Plaquette intro public - Aix*Marseille Université

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Introduction
au droit public
Cours présenté par Guillaume Ciccolini
2012/2013
Aix-Marseille Université
Parcours administration - L1 - 2nd semestre
Guillaume Ciccolini
[email protected]
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Chapitre introductif :
La place du droit public
I- Définition du droit
S’agissant de définir la notion de droit, la difficulté vient de ce que le terme est
polysémique. Ainsi, le terme a deux acceptions principales.
Au singulier, le terme droit désigne l’ensemble des normes obligatoires qui s’imposent
aux membres de la société. On parle alors du droit objectif. Exemple : le juge applique
le droit.
Au pluriel, le terme prend un autre sens puisqu’il désigne des prérogatives accordées
aux individus. Ces droits étant variables en fonction des individus concernés, on parle
de droits subjectifs. Exemple : j’ai le droit d’utiliser cette voiture puisque j’en suis
propriétaire.
II- Les caractéristiques de la règle de droit objectif
1- Une règle abstraite
La principale caractéristique de la règle de droit est d’être abstraite, c’est-à-dire qu’elle
s’applique de façon générale, et non pas à une personne nommément désignée. Les
normes sont faites pour s’appliquer à tous ou à une catégorie ouverte de personnes
(exemple : les locataires, les salariés, les consommateurs, etc.).
Une norme peut même ne concerner qu’une seule personne, mais sans qu’il soit fait
référence à sa personne. C’est sa qualité qui est visée. Ainsi, l’article 68 de la
Constitution traite de la responsabilité pénale du président de la République. Certes, il
n’existe qu’un seul président, cependant, la règle ne s’applique pas à François Hollande
en tant que tel, mais au président de la République qui se trouve aujourd’hui être
François Hollande.
Dès lors qu’une règle est faite pour s’appliquer à des personnes nommément
désignées, ce ne sont plus des règles de droit, mais des décisions.
2- Une règle obligatoire
Le caractère obligatoire de la règle de droit est fondamental car c’est ce qui la distingue
de la règle de morale. En effet, c’est précisément le caractère coercitif qui différencie
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par exemple l’interdiction juridique de voler et la règle morale selon laquelle il faut
laisser sa place aux personnes âgées dans les transports en commun.
Le non respect de cette règle de morale entraînera tout au plus l’opprobre générale,
tandis que le fait de commettre un vol est susceptible d’entraîner une sanction pénale.
Ainsi, pour qu’une règle puisse être considérée comme une norme, au sens juridique
du terme, il faut qu’elle soit coercitive, c’est-à-dire que les tribunaux pourront imposer
son application.
III- La summa divisio
Le droit objectif comprend donc l’ensemble des normes juridiques. Cependant, ces
différentes normes peuvent être distinguées selon le domaine sur lequel elles portent.
Ainsi, on distingue tout d’abord deux grandes branches du droit : le droit privé et le
droit public. C’est ce que l’on appelle la summa divisio.
Le droit privé regroupe l’ensemble des règles régissant les rapports entre les personnes
de droit privé, c’est-à-dire les personnes physiques (les individus) et les personnes
morales (les sociétés, les associations, les fondations, etc.). Il arrive même que le droit
privé régisse les rapports entre des personnes de droit privé et l’administration dans de
rares hypothèses, notamment quand l’administration se comporte comme tout un
chacun.
Le droit public comprend l’ensemble des règles organisant l’Etat et ses
démembrements et régissant les rapports entre la puissance publique et les personnes
de droit privé. On distingue au sein de cette catégorie trois composantes :
- le droit constitutionnel, qui traite de l’organisation des pouvoirs et des relations entre
les différentes institutions de l’Etat ;
- le droit administratif qui comprend les règles dérogatoires au droit commun,
applicables à l’administration ;
- les finances publiques, c’est-à-dire les règles relatives aux ressources et aux dépenses
de l’Etat.
L’existence du droit administratif, dérogatoire du droit commun, s’explique par la
particularité de l’action de l’administration qui, afin poursuivre son but de satisfaction de
l’intérêt général, est conduite à exercer des «prérogatives de puissance publique».
Autrement dit, l’administration dispose de pouvoirs qu’elle est la seule à posséder. Elle
pourra, par exemple, procéder à une expropriation en vue de satisfaire l’intérêt général,
chose qu’un particulier ne pourra bien évidemment pas faire.
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Ainsi, dès lors que l’administration dispose de pouvoirs particuliers en vue de satisfaire
un intérêt supérieur, puisque général, il apparaît normal de la soumettre à un droit qui
tient compte de cette particularité.
Par ailleurs, c’est également un juge particulier qui sera amené à juger l’administration
et à appliquer le droit administratif. C’est pourquoi l’on parle de deux ordres
juridictionnels : l’ordre judiciaire qui applique le droit privé et l’ordre administratif qui
applique le droit administratif.
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Première partie :
L’administration
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Chapitre I :
Le principe de légalité
Section préliminaire :
La notion d’Etat de droit et le principe de légalité
L’Etat de droit peut être défini comme celui dans lequel tous les organes de l’Etat et, de
manière plus générale, toutes les personnes publiques ou privées, sont soumises au
respect de la règle de droit, autrement dit au droit objectif. Par ailleurs, l’Etat se doit de
respecter la hiérarchie des normes, telle qu’elle a été théorisée par Hans Kelsen,
célèbre juriste autrichien du début du XXème siècle.
Ainsi, pour ce qui nous concerne, l’action de l’administration sera encadrée par un
certain nombre de normes qu’il nous faut donc étudier. C’est pourquoi nous allons
désormais nous intéresser aux différentes sources du droit.
Section I :
Les sources du droit
I- Les sources internes
1- Les sources à proprement parler
1.1- Les normes constitutionnelles
Une constitution est la norme juridique qui fonde à la fois un régime politique et un
système normatif. Elle a donc deux fonctions.
La première fonction consiste à définir les institutions et leur fonctionnement. Ainsi c’est
dans la constitution que l’on trouve le principe de la séparation des pouvoirs, qui est
indispensable dans un Etat de droit. La constitution apporte donc des limitations à
l’exercice du pouvoir, afin que celui-ci ne soit pas accaparé par un seul ou par un
groupe.
Ainsi, une constitution définit l’organisation des pouvoirs publics, la répartition des
pouvoirs, les modes de désignation des différentes autorités publiques.
Mais la deuxième fonction est de définir un système normatif. En effet, chaque Etat
dispose d’un ensemble de normes qui lui est propre et que l’on appelle l’ordre normatif
interne. Cet ordre normatif est composé d’éléments hétérogènes, adoptés selon des
procédures différentes. C’est la constitution qui définit quelles sont ces procédures.
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Par ailleurs, une constitution définit souvent quels sont les droits et libertés
fondamentaux de l’Etat qui s’imposeront à l’ensemble du système normatif. C’est-à-dire
que les normes inférieures à la Constitution devront nécessairement respecter les droits
et libertés qui y sont énoncés.
Ainsi, une constitution est par nature la norme suprême d’un régime politique. C’est
d’ailleurs ce qui explique qu’elle est adoptée sous une forme solennelle et qu’elle est
généralement soumise à ratification par référendum.
Elle peut être modifiée, mais ces modifications ne peuvent intervenir que selon une
procédure particulièrement lourde à mettre en oeuvre. On ne doit pas pouvoir changer
de constitution comme on vote une loi.
Ainsi, la procédure actuelle de révision de la Constitution est relativement lourde,
puisque le projet de révision doit être adopté par les deux assemblées et doit ensuite
être ratifié, soit par référendum à la majorité simple, soit par un vote du Congrès
(réunion des deux chambres) à la majorité des trois cinquièmes.
1.1.1- La Constitution du 4 octobre 1958
L’acte fondateur de notre régime politique, la Vème République, est la Constitution du 4
octobre 1958.
Elle compte 117 articles qui définissent un régime politique républicain, dans lequel le
pouvoir législatif est bicaméral, c’est-à-dire qu’il est confié à deux chambres :
l’Assemblée Nationale et le Sénat ; et dans lequel le pouvoir exécutif est exercé par le
président de la République, mais surtout par le Premier ministre et le Gouvernement.
Elle définit quels sont les pouvoirs de toutes ces institutions, ainsi que leurs modes de
désignation.
Elle prévoit également les modes d’adoption des normes inférieures composant
l’essentiel du système normatif : les lois et les règlements.
En revanche, elle ne consacre presque aucun droit ou liberté fondamental. On peut
simplement noter que l’article 1er énonce une interdiction de principe de toute
discrimination.
1.1.2- Le bloc de constitutionnalité
En 1971, à l’occasion du contrôle de la constitutionnalité d’une loi portant atteinte à la
liberté d’association, le Conseil constitutionnel s’est trouvé face à un dilemme. La loi
qu’il devait contrôler n’était manifestement pas compatible avec l’esprit de notre
République. Cependant, comme nous venons de le voir, la Constitution ne consacre
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quasiment aucun droit ou liberté fondamentale, si bien qu’il ne pouvait sanctionner la
loi en se basant uniquement sur la Constitution de 1958.
Le Conseil eut alors recours à un raisonnement pour le moins audacieux en utilisant les
renvois effectués dans le préambule de la Constitution de 1958. En effet, il y est fait
référence à la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (DDHC), ainsi
qu’au préambule de la Constitution de 1946 qui, lui-même, fait référence à des
principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
Dès lors, le Conseil constitutionnel considéra que ces renvois successifs permettaient
de donner une valeur constitutionnelle aux textes dont il était question. Ce faisant, le
Conseil put affirmer que la liberté d’association était un droit constitutionnellement
garanti et sanctionner la loi en ce qu’elle portait atteinte à ce droit.
Ainsi, les normes ayant valeur constitutionnelle ne se limitent plus désormais à la seule
Constitution de 1958. Il existe désormais un «bloc de constitutionnalité» comprenant la
Constitution de 1958, le préambule de la Constitution de 1946, la DDHC de 1789, les
principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et la Charte
environnementale de 2004. L’intérêt de ces textes est qu’ils définissent un socle de
droits et libertés fondamentaux que les normes inférieures doivent nécessairement
respecter.
Ainsi, la DDHC énonce des droits protégeant l’individu contre l’arbitraire de l’Etat
(égalité devant la loi, liberté de conscience et d’expression, droit à la liberté, à la
propriété, à la sûreté, à la résistance à l’oppression, principe de la légalité des peines)
dits droits de première génération.
Le préambule de la Constitution de 1946 énonce quant à lui des droits dits de
deuxième génération, qui protègent l’individu dans le cadre de ses relations sociales,
notamment en sa qualité de travailleur (droit de grève, liberté syndicale, droit au travail,
droit à l’égalité hommes / femmes, droit à la protection de la santé, droit à l’éducation,
droit à un revenu minimum permettant d’assurer des moyens convenables d’existence,
droit à l’enseignement public et gratuit, etc.).
Enfin, la Charte environnementale de 2004, qui a été ajoutée au bloc de
constitutionnalité par une révision constitutionnelle de 2005, énonce des droits dits de
troisième génération, relatifs à la relation entre l’homme et son environnement. Elle
consacre des principes particulièrement importants comme le droit de vivre dans un
environnement équilibré et respectueux de la santé, le devoir de préserver
l’environnement, le principe pollueur payeur et le principe de précaution.
Mais malgré ces trois textes, certains principes républicains fondamentaux n’étaient pas
garantis par le bloc de constitutionnalité. C’est pourquoi le Conseil constitutionnel a mis
en place les PFRLR, qui permettent de donner valeur constitutionnelle à des principes
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républicains qui, jusqu’à présent, n’avaient l’objet que de lois, mais ont été d’application
constante en régime républicain.
Parmi ces PFRLR, on compte la liberté d’association, les droits de la défense pénale, la
liberté individuelle, la liberté d’enseignement, l’existence d’une justice pénale des
mineurs, etc.
Précisons pour en terminer sur ce point que l’expression de bloc de constitutionnalité a
été retenue pour souligner que les normes le composant ont toutes la même valeur. Il
n’existe aucune hiérarchie entre ces normes. Elles forment donc un bloc homogène.
1.2- Les lois organiques
Sans entrer dans le détail car ces lois organiques n’ont pas une grande importance dans
ce cours d’introduction au droit public, notons simplement qu’elles permettent de
compléter la Constitution afin de préciser l’organisation des pouvoirs publics.
En effet, la rédaction de la Constitution est, par définition, très générale, si bien qu’il est
nécessaire de la préciser par le biais de ces lois organiques. C’est la Constitution ellemême qui renvoie aux lois organiques afin de préciser la disposition générale ainsi
énoncée.
Exemple : article 61-1 de la Constitution de 1958
Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu
qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution
garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question du renvoi du
Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation, qui se prononce dans un délai
déterminé.
Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article.
Le terme de loi concernant les lois organiques peut être trompeur car il ne s’agit pas
d’une loi ordinaire. Leur procédure d’adoption est renforcée par rapport à une loi
ordinaire.
1.3- Les normes à valeur législative
Plusieurs types de normes ont la même valeur que les lois ordinaires. Il s’agit des
ordonnances régulièrement ratifiées, des lois référendaires et des décisions prises,
dans le domaine législatif, sous l’empire de l’article 16 de la Constitution de 1958. Par
mimétisme, on appelle cet ensemble de normes le bloc de légalité, pour signifier
l’absence de hiérarchie entre celles-ci.
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1.3.1- Les lois ordinaires
Lorsque, dans le langage courant, on parle d’une loi, on désigne systématiquement les
lois ordinaires et non pas les lois organiques, lesquelles, on l’a vue, relèvent d’une
catégorie particulière de normes.
Le qualificatif d’ordinaire signifie que la loi est adoptée, par le Parlement, selon la
procédure ordinaire. La loi se définit donc par son auteur et par sa procédure
d’adoption. C’est donc un critère formel qui est retenu.
1.3.1.1- La procédure législative
L’initiative de la loi appartient conjointement au Gouvernement et au Parlement. On
parle d’un projet de loi lorsque le Gouvernement en est à l’origine, d’une proposition
de loi lorsque c’est le Parlement.
Le projet ou la proposition de loi, pour être adopté, devra être voté dans les mêmes
termes par l’Assemblée nationale et le Sénat.
Ainsi, le texte sera tout d’abord discuté au sein d’une assemblée qui éventuellement
modifiera le texte par son pouvoir d’amendement. Une fois voté, le texte est transmis à
l’autre assemblée qui suit une procédure identique.
Tant que les deux chambres n’ont pas adopté un texte identique, le projet ou la
proposition de loi passe d’une chambre à l’autre. C’est pourquoi l’on désigne cette
phase par l’expression de «navette législative».
Si à l’issue de deux lectures dans chacune des chambres, aucun consensus n’émerge, le
Premier ministre ou les présidents des assemblées peuvent décider de la réunion d’une
commission mixte paritaire, composée de 7 députés et 7 sénateurs, qui sera chargée de
trouver un texte de compromis.
Le cas échéant, le texte ainsi adopté est alors renvoyé à chaque assemblée pour une
dernière lecture. Si les chambres ne parviennent toujours pas à un accord, l’Assemblée
nationale pourra, dans certains cas, avoir le dernier mot, c’est-à-dire que la loi sera
considérée comme adoptée en dépit du désaccord du Sénat. C’est d’ailleurs cette
possibilité qui permet d’affirmer que le bicaméralisme français est légèrement
inégalitaire, puisqu’une chambre peut l’emporter sur l’autre.
Une fois que la loi a été adoptée par les deux chambres dans les mêmes termes, le
président de la République doit la promulguer par décret dans un délai de quinze jours,
laissant ainsi le temps à une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel. Dans cette
hypothèse, la promulgation sera reportée et n’interviendra qu’après la décision du
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Conseil constitutionnel, et uniquement pour la partie de la loi déclarée conforme à la
constitution.
Durant ce délai de promulgation, le président de la République peut éventuellement
demander un nouvel examen de la loi par le Parlement. Toutefois, cette procédure est
extrêmement rare.
En principe, la loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation ou, le cas échéant,
à la date qui a été fixée par la loi. Une fois entrée en vigueur, la loi a force obligatoire et
elle conserve cette force tant qu’elle n’est pas abrogée. L’abrogation peut être formelle,
mais aussi implicite lorsqu’une nouvelle loi incompatible rend l’ancienne caduque. La
désuétude n’est pas, en principe, un motif d’abrogation. Cependant, cela revient au
même, puisque la loi désuète ne sera plus appliquée.
1.3.1.2- Le domaine de la loi
Le législateur ne peut pas intervenir dans n’importe quelle matière. En effet, la
Constitution de 1958 a établi les domaines respectifs de la loi et du règlement dans ses
articles 34 et 37. L’article 34 énonce une liste de matières dans lesquelles le législateur
peut intervenir. Ensuite, l’article 37 énonce que tout ce qui ne relève pas, au terme de
l’article 34 principalement, du domaine de la loi, est du domaine du règlement.
Ainsi, pour ne citer que les principaux domaines de compétence législative, la loi fixe
les règles concernant :
- les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour
l’exercice des libertés publiques ;
- la nationalité, l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les
successions et les libéralités ;
- la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables, la
procédure pénale, l’amnistie, la création de nouveaux ordres de juridictions, les
magistrats ;
- l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures,
le régime d’émission de la monnaie ;
- principes fondamentaux en matière d’organisation générale de la défense nationale ;
- l’enseignement :
- la préservation de l’environnement ;
- régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;
- droit du travail, syndical et de la sécurité sociale.
Ainsi, le Parlement ne peut empiéter sur le domaine de l’exécutif. L’article 41 de la
Constitution permet même au Premier ministre de demander au Conseil constitutionnel
de retirer la valeur législative d’une loi portant sur le domaine législatif. Si le Conseil
procède au déclassement de la loi, la conséquence est qu’elle pourra être modifiée ou
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abrogée par un simple règlement. C’est d’ailleurs la seule hypothèse dans laquelle un
règlement peut porter atteinte à une loi. Normalement, seul le législateur ou le Conseil
constitutionnel peut aller à l’encontre d’une loi.
1.3.1.3- Lois impératives et supplétives
Les lois peuvent être impératives ou supplétives.
Une loi impérative est une loi dont il n’est pas permis d’écarter l’application,
généralement pare qu’elle protège des intérêts particuliers ou généraux. Il s’agit
souvent de protéger la partie la plus faible dans une relation déséquilibrée (salarié /
employeur ; consommateur / industrie).
En revanche, il est permis de déroger au lois supplétives, par le biais de conventions
particulières. La loi est donc supplétive car elle s’impose, sauf volonté contraire. Par
exemple, si les parties n’ont rien prévu du moment où doit intervenir le paiement lors
d’une vente, ce paiement devra intervenir au moment de la livraison.
1.3.1.4- La non rétroactivité de la loi
La loi s’applique de son entrée en vigueur jusqu’à son abrogation. La loi n’est donc, par
principe, pas rétroactive, c’est-à-dire qu’elle ne peut être appliquée à des situations
antérieures à la publication de la loi. Ce principe découle de l’impératif selon lequel la
loi doit être prévisible. L’adage dit que nul n’est censé ignorer la loi. Mais encore faut-il
pouvoir la connaître.
Cependant, ce principe connaît de multiples dérogations. Ainsi, la loi pénale moins
sévère est rétroactive. Cela paraît logique dans la mesure où de telles mesures
constituent généralement un alignement du droit sur la société. Ainsi, lorsque
l’homosexualité a cessé d’être une circonstance aggravante, il est bien évident qu’elle
n’a pas été retenue dans les condamnations de délinquants ayant commis une infraction
avant ladite modification du droit.
En revanche, et c’est là un principe fondamental dans un Etat de droit, la loi pénale plus
sévère ne peut en aucun cas être rétroactive. Cela serait contraire au principe
constitutionnel de la légalité des délits et des peines.
En matière civile, des exceptions existent aussi, mais demeurent, fort heureusement,
limitées. Il faut notamment que la rétroactivité soit justifiée par l’intérêt général.
1.3.2- Les ordonnances ratifiées
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Le terme d’ordonnance désigne, dans la Constitution de 1958, des actes pris par le
Gouvernement dans le domaine de la loi, en vertu d’une habilitation législative.
L’article 38 de la Constitution permet au Gouvernement de demander au Parlement
d’intervenir en matière législative pour une durée limitée, et sur un ou des domaines
particuliers, en déposant un projet de loi allant dans ce sens et déterminant clairement
du durée de l’habilitation et la matière sur laquelle va porter l’ordonnance. Ainsi,
l’habilitation ne peut en aucun cas être trop générale. Ce projet de loi deviendra, s’il est
adopté par le Parlement, une loi d’habilitation.
Les projets d’ordonnance sont ensuite élaborés par le Gouvernement et sont soumis,
pour avis, au Conseil d’Etat. Ils sont ensuite adoptés en Conseil des ministres. Le décret
est signé par le Premier ministre et est contresigné par le président de la République.
Une fois signées, les ordonnances sont immédiatement publiées. Il n’y a donc pas de
promulgation.
Les ordonnances disposent donc de la qualité d’actes réglementaires, tant qu’elles n’ont
pas été ratifiées par le Parlement. Ce n’est qu’après avoir été ratifiées qu’elles disposent
rétroactivement d’une valeur législative. Dès lors, le juge administratif peut être amené
à vérifier la légalité d’une ordonnance avant que celle-ci ne soit ratifiée.
1.3.3- Les lois référendaires
Les lois référendaires sont adoptées à l’issue de la procédure du référendum législatif,
prévue par l’article 11 de la Constitution de 1958.
Les lois référendaires ne peuvent porter que sur certains objets :
- l’organisation des pouvoirs publics ;
- la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences
sur le fonctionnement des institutions ;
- sur des réformes relatives à la politique économique, sociale et environnementale de
la nation et aux services publics qui y concourent.
C’est le président de la République qui dispose de l’initiative en la matière, de façon
discrétionnaire. Pour autant, ce pouvoir n’est pas autonome, puisque le président de la
République ne peut agir que sur proposition du gouvernement ou du Parlement.
Il s’agit donc d’un pouvoir discrétionnaire, mais non autonome, c’est-à-dire que le
président ne peut pas organiser un référendum sans proposition, mais il n’a aucune
obligation d’en organiser un en cas de proposition.
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Lorsque qu’un référendum est décidé, c’est donc le peuple qui vote directement pour
ou contre le projet de loi référendaire. Il s’agit donc de la seule hypothèse dans laquelle
la loi est l’expression de la souveraineté populaire, et non de la souveraineté nationale.
Lorsque la loi référendaire a été acceptée par le peuple, elle doit être promulguée dans
les quinze jours suivant la proclamation des résultats, sans que le Conseil
constitutionnel puisse être saisi afin d’en contrôler la constitutionnalité.
Précisons que cette procédure a été utilisée à deux reprises de façon inconstitutionnelle
pour adopter de révisions constitutionnelles, et non de simples lois référendaires : le 28
octobre 1962 pour l’élection du président de la République au suffrage universel direct
et le 27 avril 1969 pour la révision sur la régionalisation et la réforme du Sénat.
Jusqu’à présent, 8 référendums législatifs ont été organisés sous la Vème République et
deux seulement ont eu un résultat négatif : celui de 1969 ayant conduit à la démission
de Charles de Gaulle et celui du 29 mai 2005 visant à ratifier le traité portant
constitution européenne.
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a également instauré une nouvelle
procédure référendaire, dite d’initiative minoritaire. L’initiative de cette procédure doit
reposer à la fois sur 1/5ème des membres du Parlement et sur 1/10ème des électeurs.
Cependant, les conditions exigées pour mettre en œuvre cette procédure sont très
rigoureuses et son utilisation risque d’être, pour le moins, exceptionnelle.
1.3.4- Les décisions législatives de l’article 16 de la Constitution
L’article 16 de la Constitution conduit à confier au président de la République des
pouvoirs exceptionnels en cas de crise grave, sous certaines conditions.
Cet article permet au président de prendre toutes les mesures exigées par les
circonstances sans se soucier de la répartition normale des compétences. Il peut donc
intervenir aussi bien en matière réglementaire qu’en matière législative. Ces mesures
portent le nom de décisions.
Les décisions du président de la République portant sur le domaine législatif ont donc
la même autorité qu’une loi et elles conservent cette autorité même une fois que les
circonstances exceptionnelles ont disparu.
1.4- Les principes généraux du droit
Les principes généraux du droit forment une catégorie à part parmi les sources
traditionnelles du droit car il s’agit de principes généraux dégagés par le juge
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administratif à partir de textes normatifs, qu’ils soient législatifs, constitutionnels ou
même communautaires.
Ces principes ont une autorité supérieure aux règlements, c’est-à-dire qu’ils s’imposent
au pouvoir réglementaire qui est obligé de les respecter. En revanche, ils ont une valeur
infralégislative, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent contraindre le législateur.
Exemples de principes généraux du droit :
-
liberté du commerce et de l’industrie
égalité des usagers devant le service public
égalité devant l’impôt
interdiction d’extrader un réfugié politique
droits de la défense en matière administrative
publicité des débats devant les juridictions de l’ordre judiciaire
principe de non rétroactivité des actes administratifs
1.5- Les règlements
Les règlements sont les actes normatifs édictés par les différentes autorités de l’exécutif,
que ce soit au niveau central, déconcentré ou décentralisé. Ce sont donc des règles de
droit objectif, générales et abstraites, à la différence des actes administratifs individuels
qui sont également pris par ces mêmes autorités administratives mais qui, eux,
désignent nommément une ou plusieurs personnes (par exemple un permis de
construire).
Les actes réglementaires peuvent intervenir soit dans des domaines législatifs, en
application de la loi, soit dans des domaines qui appartiennent de façon exclusive au
pouvoir exécutif. On parle ainsi de règlement pris en application de la loi ou de
règlements autonomes.
Les règlements d’application peuvent être pris soit lorsque la loi demande
explicitement au Gouvernement un décret (ce qui permet à la loi de ne pas entrer trop
dans le détail et de ne pas perdre son caractère général), soit à la libre initiative de
l’autorité exécutive qui décide de préciser une disposition législative (cette possibilité
est plus discutable).
Les règlements autonomes peuvent intervenir, au terme de l’article 37 de la
Constitution, dans toutes les matières qui, au terme de la Constitution, notamment de
l’article 34, ne relèvent pas du domaine de la loi.
Les actes réglementaires prennent soit le nom de décrets, soit celui d’arrêtés.
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1.5.1- Les décrets
Les décrets sont les actes réglementaires les plus importants. Dans quelques
hypothèses particulières (nominations, décisions politiques, etc.), le président peut
prendre des décrets présidentiels, c’est-à-dire des décrets qui ne sont pas contresignés
par le Premier ministre. Le Premier ministre peut également signer seul des décrets, en
vertu de son pouvoir réglementaire autonome. On parle, dans ces deux hypothèses, de
décrets simples.
Sinon, les décrets sont généralement signés par le président de la République et le
Premier ministre, en Conseil des ministres. On les appelle des décrets pris en Conseil
des ministres.
Certains décrets nécessitent que le Conseil d’Etat soit entendu sur le projet de décret.
On parle alors de décret en Conseil d’Etat. L’avis du Conseil d’Etat n’est pas alors
obligatoire, c’est-à-dire que l’autorité qui prend le décret n’est pas obligée de respecter
l’avis du Conseil d’Etat, même si, dans la pratique, elle s’y conforme généralement.
Les ministres ne disposent pas a priori du pouvoir réglementaire, sauf lorsque cette
compétence leur est attribuée par la loi ou la jurisprudence pour l’administration de leur
département ministériel, ou éventuellement sur délégation du Premier ministre.
1.5.2- Les arrêtés
Les arrêtés sont des actes administratifs réglementaires qui peuvent émaner d’autorités
diverses : un ministre, un préfet, un président de conseil régional, un président de
conseil général, un maire, un président d’établissement public, d’autorité administrative
indépendante ou un chef de juridiction.
Les arrêtés peuvent être pris soit en application d’un décret ou d’une loi, soit en vertu
d’un pouvoir autonome de l’autorité.
2- Une source supplétive : la coutume
La coutume est ce qui naît de l’usage répété d’un comportement, d’un usage juridique.
La répétition doit être constante, répétée dans un temps suffisamment long, et
générale, c’est-à-dire qu’elle doit être appliquée par l’ensemble d’un groupe social. Le
principe est que la coutume doit créer le sentiment que son application est obligatoire.
Normalement, le droit doit naître de la volonté générale. C’est un acte de souveraineté
qui ne peut venir que de l’Etat. Ainsi, la coutume ne devrait pas pouvoir être considérée
comme ayant un rôle normatif. Toutefois, et c’est là un héritage du droit d’Ancien
Régime, la coutume peut avoir un rôle supplétif dans le silence des autres normes. En
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effet, lorsque ces normes n’interviennent pas dans un domaine, la coutume peut avoir
un effet normatif.
La coutume joue, par exemple, un rôle particulier en matière commerciale. En effet, le
droit s’est construit en grande partie à partir des coutumes nées à l’occasion des actes
de commerce. Mais elle est beaucoup plus rare dans les autres matières.
3- Les autorités : la jurisprudence et la doctrine
23.1- La jurisprudence
La jurisprudence est l’ensemble des décisions rendues par les juridictions françaises qui
ont fait l’objet d’une publication. La jurisprudence est donc l’application de la loi à des
situations concrètes. Elle permet de comprendre comment le juge interprète la loi.
La jurisprudence n’est pas à proprement parler une source normative. L’article 5 du
Code civil dispose qu’il «est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition
générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises». Autrement dit, le juge
ne peut créer de droit objectif, il n’est pas une source normative.
Cependant, la jurisprudence peut avoir une influence importante sur la façon
d’interpréter le droit. Il s’agit donc, en quelque sorte, d’une autorité normative. En effet,
elle exerce notamment une influence sur les décisions rendues par les juridictions
inférieures. Un TGI ou une Cour d’Appel auront généralement tendance à suivre la
jurisprudence de la Cour de cassation, sans pour autant que cela soit obligatoire
(contrairement à la Common Law).
Il existe toutefois une exception à ce statut non normatif de la jurisprudence. En effet, le
droit administratif a été construit dans une très large mesure par le juge administratif, et
plus particulièrement par le Conseil d’Etat. Ceci s’explique par le fait que le législateur
n’intervenait que très rarement en la matière. Ainsi, le droit écrit était insuffisant, si bien
que le juge administratif a été contraint de combler le vide. Dès lors, la jurisprudence
administrative a une autorité infralégislative, mais supra-réglementaire.
Les principes généraux du droit relèvent justement de la production normative du juge
administratif.
3.2- La doctrine
La doctrine désigne l’ensemble des opinions (écrits, commentaires, théories, etc.)
données par les autorités faisant référence dans le domaine juridique, principalement
les universitaires et les juristes. Il ne s’agit donc pas d’une source normative. Elle permet
simplement d’interpréter le droit et de comprendre son application par le juge.
17
Pour autant, il ne faut pas négliger son influence, car la doctrine est très utilisée par les
praticiens du droit. Il arrive d’ailleurs fréquemment que la doctrine influence la
jurisprudence en conceptualisant un domaine du droit.
Mais si la doctrine permet de comprendre le droit, elle n’est pas créatrice de droit.
II- Les sources externes
1- Les effets des traités dans l’ordre interne
Un traité est un contrat conclu entre plusieurs sujets de droits international. Il s’agit donc
d’un écrit, traduisant une volonté concordante, destiné à produire des effets juridiques.
Le droit international coutumier a dégagé le principe pacta sunt servanda, repris depuis
par la Convention de Vienne de 1969, c’est-à-dire que les traités sont conclus pour être
respectés. Il existe donc une obligation juridique de respecter les traités, tout de suite
relativisée cependant par la souveraineté des Etats.
Ainsi, un Etat qui ne se plierait pas aux obligations fixées par un traité auquel elle est
partie ne pourrait être forcé par les autres Etats signataires autrement que par la voie
diplomatique. Même les juridictions internationales comme la Cour internationale de
justice n’ont pas de réels moyens de contrainte. Simplement, l’Etat signataire se
marginaliserait sur le plan international, encore que cette marginalisation serait toute
relative si l’Etat est puissant. Ainsi, les Etats-Unis sont le seul Etat à ne pas avoir respecté
une décision de la Cour Internationale de Justice (CIJ - 27 juin 1986 - Activités militaires
et paramilitaires au Nicaragua).
Il se peut cependant que l’Etat signataire prévoit dans son ordre interne l’applicabilité
directe des dispositions contenues dans le traité. C’est le cas notamment de la France
vis-à-vis d’un certain nombre de conventions internationales, puisque l’article 55 de la
Constitution dispose :
Les traités régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une
autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de
son application par l’autre partie.
Ainsi, la France consacre la possibilité d’une applicabilité directe dans l’ordre interne
des normes prévues par les traités. Précisons que le droit qui découle directement des
stipulations d’un traité est qualifié de droit originaire.
Les traités directement applicables dans l’ordre interne français sont donc nombreux.
Mais il en est un qui est doté d’une importance capitale : le droit européen.
18
Le droit européen, qui concerne les 47 pays membres du Conseil de l’Europe, est celui
qui découle de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales (Convention de sauvegarde). Ce texte énonce un certain
nombre de droits et libertés fondamentaux qu’un justiciable pourra directement
invoquer devant une juridiction française.
2- Le droit dérivé
Le droit international dérivé est le droit qui découle, non pas des stipulations des traités,
mais des organes créés par certains traités.
En ce qui concerne la France, le droit dérivé qui nous concerne plus particulièrement
est le droit communautaire, autrement dit celui qui est créé par les différentes
institutions de l’Union Européenne. Il est donc important de ne pas confondre droit
européen et droit communautaire. Le droit communautaire est le droit de l’Union
Européenne et ne concerne que les 27 pays membres.
Deux types de normes peuvent être adoptées au niveau de l’Union Européenne : les
règlements et les directives.
2.1- Les règlements
Les règlements sont la «loi de l’Union». Ils sont applicables directement dans l’ordre
interne de tous les Etats membres, sans qu’il soit besoin de les transposer.
Les règlements s’appliquent donc à tout le monde au sein de l’Union Européenne, qu’il
s’agisse d’Etats membres, ou de ressortissants de ces Etats, et de la même manière. Le
règlement européen vise à une application uniforme du droit de l’Union dans tous les
Etats membres. Dès lors, les normes nationales qui ne sont pas compatibles avec ces
règlements européens sont de facto rendues inapplicables.
2.2- Les directives
Les directives européennes ne font que déterminer des objectifs aux Etats membres en
leur laissant le choix de la forme et des moyens. Ceux-ci se retrouvent donc dans
l’obligation de prendre des dispositions permettant d’assurer la satisfaction de ces
objectifs.
Ainsi, les Etats membres sont tenus de prendre des actes de transposition dans l’ordre
interne, c’est-à-dire qu’ils vont adapter la législation ou la réglementation nationale au
regard des objectifs définis par la directive. L’Etat récalcitrant pourra donc faire l’objet
d’une condamnation par la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE). De surcroît,
19
un particulier pourra obtenir réparation de l’Etat si la non transposition de la directive lui
cause un préjudice.
La directive n’a donc, en elle-même, aucune valeur intrinsèque pour les ressortissants
des Etats membres. Cependant, ce principe de l’inapplicabilité directe des directives a
une exception. Ainsi, lorsqu’un Etat membre n’a pas pris d’acte de transposition ou que
cet acte de transposition n’est pas suffisant, et que la directive confère des droits aux
particuliers, ces derniers pourront se prévaloir de la directive contre les pouvoirs
publics devant les juridictions tant nationales qu’européennes.
3- La place du droit international dans l’ordre interne français
La question de la place du droit international au sein de notre ordre juridique interne,
c’est-à-dire de sa place dans la hiérarchie des normes, a été à l’origine d’un important
débat doctrinal.
En effet, il était clair que ce droit international avait une valeur supra-législative, c’est-àdire qu’il se trouvait au-dessus de la loi au sein de la pyramide des normes, en vertu de
l’article 55 de la Constitution.
Mais là où cela a posé difficulté, c’était quant à savoir si le droit international devait être
placé au-dessous ou au-dessus du bloc de constitutionnalité. Cependant, le débat
semble aujourd’hui tranché et la doctrine tend à affirmer que la valeur du droit
international est infra-constitutionnelle.
La question s’est posée car la Constitution empêche l’application d’une norme
internationale si le Conseil constitutionnel déclare qu’elle n’est pas conforme à la
Constitution, ce qui a toujours entraîné une modification de la Constitution pour
permettre l’entrée en vigueur du traité. Ainsi, la pratique montre que c’est la
Constitution qui est adaptée à la norme internationale, et non l’inverse.
Cependant, il ne s’agit là que d’une faculté. Rien n’empêche l’Etat français, du fait de sa
souveraineté, de refuser de modifier la Constitution et, du même coup, de rejeter
l’applicabilité du traité.
De surcroît, c’est la Constitution qui donne sa valeur au droit international. Or seul un
texte d’autorité supérieure peut donner sa valeur à un autre texte.
En conséquence, le droit international doit être analysé comme ayant une valeur supralégislative, mais infra-constitutionnelle.
Dès lors, à partir du moment où les normes internationales sont supérieures aux lois et
aux règlements, le juge administratif sera chargé d’effectuer un contrôle de
conventionnalité des lois et règlements. Cependant, ne disposant de la capacité
20
d’abroger une loi, le juge administratif se contentera d’en écarter l’application lorsqu’il
existe un conflit avec une norme internationale. En revanche, il sera compétent pour
abroger un acte réglementaire contraire au droit international.
Section II :
Les mécanismes juridictionnels permettant d’assurer
l’effectivité du principe de légalité
I- La pyramide de Kelsen
Développée par Hans Kelsen, célèbre juriste autrichien du début du XXème siècle, la
théorie de la hiérarchie des normes part du constat que toutes les normes n’ont pas la
même valeur. Ainsi, elles tendent à former un ensemble hiérarchisé, dans lequel les
normes inférieures doivent être conformes aux normes supérieures.
Par ailleurs, la théorie de la hiérarchie des normes repose sur l’idée que toute norme
tient son autorité des norme qui lui sont supérieures, à part la Constitution qui est la
norme fondamentale et fondatrice de tout système normatif.
Ainsi, la Constitution dit comment sont adoptées les lois. Elles tirent donc leur autorité
de la Constitution. De même, la Constitution dit quels sont les autorités réglementaires
et la loi confie certaines matières à la compétence réglementaire. Ainsi, les règlements
tirent leur autorité de la loi ou de la Constitution. C’est ce que l’on appelle le rapport
d’auto-régulation.
Kelsen avait pris l’habitude de représenter l’ensemble normatif sous la forme d’une
pyramide, dite pyramide de Kelsen.
Bloc de constitutionnalité
Lois organiques
Droit international
Bloc de légalité
Principes généraux du droit
Décrets
Arrêtés
Coutumes
II- Les mécanismes juridictionnels garantissant l’effectivité du principe de juridicité
Pour que le principe de juridicité (dit également principe de légalité) ait une
quelconque effectivité, il est nécessaire que des mécanismes juridictionnels imposent le
respect de la hiérarchie des normes, autrement dit, il faut qu’un juge puisse sanctionner
les normes qui ne sont pas conformes aux normes supérieures.
21
Ainsi, le juge constitutionnel s’assurera de la conformité de la loi à la Constitution et aux
autres normes constitutionnelles. De même, le juge administratif s’assurera de la
conformité des actes de l’administration (règlements, actes individuels) à la loi, et dans
certains cas, à la Constitution.
1- Le contrôle de la constitutionnalité des lois organiques et ordinaires
1.1- Le Conseil constitutionnel
La France n’a connu que tardivement un organe juridictionnel chargé de la vérification
de la constitutionnalité des lois. En effet, la conception légicentriste, consistant à faire
de la loi la norme suprême, a été privilégiée de la Révolution de 1789 jusqu’à
l’instauration de la Vème République en 1958.
Ainsi, la Constitution de 1958 fut la première à instaurer une juridiction chargée de la
vérification de la constitutionnalité des lois : le Conseil constitutionnel, qui fut mis en
place à partir de 1959.
Le Conseil constitutionnel est composé de membres nommés pour neuf ans et de
membres à vie.
Les membres nommé sont désignés par le président de la République, le président de
l’Assemblée nationale et le président du Sénat à raison d’un chacun tous les trois ans,
étant précisé que depuis 2008, les commissions permanentes des deux chambres
donnent leur avis sur ces nominations et qu’elles peuvent même s’y opposer à la
majorité des 3/5èmes. Le président de la République désigne également celui des
membres du Conseil qui en assurera la présidence.
Mais à côté de ces membres nommés, il existe également des membres à vie, en la
personne des anciens présidents de la République. Dès lors qu’ils cessent leur fonction,
ils peuvent siéger au Conseil.
Alors que depuis les retraits (et non démission) de Valéry Giscard d’Estaing et Jacques
Chirac, aucun président ne siégeait plus au Conseil, l’arrivée de Nicolas Sarkozy va
modifier cet état de fait. Aujourd’hui, il y a donc dix membres au Conseil constitutionnel.
Toutefois, un projet de révision constitutionnelle va prochainement être débattu en vue
de supprimer cette catégorie des membres de droit. A l’avenir, seuls les membres
nommés siègeront au Conseil.
1.2- Les normes de référence
22
Pour juger de la constitutionnalité, le Conseil constitutionnel utilise comme référence
l’ensemble des normes constitutionnelles, c’est-à-dire dire la Constitution de 1958, le
préambule de la Constitution de 1946, la Déclaration des droits de l’Homme et du
Citoyen de 1789, la Charte environnementale de 2004 et les principes fondamentaux
reconnus par les lois de la République.
Ce dernier élément est particulier puisqu’il ne s’agit pas d’un texte de référence, mais
de principes dégagés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel à partir de lois
républicaines.
1.3- Le contrôle a priori
Le Conseil constitutionnel effectue depuis sa création, un contrôle a priori de la
constitutionnalité de la loi, c’est-à-dire avant que celle-ci ne soit entrée en vigueur, entre
son vote et sa promulgation. On parle d’un contrôle a priori car il intervient avant que la
loi n’ait pu avoir des conséquences juridiques.
Les autorités de saisine étaient initialement le président de la République, le Premier
ministre, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. Toutefois, étant
donnée l’ampleur nouvelle prise par le contrôle de constitutionnalité après 1971 et la
décision Liberté d’association, il est apparu indispensable d’élargir cette possibilité de
saisine, notamment en la rendant accessible à l’opposition. C’est ainsi qu’elle fut ouverte
à partir de 1974 à 60 députés ou 60 sénateurs.
Par ailleurs, si le contrôle est facultatif en ce qui concerne les lois ordinaires et les lois de
pays, les lois organiques, les règlements d’assemblée et les propositions de lois
référendaires font systématiquement l’objet d’un contrôle de constitutionnalité.
Le Conseil va alors vérifier que la loi qui lui est déférée est bien conforme au bloc de
constitutionnalité. Si c’est le cas, il rendra une décision déclarant la validité de la loi,
laquelle pourra donc être promulguée par le président de la République.
En revanche, si la loi n’est pas conformes à la Constitution, le Conseil constitutionnel
aura la possibilité de la déclarer inconstitutionnelle, ce qui rendra sa promulgation
impossible.
Cependant, il se peut aussi qu’il n’y ait que quelques dispositions de la loi qui soient
inconstitutionnelles. Dans cette hypothèse, le Conseil constitutionnel pourra ne la
censurer qu’en partie, et seule la partie déclarée conforme pourra être promulguée.
Ainsi, l’avantage du contrôle a priori est d’empêcher préventivement l’entrée en vigueur
d’une loi inconstitutionnelle.
23
Mais, ce système du contrôle a priori souffre d’un défaut majeur, car il arrive que des
lois inconstitutionnelles passent entre les mailles du filet en raison d’une défaillance des
autorités de saisine. De surcroît, notre droit comprend des lois très anciennes,
antérieures à l’instauration du Conseil constitutionnel, et cette forme de contrôle ne
permet pas de les censurer.
Dès lors, la Constitution a dû être modifiée pour intégrer une forme supplémentaire de
contrôle de la constitutionnalité des lois : la procédure de la question prioritaire de
constitutionnalité (QPC).
1.4- Le contrôle a posteriori
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a instauré une nouvelle procédure de
contrôle de la constitutionnalité des lois : la question prioritaire de constitutionnalité,
laquelle permet d’effectuer un contrôle a posteriori des lois, c’est-à-dire une fois qu’elles
sont entrées en vigueur.
Ainsi, lorsqu’un justiciable, à l’occasion d’un litige, se voit appliquer une loi dont il
conteste la constitutionnalité parce qu’elle porte atteinte à ses droits ou libertés
fondamentaux, il a la faculté de déposer une QPC.
Après s’être assurée du respect d’un certain nombre de conditions, notamment du
caractère sérieux de la demande, la juridiction de droit commun, judiciaire ou
administrative, qui connaissait le litige principal va renvoyer la QPC à la juridiction
supérieure de son ordre : la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat. Cette juridiction
supérieure va ensuite elle aussi effectuer un filtrage et, le cas échéant, renvoyer la QPC
au Conseil constitutionnel.
Ainsi, le Conseil constitutionnel va être amené à juger de la constitutionnalité d’une loi
qui est déjà entrée en vigueur. Il aura donc à nouveau les trois mêmes possibilités que
pour le contrôle a priori, c’est-à-dire qu’il pourra déclarer la loi conforme, non conforme
ou partiellement conforme.
Lorsqu’il déclare que tout ou partie de la loi non conforme, cela a généralement pour
conséquence d’annuler tout ou partie de la loi sanctionnée. Cependant, si les
conséquences de ce retrait présentent un risque de trouble à l’ordre public, le Conseil
constitutionnel a la possibilité de différer la suppression des dispositions litigieuses, le
temps, pour le législateur, de prendre un dispositif de remplacement. C’est notamment
ce qui s’est passé à propos de la garde à vue.
2- Le contrôle de légalité et de constitutionnalité des règlements
24
Les juges de l’ordre administratif sont chargés de juger de la conformité des actes de
l’administration, et notamment des actes réglementaires. Pour ce faire, il utilise comme
normes de référence les lois et les normes constitutionnelles.
Cependant, il faut distinguer selon les types de règlements. Il existe, nous l’avons déjà
vu, des règlements d’application et des règlements autonomes.
Dans l’hypothèse d’un règlement d’application, celui-ci permet de compléter une loi.
Ainsi, une loi s’intercale entre le règlement et le bloc de constitutionnalité. Dans ce cas,
le juge administratif ne juge que de la légalité du règlement, c’est-à-dire qu’il n’utilise
pas les normes constitutionnelles comme références, car cela le conduirait à prononcer
l’inconstitutionnalité d’une loi, ce qui est impossible puisque seul le Conseil
constitutionnel est compétent pour dire qu’une loi est inconstitutionnelle.
En revanche, dans l’hypothèse d’un règlement autonome, le juge administratif utilisera
comme références les normes constitutionnelles puisque ce sont les seules normes
supérieures au règlement considéré.
25
Chapitre II :
L’organisation administrative française
Section liminaire :
Etat unitaire, déconcentration et décentralisation
La France est un Etat unitaire, c’est-à-dire qu’il n’existe qu’un seul appareil d’Etat sur
l’ensemble du territoire, tant au plan politique que juridique. C’est ce que confirme la
lecture de l’article 1er de la Constitution de 1958 : «la France est une République
indivisible».
Cependant, la forme unitaire centralisée n’existe plus guère aujourd’hui que dans les
pays dictatoriaux. En effet, ce type d’Etat permet de maintenir un pouvoir fort et très
centralisé.
Dès lors, la plupart des pays unitaires démocratiques ont cherché à rapprocher
l’exercice du pouvoir des citoyens.
Pour ce faire, il existe deux moyens principaux : la déconcentration et la
décentralisation.
La déconcentration permet aux autorités centrales de l’Etat de déléguer certaines
compétences à des services locaux de l’Etat. Ainsi, la déconcentration consiste pour
l’Etat, à prendre possession de l’ensemble du territoire et à y exercer localement
certaines compétences. Les services locaux agissent donc en tant que représentants de
l’Etat et sont donc placés sous la tutelle des autorités centrales.
La décentralisation repose sur une logique complètement différente puisqu’elle
consiste, pour l’Etat, à transférer des compétences à d’autres personnes morales de
droit public. Il s’agit donc d’un transfert externe et non d’une simple délégation interne.
Une fois transférée, la compétence est exercée de façon exclusive au niveau local et
l’Etat ne peut en aucun cas exercer une quelconque forme de tutelle.
Section I :
La déconcentration
Le principe de la déconcentration consiste donc à répartir des représentants de l’Etat
sur l’ensemble du territoire.
26
I- Les préfets
1- Le statut des préfets
Les préfets sont nommés par décret du président en Conseil des ministres, donc avec
contreseing du Premier ministre et du Ministre de l’intérieur, pour une durée de trois
ans. Ils sont choisis en principe parmi les membres du corps préfectoral qui, pour
l’essentiel, sortent de l’ENA. Cependant, le président de la République peut également
désigner une personnalité qui n’appartient pas à ce corps.
S’agissant d’un poste où la fidélité politique est particulièrement importante, les préfets
sont généralement renouvelés lors d’une alternance politique, en tout cas ceux qui
apparaissent les plus intimement liés à l’ancien pouvoir.
Les préfets sont soumis à une très stricte obligation de réserve et de loyauté. Ils ne
peuvent en aucun cas exprimer leur opinion publiquement et peuvent encore moins
prendre position contre le Gouvernement. Ils représentent l’Etat. Ils ne peuvent donc
pas le critiquer. Ils ne disposent pas non plus du droit de grève et ne peuvent être
syndiqués. Ils ne peuvent même pas quitter leur département sans autorisation du
ministre de tutelle.
2- Les attributions des préfets
Le préfet est le représentant de l’Etat sur son territoire. Il est donc un relai de l’Etat.
Ainsi, il participe à la remontée d’informations, et se charge de l’exécution des directives
gouvernementales. Il effectue également, pour le compte de l’Etat, les communications
avec les collectivités territoriales.
Il dirige tous les services déconcentrés de l’Etat dans son territoire et veille à la
cohérence de l’activité administrative dans le département. Il assure l’exécution des
règlements émanant de l’administration centrale et prend, par arrêté, toute mesure
réglementaire pour son territoire. Il peut représenter l’Etat en justice.
Il assure également le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales, que
nous détaillerons plus loin. Précisons simplement qu’à ce titre, il vérifie que les actes des
collectivités territoriales respectent bien la hiérarchie des normes. Dans le cas contraire,
il pourra saisir le juge administratif pour éventuellement faire annuler l’acte litigieux.
Enfin, il est dispose d’un certain nombre de compétences en matière de police, sauf à
Paris (depuis 1800) et dans les Bouches du Rhône (depuis le 16 octobre 2012) où il
existe un préfet de police spécifiquement chargé des questions de sécurité. Il est
chargé de veiller au respect de l’ordre public sur son territoire.
27
Pour mener à bien toutes ces attributions, le préfet est doté d’un certain nombre de
services (Secrétariat général, Cabinet).
3- Le préfet de région
Les préfets de région ont été mis en place en 1942 sous le régime de Vichy, mais ont
disparu à la libération. Ce n’est qu’en 1964 que ces institutions seront rétablies, avec le
développement de l’échelon régional. Ils sont aujourd’hui régis par un décret de 2004.
Le préfet de région est le représentant de l’Etat sur le territoire régional. Il est
également le préfet du département dans lequel se situe le chef lieu de région. Tous les
préfets de région sont donc également préfets de département.
Le préfet de région exerce un pouvoir hiérarchique sur les différents préfets de
département relevant de sa région, sauf dans certaines matières (droit des étrangers,
contrôle de légalité, police administrative). Il est chargé de coordonner leur action et de
centraliser les informations qui émanent d’eux pour les transmettre au Gouvernement. Il
assure le contrôle de légalité des actes de la région. Il dirige les services déconcentrés
régionaux de l’Etat.
Il prépare, par ses informations et ses propositions, les politiques de développement
économique, social et de développement du territoire. Il est notamment chargé de
mettre en place les contrats de plan et les contrats Etat / région.
4- Le préfet de département
Institué en 1790, le préfet de département est le principal relai de l’Etat sur le territoire.
Il exerce toutes les compétences que l’on vient de voir, sous le contrôle du préfet de
région. Il assure notamment le contrôle de légalité des actes des départements, des
communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
5- Le préfet de police
Les préfets de Paris et des Bouches du Rhône ont des attributions réduites en matière
de police puisqu’il a été institué des préfets de police dont les attributions sont
spécifiquement consacrées au maintien de l’ordre public.
La préfecture de police a été instaurée en 1800 par Napoléon, dans le but de maîtriser
le peuple parisien et sa capacité à s’insurger et à renverser le pouvoir en place. La
création de la préfecture de police des Bouches-du-Rhône est bien plus récente
puisqu’elle date du mois d’octobre 2012.
28
Il ne s’agit pas simplement de transférer les pouvoirs de police d’un préfet classique au
préfet de police. Ce dernier dispose d’attributions supplémentaires par rapport au
préfet ordinaire.
6- Le sous-préfet
Les sous-préfets, sont placés sous l’autorité du préfet de département. Ils exercent leurs
compétences au sein de l’arrondissement départemental. Ils disposent d’attributions
équivalentes à celles du préfet (police, contrôle de légalité, pouvoir réglementaire,
etc.). En revanche, ils ne peuvent représenter l’Etat en justice.
II- Le maire
Le dernier représentant de l’Etat sur le territoire est aussi celui qui le plus proche des
administrés. Il s’agit du maire et il faut bien prendre garde à ne pas confondre ses
attributions en tant que représentant de l’Etat et celles dont il dispose au titre de son
mandat d’exécutif de la commune. C’est pourquoi on dit que le maire a une double
casquette.
Cependant, les pouvoirs déconcentrés du maire sont nettement moins importants que
ceux du préfet, ce qui justifie qu’il ne soit pas soumis aux mêmes contraintes,
notamment en ce qui concerne les obligations de réserve et de loyauté.
En tant que représentant de l’Etat, il est soumis à l’autorité hiérarchique du préfet. Il
peut d’ailleurs engager, dans l’exercice de ces prérogatives déconcentrées, la
responsabilité de l’Etat, et non celle de sa commune.
Sa principale attribution est d’être officier d’état civil, c’est-à-dire qu’il enregistre les
actes de la vie civile (actes de naissance, actes de mariage, actes de décès). Par ailleurs,
le maire veille à l’exécution des lois et des règlements, organise les élections, et est
officier de police judiciaire.
Section II :
La décentralisation
I- La notion de décentralisation
La décentralisation consiste donc en un transfert de compétences de l’Etat vers des
personnes morales de droit public, lesquelles sont donc distinctes de lui.
1- La décentralisation territoriale et la notion de collectivité territoriale
29
La notion de décentralisation s’applique donc principalement aux collectivités
territoriales, lesquelles constituent une catégorie à part entière de personnes morales
de droit public, c’est-à-dire qu’une collectivité territoriale est distincte de l’Etat.
La notion de collectivité territoriale est cependant difficile à définir sur un plan juridique
depuis la réforme du 16 décembre 2010 qui a considérablement obscurci les critères
permettant de distinguer une collectivité territoriale d’un établissement public.
Le seul critère valable permettant de déterminer ce qu’est une collectivité territoriale est
l’article 72 alinéa 1 de la Constitution de 1958 :
Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les
départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités
d’outre-mer (...). Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas
échéant en lieu et place d’une ou plusieurs autres collectivités mentionnées au
présent alinéa.
Ainsi, les catégories énumérées sont constitutionnellement garanties, mais rien
n’empêche le législateur de créer une nouvelle catégorie de collectivités territoriales.
C’est ce qui s’était en passé en 1982 lorsque le législateur a conféré ce statut de
collectivités territoriales aux régions, avant que ces dernières fassent, elles aussi, l’objet
d’une reconnaissance par la Constitution.
L’article 72 énonce également, dans son alinéa 3, le principe fondamental des
collectivités territoriales : le principe de libre administration.
Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par
des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs
compétences.
Ce principe signifie que les collectivités territoriales ne sont pas soumises à la tutelle de
l’Etat. Cependant, cela doit être relativisé dans la mesure où les collectivités territoriales
tirent une large part de leurs ressources de dotations de l’Etat. Ainsi, l’Etat exerce une
forme de tutelle financière qui, d’ailleurs, est problématique car guère conforme au
principe de libre administration.
Ensuite, la libre administration des collectivités territoriales signifie qu’il ne peut y avoir
une tutelle d’une collectivité sur une autre. Il s’agira, tout en plus, en cas de compétence
partagée par plusieurs collectivités, de mettre en place une collectivité «chef de file» qui
coordonnera l’action des autres collectivités impliquées. Mais cette possibilité
n’entraînera en aucune manière une forme de tutelle.
2- La décentralisation fonctionnelle et la notion d’établissement public
30
La décentralisation fonctionnelle consiste, pour une personne morale de droit public
(Etat ou collectivité territoriale) à transférer la gestion d’une compétence à un organe
distinct que l’on appelle établissement public.
Exemple de décentralisation fonctionnelle : Pôle Emploi est un établissement public,
distinct de l’Etat mais créé par lui, chargé de l’aide au retour à l’emploi et de
l’indemnisation du chômage.
Autre exemple : les SDIS (service départemental d’incendie et de secours) sont des
établissements publics créés par les départements chargés de l’organisation de la lutte
contre les incendies et des secours.
L’établissement public dispose d’une certaine autonomie qui lui permet notamment
d’avoir un budget et un patrimoine propres. En revanche, la liberté de gestion doit être
relativisée car l’établissement public est administré par une assemblée délibérante dont
les membres sont généralement choisis par l’autorité délégante. De surcroît, cette
autorité délégante exerce une forme de tutelle sur l’établissement public (plus encore
pour les établissements publics nationaux avec la procédure d’approbation préalable
des actes les plus importants). Ainsi, cette autonomie ne doit pas être confondue avec
la libre administration des collectivités territoriales.
Les établissements publics sont tous soumis au principe de spécialité. Cela signifie
qu’ils n’ont pas le droit d’exercer des activités qui seraient sans rapport direct avec la ou
les missions définies par leurs textes institutifs.
Les établissements publics peuvent gérer soit un service public à caractère administratif
(on parlera alors d’établissements publics à caractère administratif : EPA qui gère un
SPA) soit un service public à caractère industriel et commercial (on parlera alors
d’établissement public à caractère industriel et commercial : EPIC qui gère un SPIC).
L’administration d’un établissement public est généralement confiée à deux organes :
une assemblée délibérante (généralement appelée conseil d’administration) et un
exécutif.
3- Les grandes étapes de la décentralisation
L’époque révolutionnaire jacobine et la période napoléonienne ont mis en place une
organisation très centralisée de l’administration. Ainsi, il a fallu près de deux siècles
pour qu’une véritable décentralisation soit établie et ce processus s’est fait par étapes.
C’est à partir de 1871 et du début de la IIIème République que la décentralisation va
progressivement se mettre en place. Auparavant, il existait bien des communes et des
départements, mais ils étaient dirigés par des autorités nommées par le pouvoir central,
31
lesquelles ne disposaient d’aucune autonomie. Elles étaient soumises à la tutelle de
l’Etat.
Les départements sont modifiés en 1871 avec l’instauration d’un organe délibérant élu
au suffrage universel direct. Cependant, l’exécutif reste aux mains du préfet.
En 1884, le statut des communes est unifié. Les conseillers municipaux sont alors élus
au suffrage universel direct et le maire, exécutif de la commune, est élu par le Conseil
municipal.
La Constitution de 1958 va également constituer une étape importante de la
décentralisation en consacrant constitutionnellement l’existence des collectivités
territoriales (communes et départements) et en affirmant le principe de libre
administration. Cependant, le peu de compétences attribuées à ces collectivités
diminue la portée de cette avancée.
Dans les années 1960, de nouvelles subdivisions du territoire ont été créées dans le but
d’améliorer la compétitivité économique de ces territoires. Ces subdivisions sont alors
appelées des régions. Toutefois, elles ne deviennent des circonscriptions officielles
qu’en 1964 avec l’instauration d’un préfet de région.
Ces régions sont réformées en 1972. Elles deviennent alors des établissements publics
régionaux et sont dotées d’un conseil régional élu au suffrage universel direct. Mais les
pouvoirs de ces régions sont extrêmement limités.
C’est par la loi du 2 mars 1982 (dite Acte I de la décentralisation ou loi Deferre) que les
choses vont véritablement évoluer. Les régions deviennent des collectivités territoriales
à part entière (élection au suffrage universel direct des conseillers régionaux) et les
compétences des collectivités sont considérablement renforcées. L’exécutif des
départements et des régions est transféré aux présidents du conseil général et du
conseil régional. Enfin, la tutelle administrative exercée par le préfet sur les actes des
collectivités (contrôle a priori) est supprimée et remplacée par le contrôle de légalité (a
posteriori) que nous étudierons plus loin dans le cours.
En 2003 intervient ce que l’on appelle l’acte II scène 1 de la décentralisation. Il s’agit
d’une révision constitutionnelle qui ajoute que l’organisation de la France est
décentralisée. Elle consacre également constitutionnellement la région comme
collectivité territoriale. Elle ajoute la possibilité de créer de nouvelles collectivités
territoriales par loi. Elle crée la possibilité d’instaurer une collectivité chef de file en cas
de coopération entre plusieurs collectivités. Elle affirme également que les ressources
directes des collectivités doivent constituer la part déterminante de leurs ressources.
Enfin, elle améliore la démocratie locale en généralisant le référendum d’initiative
locale et en consacrant l’existence d’un droit de pétition.
32
Cette révision constitutionnelle sera suivie d’une loi en 2004, dite acte II scène 2 de la
décentralisation. Cette loi consiste pour l’essentiel en un important transfert de
compétences au profit des collectivités. Elle affirme également le principe de
subsidiarité (que nous verrons plus loin), le droit à l’expérimentation, le principe de
l’autonomie financière (à relativiser) et celui de la péréquation financière (qui permet
une redistribution au profit des collectivités les plus pauvres).
La loi de finances pour 2010 est également importante car elle a supprimé la taxe
professionnelle, remplacée par la contribution économique territoriale (CET).
Enfin, le dernier volet de la mise en place de la décentralisation est la récente loi du 16
décembre 2010, dite réforme des collectivités territoriales. Cette loi a considérablement
modifié l’organisation territoriale. Pour ne citer que les grandes lignes, elle généralise
l’intercommunalité, crée un nouveau type d’EPCI (la métropole), elle supprime les
clauses de compétence générale pour les départements et les communes et elle
modifie les modes d’élection des membres des assemblées délibérantes des
collectivités. Ainsi, il n’y aura plus que deux élections locales : les élections municipales,
qui permettront d’élire les conseillers municipaux et les conseillers communautaires
(EPCI), et les élections territoriales, qui permettront d’élire les conseillers territoriaux qui
siègeront à la fois au conseil général et au conseil régional.
II- L’organisation territoriale
L’organisation territoriale repose sur les collectivités territoriales, mais pas seulement.
Elle repose également sur les établissements publics de coopération intercommunale
qui permettent aux communes de transférer un certain nombre de leurs compétences à
des structures juridiques distinctes dites intercommunales.
Ainsi, 34 communes appartiennent à la Communauté d’agglomérations du Pays d’Aix,
ce qui représente un ensemble de 333.000 habitants, allant de Vitrolles à Trets et de
Lambesc à Saint Paul Lez Durance.
Ces EPCI, puisqu’ils appartiennent à la catégorie des établissements publics, ne font
pas partie de celle des collectivités territoriales. Pourtant ils en très proches, au point
que l’on peut se demander s’ils ne vont pas bientôt le devenir, ce qui serait d’ailleurs
plus cohérent sur le plan juridique, tant ils en sont proches.
Dès lors, notre étude ne sera pas uniquement focalisée sur les collectivités territoriales.
Les EPCI seront étudiés en même temps.
1- Les échelons territoriaux
33
La réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 a organisé
l’administration territoriale décentralisée autour de deux grands pôles : un pôle
département / région et un pôle commune / intercommunalité. Cette structuration
nouvelle est révélatrice de la volonté, à moyen terme, de ne conserver plus que deux
échelons territoriaux.
1.1- Le pôle région / département
1.1.1- Les élections territoriales
Le conseiller territorial est une des grandes innovations de la réforme du 16 décembre
2010. Ce conseiller territorial est donc substitué aux conseillers généraux et régionaux.
Il sera donc appelé à siéger à la fois au conseil général de son département et au
conseil régional de sa région.
L’idée du législateur était de créer une meilleure synergie entre la région et le
département et éviter que ces deux collectivités ne se fassent concurrence en essayant
de tirer la couverture à eux à des fins électorales... De plus, cela permettra au conseiller
territorial d’avoir une meilleure vue d’ensemble de l’action du pôle département /
région.
Le passage de l’ancien système au nouveau devrait avoir lieu en 2014 lors des
premières élections territoriales. Toutefois, La mise en place des conseillers territoriaux
est aujourd’hui plus qu’incertaine, car le Gouvernement vient de faire adopter un projet
de loi en Conseil des ministres, lequel a pour objet de supprimer avant même leur mise
en place, ces conseillers territoriaux.
Mais comme ce n’est pas encore fait, nous continuerons notre étude en faisant
abstraction de cette loi.
Ces élections se tiendront au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, étant précisé
qu’il faudra obtenir au moins 12,5% des électeurs inscrits au premier tour pour pouvoir
se maintenir au second tour. Seuls les deux candidats arrivés en tête à l’issue du premier
tours seront dispensés de cette condition pour passer au second tour.
On peut regretter ce nouveau mode de scrutin, et ce pour deux raisons. Tout d’abord, il
supprime toute représentation proportionnelle au sein de la région et du département,
alors que c’était le cas auparavant pour la région. C’est dommage car cela conduira
fatalement à une représentation politique moins fidèle à l’équilibre réel des forces dans
la région. Ensuite, ce mode de scrutin risque de marquer un coup d’arrêt dans la
féminisation de la vie politique. En effet, le scrutin de liste permet de contraindre les
partis politiques à un équilibre presque parfait entre les hommes et les femmes. Or,
s’agissant d’un scrutin uninominal, il y a de fortes chances pour que l’essentiel des
conseillers territoriaux soient des hommes et que leurs suppléants soient des femmes.
34
Pour être candidat, il faudra avoir 18 ans révolus, être de nationalité française, être
inscrit sur le listes électorales, être domicilié ou être inscrit au rôle d’une imposition
directe dans le département.
Tout candidat devra présenter sa candidature, ainsi que celle de son suppléant (de sexe
opposé), dans le cadre du canton. Un seul candidat sera élu par canton, pour une durée
de six ans.
1.1.2- La région
Il existe aujourd’hui 21 régions métropolitaines, la Corse ayant un statut particulier qui
fait qu’elle sera étudiée à part. Ces régions sont très hétérogènes, tant du point de vue
de leurs tailles ou de leurs populations, que du point de vue de leurs puissances
financières.
1.1.2.1- Le conseil régional
Le conseil régional est l’organe délibérant de la région. Il est composé de l’ensemble
des conseillers territoriaux/régionaux élus dans la région. Il concourt, par ses
délibérations, à l’administration de sa région. Les délibérations deviennent exécutoires
à partir de leur publication et, le cas échéant, de leur transmission au préfet dans le
cadre du contrôle de légalité.
Le conseil régional se réunit au moins une fois par trimestre (il peut également être
convoqué en session extraordinaire). Il est convoqué par son président (la convocation
doit être précise, doit comporter l’ordre du jour, et doit être envoyée suffisamment tôt
pour permettre aux conseillers de préparer les dossiers). Il est régi par les dispositions
de son règlement intérieur, lequel est appliqué par le président du conseil régional qui
assure la police de l’assemblée. Les réunions sont publiques. La moitié des conseillers
doivent être présents pour pour pouvoir délibérer valablement.
Le conseil régional peut être dissous par décret en Conseil des ministre s’il apparaît que
son fonctionnement s’avère impossible.
La région ne dispose plus de la clause de compétence générale qui lui permettait de se
saisir de toute question intéressant son territoire. Elle ne dispose plus désormais que de
compétences touchant à des domaines limitativement énumérés qui relèvent de
l’intérêt régional, ce qui réduit donc considérablement sa capacité d’initiative.
Les compétences de la région touchent surtout au développement économique, social,
sanitaire, culturel et scientifique de son territoire, à l’aménagement du territoire à
l’apprentissage et à la formation professionnelle (voir tableau de répartition des
35
compétences). Ainsi, les compétences de la région font qu’elle est surtout tournée vers
l’avenir.
Par ailleurs, le conseil vote le budget de la région, décide des emprunts et des garanties
d’emprunts. Il détermine le nombre de membre de la commission permanente et
procède à leur élection.
1.1.2.2- Le président du conseil régional
La désignation du président du conseil régional intervient lors de la première réunion
de l’assemblée délibérante faisant suite à l’élection des conseillers territoriaux. Pour
procéder à cette désignation, l’assemblée plénière est présidée par le doyen d’âge.
Le mode de scrutin retenu est majoritaire à trois tours. Ainsi, la majorité absolue des
suffrages est exigée aux deux premiers tours. En revanche, elle peut n’être que relative
au troisième tour.
La durée de la présidence correspond à celle du conseil régional.
Préalablement à cette élection, le candidat doit remettre une déclaration écrite
présentant les grandes orientations politiques, économiques et sociales de son action
pour la durée de son mandat.
Le président du conseil régional ne peut pas assurer les fonctions de maire ou de
président du conseil général.
Le président du conseil régional convoque l’assemblée délibérante et la préside. En cas
d’absence, il délègue ce pouvoir à l’un de ses vice-présidents. Il dispose de la police de
l’assemblée. Il prépare et exécute les délibérations du conseil régional.
Le président du conseil régional est l’ordonnateur des recettes et des dépenses (il
donne l’ordre d’encaisser ou de débourser), mais il n’effectue pas lui même l’opération
(c’est le comptable public qui s’en charge en vertu du principe de séparation entre
l’ordonnateur et le comptable) sous peine de gestion de fait. Il gère également le
patrimoine régional et a le pouvoir d’ester en justice au nom de la région.
Chaque année, le président remet un rapport au conseil régional sur l’état d’exécution
du plan régional, ainsi que sur l’activité et le financement des différents services de la
région et des organismes qui dépendent de celle-ci.
Il est le chef de l’administration régionale. Il nomme aux emplois créés par le conseil
régional et dispose d’un pouvoir hiérarchique sur les agents de la région.
36
Enfin, il peut opérer des délégations, sous sa surveillance et sous sa responsabilité, en
faveur de certains personnels ou élus, notamment en faveur des vice-présidents.
1.1.2.3- Les vice-présidents
Une fois élu, le président du conseil régional fixe le nombre de ses vice-présidents
(entre 4 et 15). Ils sont en suite élus par le conseil régional au scrutin de liste, à la
représentation proportionnelle, ce qui permet à l’opposition de jouer un rôle dans
l’exécutif.
Les vice-présidents sont principalement destinés à suppléer la vacance de présidence.
Ils bénéficient également de délégations de la part du président du conseil régional. Ils
participent ainsi à l’exécutif.
Les vice-présidents forment, avec le président du conseil régional, le bureau.
1.1.2.4- La commission permanente
Le conseil régional élit les membres de la commission permanente, laquelle est
composée du président et de ses vice-présidents et d’éventuellement un ou plusieurs
autres membres.
La commission est une émanation du conseil régional. C’est un organe collégial
restreint qui assure la permanence du conseil régional, puisque ce dernier ne se réunit
que par session. Il permet donc de gérer les affaires courantes.
Le fonctionnement de la commission permanente varie selon les régions, puisque c’est
le règlement intérieur qui en détermine les principes.
La commission peut recevoir diverses attributions par délégation du conseil régional,
sauf en ce qui concerne le budget et les comptes. Ses décisions ont la forme de
délibérations et sont soumises au contrôle de légalité.
1.1.2.5- Le Conseil économique, social et environnemental régional (CESER)
Le CESER se compose de représentants des entreprises, des secteurs professionnels
non salariés, des syndicats des travailleurs, d’organismes et d’associations participant à
la vie collective de la région et de personnes qui, en raison de leur qualité ou de leur
activité, concourent au développement de la région. Ces membres sont nommés pour
six ans, par un arrêté du préfet de région.
37
Cette institution, qui a pour objet de permettre une représentation de la société civile,
est une autorité consultative. Le CESER ne rend donc aucune décision. Il n’émet que des
avis, lesquels sont cependant obligatoires pour nombre de délibérations (planification,
budget, aménagement, etc.).
1.1.3- Le département
L’organisation et le fonctionnement du département sont très proches de ceux de la
région.
Il existe aujourd’hui 96 départements métropolitains et cinq départements d’outre-mer.
1.1.3.1- Le conseil général
Le conseil général est l’organe délibérant du département. Il est composé de
l’ensemble des conseillers territoriaux/généraux élus dans le département. Il concourt,
par ses délibérations, à l’administration de son département. Les délibérations
deviennent exécutoires à partir de leur publication et, le cas échéant, de leur
transmission au préfet dans le cadre du contrôle de légalité.
Le conseil général se réunit au moins une fois par trimestre (il peut également être
convoqué en session extraordinaire). Il est convoqué par son président (la convocation
doit être précise, doit comporter l’ordre du jour, et doit être envoyée suffisamment tôt
pour permettre aux conseillers de préparer les dossiers). Il est régi par les dispositions
de son règlement intérieur, lequel est appliqué par le président du conseil général qui
assure la police de l’assemblée. Les réunions sont publiques. La moitié des conseillers
territoriaux doivent être présents pour pour pouvoir délibérer valablement.
Tout comme le conseil régional, le conseil général peut être dissous par décret en
Conseil des ministres s’il apparaît que son fonctionnement s’avère impossible.
Le département ne dispose plus de la clause de compétence générale qui lui
permettait de se saisir de toute question intéressant son territoire. Il ne dispose plus
désormais que de compétences touchant à des domaines limitativement énumérés qui
relèvent de l’intérêt départemental, ce qui réduit donc considérablement sa capacité
d’initiative.
Ses compétences principales concernent le domaine de l’aide et de l’action sociales et
sanitaires. C’est ainsi que la plupart des prestations sociales incombent au conseil
général. Il est également compétent en matière de protection de l’environnement (voir
tableau de répartition des compétences).
38
Par ailleurs, le conseil vote le budget du département, décide des emprunts et des
garanties d’emprunts. Il détermine le nombre de membre de la commission
permanente et procède à leur élection.
1.1.3.2- Le président du conseil général
La désignation du président du conseil général intervient lors de la première réunion de
l’assemblée délibérante faisant suite à l’élection des conseillers. La durée de son
mandat est calquée sur celle du conseil général. Pour procéder à cette désignation, le
conseil général est présidé par son doyen d’âge.
Le mode de scrutin retenu est majoritaire à trois tours. Ainsi, la majorité absolue des
suffrages est exigée aux deux premiers tours. En revanche, elle peut n’être que relative
au troisième tour.
Le président du conseil général ne peut pas assurer les fonctions de maire ou de
président du conseil régional.
Le président du conseil général convoque l’assemblée délibérante et la préside. En cas
d’absence, il délègue ce pouvoir à l’un de ses vice-présidents. Il dispose de la police de
l’assemblée. Il prépare et exécute les délibérations du conseil général.
Le président du conseil général est l’ordonnateur des recettes et des dépenses (il
donne l’ordre d’encaisser ou de débourser), mais il n’effectue pas lui même l’opération
sous peine de gestion de fait. Il gère également le patrimoine régional (il dispose à ce
titre d’un important pouvoir de police domaniale puisqu’il réglemente la circulation sur
tout le réseau routier départemental) et a le pouvoir d’ester en justice au nom du
département.
Chaque année, le président remet un rapport au conseil général sur la situation
générale et financière du département, sur l’activité et le financement des services et sur
l’état d’exécution des délibérations du conseil général.
Il est le chef de l’administration départementale. Il nomme aux emplois qui sont créés
par le conseil général et dispose d’un pouvoir hiérarchique sur les agents du
département.
Enfin, il peut opérer des délégations, sous sa surveillance et sous sa responsabilité, en
faveur de certains personnels ou élus, notamment en faveur des vice-présidents.
1.1.2.3- Les vice-présidents
39
Une fois élu, le président du conseil général fixe le nombre de ses vice-présidents (entre
4 et 15). Ils sont en suite élus par le conseil général au scrutin de liste, à la
représentation proportionnelle, ce qui permet à l’opposition de jouer un rôle dans
l’exécutif.
Les vice-présidents sont principalement destinés à suppléer la vacance de présidence.
Ils bénéficient également de délégations de la part du président du conseil général. Ils
participent ainsi à l’exécutif.
Les vice-présidents forment, avec le président du conseil général, le bureau.
1.1.2.4- La commission permanente
Le conseil général élit les membres de la commission permanente, laquelle est
composée du président et de ses vice-présidents et d’éventuellement un ou plusieurs
autres membres.
La commission est une émanation du conseil général. C’est un organe collégial restreint
qui assure la permanence du conseil général, puisque ce dernier ne se réunit que par
session. Il permet donc de gérer les affaires courantes.
Le fonctionnement de la commission permanente varie selon les départements,
puisque c’est le règlement intérieur qui en détermine les principes.
La commission peut recevoir diverses attributions par délégation du conseil général,
sauf en ce qui concerne le budget et les comptes. Ses décisions ont la forme de
délibérations et sont soumises au contrôle de légalité.
1.2- Le pôle communes / intercommunalités
1.2.1- Les élections municipales
Depuis la réforme du 16 décembre 2010, et à compter de 2014, les conseillers
municipaux et communautaires seront élus pour six ans, au suffrage universel direct,
dans le cadre des élections municipales.
Peuvent être candidats les français et les ressortissants des Etats de l’Union Européenne
âgés de 18 ans, électeurs ou inscrits au rôle d’une imposition de la commune.
Le mode de scrutin retenu varie selon l’importance de la commune et si elle dépasse,
ou non, le seuil de 500 habitants (seuil abaissé de 3.500 à 500 par la réforme de 2010).
40
Dans les communes de plus de 500 habitants, c’est un scrutin mixte qui a été retenu. Il
s’agit d’un scrutin plurinominal majoritaire à deux tours, avec la moitié des sièges
répartis à la représentation proportionnelle.
Au premier tour, si une liste a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés, il lui
est attribué un nombre de sièges égal à la moitié des sièges à pourvoir. Les autres
sièges sont répartis entre toutes les listes ayant obtenu plus de 5% des suffrages, y
compris la liste arrivée en tête.
Si aucune liste n’obtient la majorité absolue à l’issue du premier tour, un second tour est
organisé. Ne peuvent se présenter au second tour que les listes ayant obtenu au moins
10 % des suffrages exprimés au premier tour. A l’issue du second tour, la liste
majoritaire (même majorité relative) obtient la moitié des sièges et l’autre moitié est
répartie à la proportionnelle entre les listes ayant obtenu plus de 5% des suffrages, y
compris la liste arrivée en tête.
Précisions que dans les communes de plus de 500 habitants, les listes doivent respecter
la loi sur la parité hommes / femmes, c’est-à-dire qu’elle doivent comprendre autant
d’hommes que de femmes, à l’unité près. De surcroît, cette parité s’analyse tous les six
noms, c’est-à-dire que sur les six premiers noms de la liste, il doit y avoir trois hommes
et trois femmes, et ainsi de suite par groupes de six).
Dans les communes de moins de 500 habitants, on applique un scrutin plurinominal
majoritaire à deux tours, c’est-à-dire que la liste arrivée en tête obtient l’ensemble des
sièges.
Par ailleurs, dans le cadre de ces élections municipales, un système de fléchage permet
de désigner en même temps ceux qui, en plus de leur mandat municipal, siègeront au
conseil communautaire.
1.2.2- Les communes
Avant de décrire le fonctionnement des communes, précisons que la France compte
près de 36.700 communes, soit 37,5% du nombre total de communes dans l’Union
Européenne.
Il s’ensuit que beaucoup de ces communes sont de très petite taille, ce qui les empêche
bien souvent de proposer les services que l’on attend aujourd’hui d’une commune,
faute de ressources suffisantes. C’est pour palier ce handicap que l’intercommunalité a
été développée.
1.2.2.1- Le conseil municipal
41
Le conseil municipal est l’assemblée délibérante de la commune. Le nombre de
conseillers est déterminé en fonction de la population de la commune et est compris
entre 9 et 69 (sauf pour Paris, Lyon et Marseille).
Le conseil municipal se réunit au moins une fois par trimestre, sur convocation du maire.
En pratique, il se réunit généralement une fois par mois. La convocation doit, être
suffisamment précise, faire état de l’ordre du jour et être envoyée suffisamment tôt pour
permettre aux conseillers de préparer les dossiers qui vont être discutés.
Les séances sont présidées par le maire, qui est chargé de faire appliquer le règlement
intérieur au titre de son autorité de police de l’assemblée. Les séances sont publiques,
sauf exceptions.
Les délibérations deviennent exécutoires à partir de leur publication et, le cas échéant,
de leur transmission au préfet dans le cadre du contrôle de légalité. Cette publication
intervient souvent par voie d’affichage à la mairie.
Le conseil municipal peut être dissous par décret pris en Conseil des ministres s’il est
définitivement hors d’état de régler les affaires communales de son fait même et si
aucune autre solution n’est possible.
«Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune». C’est ce
que l’on appelle la clause de compétence générale (qui a été maintenue pour les seules
communes) qui permet à une commune de se saisir de toute question d’intérêt
communal ce qui lui confère une importante capacité d’initiative. Ainsi, les
compétences de la commune sont extrêmement nombreuses (voir tableau de
répartition des compétences). Il suffit qu’elles relèvent de l’intérêt communal.
Le conseil municipal vote le budget de la commune, décide de la création et de
l’organisation des services municipaux, de la création et de la suppression des emplois
municipaux et élit le maire et ses adjoints.
1.2.2.2- Le maire
Le maire est élu par le conseil municipal, en son sein, lors de la première séance qui suit
les élections. Le mode de scrutin retenu est un scrutin majoritaire à trois tours.
Le maire ne peut être contraint de démissionner. En cas de démission, de décès ou de
révocation (sanction prise en Conseil des ministres), une nouvelle élection doit être
effectuée au sein du Conseil municipal pour la durée restante du mandat.
En tant qu’exécutif de la commune, le maire est tout d’abord chargé de préparer et
d’exécuter les délibérations adoptées par le conseil municipal. Il peut également
bénéficier de délégations de la part du conseil, généralement pour ce qui concerne les
42
affaires courantes. Il est le supérieur hiérarchique de l’ensemble du personnel
communal. Il est l’ordonnateur des recettes et des dépenses. Il représente la commune
en justice. Enfin, il est chargé de la police municipale et est une autorité de police
administrative (il est responsable de l’ordre public)
1.2.2.3- Les adjoints
Le maire et ses adjoints forment ce que l’on appelle la municipalité.
Juste après l’élection du maire, le conseil municipal élit les adjoints. Le nombre d’adjoint
est fixé par le conseil, sans que ce nombre puisse dépasser 30% de l’effectif du conseil.
L’élection se déroule selon le même mode de scrutin que celle du maire.
Les adjoints n’ont pas de compétences propres en dehors d’officier d’état civil et de
suppléant du maire en cas de vacances du pouvoir. En revanche, ils peuvent recevoir (et
c’est généralement le cas) délégation de la part du maire, à condition que celle-ci soit
suffisamment précise et limitée quant à son objet.
1.2.3- Les EPCI
La France est la championne européenne du nombre de communes sur son territoire.
Près de 32.000 communes comptent moins de 2.000 habitants, tandis que 850
seulement en comptent plus de 10.000.
La conséquence est que ces petites communes sont trop petites pour pouvoir fournir
aux habitants les services qu’ils en attendent, par manque de moyens.
Cette situation s’explique par le fait que toutes les mesures destinées à réduire le
nombre de communes ont échoué, contrairement à ce qui s’est passé dans les autres
pays européens.
La solution n’était donc pas dans la fusion des communes, mais dans leur coopération
au sein d’établissements publics : les EPCI (établissements publics de coopération
intercommunale).
Ces établissements publics sont administrés par des autorités qui leur sont propres (un
organe délibérant et un exécutif) et disposent de l’autonomie financière. Ils disposent,
en outre, de prérogatives de puissance publique.
Tous les EPCI sont des établissement publics à caractère administratif, ce qui signifie
qu’ils sont dotés de la personnalité juridique et d’un budget propre.
43
Cependant, s’agissant d’établissements publics, les EPCI ne peuvent intervenir que dans
le cadre des compétences qui leur ont été transférées par les communes membres
(spécialité fonctionnelle) et à l’intérieur de son territoire (spécialité territoriale)
Par ailleurs, les EPCI ont une compétence exclusive dans les domaines qui leur ont été
transférés.
La création d’un EPCI peut se faire :
➪ à l’initiative d’un ou plusieurs conseils municipaux demandant la création d’un EPCI ;
➪ sur proposition du préfet de département, après avis de la commission
départementale de coopération intercommunale (CDCI).
Le périmètre de l’EPCI est alors fixé par un arrêté du préfet ou par un arrêté conjoint
lorsque plusieurs départements sont concernés.
A compter de la notification de cet arrêté, le conseil municipal de chaque commune
concernée dispose d’un délai de trois mois pour se prononcer sur le projet de
périmètre et sur les statuts du nouvel EPCI.
Une condition de majorité particulière est mise en place pour ces délibérations des
conseils municipaux portant sur la création d’un EPCI :
➪ l’accord doit être exprimé par deux tiers des conseils municipaux représentant plus
de la moitié de la population ;
➪ ou l’accord doit être exprimé par la moitié des conseils municipaux représentant les
deux tiers de la population.
De plus, la commune la plus importante doit impérativement, lorsqu’elle correspond à
plus du quart de la population totale, donner son accord.
En cas d’accord des communes, l’EPCI est créé par un arrêté du ou des préfets.
Le retrait d’une commune est impossible si elle appartient à une communauté urbaine
ou à une métropole. En revanche, ce retrait est possible, pour les autres EPCI.
Ce retrait nécessite les consentements :
➪ de l’organe délibérant de l’EPCI ;
➪ de l’ensemble des conseils municipaux exprimés dans les conditions de majorité
requises pour la création.
Toutefois, il est difficile de dire ce qu’il adviendra de cette possibilité maintenant que la
couverture par un EPCI est obligatoire. Le retrait devrait être possible uniquement si
44
une intégration est prévue dans un autre EPCI, en gardant à l’esprit le souci de
cohérence qui règne en matière d’EPCI, ainsi que la volonté d’éviter les enclaves.
1.2.3.1- Les syndicats intercommunaux
Ces syndicats présentent la particularité de ne pas percevoir de fiscalité propre, c’est-àdire qu’ils ne peuvent lever d’impôts locaux sur les populations habitant leurs territoires.
Ils sont donc financés directement par les communes qui en sont membres.
Ces syndicats sont les ancêtres des EPCI. Ils ont été mis en place afin de permettre aux
communes de regrouper leurs moyens pour assurer certains services. Il s’agit souvent su
ramassage des ordures ménagères, du traitement des eaux usées, d’installations
sportives ou de services de transport.
Ainsi, selon que le syndicat a une ou plusieurs missions, il sera dit à vocation unique
(SIVU) ou multiple (SIVOM).
Notons que ces syndicats, avec la généralisation des EPCI à fiscalité propre, bien que
leur nombre soit encore important, risquent de disparaître à moyen terme, puisqu’ils
seront dissous d’office lorsque leur territoire est inclus dans celui d’un EPCI à fiscalité
propre.
1.2.3.2- Les syndicats d’agglomération nouvelle
Il s’agit d’une catégorie très spécifique d’EPCI à fiscalité propre, puisqu’il n’en existe que
cinq en France (neuf à la création du dispositif), dont un autour de l’étang de Berre : le
SAN Ouest-Provence. Ils sont très proches des communautés d’agglomérations. Ils
risquent d’ailleurs très certainement de se transformer en communautés
d’agglomérations à moyen terme.
1.2.3.3- Les communautés de communes
La communauté de commune regroupe des communes d’un seul tenant et sans
enclave, sans condition de population.
Ses compétences sont relativement réduites, bien qu’il puisse lui être attribué des
compétences facultatives.
1.2.3.4- Les communautés d’agglomérations
45
La communauté d’agglomération regroupe plusieurs communes formant un ensemble
de plus de 50.000 habitants d’un seul tenant et sans enclave, autour d’une ou plusieurs
communes de plus de 15.000 habitants. Toutefois, cette conditions tenant à la taille de
la plus grande ville n’est pas requise si le chef lieu ou la commune la plus importante du
département est inclus dans le périmètre.
Les compétences de la communauté d’agglomération sont plus importantes que pour
la communauté de communes. En effet, elle dispose d’un certain nombre de
compétences obligatoires, auxquelles peuvent être ajoutées bon nombre de
compétences facultatives.
1.2.3.5- Les communautés urbaines
La communauté urbaine regroupe des communes d’un seul tenant et sans enclave qui
forment un ensemble de plus de 450.000 habitants.
Les conditions permettant de prétendre au statut de communauté urbaine n’ayant pas
toujours été aussi élevées, il en existe de moins de 450.000 habitants, notamment
Bordeaux, Lille, Strasbourg.
En effet le seuil était initialement de 50.000 habitants, puis de 20.000, puis de 500.000.
Il a finalement été ramené à 450.000 par la loi du 16 décembre 2010.
La communauté urbaine exerce de plein droit, en lieu et place des communes
membres, des compétences dans de très nombreuses matières, au point que la
commune ne dispose plus que de compétences résiduelles.
Par ailleurs, le département peut, par convention, déléguer une partie de ses
attributions en matière d’aide et d’action sociale à la communauté urbaine.
1.2.3.6- Les métropoles
Nouveau venu de la réforme du 16 décembre 2010, les métropoles ont un statut
proche de celui des communautés urbaines.
La métropole regroupe plusieurs communes d’un seul tenant et sans enclave, formant
un ensemble de plus de 500.000 habitants, ainsi que les agglomérations de Bordeaux,
Lille, Lyon et Strasbourg.
Par dérogation, les métropoles peuvent admettre une enclave lorsqu’elles intègrent un
EPCI à fiscalité propre qui comportait déjà une enclave.
46
Les compétences des métropoles sont extrêmement étendues. Elles disposent de
compétences transférées par la commune, mais également par le département et la
région.
En ce qui concerne les compétences d’origine communale, elles sont identiques à
celles des communautés urbaines.
En ce qui concerne les compétences d’origine départementale, nombreuses sont celles
qui sont obligatoires (il s’agit des principales compétences du département) tandis que
d’autres ne sont que facultatives. De ce point de vue, les compétences des métropoles
sont donc bien plus importantes que celles des communautés urbaines.
Enfin, la métropole bénéficie également de transferts obligatoires et facultatifs de la
part de la région.
2- Les collectivités dérogatoires
2.1- Les régions et départements d’outre-mer
En dépit du caractère unitaire de la République, des adaptations, d’importances
variables selon les collectivités en cause, ont été admises pour répondre soit à des
contraintes géographiques évidentes, soit à l’aspiration à une certaine autonomie
administrative.
C’est ainsi que l’article 73 de la Constitution précise que, à la demande des collectivités,
la loi peut (sauf à la Réunion) les autoriser à procéder elles-mêmes à des adaptations, y
compris dans les matières législatives, sauf dans certaines matières intéressant l’ordre
public, la justice, le droit électoral, la politique étrangère, la monnaie et le crédit.
En pratique, l’organisation administrative des cinq DOM (Guadeloupe, Martinique,
Guyane, La Réunion et Mayotte) est identique à celle des départements métropolitains.
Par ailleurs, depuis la loi du 31 décembre 1982, chacun des cinq DOM constitue
également une région à part entière. Certaines sont dotées d’un conseil régional et
d’un exécutif propres. Le résultat est alors assez singulier puisque, pour le même
territoire, coexistent deux assemblées délibérantes et deux exécutifs.
La Martinique et la Guyane se sont prononcées, le 24 janvier 2010, pour la fusion des
deux échelons territoriaux, mettant ainsi fin à cet enchevêtrement territorial. Mayotte,
quant à elle à directement opté pour cette fusion. Donc seules la Guadeloupe et la
Réunion ont conservé la superposition des deux échelons.
47
Par rapport aux régions métropolitaines, les régions d’outre mer sont dotées, en plus de
leur comité économique et social, d’un comité de la culture, de l’éducation et de
l’environnement à caractère également consultatif.
Depuis la loi constitutionnelle de 2003, les régions d’outre mer bénéficient du même
régime d’adaptation législative et réglementaire que les DOM.
2.2- Les collectivités d’outre-mer
Les collectivités d’outre-mer forment une catégorie hétérogène remplaçant les anciens
TOM. Chacune de ces collectivités peut ainsi avoir un statut unique, qui tient compte
des intérêts propres de chacune d’elles au sein de la République, défini par une loi
organique adoptée après avis de l’assemblée délibérante locale.
On compte parmi ces collectivités d’outre-mer les îles Wallis et Futuna, Saint-Pierre-etMiquelon, la Polynésie Française, Saint Martin et Saint Barthélémy, les Terres australes et
antarctiques françaises.
2.3- Les collectivités à statut particulier
2.2.1- Paris, Lyon et Marseille
Pour des raisons historiques et pratiques, les 3 grandes villes ne disposent pas du
même statut que les autres communes.
Leur statut est caractérisé par l’existence de deux échelons d’administration. Un échelon
communal comparable à celui existant dans les autres communes, et un échelon
constitué d’arrondissements dans lequel sont élus un conseil d’arrondissement et un
maire d’arrondissement.
2.2.1.1- L’organisation de l’échelon communal
L’effectif du conseil de la ville de Paris est composé de 163 membres, celui du conseil
municipal de Marseille est composé de 101 membres et celui de Lyon de 73 membres.
Chaque arrondissement élit un conseil d’arrondissement et, par un système de
fléchage, désigne en même temps ceux d’entre eux qui siègeront également au conseil
municipal..
L’élection se déroule selon les mêmes règles que dans les communes de plus de 500
habitants, dans le cadre de chaque arrondissement.
48
Le conseil de la ville de Paris et les conseils municipaux de Marseille et Lyon disposent
des mêmes attributions que celles dévolues aux conseils municipaux des autres
communes. Ils règlent, par leurs délibérations, les affaires de la commune.
De son côté, le maire, après avoir été élu par l’assemblée délibérante exerce les
attributions normalement dévolues au maire dans toutes les communes, sous réserve
des attributions réservées aux maires d’arrondissements, notamment en ce qui
concerne les actes de l’état civil.
En revanche, le maire de la commune doit, en outre, assurer le contrôle de légalité des
décisions prises par les conseils d’arrondissement.
2.2.1.2- L’organisation de l’échelon d’arrondissement
L’arrondissement constitue une unité déconcentrée de la commune, puisqu’il ne
dispose pas d’une personnalité juridique distincte de celle de la commune. Il ne
dispose pas non plus d’un budget autonome, même s’il jouit d’une certaine autonomie
financière.
Le conseil d’arrondissement est composé à la fois de conseillers d’arrondissement
(environ les 2/3), et de conseillers municipaux (1/3). Dans le cas de Marseille, les
arrondissements sont regroupés en secteurs. On dénombre 6 secteurs, regroupant les
16 arrondissements.
Le conseil d’arrondissement a vocation à s’occuper de l’ensemble des questions
touchant
l’arrondissement. Mais à l’inverse du conseil municipal, le conseil
d’arrondissement ne dispose d’aucune clause de compétence générale, mais
d’attributions limitées :
➪ poser des questions écrites, émettre des voeux ou donner son avis, auprès du maire
de la commune, sur un problème touchant l’arrondissement.
➪ prendre certaines décisions qui intéressent l’arrondissement lorsque le conseil
municipal lui en a délégué la compétence.
➪ le conseil d’arrondissement établit un budget d’arrondissement alimenté par les
dotations allouées par le conseil municipal.
Le maire d’arrondissement (ou maire de secteur à Marseille) est élu auprès du conseil
d’arrondissement, parmi ses membres qui ont le statut de conseiller municipal. Le maire
d’arrondissement, ainsi que ses adjoints, se voient attribuer le même statut que les
maires et adjoints “traditionnels”.
49
Le maire d’arrondissement bénéficie des attributions normalement dévolues au maire
en qualité de représentant de l’Etat (état civil, listes électorales, etc...). En outre, il est
consulté par le maire de la commune pour chaque question qui concerne
spécifiquement l’arrondissement. Le maire de l’arrondissement est enfin compétent
pour ordonnancer les dépenses dans le budget de l’arrondissement. Il ne peut toutefois
modifier la destination des fonds sans avoir au préalable, obtenu l’accord du maire de la
commune.
Le maire d’un arrondissement ne peut pas être le maire de la commune.
2.2.1.3- La spécificité de Paris
La principale particularité de son statut est que le même territoire constitue à la fois un
département et une commune. En conséquence, le conseil siège tantôt en qualité de
conseil municipal, tantôt en qualité de conseil général. Le maire de Paris exerce tantôt
les fonctions d’un maire ordinaire, tantôt celles d’un président de conseil général.
Cependant, les budgets, les services et les personnels des deux collectivités sont
distincts.
Les attributions du maire de la ville de Paris sont plus limitées que celles des maires de
Marseille et Lyon, car les pouvoirs de police, à Paris, sont partagés entre le maire et le
préfet de police.
2.2.2- La Corse
Depuis 1991, la Corse est une collectivité territoriale, composée depuis 1975 de deux
départements, dont l’autonomie ressemble à celle de certaines collectivités d’outre-mer.
Il a d’ailleurs été envisagé de modifier son organisation administrative en créant une
collectivité territoriale unique, fusionnant la région et les deux départements, mais la
population corse, le 6 juillet 2003, a rejeté le projet.
La particularité institutionnelle de la Corse se retrouve essentiellement à l’échelon
régional, avec la Collectivité territoriale de Corse (CTC). Le fonctionnement des
département n’est, en revanche, pas dérogatoire.
Le conseil exécutif de la CTC est une sorte de gouvernement régional, élu par
l’Assemblée de Corse et politiquement responsable devant elle. Il se compose du
président et de huit conseillers exécutifs, et est désigné au sein des membres de
l’Assemblée de Corse. Le président de l’Assemblée de Corse dispose, à peu près, des
mêmes attributions qu’un président de conseil régional.
50
L’Assemblée de Corse, élue pour six ans par un scrutin équivalent à celui des élections
régionales, a des attributions plus étendues que les conseils régionaux métropolitains.
Elle est notamment consultée sur tous les projets de lois ou de décrets comportant des
dispositions spécifiques à la Corse. Elle doit également être consultée pour tout projet
de loi ou de réglementation touchant spécifiquement son territoire et elle peut
demander des adaptations aux lois et règlements en vigueur.
Le Conseil exécutif et l’Assemblée sont assistés par un conseil économique, social et
culturel, dont la consultation est obligatoire sur de nombreux sujets.
Dotée de quelques ressources spécifiques, le Corse dispose d’établissements publics
d’intérêt local (pour les transports, l’agriculture, ou le tourisme).
2.2.3- La Nouvelle Calédonie
La Nouvelle-Calédonie est dotée d’un statut d’autonomie si marqué que la Constitution
lui consacre un titre à part. Ce statut est temporaire, le temps que la population se
prononce pour une indépendance totale ou pour un statut proche de celui de la
Polynésie Française. Des consultations sur le passage à l’indépendance devraient être
organisées entre 2014 et 2018. Seuls pourront participer les citoyens justifiant d’une
durée de domicile continu de vingt ans en Nouvelle-Calédonie.
Il existe tout d’abord une citoyenneté néo-calédonienne.
Ensuite, la Nouvelle-Calédonie est dotée d’un gouvernement et d’un congrès qui peut
voter des “lois du pays”, compétent en matière législative, sauf en ce qui concerne les
fonctions régaliennes de l’Etat.
L’Etat y est représenté par un haut commissaire aux compétences très limitées.
Elle est en outre divisée en 3 provinces administrées par des assemblées élues.
Toutefois, les “lois du pays” relèvent du contrôle du Conseil constitutionnel et les actes
administratifs de celui du juge administratif français.
3- Le contrôle de légalité
Dans le cadre de l’Etat unitaire et en dépit de l’autonomie des collectivités territoriales,
les organes de l’Etat sont chargés de vérifier que les actes des collectivités territoriales
et de leurs organes sont conformes au droit, c’est-à-dire à la hiérarchie des normes. Ce
contrôle, exercé par le préfet, prend le nom de contrôle de légalité. Il a été
profondément remanié par la réforme de 1982.
51
Pour permettre au préfet d’exercer son contrôle, les collectivités et leurs organes ont
l’obligation de lui transmettre la plupart de leurs actes (pour l’essentiel, les règlements
et les décisions individuelles créatrices de droit) dans un délai de 15 jours à compter de
leur signature. Le préfet peut également demander que lui soit transmis un acte pour
lequel il n’existe aucune obligation de transmission.
Le préfet (en général de département, sauf pour les actes de la région et de ses
organes pour lesquels c’est le préfet de région qui est compétent) effectue ensuite un
contrôle de la légalité de l’acte qui lui a été transmis. Ce contrôle ne peut en aucun cas
porter sur l’opportunité (comme c’était le cas avant 1982).
Si le préfet considère que l’acte en question est illégal, il le signale à la collectivité ou à
l’organe concerné par le biais d’une lettre d’observation. Généralement, ces lettres
d’observations conduisent les élus à modifier leur décision. Mais dans le cas contraire, le
préfet pourra alors, dans un délai de deux mois à compter de la transmission de l’acte,
saisir le juge administratif par un déféré spontané, qui s’assimile à un recours pour excès
de pouvoir, par lequel il va demander l’annulation de l’acte.
L’acte est normalement exécutoire, en dépit de la contestation devant le juge
administratif. Par principe, l’acte n’est donc pas suspendu. Cependant, dans les cas les
plus graves, le préfet a la possibilité de demander au juge du référé la suspension
provisoire de l’acte, dans l’attente que le juge du fond se prononce.
Le taux de réussite de ces procédures est assez élevé, puisque 80% des actes déférés
au juge administration sont ensuite annulés. Cependant, le nombre final d’actes annulés
par le juge est extrêmement faible au regard du nombre total d’actes faisant l’objet d’un
contrôle. Seuls un millier d’actes sont annulés chaque année, sur les 5 à 7 millions
d’actes faisant l’objet d’un contrôle de légalité.
Par ailleurs, le préfet peut également être amené à intervenir en dehors de cette
procédure de transmission obligatoire des actes. Dans cette hypothèse, c’est un
administré qui va contester une décision qui lui est opposable auprès du préfet. Ce
dernier pourra alors adresser à l’administration ou à l’organe concerné une lettre
d’observation. Si celle-ci n’est n’est pas suivie d’effets, il pourra alors saisir le juge
administratif. On parle alors d’un déféré provoqué.
52
Seconde partie :
Eléments de droit
administratif
53
Chapitre I :
La notion de service public
Section I :
La définition de la notion de service public
La notion de service public est une des plus importantes constructions du juge
administratif, mais également une des plus complexes. Elle s’est mise en place tout au
long du XXème siècle.
Cependant, la difficulté ne tient pas seulement à la complexité intrinsèque de la
construction prétorienne. Elle repose également, en grande partie, sur une confusion
tenant au terme même de service public, tantôt utilisé dans un sens organique, tantôt
dans un sens fonctionnel.
En effet, on a tendance, dans le langage courant, à entendre par service public les
institutions publiques, autrement dit, les administrations. Or certaines activités des
administrations ne relèvent pas nécessairement de la notion juridique de service public.
A l’inverse, il existe de nombreuses activités de service public qui sont gérées par des
personnes privées et non par des services administratifs.
Par ailleurs, il arrive également dans le langage courant que l’on désigne par service
public toute activité d’intérêt général. Si cette acception se rapproche de la conception
juridique en ce que toutes deux désignent des activités et non des organes, elle en
diffère pourtant puisque le juge administratif a apporté d’autres critères d’identification
d’une activité de service public que le seul intérêt général. Cependant, il s’agit bien
évidemment du principal critère.
Ainsi, afin de maîtriser un tant soit peu cette notion, il convient, comme toujours en
droit, de bien en comprendre la définition. Cependant, auparavant, il peut être
intéressant de rapidement s’intéresser à l’intérêt de cette notion, de comprendre
pourquoi elle a été mise en place et pourquoi elle tient un rôle si central en droit
administratif.
I- L’évolution de la notion
Initialement, cette confusion entre les acceptions organique et fonctionnelle de la
notion de service public n’existait pas, pour la simple raison qu’elles étaient
indissociables l’une de l’autre.
En effet, l’école dite du service public dite de Léon Duguit liait consubstantiellement
personnes publiques et services publics. Dans une époque marquée par un certain
54
libéralisme, et dans laquelle l’Etat n’intervenait que très peu, notamment en matière
sociale, la puissance publique n’était exercée que dans des domaines régaliens,
forcément d’intérêt général. Ainsi, l’action de l’Etat était, par nature, nécessairement une
activité de service public.
Mais cette définition classique entre puissance publique et service public va être remise
en cause à partir des années 1930. Deux arrêts fondamentaux vont consacrer le fait
qu’une personne privée peut également exercer une activité de service. Ainsi, le service
public n’est plus un monopole de l’administration.
Le premier de ces deux arrêt est l’arrêt CE - 20 décembre 1935 - Société des
établissements Vézia. Sans aller jusqu’à affirmer que la personne privée dont il était
question exerçait un service public, le Conseil d’Etat a reconnu que sa mission était
d’intérêt public.
C’était donc franchir le pas qui allait conduire le Conseil d’Etat à reconnaître, moins de
trois ans plus tard, qu’une personne privée peut exercer un service public, dans son
célèbre arrêt CE Ass - 13 mai 1938 - Caisse primaire Aide et protection :
Considérant qu’il résulte tant des termes de la loi que de ses travaux préparatoires
que cette disposition vise tous les agents ressortissant à un organisme chargé de
l’exécution d’un service public, même si cet organisme a le caractère d’un
établissement privé ;
Désormais, la notion de service public cesse, en droit, d’avoir un sens uniquement
organique pour désormais désigner une fonction. C’est pourquoi l’on parle d’une
activité de service public.
II- Les critères de reconnaissance d’une activité de service public
Si l’arrêt Caisse primaire a reconnu qu’une activité de service public pouvait être
exercée par une personne privée, il n’a pas donné de définition de ces activités de
service public.
De surcroît, le législateur n’est pas intervenu pour donner une définition générale de la
notion. Ainsi, c’est donc au juge qu’il est revenu de déterminer les critères permettant
d’identifier une activité de service public. L’arrêt CE - 28 juin 1963 - Narcy est le premier
à avoir énoncé des critères d’identification du service public :
- il faut que cette activité ait un objet d’intérêt général ;
- il faut qu’elle s’effectue sous le contrôle d’une personne publique ;
- il faut qu’elle nécessite la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique.
55
Cependant, la nécessité de ces trois critères va être remise en question par un premier
arrêt de 1978 (à propos des établissements hospitaliers), solution qui sera ensuite
consacrée par deux arrêts fondamentaux : CE - 20 juillet 1990 - Ville de Melun et CE - 22
février 2007 - APREI.
Désormais, un service public peut être exercé par une personne privée, même en
l’absence de prérogatives de puissance publique dès lors que le contrôle de l’activité
par une personne publique est renforcé. Dans ces conditions, la présence de
prérogatives de puissance publique n’est qu’un simple indice permettant de déduire la
nature de service public. Cependant, elle ne permet pas de passer outre l’absence
d’une des deux autres conditions.
1- L’intérêt général
C’est un règle absolue : il ne peut y avoir service public que s’il y a intérêt général. La
notion de service public est consubstantielle à celle d’intérêt général.
Cependant, si la formule sonne bien, elle n’en demeure pas moins floue, eu égard à
l’imprécision de la notion d’intérêt général. Comment définir une telle notion ?
L’approche volontariste à la française repose sur l’idée que l’intérêt général transcende
la somme des intérêts particuliers. Dans ces conditions, c’est bien à la puissance
publique elle-même de déterminer ce qui relève de l’intérêt général et ce qui en est
exclu.
Lorsqu’elle ne le fait pas, ce sera au juge de se prononcer sur la nature de l’intérêt en
cause. Et la jurisprudence a été très fluctuante sur ce point, ce qui s’explique par
l’évolution des conceptions sociales. Alors qu’au XIXème siècle, l’Etat libéral
n’intervenait que dans les fonctions régaliennes, son action, à l’époque de l’Etat dit
providence, est bien évidemment beaucoup plus importante et la conception des juges
a suivi une évolution identique. Relevons d’ailleurs que le dépassement de la doctrine
classique date de l’entre-deux guerres, époque à laquelle les premières mesures
sociales d’envergure ont été mises en œuvre.
Le caractère essentiellement désintéressé de l’activité, lié à la garantie d’une prise en
compte d’objectifs à long terme profitables à la collectivité, constitue le critère de
reconnaissance d’une telle mission.
Ainsi, l’organisation des jeux de hasard ne saurait être interprétée comme une activité
d’intérêt général car elle relève à l’évidence d’une activité de plus grand profit, et non
pas d’une activité de plus grand service (Chapus). Cette solution a été affirmée par
l’arrêt CE Sect - 27 octobre 1999 - Rolin.
56
De même, la gestion du domaine privé de l’administration n’est pas considérée comme
un service public. Le but premier de cette gestion est en effet, pour l’essentiel,
d’exploiter la propriété, dans une logique de profit comme le ferait un simple
particulier.
Ces exemples illustrent donc des hypothèses dans lesquelles des personnes publiques
n’interviennent pas sur des motifs d’intérêt général (encore que cela puisse être
discutable dans la mesure où l’enrichissement d’une personne publique bénéficie a
priori à tous).
Cependant, une activité intéressée peut être considérée comme relevant du service
public lorsqu’elle entraîne un profit à long terme pour la collectivité.
C’est ainsi que le Conseil d’Etat a pu juger que les fédérations sportives géraient bien
des activités de service public, même lorsqu’il s’agissait de l’organisation de grandes
compétitions de sport professionnel, alors que ces évènements sont à l’évidence dictés
par des motivations financières. Cependant, le juge administratif a jugé que les
motivations financières étaient accessoires et qu’elles ne constituaient la finalité
principale de l’action administrative.
2- Une activité assurée ou assumée par une personne publique
Il ne suffit pas que l’activité en cause soit reconnue d’intérêt général pour qu’il y ait
service public. Encore faut-il qu’elle soit rattachée organiquement à une personne
publique.
Cette prise en charge peut être directe lorsque c’est la personne publique qui assure le
service directement en régie ou dans le cadre d’un organisme spécialisé de droit public
(par exemple un établissement public). Dans ce cas, pour reprendre la terminologie de
Chapus, on dira que le service public est assuré par la personne publique.
Elle est indirecte si la personne publique n’assure pas directement le service public,
mais ne fait que l’assumer, ce qui signifie qu’elle n’exerce pas elle-même l’activité, mais
qu’elle en contrôle l’exécution par un délégataire privé. La difficulté est alors de
déterminer à quel moment le contrôle par la personne publique est suffisant pour que
l’on puisse considérer que c’est elle qui assume l’activité de service public, bien qu’elle
ne l’exerce pas directement.
3- L’exercice de prérogatives de puissance publique
Les prérogatives de puissance publique sont des moyens que l’administration, ou
d’éventuels gestionnaires privés d’une activité de service public, peut mettre en œuvre
pour remplir ses missions d’intérêt général et imposer sa volonté.
57
Toutes ces facultés ne sauraient en aucun cas être exercées par une personne privée
classique. C’est pourquoi l’on parle de prérogatives exorbitantes du droit commun.
Ainsi, dans le cadre du droit civil des contrats, le cocontractant ne peut imposer sa
volonté dans les rapports contractuels. A l’opposé, l’administration a cette faculté. Elle
peut même résilier unilatéralement un contrat.
Cependant, de telles prérogatives ne sont justifiées que par l’intérêt général. Ainsi, dès
lors que l’administration agit dans un intérêt qui ne relève pas de l’intérêt général (par
exemple, gestion du domaine privé), elle ne peut faire usage de telles prérogatives. De
la même manière, l’administration ne pourrait résilier unilatéralement un contrat si la
justification de cette résiliation ne relèvait pas de l’intérêt général.
Section II :
La distinction SPA / SPIC
On fait souvent remonter cette distinction fondamentale à l’arrêt du Tribunal des conflits
Bac d’Eloka (TC - 22 janvier 1921 - Société commerciale de l’Ouest africain). Or, dès le
XIXème siècle, d’importants services publics étaient gérés par des personnes de droit
privé, dans le cadre des concessions de services publics.
Cependant, ce rôle du droit privé apparaissait comme la simple conséquence de la
nature de droit privé du concessionnaire. C’est là que l’on peut prendre la mesure de la
portée de l’arrêt Bac d’Eloka, car il a affirmé qu’un service public géré par une personne
publique relevait du droit privé, dès lors que cette personne publique se comportait
comme une entreprise ordinaire.
I- Distinction des services
Il faut donc rechercher si le service en cause, dans sa mission comme dans les procédés
utilisés, correspond à l’essence même de l’action administrative ou s’il peut être
comparé à une entreprise ordinaire.
Dès lors, sauf lorsque le caractère administratif ou industriel et commercial ressort du
texte constitutif ou de sa nature même (fonctions régaliennes), le juge se fonde sur un
faisceau d’indices.
Trois indices sont utilisés pour cette qualification (CE - 16 novembre 1956 - Union
syndicale des industries aéronautiques). Dès lors que deux indices sont en faveur d’une
qualification, celle-ci sera retenue par le juge.
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1- L’objet
La mission remplie par le service se rattache-t-elle plutôt aux fonctions normales de
l’administration ou au contraire est-elle proche de celle qu’une entreprise privée peut
assurer ?
Le juge se fonde sur une appréciation concrète des réalités de l’époque. A la date où il
statue, la mission remplie par le service peut-elle ou non être assurés par des
particuliers ?
Dès lors, certains services publics, en raison leurs objets, bénéficient d’une présomption
irréfragable (qui ne peut être renversée).
Ainsi, les services publics, gérés par des personnes publiques, dont l'objet porte sur
une fonction régalienne, bénéficient d'une présomption irréfragable d'administrativité.
A l’inverse, le service public de la distribution de l’eau, de par son objet, est, en
principe, un service public industriel et commercial, ce principe n’étant écarté que
lorsque son coût ne fait l’objet d’aucune facturation périodique à l’usager (TC - 21 mars
2005 - Mme Alberti-Scott).
2- Les ressources
Les services publics industriels et commerciaux sont pour l’essentiel financés de façon
similaire aux entreprises privées par des redevances pour service rendu, facturées à
l’usager en contrepartie de la prestation fournie et qui ne sont rien d’autre que le prix
de ces prestations.
Certaines aides peuvent venir en complément des sommes ainsi encaissées, mais
seulement à titre accessoire.
A l’inverse, le service public administratif est largement financé par le contribuable, par
l’impôt.
Cependant, tout comme les deux autres, il ne s’agit là que d’un indice. Il ne saurait donc
suffire à lui seul à déterminer la nature d’un service public, sauf dans de rares cas
particuliers (enlèvement des ordures ménagères).
3- Les méthodes de fonctionnement
Le juge va également regarder si le service dispose de prérogatives de puissance
publique, les règles comptables et budgétaires applicables ou le statut des personnels.
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Cet indice peut paraître paradoxal dans la mesure où ces différents éléments
dépendent de la nature du service public.
II- L’inexistence d’autres catégories de services publics
Tous les services publics sont des SPA ou des SPIC.
Pourtant, une loi de 1984 qualifie les universités d’établissements publics à “caractère
scientifique, culturel et professionnel”. Mais il ne s’agit en fait que de préciser l’objet du
service public, et non de créer une nouvelle catégorie de services publics. En
l'occurrence, les universités sont bien des SPA.
Par ailleurs, les services publics sociaux ont un temps été considérés, par le Tribunal des
Conflits, comme une troisième catégorie de services publics. Toutefois, le Conseil d’Etat
a fini, en 1983, par assimiler les services publics sociaux à des SPA.
Section III :
La création et la suppression du service public
I- La compétence pour la création ou la suppression du service public
1- Au niveau étatique
En certaines hypothèses, le service public ne pourra être créé que par la loi
(nationalisations, enseignement, défense nationale, sécurité sociale, nouvelle catégorie
d'établissements publics, lorsque la création du service porte atteinte aux libertés
fondamentales).
En toute autre hypothèse, le service public pourra être créé par le pouvoir
réglementaire.
Une fois créé, l’organisation du service relève normalement de la loi quand le service est
d’origine législative. Mais le pouvoir réglementaire a une compétence
traditionnellement étendue en ce domaine. Il s’agit d’un pouvoir réglementaire soit
externe au service qui précise des dispositions législatives, soit interne, en vertu des
pouvoirs réglementaires des chefs de services.
En ce qui concerne, la suppression des services publics, elle obéit, lorsqu’elle est
possible (c'est-à-dire lorsqu'il ne s'agit pas d'un service public obligatoire), à un
parallélisme des formes, c’est-à-dire que seule l’autorité créatrice a la possibilité de
supprimer le service public.
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2- Au niveau des collectivités territoriales et des EPCI
Au niveau des collectivités territoriales et des EPCI, ce sont les assemblées délibérantes
qui décident de la création ou, lorsqu’elle est possible, de la suppression des services
publics.
Cependant, ces créations doivent respecter les répartitions de compétences entre les
différents échelons de l’administration française. Ainsi, un service public local ne saurait
empiéter sur les compétences d’un service public national.
La loi rend obligatoire la création de certains services publics (enlèvement des ordures,
traitement des eaux usées, etc.).
Les services publics locaux sont extrêmement nombreux. La majorité sont des services
facultatifs. Cependant, en créant de tels services publics facultatifs, les collectivités
territoriales et les EPCI ne doivent pas porter atteinte au principe de libre concurrence,
ni à la liberté du commerce et de l’industrie.
II- L’obligation ou la faculté de créer un service public
La Constitution comporte des dispositions qui imposent la création de certains services
publics. Mais peut-on pour autant créer des services publics en tout domaine ? Si ceuxci venaient à couvrir l’ensemble des activités de la vie économique, il y aurait une
socialisation de l’économie contraire à la liberté d’entreprendre qui a valeur
constitutionnelle (CC - 81-132 DC - 16 janvier 1982), et plus encore contraire au droit
communautaire qui pose le principe de libre concurrence comme le fondement du
droit communautaire.
Le droit communautaire laisse les Etats libres de décider ce qui est ou n’est pas un
service d’intérêt général, mais ils doivent ensuite justifier que le régime du service
respecte la libre concurrence.
1- Les services publics obligatoires
Les services publics obligatoires sont fixés par la Constitution en ce qui concerne les
services publics nationaux, par la loi pour les services publics locaux.
Ainsi, sont rendus obligatoires, en raison de la nature même de l’institution étatique, les
services publics liés aux fonctions de souveraineté : défense nationale, relations
extérieures, justice, police, monnaie ; mais également ce qui touche à l’enseignement
public et laïc, à la formation professionnelle, à l’aide et la sécurité sociales.
61
2- Les services publics facultatifs
La question des services publics facultatifs entraîne celle de la compatibilité avec la
liberté d’entreprendre.
La loi, tout d’abord, est à même d’apporter des limitations à la liberté d’entreprendre
liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, mais
seulement à condition que les atteintes ne soient pas disproportionnées.
Ainsi qu’il ressort de l’arrêt CE Ass - 31 mai 2006 - Ordre des avocats du barreau de
Paris, qui synthétise et précise l’ensemble de la jurisprudence, l’acte administratif qui
crée un service public en l’absence de dispositions législatives explicites doit respecter
tant la liberté du commerce et de l’industrie que le droit de la concurrence.
Cette double exigence est le fruit d’une évolution jurisprudentielle complexe, dont il
importe de bien saisir le sens général.
Initialement, le Conseil d’Etat, placé dans un contexte libéral, considérait que la liberté
du commerce et de l’industrie interdisait en principe aux personnes publiques d’ériger
en services publics des activités économiques et de concurrencer les entreprises
privées. La seule hypothèse dans laquelle un service public pouvait intervenir dans un
secteur concurrentiel était celle de la carence de l’initiative privée.
Mais le développement de l’interventionnisme économique public, à partir de 1914, a
entraîné un assouplissement progressif de ce principe. La multiplication des services
publics venant concurrencer le secteur privé a alors fait naître la préoccupation qu’à tout
le moins cette compétition soit égale comme l’imposent les règles du droit de la
concurrence.
L’assouplissement du principe de non-concurrence s’est ainsi accompagné de
l’affirmation d’une exigence d’égale concurrence.
2.1- L’assouplissement du principe de non-concurrence
Avant toute chose, signalons que le principe de non-concurrence ne saurait être
appliqué dans les domaines relevant des pouvoirs régaliens de l’Etat. En effet, dans ces
matières relevant par nature de la puissance publique, la notion même de concurrence
n’a pas de sens.
En dehors de ces hypothèses, la création d’un service public dans un domaine
concurrentiel n’est possible que si elle est dictée par l’intérêt public. Mais alors que
cette exigence était autrefois entendue de façon restrictive (CE - 29 mars 1901 Casanova), elle est aujourd’hui comprise de plus en plus largement.
62
En principe, depuis l’arrêt CE - 30 mai 1930 - Chambre syndicale du commerce de
Nevers, l’intérêt public en cause suppose l’existence de circonstances particulières de
temps et de lieu consistant en une absence ou une insuffisance, quantitative ou
qualitative, de l’initiative privée pour répondre à un besoin suffisamment important de
la population. Pour autant, cette règle est interprétée très largement (cinéma en plein
air).
2.2- L’affirmation de l’exigence d’égale concurrence
Favorisée par le droit communautaire, qui est indifférent à la nature publique ou privée
des opérateurs économiques, cette exigence a été progressivement consacrée (CE Ass
- 31 mai 2006 - Avocats au barreau de Paris) par la jurisprudence. La création par une
personne publique d’un service public marchand (géré par une personne publique ou
privée) n’est légale que si cette personne, de par les modalités d’accomplissement de
cette activité, n’utilise pas les avantages dont elle dispose pour fausser le jeu de la
concurrence.
II- La suppression des services publics
L’Etat et les collectivités locales ont le droit de supprimer les services publics qu’ils ont
créé. Ils doivent respecter le principe de l’acte contraire, selon lequel la suppression
doit être décidée par l’autorité qui avait décidé la création.
Cette liberté de suppression connaît toutefois quelques limites :
➪ les collectivités n’ont pas le droit de supprimer les services publics dont l’existence est
exigée par la loi.
➪ elles sont obligées de supprimer les SPIC lorsque la défaillance de l’initiative privée,
qui avait justifié leur création, cesse d’être une réalité. Dans une telle hypothèse, le SPIC
peut malgré tout continuer à fonctionner durant tout le temps nécessaire à son
amortissement.
➪ quant à l’Etat, il lui est défendu par le Conseil constitutionnel de supprimer certains
services publics nationaux dont la nécessité découle des principes ou de règles de
valeur constitutionnelle.
Section IV :
Le régime juridique des services publics
Le régime juridique des services publics est relativement complexe car les SPA et les
SPIC n'emportent pas les mêmes conséquences juridiques. Nous n'entreront pas dans
63
ces considérations. Nous nous limiterons à étudier les lois communes à l'ensemble des
services publics.
I- Les lois Rolland
1- La continuité des services publics
La loi de continuité impose l’obligation d’assurer le fonctionnement régulier des
services publics, sans autres interruptions que celles prévues par les textes. Sauf dans
quelques cas, notamment pour les services des urgences hospitalières, la continuité
n’implique pas la permanence.
La continuité des services publics est analysée par la jurisprudence comme un principe
général du droit à valeur constitutionnelle.
Les interruptions sont toutefois jugées légales lorsqu’elles sont dues à un cas de force
majeure, c’est-à-dire à un événement extérieur, imprévisible et irrésistible.
Le principe de continuité est particulièrement rigoureux avec les concessionnaires de
service public. Ceux-ci sont en effet tenus de continuer à exploiter même si l’activité se
révèle déficitaire.
Une autre conséquence du principe de continuité est qu'il entre en contradiction avec
un autre principe à valeur constitutionnelle : le droit de grève. Depuis l'adoption du
préambule de la Constitution de 1946, le droit de grève est reconnu pour tous les
travailleurs, y compris les agents du service public.
Cependant, le principe de continuité peut entraîner certaines limitations.
Ainsi, certaines catégories d'agents n'ont tout simplement pas le droit de faire grève :
police, CRS, militaires, pompiers, agents des urgences, magistrats de l'ordre judiciaire,
préfets.
Pour tous les autres agents, le principe est qu'ils peuvent faire grève. Il appartiendra aux
chefs de services de mettre en place un service minimum afin de garantir la continuité
du service public. Ainsi, ils devront prévoir, avec les agents non grévistes, comment
faire en sorte que le service minimum puisse fonctionner.
S'il s'agit d'un service fondamental pour les administrés, le chef de service pourra, le cas
échéant, demander au préfet qu'il prenne une arrêté de réquisition afin de disposer du
personnel nécessaire pour mettre en place le service minimum.
2- La mutabilité des services publics
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La loi d’adaptation impose l’obligation de modifier les règles d’organisation et de
fonctionnement des services publics, pour tenir compte de l’évolution des besoins des
usagers.
En vertu de ce pouvoir, l’administration peut imposer des modifications dans
l’organisation ou le fonctionnement des services publics, tant à ses concessionnaires,
qu’aux usagers des services.
L’administration est le seul juge de l’évolution des besoins des usagers. Cependant, le
juge administratif contrôlera l'adéquation entre les évolutions imposées et les
nécessités de faire évoluer le service.
3- L’égalité dans les services publics
La loi d’égalité impose l’obligation de traiter de façon identique les usagers du service
public, lorsque ceux-ci sont dans des situations identiques. Concrètement, elle permet
aux usagers d’obtenir l’annulation des actes discriminatoires, ainsi qu’une indemnité en
réparation du préjudice subi.
En revanche, le principe d’égalité n’interdit pas de traiter de façon différente les usagers
du service public lorsque ceux-ci sont dans des situations différentes. C'est ce qui
ressort de l'arrêt CE -10 mai 1974 - Denoyez et Chorques.
Le Conseil constitutionnel a fait du principe de neutralité un corollaire de celui d'égalité
dans une décision de 1986.
En vertu de ce principe de neutralité, le service doit être identique qu'elles que soient
les opinions politiques ou religieuses des usagers. De même, les agents du service
public ne doivent pas manifester leurs opinions à l'occasion du service.
II- La gratuité dans les services publics
La gratuité ne peut en aucun cas être considérée comme un loi des services publics. En
effet, les SPIC ne sont quasiment jamais gratuits. Quant aux SPA, ils ne le sont que
lorsqu’un texte le prévoit, principalement lorsqu'il s'agit des fonctions régaliennes de la
puissance publique.
L’enseignement primaire public doit, par exemple, être gratuit en vertu d’une loi de
1881.
Au contraire, une loi de 1994 permet aux universités d’exiger des étudiants des droits
d’inscription, dont le montant est plafonné.
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On notera enfin que même lorsqu’une loi prévoit la gratuité d’un SPA, la jurisprudence
admet que l’administration fasse payer les usagers de celui-ci, dès lors qu’ils bénéficient
de prestations particulières excédant ses prestations normales.
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Chapitre II :
La police administrative
Section I :
La notion de police administrative
I- La distinction entre police administrative et police judiciaire
Tout l’intérêt de la distinction entre police administrative et police judiciaire repose sur
le fait qu’elles ne relèvent pas des mêmes ordres juridictionnels. Le contentieux de la
police administrative relève du juge administratif et celui de la police judiciaire, du juge
judiciaire.
Dès lors, il convient de déterminer ce qui permet de distinguer ces deux types
d’opérations de police.
1- Le critère finaliste
C’est la finalité de l’opération qui permet de distinguer entre ces deux formes de police.
On parle du critère finaliste.
Ce critère a été consacré par deux arrêts :
- CE Sect - 11/05/1951 - Consorts Baud (judiciaire)
- TC - 07/06/1951 - Dame Noualek (administratif)
Ainsi, toute opération ayant un but répressif sera considérée comme une opération de
police judiciaire. En revanche, si l’opération a un but préventif, il s’agit d’une opération
de police administrative.
Lorsque l’opération vise à réprimer une infraction supposée, peu importe qu’il n’y ait, au
final, pas d’infraction. Le juge fait prévaloir l’intention de l’auteur de l’opération de
police. Ainsi, il s’agira donc d’une opération de police judiciaire.
Cependant, il arrive qu’une même opération se transforme en cours de route, par
exemple lorsqu’un agent de police règle la circulation et qu’à cette occasion il constate
une infraction.
2- Les aménagements au critère finaliste
Le critère du but va ensuite être légèrement tempéré à l’occasion d’une affaire qui va se
présenter devant le Tribunal des conflits.
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TC - 12/06/1978 - Le Profil :
Dans cette affaire, une société avait été dévalisée par des malfaiteurs. Elle avait alors
attaqué l’Etat en responsabilité pour faute.
Deux fautes distinctes étaient avérées :
➪ faute de police administrative : pas de précautions suffisantes pour empêcher le vol ;
➪ faute de police judiciaire : les auteurs du vol n’ont pas été poursuivis.
Normalement, il aurait fallu faire deux actions distinctes pour être indemnisé des deux
fautes séparément.
Dans un souci de simplification, le Tribunal des Conflits a considéré que la faute
administrative, la première chronologiquement, avait été la plus déterminante, ce qui
avait eu pour effet de donner compétence exclusive au juge administratif.
Désormais, lorsqu’une faute de police judiciaire et une faute de police administrative
concourent à la réalisation d’un dommage, on doit donc en confier l’indemnisation au
juge compétent pour connaître de la plus déterminante des deux.
II- La classification police administrative générale / polices administratives
spéciales
1- La police administrative générale
La police administrative vise à maintenir l’ordre public. Or c’est un terme très vague qui
peut, s’il est entendu trop largement, conduire à une limitation arbitraire des libertés
publiques. On va donc chercher à définir précisément cette notion d’ordre public.
Cette notion à été définie par l'article 2212-2 du code général des collectivités
territoriales. Au terme de cet article, l'ordre public est composé de la sécurité, de la
tranquillité et de la salubrité publique. C'est ce que l'on appelle l'ordre public matériel.
La jurisprudence à ajouté une autre composante à l'ordre public : la moralité publique,
qui correspond a ce que l'on appelle l'ordre public immatériel.
1.1- L'ordre public matériel
Au départ, l'article 2212-2 CGCT n'était relatif qu’aux pouvoirs de police du maire. On
aurait donc pu croire que cette définition tripartite de l’ordre public ne s’appliquait
qu’aux maires.
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Mais l’arrêt CE - 08/08/1919 - Labonne a appliqué à l’ensemble des autorités de police
générale cette composition tripartite de l’ordre public.
Au terme de cette jurisprudence, les autorités de police administrative générale
peuvent donc prendre toute mesure se rapportant à l’un de ces trois objets (sécurité,
tranquillité et salubrité publiques).
En ce qui concerne la sécurité, il n'y a pas a grand chose à ajouter tant le terme est clair.
Il s'agit, pour les autorités de police administrative générale, de permettre aux
administrés de vivre en sécurité, première garantie à l'exercice des libertés
individuelles. Ainsi, le but est de garantir contre toute menace à la sécurité des biens et
des personnes.
Le terme tranquillité peut avoir plusieurs significations. Il s'agit tout d'abord de garantir
l'absence de troubles perturbant les administrés dans leurs activités (émeutes,
manifestations). Dans un sens plus moderne, la tranquillité consiste à prémunir les
administres contre le bruit.
Enfin, la salubrité correspond à l'hygiène et la santé publique.
1.2- l'ordre public immatériel
A priori, il ne semblait pas nécessairement utile de faire de la moralité publique une
quatrième composante de l’ordre public.
En effet, les trois composantes officielles permettent de combattre les désordres
moraux dès-lors que ceux-ci, en ayant des répercussions sur la tranquillité, la sécurité ou
la salubrité publiques, peuvent être des causes de troubles à l’ordre public.
Toutefois, la jurisprudence va aller au-delà et va malgré tout faire de la moralité
publique une quatrième composante de l’ordre public.
Plusieurs arrêts sont venus consacrer cette composante :
CE Sect. 30/05/1930 - Beaugé :
Interdiction de s’habiller et de se rhabiller sur les plages et falaises et de circuler dans
des tenues contraires à la décence (sans peignoir de bain).
CE Sect. 18/12/1959 - Société Les films Lutétia :
Un maire peut interdire la représentation d’un film dans sa commune, indépendamment
de tout risque de troubles matériels, lorsque sa projection “est susceptible d’être, à
raison du caractère immoral dudit film et de circonstances locales, préjudiciables à
l’ordre public”.
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CE 30/09/1960 - Jauffret :
Le préfet a le pouvoir de d’ordonner la fermeture des lieux de débauche portant
atteinte à la moralité publique.
Comment alors juger de ce qui est immoral ou pas ? En fonction de quels critères,
l’autorité de police administrative générale devra-t-elle juger de l’immoralité ? Le risque
est que les autorités de police administrative générale cherchent à imposer un ordre
moral, qui serait le reflet de leurs propres conceptions morales.
La réponse est apportée par la jurisprudence du Conseil d’Etat qui va faire référence à
la conscience collective.
CE Soc. 20/12/1957 - Société nationale d’édition cinématographique :
La moralité publique s’entend comme le minimum d’idées morales communément
admises à un moment et en un lieu donnés, par la moyenne des citoyens.
De surcroît, l’arrêt Films Lutetia fait référence à des circonstances locales pour justifier
l’atteinte à la moralité publique.
La mesure ne peut donc être prise arbitrairement, puisqu’elle doit à la fois être dictée
par des circonstances locales, et conformément à la conscience collective.
Par ailleurs, il convient de citer un arrêt fondamental qui a précisé un des aspects de la
moralité publique. En effet, les arrêts CE - 27/10/1995 - Ville d’Aix-en-Provence et
Commune de Morsang-sur-Orge, ont fait référence à la dignité de la personne
humaine, a propos de "lancer de nains".
Cependant, le juge administratif s'est depuis refusé à admettre d'autres hypothèses
dans lesquelles la dignité de la personne humaine pourrait être considérée comme une
composante de l'ordre public.
Ce refus s’est notamment manifesté à propos d’une interdiction :
➪ d’affichage publicitaire (CE 08/12/1997- Commune d’Arcueil) ;
➪ d’un couvre-feu pour les mineurs (CAA Paris 17/12/2002 - Commune de Yeres) ;
➪ de l’interdiction d’un défilé de mode musulmane réservé aux femmes auquel le maire
reprochait de porter atteinte à l’égalité des sexes et à la dignité de la femme TA CergyPontoise 21/07/2005 - Jasmeen).
Jusqu’à preuve du contraire, le champ d’application du concept de dignité est donc
restreint aux interdictions de “lancer de nains”.
2- Les polices administratives spéciales
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La police administrative spéciale se distingue de la générale en ce qu'elle ne peut pas
prendre toute mesure destinée à préserver l'ordre public. Elle est liée par une
compétence spéciale. En effet, les polices spéciales se voient assigner par les textes qui
les fondent des domaines d’intervention rigoureusement limités.
En général, il s'agit d'autorités spécialisées dans un domaine particulier, qui sont
choisies en fonction de leurs compétences.
Mais certaines autorités de police ont à la fois des pouvoirs en matière de polices
administratives générale et spéciale. C'est le cas notamment des maires et des préfets.
Cependant, lorsque c'est le cas, l'autorité de police ne peut, sauf urgence, privilégier
ses pouvoirs de police administrative générale pour se soustraire des procédures liées
aux pouvoirs de police administrative spéciale, étant précisé qu’elles sont souvent assez
contraignantes.
Section II :
La répartition des compétences en matière de police administrative
I- Les titulaires du pouvoir de police administrative générale
Les titulaires du pouvoir de police administrative sont toujours des représentants d’une
personne publique. La jurisprudence refuse, en effet, qu’on puisse le confier à une
personne privée :
CE Sect. 23/05/1958 - Amoudruz :
Si une commune peut concéder l’exploitation d’une plage à une société, elle ne peut,
en revanche, la charger d’y assurer, à la place du maire, le maintien de l’ordre public.
On peut déduire de cet arrêt que la police administrative ne peut être exercée qu’en
régie, et seulement par l’Etat, les départements et les communes.
Les autorités de police spéciale étant fort nombreuses, nous ne traiterons que des
autorités de police administrative générale.
1- Le Premier ministre
Le Premier ministre exerce ce pouvoir à l’occasion du Conseil des ministres puisque les
actes de police administrative générale sont pris sous la forme de décrets pris en
Conseil des Ministres. Ils sont donc soumis au contreseing du Président de la
République.
Les ministres, par contre, ne sont pas des autorités de police administrative générale.
Certes, des décrets habilitent certains d’entre eux à prendre les règlements de police
71
dans certains domaines. Mais, le pouvoir qui leur est ainsi reconnu n’a rien de général,
puisque confiné dans des domaines étroits. Il s’agit donc d’autorités de police
administrative spéciale.
Toutefois, le ministre de l’Intérieur, en tant que supérieur hiérarchique des préfets, peut
leur enjoindre de prendre telle ou telle autre mesure de police. Il est donc l'autorité
hiérarchique d'autorités de police administrative générale. Mais, il n’exerce pas
directement le pouvoir de police.
2- Les préfets
Les préfets exercent des pouvoirs de police plus importants, dans l’espace
géographique de leurs départements respectifs.
Ils assurent, notamment, au nom de l’Etat :
➪ la police de la circulation sur les routes nationales situées hors agglomérations ;
➪ la police des manifestations occasionnelles dans les communes à police d’Etat ;
➪ ils sont compétents pour prendre toute mesure visant à maintenir l’ordre public sur le
territoire d’au moins deux communes (exemple : restrictions d’eau en cas de
sécheresse)
3- Les maires
C’est le maire, et lui seul, qui exerce la police administrative générale au nom de la
commune. Le Conseil municipal n’a aucune compétence en la matière.
Au nom de la commune, il peut prendre toutes les mesures qui sont de nature à
préserver l’ordre public, dans l’ensemble de ses composantes. Mais il peut également
être autorité de police administrative spéciale, notamment en ce qui concerne les
bâtiments susceptibles de faire l'objet d'un arrêté de péril.
Toutefois, en cas de carence de sa part, le préfet peut se substituer à lui après une mise
en demeure restée sans résultat, et prendre au nom de la commune les mesures de
police nécessaires pour préserver l’ordre public.
Cependant, les communes de plus de 20000 habitants bénéficient d'un statut
particulier, puisqu'elles disposent d'un personnel de police d'Etat, ce qui entraîne une
légère diminution des pouvoirs de pièce administrative du maire.
Une partie du pouvoir d’assurer la tranquillité publique est en effet transférée au préfet :
la police des manifestations et rassemblements occasionnels, des tumultes dans les
lieux publics, et du tapage nocturne. Le reste, en revanche, est laissé au maire.
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Cette répartition entre maire et préfet repose sur l’idée suivante :
➪ les troubles ordinaires de la tranquillité publique relèvent du maire ;
➪ les troubles extraordinaires (par leur caractère inhabituel ou en raison de leur degré
de gravité) relèvent du préfet.
Paris et Marseille font également figure d'exception, car il y existe un préfet de police
qui exerce la majeure partie des compétences appartenant au maire en matière de
police. Le maire ne dispose plus que de compétences très limitées :
➪ il exerce la police des foires et marchés ;
➪ il veille à la salubrité des voies publiques ;
➪ depuis 2002, il exerce aussi la police de la circulation routière, sauf sur certains axes
sensibles.
Enfin, pour conclure, précisons que dans les EPCI a fiscalité propre, les communes
peuvent décider de mutualiser leurs polices municipales.
II- La concurrence des pouvoirs de police administrative
1- Concurrence entre pouvoirs de police administrative générale
En matière de police administrative générale, une autorité inférieure n’a pas le droit de
prendre une mesure moins rigoureuse que celle édictée par une autorité supérieure. En
revanche, elle peut prendre une mesure plus rigoureuse si des circonstances locales le
justifient. C'est la solution qui a été dégagée par l'arrêt CE - 18 avril 1902 - Commune
de Neris les bains.
De surcroît, même en cas d'aggravation, l'autorité inférieure ne peut prendre une
mesure que si elle est justifiée par des particularités locales.
Exemple : réduire la limitation de vitesse.
2- Concurrence entre pouvoirs de polices administratives générale et spéciale
Le principe est que l’existence de la police spéciale empêche l’exercice de la police
générale. C'est ce qui ressort de l'arrêt CE - 30 juillet 1935 - Établissements Satan.
L'intervention de la police générales, là où existent des polices spéciales, n'est donc
possible que dans les circonstances où celles-ci ne garantissent pas la sauvegarde de
l'ordre public, qu'aucune mesure n'ait été prise ou qu'elle soit lacunaire.
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Il en va ainsi en cas de nécessité, lorsqu'il faut agir sur le plan local alors que la
réglementation nationale se révèle insuffisante. C'est ainsi qu'un maire à pu, sur le
fondement de la moralité publique, interdire un film qui avait pourtant reçu son visa
d'exploitation.
C'est également possible lorsque l'urgence empêche de suivre les procédures
contraignantes de la police spéciale. Dans cette hypothèse, les mesures de police
générale seront légales, en dépit de la compétence de principe de la police spéciale.
Section III :
Le régime juridique des mesures de police administrative
I- Des mesures contraignantes
La police administrative, en recherchant le maintien de l’ordre public, a nécessairement
un caractère autoritaire. Par définition, les mesures de police portent atteinte aux
libertés individuelles.
Malgré leur caractère contraignant, les mesures de police peuvent néanmoins créer des
droits au profit des administrés.
Exemples :
- règlement interdisant l’accès à une voie publique, sauf pour les riverains ;
- interdiction d’une manifestation bruyante assurant la tranquillité des riverains.
Toutefois, les mesures de police ne créent jamais de droits acquis pour l’avenir. C’est-àdire que l’administration est toujours libre de décider leur modification ou leur
abrogation, pour n’importe quel motif d’intérêt général (principe de mutabilité).
II- Des mesures soumises à certaines contraintes
Pour éviter tout risque d’arbitraire en matière de police administrative, la jurisprudence
lui impose trois contraintes :
➪ elle la soumet au respect des libertés publiques ;
➪ elle la contraint à prendre en compte le droit de la concurrence et la liberté du
commerce et de l’industrie ;
➪ et elle institue dans certains cas une véritable obligation d’agir à la charge des
autorités de police administrative.
1- Le respect des libertés publiques
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Plusieurs contraintes garantissent que les actes de police administrative ne nuisent pas
aux libertés publiques.
1.1- L’interdiction de les soumettre à un régime d’autorisation ou de déclaration
préalable
Par principe, l’autorité de police administrative n’est pas compétente pour soumettre
l’exercice d’une liberté publique à un régime d’autorisation ou de déclaration préalable.
Le législateur est seul compétent pour décider de soumettre à un tel régime l’exercice
d’une liberté publique.
Il n’y a de dérogation à ce principe que lorsque l’exercice de la liberté en cause
suppose une occupation privative du domaine public.
1.2- L’obligation de n’y porter atteinte que dans la mesure du strict nécessaire
Les nécessités de l’ordre public obligent parfois les autorités de police administrative
générale à porter atteinte à l’exercice d’une liberté publique. Mais le Conseil d’Etat
n’autorise ces atteintes que dans la mesure où elles sont nécessaires au maintien de
l’ordre.
Ainsi, le juge va effectuer un contrôle de proportionnalité entre la mesure de police
attaquée et le motif invoqué par l’autorité de police pour la justifier. Toute
disproportion, même minime, entraîne l’illégalité de la mesure, et donc son annulation.
D’où la maxime «la liberté est la règle et la restriction de police l’exception». Ce principe
a notamment été énoncé à l’occasion de l’arrêt CE -19 mai 1933 - Benjamin
1.3- La prohibition des interdictions «générales et absolues»
La jurisprudence répugne à reconnaître la légalité des interdictions de grande ampleur,
qu’elle qualifie de “générales et absolues”, et ce pour deux raisons principales :
➪ une interdiction générale et absolue s’avère très souvent disproportionnée par
rapport aux nécessités de l’ordre public, car une mesure plus douce est presque
toujours possible.
➪ une interdiction générale et absolue équivaut à supprimer l’exercice d’une liberté
publique. Or une telle suppression ne doit être acceptée qu’avec la plus extrême
prudence.
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CE Sect. 0/05/1984 - Guez :
Le Conseil d’Etat a annulé l’arrêté par lequel le préfet de police interdisait les activités
musicales et les attractions de toute nature dans les 147 voies et places de Paris
réservées aux piétons.
Il s’agissait d’une interdiction “beaucoup trop générale et absolue tant par son objet
que par son champ d’application dans l’espace et dans le temps” :
➛ par son objet, car si le préfet de police pouvait interdire les instruments
bruyants (percussions) et les attractions dangereuses (cracheurs de feu), il ne
pouvait interdire de façon générale toute activité musicale et toute attraction.
➛ par son champ d’application dans l’espace, car si la mesure pouvait se justifier
dans certaines rues étroites, tous les lieux visés ne présentaient pas le même
caractère de dangerosité.
➛ par son champ d’application dans le temps, car la mesure ne se limitait pas à la
nuit, mais à l’ensemble de la journée.
Bien évidemment, il peut malgré tout arriver qu’une interdiction soit jugée légale en
dépit de son caractère général et absolu, dans les rares cas où il s’avère impossible de
maintenir l’ordre public par des mesures moins contraignantes.
2- L’obligation de prendre en compte le droit de la concurrence et la liberté du
commerce et de l’industrie
Depuis l’an 2000, un avis du Conseil d’Etat met à la charge des autorités de police
administrative l’obligation nouvelle de “prendre en compte le droit de la concurrence”.
Exemple :
Un maire doit désormais veiller, lorsqu’il réglemente l’affichage, à ne pas créer, au profit
de telle ou telle entreprise de publicité, une “position dominante” injustifiée.
3- L’obligation d’agir des autorités administratives
Lorsque l’ordre public est menacé par des troubles, les autorités de police
administratives doivent utiliser leurs pouvoirs de police pour faire cesser ces troubles.
Concrètement 4 obligations d’agir peuvent être distinguées :
➪ Obligation d’édicter un règlement de police lorsque celui-ci est nécessaire pour faire
cesser un trouble grave à l’ordre public.
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➪ Obligation de prendre un acte individuel de police lorsque celui-ci est nécessaire
pour faire cesser un trouble grave à l’ordre public.
➪ Obligation d’appliquer un règlement de police, c’est-à-dire que l’autorité de police
est obligée d’appliquer les règlements légaux en vigueur, qu’il s’agisse de règlements
émanant d’elle-même ou de l’autorité supérieure.
➪ Obligation d’exécuter un acte matériel de police. La jurisprudence impose dans
certains cas aux autorités de police administrative de prendre les dispositions
matérielles nécessaires pour permettre une intervention rapide des secours en cas
d’accident.
77
Chapitre III :
Les actes de l’administration
78
Chapitre IV :
Le contentieux de l’administration
79
Chapitre I :
La responsabilité de l’administration
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