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V / Intérêt philosophique du texte
* Ce texte nous plonge manifestement dans une polémique : sommes-nous des êtres de matière soumis à des lois
physiques déterminées et donc déterminables ?
On pouvait penser à Spinoza qui présente dans la Lettre à Schuller la liberté humaine comme une illusion produite par
notre conscience. « L'homme n'est pas une empire dans un empire », et si nous croyons être libres c'est seulement
parce que nous sommes conscients de nos désirs et ignorants des causes qui les déterminent. Le terme d'illusion
employé par Popper montre bien qu'il se situe dans le même registre de critique que Spinoza. Ainsi pouvons-nous
croire être des êtres uniques et irremplaçables, parfois géniaux comme un intellectuel ou un musicien auteur
compositeur, alors que derrière ces grands noms (Popper, Einstein, Mozart ou Beethoven), il n’y a que des corps dont
les mouvements sont reproductibles, imitables, prédictibles. Si tout est matière, si le matérialisme et le déterminisme
physique sont des théories philosophiques et scientifiques valides, alors il en est ainsi : l'esprit d'un physicien, celui d'un
musicien ou le mien ne sont rien d’autres que des épiphénomènes de la matière, une matière partout semblable dans
son mouvement, et obéissant aux mêmes lois.
* Pour autant peut-on renoncer à l’esprit comme étant l’autre de la matière, comme étant ce qui introduit dans la matière
une puissance qui n'est pas soumise au même ordre de nécessité ? L’application du déterminisme physique à l'esprit de
l'homme est impensable simplement parce qu’il est absurde : nous ne sommes pas des automates, nous ne sommes
pas des rouages d’une énorme machine. La musique, le travail de la pensée, voilà ce qui prouve que tout n’est pas
matière, que l’esprit n’est pas réductible aux cellules de notre cerveau sans lesquelles pourtant il n'existerait pas ! La
conscience comme chez Bergson ne peut être éliminée : il y a de la créativité dans le monde, c’est donc que le monde
n’est pas un gigantesque automate où tout se répéterait selon les mêmes lois aux variations de circonstances près. Il y
a de l'imprévisible et de l'original, c'est-à-dire des formes qui ne peuvent pas être anticipées rationnellement et qui ne
peuvent pas non plus être réduites au modèle de ce qui a déjà eu lieu par le passé.
* Avant Popper, le problème avait été posé dans des termes très proches par Kant dans la Critique de la faculté de
juger . Il déclare en effet au § 47 : « Newton pouvait rendre parfaitement clair et déterminés non seulement pour
lui-même, mais aussi pour tout autre et pour ses successeurs tous les moments de la démarche qu'il dut accomplir,
depuis les premiers éléments de la géométrie jusqu'a ses découvertes les plus importantes et les plus profondes ; mais
aucun Homère ou aucun Wieland ne peut montrer comment ses idées riches de poésie et toutefois en même temps
grosses de pensées surgissent et s'assemblent dans son cerveau parce qu'il ne le sait pas lui-même et aussi ne peut
l'enseigner à personne. » La distinction opérée ici est essentielle pour comprendre les limites du déterminisme physique
qui ne peut s'appliquer en toute logique qu'à des objets susceptibles de formalisation dans le langage et les opérations
des mathématiques (c'est en effet la mathématisation du monde depuis Galilée qui a permis de définir le déterminisme
physique). L'opposition kantienne entre Newton et Homère montre au contraire la différence entre un phénomène défini
généralement par des caractéristiques et des propriétés communes à tous les phénomènes du même genre et
conséquemment réductible à des équations, et un individu singulier, et parmi les individus singuliers, les plus singuliers
qui soient, les génies.
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corrigé bac 2014
Examen : Bac L
Epreuve : Philosophie
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