l'intrigue le permettra, comme diverses souvent, variées la vengeance est-ce la ? vie le Blas, c'est un rêve plébéien, ? la fois. Pas plus que la Ce sont surtout de belles scède beaux cris, de beaux discours. ; c'est amoureux d'une le développement merveil- même leux d'un songe, mais non pas Ce Herna?ii, devoir. nes, de belles situations, Ruy même. Tout cela à Est-ce le devoir domptant la passion passion domptant passions les l'étude d'un état d'âme. reine, qui arrive à être grand seigneur et à se faire aimer, nous ignorons ce qu'il pense du présent et qu'au jour où pendant de l'avenir, de lui-même le rêve s'écroule. comment une d'un amour pur compte pas ; et : ce le amenée à aimer mais en revanche nous avons mort se livre à psychologique, sujet de la pièce, ne nous changement d'âme, cette crise, l'histoire ne mer- et qui vit, de Didier qui s'é- qui se fait reprendre, comédiens qui le tableau d'une troupe de une répétition devant un lieutenant criminel, la tentative de On Dans Marion de Lorme^ courtisane peut être veilleuse de Saverny, cru chappe des autres, jus- trois actes, le poète, oubliant l'étude qui eût été pour un classique dit pas et Marion pour sauver Didier. sent partout dans le théâtre romantique la main poète qui vous conduit où il du veut et ne vous laisse guère LE LYRISME 271 c'est que son oublier ou sa thèse, ou ses vues sur la vie le fait seul de drame ne peut s'abstraire de son époque choisir pour protagoniste l'homme du peuple ou l'homme déshérité, c'est une thèse, donc c'est un peu du lyrisme le : ; ; poète apparaît. épisode comique arrive inutile- traîne sur la scène plus longtemps qu'il ne fau- ment ou drait, c'est nous Quand un encore revient à du du poète lyrisme, car alors la théorie l'auteur se et l'esprit, montre. défaut des drames qui sont faits sur une poétique C'est : le celle-ci mémoire. se rappelle toujours à notre L'excès du lyrisme se voit manifestement dans les Bur- n'y a point de drame, mais une suite de tableaux graves : il de vie héroïque la où les personnages récitent des vers magnifiques. Le drame romantique est encore lyrique dans l'exécuLe poète, qui ne sait pas s'abstraire assez de son drame, tion. ne comme sait pas, il le faudrait, s'abstraire entièrement il n'y a guère de variété les grands premiers rôles des caractères qu'il compose. Aussi, dans les caractères romantiques ; se ressemblent tous par certains côtés, parce s'y incarne trop. le Hernani, Didier, Ruy que l'auteur Blas, sont presque même homme. Si nous entrons dans les détails, le lyrisme se rencontre aussi aux : défaut moins grave alors parce qu'il parties vitales brillants du drame. Ainsi, les touche moins monologues sont de morceaux lyriques. Les personnages expriment souvent des idées qui ne sont pas celles de leur temps, mais celles de l'auteur. Il est certain que parfois Hernani, dit aux seigneurs des avant 1789 le monde ; que les ne leur dira guère vérités qu'on admirables réflexions de don Carlos sur féodal et sur la fragilité des poète plus que d'un Ruy 1830, que Triboulet Blas parlent en révolutionnaires de homme de guerre, que guère pu exposer aussi nettement décadence de l'Espagne empires sont d'un et aussi et ses causes ; Ruy Blas n'a largement la que Barberousse n'a pu voir aussi xiip siècle l'homme l'Allemagne du ; qu'ils n'eussent pas faits aussi beaux Hugo. Mais, en général, suffisamment à la suffit il que ces morceaux tiennent trame du rôle et enfin ce sont détail est d'ailleurs situation de mort des réflexions philosophiques habil- beaux vers sans Victor déplacés, la Marion de Lorme (vi, 8 v, 4), Didier trouvent tous deux sur la misère de et sur la lées de bien dans clair que, dans ; l'Angely et de ŒUVRE LA MISE EN 272 ils ; ne semblent pas trop de grandes beautés. Le lyrisme une façon d'agrandir souvent au bout d'un siècle on ne drame le saisira plus guère ; le caractère lyrique de bien des morceaux. Malgré leur antiquité vous découvrirez relative, autant dans les classiques ce lyrisme de détails tout et d'allusions, qui tranche encore sur l'anachronisme général des passions et des mœurs. Voici, par exemple, des réflexions sur d'un grand empire la chute : Je songe quelle autrefois était cette ville Si superbe en remparts, en héros si fertile, Maîtresse de l'Asie, et je regarde enfin Quel fut le sort de Troie, et quel est son destin. Je ne vois que des tours que la cendre à couvertes, Un fleuve teint de sang, des campagnes désertes Est-ce Pyrrhus qui parle ici, verse cette larme sur la misère Quand Néron offre à ou le ! poète, qui à ce humaine moment ? Junie d'être sa maîtresse et qu'elle déclare n'avoir mérité « ni cet excès d'honneur ni cetteindignité », n'est-ce pas d'un bout à l'autre, dans les quinze vers qu'elle prononce, une favorite vertueuse de Louis qui refuse la place de la reine, autre, enfin, remplit la majesté ? cette place celle De de Louis XIV une » Est-ce Bérénice qui dépeint la grandeur Racine « dont de Titus ou XIV ? cette nuit, Phénice, as-tu vu la splendeur ? Tes yeux ne sont-ils pas tout pleins de sa grandeur? etc. LE LYRISME et croit-on que les 273 contemporains, quand cette tirade, n'applaudissaient pas le roi Agrippine applaudissaient lui-même à Auguste, ces quand elles font, deux fameuses prédictions d'opprobre indélé- de gloire immortelle bien quelle guerre il ? Est-ce Mithridate qui voit Rome ? Est-ce faut faire à ou un janséniste qui disserte sur que Victor Hugo, car grâce? la masque de tous ses princes, toutes ses héroïnes. La le grand roi Vallière, la même C'est si Polyeucte Racine mérite autant l'épithète de lyrique, sens, ? un peu trop étudié Tune à Néron, l'autre et Livie n'ont-elles pas aussi l'histoire à l'avance, bile et ils dans ce perce sous le Montespan, sous abuser du droit qu'a le poète de se substituer lui ou son époque au personnage et au temps qu'il représente, Tu que de faire parler Néron ainsi : sais bien, Narcisse.... le Et c'est cette vertu, si nouvelle à la cour, Dont la persévérance irrite mon amour. Quoi ! Narcisse, tandis qu'il n'est point de Que mon amour n'honore et ne Qui, dès qu'à ses regards elle ose se Sur ou de Louis le cœur de César ne lui faire dire XIV Vallière les fier, vienne essayer.... à Junie ces galanteries fait sa Romaine rende plus vaine, si délicates déclaration à l'humble et douce où La : Quoi madame, est-ce donc une légère offense De m'avoir si longtemps caché votre présence? Pourquoi, de cette gloire exclu jusqu'à ce jour, M'avez-vous sans pitié relégué dans ma cour? ! Ecoutez encore Racine : ne dirait-on pas qu'il prêche chute à celles qui résistent encore Et je la : vous nommerais, madame, un autre nom, Si j'en savais quelque autre au-dessus de Néron... Bérénice demande à Titus un simple soupir, Bérénice, c'est-à-dire M llc Mancini, ou LE DRAME ROUANT. quelque autre : \8 LA MISE EN ŒUVRE 274 Ah Un Titus, car enfin l'amour fuit la contrainte... ! soupir, un regard, un mot de votre bouche, Voilà l'ambition d'un cœur comme le mien... Je ne parle pas d'Esther pour les allusions Théramène pour la complaisance des détails J'aurais aussi trop beau jeu 3i je montrais dans certains caractères de Corneille, quand une est série d'études du le récit de défaut d'art le rôle personnage sur force remarques philosophiques, ou bien du et lyriques. tragique lui-même avec une suite de plai- un enchaînement de conversations élégantes, ingénieuses, calquées sur celles de l'hôtel de Rambouillet, où l'on cherche le fin du doyers fin ; subtils, qui fait témoin souvent de la tragédie Sabine d'Horace qui pourrait être la si tou- chante, et qui disserte tant avec des refrains formules où l'on voit clairement l'excès de ce nalyse psychologique. Ces système, abusant de personnages qui l'a- raffinent, creusent, argumentent, annoncent qu'ils vont exposer l'état de leur âme et moralisent avec des sentences générales, ont des défauts aussi visibles que les héros romantiques. En somme, le lyrisme, dans la conception du drame, est un plus grave défaut pour le théâtre romantique que le lyrisme dans les détails. Le grand tort d'Hugo a été, là encore, de se laisser duper par les formules ; il n'a pas vu du drame était d'être le drame de la consoutrer la formule s'il était bon de ne pas psychologique, de mêler un peu, comme Shakspeare, le drame de la vie à celui de l'âme, il ne fallait pas subordon- que la noblesse cience; et que, ner le second au premier. Voilà en quel sens être lyrique constitue pour le drame romantique un vice fondamental. LE MÉLODRAME 275 II Le mélodrame est, dans grave défaut que le lyrisme, C'est toujours le un plus mélodrame vient du lyrisme. théâtre romantique, le et le poète qui substitue le tableau de la vie exté- rieure à celui de l'âme. ce tableau de la vie Quand il quand extérieure, vues philosophiques sur la vie, corse trop pour la foule étrange, semée de périls et de coups mélodrame. Un mélodrame, à des substitue il des inventions qui font la vie c'est de surprise un drame dont : il y a l'intrigue les passions surexcitées, le style emphatique et favorable à la déclama- ténébreuse, est tion vibrante ment sur Il ; les situations inattendues, en un mot, un drame fait pour agir violem- du spectateur. les nerfs a existé un genre de mélodrame qui fut dès le xvin* un mélange de tragédie, de drame bourgeois, de comédie, de musique et même de danse, avec son affreux tyran, sa victime persécutée, et son tendre amant, avec son dénoûment moral, où le vice est puni et la vertu récom- siècle pensée. un autre mélodrame qui n'est que premier transformé par le romantisme, mais conservé Il le existe aujourd'hui dans ses éléments essentiels parce même qu'il a toujours eu le public, et qu'il faudra toujours au peuple illettré cette grossière pâture d'émotions violentes. gues en abandonnant On a varié les intri- le tyran classique et la princesse per- sécutée pour les grands scélérats du couteau, du revolver ou du poison, pour les grands manieurs de lame de duels, et aussi pour les pièces à spectacle et où coureurs l'on voit des espions, des traîtres, des régiments qui défilent à cheval, des batailles qui remplissent et le théâtre d'une odeur de poudre d'un fracas de mitraille. Le mélodrame avait toujours joui des libertés que récla- LA MISE EN ŒUVRE 276 mait draine romantique le modèle que sorte de yeux les : ils le aussi le : mélodrame était- une il poètes romantiques avaient sous les drame a regardèrent trop. Le fini par res- sembler au mélodrame. Le mélodrame chez Hugo ne se présente pas seulement accident le mélodrame se trouve souvent à l'ori gine même, à la racine du drame. Le mélodrame naîtra tout d'abord de l'antithèse l'op- comme ; ; position violente de deux personnages trop produira, n Ain si opposer n'était pas seulement pour braver le roi, le sa cette passion cette du ; faire le dans Hernani bandit au roi dominer, faudra que il le bandit à la hauteur même Y il y touchent au mélodrame par l'excès quelque chose de mélodramatique aussi à montrer une noble éprise d'un bandit ciales! le ;}}e existe déjsty drame, il et une duchesse La scène où a fille la pas- les barrières soil y a trop loin, Triboulet s'emporte contre les seigneurs et se hausse à leur taille à force d'in- dignation est très belle, parce que précisément par de est vrai, vit ne pas connaître mais entre un bandit mélodrame ; bandit outre le outrée, cette haine surexcitée, passion sion, dont le propre est de le une antithèse trop peu naturelle grandeur d'âme, qui haussent roi, différents il les amuse pour eux, ne sort pas de son rôle, mais il y a déjà tendance au mélodrame quand Triboulet crie en parlant du roi, là, et, en s 'installant dans le cabinet du roi : Dites-lui de ne pas entrer, que je suialà, quand il se place dans le M. de Cossé, qui n'est pas du fauteuil M'avez-vous entendu, monseigneur et le mélodrame s'accentue au V e quand roi, son ordre sorti sur il dit à : ? acte, quand croit mettre le pied sur le cadavre du roi heureusement d'une beauté étrange et puissante ; la le bouffon situation est ; mais pour LE MÉLODRAME arriver à ce résultat pied, quels ressorts de Quand l'antithèse : 277 un bouffon tenant le roi sous son mélodrame mis en œuvre ! violente se non plus entre mélodrame naît trouve, deux personnages, mais dans un seul, le encore. Lucrèce Borgia est un monstre plein d'amour soit, mais le contraste de ce monstre et de ce sentiment si pur est mélodramatique l'émotion chez une pareille femme ; ; comme une note fausse, en dépit de l'auteur moyen de toucher doit être rangé parmi les moyens détonne et ce ; mélodramatiques. D'autres héros romantiques sont encore mélodramatiques sans être constitués par une dans antithèse l'allure trop heurtée et trop forte avons déjà vu que roi prête le de la passion. Hernani opposé à rôle de au mélodrame par mélodrame le ; l'antithèse ; le est Nous du celui caractère même d'Hernani y prête aussi par ce fait que les passions fortes se trouvent dans un bandit. Le héros tragique peut vouloir enlever une femme, il l'emmènera dans un palais héros de mélodrame, étant bandit, l'emportera dans les tagnes au milieu des balles souffrir, désespérer ; furieux et des éclats et Didier, ces ; Hernani le le héros tragique peut aimer, bandit a des élans d'amour de colère épouvantables. héros sombres, emportés, mélodrame par le- ; mon- fatals, Hernani touchent au l'excès de leurs passions, par leurs atti- tudes théâtrales, par leurs éclats de voix, par leurs subites fureurs et leurs abattements excessifs. Le mélodrame est ainsi la source de graves défauts ; il en produit de plus graves encore. Le théâtre romantique offre souvent matique de tions de la vie un tableau mélodra- par l'excès du mouvement, les complica- l'intrigue, par l'abus du tragique, des idées de mort, des duels, des empoisonnements, des assassinats. Le théâtre classique se contentait, pour représenter les luttes de la vie morale, d'un petit nombre de situations et d'une intrigue simple qui presque toujours peut se résumer LA MISE EN ŒUVRE 278 en deux mots Quels sont en pièce la : les faits d'une crise. est l'exposé effet matériels du Cid? Une dispute, un duel, où succombe le père de Chimène, le récit de la bataille qui a fait de Rodrigue le sauveur de l'Espagne, la démarche de Chimène et le jugement du roi. Dans Horace ? le récit du combat, meurtre de Camille et le : hors ces deux faits, ce ne sont que des événements moraux. Pour exposer la lutte du devoir et de la passion, il suffit à Corneille d'un malheur changement de qui sépare deux amants, d'un détache Polyeucte de ce monde. Il religion qui faut plus de quelques mots pour exposer les sujets romantiques. Le mélodrame s'y épanouit partout souvent ; les mille il forme de l'action laborieusement tissée. Ce n'est pas fils assez que des passions d'exception se développent dans des étranges, tous les incidents circonstances Le dinaires. inquiété mystère, pour les spectateur est par stupéfié , les déguisements, le comme Hernani, conduits par comme fortune la situation s'y des cachent mari ou reste de comme Didier, ouvrent toutes les Rodolfo chez Catarina. Les rois en bonne dans des le tuteur qui armoires nuit. la rivaux et, surpris grand bruit avec lui, et se Le s am ants,- les ; même, arrive à ^flambeaux et valets, se jouent de /le première .inventée par la fenêtre inconnus qui s'y battent en duel chez leur maîtresse le le spectacle yeux. portes, par surpris, l'inconnu, poète, pénètrent chez leur maîtresse par des portes dérobées ou extraor- instant , les substitutions,yle Les amants, par suite de par chaque à merveilleux le sont tout font héberger le monde s'y déguise. Hernani, grand seigneur déjà déguisé en bandit, se dérrmàfl^nj)^r[n_j2nur péné t rer chez don Ruy, le roi enjjanplil, N - en pour -Uv4aire^échapper, conspirateur. revient de Don Ruy l'enfer ». comédiens pour fuir se déguise il il déguise se déguise encore en masque « qui Didier et Marion sont déguisés en la maréchaussée ; Saverny fait le LES ACCESSOIRES DE MELODRAME 279 mort, et se déguise en officier du régiment d'Anjou avec un emplâtre sur pour suivre lieux chez aller François I er se déguise en écolier ; femmes les Triboulet ; pour l'œil et pour bouffon le à moins lui, dans aller déguise se que en bourgeois bourgeois Triboulet le ne se déguise en bouffon pour paraître à la cour Blanche en jeune cavalier pour sauver son amant et se se déguise courir après son fils, ; Lucrèce Borgia se masque pour tuer à sa place. faire mauvais les don Alphonse et se masque pour courir après Lucrèce Borgia. Dans Marie Tudor, l'homme condamné à mort entier caché sous un voile noir ; est tout uns croient que c'est les Fabiani, les autres que c'est Gilbert, et tout l'intérêt du Quand dernier tableau repose sur ce tour de passe-passe. Ruy il Blas paraît en laquais de don Salluste, pour lui-même est déguisé herbe porte première c'est la : la livrée ; il l'est homme que grand fois en aussi pour le spectateur qui, à son langage, ne prend pas une minute cet homme-là pour un laquais. Bientôt Ruy don Salluste Blas reprendra au mourir à ; quoi bon Ruy Blas grand homme — car le qui V e acte la fatalité — le de robe noire qui le pour laquais ministre, c'est de sa naissance dissimule ou le aussi, ; a recours à ces petites com- est couvert d'une sorte le laisse voir suivant le costume de laquais le de laquais n'est pas le ce s'empoisonne, c'est victime de en César de Bazan. la livrée d'ailleurs ? drame romantique binaisons, l'habille besoin. A côté des déguisements, les portes secrètes et masquées, lesarmoiresjouentun rôle considérable dans Lucrèce Borgia , Angelo, Tout peut même les drames en du mélodrame, dans l'outillage saisir les nerfs, effrayer faisant la le vers, Uernani, Ruy c'est-à-dire tout Blas. ce qui tout ce qui peut assombrir le drame, spectacteur comme on grosse voix, se trouve dans un enfant en drame romantique effraie le ; on y voit des conspirateurs entrer « en grands manteaux, 280 LÀ. chapeaux rabattus », MISE EN ŒUVRE dans ténèbres les un domino ; noir masqué traverse un bal, s'arrête immobile quand on lui parle on voit dans ses yeux « luire une flamme », il répond ; d'une voix sépulcrale « V e qu'on autant Le Roi le peut dire ». amuse ne sont qu'un long Le IV* la masure de Saltabadil de représente théâtre mélodrame. Le façon qu'on voie du dehors tout ce qui passe au dedans il et le acte do s ; y a deux lieux sur la scène en même temps, et même trois, car la masure a deux étages et nous voyons ce qui se passe dans tous les deux. C'est un décor que laisser au mélodrame. Bientôt complique d'orage tissent, ciel se le et d'éclairs, des le drame eût dû couvre, la nuit se coups de tonnerre reten- dans ce milieu effrayant se passe une action épou- vantable ; le bandit aiguise son couteau pour frapper l'hôte qui frappe à la porte ; on voit Triboulet venir et le bandit lui passer un cadavre empaqueté dans un, sac piétine sur ce sac qui contient sa La lueur des éclairs. besoin, quelque fille. Il la Triboulet ; reconnaît à la tragédie, on peut l'affirmer, n'a pas système qu'elle adopte, de ces horreurs. Elle n'a peut-être pas besoin non plus des cinq cercueils, du drap noir, des pénitents, des cierges de Lucrèce Borgia, du cortège funèbre de Marie Tudor. Une fois dans cette faut que les plus grands spectacles voie, elle irait loin. Il de la tragédie soient les passions et l'intérieur de l'âme. Le mélodrame pas aller l'y est quelquefois prendre. Ainsi dans mais pourquoi l'auteur choisit-il ce lieu et ce drame dans Angelo, aux mains de Venise, mais il ne faut du mélodrame peut cause du lieu et du temps, paraître à sa place dans A?igelo, à vrai la vie, l'appareil temps ? Le ce n'est pas sa situation de podesta celle qu'il expose dans la première journée, mais sa situation de mari jaloux, altéré de punir une femme qu'il croit la porte secrète, la clé Dix, si terrible qu'on et les allées et coupable. A quoi donc de Tisbe, l'homme du meurt presque pour venues à travers les servent Conseil des l'avoir regardé, murailles ? Tout cet LE PERSONNAGE DE MÉLODRAME SIMON RENARD 281 : appareil n'est donc qu'un accessoire mystérieux et effrayant, pour bon la du boulevard à foule romantique a trop que pour dénoncer Catarina, laquelle Homodei sacrifié. elle drame drame le n'est dans le pouvait être dénoncée autre- ment. Le mélodrame enlevé dans Angelo, ne reste qu'une il intrigue bourgeoise assez pauvre, rien d'héroïque duns les passions, rien qui exige des héros historiques billot, la hache, l'espion, portes secrètes les le ; : poison, le déguisement de cavalcade jeté sur une action trop nue. III A côté des accessoires de mélodrame, de mélodrame dont le ya il le personnage théâtre romantique a souvent fait usage. Le personnage de mélodrame c'est l'homme providentiel ou poussé par le est ou bon ou méchant, Le le traître. traître, l'espion, ressentiment et poursuivant ténébreusement son œuvre de vengeance, a autour desquels meut se saisi tou3 les secrets de haine sa a la clef de toutes leurs portes. vie, il est un homme de cœur qui s'est sait il ; les leur donné une tâche, une fait servir à procédés que l'autre applique au mal. Ce personnage ténébreux il ceux L'homme providentiel réparation à faire, un crime à punir, et qui une œuvre bonne toute aide aussi beaucoup le fait un grand effet sur la foule, poète embarrassé de son exposition en venant dire à un autre personnage vous appelez ainsi, vous avez : « fait ceci et Je sais tout, vous voulez vous cela. » Simon Renard, par exemple, dans Marie Tudor est l'homme profond qui mène toute l'action comme un dieu invisible. Il tient les fils do l'intrigue, et combien compliquée de ! la pagne. Légat de l'empereur reine d'Angleterre Or la à Londres, il représente auprès son futur mari, reine a un amant, le prince d'Es- Fabiani. Cet aventurier, LA MISE EX ŒUVRE 282 Simon Renard Comment voit tout, il doit détruire. le Comme prend-il ? s'y sait tout, il Tout sujet le est présent partout, et il est là. Dieu, tout simplement ; ourdit il une machine compliquée comme un univers, qui s'appelle l'intrigue romantique. Nous à Il voyons d'abord, préoccupé de son œuvre, errer le recherche d'un homme, l'homme « la comment cherche, le ? En se difficile à trouver ». promenant nuit. la Voici ce qui se passe sous ses yeux, fort à point. Paraissent Simon Renard l'ouvrier Gilbert et sa fiancée, Jane. tout, entendtout.il entend que que Jane ne l'aime qu'à moitié. la vie et pour se mêler à effrayantes et la apparaît Il conversation, prononcer des paroles disparaître. de Lorme, pareil voit donc que Gilbert aime Jane plus Ainsi l'Angely dans Marion à ces diables qui sortent d'une boîte, pour prononcer d'une voix lugubre quelque se dressait Jane ramenée chez elle, Gilbert est abordé par un mendiant juif, autre personnage de mélodrame notez bien que Simon Renard invisible voit tout, entend tout. Ce Juif de mélodrame rôde, lui aussi, pour une prédiction fatale. ; œuvre ténébreuse, de chacun. maison éloigné la aussi sait toutes les petites et d'accourir s'il entend crier main-forte. Gilbert raconte sa propre histoire à Madrid et ; il affaires autour de sa veiller de quelques pas, survient Fabiani cient lui Naples lui ordonne à Gilbert de Il raconte même lui ; le Juif omnisdepuis Fabiani, ce qui se passe dans conscience de Fabiani, puis l'histoire des biens de lord Talbot que Fabiani dont Fabiani sait la vie de déshonorer son rang papiers, ; s'est fait donner, mystérieuse, et qu'il est en afin qu'elle ne puisse jamais enfin, et c'est là l'important, constatant la de Jane l'histoire naissance de il lui parle Jane, que espère perdus à jamais, mais qu'il voudrait, les produire lui-même au s'ils moment de ces Fabiani existent encore, avoir en sa possession pour les empêcher produire ou train remonter à de se favorable, LE PERSONNAGE DE MÉLODRAME Or afin d'épouser Jane. pour les ces papiers, le Juif les a mais que Fabiani peut seing donné par donner en lui reine à Fabiani pour garder blanc-seing Fabiani, trouve pas les papiers ; jetés loin le de lord Talbot, fille de lui dit lui et comme preuve d'amour. et papiers, le tue, et ne temps de lui apprendre que montre les papiers qu'il a lui : Venge-toi comprendra quand Fabiani, après lui le donnant certain lui Juif mourant appelle au secours, le Gilbert survient, l'homme a est vient royale, Juif connaît aussi l'existence, blanc- le la il ; somme vendre contre dix mille marcs d'or, blanc-seing, dont Jane SIMON RENARD 283 : cadavre à l'eau, voudra ce que ! Gilbert l'avoir forcé à jeter avec chasser pour entrer chez le Jane. I/explosion de fureur de Gilbert inquiète Fabiani, qui a pris parti ; donne à Gilbert sa il entre chez Jane, Gilbert ramasse clé poignard de Fabiani, le comme dans accessoire qui va bientôt être utile, et espoir il s'écrie ma pour que Gilbert son dés- Qui veut me venger de lord Cambrassil : Simon Renard qui, « faisant un pas », dit fort à point: Moi Et il emmène Gilbert. Or vous saurez que Simon Renard a ourdi à l'instant tout un plan ténébreux suggéré par le dieu du mélodrame il dénoncera à la reine la trahison de Fabiani, et prendre vie pour paiement ? survient ! : la reine voudra se venger par la mort de Fabiani, une sé- duction n'est pas un crime suffisant pour un crime de lèse-majesté soufflera ceci à la reine honneur pour sa ; ; c'est alors le perdre, il faudra que Simon Renard Gilbert abandonnera sa vie et son vengeance; on lui fera sassin aposté par Fabiani pour tuer jouer la reine, le rôle il d'as- accusera Fabiani, tous deux seront mis à mort. Ce plan compliqué se réalise en effet, et le par Gilbert jusque chez poignard de Fabiani, conservé la reine, sert de preuve décisive (?) œuvre» contre Fabiani. Mais Simon Renard Fabiani condamné, reine contre tous veut la croit pouvoir se fier à pleins pouvoirs ; or n'a pas fini son le Jane qui aimait Fabiani Jane fait sauver, elle et lui donne évader Gilbert au lieu de LA MISE EN ŒUVRE 284 Fabiani avec la complicité de maître iEneas. la qui a compris promesse de apaiser Fabiani pour cette nuit peut seule tête de la mais ; a rendu reine la Simon Renard, delà reine, excite une émeute que la faiblesse de maître iEneas la tête responsable de celle de Fabiani, et maître iEneas a rappelé le batelier qui sauvait Gilbert. qui est sous de ce le En que sorte c'est Gilbert A drap funèbre. Mais est-ce Gilbert ? moment on ne comprend plus rien. partir semble que Il Simon Renard, qui soupçonne Gilbert sous le voile, et qui sort en disant « Voyons donc », ait fait opérer une : dernière substitution, et fait placer en effet Fabiani sous ce fameux voile, car Simon Renard, avoue à le c'est en deus eût la reine qu'il effet Fabiani qu'on exécute, et machina, a tout quelle et machine comment conduit. Mais que Jane croie avoir reconnu Fabiani sous fait-il de et parle Gilbert qui la voix de son cœur, marchait à passe-passe qu'opère tisme, le lecteur la que alors mort, avant Simon Renard ? y perd son latin et le voile c'était bien dernier tour de le Mystère le ! se et roman- spectateur encore davantage. Don nard Salluste,dans Rxiy Blas,esï il ; c'est la un plan quintessence du conçoit d'aussi traître. le pendant de Simon Remais pour loin, le mal n'a créé de personnage mélodramatique aussi invraisem- blable. Il veut perdre la reine qui le chasse et fait venir César pour Il lui « lui proposer d'aider à propose de lui la invraisemblable que reine lui inspire cette et Ruy fait le valet fois don venger d'une femme. de refaire de » César refuse Salluste entend la conversation de le récit le payer ses dettes, un beau seigneur d'amour. : Jamais Dumas lui-même ; lui mais quand Blas et de César, de son amour pour un plan bâti de toutes pièces. Voici ce plan. Se servir de ce valet ambitieux qui aime la reine, le faire passer pour don César, qu'il va faire enlever et vendre aux corsaires d'Afrique, le pousser en cour, faire de lui l'amant LE PERSONNAGE DE MÉLODRAME SALLUSTE : 285 de la reine, surprendre la reine dans une situation déshonorée. Le qu'elle soit Ruy aimera et moyen bourg qui Ruy Blas ne donc que Salluste que Salluste puisse Ruy écrire par maison du fau- démon le de portes et dans et tiendra d'Espagne déshonorée. Mais ce rendez- ses griffes la reine vous, comme là Ce rendez- palais. la petite pleine de trappes à Salluste, est secrètes. Il arrivera du sortir donné dans faut qu'il soit il elle Blas assez pour se rendre à un appel pressant commettre l'imprudence de vous, telle quand survenir, ? le donnera pas, car de n'ait plus besoin faire venir la reine. il lui aimera. Il faut l'heure venue Comment Blas, secrétaire inconscient, ce fameux billet adressé, dit-il, à dona Praxedis, et qu'il fait signer César mais Ruy si Blas, une ? cusable ; ; grand d'Espagne, ministre peut- ne reconnaissait plus Salluste pour son être, refusait d'obéir, maître fois ; fait Il ? Il faut donc avoir et il fait écrire et contre lui une Ruy signer à preuve irré- Blas cet étrange où Ruy Blas se reconnaît laquais et s'engage à servir son maître en bon domestique. Dès lors, le marquis de billet Finlas tient tous les fils dans sa main. Les personnages ne sont plus que des pantins qui lui venu ministre se amant de et montrer pour tout laquais, il refera Il est inutile un reine, la faire crouler laquais obéissent. il ; Ruy Blas dede suffira à Salluste il a fait un prince du du prince. de faire sentir l'invraisemblance. pas de scélérat capable d'ourdir en n'est Il un moment une pareille trame, de tout prévoir et de tout préparer d'aussi loin. Les mesures de Salluste sont trop bien prises croit pas un instant que Ruy ; il ne Blas s'oppose à ses desseins, et il a tort. Ce plan ne s'accomplit pas traverses qui constituent imprévue de César, par Guritan ; le d'ailleurs sans de nombreuses quatrième acte. C'est l'arrivée l'idée qu'a Ruy Blas de prévenir la reine mais tous ces incidents ne sont compliquer l'intrigue et amuser la foule. là que pour Ce IV e acte est du LA MISE EN ŒUVRE 286 grotesque pur, un intermède où se joue l'habileté éblouissante du mélodrainaturge et la verve étincelante du poète, non sans inconséquences seconde fois, le Enfin pourtant. arrivera à temps pour tout réparer ; don Salluste César escamoté une drame, arrêté pendant un acte, marchera le dénoûment, dénoûment encore plein de surprises. Pur mélodrame. Dès qu'il faut rattacher à la réalité cette histoire merveilleuse de valet amant d'une reine, l'invraisemblance éclate de toutes parts. C'est un rêve de poète qu'on a par force encadré dans une intrigue de Ponson du Terrail. Homodei ressemble beaucoup à Salluste, dont il est une vers première ébauche. Ce sbire, qui a vainement poursuivi Catarina de ses déclarations, a juré de se venger. veut Salluste deshonorée, que d'Espagne reine la Homodei doit arriver à amant par son mari surprise avec son soit tuée par son mari, il veut que Salluste cherche surtout Il s'agit chez la le ce ; soit Comme surprise que Catarina mais il et soit veut qu'elle vengeance même, tandis plaisir de la vengeance. donc pour perdre Catarina de conduire Rodolfo elle, et de surprendre par son mari la faire ; mais c'est un peu simple pour des gens de Venise. Homodei trouve bien plus intéressant de mettre les les faire deux rivales aux Homodei en surprendre par Tisbe, de prises. Tisbe appellera Angelo, est sûr, et Rodolfo ne pourra plus s'en aller, car Homodei, espion du Conseil des Dix, connaît un passage secret par lequel enseigner le il conduira Rodolfo chez Catarina sans retour. lui Homodei aborde donc Rodolfo, avec Vous vous appelez Rodolfo, vous l'indispensable exorde : le plan d'Homodei manque une première fois par le crucifix qui sauve Catarina. Homodei lui-même est assassiné (il faut bien se débarrasser de lui dès ce moment), mais il a le temps voulez ceci, vous avez fait cela, etc.. Mais de faire parvenir au podesta un billet de Rodolfo à Catarina. Fureur du podesta. Appareil mélodramatique d'une ven- LE TRAITRE DE MELODRAME HOMODEI '. 287 chambre de Catarina transformée en chambre ardente. Mélodramatique geance de podesta, encore le billot et la hache dans procédé qu'emploie Tisbe pour sauver Catarina le ce narcotique qui la fait passer pour morte ne soupçonneux, si Comment lui a accepte-t-il femme ? qui, sachant que le nom ? C'est bien le de l'amant de sa entre Roderigo et Pandolfo, ne soupçonne pas flotte ce Rodolfo comment poison de Tisbe, alors que Tisbe le raconté l'histoire de ses deux flacons même homme ; de sa vengeance confie-t-il le soin : aussi tout cela ; pas sans de grandes invraisemblances va-t-il Angelo, la qu'il connaît, le frère prétendu de Tisbe. IV 11 y deux manières de comprendre a surprendre le l'intérêt tragique, spectateur ou l'émouvoir. Prenons un exemple la situation de Mérope levant la hache sur l'étranger qu'elle ignore être son fils. Le poète : tragique a le choix entre deux spectateur ne sait pas non plus Mérope, et Mérope ; ou sur son fils motion est préférable il n'est il le point ému, mais sait, qu'elle ne spectateur n'en sera genres d'intérêt qu'Egisthe est et il voit ; pas moins est évident il la surprise et : ému ou le de sera surpris avec une mère lever connaît pas à il : le fils la hache que l'é- remarquez que par le surprise de la Mérope. Aussi le théâtre antique ne changeait pas connues du spectateur dont dents, était tout entier l'esprit, tranquille de ce que nous allons voir sur Shakspeare Hamlet fait ? légendes sur les inci- aux passions analysées. Euripide, qui change parfois la légende, nous avertit dans dans les comme un prologue la scène. l'antiquité. Le spectateur ne qu'ignorent les personnages de la Où est sait-il pièce ? le mélodrame pas d'abord ce Ne connaît- il pas . LA MISE EN ŒUVRE 288 les meurtriers du père d'Harnlet ? Le drame est tout entier dans l'âme d'Harnlet, sans autre incident que ses irrésolu- Le roi tente un piège à Hamlet, il nous en prévient, Hamlet flaire le piège et se méfie. Hamlet tue Polonius, tions. mais nous savons Dans comme lui que Polonius duel nous savons à l'avance que le caché était poisonné. Quel imbroglio eût fait de tout cela romantique! De même pour Macbeth; la théâtre ; vengeance arrive, nous voyons duel est il va se porter. n'est point un coup de poète nous a transportés là le Dans prépare. elle nous connaissons le Ciel, la discussion naître, le même où elle se mariage projeté, le soufflet venir. pivot de toute une action morale. le théâtre l'âme de Macbeth est à nu devant nous, nous voyons à quel crime Quand le là. em- le fleuret est Un seul Dans Hernani, ce ne sont que duels, surprises nocturnes, complots avortés, conspirateurs arrêtés bandits , courant dans villes les Qu'est-ce que ce bandit, ce bandit plein d'honneur, aimé dame d'une grande Nous ne ? le IV saurons qu'au e acte par un coup de théâtre soudain. Qu'est-ce que cet inconnu qui se trouve aux Gomez ? prises avec lui, Attendons qu'il ait Ruy que surprend don produit son coup de théâtre en ôtant le grand chapeau qui lui couvre le visage, ou le grand manteau qui cache son costume Dieu le roi Qui sera empereur ? Nous ne le saurons, comme don Carlos : et palpitant avec lui , qu'au ! troisième coup Qu'est-ce que ce pèlerin qui vient chez don dons qu'il ait de canon. Ruy ? Atten- encore produit son coup de théâtre en s'écriant d'une voix « tonnante » lus d'or ? » ! Le : « roi survient. a une muraille à double Qui veut gagner Hernani va ici mille caro- être pris fond. Mais don !Non, il y Ruy, menacé de mort par le roi, va vers son portrait, il va livrer Hernani ? Non, il continue son discours. C'est le bal chez Hernani. Quel est ce masque sinistre ? Attendons voici le bal finit époux tout à leur bonheur mais quoi, encore le masque? Enfin nous allons le reconnaître. 11 est temps. Au denoû- les ; ; ; LES COUPS DE THEATRE 289 ment (ÏAngelo, nous ne savons pas que réellement Catarina morte n'est pas du coup de comme nous avons, et théâtre. Qu'arrive-t-il Rodolfo, La ? la surprise surprise qui nous nous empêche d'être émus de l'émotion de Rodolfo, saisit qui nous intéressait seule, du coup de théâtre si nous n'avions pas été stupéfaits à une émotion ; tragique on a substi- tué une émotion mélodramatique. Ainsi, de lités plus souvent, au le nous montrer des hommes aux prises avec lieu de poète nous la vie, le du ces coups sort ; met nous-mêmes aux les fata- prises avec ce n'est plus le contre-coup de l'émotion du héros que nous ressentons, nous sommes nous-mêmes en une émotion proie à grand but de le nous dénaturent cette égale, et ainsi se douce terreur et cette pitié charmante qui sont toujours La terreur devient l'art. réelle et l'angoisse étreint. Ce n'est pas que les émotions vraiment tragiques quent dans scènes où le le théâtre romantique ; pathétique est grand sans le secours des sur- prises et des coups de théâtre. Ainsi la belle scène Carlos surprend la où don conspiration est dramatique, et pourtant poète nous a prévenus que don Carlos a découvert la le conspiration, au lieu de le faire apparaître machina. Rien de plus dramatique que de Lorme en s man- on y trouve d'admirables a et il pas pour à sons nous dans anxiétés ses au V e V e soudain ex acte de n'y a pourtant aucune surprise amuse où Triboulet cherche même le sans ; scène (III, 3) de la sa fille Marion n'y il Le roi nous nous intéres- : partager son De ignorance. poète s'est bien gardé de ne pas nous prévenir du jeu de théâtre qui consiste à faire tuer acte ? le Blanche par Saltabadil, lequel du roi : la surprise et la moins tragiques ? la livre Bien au contraire triomphe encore, nous à Triboulet au lieu douleur de Triboulet en sont-elles : alors fou de vengeance, et qui piétine le misérable, cadavre de sa croyant frapper celui qui Fa deshonoré. LE DRAME ROMANT. que Triboulet souffrons déjà pour ce Si nous fille en étions 19 LA MISE EN ŒUVRE 290 surpris avec stupéfaction tuerait l'émotion lui, la que Triboulet pleure, lui, Dans Lucrèce Borgia, la demander sans d'explications. poète nous a une fois pour toutes le Gubetta, en sorte que partout où nous édifiés sur nous soupçonnerons un coup de paraître, nous ; nous expliquer ce coup étrange, tandis serions occupés de la verrons le Borgia ; même grande apparition de Lucrèce au dernier tableau a De même nous pouvons préparée. de Gennaro, et surtout de la être émus de été la surprise douleur de Lucrèce, quand les jeunes gens la démasquent, parce que nous savons que c'est Lucrèce qui l'a naît quand don Alphonse présente à Lucrèce l'homme ; insultée sur le fronton de son palais, et qu'elle recon- Gennaro, nous savons depuis longtemps que pable était son fils. Dans ces scènes, le le cou- poète a trouvé le vrai tragique. Pourquoi a-t-il ailleurs cédé au plaisir facile d'étonner la foule Marie Tudor Dumas et Han est entré dans l'emphase, le le né pour le mélodrame que sont ses romans, Déjà dans Henri III, ? ; passion outrée, la férocité invraisemblable la soupçon, ne font qu'un ; la fureur, la vengeance ce sont coup sur coup des apostrophes, des cris furieux : « Au premier toute prête des exclamations, Qu'est cela ? Mille damnations, ce mouchoir appartient à la duchesse de Guise armes réunies de Clèves Voilà les serait venue et drame romantique avec font du duc de Guise une sorte de possédé. indice, Pourquoi sa cour. était un mélodrame perpétuel sinon ? d'Islande dans Hernani ? Le mélodrame Henri III par des apparitions magiques souvenu de s'est-il tant ici ! Saint-Mégrin... tu ne t'étais donc pas trompé ! et de ! Lorraine... Elle Mayenne, Mayenne et lui... lui... Saint-Pol ! ! DUMAS Je Saint-Pol vais... HENRI : ! III ET SA COUR Qu'on me cherche 291 mêmes hommes les qui ont assassiné Dugast. » se Il femme avec une conduit envers sa brutalité qui dément pas, et exprimée en termes exagérés qui font justement le mélodrame « On connaît Henri de Lorraine, ne se : et l'on sait qu'il a toujours chargé son poignard de réitérer un ordre de pour écrire sa bouche. » Saint-Mégrin Il veut forcer un billet duchesse à la de rendez-vous qui un guet-apens. C'est simple et primitif. Mais comment Le farouche seigneur a du poison tout prêt, est l'y forcer ? mais la duchesse accepte serre le bras avec son le poison que fera ; gantelet oie obtiendra ce que n'obtient pas la idée de mélodrame le billet, il en nicus, menace de ; la la mort Néron dans Britan- cachant derrière une tapisserie, genre d'em- prunt familier à l'auteur qui ne s'en défend pas dans VII. Enfin préface de Charles le duc de Guise, fidèle tempérament mélodramatique, non content de son : se substitue duchesse à envoyer elle-même renouvellera le stratagème de se ? il lui torture cette l'émotion physiologique à l'autre. Puis, forçant duc le et fer, égorger Saint-Mégrin, le fait étouffer, la à faire ironie sauvage, avec la duchesse. En somme, ce n'est pas un un fantoche. Qui dit caractère dit quelque chose de vivant et de divers. Le procédé qui consiste, en mouchoir de le caractère, c'est toute occasion donnée, à faire prononcer plus cruelles, et commettre les actions les res, est Les les paroles les plus sanguinai- un procédé enfantin. personnages sympathiques eux-mêmes des ont Le doux Saint-Mégrin se coupe une mèche de cheveux avec son poignard ce poignard habitudes de truculence. ; avait déjà servi de ciseaux au héros romantique, élargir les boutonnières récalcitrantes ; il pour lui sert ailleurs de cachet (Antony). Dans et le mélodramatique, au surnaturel ; le Dumas magnétisme va jusqu'au fantastique et la magie lui servent. ŒUVRE LA MISE EN 292 Le rôle d'astrologue ou de Juif est une obsession du drame romantique. Depuis qu'Hugo en a mis un dans Cromwell, il n'y a plus de drame sans astrologue. Ruggieri dans Henri III est défectueux en deux points. Ruggieri un vrai sorcier est-il ? Cette supposition est trop enfantine pour le spectateur actuel. comment lit-il pas sorcier, S'il n'est l'avenir ? Simple prestidigitateur, pas digne du drame. Cette il n'est histoire de narcotique, de lit de repos qu'un ressort amène, d'alcôve ouverte aux yeux de Saint-Mégrin, mélodrame c'est de la magie aussi le truc enfantin ; pur mélodrame ; du mouchoir oublié par duchesse, truc sur lequel repose toute l'action. la Les scènes où l'émotion physiologique est substituée à l'émotion psychologique ont beaucoup d'action sur la foule, c'est incontestable et les ; dramaturges romantiques, pour une par ont été tentés élite, l'effet sûr écri- foule que vant, à une époque de démocratie, plus pour la et brutal. Ainsi la scène où la duchesse de Guise, pour empêcher les meurtriers d'entrer pendant que son amant passe son bras de femme, en guise de barre, dans anneaux de Au lieu s'enfuit, les deux porte, et se laisse affreusement meurtrir. la d'un mouvement de passion, nous avons un bras bleui. C'est d'ailleurs donner trop d'importance à une porte fermée dans un drame sérieux. Henri I1I} tirant les c'est yeux et une intrigue mince en somme, qui historiques froides et l'intrigue même force sa femme aime, et ,se longues, sans (1), laquelle se à donner un autre rapport avec réduit à ceci (1) : un homme rendez-vous à celui qu'elle fait assassiner l'amant. Dans Charles VII, les défauts romantiques Le héros du drame, qui était dans Hernani un drame mais détache sur un fond de scènes Depuis le livre de Vitet, on croyait et on en mettait partout. l'histoire se corsent. bandit, dans indispensable au DUMAS : RICHARD DARLINGTON 293 Notre-Dame un Quasiniodo, est, dans Charles VII, Yacoub, un africain, un Antony arabe, qui lui aussi se croit maudit, avec l'air fatal du fils dont la mère est morte en le mettant au jour. Cet air fatal et sa cause une invention de sont Chateaubriand qui eut toute une fortune. Richard Darlington un mélodrame d'un bout à l'ausimple un homme ambitieux et qui est La donnée en est commet tous les crimes pour arriver tre. : tout d'une pièce encore, Monaldeschi ; comme à son but, personnage duc de Guise, comme le puis sa victime, qui est sa et le personnage actes du premier, qui si femme, ses dupes, cher au mélodrame, qui suit tous les mène tout. Il ne grand crime commis sur la sait tout, voit tout, peut cependant empêcher le victime innocente. Pour surcroît de mélodrame, ce person- nage est le père, inconnu, de Richard Darlington, père, qui cherche à prévenir les crimes de son parti pour la victime, use Richard, il se démasque du ; seul moyen où ce père, encore amant de deux de punir bourreau de Londres c'est le L'effet, d'ailleurs, est produit qu'il ait et ce prenant fils, fois : il ! y a un prologue celle qu'il a séduite et fuyant demande l'hospitalité au docteur Guy, chez qui la jeune femme met au monde le fils qui sera Richard. L'amant masqué est subitement démasqué par le père de la avec jeune elle, fille qui survient tout à coup ; la jeune fille s'éva- nouit en reconnaissant dans son séducteur le bourreau de Londres. Comme on le voit, du bandit, du bouffon, le drame romantique tient à aller jusqu'au bourreau.* Le mélodrame est flagrant. Ce n'est pas à dire qu'il ne soit puissamment combiné. Richard Darlington est un chef-d'œuvre dans les le genre inférieur qui cherche à produire émotions brutales et violemment malsaines. La Tour de Nesle comme Antony le est le type du mélodrame héroïque, type du mélodrame bourgeois. Rien n'y manque la quantité de mystère Deux des personnages, et non ; et de surprise est énorme. plus un seul, sont de ces LA MISE EN ŒUVRE 294 héros méchants tout d'une pièce, qui se jouent à machiner abominables les plus Marguerite et Buridan. Tous deux n'obéissent qu'à leurs mais instincts mauvais, même Buridan criminelle, moins quelque temps Buridan de sa et n'est que méchante et s'y voit chacun des deux pris crime projeté, punis deux et cette ironie est prêt à tout, La reine traîtres a tendu ses du dernier punis dans leur cœur de tous deux ; qui, L'épouvantable imbroglio est et rusée. ; qui celui triomphe La continuité de Il prend il hasard, raille, résultats les plus imprévus. modèle du genre filets ; d'un innocent. sur le donne surtout une allure étonnante. jamais étonné des le vengeur perte, espère avec une ironie superbe. lui lui-même criminel rôle de lui-même sur deux doigts à lutte contre la il du héros de mélodrame, est l'idéal compte toujours même le sympathique plus est pour contenter son ambition parce que femme sombres complots. Ce sont et les plus fois, sont punis père et de mère (étrange et seule affection qui leur reste) et arrêtés comme assassins. La trépidation et l'emphase du langage arrivent au dernier point. inspire restée Le récit : vieillard d, est célèbre. ; malheur épouvantable, éperdu de terreur, croire, « « C'était une La passion outrée à chaque instant aux héros du drame une formule célèbre elle aussi celui à qui l'on annonce un belle tête de veut il même Dis-moi que tu — « Oh dis ! forcer le narrateur à dire le contraire lui as volé cette lettre, que ce n'était pas une croix, pas au bras gauche n'y veut pas ! » : dis-moi, etc..» dis que ce Cela caractérise assez bien n'était le style mélodramatique. VI Dumas qui est responsable en grande partie de du mélodrame dans le drame romantique. Le mélodrame est même tout ce que Dumas a apporté de nouveau C'est l'invasion DUMAS IMITATEUR D HUGO dans nani drame. Pour le Hugo ; le la est plein d'imitations scène où Steinberg donne à velles de Paris, le celui de n'est pas original, il copie il de Her- de Marion de Lorme, ajoutées après coup, et exemple le reste drame de Christine 295 monologue de Christine don Carlos, tent à Monaldeschi scènes où Paula les un De : Hernani, l'inévitable ta Dumas Christine en deux vers. (II, 2) et suite, j'en heure Quelle : suis est-il ? Cromwell, que plexité de le Adoptant de Vitet. imité de ! délayé réel, au La l'imitation. comme l'idée celle fausse drame doit mettre en scène toute l'homme par n'était pas poète et tous les morceaux poétiques de Christine sont de l'est imité de Sentinelli jet- poétique aussi de Christine est inspirée d'Hugo de Henri III par Christine des nou- la de com- lieu d'un caractère idéal, Du- mas représente Christine sous tous les aspects et alors qu'elle ne joue vraiment dans le drame que le rôle d'une ; reine qui aime et qui se venge, la reine amie des lettres, — de Descartes malade, hôte de Dumas là le tient à prologue où l'on la reine, et cette inutiles et peut se tenir non plus dans Cromwell, à — puisla reine un autre, détails imités de Cromwell. Dumas ne un ambassadeureten épisodiques, voit conversation de Corneille et de la Calprenède avec Christine, chassant y représenter de accueillant faire la révolution, allusion, comme Hugo à Napoléon, à Cromwell lui-même. Le premier être résultat de cette imitation des disciples a d'encourager Hugo C'est ainsi qu'il arrive à persévérer dans pu cette voie. du bandit de Hernani au bouffon de Le roi s'amuse. Mais jusqu'ici on peut attribuer tout le mal aux défauts d'Hugo qui grossissent naturellement avec le génie comme une loupe avec le visage où elle est enracinée. Bientôt il n'est plus possible de douter des effets désastreux produits par le mélodrame de Dumas sur le drame roman- Après Dumas imitateur d'Hugo, on verra Hugo imitateur de Dumas. La Tour de Nesle est jouée en 1832, tique. LA MISE EX ŒUVRE 296 et dès l'année suivante, le Hugo dans A outrance. qui lui la voie, ce moment drame romantique entre avec sera fatale, du mélodrame à se place la série des trois mélo- drames d'Hugo, qui sont en prose. Lucrèce Borgia trahit, malgré la puissante personnalité du poète, l'imitation de Tour de la l'étrange faire forme Hugo Nesle. grotesque presque Marie de création habilement allie le monstre criminel et la malheureusement dès lors tous les effets matériels, déguisements, tous les même en une possible les est pris à scène La mère touchante ; ; mais il adopte tous les tours de passe-passe, tous les masques i). pitié et étonnants, spectacles dalles secrètes, le tous caractère Marguerite de Bourgogne (9 e tableau, un peu sentimentale pour le monstre criminel, l'idée de justifier la femme perdue en la comme une victime de la séduction de l'homme, Dumas l'idée de la reconnaissance entre le fils quand Dumas ; il le fils tombe victime de donnant est prise à et la ; criminelle, à antithèse de Lucrèce Borgia a d'exagéré, sa veine subite de clémence, pour en trans- deux natures, du mélodrame. Ce que énervants cris les faux pour il ; naturelle de son système la suite aussi habilement que il personnage Bourgogne Lucrèce Borgia de caractère le exagérée qui semble s'empare du de mère sa mère, est prise a seulement attendu que sa Lucrèce fût frappée la faire parler. L'intrigue de Marie Tudor ressemble à celle de Christine deux souveraines, amoureuses d'un les ; favori, se montrent tour à tour reines hautaines ou femmes passionnées, et toutes deux, au moment suprême de faiblissent soudain. La la vengeance, tour de Londres, le billot et la hache de Marie Tudor empêchèrent à son tour Dumas de dormir jusqu'à ce qu'il eût composé Catherine Howard, jouée en 1834 ; chacun des deux auteurs sur l'autre : à son tour le philtre romantiques renchérit de Catherine Howard, qui parait tuer et ne fait qu'endormir, ce philtre renouvelé de HUGO IMITATEUR DE DUMAS Shakspeare, séduit l'auteur à? Angelo 297 (1835) ; on trouve aussi dans Angelo la scène de jalousie terrible que joue le roi dans Catherine Howard. Comme Ethelwood, Homodei circule invisible dans les palais, passant par les murailles. Tout les l'appareil mélodramatique servira dans Burgraves, qu'il tuera ; car le Ruy Bias mélodrame est avec et les d'Hugo une des causes de l'avortement du drame romantique, qui eût pu se soutenir à côté de la poésie lyrique. Alexandre Dumas aurait été le mauvais défauts personnels génie du drame romantique, si les même d'Hugo défauts n'avaient été les premiers agents de décomposition est juste de : ce qu'il ne pas oublier. La chute des Burgraves et les événements politiques de 1848 à 1852 sauvèrent Hugo du mélodrame mais Dumas s'y endurcit, du mélodrame furent usés à la scène, les trucs ; beau jeu romans. dans les contes et quand ils eurent encore merveilleux qu'on appelle ses LIVRE VIII LA MISE EN ŒUVRE (Suite). I. Le caractéristique dans les caractères et l'expression. vraisemblance historique. Les caractères historiques Louis XIII. François tique. — III. La période L'alexandrin du drame et le La IV. I er . Le costume classique Versification. et et — II. La don Carlos, : le décor. la période — roman- caractéristique. Conclusion de cette étude. Nous avons examiné dans le théâtre romantique les défauts qu'avait amenés dans la mise en œuvre des passions l'idée d'un poète surtout place, plus de place de la conscience, lyrique même au drame en sorte que le de donner autant de de la vie qu'au drame besoin de frapper autre- ment que par le développement des passions causa l'abus du lyrisme, des coups de théâtre et du mélodrame. à étudier maintenant les détails de la mise de l'introduction, dans ce drame, dépendent en œuvre qui Il nous reste du caractéristique. Nous laisserons de côté le grotesque LA MISE EN ŒUVRE 300 une exagération du caractéristique qui est avons déjà étudié. nous reste Il et que nous comment à étudier le drame romantique caractérise ses héros, c'est-à-dire crée des caractères et non seulement des passions, c'est-à-dire donne aux personnages une existence moins abstraite que comment il observe comment il comprend celle des héros classiques, la vraisem- blance historique, le costume, comment il comprend décor. Enfin l'expression carac- le téristique sera encore ce qui rendra la versification roman- tique différente delà versification classique. Le drame romantique leur donnant un nous révèlent, en Ils âme, ses héros d'abord caractérise tempérament même et une sensibilité temps que le trouble trouble de leurs sens et de leurs nerfs, le en physique. de leur et nous intéressent ainsi davantage à leurs passions et à leurs dou- Nous avons leurs. plus haut consacré un chapitre à l'ex- pression physiologique des passions. Enfin le caractéristique est dans que le style même. La poète veut voir à le vie extérieure, la nature, côté de comme considéré vie intérieure des la consciences, existent aussi pour ses héros ; dans leur langage, peinture de leurs passions, la nature, la les objets extérieurs se reflètent (1). Oh Que d'arracher Va j'en ai respiré ! ! le parfum Renoue à d'autres jours Je rentre dans ma nuit. De se ! C'est assez I jours par moi froissés... \Id. HT, 4.) (Id.) passe un jeune pâtre.... Tandis que nous allons, En tes Et que c'est douce chose parler d'amour la nuit quand tout repose! Quand (1) un crime tombant dans l'abîme. ce serait la fleur en lui chantant, moi rêvant, ce sens le caractéristique, oppose à l'abstraction dans l'ex- pression des passions, confine au lyrisme. C'est presque tout un, en un que les héros romantiques expriment leurs passions dans un langage caractéristique et qu'ils les expriment dans un langage sens, de dire lyrique. LE CARACTÉRISTIQUE Lui dans son pré moi dans mes noires vert, 301 allées,... etc. Les vieux, dont l'âge éteint la voix et les couleurs, Ont V aile plus fidèle... mieux Ici je résumerai ristique entre les la différence deux drames, le que met entre les deux héros, entre les deux tirades, Ray à un seul drame, nage, Ruy le caracté- classique et le romantique, Blas, par exemple, à si un je m'arrête seul person- Blas, et à une seule tirade. J'admets naturellement le point de départ je suppose pour ; , argument commun aux deux drames, classique tique, l'amour d'un valet un Ruy Blas éblouissant fait par Dans le drame et classique, et la crise rapide. et la roman- d'une reine pour mélodramatique de don Salluste, valet, la haine d'âme, pour une reine et rêve le chute soudaine de ce rêve. nous n'aurions guère que des Dans le états romantique, nous avons d'abord la poésie qui résulte des changements qu'amène le temps qui Entre chaque acte s'écoule. défini, appréciable. Voici est devenu écuyer Toison d'or, il liberté d'user ; est que au III e Ruy est un temps acte, voici qu'il a grandi, devenu ministre du temps se passe e Blas, au II acte, de valet celle et il a la duc. Ajoutons que la dont abuse le moins l'art romantique. Puis nous avons encore l'intérêt qui résulte des changements de lieu. Nous voici à puis chez Salluste, puis dans la la cour, chez la reine, chambre du peu de changements relativement ; niais, conseil. ailleurs, Ici nous verrons à un intérieur féodal succéder un paysage, une rue la le la nuit, le spectacle éblouissant d'un bal dans un palais, vue sombre de la place spectacle moral sera encore du de Grève. Ce spectacle complète sans attirer sur lui seul l'attention. Ce caractéristique, ces incidents matériels, ces surprises, ces coups de théâtre, toutes ces choses enfin dont i'abus constitue le mélodrame, et qui, suivant que le poète en use ou en abuse, rendent plus vivante la psychologie dramatique ou la tuent. LA MISE EN ŒUVRE 302 Prenons le Ruy Blas. Ce n'est pas idéal. Il vit, il a un corps, en a même plusieurs. héros seul, en général, ni un être — condition sociale, il l'homme a une il Nous avons une idée de son éducation, de son tempérament, de ses rêves, de ses déboires. Il a été boursier de collège, des vers. Il a eu faim. a chaud Il plein air. Il serre la main des gens des fleurs, escalade les grilles les bancs pour les ; ou qu'il rencontre. Il héros une classiques. Il a belle ramasse un mouchoir ferme une fenêtre. grand costume et sortir. Il veille chez il oublie et en déshabillé le lui suis-je Une ? écriture. jour du mois, que vois-je?» scène nous montrera : On le voit en le les moments a mal à la tête, il quand c'est Il se trouve mal. Il prend son chapeau pour il ; se il avec une lampe. Dans che ses idées, mais réellement «Où cueille n'y a guère de fleurs, de grilles ni de bancs il en écharpe, crise, le il ACTE V. un peu une façon de parler. caractéristique dans l'expres- — scène RUY BLAS, i. seul. Rêve éteint, visions disparues au hasard f ai marché dans les rues (1). J'espère en ce moment. Je suis calme. La nuit On pense mieux (2). La tête est moins pleine de bruit (3). Rien de trop effrayant sur ces murailles noires (4). Les meubles sont rangés, les clés sont aux armoires. Les muets sont là-haut qui dorment. La maison Est vraiment bien tranquille (5). Oh oui, pas de raison C'est fini. ! soir ! D'alarme. Tout va bien. Mon page est très fidèle. Don Guritan est sûr alors qu'il s'agit d'elle. mon Dieu n'est-ce pas que je puis vous bénir, Que vous avez laissé l'avis lui parvenir, Que vous m'avez aidé, vous, Dieu bon, vous, Dieu juste, A protéger cet ange, à déjouer Salluste, ! cher- héros classique dit: sion. Jusqu'au fait pour déposer des bouquets sur blesse et porte le bras de a il dormi en froid. 11 a LE CARACTÉRISTIQUE Qu'elle n'a rien à craindre, hélas Et ! 303 rien à souffrir, qu'elle est bien sauvée, et que je puis mourir ? lâche et tombe dans l'abîme Meurs comme on doit mourir quand on expie un crime Meurs dans cette maison, vil, misérable et seul Meurs avec ta livrée enfin sous ton linceul Oui, meurs maintenant, ! ! ! ! ! — (Il Dieu démon Si ce ! vient voir sa victime morte !... pousse un meuble de façon à barricader la porte secrète.) Qu'il n'entre pas du moins par cette horrible porte ! — Oh page a trouvé Guritan, certain, Il pas encor huit heures du matin — Pour moi, prononcé mon et j'apprête ! c'est le n'était (6). arrêt, j'ai Mon moi-même supplice, et je vais sur ma tête Faire choir du tombeau le couvercle pesant (7). J'ai du moins le plaisir de penser qu'à présent Personne n'y peut rien. Ma chute est sans remède Que Dieu me soit en aide Elle m'aimait pourtant Je n'ai pas de courage l (8) ! — ! ! (Il pleure.) Oh ! Von Nous (Il cache sa tête (Relevant sa Ceci paix ! (9) dans ses mains Dieu aurait bien dû laisser en tête et, comme sais pleure à sanglots.) (10.) égaré, regardant la fiole.) L'homme qui m'a vendu, (11) du mois nous sommes (12). pas. J'ai mal dans la tète (13). Les hommes me demandait Je ne et ! quel jour Sont méchants. Vous mourez, personne ne s'émeut (14). Et dire qu'on ne peut Elle m'aimait Je souf fre Jamais rien ressaisir d'une chose passée (15). ! Je ne Pour — 1 — la verrai plus avoir à peu près le schéma de correspondante, on supprimera les réflexions qui se présentent, les si la scène classique mots en italiques. Voici nous analysons de près détail. le Ce vers marque un égarement physique que le personnage classique n'éprouve guère. (2) Il ne ferait pas (1) sur lui — cette observation physiologique. verait pas cette sensation physique. — — (3) (4) (5) Il Il n'éprou- ne serait LA MISE EN ŒUVRE 304 pas ainsi attentif aux objets extérieurs pour chercher dans calme ambiant un prétexte à ne pas le de la s'alarmer. psychologie très délicate, très aiguë. n'existe guère pour le héros classique. — — - C'est (6) L'heur j (7) Il n'emploie images caractéristiques pour exprimer des idéjs pas ces — n'a pas ce manque de courage — qui inspirent à humain. pas l'homme, redevenu enfant devant douleur, des mots d'en— (10) Une sanglote — n'achète pas de — Le jour du mois guère pour poison en — — jamais mal à ne abstraites. très (8) Il (9) n'a Il ces faiblesses la pas. fant. a. il ; la tête. point ces observations mots qui désespoir. et, n'existe (13) Il n'a lui. peignent — ; il cruelles, d'une et manière si ne cherche point ces si caractéristique mélancoliques sur philosopherait fait Il (14) (15) Il n'a point de ces réflexions pour cette raison, bonheur (11) Il (12) le familières si vanité du la dans un langage plus général. II Soit que le poète tragique conçoive d'abord des passions et des caractères abstraits et leur cherche ensuite dansle passé, soit qu'attiré il mette ensuite dans il est certain qu'il historique, et que, il les par personnages choisis un caractère, ne peut ni ne doit s'enchaîner à fît-il un corps les grandes figures du passé, la réalité une œuvre historiquement fausse, peut faire une belle tragédie. Mais peut-on admettre un travestissement de soit Non, évidemment. Quelle sera donc la Le poète devra avant tout ne pas dénaturer abso- grandiose qu'il mesure ? lument le l'histoire, si ! caractère dans devenir du son essence ; l'ambition ne peut désintéressement, la cruauté de d'âme, la force cheté. L'œuvre d'âme de la faiblesse, le la grandeur courage de d'art, qui n'est pas tenue d'être la lâ- exactement vraie au sens vulgaire, est tenue à ne pas mentir. LE DRAME ET L'HISTOIRE Mais, cette condition respectée, 305 poète peut négliger les le composer à sa manière un carac- détails qui le gênent, et Quelquefois tère vivant qui ne blesse pas les idées reçues. elle-même hésite sur un caractère entre deux opi- l'histoire nions ; évidemment le poète aura le choix. Les personnages ne peuvent tous être pris dans l'amour, et en particulier l'histoire ; apparaît avec des caractères (|ui nouveaux dans la tragédie moderne, a dû. être placé le plus souvent dans un personnage non historique, ou tout au moins peu historique ; malgré le précepte de Boileau : Et toujours aui grands cœurs donnez quelque faiblesse, historique le côté de son Déjà, dans il montrer dans un personnage n'est pas toujours facile de il s'en trouve la liste âme que l'histoire néglige. des personnages d'une pièce classique, souvent d'inventés, ou, ce qui revient au même, le nom seul se trouve dans l'histoire, par exemple la femme d'Horace, Maxime,» Néarque, Sévère. Le XVIIe siècle a pourtant osé rendre amoureux les plus farouches e héros de l'antiquité, et c'est un de ses défauts. Le xix y tombera moins, en inventant davantage. Il donnera presque toujours le rôle d'amoureux à des personnages imaginés et, dans le drame comme dans l'opéra, la forsiècle ; mule est à peu près celle-ci : grands premiers rôles les sont les personnages historiques, les jeunes inventés ou empruntés à Le les rôle temps comme donné aux personnages historiques varie suivant et les auteurs, car ici sur les rois. diverses des modérateurs, soit les et d'Horace ; il ; c'est comme des personnes cruelles les adorer. Louis XIII était à son image que les rois du Cul sont d'honnête3 LE DRAME ROMANT. représenté les rois soit n'y avait à son époque aucune détester ni de un prince neutre interviennent les opinions Corneille a ou grandes ou clémentes raison de premiers sont chronique privée. la souverains, fort sages 20 et LA MISE EN ŒUVRE 306 conciliateurs. un Auguste politique XIV, Louis aussi faible une grande âme, est Racine lâche. et d'Egypte le roi a sous yeux les son objet est surtout de peindre l'amour et amoureux rois et les princes fait-il les : que plutôt grands. Ainsi Pyrrhus, Oreste, Achille, Mithridate, Néron, Aucun parti pris. Mais avec cratie la situation des rois l'art un peu de leur pulaires usé de et dans un la naissance et enlevé, po- mais en ; révolutions, de rang, le illusions? ses Le malheureusement restait il rois la noblesse, divin, toutes droit extérieur prestige a perdu sur siècle qui le une époque à accuser passions les les démo- la même pu a envers partialité et perdent dans ils ; d'avoir épousé pouvait-il être autrement et romantisme On prestige. romantique théâtre le le va changer trop apparent que les rois sont loin souvent d'être les per- sonnes plus intelligentes les royaume la distinction : et de leur meilleures les entre le mérite de la faite s'est fortune et celui que l'homme né de rien peut acquérir dans la lutte ; et il luttes romantiques, et bagage qu'un mince plus à l'époque des vraiment nous ne pouvons reprocher tragédie nouvelle. , deLormek s'il rois Nous ne sommes Que le pouvoir ait Le Roi s'amuse à cause de François I er Marion d'être injuste à cette interdit aux n'est resté de valeur personnelle. cause de Louis XIII, nous comprenons le avait raison, le poète n'avait pas tort. ne sont pas beaucoup plus maltraités là A qu'ailleurs ; qu'ilya plus de souverains mauvais que de bons dans tre et romantique, mais n'est-cepas chaque que don Charles-Quint jeune, songe déjà à l'empire dans Hernani c'est le bouillant roi et qui la : l'amour lutte en jeunesse lui la théâ? C'est ? d'Espagne qui songe encore à l'amour contre l'ambition vont céder à j'avoue le avec injustice. tradition classique, l'auteur l'a pris dans crise de Carlos mais proportion naturelle roi pris à part n'est pas traité Qu'est-ce la la ; vrai dire, les rois ; selon un moment de ; les passions grande passion de l'âge LES PERSONNAGES HISTORIQUES mûr ; 307 l'amour doit céder, c'est que l'amour des princes et si n'est qu'un amour léger, qu'une galanterie, qu'une succes- comme impérieux, sion de caprices chez tous gens qui les n'ont qu'à choisir pour satisfaire leurs passions et dont l'âme par une sollicitée foule de jouissances n'a pas le temps de concevoir un long désir. Cette conception ne porte aucun préjudice au Charles- Quint de Les circonstances, l'histoire. tourent et la peinture même du les détails qui l'en- caractère font suffisamment reconnaître Charles-Quint jeune, et rien ne blesse l'idée générale qu'on peut se faire de lui d'après l'histoire donc plit conditions les d'un caractère ; rem- il historique de drame. -Les considérations historiques contenues dans le fameux ettrop long monologue sont certainement excellentes le du drame meilleur morceau du pape rôles les réflexions et ; : c'est l'appréciation idéale des de l'empereur est plus en situation que de don Carlos sur tout le passage qui va depuis : le peuple et « Les hommes, c'est-à-dire les révolutions ; foule, une mer », jusquà: « Gouverner tout cela... » évidemment inspiré par les événements de 1829 et est 1830 mais on pourrait pourtant justifier ces réflexions une ; de don Carlos, caron a vu de tout temps des émeutes populaires renverser des chefs de peuples; dire avec certitude là il y a un Louis faire son desseins est difficile peint tel qu'il était vers la fin de est ministre et de parce sa beaucoup de volonté, laissant qu'il sent une âme supérieure, lui en lui de confiant grands toute sa instinctive de l'homme bon moyens cruels et sanglants que Richeemploie. Louis XIII est d'ailleurs, dans l'histoire, une faible pour répulsion les figure pâle et peu distincte fort il poète n'eût pas écrit ce morceau- siècle. XIII royauté, avec la lieu le malade, ennuyé, sans vie, et : ; peu paru dans son règne, sa personne et sa il était malade ; volonté ont la seule ques- LA MISE EN ŒUVRE 308 tionqui son propos, dans ce temps où soulevée à ait été du nouveau à tout prix, est de savoir s'il a été dominé par son ministre ou s'il l'a volontairement soutenu, conspirer lui s'il l'a gardé malgré lui, au point même de l'on cherche aussi contre Richelieu, ou si, plus profond qu'on ne le croit, a toujours compris la supériorité de celui-ci sans s'en of- il Le fenser. de de compte fin garder d'exagérer qu'il faut se et donner comme le M. Marius Topin ne prouve de livre intéressant pas grand'chose en tout au plus montre-t-il ; de Louis XIII la faiblesse par Richelieu terrifié ; mais il ne non plus transformer Louis XIII en politique profond et lui prêter les vues du cardinal tout le monde faut pas ; XIII s'accorde à penser que Louis ministre, mais naître en lui ne pouvait mécon- gardait parce qu'il le du trône contre plus ferme soutien le gardait à regret son les sei- gneurs. Le poète dramatique même avoir, c'est il d'un prince s'agit de ces disqui ne peut Le dans un drame, qu'un rôle effacé. tère de Louis fait, et n'a pas à se préoccuper quand cussions, surtout XIII prête même la aux deux opinions, carac- un c'est meilleure preuve qu'il n'avait qu'un caractère indécis. L'histoire prouve qu'il a laissé périr meilleurs amis, et âme faible préférences contre en fait et Victor meilleur qu'il ne fut; car roi de ses un témoignage encore est Hugo le l'ont fort probablement avec une grande finesse. qui soutient son trône et regret un prêtre décapiter pressente le royaume, et ; le le roi n'était quand tous les y Il le si pâle, a dans Louis XIII seigneur des seigneurs plus tragique et vre de Richelieu fait Louis XIII de Marion de Lorme bon au fond. Ce caractère complexe, quoique est traité le de ses occupations et d'amis lui. A. de Vigny est ses ce n'est pas d'un romain, c'est d'une puérilité la ; si ; il qui voit semble à qu'il plus fatal résultat de l'œu- que le premier seigneur du seigneurs seront abattus, pour- LES PERSONNAGES HISTORIQUES quoi épargnerait-on siné le portrait le plus grand Hugo ? sinon absolument idéal, vraisemblable, ce qui tout, est habillé de noir, malade, qui a régner », qui s'avance d'avoir mal dormi de ce « bien en s'étirant les a très bien des- ; par bras et se plaignant joyeux de lui, soutenant publiquement, toujours sur raison d'Etat à bruyant la disputer les timide avec le3 à la ses amis et cardinal, chaste et personnage le moins du théâtre d'Hugo. C'est le et le plus vivant peut-être est jouer un lui l'intimité et le aimant hache du lui point de sacrifier le fauconnerie, femmes. Le Roi s'amuse mélancolique, roi assez de vivre sans bon tour, disant du mal de Richelieu dans n'osant du moins vrai, jaloux de son ministre et n'osant résister, triste d'être effacé la 309 franchement une satire. Qu'elle ait été inspirée par les idées révolutionnaires de 1830, ce n'est pas douteux l'histoire. ; mais poète romantique n'a pas le travesti François I er a été un brillant débauché, un cheva- un protecteur des arts. La fête qu'il donne nous montre du premier coup le roi tel qu'il était en paix nous avons sous les yeux cette cour où les poètes sont bien traités. François Ier nous apparaît bientôt comme un débauché volier, ; luptueux et délicat à ses heures, sinon toujours épicurien et poète sentimental les il moments et dans ; il endroits où les ; il est poète est raffiné et blasé il se compromet garde encore un certain vernis de gentilhomme ; ; le dans plus, l'auréole de gloire qui l'environne n'a pas été écartée systématique- ment par le poète ; rappelons L'homme de Marignan A de Triboulet : (V. 3.) part Charles-Quint, François I er et Louis XIII, les autres cune la tirade personnages historiques réflexion. Ainsi, de Hugo n'appellent au- peu nous importe que Marie Tudor ait plus d'amants dans que les faits le drame que dans l'histoire. Tant allégués ne déshonorent pas une mémoire, la LA MISE EN ŒUVRE 310 personnages des vie obscurs pour que le des dessous assez contient élevés poète suppose, sans grand scandale, En somme, drame d'Hugo ? Ne lui a-t-il pas au contraire donné une superbe allure ? Néanmoins nous accorderons qu'Hugo eût dû montrer ses auà celui-ci une maîtresse, à celle-là un amant. Marie Tudor diminuée par est-elle teurs et citer la chronique même le scandaleuse à propos de Marie Tudor. y a un Il assez grand de Christine et Henri III qu'on nous tout ce historique, mais ; La son héros. mais au ici : trop théâtre est l'exacte vérité a su transformer et grandir poète si le quantité de Vitet que son Henri III n'en le nous importe peu de savoir Il dit précisément c'est passions sont bien étudiées, c'est-à- si les précisément dire qui peuvent nous intéresser qui gâte tout. d'histoire si déploiement d'histoire dans deux Dumas des drames fait pas même un Dumas a mise dans caractère bien des- siné. La vérité historique est en même que cle ont le grande partie négligeable, de caractère national. Les classiques du XVII e siè- des Grecs qui ne fait sont pas toujours Grecs ; un Français ne peindra jamais que la nature humaine vue par un Français l'art dramatique ne peut que perdre à ; la reconstitution historique. en philosophe, plus il héros très indéterminé Néron. toire, mais est On et s'il un ; Plus le poète voit la passion remontera loin afin de choisir un les classiques prennent Oreste ou peut choisir des héros plus dessinés par y mettre encore beaucoup de vérité va jusqu'à prendre des types tout esclave, il copie, il l'his- générale faits, le ; poète ne peut créer. III Quand le l'antiquité, il théâtre classique ne songe même emprunte ses personnages à pas à leur donner le costume 311 LE COSTUME de leur temps une preuve frappante du peu d im- c'est : portance qu'a costume dans un art qui peint le les pas- moyen de la parole et avec un minimum d'action. Nous savons par les gravures et les textes du temps que sions au les tragédies il fallut adoptât les de Corneille se jouaient en chapeaux à plumes de Voltaire efforts les et toges romaines et les tuniques grecques savons aussi que la scène était encombrée, sous Louis de spectateurs qui ne laissaient pas de et Voltaire que raconte grand'peine à nous ; XIV, place à l'action, spectre de Sémiramis le un passage frayer se ; de Lekain pour qu'on avait à travers les bancs. C'est que la tragédie classique se réduisait sans peine à la récitation d'une étude poétique des passions. Les poètes dramatiques costume à mesure que tient le préoccupent davantage se au costume antique, c'est du et si Voltaire système se modifie, que sa tragédie donne déjà plus de place à l'action. Néanmoins, la mœurs tragédie ne peignant pas les histo- riques, le fond étant toujours l'étude de l'âme humaine dans ce qu'elle a d'éternel, la négligence au sujet du costume ne peut est de atteindre la tragédie dans même humaine, et pour non la les théâtre vives. emprunte la Il en nature du costume tirer pourra aussi s'en passer. elle romantique, caractéristique, œuvres mœurs. Elle pourra quelque agrément, mais Le ses grande comédie, qui peint qui, cherchant davantage le personnages à une époque ses plus voisine et plus connue de nous que l'antiquité, avait à préoccuper du costume plus que les classiques, et puis une certaine vérité de costume fait partie du minimum de vie réelle nécessaire pour que le personnage tragique se ne soit pas qu'une abstraction. que le malheur met entre sont rendues sensibles par le costume Les différences que hommes le sort, qui frappe les yeux dans les évidemment avoir sa place ; le les costume, pompes du monde réel, doit le monde imaginaire du dans LA MISE EN ŒUVRE 312 premier. Les Grecs, qui se sont théâtre qui condense le toujours préoccupés de durent apporter pour dans vêtement, le grands soins au costume tragique parti qu'ils tiraient de la richesse des le opposés même les plus l'esthétique à pauvreté, nous savons qu'Euripide abusait la des haillons afin d'exciter leurs pièces, voyaient, dans un autre la pitié. eux-mêmes, quand Corneille et Racine nation, le monde décor que concevaient ils créé par leur imagi- bancs de les d'autres costumes que ceux dont mode la la scène, habillait Les tragédies du xvii e acteurs de leur temps. met pas plus, ne le général : ne non lui l'indication des costumes, Schiller le fait costume indiqué doit avoir un rôle dans ainsi et les siècle portent à ce sujet aucune indication. Shakspeare, lorsque ; vêtements un costume de deuil, un voile ; il l'effet marque un costume de guerre, un costume de cour. fait précéder ses drames d'indications de costumes qui sont de véritables analyses du caractère et du tempérament de ses personnages. quand il faut Beaumarchais De Vigny Caractères a écrit pouf Chatterton une notice intitulée costumes et ; costume le nage plutôt qu'à l'époque nages. Ainsi poudre, l'air le à costume : adapté au person- surtout destiné à tra- est il ; duire sous une forme visible est psychologie des person- la sévère, les cheveux sans noir, la fois militaire et ecclésiastique de Chatter- ton font visible aux yeux ce caractère énergique, grave et passionné dans ce corps épuisé ; la jeune et touchante Kitty Bell, mélancolique et gracieuse, porte élégant Paméla élégiaque, et », et de longs un costume un chapeau romantique, une longue robe de soie grise, des simple, « à cheveux bouclés. Le quaker a un habit couleur noisette, ni triste ni folâtre ; John Bell, la mise peu élé- gante et étoffée de l'homme sorti de rien et enrichi Beckford a une cravate brodée, habit cart, la rubans noirs canne à pomme d'or, et lord ; lord riche, veste de bro- Talbot unélégant costume LE COSTUME 313 de chasse. L'auteur dramatique a pris soin de qu'à la place de ses personnages, en un aux spectateurs tableau de le la vie ; il par réaction Ci'omwell, y a orgie de costume, d'archéologie : contre préoccupation Dans classicisme. le orgie de richesse et l'auteur s'est donné une peine inouïe pour dernières modes décrire les la le porta à l'extrême tant que dura la lutte la romantique, il conçu, qu'il l'a tel drame tel qu'il l'a vu vivre et s'agiter. Le théâtre romantique annonça d'abord du costume régler jus- mot de présenter de 1057, costumes de Têtes Rondes, costumes de cavaliers élégants, costumes de puritains et d'orthodoxes, costumes de militaires, fous, la garde des épées, la ques. le coupe des cheveux des perru- et a des pages entières sur le mobilier, sur la suite et y costume des ambassadeurs, Il Dans nanine les accessoires de cérémonie. les drames suivants, au contraire, l'auteur de Herpréoccupé, à propos du costume, que de quel- s'est ques principes qui doivent diriger l'acteur et il costumes de le costumier : tenu loin de ses propres théories et de l'exactitude s'est érudite que nous avons vue depuis, exactitude jusqu'à rechercher les reliques qui est allée authentiques et faire de la scène un musée d'antiquités. La richesse du costume ciaux, au théâtre sante montrera voir ; dans le rang suprême de rangs élevés, gante distinguera le les vieillards parvenu ou Le poète romantique ne détail, avoir que et il le les la richesse sobre distingiiera les la les sert à distinguer les rangs comme dans l'histoire. La richesse le ; fortune ou du hommes la pou- mérite de richesse so- éblouis- extrava- débauché. décrit pas les costumes dans leur indique seulement que costume de l'époque ; les personnages doivent par cette indication il entend costumes soient vrais, mais d'une vérité artistique non archéologique. C'est un instinct de grand artiste qui le conduit d'ailleurs dans ses indications de costume. Quoi de plus préci LA MISE EN ŒUVRE 314 er plus large à la fois que ces indications pour François I roi tel que l'a peint Titien, Trihoulet, tel que l'a — pour et peint Boniface ? ne sont indiqués que très brièvement s'immiscer dans aille le métier du le Le : bouffon tragique : Nombre de costumes que et sans le poète Le costume costumier. lui sert à affirmer aux yeux gneurs de de François I er doivent être « superbe- la fête ment vêtus antithèses ses non négligeable, car au milieu de », indication ce luxe nous allons voir apparaître le costume noir comte de Saint-Vallier. La reine Marie Tudor didement vêtue sei- ainsi les : Fabiani porte », et son favori du vieux est « splen- c( un magni- », non seulement parce que cela convient à leur rang, mais parce que l'intention du poète est que nous fique costume soyons frappés par tout et de la le spectacle extérieur de la richesse grandeur: tout à l'heure nous verrons apparaître Gilbert et Jane, c'est-à-dire le peuple, l'amour vrai et pur sous des habits pauvres. Par le costume disparates, une aux yeux se peint ainsi époque avec que dans Marion de Lorme nous aurons de Didier, et plébéien Louis XIII, puis le le C'est ainsi costume simple costume royalement le petit c< vie avec ses la ses aspects divers. triste Laffemas, à côté du « riche costume de cour » garde, « avec toutes indiquant le les de Belle- broderies et toutes les dentelles », personnage banal, l'habit à la dernière de Saverny marchant au supplice, qu'efface à son vision rapide de la soutane rouge. Voilà tout ieune seigneur rebelle et Après la un à effet la mode tour la un règne, le cardinal et ses victimes, ses suppôts, son royal est encore, de costume du magistrat » de esclave, le grand seigneur d'antichambre. le différence de richesse-, la différence de couleur pour le poète dramatique, moral, d'adapter le le moyen de produire costume au caractère, à l'âge, passion dominante du personnage ou aux circonstances pathétiques. Le blanc éveille en nous l'idée du calme de l'âme, de la LE COSTUME pureté immaculée, de l'innocence ; 315 vierge, l'épouse sans la tache seront vêtues de blanc, c'est dans tor Hugo une le théâtre de Vic- formule uniforme. Sans aucune autre indi- cation superflue, dona Sol est « en blanc » jusqu'au dernier acte, où entre avec Hernani en elle mariée » Blanche, ; « vêtue de blanc » voulues par mais en c< Les exceptions . poète le : Oatarina n'est pas en ainsi au théâtre la homme est à cette formule costume de femme noble vénitienne pouse qui aime un autre ter magnifique habit de ce pure victime du caprice royal, la sont blanc, car », l'é- que son mari ne peut por- femmes sans tache virginale livrée des ; Marion, qui porte au premier acte un « négligé très paré » femme de apparaît au II e acte galante, blanche » dont elle selon l'expression reine Maria de costumes, et peut à présent se vêtir, du poète, Neubourg c'est toujours le tique jusque dans dans à pompe de la Ruy Blas, radieuse mais sous ces sa porte dans même détails la la a robe la et qui seconde marque, La virginité. le drame trois art délicat et pathé- extérieurs : au I er acte, majesté royale, alors qu'elle apparaît la ver de terre », où son désir ose s'élever, », fiquement, le « dans couronne en comme une elle est tête, et sur la splendeur royale il y « étoile vêtue magni- couronne le dais de goûts simples, malheureuse dans ce palais sombre, nous allons la voir pays et émue par une madone le ; la le chant des lavandières qui vient de la reine ou qui va laisser tomber de son corsage lambeau de dentelle sanglante par où amour comme une robe est en drap d'argent, et c'est cette femme en blanc chaste et au milieu de ses femmes regrettant son vallée ensoleillée, vêtue de blanc, mais jeune ; a une faible et jeune femme, se révèle au page le qu'elle nourrit sans en être souillée. C'est aussi en robe blanche, que, toujours pure, épouse immaculée, elle avouera à Ruy Blas l'amour qu'elle a pour lui, et, toujours reine, elle portera le petit gent, le bracelet d'or avec un diadème en dentelle d'ar- aigle ciselé, qui, lorsqu'elle a LA MISE EN ŒUVRE 316 quitté Ruy Blas, rayonnent dans le souvenir enivré de l'a- mant loyal. Le noir a, comme vant l'étoffe blanc, diverses le employée et le significations sui- genre de costume. Les vêtements de deuil doivent être d'étoffe mate et de coupe sévère pour n'éveiller aucune idée et ne pas gêner l'impression produite par la couleur noire. Le et velours noir ou la soie noire, avec leurs chatoiements leur éclat, sont le mûr et deur de grave, Le costume de il à don gaîté, de non seulement richesse et d'orgueil. est le en noir, mais marà la <r ». er son costume noir, quand, au I Ruy apparaît aux yeux de Hernani et de statue de l'hospitalité iusultée ; tête blanche acte, dona Sol comme III e acte, quand, au après avoir fièrement énuméré les hauts offre sa gran- la éveilleront de laudator temporis acti dans la sévérité mode de Henri IV la de la richesse sobre, en dehors de sa signification de deuil, noir, quis de Nangis, qui Il faut de tandis que les autres couleurs pleinement des idées accentue costume des gens sérieux, de l'âge la vieillesse, faits de sa au jeune despote jaloux race, il faut au il ; comte de Saint- Vallier, quand il apparaît au milieu de l'orgie royale, le costume noir qui fait une tache sombre sur l'éblouissante bigarrure des habits de cour. Le costume noir convient encore morose: Louis XIII est « tout à la grandeur en noir, pâle, avec Esprit au pourpoint et au manteau » ; et comme bien à ce roi toujours malade et toujours sa propre faiblesse noblesse féodale ; il Saint- noir va triste, triste de porte lui aussi un deuil, celui de sa mener manteau, avec la à la chasse au faucon, un deuil en plaque de diamants qui étincelle. C'est aussi le noir de la richesse sobre, rieuse, le mais c'est un deuil sobre et élégant, un deuil que l'on peut petit ; un peu le du bonheur grave, toyant du velours et de le de la noir sans tristesse, la soie, rehaussé par virilité le sé- noir cha- le collier d'or, LE COSTUME - qui convient à l'époux de dona Sol, montagnard tombé, est quand grand seigneur, quand Hernani c'est aussi le « il pour scène du conseil, où la le costume du bandit a fait place au redevenu Jean d'Aragon ; costume de Ruy Blas devenu premier ministre vêtu de velours noir », est le est quand 317 toison d'or au cou la représente il la ; puis ; royauté, où il doit écraser les ministres de son génie et de son pouvoir, il porte par-dessus écarlate le costume noir un manteau de velours « )>. Le même Ruy Blas, au IV e acte, chez lui, à cette heure le ministre sent sa grandeur s'écrouler, où le sujet fidèle et l'amant loyal tremble d'effroi en voyant suprême, où qu'il va écraser sous sa chute la reine innocente, porte costume noir sans manteau Enfin le noir est la mise qu'il faut au plébéien penseur attristé, à l'enfant trouvé, tourmenté par le doute ; <r le grave et et sans la toison ». le l'amoureux et poète, à déguisement espagnol accen- tuera la place qu'ont l'aventure et la fuite dans cette vie laborieuse, Didier et Marion sont avec lorsque les diens, puis Didier se retrouvera grave et triste, encore, philosophant sur noir » la mode à la dernière ce il irait au bal, remarquer Il faut formules : » de Saverny, qui marche à la mort la simplicité et le petit nombre de caractère et le tragique. incontestable la condition est un Il soit ce ; que, dans la vie, les jeunes jeunes femmes ne sont pas toujours en blanc, gens sérieux ne sont pas toujours en noir les ces chacun du personnage ces costumes sont en effet symboliques Il est le costume rit le en habit de gala. répercute l'âge, filles et les cométout en misère de vivre et bienfait de la mort, tandis qu'à côté de lui comme c( miroir de concentration », même ne fautpas croire que l'indication absolument rigoureuse qu'ayant, depuis Cromwell , ; « pour ; le mais l'art costume. costume du temps» l'auteur de Hernani, quoi- attaché beaucoup moins d'im- portance aux détails du costume, a certes conservé de ses LA MISE EN ŒUVRE 318 théories de combat l'amour de l'exactitude dans Mais, à vrai dire, soires. lument indifférent à reusement sur il la l'art de 1519, ce n'est pas à dire que beaucoup entre Le décor, et quand, par exemple, comme devant Carlos de 1518 ne puissent aller, les tant est si que si la mode 1520 ou qu'elles diffèrent elles. comme le costume, a son rôle dans un drame mais seulement Pourvu que à être modes de complet. L'action suffisamment localisée, téresse, acces- y tienne ou non, il est absoque le costume soit copié rigou- qu'il mode d'une année, don indique les la rue ou l'action se passe point de disparate entre satisfait. S'il s'agit nous in- le lieu comme cadre à l'action. le palais soient d'architecture gothi- au moyen âge, pourvu le qu'il n'y ait milieu et les costumes, l'esprit est d'un intérieur, il faut naturellement qu'il soit bien adapté à celui qui l'habite, et que, sans exagération qu'on appelle minutieuse, il la plus forte que nous ayons au théâtre, le ait ce personnage qui habitudes, l'air L'impression vécu. c'est l'illusion que est sur la scène vit réellement, qu'il a des un passé ; et si nous le voyons dans un milieu ap- proprié, nous aurons pleinement cette impression. D'ailleurs dans la tragédie élevée, plupart des grands, des les rois, pour personnages, étant la n'ont pas, à proprement parler, un intérieur qui trahissebeaucoup leur caractère ; faut pour il du drame bourgeois ou dans le drame romantique, les Mais plébéiens. qui soient héros de ce genre n'ont point d'intérieur Hernani n'est qu'un faux bandit; Didier va devant lui par le monde; lluy Blas est un laquais, il habite la maison de Salluste. Le cela des héros qui se rapprochent ; drame Bien divers n'a donc pas eu à chercher de ce côté. yeux choisi, le décor peut faire passer sous nos aspects de la vie privés, dans les publics, ; il l'homme vit dans vit aussi dehors, les dans la les édifices rue et - LE DÉCOR dans 319 nature. Suivant l'occasion, le lieu et le décor appro- la seront un secours pour la poésie, en parlant prias yeux. Quand dans Hugo la galerie IIP place la scène du des portraits des Silva, Ces portraits que après les autres, c'est lui. Le théâtre certes moins puissant sur l'imagination, il énu m é ration pareil cas se contenter d'une la montrera fait. uns les passé de sa race, ce sont ses aïeux le qui ne doivent pas rougir de décorateur est à aux Hernani sait ce qu'il il Ruy Gomez vieux le acte de hauteur de sa tâche, s'il classique était eût fallu en lui froide. Si l'art du sait faire, lui aussi, des portraits épiques, décolorés, lointains, au lieu de peintures grotesques, peut nous émouvoir, avant il même que les acteurs aient parlé. Au IV sur le lui, le e acte de Hernani, néant de jeune où dort le la poète fait méditer don Carlos le puissance et de l'empire et bouillant prince, grand empereur, dans et c'est les : aussi descend-il, caveaux funèbres dans ces caveaux apprendra son élévation à l'Empire. L'antithèse belle et si le nous frappe par une terrasse en minés, que vont époux par les yeux autant que par ; fête, et c'est sur cette la lune, même les drame les oreilles, acte, c'est sur même qu'ils illu- joyeux invités des terrasse, maintenant que viennent rêver, une chambre nuptiale, les qu'il est très avec des profondeurs de jardins viennent d'abord jeunes gens, c'est sur cette dan3 De même au V° décorsait être imposant. ici éclairée fois le bal fini, les deux terrasse, à la porte de la vont mourir pendant qu'au fond, bosquets, s'éteignent les illuminations de la fête. classique, ne mêlant point la nature ments des amoureux, était privé Discrètement montrés, le de ces Le aux épanche effets puissants. donjon de Beaugency et l'échale drame nous donne de la mort de Saverny et de Didier. faud achèvent l'impression que vie, et Il rend plus pathétique la y a une forte antithèse, dans Le Roi s'amuse, entre la fête de du début, où Triboulet excita le roi à la débauche, et nuit la grève déserte de la fin où il va gémir sur sa fille assassi- LA MISE EN 320 ŒUVRE Le théâtre romantique aime née. faire alterner par le ainsi une image décor les deuils, et aime à a tiré des effets saisissants au plus haut point des détails Il dessinée e il à donner visible des vicissitudes de la vie. du décor. Ainsi l'ombre immobile de 3 de nuit, les fêtes les joies et sur la reine journée) et qui la montre veillant là sans qu'on la elle-même. C'est aussi une trouvaille que écrit Marie Tudor, drap transparent (deuxième partie de le le nom de Borgia en relief sur l'entrée du palais de Lucrèce, où Ton orgia, quand Gennaro a fait la voie lit sauter la première lettre avec son poignard. Ces beautés du quefois diminué qu'excitent du décor ne sont pas sans être lieu et balancées par des défauts psychologique est quel- l'intérêt ; mélodramatique par l'intérêt lyrique ou détails les caractéristiques soulignés par le décor. Si on compare, pour la variété des lieux, le théâtre d'Hugo avec ceux de Schiller et de Shakspeare, on constate que presque toujours, chez ces deux derniers, la scène, si souvent change-t-elle,se trouve dan3 un intérieur, dans une salle de palais. C'est en effet dans son foyer que l'homme se recueille surtout, et qu'il Aussi la diversité prend conscience de ses passions. des lieux est-elle un indice d'un art moins psychologique et plus lyrique, où aux dépens du drame de la le drame de la vie s'étend conscience. IV La question de la c est la question que versification dans le drame romantique, du vers moderne. Personne ne peut nier la versification n'ait fait, avec Hugo surtout, ne disons pas des progrès, mais des conquêtes légitimes. pas à justifier la versification de ressant, en la comparant à Hernani ; Il mais n'y a donc il est inté- la versification classique, de voir comment une nouvelle formule dramatique comportait turellement l'emploi d'un autre vers. na- LA VERSIFICATION" 321 vers nouveau, que nous appellerons romantique, pour Ce l'opposer au vers classique, n'est pas particulier au drame; Hugo mais trouvé à propos du drame l'a ; le vers de Crom- well n'a déjàplus de rapports, pour la souplesse etla liberté l'allure, avec qu'Hugo lui-même employait dans vers le poèmes lyriques avant 1827. Mais, une vers sera d'un emploi général poussé à l'extrême, et parfois moyens et ses ; de ses fois constitué, ce métrique française aura la même à l'excès, ses qualités d'effet. L'alexandrin classique était théoriquement césure au milieu, et dans la pratique les poètes s'écartaient rarement de la règle de l'hémistiche. L'enjambement est interdit façon absolue (l'enjambement proscrit par Malherbe d'une l'enjambement d'un surtout était on était fort vicieux, le demi-alexandrin, qui conçoit facilement). Ce vers a des césures secondaires ces césures sont proprement, non pas les césures du vers, mais celles des hé; mistiches. Le vers romantique (et les vers classiques qui sont déjà romantiques, peut ainsi parler) diffère en ceci si l'on : il met la césure forte à la place de n'importe quelle césure faible la césure de l'hémistiche subsiste point de compte : numerus ; le mais le faut, il il suffit sens et la césure, ou, si ; car sans elle que s'arrête plus loin sente, le sens passe outre et cordance entre ; l'oreille la ; il y a dis- l'on veut, entre la césure ou les césures du sens et la césure du vers. Cette discordance plaît en elle-même. Dès du sens peuvent se lors, les coupes diverses combiner pour former une période aussi rythmée, aussi variée que La période antique était la période latine. composée en grande partie par la discordance des repos du sens et des repos qui marquent la fin du repos vers. La du sens Ce sont les partie comprise entre la fin d'un vers et le situé dans le vers suivant s'appelle rejet. romantiques qui ont retrouvé cette période savante; avant eux, lapériole n'était guère q.i'un groupe le drame: uoMAvr. '21 LA MISE EN ŒUVKE 322 de vers, sans lieu rythmique à terdit autre les alexandrins trop disposés 1 à tomber deux à deux, les presse et de Un souffle l'enjambement pour renforcer l'hémistiche. puissant lance l'un après fin Malherbe avait in- la vérité. la période. les entraîne jusqu'à Quant aux membres de période, cette La sont tous égaux à un vers, ou faits de deux vers. est ainsi comme un peu essoufflée qui joue avec des poids. ; période poète est un jongleur le semble qu'on entende Il la ils souffle le régulier et fort de l'hercule. ensemble conjurés encor mal assurés Et, si ce n'est assez de toute l'Italie, Que l'Orient contre elle à l'Occident s'allie, Que cent peuples, unis des bouts de l'univers, Passent pour la détruire et les monts et les mers Puissent tous ses voisins Saper ses fondements | | ! | | || | || | | | | ! || Qu'elle-même sur soi renverse ses murailles, Et de ses propres mains déchire ses entrailles Que le courroux du ciel allumé par mes vœux Fasse pleuvoir sur elle un déluge de feux Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre, Voir ses maisons en cendre et tes lauriers en poudre, | | ! | | || | ! | || | | | Voir dernier le Romain | à son dernier soupir, | | Moi seule en être cause, Les vers 1 | et mourir de plaisir vont deux à deux, sauf ici élan de la pensée a réunis : il y les ! 4 derniers que a là pour nous aujourd'hui quelque chose de monotone que l'énergie de suffit pas à déguiser il ; est facile de plaçant à côté de ce morceau latin, les Tum vos, o Tyrii, | | ia passion ne convaincre en un morceau analogue imprécations de Didon Exercete odiis, s'en écrit stirpem et genus omne futurum cinerique haec mittite nostro Munera nullus amor populis, nec fœdera sunto! Exoriare aliquis nostris ex ossibus ultor, Qui face Dardanios ferroque sequare col on os, N-unc, olim, quocumque dabunt se tempore vires. Littora littoribus contraria, fluctibus undis Imprecor, arma annis pugnent ipsique nepotesque ! en : || || | | | | | | | On voit quelle énergie : |l donne à la passion le tissu ! serré LA PÉRIODE delà période. même pour la en sera de Il H 23 période romantique. Chénier, nourri des anciens, avait déjà compris tout vantage de discordance entre la le rythme cordance qui, bien ménagée, donne un Il se sert un comme donc, rejet, la et la l'a- phrase, dis- effet plus puissant. des rejets. Quand il y a du même coup modifiée, les anciens, coupe du vers se trouve césure du rejet étant plus forte en général que celle de la Malheureusement Chénier abuse, dans certains l'hémistiche. du cas, rejet, ou plutôt son rejet est trop souvent un enjam- bement. Voici, pour exemple, une période discordante de Chénier construite avec des rejets ; c'est surtout la période des Idylles, des pièces imitées de l'antique. Nous citons ensuite une période non discordante, celle des Elégies, des pièces d'un esprit plus lance et soutient comme sique, la moderne : là le souffle seul du poète période. Cette seconde période est clas- levers. C'est ainsi qu'achevait l'aveugle en soupirant, Et près des bois marchait, S'asseyait. j Trois pasteurs, | une pierre faible, ||et siir | enfants de cette terre, | | Le suivaient, accourus aux abois turbulents gardiens de leurs troupeaux bêlants. || Des molosses, | un faible interprète. cœur seul est poète. Sous sa fécondité le génie opprimé Ne peut garder l'ouvrage en sa tête formé Malgré lui, dans lui-même. un vers sûr et fidèle L'art des transports de l'âme L'art ne fait que les vers ; | est le | | | ; | | Se teint de sa pensée Ainsi, avant dante n'est ; | et s'échappe avec Hugo, Chénier a trouvé elle. période discor- la quant au vers lui-même, en dehors des pas discordant : il est classique. Voici est en discordance la période romantique, où la phrase, où l'hémistiche est en discordance avec du le vers sens. Quand, tâchant de comprendre Les yeux sur la nature et sur | | et de juger, l'art, rejets, [| || l'idiome, il au contraire j'ouvris le avec repos LA MISE EN 324 ŒUVRE l'image du royaume, était monarchie, un mot ou n'était qu'un grimaud. Etait un duc et pair Les syllabes pas plus que Paris et que Londre marchent sans se confondre ainsi Ne se mêlaient Piétons et cavaliers traversant le pont neuf. La langue était l'Etat avant quatre-vingt-neuf ; Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes, Les uns nobles hantant les Phèdres les Jocastes, Les Méropes, ayant le décorum pour loi, Et montant à Versaille au carrosse du roi. Peuple La et noblesse poésie || | || était la j || || | [| | | : || j || | | | | || || || || | | Cromwell que Victor Hugo trouve C'est dans romantique jusque-là son ; donc pour le Une la le formule, avait si le besoin qu'apparemment en suffit effet les siens, et le ; il vers le classique c'est : du dialogue connu le Mais drame, vers romantique elle s'était liberté instrument n'a pu s'en passer. drame voulait tragédie, la était tel vers romantique a été inventé. le romantique pour vers rité, que merveilleux fois ce poésie aussi pour théâtre, qu'il l'entendait, vers si Hugo c'est c'est ; éprouvé, et trouvé a parce que que la son nouvelle Quant à la contentée du vers classique, c'est d'un le nouveau. vers vers classique lui suffisait. Il lui a des défauts, mais la tragédie classique a vers classique, avec sa monotonie et sa sévé- convient à ce drame majestueux et abstrait. La tragédie classique c'est, pour ie fond, l'exposé succes- sif d'états guant, d'âme; soit personnage paraît et, soit monolo- dialoguant avec son confident ou son autre in- exprime toujours d'une façon terlocuteur, mesurée ce le qu'il ressent. Une sorte relativement chant fortement de rythmé, un peu monotone, convient assez bien dans ce cas; relisez le dernier couplet que de Phèdre, et vous vous convain- vers classique est susceptible d'une crez à la fois harmonie et d'une variété très suffisantes, et qu'il convient admirablement à la le formule classique. Mais à un drame plein de mouvement un vers plus souple. Yictor Hugo a et de cris, exposé dans la il fallait préface l'alexandrin et le caractéristique de Cromweîl les qualités drame, du moins génie et là il ; 325 que devait avoir le vers du nouveau sûrement guidé par son l'artiste était veut tout d'abord que ce vers sache « briser à la césure pour déguiser sa monotonie propos et déplacer d'alexandrin » l'allonge que ; veut « plus ami de l'enjambement qui le il de l'inversion rime, cette esclave reine, poésie ». Voilà pour les qui l'embrouille à la de notre veut le variété de ses tours, insaisissable dans ses secrets d'élégance et de facture que, épique ou dramatique selon gamme fidèle règles de versification. Il aussi « inépuisable dans la rir toute la ; suprême grâce cette ; tour à tour Ivri- besoin, pouvant parcou- le poétique, aller de haut en bas, des idées Le vers encore « n'est qu'une forme et une forme qui doit tout admettre, qui n'a rien à imposer au drame, et au contraire doit tout recevoir de lui élevées aux plus vulgaires ». pour tout transmettre au spectateur de français, latin, texte : jurons royaux, locutions populaires». lois, Tout cela parfaitement juste était ; et telles sont là les qualités du vers d'Hugo. Jamais fois plus souple et plus résistant, une forme en effet qui ad- met le vers français n'a été à la tout, mais ennoblit tout, poétise tout, comme Hugo qu'il le dit le dit de rime la encore dans la : une forme qui une esclave reine. Et, même préface a : est, ainsi L'ancienne poésie était descriptive, celle-ci est pittoresque ». Le mot s'applique à la versification tout aussi bien. L'ancienne versification, sans variété de coupes, quelque chose d'abstrait cher avec elle, peint ment, le ; la lieu et sans d'épouser période, l'idée, était de mar- renfermait et deux barrières d'alexandrins rimant nouvelle versification est pittoresque, elle sentiment, ses au elle la saisissait, l'arrêtait, la l'immobilisait dans les deux à deux ; la passion, son intensité, son développe- brusqueries. Elle rend convient à une poésie qui cherche Si nous analysons un peu les le le caractéristique, elle caractéristique. coupes romantiques, nous LA MISE EN ŒUVRE 326 c'est-à-dire repré- verrons qu'elles sont caractéristiques, sentatives de l'idée. Ainsi la coupe 8 -+- par 4, dissonance entre la la césure de l'hémistiche et la césure du sens, a souvent ajouté beau- coup au sentiment exprimé. Quand dona Sol dit Hernani devrait coupe la Sol ici. | est pittoresque peindra elle ; être : || Voici qu'il monte, peint l'inquiétude de dona elle ; dans l'effroi : Jésus! votre manteau La coupe ruisselle grelotte dans ces vers Vous avez bien tardé, Si vous avez froid à cause de | ? || seigneur, j — Moi ! | || ! : || mais dites-moi je brûle près de toi. suspension du sens une syllabe avant l'hémis- la tiche. Remarquons à ce propos que lument insensible, ces que l'hémistiche, par l'hémistiche était abso- si effets n'y seraient plus, tant discordance avec la joue un grand rôle dans le la il est vrai coupe du sens, vers romantique, qui autrement perd sa beauté, sa signification. On a souvent cité l'admirable effet de vers de Didier L'âme ! comme une vraiment délivrance, comme une Voici un couplet d'amour de dona Sol Hernani, Me - | n'allez pas blâmer. Je ne coupe daus ces lève du doigt le couvercle de pierre Et s'envole -i la : sais. | | mon audace étrange mon démon ou mon ange, sur | Etes-vous Mais je : | suis votre esclave. Allez où vous voudrez, j'irai. | | | Restez. | Ecoutez, partez : envolée l'alexandrin et le caractéristique Pourquoi fais-je ainsi, je l'ignore, Je J'ai besoin de vous voir et de vous voir encore Et de vous voir toujours. Quand le bruit de vos pas S'efface, alors je crois que mon cœur ne bat pas, Vous me manquez, je suis absente de moi-même Mais dès qu'enfin ce pas, que j'attends et que j'aime, Vient frapper mon oreille, alors il me souvient suis à vous. | 327 | | | | | ; | | | | Que je vis, | mon âme et je sens Le grand charme de ce couplet ne vient pas de l'idée qui mais du sentiment est banale, qui revient. exprime ce qu'elle dire, de la vibration de l'amante qui vibration que rendent les coupes. marque-t-il pas joliment la e Le 4 montre en effet, par imagination dona Sol va on ne : sait plus rejet le sent, me blâmer ne du blâme Le ? de sa personne préci- par-dessus l'hémistiche. désordre des coupes, qu'en ici et là, Puis l'allongement du vers succédant fait sens passe le Le crainte naïve e 3 vers peint l'abandon qu'elle sément parce que respire et, pour ainsi qu'il suivant Hernani. (trois hémistiches égaux se où le vers finit) rend le désir de prolonger l'entrevue, de l'éterniser. J'ai besoin de vous voir et de vous voir encore, Et de vous voir toujours... Puis le rejet du départ, Tamante aux peint l'émotion écoutes, qui entend les pas décroître Quand S'eftace, Puis || alors je crois la tristesse, le bruit que de vos pas mon cœur l'affaissement de coupe brusque au 4 e pied Vous me manquez, || : ne bat pas. l'amante je suis Puis un grand vers presque sans césure, s'allongent, hémistiche de 9 syllabes : une absente de moi-même. vient remplir le cœur, largement vers renaissent, seule, : ; la joie qui re- l'amant revient, aussi enjambent pour finir les par un . LA MISE EN ŒUVRE 328 Mais dès qu'enfin ce pas que j'attends et que j'aime Vient frapper mon oreille, alors il me souvient | Que je vis, Voici | et je sens mon âme coupe de l'interrogation brusque la Qu'êtes-vous venus faire Voici la haine satisfaite Et puis, Voici je suis là ! Voici donc, te voilà ému souffle le Va Mon qui revient. ! | | pas marche ton pas la : mon le ||Un instant... rival! et j'écoute | mélancolie qui brusquement . de celui qui épie son ennemi j'épie || donc à dire. ici ?|| c'est | : |) et sans bruit et le presse fait : et le suit... | tomber les bras et arrête pas: Tandis que nous allons, lui chantant, moi rêvant, Lui dans son pré vert, moi dans mes noires allées... || On ne saurait compter | les admirables périodes qui, mar- chant, avec la passion, d'un élan plus ou moins saccadé, se terminent par une clausula d'un l'envolée finale ou il est le cri grand vers qui exprime suprême. certain que la poésie française atteint là sa grande puissance par l'union intime de un instrument merveilleux, fasse jamais rendre Ce et n'est pas à dire qu'il ; la coupe romantique la coupe y ; est bien est difficile qu'on lui n'y ait pas, chez les classiques, et le rejet sont les or le il davantage. d'admirables effets pittoresques, isolés rejet mais est rare moins hardie ils sont forcément deux facteurs de ; chez il faut la discipline est forte sur ces la période les classiques, que poète passe par-dessus les règles du vers, et ment, tant plus du rythme, mieux dominer. Le vers qui obéit, se plie, se fait souple pour est là l'idée et il le l'ose grands et génie du rare- esprits. L Et surtout ALEXANDRIN ET LE CARACTERISTIQUE le système caractéristique. riode lie comporte pas Nous avions où étaient peints par les le 329 pittoresque, le tout à l'heure affaire à une pé- coupes les battements du cœur de l'amante au départ de l'amant, ses tressaillements et sa joie quand il arrive : or la formule classique exclut de l'ex- pression des passions cette peinture physique des sensations et ces sensations mêmes. Il est donc impossible que la versi- non seulement travestragédie classique que d'en réciter les fication rende ces effets. Aussi est-ce tir, mais abaisser la vers à la façon romantique, en les coupant le plus possible ; car c'est ajouter à la peinture abstraite, idéale, des passions, des mouvements physiques qui détonnent avec l'absence d'action, de décor et d'accidents scéniques. CONCLUSION Résumons dans somme, drame romantique? Quelle cette étude. Quelle place occupe, en la littérature française, le place aura-t-il dans l'estime de la postérité supérieure à celle qu'y occupera la ? Inférieure ou tragédie classique ? Inférieure certes. Malgré ses défauts, que nous avons fait ressortir en leur lieu, la tragédie classique est, bien plus le drame romantique, l'expression génie qui cherche en tout que comme en art. général et l'absolu, en politi- le La grandeur et la supériorité de la tra- gédie française, c'est d'avoir exprimé générale à par là ; Shakspeare. Mais trouvé un Shakspeare avec la théâtre le ; et passion idéale et romantique n'a même point a trop de défauts pour lutter il tragédie classique. que, une poétique qui, la supérieure en quelque chose elle est que du génie français, de ce Il est fait d'après une poéti- dans, la préface de Cromwell, est parfois incohérente, une poétique qui prend à tort pour les principes et les règles éternelles de l'art, des préférences inspirées par les passions contemporaines. Ce sont aussi ces passions qui s'incarnent dans les personnages, et ces person- nages sont trop les porte-voix du poète. Le lyrisme, lodrame, le empêchent des œuvres le mé- mélodrame surtout, sont de graves défauts qui le théâtre romantique de se placer dans la région d'art supérieures. La tragédie est démodée en certaines parties par l'exposition trop abstraite de la psycho- logie humaine, par les rôles de confidents, par cette simplification outrée qui ôte et comme le aux créations du poète mouvement ; mais le la vie extérieure théâtre romantique a CONCLUSION d'une façon plus grave atteint la ; 331 défauts opposés, et les tragédie est froide en partie tique pourra bien être risible, ce qui est pis en est plus il théâtre le : ; roman- fera sourire il en tout cas. Néanmoins théâtre romantique vivra le au théâtre, quoiqu'il y gédie. Les pièces qui poésie Hernani, que que et que vivra surtout parce eue, et et ie le qui loin, a Mais la humaine, la plus plus ouvert une grande théâtre le qu'il reproduit l'état génération qui fut peut-être ait vivra la tra- joueront désormais aussi longtemps se Andromaque. et il mélodrame ne gâte pas outre mesure, le Ray Blas Ciel le d'abord par soutiennent se : déplacé que soit parfois aussi plus grande que la France celle qui a vu plus le haut de préjugés et renversé plus le romanti- d'âme d'une plus d'horizons, celle qui a le plus fait pour l'éman- On cipation de l'humanité. les érudits seuls mellement la oubliera vite la lutte des systèmes; distingueront un jour en quoi diffèrent for- tragédie classique et drame romantique le mais aussi longtemps qu'on pensera, on s'intéressera à maladie romantique; cette maladie est de cette génération, de cet la noblesse et la gloire Hernani art. ; la pas certes n'est l'amour absolu, ni un type de quoi que ce soit d'absolu, passion, vertu ; mais contemporain, et Hernani, Didier, est il par Ruy dictions, les révoltes, sa soif là un type impérissable de l'homme il est bien profondément humain ; Blas incarnent bien toutes ses rêves de grandeur. Certains amoureux du théâtre romantique, les de Lorme, Catarina, Maria Neubourg, représentent l'amour romantique tualisme passager ; ils de si l'homme, comme autrefois ; dona Sol, un spiri- exalté par les aspirations l'amour qui est la piété, le tout de l'amour dédaignant les barrières sociales, passant par-dessus la amoureuses, Marion en représentent élevées, l'appétit d'immortalité de contra- malaises du plébéien moderne, les d'émancipation, les le rang, insoucieux pauvreté et du malheur, trouvant en lui son propre 332 CONCLUSION bonheur, l'amour purifiant une âme, tout cela est assez for- tement marqué dans ces caractères du théâtre romantique pour que ces caractères vivent encore à côté des autres grands amoureux romantiques, ceux de Werther, et Et quel dommage que maladive à hâtives, ainsi ; si la Nouvelle Héloïse, et Laurence. la fois, troublées, heureusement se soit si mais si exprimée dans des oeuvres si cette génération si forte, diffuses le ; car beaucoup d'elle périra théâtre romantique, par sa réforme des théories, a sa place marquée dans l'histoire littéraire, et la poésie supérieure qui en vivifie les pièces plus disparates, le fera lire aussi, tant qu'on lira. même les TABLE DES MATIERES LIVRE PREMIER. LA POÉSIE ET LE THEATRE. Pag, Ce que nous entendrons par drame romantique. Le le — vrai ïï. La romantique. c'est la grande poésie au théâtre Ses manidéfinition de la grande poésie. festations diverses. Elle adopte le théâtre au xvn e siècle. III. Le xvme siècle deux courants la tragédie sans la poésie décadence. Les réformes les plus ingénieuses ne peuvent la faire revivre. Lafosse, Lamotte, Voltaire et les autres prétendus précurseurs du romantisme. La Diderot et poésie revient à la tragédie renaissance. se3 idées. Beaumarchais, Chénier, Ducis, Lemercier A bufar et Pinto. IV. La grande poésie au xix e siècle. titre serait plutôt tragédie est un : la tragédie poème dramatique, ; — — — — : : : — : ; — Elle n'est au théâtre qu'accidentellement, elle — a surtout forme lyrique. Raisons. V. La grande poésie dans le drame romantique. Résumé pris la . LIVRE II. LES SYSTÈMES. Qu'est-ce que le genre tragique ? D'un critérium pour apprécier les systèmes divers genre grande juste milieu, : les conditions d'existence du de la plus de poésie et d'observation morale avec les nécessités théâtrales, le mélange raisonnable du général et du caractéristique. II. Examen des systèmes : le système le ; c'est-à-dire l'union somme antique. — — Représentation plastique et poétique de la vie. — 334 TABLE DES MATIERES Pages. Action, lieu, temps. Séparation du tragique et du comique. III. Le système espagnol. La tragédie née du Mystère. La convention scénique, absence de décor. La tragédie psychologique sort peu à peu du spectacle historique. Le — comique drame, restes du théâtre IV. Lesystème shakspea'rien. Le drame historique et le drame psychologique. L'émotion poétique et l'émotion psychologique. Le caractéristique. Le grotesque et le grotesque dans le primitif. — le grotesque traditionnel. Enfance V. Le système classique. Les unités ; leur inutilité. Comment elles sont à la fois une invention des médiocres et une expression de l'esprit français. Nullité de lieu. Beauté et grandeur de la tragédie classique. Le spectacle de la vie ramené à l'étude de la passion dans ce qu'elle a de général et d'éternel. Dialogues les confidents monologues. Défaut de la tragédie claset leur nécessité sique elle renonce à utiliser la scène sous sa forme la plus belle elle n'est point faite pour la scène. VI. Shakspeare et le théâtre allemand. Shakspeaie corrigé par Corneille. Retour au caractéristique, à l'émotion poétique. VII. La tragédie française à la recherche du juste milieu ses efforts vains avant le romantisme. servant d'antithèse et — du décor. — ; ; : ; — — ... ; LIVRE 33 III. LE SYSTÈME ROMANTIQUE. I. — Les précurseurs et le.s combattants. II. Victor Hugo. La préface de Crom'weU. Examen des divers points de la réforme. IILLe grotesque dansla^théorie romantique. — — — T,e grotesque n aiisj es" draiïïësT^^TV. Oromwell. — V. Le système Le drame-théorie corrigé par les œuvres. LIVRE . : . 81 IV. l'époque. I. L'influence du temps : sion révolutionnaire la politique ; comment au théâtre. elle fait — II. dévier la — pas- III. La .a romantique, sujets, iutrigues, personnages. maladie romantique maladie religieuse, maladie pol tique, maladie de l'amour, maladie de l'ambition. IV. Les héros de la tragédie atteints de la maladie romanV. La maladie tique Hcrnani, Didier, Ruy BUis. VI. La romantique et le drame bourgeois Anton)/. maladie romantique dans Chatterton : , La tragédie — — : : — 1-7 TABLE DES MATIÈRES livre 335 v. LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES. Pages. I. romantique. L'amour romantique est un retour à l'amour chevaleresque, né des mœurs germaniques et du christianisme. C'est plus exactement le II. Jean-Jacques. Naisspiritualisme dans l'amour. L'amour classique l'amour et — sance de l'amour romantique. L'amour dans Lamartine. — , L'amour romantique au théâtre. L'amour Motion. La courtisane amoureuse chez passion purifiante Jocelyn. III. : La Fontaine, Lamartine, Jean-Jacques. Réhabilitation de la courtisane. IV L'amour jaloux Hernani, Ruy V. L'amour ingénu Gomez, Marie Tudor, Christine. Blanche, Catarina, Marie de Neubourg, Ruy Blas. — . " : — : — — VI. L'amour libertin don Carlos, François I er Catarina, Marie de VII. L'amour et le devoir conjugal Conclusion Différence entre l'amour clasNeubourg. ^sique et l'amour romantique . : : >. — : LIVRE VI. LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES I. 173 (suite). — Les sentiments de la famille depuis la Révolution L'amour paternel dans les poésies d'Hugo. II. III. L'amour paternel dans Le Bol. s'amuse, Triboulet, Le Comte de Saint- Vallier. — IV. L'amour maternel dans Lucrèce Borgia. V. L'héroïsme. La clémence. La religion du serment et de l'hospitalité. VI. Le pathétique et l'expression de la passion Expression de l'amour, de la douleur et du désespoir. L'émotion physiologique, les excès, la mort et la peur de la mort Triboulet, Catarina, Monaldeschi — — — . ; LIVRE LA MISE EN I. Le lyrisme tique : il ; il est VII. ŒUVRE. même du drame romandrame de la vie à celui de la Il y a un Exagération du lyrisme. dans la conception consiste à mêler le conscience. — autre lyrisme, le lyrisme dans l'exécution. — — — Beautés et Le mélodrame dans le théâtre romantique, dans la conception du drame, dans l'intrigue. III, Les types du héros de mélodrame. inconvénients du lyrisme. — II. 'l'il / / - /; -2 TABLE DES MATIÈRES 336 Pages. Simon Renard, — Salluste. — IV. Les coups de théâtre mélodramatiques. V. Alexandre Dumas et le mélodrame. VI. Hugo imitateur de Dumas Dumas imita- — teur ; d'Hugo 267 LIVRE LA MISE EN I. Le caractéristique dans IL La vraisemblance VIII. ŒUVRE (suite). les 'caractères don Carlos, Louis XIII, François I er et le décor. IV. La versification. — que et la période l'expression. et — historique. Les caractères historiques — — La III. . période classi- romantique. L'alexandrin du drame et • VU ET le 299 330 caractéristique Conclusion de cette étude : Le costume m LU, EN SORBONNE, LE 26 AVRIL 1894, Par le DQyen de la, Faculté des Lettres de Pari*, A. HIMLY. VU ET PERMIS D'IMPRIMER : Le Vice-Recteur de l'Académie de Paris, GRÉARD. Poitiers. — Typ. Oupin et C 1 ' f???-K^> ^ Le PLEASE CARDS OR d-i •\ DO NOT REMOVE SLIPS UNIVERSITY .in tique FROM POCKET THIS OF TORONTO LIBRARY