38 Soins Libéraux La toilette Compétences infirmières en neurologie A travers la toilette, c'est la santé des patients, comme leur qualité de vie, qui se trouvent en jeu dans ces soins relevant, par excellence, des compétences des infirmières et des aides soignantes. C Focus ... Les soins de la toilette Ils visent à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d’autonomie d’une personne. « Les soins préventifs, curatifs ou palliatifs ont pour objet de protéger, maintenir, restaurer et promouvoir (…) l’autonomie des fonctions vitales physiques ou psychiques des personnes en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial ou social » (Art. 2 du Décret N° 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels des infirmières) haque année, plus de 350 000 personnes en situation de dépendance temporaire ou permanente (enfants ou adultes handicapés, personnes âgées…) ont besoin de soins à domicile réguliers. Certes, la “Démarche de Soins Infirmiers” donne la possibilité à l’infirmière de privilégier spécifiquement les soins qui visent à restaurer les capacités d’autonomie et à favoriser une réinsertion dans la vie quotidienne et familiale (soins préventifs, curatifs ou palliatifs). Elle permet à l’infirmière de se recentrer sur son métier et d’employer pleinement ses compétences. Elle n’exclut pas pour autant les soins courants si ceux-ci s’intègrent dans le programme global. Enfin, lorsque le patient ne nécessite pas de soins infirmiers, mais plutôt d’une aide à la vie quotidienne (habillage, toilette, etc.), l’infirmière accompagne tout de même la personne et son entourage dans leur recherche d’une aide à domicile et veille à ce que la solution trouvée soit adaptée. Dans l’attente de l’intervenant voulu, elle peut assurer elle même cette prise en charge. L’hygiène est un soin Dans la démarche de soins infirmiers, les soins d’hygiène sont soumis à prescription médicale et entente préalable définissant à l’avance (et de façon rigide) les interventions auprès du malade. Durant le soin d’hygiène, l’infirmière a une multitude de soins techniques à effectuer : injections, pansements, soins de stomie, aspiration, pose de sonde urinaire, gastrique, perfusion, etc. variables selon la pathologie. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 63 • mai 2005 Le patient qui souffre d’atteinte neurologique peut ne pas se sentir bien au cours de la toilette. Il peut présenter une détresse respiratoire ou des troubles cardiaques, par exemple. C’est pourquoi, chez ces personnes, les toilettes se réalisent souvent en binôme infirmière/aide soignante. Les patients apraxiques sont, eux, incapables de réaliser certains gestes. Par exemple, certains vont se laver dix fois le visage et oublier le reste du corps ou ne savent pas comment se servir d’un gant de toilette. Il s’agit alors de les aider à retrouver des “automatismes”. Pour cela, il faut les inciter à faire tel ou tel geste eux-mêmes. Quitte à faire marche arrière si le patient se trouve dans une situation trop difficile. Tenir compte de la douleur Un patient peut souffrir au cours des mouvements rendus nécessaires par la toilette. C’est pourquoi, il est préférable de ne pas le mobiliser deux fois, une pour la toilette, puis une autre pour les soins. Une piqûre, par exemple, sera faite quand la personne est tournée à cette occasion. Par ailleurs, la toilette peut permettre de s’apercevoir de l’apparition d’escarres et de réaliser les soins nécessaires. Lors de la toilette, le constat des progrès peut donner confiance au patient, et l’infirmière doit lui signaler tout progrès concernant un handicap. Car le malade ne s’en rend pas toujours compte tout seul. Cela doit d’autant moins être négligé que cela peut l’encourager à retrouver la capacité de faire certains gestes. L’objectif consiste bien souvent à motiver le patient pour qu’il accepte et considère toutes ses possibilités. Il faut faire appel à tous les gestes dont le patient est capable et à la fin de la toilette, bien l’installer et lui permettre de se sentir mieux. Maintenir la communication La toilette est un moment privilégié pour échanger des informations. Certains patients perdent la cohérence de la compréhension, d’autres seulement celle de l’expression. Ils en restent bien souvent à ce stade quand il s’agit d’une difficulté d’entendement. Il arrive, à l’opposé, que l’incapacité ne porte que sur l’expression. Des personnes disent un mot à la place d’un autre. Ce qu’elles disent n’est pas ce qu’elle croient dire. Elles prononcent “oui” quand elles veulent répondre “non”. Mais cela ne veut pas dire qu’elles n’ont rien compris. De telles personnes se trouvent murées par ces difficultés de communication verbale et il ne faut surtout pas arrêter de leur parler. Les conséquences psychologiques pouvant être fortes si la personne malade se sent incomprise. Au cours des soins, comme de la toilette, il faut être capable de comprendre l’état psychologique et l’attitude de la personne. Ainsi, des patients aphasiques ne peuvent pas parler et ne s’expriment que par le regard. Ils entendent et comprennent, mais ne peuvent s’exprimer. La relation existe quand même mais autrement qu’oralement. Les 1 001 facettes de la toilette La toilette constitue un moment privilégié. C’est un temps d’éducation et de soins. C’est un temps relationnel. Le patient peut poser des questions, aborder un sujet qui l’inquiète. L’infirmière donne alors la réponse ou explique les prescriptions et les objectifs. Soins Libéraux La toilette répond également à des critères d’hygiène, de sécurité, de confort et d’ergonomie pour le soignant. Même avec des patients lourds, l’infirmière doit apprendre à ménager son dos. Le lit à hauteur variable doit lui permettre d’installer le patient comme il faut, ce dernier, bien installé devant alors être tourné “en bloc”. La toilette comporte de nombreux petits soins d’yeux, d’oreilles, de bouche et de prothèse dentaire, de nez, d’ongles et de sondes. Des shampooings peuvent être effectués au lavabo. Ils peuvent être faits au lit, à l’aide d’une bouée munie d’un fond et d’un tuyau, que l’on installe à la tête du lit. Des bains de pieds peuvent être faits au fauteuil ou au lit. Les soins de visage sont prodigués dans le respect des produits que préfère le patient. On utilisera le lait pour le visage qu’il a l’habitude d’utiliser. Il faut adapter la toilette aux difficultés. Certaines personnes âgées présentent des hydrocéphalies. Une personne atteinte de cette affection démentielle ne voit pas la nécessité de certains gestes comme la toilette. Elle n’en comprend pas le sens. Les tumeurs cérébrales provoquent, elles, des déficits moteurs. Elles peuvent susciter des hémorragies méningées. Un anévrisme peut ressaigner. C’est la raison pour laquelle il faut éviter tout effort à ce type de patients durant la toilette. La toilette permet d’appréhender également le déficit neurologique au niveau des quatre membres. Elle permet au soignant de noter si la personne est réceptive au chaud, au froid, au massage. Un gant et de l’eau froide permettent de tester les réactions et d’enregistrer les progrès. L’observation de la pupille met en évidence la souffrance neurologique, à travers l’inégalité pupillaire. Le travail en binôme aide-soignante et infirmière est précieux. Et l’évaluation est facilitée si le même binôme a l’habitude de travailler ensemble. Elle permet d’envisager une progression. Si le patient ressent de fortes douleurs à la mobilisation, il faut veiller à faire une injection de morphine une heure avant la toilette. Par ailleurs, il faut aussi rester attentif aux risques de chutes chez les patients tétraplégiques ou paraplégiques. L’attitude psychologique de la personne compte et interfère avec l’évolution physiologique. Certains peuvent faire, dans leur lit, bien plus qu’ils ne le pensent, s’ils sont encouragés. A l’opposé, d’autres patients semblent se laisser aller et en font le minimum. Dans bien des cas, c’est aux soignants de créer les conditions d’un progrès et de leur rappeler que plus vite ils seront autonomes, plus leur qualité de vie progressera. Respecter la pudeur La toilette doit respecter la pudeur de la personne, même si le corps est mis à nu et si elle se déroule à domicile. Certaines zones restent toujours couvertes. Quand la toilette porte sur la zone du tronc, seul le haut du corps est dévêtu. S’il s’agit de la toilette intime, on lui laisse quelque chose sur le haut du corps. Un rasage attentionné, comme un coup de peigne, participent à l’estime de soi que les soignants doivent privilégier pour aider la personne à accepter son altération. La toilette donne, au-delà de l’aide à une activité quotidienne, l’occasion de découvrir les inquiétudes du malade dépressif ou anxieux. C’est un moment privilégié pour évaluer la souffrance psychique. Elle apparaît quand les patients pleurent ou gémissent. Leur faciès permet aussi de noter la souffrance psychique. C’est une donnée importante pour les soignants. Il peut être utile d’en informer le médecin. Faire face à l’agressivité Le travail avec une aide-soignante permet de mieux élaborer l’attitude juste face à un patient agressif, vis-àvis duquel on ne sait pas toujours quel comportement adopter. Il faut essayer de rester calme et de ne pas manifester à son tour d’agressivité. Il peut être judicieux de ne pas se montrer autoritaire avec une personne qui s’en irrite de façon systématique. En maison de retraite par exemple, les soignants préfèrent ne pas rentrer seuls dans la chambre de certains pensionnaires très agités. Pour certains patients la contention est nécessaire mais doit être réservée à des cas extrêmes et bien définis. Il s’agit notamment de patients présentant des troubles psychiatriques associés à des troubles neurologiques, ayant un comportement agité après un AVC, ou souffrant de maladie d’Alzheimer. Ces personnes ressentent de manière exacerbée la moindre des attitudes des soignants. Certaines personnes se sentent parfois agressées quand elles sont simplement incitées à réaliser une tâche et peuvent être agressives à leur tour. Être deux lors de la toilette permet de réagir, et surtout, d’élaborer ce qu’il est souhaitable de faire. Le soignant agressé n’est pas toujours le plus à même de réaliser où se situe le problème. L’autre peut plus facilement voir la raison pour laquelle le patient est agressif. En débattre avec le collègue permet de mieux gérer ce type situation. Enfin, le collègue peut aussi servir de témoin, si le patient va se plaindre. Si l’on ne fait pas l’économie de la toilette elle doit être faite à l’économie. Car la toilette obéit également à des critères d’efficacité et de rapidité d’exécution. Avant la fin de la toilette, il importe de prévenir les escarres. Il faut repérer tout point de pression ou de frottement. Puis il faut opter pour une posture pour chaque patient : position allongée, assise, le haut du lit élevé à 30 °. Tous ces soins relèvent de la qualification des infirmières dans la mesure où ils constituent des soins préventifs d’une complication découlant d’une perte d’autonomie, curatifs des conséquences d’une maladie entraînant une perte d’autonomie, ou palliatifs en ce qu’ils visent à accompagner une personne en fin de vie. Lucie Galion 39 Infos ... Les aides à domicile L’aide humaine apportée aux personnes dépendantes est accomplie par les aides à domicile dont la formation est définie par l’arrêté du 28 juillet 1995. Il est modifié par le Décret N° 2002 – 410 du 26 mars 2002 qui crée un Diplôme d’État d’Auxiliaire de Vie Sociale. Les auxiliaires de vie sociale interviennent auprès des familles, des enfants, des personnes âgées, des personnes malades, des personnes handicapées pour une aide à la vie quotidienne, le maintien à domicile. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 63 • mai 2005