Ulrike Quade Company

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DOSSIER PEDAGOGIQUE
Antigone de Sophocle
Ulrike Quade Company
Dossier pédagogique réalisé par Adeline Stoffel, professeure agrégée de lettres-théâtre
Arts et Culture – Inspection académique des Ardennes
Document téléchargeable sur www.festival-marionnette.com - rubrique scolaire
ULRIKE QUADE / PAYS-BAS
« Antigone »
1h00 / Adultes et adolescents / Français / Bunraku
Mercredi 25/09 : 20h / Jeudi 26/09 : 15h / Salle du Mont-Olympe n°1
Polynice a péri. Selon la loi, c’était un traître et il n’a pas le droit d’être enterré... sous peine de mort. Ses
sœurs Antigone et Ismène ont toutes les deux un point de vue différent. En suivant la loi, Ismène choisit de
sauver sa propre vie. Antigone, à l’inverse, suit son cœur et met sa propre vie en jeu pour offrir à son frère un
enterrement, ignorant les conseils de sa famille. Ce spectacle offre un regard singulier sur la tragédie de
Sophocle. Il s’agit d’une collaboration entre la chorégraphe Nicole Beutler et la marionnettiste Ulrike Quade.
Les marionnettes ont été spécialement fabriquées au Japon pour ce spectacle d’après la tradition du théâtre
de Bunraku. Un jeu de manipulation sublime entre les acteurs danseurs et les marionnettes où l’on se pose la
question : sommes-nous vraiment libre de nos actions ?
Conception et mise en scène : Nicole Beutler et Ulrike Quade ; Comédiens manipulateurs : Hillary Blake Firestone, Michele Rizzo,
Cat Smits ; Fabrication des marionnettes : Watanabe Kazunori ; Costumes : Jessica Helbach ; Dramaturgie : Georg Weinand ;
Recherche et assistanat : Justa ter Haar ; Création lumières : Minna Tiikkainen ; Création musicale : Gary Sheppard ; Technique :
Martin Kaffarnik ; Production : Rutger Gernandt et Josta Obbink ; Photo : Anja Beutler ; www.ulrikequade.nl
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Sommaire
En amont du spectacle
La fable .....................................................................................................................................................page 4
Le Bunraku ...............................................................................................................................................page 4
Ulrike Quadé .............................................................................................................................................page 6
Après le spectacle
Grille d’analyse d’une représentation théâtrale.....................................................................................page 9
Quelques pistes pour la lecture du spectacle ..................................................................................... page 11
D’une œuvre à l’autre
Lire : actualité et actualisation du mythe ............................................................................................. page 14
Regarder une autre mise en scène du mythe ...................................................................................... page 14
Apprécier des représentations picturales du mythe ........................................................................... page 15
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En amont du spectacle
La fable d’Antigone
Antigone est issue de la lignée des Labdacides, destinée au malheur, dont Sophocle conte l'histoire dans ses
tragédies : Antigone et Oedipe roi.
Le père d'Antigone, Oedipe, est abandonné peu après sa naissance, sur les conseils de l'Oracle de Delphes
qui avait prédit que cet enfant tuerait son père et épouserait sa mère.
Trouvé puis adopté par les
souverains de Corinthe, il grandit dans l'ignorance de cet abandon et arrivé à l'âge adulte, il obtient, après
avoir terrassé le Sphinx, les faveurs de la reine de Thèbes Jocaste, qu'il épouse.
Les premières années du mariage sont heureuses : Jocaste et Oedipe ont quatre enfants – Polynice, Etéocle,
Ismène, Antigone, mais bientôt le malheur s'abat sur Thèbes. Pour remédier à cela, Oedipe interroge l'Oracle
qui lui révèle que les dieux punissent ainsi les fautes d'un homme.
Dans tout le royaume le coupable est recherché pendant des années, jusqu'au jour où la vérité éclate : Oedipe
apprend qu'il a été abandonné nourrisson, que l'homme contre lequel il s'est autrefois violemment battu un
jour à un carrefour était son père Laïus, et que Jocaste est sa mère ; la prophétie de l’Oracle s’est donc
finalement accomplie, et les dieux en sont si horrifiés qu’ils abattent leurs fléaux sur Thèbes.
L'inceste dévoilé est insupportable pour Jocaste qui se suicide et pour Oedipe qui se crève les yeux, s’exile
accompagné d’Antigone, et lègue le trône à ses deux fils, qui doivent gouverner un an tour à tour.
Mais Étéocle refuse l'alternance prévue et Polynice vient, à la tête des armées d'Argos, ville ennemie de
Thèbes, reprendre le trône à son frère. Les deux hommes s'entretuent lors d'un combat singulier. Créon,
nouveau roi de Thèbes et frère de Jocaste, ordonne des funérailles solennelles pour Étéocle, mais prive de
sépulture le corps de Polynice. Alors qu’Ismène se soumet au décret, Antigone s'oppose à cette décision : elle
est alors condamnée par Créon à être enterrée vivante dans le tombeau des Labdacides, et met fin à ses
jours en se pendant.
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Le Bunraku
Les marionnettes du spectacle d’Ulrike Quade et Nicole Beutler ont été fabriquées au Japon par le maître
Watanabe Kazunori d’après la tradition du théâtre bunraku.
Watanabe Kazunori dans son atelier
Le bunraku est le théâtre de marionnettes du Japon. Il a pris son essor à Osaka au début du 18 ème siècle et
s’est imposé, avec les théâtres nô et kabuki, comme l’une des plus importantes formes d’art de la scène du
vieux Japon. En 2003, le bunraku a été ajouté à la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité par
l'UNESCO.
Le fonds des récits portés à la scène du bunraku est fourni par des légendes de samouraïs ou des faits divers
tragiques impliquant des roturiers (gravitant dans les familles marchandes d’Osaka, par exemple). Les
histoires proposées sont presque toujours profondément pathétiques : tantôt une femme soupire ardemment
après un amour sans réciprocité, tantôt des amants décident de se suicider, tantôt un enfant choisit de mourir
pour son maître tandis qu’un samouraï souffrant mille morts exalte la loyauté dudit enfant tout en ravalant ses
larmes. Le bunraku propose donc une peinture des sentiments du peuple se débattant dans l’affreux carcan
des obligations sociales qui contrecarrent les inclinations des sentiments.
Dans une pièce de marionnettes bunraku, un récitant ou tayû, fait progresser le récit soutenu par
l’accompagnement d’un instrument à cordes, le shamisen. Trois instances disparates doivent donc œuvrer de
concert : le tayû, le musicien, et les marionnettistes.
Les têtes des marionnettes sont divisées en catégories selon le sexe, la classe sociale et le caractère du
personnage. Si certaines têtes sont spécifiques à des rôles particuliers, d'autres peuvent être employées pour
plusieurs pièces en faisant varier la perruque et la peinture. La préparation des perruques constitue un art en
soi : elles distinguent le personnage qui les porte et donnent des indications sur sa condition et son caractère ;
elles sont faites de cheveux humains, et des poils de queue de yak peuvent être ajoutés pour créer du
volume. L'ensemble est fixé sur une plaque de cuivre. Afin de ne pas endommager la tête de la marionnette,
la finition de la coiffure se fait sans huile, seulement avec de l'eau et de la cire d'abeille.
Le costume se compose d'une robe de dessous, d'un kimono de dessous, d'une veste ou d'une robe
extérieure, d'un col et d'une ceinture large. Afin de donner une sensation de douceur du corps, les robes sont
fourrées de coton. Ce sont les marionnettistes qui habillent eux-mêmes les marionnettes.
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Chaque poupée est manipulée par trois marionnettistes. L’un, le maître, anime la tête (sourcils, yeux et lèvres
sont également mobiles) et le bras droit, l’autre, uniquement le bras gauche, le troisième enfin, les jambes.
Les deux marionnettistes chargés de l’animation du bras gauche et des jambes doivent apprendre à percevoir
les mouvements les plus subtils imprimés par le maître à la tête et à l’épaule droite, afin de synchroniser leurs
déplacements et travailler “comme un seul homme”. C’est la perfection de cette synchronisation qui donne aux
gestes de la marionnette le naturel nécessaire, et qui, lorsque le manipulateur a du génie, la fait paraître plus
humaine qu’une personne réelle.
La formation du marionnettiste est très longue. Le montreur commence par manipuler les pieds, puis la main
gauche, et enfin la main droite et la tête. Un ancien adage veut qu'il faille dix ans pour maîtriser les pieds, et
encore dix ans pour la main gauche !
La présence de trois manipulateurs constitue un facteur de distraction pour l'audience. C'est pourquoi
le bunraku a importé du kabuki l'usage du kurogo, la robe noire, qui suggère comme l’invisibilité du montreur.
Cependant, quand le public réalise qu'il ne s'agit que d'une marionnette, le désir est grand de voir qui la
contrôle. Aussi le chef marionnettiste opère-t-il tête nue, alors que ses assistants sont parfois encagoulés.
Marionnettes de bunraku dans l’atelier
Ulrike Quade
Parcours
Ulrike Quade a obtenu sa maîtrise de scénographe à l’École Supérieur des Arts de la ville d’Utrecht. Son
expression théâtrale est inspirée par les formes traditionnelles du Japon, particulièrement par l’univers de
l’artiste Hoichi Okamoto et par la danse butoh.
Dès ses débuts en tant qu’auteur de spectacle vivant, les productions d’Ulrike Quade ont obtenu une
reconnaissance internationale. Sa compagnie a été programmée et invitée sur des scènes et dans des
festivals en Europe, aux États-Unis, en Chine et à Taïwan. Dans les années 2002-2005 elle a produit en
collaboration avec Duda Paiva un certain nombre de pièces qui ont rencontré un grand succès, notamment
Dead Orange Walk, inspirée du journal intime de la peintre mexicaine Frida Kahlo, et Two Old Ladies, tirée du
recueil de Toon Tellegen.
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Depuis 2006 Ulrike Quade poursuit seule son parcours. Pratiquement toutes ses nouvelles productions sont
créées en collaboration avec des partenaires étrangers. Ainsi de The Writer (2009), fondée sur la vie du prix
Nobel de littérature norvégien Knut Hamsun, et de Radio Exit Live (2011), deux spectacles réalisés avec des
artistes norvégiens.
Pour son Antigone, créée en 2012, Ulrike Quade a choisi de travailler avec l’artiste Nicole Beutler, figure
montante de la danse contemporaine aux Pays-Bas.
Esthétique
Le travail d’Ulrike Quade aime à créer le doute quant à la frontière entre vivant et inanimé, individu et objet,
marionnette et acteur, poupée et manipulateur.
Photographie du spectacle Radio Exit Live (2011)
Cette dialectique subtile est servie par ses marionnettes : véritables créations sculpturales aux traits humains
et aux mouvements souples, elles sont en effet parfois si réalistes qu’on en oublie qu’elles ne sont pas de
chair et de sang.
Les spectacles d’Ulrike Quade mêlent le plus souvent sculpture et danse, mime et performance, texte et
musique, pour créer un univers poétique, oscillant entre onirisme et réalité.
Note d’intention sur Antigone
En 2011, j’ai entamé une collaboration avec Nicole Beutler. C’est l’une des artistes montantes de la danse
contemporaine aux Pays-Bas et de la scène internationale. Actuellement, la politique culturelle des Pays Bas
est en train de changer radicalement. Nous vivons une véritable crise et nous nous refusons à fermer les yeux
sur cette situation. En raison de la crise, la thématique devait s’orienter en fonction de la situation actuelle.
Nous avons choisi Antigone (Sophocle, 442 avant Jésus-Christ) pour la question : «Comment agir en tant
qu’être humain ?» dans cette situation. «Qui émouvoir et comment se comporter? sommes-nous vraiment
libres dans nos actions?» Dans cette pièce de théâtre la prise de position des deux sœurs est mise en
balance. Il n’est pas simple de faire le choix entre l’une ou l’autre. Quel est le bien et quel est le mal?
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Nous avons commencé par rechercher les moyens d’agir d’Antigone et ceux de sa sœur, Ismène. Nous
pensions retrouver des parts de nous-mêmes en chacune d’elle: Antigone et Ismène. Dans un jeu de
manipulation entre les acteurs marionnettistes et leurs marionnettes, les motivations profondes des deux
sœurs deviennent visibles.
Nicole Beutler et moi-même avons des intérêts communs : la stylisation et le minimalisme japonais,
l’expression par le mouvement, la danse et la chorégraphie, la création d’images ou de tableaux vivants.
En janvier 2012, nous sommes allées au Japon pour étudier le théâtre bunraku traditionnel ainsi que le théâtre
nô et le kabuki. Nous avons vu des marionnettes bunraku sur scène et depuis les coulisses. Nous avons
observé les marionnettistes manipuler leurs marionnettes tout en se déplaçant de façon synchronisée, comme
des danseurs gracieux.
Nous avons décidé de créer un spectacle chorégraphiant tout autant les marionnettes que les
marionnettistes/danseurs. L’acte de la manipulation et le fait d’être manipulé forment un objet vivant en raison
de la cohabitation de marionnettes et d’êtres humains sur scène. Nous avons choisi de prendre Antigone,
Ismène et Polynice comme personnages. Le frère mort apparaît de façon fantomatique sur scène et les deux
sœurs sont deux parties d’un équilibre.
Dans la danse d’Antigone, le mouvement et la manipulation jouent un rôle important. Fascinées par la
manipulation d’une marionnette par trois interprètes, nous avons travaillé sur un vocabulaire physique pour les
danseurs en lien avec les marionnettes. Qui dirige qui ? La manipulation est devenue partie du vocabulaire de
la danse.
La musique a été composée pour la pièce par Gary Shepherd. Elle joue un rôle moteur pour l’ensemble du
spectacle : les scènes sont dirigées par la musique, comme peut l’être un film par sa bande-son.
Au Japon, nous avons commandé les marionnettes à Watanabe Kazunori. En 1997-1998 et 2000, j’ai étudié la
marionnette au Japon avec Hoichi Okamoto du Dondoro Théâtre. Watanabe Kazunori est un ami proche de
Hoichi que j’ai rencontré au cours de mes études. Il travaille toujours comme fabricant de marionnettes.
J’ai contacté Watanabe longtemps avant la création. Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois dans son
atelier, où je lui ai montré mes dessins pour les marionnettes et où nous avons discuté des matériaux,
couleurs, formes, tailles, etc...
Les marionnettes sont arrivées à Amsterdam et elles sont merveilleuses. Elles ont exactement les qualités
que nous attendions : spacieuses, suggestives, et chacune est magnifiquement intense dans son caractère
propre. Nous avons fait des marionnettes et des artistes notre matière brute.
Les interprètes sont des ombres humaines dans une similitude avec les marionnettes. Néanmoins, les
interprètes sont le chœur. Une bande-son semblable à celle d’un film soutient l’ensemble du spectacle. Une
partie des textes poétiques sera projetée sur scène. L’espace scénique présente de nombreuses références
subtiles au théâtre bunraku ainsi qu’au pont de la scène nô. Notre objectif est de révéler et de ne pas cacher
la manipulation. C’est là la principale différence.
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Après le spectacle
Grille d’analyse d’une représentation théâtrale
On trouvera infra les éléments qui usuellement nourrissent l’analyse d’un spectacle vivant, et peuvent être
employés avec la classe1.
Autour de la représentation
Quel est le titre de la représentation, de l’œuvre initiale ?
S’agit-il d’une œuvre initiale, d’une traduction, d’une adaptation, d’une réécriture ? Quel est le nom de l’auteur,
du metteur en scène, de la compagnie ?
À l’intérieur de quelle institution ou de quel lieu cette mise en scène se situe-t-elle (son identité, le statut de
l’institution théâtrale qui accueille la représentation) ? Quand ?
L’arrivée au théâtre : l’architecture extérieure du bâtiment, l’accès à la salle, l’accueil, l’atmosphère, le public.
Description de la salle : théâtre à l’italienne, amphithéâtre, lieu alternatif.
La scénographie
1. L’espace théâtral
Les spectateurs sont-ils placés en frontal, bi-frontal, tri-frontal, circulaire ou bien itinérants ?
Quel est le rapport entre l’espace du public et l’espace du jeu (rideau, fosse, rampe) ?
2. L’espace scénique
Quelles en sont les caractéristiques (sol, murs, plafond, forme, matières, couleurs) ?
Est-il unique ou évolutif (à quoi correspondent les transformations) ?
Quelle est sa structure : circulaire, rectangulaire, carrée ?
L’espace est-il encombré, vide, minimaliste ?
Est-il figuratif ou non ? Que représente-t-il (espace réel ou mental) ?
Fait-il référence à une esthétique culturelle (rapport peinture / scénographie) ?
Quelles sont les caractéristiques et la qualité plastique des objets scéniques (natures, formes, couleurs,
matières) ? À quoi servent-ils ? Ont-ils un usage fonctionnel (référentiel, mimétique) ou détourné ? Quels sont
leur rôle : métonymique, métaphorique ou symbolique ?
3. La lumière
À quel moment intervient-elle ?
Quel est son rôle : éclairer ou commenter une action, isoler un acteur ou un élément de la scène, créer une
atmosphère, rythmer la représentation, assurer la transition entre différents moments, coordonner les autres
éléments matériels de la représentation ?
Y a-t-il des variations de lumière, des noirs, des ombres, des couleurs particulières ?
4. L’environnement sonore (musique, composition sonore, vocale, instrumentale ou bruitée)
1
Cette grille d’analyse se fonde sur la fiche pratique conçue pour le compte de l’ANRAT par Sandrine Froissart, professeure de
lettres et responsable d’un atelier de pratique artistique en Aquitaine.
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Comment et où les sources musicales sont-elles produites (en direct par des musiciens ou enregistrées et
introduites par la régie technique) ?
Quelle est la situation des musiciens par rapport aux acteurs et aux spectateurs ?
Quels sont les instruments ?
Quel est son rôle : créer, illustrer, caractériser une atmosphère correspondant à la situation dramatique, faire
reconnaître une situation par un bruitage, souligner un moment de jeu, ponctuer la mise en scène (pause de
jeu, transition, changement de dispositif scénique) ?
5. L’image, la vidéo
Type et support de projection (cyclo, paroi, objet, corps) ?
L’image est-elle prise en direct, ou préalablement enregistrée ? Sa présence est-elle continue, ponctuelle ?
Est-elle illustrative, référentielle, symbolique ?
Effet produit par/sur l’image de l’acteur : changement d’échelle, focalisation, gros plan, mise en abyme,
documentaire, distanciation, présence réelle / présence virtuelle ?
6. Les costumes (vêtements, masques, maquillages, perruques, postiches, bijoux, accessoires)
Quelles sont les fonctions du costumes : caractériser un milieu social, une époque, un style ou permettre un
repère dramaturgique en relation avec les circonstances de l’action ?
Quel est son rapport au corps et à l’espace ?
Quels sont les choix esthétiques (couleurs, formes, coupes, matières) ?
S’agit-il d’un costume de personnage (inscrit à l’intérieur de la fiction pour servir l’intrigue) ou s’agit-il du
costume d’un performer (danseur-acteur) lié à une tradition de jeu ?
La performance de l’acteur
1. La description physique
Les costumes : cet élément peut être traité comme une instance scénographique s’inscrivant dans une
esthétique mais aussi comme une instance de jeu, portée par l’acteur, en mouvement sur le plateau.
Apparence physique, maquillage ?
Gestuelle, mimiques ?
Postures, attitudes ?
2. Le rapport de l’acteur et du groupe
Les acteurs occupent-ils l’espace scénique au moment où les spectateurs entrent dans l’espace théâtral ?
Entrées, sorties, occupation de l’espace ?
Démarches, déplacements, trajectoires ?
Contacts physiques ? Jeux de regards ? Communication non verbale ?
Oppositions ou ressemblances entre les personnages ?
3. Le rapport entre texte et voix
Diction ? Rythme ?
Amplification, sonorisation ?
Variations (accentuation, mise en relief, effacement, silence) ?
La mise en scène
Par qui la mise en scène du spectacle est-elle assurée (metteur en scène, dramaturge, comédiens, conseiller
artistique) ?
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Quel est son parti-pris esthétique : réaliste (naturaliste), théâtralisé, symbolique, épique, stylisé,
expressionniste ?
Quels sont les choix dramaturgiques ?
Quelle est la place du texte ?
Quel est le rapport entre le texte et l’image ?
Quelle fable la mise en scène raconte-t-elle (rapport entre la première et la dernière image) ?
Quel est son discours (son propos) sur l’homme et sur le monde ?
Quelques pistes pour la lecture du spectacle
On trouvera là quelques propositions susceptibles d’enrichir la réflexion des élèves sur Antigone.
L’espace
Un espace vide, géométrique, froid, souvent blafard : le champ de bataille dévasté où gît le cadavre de
Polynice ? une prolepse du tombeau d’Antigone ? l’espace mental, universel et intemporel, du mythe ?
La référence au hashigakari (pont) du théâtre nô : une volonté de transparence qui offre tout au regard du
public ? Une allusion au trajet de l’âme de Polynice qui cherche à gagner le royaume des morts ?
Antigone et deux comédiens
Les marionnettes
Un bunraku modernisé, plus accessible, moins hiératique, plus léger, moins orné, moins cérémoniel : une
adaptation du mythe aux questionnements actuels.
L’opposition Antigone/Ismène visible dans les visages, les cheveux, les costumes, la qualité de la
manipulation.
Le travail sur le pouvoir expressif du visage, qui manifeste l’éthos du personnage et suscite la catharsis ainsi
que l’identification du spectateur.
La simplicité et la préciosité des matériaux, à l’image du mythe – inestimable et populaire, lisible de manière
référentielle ou allégorique.
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Ismène et Antigone
Le rapport entre marionnettistes et marionnettes
Entre violence et douceur, à l’instar des relations des personnages de la fable.
Manipulés et manipulateurs : dieux marionnettiste et individus pantins, acteurs maîtres de leurs marionnettes
mais également fascinés par elles…. Quelle marge pour l’exercice de la liberté ? quelle place pour le librearbitre ?
Dialectique de l’animé et de l’inanimé d’autant plus pertinente que la désobéissance d’Antigone repose sur sa
volonté farouche de préserver vivace le souvenir de son frère mort, de risquer sa vie pour un cadavre.
Antigone et Polynice
La danse
Mélange de chorégraphie traditionnelle et de mouvements empruntés au hip-hop ainsi qu’à d’autres cultures
urbaines : actualisation du mythe.
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Marionnettes et acteurs dansent, confusion des identités et des catégories : le mythe réinterroge nos
certitudes.
La danse fonctionne comme une référence au théâtre grec antique de Sophocle (danse du chœur sur
l’orchestra, bacchanales débridées) ; elle entretient clairement ici une correspondance verticale avec le sacré.
La mise en scène
Elle montre et questionne l’enjeu de l’engagement, mais aussi l’affrontement parfois aporétique de la loi des
hommes vs la loi des dieux, du choix intime vs le décret de la Cité.
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D’une œuvre à l’autre
Lire : actualité et actualisation du mythe
Sophocle, Antigone (-442), le texte-source qui confronte les deux hubris de Créon et Antigone.
Racine, La Thébaïde (1664), où Antigone assiste impuissante à la haine fratricide d’Etéocle et de Polynice.
Anouilh, Antigone (1944), où l’héroïne éponyme est traitée comme une allégorie de la résistance, de
l’insoumission, de la désobéissance civile en des temps troublés.
Brecht, Antigone (1948), avec une mise en parallèle de deux destins : celui d’Antigone et celui du Troisième
Reich.
Yourcenar, "Antigone ou le choix", Feux (1993) : la prose poétique sublime en Antigone la figure du martyre.
Ost, Antigone voilée (1999) : le juriste y aborde la question brûlante des liens tendus entre laïcité et choix
confessionnel.
Regarder une autre mise en scène du mythe
Celle proposée par la compagnie Les Anges au plafond en 2007 : Une Antigone de papier, avec une héroïne
tout en papier, « fort et fragile, comme elle » (Camille Trouvé, comédienne et marionnettiste dans la
compagnie Les Anges au plafond).
Photographie du spectacle Une Antigone de papier
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Apprécier des représentations picturales du mythe
En collaboration éventuellement avec le professeur d’arts plastiques, on peut montrer aux élèves, à l’aide des
quatre documents ci-dessous, comment le mythe d’Antigone a su s’adapter et se renouveler avec souplesse
et acuité au fil des différents mouvements et esthétiques artistiques.
Nikiforos Lytras, Antigone devant Polynice mort (1865)
Jean Cocteau, Antigone et Créon (1922)
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Giorgio de Chirico, Antigone consolatrice (1973)
Rosemarie Beck, Antigone devant Créon (1991)
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